Tumgik
#guindé
laurearte · 1 year
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Deux zincs au gala de charité (Meruem s’ennuie à mourir et Koruto s’apprête à se soûler au champagne parce que les gens blindés guindés le mettent mal à l’aise)
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amerrante · 4 months
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Mon illisible livre sacré.
Me vois-tu errer dans le cimetière de notre histoire ? Tu me manques tellement parfois que mon cœur explose. Et voilà ce que tu as fait de moi, je pense à toi et je ravale ma douleur comme un shot d'alcool. Sec, brûlant, brûlure, frisson, apaisement.
Quelle douleur. Quelle malédiction.
Et je me souviens. Je me souviens de ton regard espiègle, et la douceur de tes mains quand tu me touchais, je sens encore ton odeur quand je m'approche trop près d'un chic café de Paris. Où mon budget de la semaine pourrait s'envoler. Mais toi, tu pouvais y passer la matinée. Et tout ce monde guindé te connaissait, sais-tu à quel point tu m’impressionnais ?
Tes cheveux blonds grisonnants flottaient dans le vent si tu ne les attachais pas. Maintenant j'ai un faible pour les hommes aux cheveux longs et tout ça par ta faute. Quelle stupidité de t'avoir cru quand tu me disais que j'étais unique, j'imagine que maintenant je le suis devenu, non ?
Tu avais toujours cette longue veste noire sur toi, toujours élégamment propre, tu étais l'homme le plus sexy de tout Paris, mais tu le savais non ? Tu cueillais les filles comme des fleurs en pleine prairie. Moi, tu m'as arraché, tu m'as enfermé dans ton bocal, condamnée à rester derrière la glace à t'observer pour toujours.
Tu me fascinais, tes airs mystérieux, toujours un demi-sourire accroché aux lèvres. Tes yeux de ce bleu glacial, tu as glacé mon cœur. Ta barbe de quelques jours frottant sur ma peau vierge m'arrachant des gémissements. Mais tu étais un professionnel, non ? Le danger nageait autour de toi, et ton univers sanglant, tu me l'as fait découvrir au point où j'en suis tombée amoureuse. Je ris encore en t'imaginant secouer la tête, toi qui pensait que j'allais fuir.
Mais je n'étais pas en reste non plus, tu connaissais tous mes penchants sombres, tu les as juste nourris davantage. Je te fascinais tout autant, si ce n'est plus. Je me demande si tu avais pensé à tout ça. Tu m'as retiré l'espoir de retrouver une vie paisible car le danger que tu représentais serait à jamais trop vibrant.
Et les nouvelles chansons que je découvre chaque semaine, il y en a toujours une qui parle de toi. À croire que toutes ces jeunes femmes brisées t'ont connu, ont goûté et succombé à ta noirceur, à ton charme destructeur. Et ne penses pas que je te déteste car tu le sais que c'est impossible pour moi. Tu étais beaucoup trop intelligent dans tes piques, dans tes manipulations pour que je puisse jamais t'en vouloir pleinement. Mais est-ce de la manipulation quand tu as conscience qu'on te manipule ? Et que tu aimes ça ?
Et les clubs où tu m'emmenais les soirs où le vide de mon cœur me poussait inexplicablement dans tes bras, la lumière aveuglante et la musique atroce me donne encore la migraine quand j'y repense, mais au moins je t'avais près de moi. Tes doigts sur ma cuisse, ton bras entourant mes épaules, protecteur. Tes chuchotements dans mon oreille, ta langue me chatouillant le lobe, ton parfum enivrant. Tu étais le soleil aveuglant de mes journées grises et moroses. Je n'ai jamais pu retrouver cette sensation, tu sais ? Car toutes ces personnes qui ont défilé après toi ne m’ont pas fait vibrer comme toi, ils ne me connaissaient pas comme toi tu m'as connu.
Tu me connaissais par cœur, mieux que moi-même parfois et je pouvais tout lire chez tout le monde mais toi, tu étais mon illisible livre sacré. Et je te vénérais. Quelle fraîcheur je t'apportais, n'est-ce pas ? La jeunesse innocente, l'odeur de mes câlins, la douceur de ma voix. Tu disais que j'étais ton joyau le plus précieux. Et tu pouvais faire tout ce que tu voulais de moi, tu le savais, n'est-ce pas ?
Tu savais tout évidemment, tu étais omniscient.
Tu étais dans ma tête traçant le moindre de mes gestes, tu avais un coup d'avance sur chacune de mes actions, tu lisais littéralement mes pensées. Tu étais dans mon corps m'arrachant cris et soupirs, enfermée et ligotée, j'étais là à ta merci, un cadeau empoisonné pour toi. Tu t'en es rendu compte trop tard. Tu étais dans mon cœur surtout, tu es arrivé et tu t'y es installé comme si c'était ton royaume, refermant les portes derrière toi pour toujours, ne laissant jamais personne entrer.
Et tu m'as reconditionné, moi toute cassée. Mais à ta façon. Tu as fait en sorte que je sois parfaite pour toi, répondant qu'à tes désirs, qu'à ton souffle, j'étais ta petite marionnette déguisée en princesse. Une poupée parfaite faite sur mesure, que demander de plus ? Et tu as été malin dans tout ça. Mais est-ce que je peux t'en vouloir ? J'aurai donné ma vie pour toi, littéralement.
Et tu as tellement bien fait les choses ; tu serais heureux de savoir que ton souvenir est collé à ma peau aujourd'hui, je respire ton nom dans mes cauchemars mais aussi dans mes rêves les plus doux. Personne n'a jamais réussi à me faire frissonner comme tu savais si bien le faire. Si facilement. Pas étonnant que tu sois devenu fou, tu étais obsédé comme personne ne l'a jamais été. Tu  m'aimais, oui, je suis sûre, sincèrement mais pas de la façon la plus saine. Oserais-tu me contredire ?
Et quand je t'ai perdu, la douleur m'a scindé le cœur. Et j'ai tant essayé de t'effacer qu'à un moment ça a vraiment marché. Tant que j'étais la première étonnée quand je me suis souvenue de toi, j'ai plongé dans mon esprit pour retrouver cette histoire sombre, la réécrire à ma façon. Mais malgré la centaine de versions différentes, la fin ne change jamais.
Et les soirs où la tempête gronde, je pense à toi, quelle probabilité de rencontrer le Diable en personne ? Tant de mensonges et de regrets, voilà sur quoi tu me laisses. Un fantôme du passé qui vient me hanter tous les soirs.
Mais tu ne t'attendais pas à autant de fougue de ma part, autant de haine, tu as été étonné que je puisse contenir tant de ressentiments. Quel petit corps et quelle énergie ! me disais-tu. Le penses-tu encore ? Alors parfois, je me satisfais de l'idée que tu me regardes et tu vois les dégâts que tu as causé. Je suis sûre que tu regrettes, tu me l'as dit tant de fois de ta voix torturée, de tes yeux brillants de larmes, tes mains tremblantes cherchant à apaiser mon âme.
Mais tu étais fort dans tout ça, tu aurais pu le mettre dans ton CV, les portes des Enfers étaient grandes ouvertes à ton arrivée j'imagine, mais tu sais que malgré tout cela, je te rejoindrai là-bas et je serai ta compagne loyale pour les sévices qu'ils nous infligeront.
Car au fond de moi, je sais que j'étais la complice de mon propre malheur et tu étais le pirate de mon navire. Mais cette tragédie devait avoir une fin, non ? Alors dis-moi, me sens-tu errer dans le cimetière de notre histoire ?
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aurevoirmonty · 7 months
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Vous ne reconnaissez sans doute pas cette femme qui est effectivement inconnue du grand public : c'est Valérie Hayer, choisie par la macronie pour représenter la secte du président Macron aux prochaines élections européennes.
Le logo qu'elle porte sur son vêtement est celui du lobby transactiviste LGBT.
Cette dame qui présente sur la forme tous les apparats de la bourgeoisie guindée de Versailles est en réalité un pur produit du wokisme crade façon Evergreen.
Que les électeurs bourgeois de Macron qui rêvent pour leurs enfants d'un destin qui passe par les grandes écoles et les grands cabinets sachent que celle pour qui ils s'apprêtent à voter est favorable à la promotion et à la banalisation de l'idéologie trans qui, elle, n'attend que le moment de venir dire à vos gosses à quel point c'est génial et progressiste de changer de sexe, de prendre des traitements hormonaux lourds et de passer par le bloc opératoire de quelque savant fou qui acceptera de retirer son pénis à votre fils et ses seins à votre fille, à grands coups de lame stérilisée.
Le macronisme est la branche costard-cravate du wokisme. Cela aussi il faut le répéter partout, il faut montrer la réalité sordide qui se cache derrière les masques BCBG de cette secte.
Jonathan Sturel
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borisdunand · 9 months
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Noël entre Collonge-Bellerive et Vandœuvres: un ciel plus guindé encore.
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Les montagnes russes de l'écorchée vive
Ma vie est un Grand Huit couplé au Train Fantôme Où je suis embarquée dans un wagon blindé Sans occasion de fuite et sans espoir guindé Par le parcours qui s’ouvre avec mes hématomes.
Chaque tournant m’entraine, ainsi chaque symptôme Est signe d’un syndrome au bon hasard d’un dé, Mon corps est arraché et mon esprit scindé Cherche un langage, un art, un moyen qui l’embaume.
J’ai beau me retenir sur les bords du manège, J’ai mal à en mourir : émotions sensations Qui sont, tout à la fois, et piège et privilège.
Et quand, de bas en hauts, bien calée dans mon siège, Je laisse l’attraction devenir sortilège : Autour de moi je sens la beauté des passions.
- Fabienne PASSAMENT. 2023
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« La bourgeoisie progressiste – ces nouveaux Rougon-Macquart déguisés en hipsters – n’achète plus d’hôtels particuliers dans le XVIe arrondissement, mais des lofts à un million d’euros à Montreuil. Cette bourgeoisie a ceci de particulier qu’elle maîtrise parfaitement les codes culturels et médiatiques de la société multiculturelle actuelle, qu’elle est en phase avec le narratif dominant, celui de Netflix, pour aller vite. Elle n’est pas guindée comme l’ancienne bourgeoisie conservatrice. Elle est dans le cool et la “positive attitude”, pour reprendre l’emphase communicationnelle des entreprises multinationales. Comme nous l’avons vu, cette bourgeoisie écolo se soucie beaucoup de l’empreinte carbone (des salauds de pauvres qui polluent). Mais quid de sa propre “empreinte sociale” ? Notez que je cible beaucoup cette bourgeoisie parce que je pense qu’elle est la garantie de survie du modèle néolibéral – c’est cette bourgeoisie-là, ce gros 20%, qui, alliée aux retraités, arrive à faire une majorité électorale macroniste. »
Christophe Guilluy
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nextposition1 · 2 years
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“…il avait même souci que son élégance n’allât pas au-delà ni ne s’écartât d’une correction strictement réglementaire. Et c’est sans déplaisir qu’il entendit un jour, dans un cercle de dames, exprimer cet avis pertinent que la coupe longue et guindée de l’uniforme, les couleurs criardes du drap, lui allaient assez mal, bien plus, qu’une veste de velours brun, à l’artiste, et une cravate lâchée lui siéraient mille fois mieux. Que l’uniforme eût néanmoins pour lui une bien plus haute signification s’explique en partie par une persévérance héritée de sa mère, laquelle s’attachait opiniâtrement aux habitudes une fois prises. Parfois, tout en gardant rancune à sa mère de sa soumission sans murmure aux décrets de l’oncle Bernhard, il avait le sentiment que cette tenue était la seule possible pour lui. Ce qui est fait est fait et quand on a pris l’habitude, dès sa dixième année, de porter l’uniforme, celui-ci vous entre dans la chair comme une tunique de Nessus et nul, Joachim moins que tout autre, ne peut dire alors où finit son moi, où commence l’uniforme. Et c’était aussi plus qu’une habitude. Car sans que sa profession militaire eût pris racine en lui ni lui en elle, l’uniforme était devenu un symbole à sens multiple et il l’avait, au cours des ans, étoffé et engraissé d’un si grand nombre de notions qu’il n’aurait guère pu s’en passer, désormais blotti et isolé en lui, isolé du monde et de la maison paternelle, épousant les bornes de cette sécurité et de cet isolement ou du moins ne remarquant guère que cet uniforme ne lui laissait qu’une étroite bande de liberté personnelle et humaine, pas plus large que celles des manchettes empesées permises aux officiers.”
Les somnambules, Hermann Broch
page 27
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struckbythestars · 2 years
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Bonjour, bonsoir peut-être, et si comme nous vous ne vous embêtez pas avec les salutations guindées : Coucou,coucou !
On voulait faire un petit post pour présenter la fanfiction que nous sommes en train d'écrire, parce que... et bien, elle nous tient à cœur cette histoire !
1975, Poudlard :
En ces temps sombres et troubles, les élèves du collège Poudlard sont encore à l'abri au sein des murs du château. Il s'agit aussi de la cinquième année des Maraudeurs, de Lily, Mary, Marlène, Dorcas et de Severus Rogue. Entre romance, chamailleries, anniversaires surprises, transformation en animagi, magie noire, trahisons et parfois comédie musicale, les adolescents devenus trop vite adultes doivent faire face au monde qui les attend après qu'ils aient passé leurs ASPICs. La guerre est toute proche mais l'insouciance doit encore subsister.
Nous espérons que ce résumé vous a plu ou tout au moins intrigué et on vous retrouve bientôt avec un extrait du premier chapitre.
XOXO, les autrices.
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christophe76460 · 4 months
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La CRAINTE de l’Éternel ENSEIGNE la SAGESSE ,
Et L’HUMILITÉ PRÉCÈDE la GLOIRE. (Prov 15:33)
Mon frère ou ma sœur soit humble, le Seigneur Jésus Christ lui-même était humble, lui le maître était venu pour servir et non pour être servi
Nb de nos jours il y'a des hommes de Dieu guindés, que Dieu nous aide
Luc 18:10-14
Deux hommes montèrent au temple pour prier; l’un était pharisien, et l’autre publicain.
👉Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même:
O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce publicain;
je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus.(c'est de l'orgueil)
👉Le publicain, se tenant à distance, n’osait même pas lever les yeux au ciel; mais il se frappait la poitrine, en disant: O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur.
(c'est l'humilité)
Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l’autre.
#Car_quiconque_s_élève_sera_abaissé, et #celui_qui_s_abaisse_sera_élevé.
De même, vous qui êtes jeunes, soyez soumis aux anciens. Et tous, dans vos rapports mutuels, #revêtez_vous_d_humilité; car Dieu résiste aux orgueilleux, Mais il fait grâce aux humbles.
Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu’il VOUS ÉLÈVE au temps Convenable; (1 Pi 5:5-6)
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lefeusacre-editions · 7 months
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ELLIOT RODGER, ICARRIE, par Ulrich Conrad
"La Bête", le nouveau film de Bertrand Bonello sorti en salles le 07 février, fait remonter à la surface, dans l'une des époques que traverse son récit, un spectre vieux de dix ans : celui d'Elliot Rodger, l'adolescent responsable de la tuerie d'Isla Vista en mai 2014. L'occasion pour le Feu Sacré de revenir sur la dernière vidéo postée par le tueur juste avant sa virée sanglante. Portrait et analyse de ce Carrie au masculin.
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Assis confortablement au volant de son coupé BMW 328i noire, funeste studio motorisé de ses vlogs en série, Black Maria de 193 chevaux au point mort, garée en ce 22 mai 2014 face à la plage de Santa Barbara, Californie, où il attend que le soleil finisse de s’évanouir derrière l’horizon, Elliot Rodger enclenche la prise de vue sur l’écran tactile de son iPhone dernier cri qu’il vient de poser sur le tableau de bord. Venait-il de répéter dans les grandes lignes les principaux points de son oraison filmique avant de lancer l’enregistrement ? Ou bien avait-il si religieusement potassé son script, My Twisted World, ce « manifesto » mis en ligne dix minutes avant son carnage (141 pages de démence misogyne), qu’il avait toute confiance en le flonflon de son flow erratique d’improvisateur guindé et maladroit ?
Pour son dernier prêche, l’image full HD restera légèrement floue : décidément sa patte visuelle – son volant en amorce ayant toujours déréglé la mise au point automatique de l’appareil. Son ultime trouvaille de mise en scène, logique pour ce spectateur privilégié et complaisant de son propre malheur de gosse de riche : un crépuscule dorée digne d’un spotlight géant d’Hollywood – où son père travaille, du reste – qui, à travers le pare-brise, surcadre et irradie le visage de l’adolescent, qui a dû penser, cette veille de son passage à l’acte, que le soleil complice et révérencieux s’éclipsait juste avant lui.
Les ombres des voitures et des passants au loin qui se projettent sur sa bouille de mauvais acteur arrogant forment un obturateur urbain intermittent du plus somptueux effet, épousant son tempo particulier : lent, serein, souverain. Le dispositif de sa vidéo (lui en pleine lumière, les autres réduits à des silhouettes noires) ne laisse plus aucun doute : jusque dans sa résolution meurtrière, Rodger aura infléchi le paysage à ses soliloques de grand prince charmant psychotique. Il aura été au bout de cette victimisation de l’homme bon, doux, raffiné, aimant et oublié qu’il s’ingéniait à modeler ; au bout du revers brutal de son romantisme pleurnichard et châtié qui, arrivé à bout de patience, sera celui du châtiment sans pitié : Elliot Rodger’s Retribution, intitulera-t-il son pamphlet. Sept minutes de monologue sur fond orangé, réitérant l’incompréhension dont il dit avoir été l’objet depuis de trop nombreuses années, et qui devaient l’amener à la nuit rouge et sanglante d’Isla Vista où il fera parler la poudre. Roger, Elliot Rodger !
Ce retournement, seul un homme pathologiquement esseulé en était capable, pour qui son monde, LE monde, pour lui permettre un temps d’y subsister, et au final de lui donner la force de faire périr ses semblables, devait lui donner l’impression qu’il ne tournait que pour lui. S’il s’était détesté avec une répugnance aussi farouche que celle qu’il vouait à la terre entière, il n’aurait jamais commis ses crimes. Contrairement à ce qu’il n’a eu de cesse d’haranguer, ce n’est pas sa haine incommensurable des autres qui lui a fait prendre les armes, mais bien son amour immodéré de lui-même. En marge des coups de feu tirés au hasard au volant de son corbillard bling-bling, de sa mission punitive à la sorority house de l’Université, sa Christine entre les mains, il percutera une dizaines de piétons, de cyclistes, de skateboarders, avec la même inconséquence aveuglée d’ego divin qu’un joueur de GTA. « Well, now I will be a god compared to you, you will all be animals », disait-il d’ailleurs au climax de son selfie d’adieu.
Comme toutes les vidéos qu’il avait publiées jusqu’ici sur sa chaîne YouTube, il avait commencé son laïus plaintif par un sempiternel : « Hi, Elliot Rodger here ! » – sorte de « This is the Zodiac speaking » du tueur anonyme le plus célèbre du nord de la Californie – puis, comme souvent là aussi, ce fut la beauté toxique du monde environnant qui l’avait incité d’abord hypocritement à ouvrir la bouche. Un panorama luxuriant, au choix, d’un parking VIP, d’une vallée, de son quartier, d’un cour de golf, d’un parc ou d’un coucher de soleil – parfois un délicieux vanilla latte de Starbucks en main, et une paire de lunettes Giorgio Armani, elle, invariablement accrochée au col de sa chemise. En une dizaine de complaintes filmées, Rodger a circonscrit la topographie paradisiaque de son grand alibi.
Car son excuse, bien qu’il n’en fit mention nulle part, c’était donc justement son train de vie d’enfant de star pourri gâté qu’il étalait à tout bout de champ. Il faut avoir vu le contenu de son compte Facebook (depuis clôturé) : un autel mégalo et clinquant asphyxiant ; une pornographie narcissique et huppée débridée. Dans son esprit, ce devait être parce qu’il ne lui manquait strictement rien qu’il pouvait alors légitimement s’ériger avec intransigeance et sévérité en chantre du manque, faire de l’amour son caprice suprême ; et parce que sa vie de rêve n’intéressait personne voudra-t-il transformer celle des autres en un cauchemar macabre. Que les autres puissent s’accommoder de vivre sans lui, voilà sans doute ce qu’il leur enviait tant, ce qui lui était invivable – ce qu’il appelait à tour de spleens vidéographiés « a better life ». « Indeed, a too much wonderful life ! » Un scénario digne de Capra filtré par le prisme du ressentiment, ce film préféré des fêtes de Noël aux États-Unis dans lequel un homme sur le point d’en finir (interprété par James Stewart) se voit offrir l’opportunité d’assister à la vie de ses amis s’il n’était pas né. La chance du premier devint l’injustice du second ; le miracle de l’individu, un individualisme destructeur. Au renoncement à la suppression du personnage de Stewart se substitua l’imposition violente de Rodger. L’hiver new-yorkais fit place aux vents chauds de la côte ouest. A l’ombre des palmiers s’écrivait un nouveau chapitre du mariage du Ciel et de l’Enfer…
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Son drôle de biopic est dorénavant un spectre qui hante depuis maintenant dix ans les tréfonds de la grande Toile – son compte YouTube ayant été conservé, amputé seulement de son apothéose ; un film éculé, rébarbatif, segmenté en séquences brouillonnes et pseudo-méditatives, encadré par deux ponants, laissant à loisir de se replonger en boucle dans cette tournée d’adieu d’éphèbe gâteux, de son improvisation sans pudeur à l’improviste de son geste criminel. Un mélo soigné qui doit son carton post-mortem à son dénouement bâclé, amateur et suicidaire.
La seule compagnie que l’on a pu croiser dans l’une des vignettes de son ego-trip, c’était celle de son demi-frère : Jazz. iPhone à la main, il le suivit occupé à dessiner au sol avec un bout de roche calcaire du haut d’une colline surplombant leur quartier, l’Overlook (sic !), puis, sur son consentement, à jeter l’ustensile rudimentaire en direction des habitations. On entend qu’il lui parle, sans que l’on puisse toutefois distinguer ses mots, le vent qui soufflait en rafale ce jour-là faisant crépiter la membrane du micro intégré de son portable, tel un bruitage naturel et modulable de mitraillette semi-automatique sur cette toile d’ennui pavillonnaire, rendant quasi-inaudible ce moment intime d’une exception, du coup, presque douteuse. Jazz s’éloignait et Elliot le laissait partir dans le fond du plan, panoramiquant plein cadre vers le soleil au zénith au-dessus d’eux pendant une poignée de secondes avant, ébloui et les pixels grillés, d’interrompre la prise. Un malaise sourd, depuis, en revoyant les images… Peut-être ses allers-retours rapides de caméra subjective sur le paysage… Réflexe de tueur inquiet d’être épié… Un côté Hitchcock à la petite semelle : la scène dans Soupçons où Cary Grant veut faire admirer le récif vertigineux (où, endetté, il planifie en réalité de s'y jeter en voiture) à une Joan Fontaine déjà bien suspicieuse… Et ce Icare, n’aimant pas les happy-ends, de confirmer plus tard sur son laptop, dans son mémoire, qu’il prévoyait effectivement après la tuerie de supprimer ce concurrent qui, un jour ou l’autre, lui aurait fait de l’ombre.
S’il prétendait diriger sa vindicte sur tout ce qui l’entourait, le cercle gynophobe étroit de Rodger avait bien un centre, un foyer où bouillait en silence sa rage revancharde, une fillette de dix ans à l’époque qui, à ses yeux, se sera rendue bien plus coupable qu’il ne se le rendra lui-même : il s’agit d’une certaine Monette Moio, mannequin dont le père, comme le sien, officie également à Hollywood. Son père, Peter Rodger, réalisateur de seconde équipe sur le premier volet de la série Hunger Games, en a filmé des ados et leur compétition féroce déguisée en fable bien proprette, leur âme de matamore prête à tout édulcorer en jeu de cirque insurrectionnel. L’élève a dépassé le maître. Le fils a dépassé le père. Et les monstres égotistes, s’ils font une priorité absolue (et impossible à assouvir) qu’on les aime plus qu’ils ne s’aiment déjà eux-mêmes, ne sont en revanche jamais avares d’imputer la faute de leur monstruosité à ceux qu’ils désignent comme plus monstrueux qu’eux. Le véritable monstre est d'abord un incurable irresponsable. C’est pourquoi tout ce qui est innocent lui retourne les tripes. L’innocence est une humiliation qu’il reçoit comme une moquerie indélébile, une provocation permanente. La rivalité entre Rodger et les femmes découle de ce schéma-là. Avec sa peau lisse, l’orbe poupin de son faciès, ses lèvres charnues, à la croisée des genres et des sexes, imberbe comme une fille, combien il devait lui être extatiquement insupportable de contempler son visage dans la glace ! Que cherchait-il en le scrutant et le photographiant sous tous les angles pour ensuite l’archiver minutieusement ? L’horreur de l’hormone… Ce miroir qui devait lui renvoyer une image en creux de l’ennemi et qu’il portait sur sa figure comme une filiation irréversible. La Mort qui prend la relève de la puberté pour lui façonner son masque orgueilleux et psychopathe de minet efféminé. Cette Mort qui travaillait à le faire ressembler à ce qu’il détestait. Si « awesome », « magnificent », « sophisticated », « superior » ! Ce sera son verdict… Le brun corbeau comme couleur de l’eugénisme chic ! Toutes ces blondes crâneuses, pulpeuses, superficielles et grotesques de Californie… Lui aussi, l’« alpha male », revendiquait au fond le droit à être une pétasse comme les autres ! « Quick, un Glock 34, un SIG Sauer P226 pour me refaire une beauté ! » COUIC ! Plus fleur bleu que ces fleurs du Mal dont le soleil semble être passé dans les cheveux, qui lui faisaient dresser la tige ; la reine de bal a toujours une cartouche supplémentaire à jouer, il faut le savoir désormais, dans la chambre de son flingue 9 mm… « Elle m’aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout… PAN ! »
Pour la postérité, ce bully badigeonna de jaune son dernier autoportrait, à mi-chemin entre un fond de teint à la carotène de soleil trop mûr et un Bonnard effrayant. Il avait dû préparer toute la journée, encore et encore, son petit rire démoniaque, sa marque de fabrique surjouée qu’il se plaisait à glisser en conclusion de ses punchlines les plus aguerries. Assurément, son rictus stylé devait toujours se lire sur son visage quand on retrouva sa gueule de puceau angélique étalé sur le revêtement pur cuir de son auto cabossée. Le sang avait remplacé la feuille d’or. Les cavalières ne dansaient plus mais gisaient sur le sol. La palabre s’était finalement interrompue. Ce soir-là, la drague avait été mortelle.
Elliot Rodger, ça aura été Carrie au pays du Spring Break.
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Illustrations : Guillemette Monchy.
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ouipops · 1 year
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le mec mortel
en ce moment j'envisage l'idée de ne plus être 100% réfractaire au couple
mais y'a un problème, c'est que aucun mec ne me plait vraiment
alors jme suis dis
c'est quoi le mec idéal ?
Jeune demoiselle recherche un mec mortel mais pas exactement le même que le ga de diams
mon mec est ambitieux et passionné, je m'en tape de la carrière ou du salaire, mais il kiffe à 100% ce qu'il fait, il veut toujours travailler mieux pour vibrer plus fort
mon mec me stan mais pas trop, il sait que je suis une reine mais il sait aussi me dire quand il trouve que je me dépasse pas assez, qu'il manque un truc dans mon travail ou jsp (si je veux qu'on me dise que c'est bien, je demande à ma mère comme dit Quentin)
mon mec me film et me prend en photo instinctivement parce que je suis une muse et que j'ai besoin de capitaliser sur moi-même
mon mec est caméléon, il peut kiffer boire une bière à un open mic sur un bout de trottoir ou une coupe de clairette de die dans un pot d'entrepreneurs guindé 
mon mec a des valeurs et du respect pour ses soeurs. Mon mec est respectueux et généreux avec les autres, il aide les inconnus, il est poli, il insulte personne, il voit le bon en chacun, il appelle souvent ses grands-parents et sa petite soeur, il me dit « dsl je pourrais pas rep ce week-end je pars camper avec ma meilleure amie d'enfance »
mon mec AIME le rap, genre si il aime pas ma playlist ça pourra jamais le faire, mais en même temps nous vois bien écouter des style de rap différents. Genre moi glitchcore et lui rap US ou un truc comme ça. On Digg des sons dans différentes sphères quoi
mon mec kiffe des trucs qui me sont plus ou moins indifférents et insiste pas trop pour que je me passionne avec lui. genre le ciné, la poésie italienne, les jeux vidéos des années 90, ou le MMA. Et parfois je me laisserais même tenter à partager son univers (pas trop longtemps mais avec plaisir)
mon mec aime le sport, en pratique et à regarder. Il est compétitif mais pas mauvais joueur. Il prend pas mal le fait que je lui mette un petit pont en public, au contraire il est fier que sa meuf soit forte. Il aime qu'on partage des moments sportif ensemble, il m'enmène grimper et je l'emmène danser
mon mec a un côté artistique, genre le week-end il fait des dessins à l'encre de chine
mon mec a sa vie à lui, ses potes, ses passions, il a pas besoin de moi, jsuis juste un plus (un plus considérable certes)
mon mec habite pas dans ma ville, mais à Lyon, Marseille ou Paris, et on se voit 2 fois par mois, une fois je monte chez lui, une fois c'est moi.  
mon mec est pas trop à cheval avec la notion d'exclusivité en couple, y'a pas mort d'homme à aller voir ailleurs de temps en temps
mon mec voit pas où est le problème avec le fait que je sois tactile avec les gens que j'aime et que j'ai beaucoup d'amis garçons et que je les appelle longtemps au tel le soir solo, et que je fasse la sieste avec eux. Il a pas de problèmes de confiance en lui et sait que je l'aime même quand je fait soirée foot avec mes boys et que je lui rep pas avant le lendemain
mon mec a des amies filles, il est extraverti comme moi et se ressource en étant avec les autres. quand on va en soirée chacun fait sa vie car on est indépendants, mais on se check l'un l'autre voir si on se sent bien
mon mec me fait rire comme Jamel ett me fait la cour sur du Cabrel. mon mec est DRÔLE et n'est pas gêné quand je fais des blagues beauf en public, c'est le premier à rire
bref
je ferais lire ça à mon prochain gars voir si c'est bon mais en attendant :
road to 1 000 jours de célibat <3
(édit 24/12/2022 : mon mec fume pas le j. Tolérance pour les soirées de temps en temps)
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traitor-for-hire · 1 year
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Les Quatre Filles March, Chapitre 43
Surprises
Jo était seule au crépuscule, allongée sur le vieux sofa, en train de contempler le feu, perdue dans ses pensées. C’était là son passe-temps favori à cette heure. Personne ne la dérangeait, et elle avait l’habitude de reposer sur le petit coussin rouge de Beth pour planifier des histoires, rêver, ou penser tendrement à la sœur qui ne semblait jamais bien loin. Elle avait l’air fatiguée, grave, et plutôt triste, car le lendemain était le jour de son anniversaire et elle se disait que les années passaient bien vite, qu’elle se faisait vieille, et qu’elle avait accompli bien peu. Elle avait presque vingt-cinq ans, et rien dont elle puisse se targuer — Jo avait tort à ce sujet ; car elle n’était pas sans avoir rien achevé et elle s’en rendrait compte peu à peu, avec reconnaissance.
« Une vieille fille — voilà ce que je vais devenir. Une célibataire dévouée à la littérature, avec un porte-plume comme époux, toute une famille d’histoires comme enfants, et dans vingt ans, peut-être, une bribe de renommée. Mais alors, je serai trop vieille pour en profiter — trop solitaire pour la partager et trop indépendante pour en avoir besoin. Enfin, je n’ai nul besoin d’être une sainte aigrie ou une pécheresse égoïste ; et, si j’ose dire, les vieilles filles vivent très bien leurs vies une fois qu’elles s’y sont habituées ; mais… » et Jo soupira, comme si cette perspective n’avait rien d’alléchant.
Elle l’est rarement, au début, et trente ans semble être la fin du monde quand on a vingt-cinq ans. Mais ce n’est pas aussi terrible que ça en a l’air, et l’on peut vivre heureux pour peu que l’on ait une vie intérieure riche. À vingt-cinq ans, les jeunes femmes commencent à parler de rester célibataires, tout en se promettant de ne jamais en arriver là. À trente ans elles n’en parlent plus, mais acceptent calmement le fait, et si elles sont raisonnables, se consolent en se rappelant qu’elles ont encore devant elles vingt années heureuses et utiles au cours desquelles elles pourront apprendre à vieillir avec grâce. Ne vous moquez pas des vieilles filles, mes jeunes amies, car souvent de tendres et tragiques romances sont remisées dans les cœurs qui battent si calmement sous les robes austères, et bien des sacrifices silencieux de jeunesse, de santé, d’ambition et même d’amour, embellissent leurs visages fanés à la vue de Dieu. Même ces sœurs tristes et aigries devraient être traitées avec gentillesse, ne serait-ce que parce qu’elles ont manqué le plus doux d’une vie. Et en les regardant avec compassion plutôt qu’avec dédain, les fraîches jeunes filles devraient se rappeler qu’elles aussi risquent de manquer la floraison. Que les joues roses ne durent pas une éternité, que les fils d’argent viendront se mêler au brun de leur chevelure et que, petit à petit, la gentillesse et le respect deviendront aussi agréables que le sont présentement l’amour et l’admiration.
Gentlemen, et par là je veux dire les garçons, soyez courtois envers les vieilles filles, aussi pauvres et ternes et guindées soient-elles, car l’unique galanterie qui en vaille la peine est celle qui est toujours prête à respecter l’ancien, protéger le faible, et servir la femme, sans prêter attention au rang, à l’âge, à la couleur. Rappelez-vous seulement les gentilles tantes qui ont non seulement sermonné et houspillé, mais également soigné et cajolé, trop souvent sans remerciements ; les ennuis dont elles vous ont tirés, les conseils qu’elles vous ont donnés d’après leurs expériences, les points que les doigts patients ont cousus pour vous, les pas que les vieux pieds ont consenti à faire, et remerciez ces chères vieilles dames avec les petites attentions que les femmes aiment à recevoir tout au long de leur vie. Les jeunes filles aux yeux clairs sont promptes à remarquer ce genre de choses, et ne vous en apprécieront que davantage. Et si la mort, qui est presque la seule puissance capable de séparer une mère et son fils, devait vous priver de la vôtre, vous serez certain de trouver un accueil affectueux et des attentions maternelles chez une Tante Priscilla, qui a conservé le recoin le plus chaleureux de son vieux cœur solitaire pour « le meilleur neveu au monde ».
Jo devait s’être endormie (comme le lecteur, je gage, durant ce petit sermon), car soudain, le fantôme de Laurie semblait se tenir devant elle. Un fantôme tangible, plus vrai que nature penché au-dessus d’elle, avec ce même air qu’il avait l’habitude d’arborer quand il était très ému et ne voulait pas le montrer. Mais, comme Jenny dans la ballade,
« Elle ne pouvait pas croire que c’était lui »,
et se contenta de le fixer dans un silence effaré, jusqu’à ce qu’il se penche et l’embrasse. Alors elle le reconnut, et se dressa d’un bond en s’écriant gaiement,
« Oh mon Teddy ! Oh mon Teddy !
— Chère Jo, tu es donc contente de me voir ?
— Contente ! Mon cher garçon, les mots ne peuvent exprimer ma joie. Où est Amy ?
— Ta mère est allée la chercher chez Meg. Nous nous y sommes arrêtés en chemin, et il n’y a pas eu moyen d’arracher ma femme à leur étreinte.
— Ta quoi ? » s’écria Jo — car Laurie avait prononcé ces deux mots avec une fierté et une satisfaction inconscientes qui l’avaient trahi.
« Oh, diantre ! ça m’a échappé », et il avait l’air si coupable que Jo lui tomba dessus en un éclair.
« Tu t’es marié ?
— Oui, mais je ne le referai plus jamais », et il tomba à genoux, les mains jointes, et sur le visage un mélange de malice, de gaieté et de triomphe.
« Vraiment marié ?
— Tout à fait marié, s’il te plaît.
— Miséricorde ; dans quel pétrin iras-tu te fourrer la prochaine fois ? » et Jo retomba assise avec un hoquet.
« Voilà des félicitations bien caractéristiques, mais pas exactement flatteuses », répliqua Laurie, toujours dans une attitude de pénitent, mais rayonnant de satisfaction.
« À quoi t’attends-tu, quand tu me coupes le souffle en te faufilant comme un voleur et que tu me fais ce genre de révélation ? Lève-toi, idiot, et raconte-moi tout.
— Je ne dirai pas un mot, à moins que tu me laisses reprendre mon ancienne place, et promettes de ne pas te barricader. »
Jo rit comme elle n’avait pas ri depuis bien des jours, et tapota le sofa en guise d’invitation en disant chaleureusement, « Le vieux coussin est dans le grenier, et nous n’en avons pas besoin. Alors viens te confesser, Teddy.
— Comme c’est bon de t’entendre dire “Teddy” ! Tu es la seule à m’appeler ainsi », et Laurie s’assit avec un air ravi.
« Comment t’appelle Amy ?
— Milord.
— C’est bien d’elle. Eh bien, c’est que tu en as l’air ! », et le regard de Jo trahissait clairement qu’elle trouvait son garçon plus beau que jamais.
Le coussin n’était plus là, mais il y avait tout de même une barricade — naturelle celle-ci, dressée par le temps, l’absence et les fluctuations des sentiments. Tous deux en étaient conscients, et pendant une minute ce fut comme si cette barrière invisible se dressait entre eux. Mais elle disparut aussitôt, car Laurie, avec une vaine tentative de dignité, demanda :
« Est-ce que je n’ai pas l’air d’un homme marié et d’un chef de famille ?
— Pas le moins du monde, et tu n’en auras jamais l’air. Tu es devenu plus grand et plus beau, mais tu es toujours le même vaurien.
— Allons, Jo, tu devrais vraiment me traiter avec plus de respect », commença Laurie, qui s’amusait énormément.
« Comment le pourrais-je, quand la seule idée que tu sois marié et rangé est si irrésistiblement drôle que je ne peux garder mon sérieux ! » répondit Jo, avec un sourire jusqu’aux oreilles, si contagieux qu’ils rirent à nouveau de concert, avant de se lancer dans une bonne discussion, à la bonne vieille mode.
« Ce n’est pas la peine que tu sortes dans le froid pour aller chercher Amy, elles sont toutes en route en ce moment même. Je ne pouvais pas attendre. Je voulais être celui qui t’annoncerait la grande surprise, et avoir la “première lichette”, comme nous disions quand nous nous battions pour la crème.
— C’est tout toi, et tu as gâché ton histoire en commençant par la fin. Maintenant, recommence proprement, et raconte-moi comment c’est arrivé. Je meurs d’envie de savoir.
— Eh bien, je l’ai fait pour faire plaisir à Amy », commença Laurie, avec une lumière dans l’œil qui fit s’exclamer Jo :
« Mensonge numéro un. Amy l’a fait pour te faire plaisir. Continuez, et dites la vérité, monsieur, si vous le pouvez.
— Voilà qu’elle se prend pour Marmee. Est-ce que ce n’est pas un régal de l’entendre ? » demanda Laurie au feu, qui étincela comme s’il approuvait. « C’est la même chose, tu sais, nous ne faisons qu’un, elle et moi. Nous avions prévu de rentrer avec les Carrol, il y a un mois, mais ils ont soudain changé d’avis et décidé de passer un autre hiver à Paris. Mais Grandpa voulait rentrer. Il était venu pour me faire plaisir, et je ne pouvais pas le laisser repartir seul. Je ne pouvais pas non plus laisser Amy, et Mrs. Carrol a ces idées anglaises de chaperons et autres sottises, et ne voulait pas laisser Amy venir avec nous. Alors j’ai juste balayé les difficultés en disant, “Marions-nous, et nous pourrons faire comme il nous plaît”.
— Bien entendu. Tu arranges toujours les choses comme il te convient.
— Pas toujours », et quelque chose dans la voix de Laurie incita Jo à poursuivre promptement :
« Comment avez-vous réussi à persuader Tante Carrol ?
— Ça a été difficile, mais à nous deux, nous l’avons convaincue, car nous avions quantité d’arguments pour nous. Il n’y avait pas le temps d’écrire et de demander la permission, mais vous étiez tous d’accord, et il ne s’agissait que de “saisir l’occasion par les chevilles”, comme le dit ma femme.
— Est-ce que nous ne sommes pas fier de ces deux mots, et est-ce que nous n’aimons pas les répéter ? » l’interrompit Jo en s’adressant au feu à son tour, et en observant avec délice la lueur de gaité qui brillait dans les yeux qui avaient été si tragiquement sombres la dernière fois qu’elle les avait vus.
— Peut-être un soupçon, c’est une petite femme si captivante que je ne peux m’empêcher d’être fier d’elle. Enfin, Oncle et Tante étaient là pour assurer la bienséance. Nous étions si absorbés l’un par l’autre que nous étions devenus complètement inutiles l’un à part l’autre, et ce charmant arrangement faciliterait tout, aussi nous l’avons fait.
— Quand, où, comment ? » demanda Jo, dans un accès de curiosité et d’intérêt tout féminins, car elle était incapable de se l’imaginer.
« Il y a six semaines, au consulat américain à Paris. Un mariage très discret bien sûr, car même dans notre bonheur nous n’avions pas oublié la chère petite Beth. »
Jo glissa la main dans celle de Laurie à ces mots, et Laurie caressa gentiment le petit oreiller rouge qu’il se rappelait très bien.
« Pourquoi ne pas nous l’avoir fait savoir, après ? » demanda Jo plus doucement, après un moment de silence.
« Nous voulions vous faire la surprise. Nous pensions rentrer directement à la maison, mais le cher vieux monsieur, sitôt que nous fûmes mariés, décida qu’il ne pouvait pas être prêt avant au moins un mois, et il nous a envoyés passer notre lune de miel où nous le souhaitions. Amy avait un jour appelé Valrose une vraie destination de lune de miel, aussi est-ce là que nous sommes allés, heureux comme on ne l’est qu’une fois dans sa vie. Ma foi, c’était vraiment l’amour au milieu des roses ! »
Laurie sembla oublier Jo un instant, et elle en fut heureuse, car le fait qu’il lui ait raconté ces choses si librement et naturellement lui assurait qu’il avait certainement pardonné et oublié. Elle voulut retirer sa main, mais comme s’il avait deviné la pensée à l’origine de cette impulsion, Laurie la retint, et dit, avec une gravité masculine qu’elle ne lui avait encore jamais vue :
« Jo, chérie, je veux dire une chose, et ensuite nous mettrons ça de côté pour toujours. Comme je te l’ai dit dans ma lettre quand j’ai écrit qu’Amy avait été si bonne avec moi, je ne cesserai jamais de t’aimer, mais l’amour a changé de forme, et j’ai appris à voir que c’est mieux ainsi. Amy et toi avez échangé vos places dans mon cœur, c’est tout. Je pense qu’il devait en être ainsi, et que ça serait arrivé naturellement si j’avais attendu, comme tu le voulais, mais je n’ai jamais su être patient, et je m’en suis tiré avec un cœur brisé. J’étais un garçon alors, entêté et violent, et il a fallu une dure leçon pour me montrer mon erreur. Car c’en était une, Jo, comme tu l’as dit, et je m’en suis rendu compte, après m’être ridiculisé. Ma parole, j’avais l’esprit si embrouillé, à une période, que je ne savais pas qui j’aimais le plus, de toi ou d’Amy, et que j’ai essayé de vous aimer autant l’une que l’autre. Mais je ne le pouvais pas, et quand je l’ai vue en Suisse, tout a semblé s’éclaircir d’un coup. Vous avez toutes les deux trouvé vos places, et j’ai été sûr d’en avoir fini avec l’ancien amour avant de me consacrer au nouveau , de pouvoir honnêtement partager mon cœur entre la sœur Jo et la femme Amy, et les aimer tendrement. Veux-tu bien me croire, et revenir au bon vieux temps où nous avons fait connaissance ?
— Je te crois, de tout mon cœur, mais Teddy, nous ne pourrons jamais redevenir garçon et fille. Le bon vieux temps ne peut revenir, et nous ne devons pas l’espérer. Nous sommes un homme et une femme, maintenant, avec des tâches sérieuses qui nous attendent, car l’heure de jouer est passée, et nous devons renoncer à faire les fous. Je suis sûre que tu en es conscient. Je vois le changement chez toi, et tu le trouveras chez moi. Mon garçon me manquera, mais j’aimerai l’homme tout autant, et je l’admirerai davantage, parce qu’il devient ce que j’espérais pour lui. Nous ne pouvons plus être de petits camarades de jeu, mais nous serons frère et sœur, pour nous aimer et nous entraider tout au long de nos vies, n’est-ce pas, Laurie ? »
Il ne dit pas un mot, mais prit la main qu’elle lui offrait, et y reposa son visage quelques instants, sentant que de la tombe d’une passion juvénile s’était levée une amitié belle et forte, pour leur bien à tous les deux. Puis Jo dit gaiement, car elle ne voulait pas d’un accueil triste,
« Je n’arrive pas à croire que vous autres enfants êtes mariés et allez tenir votre maison. Il me semble que hier encore je boutonnais le tablier d’Amy, et te tirais les cheveux quand tu te montrais taquin. Miséricorde, comme le temps file !
— Vu que l’un des enfants est plus âgé que toi, tu n’as pas besoin de parler comme une grand-mère. Je me flatte d’être un “gentleman de naissance”, comme Peggotty le dit de David, et quand tu verras Amy, tu la trouveras une enfant plutôt précoce », dit Laurie, amusé par ses airs maternels.
« Tu as peut-être quelques années de plus, mais je suis émotionnellement bien plus âgée, Teddy. Les femmes le sont toujours, et cette dernière année a été si difficile que j’ai l’impression d’avoir quarante ans.
— Pauvre Jo ! Nous t’avons laissée l’endurer toute seule, tandis que nous nous amusions. Tu es plus âgée. Voici une ride, et une autre. Tes yeux ont l’air triste quand tu ne souris pas, et quand j’ai touché le coussin, à l’instant, j’y ai trouvé une larme. Tu as eu beaucoup à supporter, et tu as dû le faire seule. Quel animal égoïste j’ai été ! » dit Laurie en se tirant les cheveux, l’air plein de remords.
Mais Jo se contenta de retourner le coussin dénonciateur, et répondit, sur un ton qu’elle essaya de rendre plus gai, « Non, j’avais Père et Mère pour m’aider, et les chers bébés pour me réconforter, et la pensée qu’Amy et toi étiez en sûreté et heureux pour rendre mes ennuis plus faciles à supporter. Je me sens seule, parfois, mais j’ose dire que c’est bon pour moi, et —
— Tu ne le seras plus jamais » l’interrompit Laurie en passant un bras autour d’elle, comme pour la protéger de tous les maux. « Amy et moi n’arriverons à rien sans toi, tu dois venir et montrer aux “enfants” comment tenir une maison, et tout partager avec nous, comme nous avions l’habitude de le faire, et nous laisser te gâter, et être tous merveilleusement heureux ensemble.
— Si je ne devais pas m’interposer, ce serait très plaisant. Je commence déjà à me sentir plus jeune, car tous mes soucis ont l’air de s’être envolés quand tu es arrivé. Tu as toujours été d’un grand réconfort, Teddy », et Jo posa la tête sur son épaule, tout comme elle l’avait fait des années plus tôt, quand Beth était malade et que Laurie lui avait dit de se tenir à lui.
Il baissa les yeux vers elle, se demandant si elle se rappelait cette fois, mais Jo souriait pour elle-même, comme si ses ennuis s’étaient véritablement évanouis à sa venue.
« Tu es toujours la même Jo, qui pleure un instant, et rit le suivant. Tu as l’air bien malicieuse maintenant. Qu’y a-t-il, Grand-mère ?
— Je me demandais comment Amy et toi vous entendiez.
— Comme des anges !
— Oui, bien sûr, mais qui dirige ?
— Je n’ai pas peur de te dire que c’est elle en ce moment, ou du moins je le lui laisse penser — cela lui fait plaisir, tu sais. Petit à petit nous prendrons chacun notre tour, car le mariage, dit-on, diminue vos droits de moitié et double vos devoirs.
— Vous allez continuer comme vous avez commencé, et Amy te dirigera toute ta vie.
— Eh bien, elle le fait de manière si imperceptible que je ne pense pas que cela me dérangera beaucoup. Elle est le genre de femme qui sait comment diriger. En fait, j’aime assez ça, elle vous embobine aussi gentiment et joliment qu’un écheveau de soie, et vous donne l’impression qu’elle vous a fait une faveur tout du long.
— Penser que je vivrais pour te voir en époux soumis, et que cela te plairait ! » s’écria Jo en levant les mains au ciel.
Il était bon de voir Laurie carrer les épaules, et sourire avec un dédain masculin à cette insinuation, en répondant avec son air « hautain » : « Amy est trop bien élevée pour cela, et je ne suis pas le genre d’homme à me soumettre. Ma femme et moi avons trop de respect envers nous-mêmes et envers l’autre pour tyranniser ou disputer. »
Cela plut à Jo, et elle trouvait cette nouvelle dignité tout à fait seyante, mais le garçon semblait très vite devenir un homme, et son plaisir était mêlé de regrets.
« J’en suis certaine. Amy et toi ne vous êtes jamais disputés comme nous en avions l’habitude. Elle est le soleil et moi le vent, comme dans la fable, et le soleil est ce qui a le mieux réussi à l’homme, rappelle-toi.
— Elle peut tout aussi bien tempêter que briller, rit Laurie. Quel sermon j’ai reçu à Nice ! Je t’assure que c’était bien pire que n’importe quelle de tes réprimandes — un véritable brûlot. Je te raconterai tout cela un de ces jours — elle ne le fera jamais, parce qu’après m’avoir dit qu’elle me méprisait et avait honte de moi, elle a donné son cœur à l’objet de son mépris et a épousé le bon à rien.
— Quelle bassesse ! Eh bien, si jamais elle te martyrise, viens à moi, et je te défendrai.
— J’ai l’air d’en avoir besoin, n’est-ce pas ? » dit Laurie en se levant avec une attitude grave, qui vira à la béatitude lorsque que la voix d’Amy se fit entendre :
« Où est-elle ? Où est ma chère vieille Jo ? »
Toute la famille fit son entrée et tout le monde s’étreignit et s’embrassa, et après plusieurs vaines tentatives, on fit s’asseoir les trois voyageurs pour les contempler et les admirer. Mr. Laurence, mieux portant que jamais, avait tout autant bénéficié que les autres de son escapade à l’étranger, car son côté bourru avait presque disparu, et sa courtoisie à l’ancienne ravivée le rendait plus aimable que jamais. C’était un vrai bonheur de le voir rayonner devant « mes enfants », comme il appelait le jeune couple, une plus grande joie encore de voir Amy lui offrir l’affection filiale qui avait complètement conquis son vieux cœur, et mieux que tout, de voir Laurie évoluer autour d’eux, comme s’il n’allait jamais se fatiguer du charmant tableau qu’ils formaient.
À la seconde où elle avait posé les yeux sur Amy, Meg avait été consciente que sa propre robe n’avait rien de parisien, que la jeune Mrs. Moffat serait complètement éclipsée par la jeune Mrs. Laurence et que « Milady » était une femme tout à la fois élégante et gracieuse. Jo pensait, en regardant le couple, « Comme ils vont bien ensemble ! J’avais raison, et Laurie a trouvé la fille belle et accomplie qui ornera bien mieux sa maison que Jo la maladroite, et sera pour lui une fierté plutôt qu’un tourment. » Mrs. March et son mari souriaient et hochaient la tête, l’air heureux, car ils voyaient que leur plus jeune fille avait réussi, non seulement sur le plan matériel, mais surtout sur le plan de l’amour, de la confiance et du bonheur.
Car le visage d’Amy était empreint de la douce lumière qui révèle un cœur paisible, sa voix évoquait une tendresse nouvelle, et la contenance froide et guindée était devenu une dignité tranquille, à la fois féminine et victorieuse. Aucune affectation ne l’entachait, et la douceur cordiale de ses manières était plus charmante que la beauté nouvelle ou l’ancienne grâce, car elle la marquait du sceau indiscutable de la véritable dame qu’elle avait espéré devenir.
« L’amour a fait beaucoup pour notre petite fille », dit doucement sa mère.
« Elle a eu un bon exemple devant elle toute sa vie, ma chérie », chuchota Mr. March en retour, avec un regard aimant pour le visage ridé aux cheveux grisonnants à côté de lui.
Daisy était incapable de détacher les yeux de sa « joulie Tatie », et s’attacha comme un chien de manchon à la merveilleuse châtelaine et ses si jolies breloques. Demi prit le temps de réfléchir à cette nouvelle relation avant de se compromettre en acceptant un pot-de-vin, sous la forme tentatrice d’une famille d’ours en bois de Berne. Une attaque par le flanc le conduisit toutefois à se rendre sans condition, car Laurie savait par où le prendre.
« Jeune homme, le jour où j’ai eu l’honneur de faire ta connaissance, tu m’as frappé au visage. J’exige réparation », et sur ce le très grand oncle se mit à chahuter et ébouriffer le tout petit neveu d’une façon qui endommagea sa dignité de philosophe tout autant qu’elle ravit son âme de jeune garçon.
« Dieu la bénisse, elle est en soie de la tête aux pieds ; n’est-ce pas plaisant de la voir ‘ssise ici, fraîche comme une rose, et d’entendre tout le monde appeler la petite Amy “M’ame Laurence” » marmonnait la vieille Hannah, qui ne pouvait résister à jeter de fréquents coups d’œil à travers la porte tandis qu’elle mettait la table d’une manière des plus hasardeuses.
Miséricorde, comme ils parlaient ! D’abord l’un, puis l’autre, puis tous éclatèrent en même temps — essayant de raconter l’histoire de ces trois ans en une demi-heure. Heureusement on servit bientôt le thé, pour prendre une pause et rafraîchir tout ce petit monde — car ils auraient fini par perdre la voix en continuant de la sorte. Quelle joyeuse procession ils formèrent pour se rendre dans la petite salle à manger ! Mr. March escortait fièrement « Mrs. Laurence » ; tout aussi fière, Mrs. March s’appuyait sur le bras de son « fils ». Le vieux gentleman emmena Jo en chuchotant, « Vous devrez être ma petite fille maintenant », avec un regard vers la place vide au coin du feu, qui poussa Jo à lui répondre, les lèvres tremblantes, « J’essaierai de la remplacer, Sir. »
Les jumeaux caracolaient derrière, certains que Noël était arrivé avant l’heure, — car tout le monde était si pris par les nouveaux venus qu’ils étaient libres de faire comme bon leur semblait, et vous pouvez être certains qu’ils se saisirent de l’opportunité. Comme ils se gorgèrent de thé et de pain d’épices ! Ils reçurent chacun un petit pain encore chaud, et, cerise sur le gâteau, purent faire disparaître de fascinantes petites tartes dans leurs petites poches, où elles finirent, les traîtresses, en tas de miettes collantes — leur enseignant la fragilité de la nature humaine et de la pâtisserie ! La conscience alourdie par la séquestration des tartes, et craignant que les yeux vifs de Dodo ne percent à jour la fine couche de batiste et de laine qui dissimulait leur butin, les petits pécheurs vinrent se coller à « Dranpa », qui n’avait pas ses lunettes. Amy, passée de mains en mains comme les rafaîchissements, retourna au parloir au bras du Père Laurence ; les autres paires se firent comme à l’aller, et cet arrangement laissa Jo sans compagnon. Cela ne la dérangea pas sur l’instant, car elle s’attarda pour répondre à la question pressante d’Hannah,
« Est-ce que Miss Amy va prendre son coup (coupé) et se servir de toute cette jolie vaisselle en argent qu’ils ont là-bas ?
— Je ne serais pas surprise qu’elle roule dans une voiture à six chevaux, mange dans des assiettes en or, et porte des diamants et de la dentelle tous les jours. Teddy pense que rien n’est trop beau pour elle », répondit Jo avec une infinie satisfaction.
— Et c’est bien vrai ! Vous voudrez du hachis ou des croquettes de poisson pour déjeuner demain ? demanda Hannah.
— Peu importe. »
Et Jo ferma la porte, trouvant les questions de nourriture malvenues en cet instant. Elle resta un moment à regarder les autres se rendre à l’étage, et quand les petites jambes de Demi gravirent la dernière marche, un sentiment soudain de solitude l’assaillit avec tant de force qu’elle regarda la pièce autour d’elle de ses yeux embrumés, comme pour trouver quelque chose à quoi s’appuyer puisque même Teddy l’avait abandonnée.  Si elle avait su quel cadeau d’anniversaire venait à elle, plus proche de seconde en seconde, elle n’aurait pas pensé, « Je lâcherai une petite larme quand j’irai au lit. Ce n’est pas le moment de me montrer lugubre. » Puis elle se passa une main sur les yeux — car, fidèle à son habitude garçonne, elle ne savait jamais où se trouvait son mouchoir — et elle avait tout juste réussi à afficher un sourire quand on frappa à la porte d’entrée.
Elle alla ouvrir avec une hâte hospitalière, et sursauta comme si un autre fantôme était venu la surprendre, car devant elle se tenait un grand monsieur barbu, rayonnant dans l’obscurité comme un soleil de minuit.
« Oh, Mr. Bhaer, je suis si contente de vous voir ! » s’écria Jo, en lui saisissant les mains comme si elle craignait que la nuit ne l’avale avant qu’elle puisse le faire entrer.
« Et moi de fous voir, miss Marsch — mais non, fous avez des infités — » et le Professeur s’interrompit comme le son des voix et le bruit des pas de danse leur parvenaient.
« Non, du tout, seulement la famille. Ma sœur et mes amis viennent juste de rentrer, et nous sommes tous très heureux. Entrez, joignez-vous à nous. »
Bien que très sociable, je pense que Mr. Bhaer serait parti pour revenir un autre jour, mais comment le pouvait-il, quand Jo avait fermé la porte derrière lui, et l’avait délesté de son chapeau ? Peut-être que son visage avait quelque chose à y voir, car elle avait oublié de cacher sa joie de le voir, et l’affichait avec une franchise qui se prouva être irrésistible pour l’homme solitaire, dont l’accueil surpassait ses espoirs les plus fous.
« Si je ne dois pas être Monsieur de Trop*, je serai très heureux de les foir tous. Fous avez été malade, mon amie ? »
Il avait posé la question assez brusquement, car, tandis que Jo accrochait son manteau, la lumière était tombée sur son visage, et il y avait vu du changement.
« Pas malade, mais fatiguée et soucieuse. Nous avons eu des ennuis depuis que je vous ai vu la dernière fois.
— Ah, oui, je sais. Mon cœur a eu mal pour fous quand je l’ai appris », et il lui serra à nouveau les mains, avec un visage si compatissant que Jo eut l’impression qu’aucun réconfort n’égalerait jamais ce regard plein de gentillesse, et le contact de ces grandes mains chaudes.
« Père, Mère, voici mon ami, le Professeur Bhaer », dit-elle, avec un air et un ton empreints d’une telle fierté et d’un tel plaisir irrépressibles qu’elle aurait tout aussi bien pu faire sonner une trompette et ouvrir la porte avec une révérence.
Si l’étranger doutait d’être le bienvenu, il fut tranquillisé en un instant par l’accueil chaleureux qu’on lui fit. Tout le monde le reçut avec bienveillance, d’abord pour faire plaisir à Jo, mais très vite ils l’apprécièrent pour lui-même. Ils ne pouvaient s’en empêcher, car il était porteur du talisman qui ouvre tous les cœurs, et ces gens simples l’aimèrent aussitôt, plus enclins encore à l’aimer parce qu’il était pauvre. Car la pauvreté enrichit ceux qui sont au-dessus d’elle, et est un passeport assuré auprès des âmes vraiment hospitalières. Mr. Bhaer prit place en regardant autour de lui avec l’air d’un voyageur qui frappe à une porte étrangère, et se trouve chez lui une fois qu’elle s’est ouverte. Les enfants vinrent à lui comme des abeilles attirées par le miel, et installés sur chacun de ses genoux, se mirent en œuvre de le captiver en fouillant ses poches, en lui tirant la barbe, et en examinant sa montre avec l’audace de la jeunesse. Les femmes se télégraphièrent mutuellement leur approbation, et Mr. March, sentant qu’il avait trouvé un semblable, fit montre de trésors de conversation pour son invité, tandis que John écoutait et appréciait la discussion sans dire un mot, et que Mr. Laurence trouvait impossible d’aller se coucher.
Si Jo n’avait pas été occupée, le comportement de Laurie l’aurait amusée ; car une pointe, non pas de jalousie, mais d’une sorte de suspicion, le fit au début garder ses distances, et observer le nouveau venu avec une circonspection amicale. Mais cela ne dura pas. Il se prit d’intérêt malgré lui, et avant de s’en rendre compte, fut attiré dans le cercle. Car Mr. Bhaer s’exprimait bien, dans cette atmosphère cordiale, et se faisait justice. Il ne parla que peu à Laurie, mais il le regardait souvent, et une ombre passait sur son visage, comme s’il regrettait sa propre jeunesse, en regardant ce jeune homme dans la fleur de l’âge. Puis ses yeux se tournaient vers Jo, si mélancoliques qu’elle aurait sûrement répondu à sa question muette si elle s’en était aperçue. Mais Jo devait se soucier de ses propres yeux, et pressentant qu’elle ne pouvait leur faire confiance, elle les gardait prudemment sur la petite chaussette qu’elle tricotait, en tante célibataire modèle.
Un regard furtif de temps à autre la rafraichissait comme une lampée d’eau fraîche après une marche éprouvante, car ces coups d’œil en coin lui révélaient plusieurs détails de bon augure. Le visage de Mr. Bhaer avait perdu son expression absente, et animé avec son intérêt pour le moment présent, était véritablement jeune et séduisant, pensa-t-elle, oubliant de le comparer à Laurie comme elle le faisait d’habitude avec les inconnus, à leur grand détriment. Puis il avait l’air très inspiré, même si les coutumes funéraires des anciens, vers lesquelles la discussion s’était égarée, pouvaient ne pas être considérées un sujet bien passionnant. Jo rayonna quand Teddy se fit « moucher » au cours d’un débat, et se dit, tout en regardant le visage absorbé de son père, « Comme il aimerait pouvoir parler tous les jours à quelqu’un comme mon Professeur ! » Enfin, Mr. Bhaer portait un nouveau costume noir, qui lui donnait plus que jamais l’allure d’un gentleman. Son épaisse chevelure avait été taillée et soigneusement peignée, mais ne resta pas coiffée bien longtemps, car dans ses moments d’exaltation, il l’ébouriffait de cette drôle de façon qu’il avait, et Jo préférait le voir hérissé plutôt que lissé, parce qu’elle pensait que cela donnait à son beau front quelque chose de Jove. Pauvre Jo, comme elle glorifiait cet homme ordinaire, tout en tricotant, silencieuse mais ne laissant rien lui échapper, pas même le fait que Mr. Bhaer avait des boutons de manchettes dorés à ses poignets immaculés.
« Ce cher vieil ami ! Il n’aurait pas davantage soigné sa mise s’il avait voulu courtiser une dame », pensa Jo, et une pensée soudaine née de ces mots la fit rougir si visiblement qu’elle dut laisser tomber sa pelote et lui courir après pour cacher son visage.
La manœuvre n’eut pas le succès espéré, cependant, car alors qu’il était sur le point de mettre le feu à un brasier funéraire, le Professeur abaissa sa torche, et plongea après la petite balle bleue. Bien sûr, ils se cognèrent violemment la tête et se redressèrent tout étourdis, rougissant et riant, sans la pelote, avant de reprendre leurs sièges en souhaitant ne pas les avoir quittés.
Personne ne vit passer la soirée, car Hannah avait habilement fait disparaître les bébés quelques heures plus tôt, leurs têtes dodelinantes comme des coquelicots, et Mr. Laurence était rentré se reposer. Les autres restèrent assis autour du feu à discuter sans se soucier de l’heure, jusqu’à ce que Meg, dont l’esprit maternel était saisi de la conviction que Daisy était tombée du lit et que Demi avait mis le feu à sa chemise de nuit en étudiant le mécanisme des allumettes, fasse mine de s’en aller.
« Nous devons chanter, comme au bon vieux temps, car nous sommes tous à nouveau rassemblés », dit Jo, se disant que donner de la voix serait un exutoire sûr et plaisant pour les émotions débordantes de son âme.
Ils n’étaient pas tous présents. Mais personne ne trouva ces mots indélicats ou inexacts, car Beth semblait être encore parmi eux, une présence paisible, invisible, mais plus aimée que jamais, puisque la mort ne pouvait briser les liens familiaux que l’amour rendait indissolubles. Le petit fauteuil était toujours dans son coin. Le panier bien ordonné, avec l’ouvrage qu’elle avait abandonné quand l’aiguille s’était faite « si lourde », était toujours sur la même étagère. L’instrument bien-aimé, rarement utilisé à présent, n’avait pas été déplacé ; et le visage de Beth au-dessus de lui, sereine et souriante comme dans l’ancien temps, veillait sur eux et semblait dire : « Soyez heureux. Je suis là. »
« Joue quelque chose, Amy. Montre-leur combien tu as progressé », dit Laurie, avec une fierté excusable pour sa prometteuse élève.
Mais Amy souffla, les yeux pleins de larmes, en faisant pivoter le tabouret fané, « Pas ce soir, mon chéri. Je ne peux pas me mettre en avant ce soir. »
Mais elle fit montre de mieux que de virtuosité ou de talent, car elle chanta les chansons de Beth avec une tendre musicalité que les meilleurs professeurs n’auraient pu enseigner, et toucha les cœurs de ses auditeurs avec un pouvoir plus doux que n’aurait pu lui donner tout autre inspiration. La pièce était très silencieuse, quand la voix claire s’interrompit soudain au dernier vers de l’hymne favori de Beth. Il était difficile de dire, « La Terre ne connaît pas de chagrin que le Ciel ne puisse guérir »,
et Amy prit appui sur son époux qui se tenait derrière elle, avec le sentiment que son retour à la maison n’était pas tout à fait parfait sans le baiser de Beth.
« Maintenant, nous devons finir avec la chanson de Mignon, car Mr. Bhaer la chante », dit Jo, avant que le silence ne soit trop pénible. Et Mr. Bhaer s’éclaircit la gorge avec un « Hem ! » de contentement, et s’avança dans le coin où se tenait Jo, en disant,
« Vous chanterez avec moi ? Nous nous accordons parfaitement bien. »
C’était là une plaisante fiction, car Jo n’avait pas plus de sens musical qu’une sauterelle. Mais elle aurait accepté même s’il lui avait proposé de chanter un opéra, et gazouilla avec abandon, sans considération pour le tempo ou la tonalité. Peu importait, au fond, car Mr. Bhaer chantait comme un véritable Allemand, bien et avec cœur, et Jo se contenta bientôt de bourdonner en fond, pour mieux écouter la voix profonde qui semblait chanter pour elle seule.
« Connais-tu le pays où fleurit le cédrat »,
avait été le vers préféré du Professeur, car « das Land » était l’Allemagne pour lui, mais aujourd’hui il semblait s’attarder, avec une chaleur et une mélodie particulière, sur les mots :
« Là-bas, oh, là-bas, pourrais-je,
Avec toi, ma bien-aimée, y aller ! »
et une auditrice fut si emballée par la tendre invitation qu’elle se languissait  de lui dire qu’elle connaissait le pays en question, et partirait avec joie, quand il le voudrait.
La chanson fut considérée un grand succès, et le chanteur se retira couvert de lauriers. Mais quelques minutes plus tard, il oublia complètement ses bonnes manières, et fixa Amy qui mettait son bonnet, car elle lui avait simplement été présentée comme « ma sœur », et personne ne l’avait appelée par son nouveau nom depuis qu’il était arrivé. Il s’oublia encore davantage quand Laurie dit, de la manière la plus gracieuse, au moment de partir,
« Ma femme et moi sommes très heureux de vous avoir rencontré, Sir. S’il vous plaît, rappelez-vous que vous serez toujours bienvenu de l’autre côté du chemin. »
Et le Professeur le remercia si chaleureusement, soudain illuminé de satisfaction, que Laurie trouva que c’était le vieux bonhomme le plus délicieusement démonstratif qu’il avait jamais rencontré.
« Je dois partir aussi, mais je reviendrai avec plaisir, si vous me le permettez, chère madame, car je dois rester en ville quelques jours pour affaire. »
Il parlait à Mrs. March, mais il regardait Jo, et la voix de la mère donna un accord aussi cordial que les yeux de la fille, car Mrs. March n’était pas aussi aveugle quant aux intérêts de ses enfants que Mrs. Moffat le supposait.
« Je pense que c’est un homme sage », remarqua Mr. March avec une satisfaction sereine, devant la cheminée, une fois le dernier invité parti.
« Je sais que c’est un homme bon », ajouta Mrs. March avec une approbation décidée, en remontant la pendule.
« Je pensais bien que vous l’aimeriez », fut tout ce que dit Jo avant de filer se coucher.
Elle se demandait quelle affaire avait amené Mr. Bhaer en ville, et finit par décider qu’il était censé recevoir quelque grande récompense, quelque part, mais avait été trop modeste pour le mentionner. Si elle avait vu son visage quand, à l’abri dans sa propre chambre, il regarda le portrait d’une jeune dame sévère, avec une abondante chevelure, qui semblait sombrement contempler le futur, cela aurait pu éclairer sa lanterne ; en particulier quand il éteignit les lampes, et embrassa le portrait dans le noir.
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my--wonderland · 1 year
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Convictions - 1 - Promesse.
1982.
Sur la colline bordant le village de Hidehill, loin de la ville et de ses agitations, se trouvait un manoir. Un somptueux manoir, quoique d'apparence un peu sombre. Un panneau, écrit en lettres gothiques, annonçait : Rimeshire. Une diligence, comme on en faisait au dix-neuvième siècle, s'était arrêtée devant le perron. Un homme aux cheveux blond vénitien et au regard de glace en descendit. Il s'agissait de Perseus Nott. Il tendit la main à sa femme pour l'aider à descendre. Son geste aurait pu paraître courtois, ou même tendre, s'il n'était pas tant guindé et hypocrite.
Une petite fille sortit à son tour de la voiture. Elle avait seulement dix ans, mais ses manières avaient déjà toute la noblesse d'une grande dame. Elle était vêtue d'un manteau immaculé bordé de fourrure, et ses boucles d'or retombaient parfaitement dans son dos. La petite dépassa son père et grimpa une à une les marches du perron.
- Gaïa, la rappela froidement à l'ordre Perseus.
Mais la blondinette ne l’écouta pas, et saisit elle-même le heurtoir pour toquer à la porte. Elle ne s'autorisa pas une marque de satisfaction, conservant un visage neutre alors que ses parents la rejoignaient sur le perron. Aeryn Nott considéra sa fille avec un air sévère, mais Gaïa soutint son regard. Elles avaient les mêmes yeux : un noisette aux reflets d’or qui contrastait avec le bleu glacial des iris de Perseus. Gaïa avait aussi hérité de la peau très pâle de sa mère.
La porte s'ouvrit sur un elfe de maison, petit et rabougri, vêtu d’un tissu déchiré, très sale, qui avait dû être blanc autrefois, mais était à présent couvert de poussière, de taches de nourriture, graisse, peinture, produits ménagers… et de sang.
La créature considéra la famille avec des yeux écarquillés. Il s'inclina, les saluant d'une voix aiguë qui irrita l’enfant :
- Bonjour Mr, Mrs et Miss Nott. Harvey va prévenir ses maîtres. Puis-je vous débarrasser ?
- Non merci, refusa Aeryn, que le contact de la créature dégoûtait par avance.
Perseus s’aligna sur le choix de sa femme. Gaïa, elle, balança sa veste à l'elfe et le gratifia d'un regard méprisant. Harvey baissa la tête, rangea le manteau de la fillette avec soin et alla appeler ses maîtres. Perseus et Aeryn se mirent à l'aise, s'installant dans le premier salon venu, où les propriétaires des lieux les rejoignirent quelques minutes plus tard.
Hypérion Nott, le petit frère de Perseus, lui ressemblait sur le plan physique comme mental. En commun, ils avaient leur chevelure blond vénitien, leurs yeux pâles, leur détermination, leur orgueil et leurs valeurs. Des valeurs de Sang-Pur, inflexibles et idéalisées.
Aux côtés d'Hypérion, Elladora Nott s'enquit sur la santé de leurs invités. C'était une femme plutôt grande, si bien que son époux mettait d'invisibles talonnettes. C'était un peu ridicule, mais personne ne le savait et Hypérion préférait cela plutôt que d'être plus petit que sa femme.
- Nous nous portons bien, affirma Perseus au nom de tous.
- Moi, j'ai froid, intervint Gaïa.
- Tais-toi, lui intima son père.
- Tu n'avais qu'à garder ton manteau, commenta sa mère.
Une lueur inquiétante d'amertume anima le regard noisette de la petite fille. Personne ne le remarqua, et Hypérion lança une discussion à propos de la nouvelle loi permettant aux Cracmols de voter.
- Vous rendez-vous compte de l’absurdité de cette décision ! Bientôt, l’avenir de notre monde sera entre les mains des Moldus ! ricana l’hôte.
- Nous partageons votre inquiétude et votre dégoût, assura Perseus. Déjà que les Sang-de-Bourbe ont les mêmes droits que nous autres sorciers, et que l’un de leur espèce a déjà été Ministre de la Magie, il est sûr que la prochaine étape sera un Impur de Cracmol à la tête de notre pays !
- Quelle honte ! approuva Elladora.
Son commentaire fut accueilli par des regards hostiles et railleurs de la part des deux frères. Les femmes n’étaient pas autorisées à parler lors des discussions entretenues par des hommes, même si leur avis était le même qu’eux. Elladora, se rendant compte de son erreur, baissa la tête. Gaïa fronça les sourcils, le regard fixé sur sa tante.
C’était une enfant observatrice, qui comprenait très rapidement les choses. Elle avait remarqué que dans sa famille, les femmes étaient considérées comme inférieures aux hommes. C’était également ce que le comportement des amis de ses parents, à savoir les Vingt-Huit Sacrés, laissait entendre. Gaïa avait toujours eu une naturellement haute estime d’elle-même, aussi n’avait-elle jamais compris cette hiérarchie implicite, qui semblait dater de l’aube de la société. Ce qui définissait la valeur d’un individu, aux yeux de la fillette, c’était la pureté de son sang, la richesse et la puissance de sa famille, son rôle dans la société, ses qualités personnelles – elle privilégiait l’intelligence, la ruse, le courage et l’ambition. Son sexe n’était pas un critère valable. Il arrivait à Gaïa de douter, car aucune personne autour d’elle n’était d’accord, et les lois du monde dans lequel elle évoluait allaient à l’encontre de son avis. Fort heureusement, lors de ces moments, ceux où une femme de sa famille était rabaissée, moquée, ignorée, réduite au silence, voire violentée, son esprit reconnaissait la vérité, et ravivait sa conviction.
- C’est la décadence, assurément, regretta Perseus. C’est bien simple, nous n’avons pas eu de Ministre compétent depuis Hector Fawley, l’arrière-grand-père de ma chère femme.
Aeryn, qui se tenait droite et immobile telle une poupée de cire, se ranima le temps de hocher brièvement la tête, y ayant été implicitement autorisée par son époux.
- Avec tout le respect que j’ai pour la famille Fawley, commença prudemment Hypérion, Hector a échoué à protéger notre nation en ne prenant pas la menace de Gellert Grindelwald au sérieux. Il a perdu son poste pour cela, d’ailleurs.
- Ma foi, je ne pense pas qu’il ait été aveugle aux desseins de Grindelwald. Au contraire, m’est avis qu’il les approuvait, et qu’il aurait été heureux de le soutenir s’il n’avait pas été forcé de démissionner.
- Il est vrai que briser le Code International du Secret Magique était un projet grandiose et, bien que dangereux, aurait pu apporter à notre monde, une fois la tempête calmée, la stabilité dont nous avons besoin.
- En effet ! Les Moldus, découvrant notre existence, auraient dû avoir la sagesse de consentir à devenir nos esclaves, afin d’obéir à la loi universelle les marquant comme nos inférieurs. Quant aux résistants – car il y en aurait eu à coup sûr, vu l’arrogance de cette sous-race, ils n’auraient pas fait long feu.
- Les conséquences auraient pu être une guerre…
- Les conséquences ? Plutôt les dommages collatéraux. Parfois, lorsque quelque chose est vraiment abîmé, il faut détruire jusqu’à sa base pour le reconstruire dans une meilleure version. N’êtes-vous pas d’accord ?
Question rhétorique. Hypérion n’avait pas le droit de ne pas être d’accord avec son frère aîné. Il hocha donc la tête, et revint au sujet de base :
- Depuis Fawley, les Ministres sont consternants. Leonard Spencer-Moon, bien trop proche du Premier Ministre moldu, Wilhelmina Tuft, cette stupide idéaliste, Ignatius Tuft, qui voulait mettre en place un dangereux projet de reproduction des Détraqueurs…
Il grimaça, comme se refusant à poursuivre, ce que Perseus fit pour lui.
- Nobby Leach. Premier Sang-de-Bourbe à accéder à ce titre.
Gaïa se permit une expression dégoûtée. Alors que la conversation se recentrait sur l’atroce stupidité de la nouvelle loi, et la folle inquiétude qu’elle faisait naître chez les Nott comme chez beaucoup de leurs amis de Sang-Pur, elle réfléchit. Puis, elle profita d’un instant de silence pour poser une question :
- Que pouvons-nous faire ?
Surpris, trois Nott se tournèrent vers elle. Aeryn fusilla sa fille du regard pour lui intimer de se taire, une étincelle de peur dans les yeux. Elladora n’avait pas bougé, comme une machine qu’on n’aurait pas allumée. Quant aux deux hommes, ils étaient trop stupéfaits pour répondre quoi que ce soit. Gaïa en profita pour rapidement expliquer son point de vue avec des faits :
- Lorsque cet Impur de Leach a été nommé Ministre, une grande partie des fonctionnaires nobles a démissionné en signe de protestation. Puis, un complot a été brillamment organisé pour l’empoisonner, ce qui a conduit à sa maladie, puis à sa propre démission, en 68, six ans à peine après son élection. Je me targue que notre famille ait participé à l’élimination de cet Indigne. Ne pouvons-nous pas, à nouveau, agir et s’opposer à cette loi ?
Un silence s’abattit. Une colère glacée anima le regard pâle de Perseus, mais Gaïa ne cilla pas, sachant son raisonnement brillant. Puis, Hypérion entonna un rire froid et pas du tout spontané, que son épouse imita par réflexe. A leur tour, l’autre couple Nott joignit leur hilarité surfaite, comme si Gaïa avait dit une blague tordante. La jeune fille sentit la colère l’envahir, mais elle resta digne.
- Votre fille est réellement amusante, Perseus, ricana Hypérion, retirant ses lunettes pour essuyer une fausse larme de rire.
- N’est-il pas ?
- Son éducation est cependant à durcir. Jamais je ne permettrai à ma fille de parler de cette façon lorsqu’elle aura l’âge de participer à nos discussions.
- Je vous remercie, mais je ne lui permets pas non plus. Gaïa, puisque tu n’es pas encore assez mature pour t’asseoir à nos côtés, je te prierai de quitter la table.
- Je n’ai fait que donner mon avis ! Et il était, je le crois, pertinent.
Un nouveau rire agita les Nott. Mais le regard de Perseus, fixé sur sa fille, était de glace.
- Il suffit. Nous en reparlons ce soir.
Son ton ferme avait donné des sueurs froides à Gaïa pendant des années, mais à présent, elle ne ressentait que de la colère. Une colère aussi froide, discrète et dévorante que du poison. La fillette se leva avec grâce, et ne put résister à une dernière provocation.
- Merci, père. Je suis ravie que nous reprenions cet échange ce soir. J’aurai de tous nouveaux arguments afin de débattre avec vous. Cette fois, j’espère que vous les écouterez.
Cette fois-ci, personne ne rit. Perseus était coincé, il ne pouvait sanctionner sa fille devant son frère, sa belle-sœur et sa femme, car bien qu’ils approuvent ses méthodes, cela n’aurait pas été poli. Gaïa savait néanmoins que ce soir, des éclairs rouges fuseraient. Elle s’efforça de ne pas y penser, tourna les talons et sortit du salon. Alors qu’elle montait les escaliers, elle entendit Hypérion appeler son elfe.
- Harvey ! Dois-je te le répéter à chaque fois ? Demande donc aux invités s’ils souhaitent quelque chose à boire ou à manger. Es-tu amnésique, en plus d’être sourd, laid et stupide ?!
La façon dont les elfes étaient traités ne faisait ni chaud ni froid à Gaïa. C’était dans l’ordre des choses – ces créatures étaient, comme les Moldus, naturellement inférieures aux sorciers.
Gaïa n’aimait pas sa famille. Ils étaient stupides, incapables de reconnaître sa valeur. Ils privilégiaient tous son petit-cousin, Theodore. Bien que plus jeune que sa cousine Gemma et elle, il était l’héritier, étant un garçon. Gaïa le détestait. Il était bien moins intelligent et talentueux qu’elle et pourtant, tous les Nott avaient le regard rivé sur lui.
Elle n’avait aucun lien avec ses grand-parents, son grand-oncle et les descendants de celui-ci, bien qu’elle les connaisse. Elle ne ressentait juste rien envers eux. Elle méprisait sa tante Elladora, entièrement soumise à son mari, sa mère Aeryn, une poupée de glace sans émotions et son oncle Hypérion, qui parlait, parlait, parlait, mais n’avait jamais le cran d’agir. Quant à son père, impitoyable et cruel, avec ses Doloris en guise de punition, elle le haïssait.
Gemma Nott, sa cousine de six ans sa cadette, était la seule personne dans cette famille qu’elle aimait. Son seul rayon de soleil. En voyant l’enfant, assise sur un tapis, en train d’écrire, un sourire vint instantanément chatouiller ses lèvres. Les yeux vert d'eau de sa cousine, qu’elle posa sur elle, étaient vifs, expressifs, loin des regards froids et vides des autres Nott. Ses boucles blondes, les mêmes que les siennes, lui arrivaient aux épaules, et étaient soigneusement coiffées. Elle était vêtue d'une robe de sorcière blanche, ajustée à la perfection. Elle avait l’air du parfait petite ange, de la marionnette parfaitement maniable. Mais Gaïa faisait en sorte qu’elle connaisse ses droits, qu’elle sache que son sexe ne l’empêchait pas de prendre part aux conversations, avoir un avis, avoir une personnalité, faire ses propres choix, agir au nom de sa famille, défendre ses convictions. Au-delà de ça, passer du temps avec Gemma lui faisait du bien, c’est pourquoi elle se rendit dans la chambre de la fillette. Étant une enfant, elle était naturellement vive, spontanée et naturelle, du moins lorsqu’elle était seule avec Gaïa. Avec elle, elle pourrait parler normalement, être elle-même, loin des principes et conventions centenaires des Sang-Pur. Sa cousine était déterminée à ce qu’elle garde cette innocence et se forge sa propre personnalité. Les filles de sa génération ne seraient pas des poupées de verre silencieuses et obéissantes, sans cerveau et sans âme.
- Salut Gaïa ! lança joyeusement Gemma en posant son crayon.
- Bonjour. Qu’est-ce-que tu fais ?
- Je m’entraîne à écrire. Père va m’interroger ce soir.
- Oh, très bien. Tu arrives ?
- J’arrive bien, regarde !
Gemma montra à Gaïa ses feuilles. Elle avait recopié la page du livre qu’elle lisait, un roman d’un ancêtre des Nott.
- Excellent ! Tu es super intelligente, continue comme ça.
La petite de cinq ans lança un sourire rayonnant à sa cousine. Gaïa était la seule qui l’encourageait, avec Harvey. Ses parents déléguaient son éducation aux elfes de maison, échangeant rarement avec leur fille.
- J’ai appris à Harvey aussi !
Gaïa fronça les sourcils sans comprendre.
- Tu as quoi ?
Sa voix plus grave ne constitua pas un indice de son mécontentement aux yeux de Gemma, qui expliqua :
- J’ai appris à écrire et à lire à Harvey ! Ça fait un mois, il arrive plutôt bien.
- Tu es folle ? Qu’est-ce-qui t’a pris ? C’était stupide de faire ça !
La fillette baissa les yeux, sans comprendre.
- Pourquoi ?
- Harvey est un elfe de maison, une créature inférieure à nous. Il est ton domestique, ton esclave. C’est comme si tu apprenais le piano à ton chat, tu comprends ce que je veux dire ?
Gemma hocha la tête. Gaïa craignait de l’avoir blessée, aussi ouvrit-elle ses bras. Sa cousine s’y blottit, et son aînée referma ses bras, berçant celle qu’elle considérait comme sa petite sœur.
- Je suis désolée, c’est comme ça. Et maintenant, qu’est-ce-qu’on fait ? Tu écris déjà à la perfection, autant s’amuser un peu ! Où as-tu rangé ton jeu d’échecs ?
Les deux fillettes jouèrent un temps, entamant une longue partie où Gaïa avait l’avantage, ce qui l’enorgueillissait bien que son adversaire ait cinq petites années.  Plus elles jouaient, moins Gemma semblait concentrée, les yeux posés sur sa cousine plutôt que sur le plateau.
- C’est à toi ! l’informa Gaïa après avoir mis en danger la reine blanche de sa cousine.
- Mmmh… fut la réponse indistincte de l’enfant, qui se contenta de mettre sa reine hors de portée du fou noir alors qu’une autre de ses pièces aurait pu supprimer la menace sans représailles.
Remarquant cela, Gaïa s’apprêta à lui expliquer comment elle aurait pu déjouer son coup, mais elle aperçut l’air triste de Gemma.
- Qu’est-ce-qui se passe ?
Visiblement, la fillette n’attendait que cette question pour se confier. Elle leva ses grands yeux vert pâle vers Gaïa, et expliqua :
- L’année prochaine, tu vas aller à Poudlard.
La petite fille de dix ans hocha la tête avec un sourire. Elle avait tellement hâte de s’y rendre, afin de parfaire ses connaissances en tous les domaines, d’enfin pratiquer la magie, d’enfin grandir ! Gaïa n’avait jamais réellement goûté à l’innocence et au bonheur de l’enfance, qui ne représentait qu’un carcan à ses yeux, aussi avait-elle désespérément hâte d’être adulte, pour pouvoir dire et faire ce qu’elle voulait, agir pour le monde des sorciers, repousser la menace des Indignes. Briller.
- Mais moi pas, ajouta Gemma, bien que ce soit évident. Et tu vas me manquer. Beaucoup.
Sa déclaration perturba Gaïa. Elle n’avait pas l’habitude qu’on lui dise des choses pareilles, des phrases dans lesquelles on pouvait déceler un véritable amour. Dans sa famille, Gemma était la seule à exprimer ses sentiments aussi bien. La seule à ne pas les craindre, à les considérer comme une faiblesse. C’était sans doute lié à son jeune âge, et Gaïa pariait déjà que ses parents s’empresseraient d’effacer ce défaut d’ici quelques années. En attendant, c’était une bouffée d’air frais, mais cela inquiétait sa cousine. Elle ignorait si Hypérion Nott réservait les mêmes châtiments corporels à sa fille que Perseus. Si c’était le cas, il devrait commencer à la punir de cette façon dès l’âge de sept ans, comme ce fut le cas pour Gaïa. La petite fille voulait absolument protéger sa cousine, mais ignorait comment le faire sans, malgré elle, lui apprendre à ravaler ses convictions et effacer sa personnalité.
Sa réflexion avait duré une longue minute, pendant laquelle Gemma la fixait, hésitante, timide, triste.
- Tu vas pas m’oublier hein ? Tu m’écriras ? Je peux lire maintenant. Tu n’oublieras pas ?
Touchée, Gaïa prit les mains de sa cousine par-dessus le plateau d’échecs. Puis, elle le contourna et s’assit à côté de Gemma, sur le lit à baldaquin sur lequel elles jouaient.
- Je t’écrirai. Toutes les semaines. Jamais je ne pourrai t’oublier, Gemma. Tu es ma cousine. Je…
Des mots rares, des mots précieux, se précipitèrent sur la langue de Gaïa. Des mots qu’elle n’avait jamais entendus prononcés, qu’elle avait à peine lus dans un livre. Ces mots restèrent prisonniers de sa gorge, ses lèvres refusant de les esquisser.
- Je serai toujours là pour toi, dit-elle à la place. Tu pourras toujours compter sur moi pour te guider et te protéger. Où que tu sois, où que je sois. Toujours. N’en doute jamais. Retiens-le.
Gemma serra les mains de sa cousine, les larmes aux yeux. Son amour voulait dire tant de choses pour elle. Gaïa était la seule personne qui l’aimait. Elle s’entendait bien avec Harvey, bien sûr, son elfe préféré, son compagnon de jeu depuis toujours, mais ce n’était pas pareil. C’était un ami. Gaïa était de sa famille. L’enfant avait tellement envie de croire sa cousine, aussi demanda-t-elle avec espoir, tendant son petit doigt :
- Tu le promets ?
Gaïa considéra l’auriculaire de Gemma avec curiosité, puis comprit. Elle enroula son propre petit doigt autour du sien, et le serra doucement comme lors d’une poignée de main. D’un pacte. C’était leur Serment Inviolable.
- Je te le promets.
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thelema-fr · 1 year
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Qui connaît, partage - Gnose et Magie
Post #10
La connaissance. Ou “Gnôsis” en grec. 
C’est aussi un courant religieux à l’égal du courant de pensée qui se qualifie d’ayant trait à la connaissance. Il ne s’agit pas d’une connaissance cachée mais bien d’une connaissance partagée, expliquée, débattue.
Il est clair qu’aux premiers siècles après la mort du Christ, ce n’est pas une Eglise réservant ses écrits (dont la Bible !) à ses “élus”, les évêques , qui allait se mettre à partager les connaissances avec le “peuple”, c’est-à-dire tous ceux qui ne sont pas membres, a minima, du clergé.
La création de ce qu’ils appellent le “Canon” ou la sélection des textes qui allaient former la Bible officielle, se fit sur fond de luttes de pouvoir qui n’avaient rien de véritablement divin. Pour rappel de cette “prétention” catholique je vous renvoie également à ce Post (cliquez ici le lien).
Bref, ce Canon fut établit en 382 lors du Concile de Rome et bannit toute une série de textes jugés hérétiques c’est à dire contraire à la doctrine catholique. Mais en rien ce fait d’une exclusion pour d’obscures raisons quasi politiques ne discrédite l’authenticité de ces textes dit gnostiques ni la valeur de leurs contenus. C’est juste une bande de gars avec des mitres sur la tête qui ont pointé de leur crosse certains textes en disant “ceux-là vous pouvez les lire, les autres non !”
D’ailleurs, depuis que les textes de la Mer Morte ont été découvert (c’était vers 1950), certains religieux catholiques romains parlent (sous le manteau) de certains de ces textes, y trouvant même des éléments pour leur foi certes bien guindée et étriquée par leur structure mentale forgée selon “la” doctrine.
Il y a, à mon sens, une certaine hypocrisie à, lors de la messe, prêcher au sujet d’un texte divin pour en faire comprendre le contenu, d’une part, et, d’autre part qualifier d’hérétiques ceux qui “sont” de la gnose. Vous ne trouvez pas ?
Définir un langage
Il y a un phénomène à double sens qui va d’un concept à l’autre et inversement. Un de ces concepts est la création d’un langage en référence à ce qui est déjà connu. L’autre concept est la “Connaissance” ou notre rapport décodé au monde. L’un n’est pas antérieur à l’autre. Les deux se stimulant mutuellement. Je pense que l’on peut parler d’analogie, voire, dans cet esprit, de système analogique. 
Outre ce langage qui influence la vision que nous pouvons avoir du monde (et vice versa), il y a “ceux qui” créent ce langage et bénéficient de cette nouvelle vision du monde. Ce groupe de personnes, fatalement restreint à une époque où les moyens de communication à distance étaient fort limités, devint vite un groupe d’initié, une sorte de “caste”. Seuls ceux y appartenant pouvaient comprendre ce dont ils débattaient. 
Au fur et à mesure de l’évolution des moyens de communication et de l’instruction (la scolarité) des masses - au sens quantitatif du terme - ces groupes d’initiés ont dû travestir leurs connaissances pour en protéger l’interprétation par les non initiés. C’est ainsi que si vous tombez sur un texte qui traite d’alchimie, de magie ou d’ésotérisme en général, son contenu n’est pas à prendre “à la lettre”, les lettres, mots, schémas et dessins ne voulant pas dirent ce qu’un non initié pourrait y voir a priori.  
Tout cela se faisant “en référence à ce qui est déjà connu” (cfr. un peu plus haut dans ce texte), il ne faut pas s’étonner de retrouver dans la religion chrétienne catholique romaine (et son pape) des notions qui étaient présentent dans les (avec un “s”) églises chrétiennes (sans pape et indépendantes à cette époque). Pas étonnant non plus que les cultes chrétiens aient repris ou intégrés des postulats ou rites des religions qui localement les avaient précédés.
Et il en est de même pour Thelema ou tout autre système de pensée placé sur une ligne du temps. Prenez par exemple la franc-maçonnerie. Regardez sa “date de naissance” selon WikiPédia : [QUOTE]  elle semble apparaître en 1598 en Écosse (Statuts Schaw), puis en Angleterre à la fin du xviie siècle [UNQUOTE] Elle est donc bien évidemment postérieure au christianisme. Et vous retrouverez dans ses rites des allusions directes (des analogies) au christianisme. Ceci même si ses initiés voient un lien entre franc-maçonnerie et égyptologie prétendant que leurs enseignements proviennent directement des égyptiens. Ce qui, en fait est également le cas du christianisme, à y penser de plus près !
Mais l’ésotérisme n’est pas une grande cour de récréation où se chamaillent des personnes prétendant être les héritiers de telle ou telle connaissance véritable. Cela aussi doit être décodé car cela fait également partie du travestissement qui a pour but de protéger l’application de la connaissance par un non initié qui pourrait amener à des conséquences désastreuses pour l’humanité.
Les éons
Pas étonnant, donc, de retrouver toute une symbolique égyptienne en Thelema. Pour rappel, veuillez lire ou relire mon bref post sur l’historique résumée de Thelema en cliquant ici.
Trois temps, appelés éons en occultisme développés ouvertement par Aleister Crowley mais déjà en place depuis John Dee - le magicien et astrologue de la Reine Élizabeth I du Royaume-Unis et Commonwealth - par le biais du jeu d’échec énochien. Ces trois éons sont celui d’Isis, suivi de celui d’Osiris, suivi de celui d’Horus, le nôtre actuellement.
Pour faire très court, Isis est un déesse qui a pris Osiris pour époux. Ce dernier est tué par Seth qui était jaloux de leur union. Isis retrouve Osiris en songe et a un enfant de lui, c’est Horus.
Il y a donc trois temps. Celui de la joie, du bonheur, Isis. Celui de la peine, de la mort, Osiris. Et celui de la renaissance inattendue, Horus.
Ce n’est pas pour rien que cette thématique, cette succession se retrouve dans pratiquement tous nos discours, dans nos histoires et dans les scripts des films “hollywoodiens”. Rambo vivait tranquillement. Les méchants arrivent et kidnappent sa copine. Au passage les méchants lui mettent une raclée. Il s’entraîne, s’équipe et les descend tous jusqu’au dernier pour sauver sa bien aimée... Idem avec Rocky, et les autres...
Il n’en est pas différemment pour les récits antiques.
Là où cela devient intéressant c’est qu’Aleister détermine ce qui fait les caractéristiques de ces éons et comment et pourquoi il y a un passage de l’un à l’autre. Et ce que cela implique pour l’humain que nous sommes. 
Ces éons mettent en jeu des énergies différentes (que nous pouvons appeler dieux) qui ont des effets sur notre quotidien et que nous pouvons faire apparaître. 
Deux exemples.
Lors de l'infection de la Terre par le virus du Covid, la pollution de l’air et de nos cours d’eau s’est vue fortement diminuée. Au point que des cours d’eau grisonnant sont redevenus limpides seulement en l’espace de quelques mois. 
Dans les années 70 il n’était pas rare pour les filles (aussi parfois pour les garçons) d’obtenir un poste ou un avancement grâce à la “promotion canapé”. On offrait une faveur sexuelle à son patron, dit platement. 
Les temps évoluent et apportent des choses positives comme le retour de la nature ou une éthique plus respectueuse de l’autre. Mais cette évolution apporte aussi son lot de nouveaux défis, comme la résurgence du nazisme ou la disparition progressive de la classe moyenne, par exemples.
Faire apparaître ces forces qui nous entourent nous permet d’en devenir maître, et non plus d’être leurs jouets... Tout un art...
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Votre “devoir” du post :  
Apprenez les noms des trois éons et leur sens.
Repassez rapidement en revue votre vie, déterminez les trois périodes de bien-être, d’angoisses et de créativité qui y ont eu cours (il y en aura plusieurs de chaque, bien entendu) et prenez un temps pour nommer ce qui en a été l’impulsion. Déterminez également d’où provenait cette impulsion et quelle est (ou était) son histoire. Que reste-t-il de cette énergie, en quoi s’est-elle transformée ?
L’important pour un magicien est de comprendre au mieux comment il se sent, et ce dans quoi il se trouve, son milieu. Tant d’un point de vue physique, matériel, physiologique que mental et émotionnel. 
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exposanttrois-eu · 1 year
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Ecrire, illustrer pour expliquer et ne plus croire que l'autre sait.
C'est le choix de @mon-coach.brussels et de @natachadeprins :)
C’est le choix de @mon-coach.brussels ! Dans le cadre de l’arobathérapie™, se renouveler est certainement important mais expliquer l’est tout au tant. Ouvrir la porte à la compréhension des mots usuels dans une profession, les illustrer correctement et ôter le voile guindé de la méconnaissance. Une première séance, une seconde rencontre.
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soeurdelune · 2 years
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COUCOU! est-ce que par hasard daniel brûhl t'inspirerait ? pour un perso un peu guindé, très preppy, mais quand même très proche de sa famille. il irait bien à tes dark academia vibes je trouve
j'ai été ravie de grapher sur lui, je le trouve formidable et, bizarrement, toujours sous-côté de fou?? (#scandale) bref, je t'ai fait 6 avatars ici et j'espère qu'ils te plairont ♡
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