#nohomechallenge
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selidren · 1 month ago
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Automne 1927 - Champs-les-Sims
3/5
Avoir deux filles m'a fait beaucoup pensé. Surtout au vu de ce que tu écris dans ta lettre au sujet des femmes au Canada ou de l'enseignement de l'anglais. J'en ai discuté avec Antoine, et figure toi qu'il connait étrangement bien le sujet. En effet, la faculté des Sciences Politiques où il étudie est très "américanophile" comme il dit. Il dit que ça vient de Tocqueville, même si je n'ai aucune idée de qui il s'agit mis à part qu'il s'agissait d'un philosophe. Nous en avons même parlé assez longuement, et quand Antoine parle de politique, il a cette petite lueur dans les yeux qui me rend parfois jalouse de ne pas être allée à la faculté.
Il aimerait pouvoir en parler plus longuement, mais Grand-Mère n'apprécie pas tellement les socialistes, sans bien sur évoquer les communistes. De plus, avoir un débat avec elle est éreintant, elle ne cesse de multiplier les stratégies de fuite ou les appels au bon sens quand elle se sent en difficulté. Pour mon frère, c'est assez difficile à vivre car il aimerait pouvoir partager plus de choses avec elle. Pense-tu, quand il est question de politique, elle rapporte tout à Napoléon ! Et pas seulement au troisième.
Transcription :
Eugénie « Et comment se passe l’école mon garçon ? »
Marc-Antoine « Très bien Grand-Mère. Mes professeurs sont contents de mon travail et je passe la plupart de mon temps libre à la bibliothèque. Ils n’arrêtent pas d’y ramener de nouveaux livres, c’est fascinant. Beaucoup de livres américains cependant... »
Arsinoé « Et ça ne te plaît pas ? »
Marc-Antoine « Bon, je n’ose pas dire grand-chose, mais j’ai l’impression que tout le monde à la faculté ne jure que par l’Amérique. L’Amérique par ci, l’industrie américaine par là, la femme américaine serait « trop libérée »… Enfin bref, nos anciens sont tellement persuadés de prêcher en territoire conquis qu’ils en oublient que tout le monde n’est pas d’accord. Mais d’un autre côté, ils fustigent Wilson et ses Quatorze Points. »
Arsinoé « Donc en réalité, ils ne suivent que ce qui les arrange. Soit c’est un modèle à suivre, soit c’est un contre-exemple à éviter. »
Marc-Antoine « Exactement ! Ils n’ont que ça à la bouche ! »
Eugénie « Les Américains sont des brutes incultes, je l’ai toujours dit. Je ne vois pas en quoi nous devrions être fascinés par tous ces imbéciles d’outre Atlantique. »
Arsinoé « Le Canada est aussi en Amérique, Grand-Mère. »
Eugénie « Seigneur ma fille, me crois-tu idiote ? Heureusement qu’il y a là-bas quelques français pour raffiner l’ensemble, voilà ce que je dis ! Si ce n’était Napoléon, je ne parviens pas à comprendre ce qui a pu pousser ton arrière-grand-oncle Jacques à rester. »
Marc-Antoine « Tout n’est pas si blanc ou si noir Grand-Mère. Et je ne crois pas qu’on puisse parler vraiment de « français ». Ils sont canadiens depuis bien longtemps, et si ce n’est la langue, je pense qu’ils ont une culture aussi différente qu’entre nous et… voyons… nos voisins allemands par exemple. »
Eugénie « Oh non, pas les allemands. Ces immondes brutes nous ont bien fait assez de mal ! »
Marc-Antoine « Je ne faisais que… oh, laissez tomber ce n’est pas grave. »
Arsinoé « Vous n’aimez pas grand-monde Grand-Mère. »
Eugénie « Il faut dire qu’il n’y a pas grand monde pour nous aimer non plus. La réciproque est vraie également. Mais n’y voyez pas une attaque contre nos cousins, ce sont de braves gens. Même si il est vrai que Cousin Jules est sans doute trop américain sur bien des aspects... »
Marc-Antoine « Je ne suis pas sur que... »
Arsinoé « Quelqu’un peut-il trouver grâce à vos yeux ? »
Eugénie « Tu me vois donc comme une vieille bique amère… Pour commencer, vous bien sur ! Ma brillante descendance qui comble toutes mes attentes, ainsi que... »
Marc-Antoine « Que pensez-vous des communistes ? »
Eugénie « Oh ceux-là. Vous savez, je n’ai rien contre les socialistes, mais il ne faut pas trop l’être non plus n’est-ce pas ? Quand il était jeune, votre père a lu un livre socialiste, et il a retourné la tête à tous les élèves de sa classe. C’était un pamphlet anti-clérical, a-t-on idée d’introduire cela chez nous ? Les communistes détestent Dieu ! Fort heureusement, votre grand-père a eu tôt fait de lui remettre les idées en place. »
Arsinoé « Pourtant, Papa aime toujours aussi peu les curés, de même que les monarchistes. »
Eugénie « C’est à cause de toutes ces bêtises qu’il a lues. Le socialisme mets des idées étranges dans la tête des gens. Vous savez qui était également socialiste ? La mère de Cousin Jules. Et quels étranges fils elle a eu… La brave femme a sans doute fait de son mieux, mais avec de telles idées, il était naturel que ces deux arbres ne poussent pas droit. »
Arsinoé « Admettez quand même que certaines idées sont bonnes. Je ne suis pas spécialistes, mais il me semble que les communistes veulent davantage d’égalité dans la société, et ce n’est pas plus mal n’est-ce pas ? »
Eugénie « De mon temps, les gens n’avaient pas toutes ces bêtises en tête et ils n’étaient pas plus malheureux. L’égalité… pfff, à quoi bon ? Va t-on déposséder tous ces braves patrons des biens qu’ils ont mis leur vie entière à créer ? »
Marc-Antoine « Et bien, nous pouvons comprendre leur point de vue non ? »
Eugénie « Veux-tu voir ta sœur privée de ses biens ? Toutes nos belles choses dispersées aux quatre vents ? Assister à la fin de tout ce que votre grand-père et votre oncle ont mis une vie à bâtir ? »
Marc-Antoine « Non… bien sur que non... »
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aisakalegacy · 4 years ago
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Feat. @selidren
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selidren · 1 month ago
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Automne 1926 - Champs-les-Sims
3/3
J'espère pouvoir t'annoncer une bonne nouvelle sous peu, et qui sais, peut-être que cela te fera plaisir car tu ne pense pas (comme Antoine), que j'ai en quelques sortes gâché ma vie. J'ai été surprise, car de tous mes proches, c'est sans doute lui qui l'a pris le plus mal. Papa a estimé que j'étais un peu jeune pour déjà me marier, mais il n'a pas insisté quand je lui ai dit que c'était mon souhait.
J'ai heureusement pu rencontrer mes petites soeurs ! Elles sont adorables, surtout Julienne, et elles se ressemblent autant que Cléo et moi. C'est vraiment étrange de les voir et de constater que mes propres enfants auront sensiblement le même âge.
Je voulais conclure en revenant sur ce que tu mentionnais à propos de vos problèmes financiers. Par expérience, je sais que ce n'est pas facile à admettre comme genre de problème. Je suis flattée que tu te confies à moi et je veux que tu saches qu'en cas de besoin, je peux y pourvoir. Je ne pense pas me vanter ou être impudente en affirmant que les affaires familiales vont assez bien pour entretenir le nouveau foyer de mes parents à Alexandrie, les chambres d'Antoine et Cléo à Paris, le pensionnat de Jean-François ou encore les besoins de Sélène (en tous cas jusqu'à son mariage). Sache que tu n'as qu'à demander.
Je te souhaites le meilleur,
Ta cousine, la nouvellement nommée Arsinoé Le Bris de Chastel
P.S. Vois-tu, je porte une particule désormais ! Je pense que si notre ancêtre commun en était témoin, il ne le croirait pas.
Transcription :
Arsinoé « Antoine. Je comprends tes inquiétudes. Mais tu n’étais pas là. Il fallait que je réagisse rapidement. »
Marc-Antoine « Pourquoi tu ne m’a pas appelé ? Nous aurions trouvé une solution tous les deux… Tu sais que je suis là, que tu peux me demander ce que tu veux et que j’aurais fait n’importe quoi... »
Arsinoé « Tu n’aurais rien pu faire. Il faut que tu acceptes que cette fois-ci, tu ne pouvais rien pour moi. Tu ne m’as ni trahie, ni laissée tomber. Sans compter que la situation aurais pu être pire. Cette solution est idéale, même si elle ne te convient pas. »
Marc-Antoine « C’est juste que voir Grand-Mère jubiler à ce point, ça m’a mis tellement en colère. »
Arsinoé « Mais pourquoi ? »
Marc-Antoine « Je… ça ne semblait pas bien. C’est ta vie, pas la sienne. »
Arsinoé « Antoine… Accepte qu’il n’y avait pas d’autre solution. Tu sais, nous avons discuté avec Ange. Longuement. De toute ce qui allait se passer, de ce que nous voulions tous les deux. Nous sommes satisfaits. »
Marc-Antoine « Alors… C’est vraiment ce que tu veux ? »
Arsinoé « Oui, vraiment. Mais de toute façon, ce serait un peu tard pour renoncer. J’aurais pu te le dire si tu m’avais parlé avant plutôt que de bouder comme un enfant jusqu’à la cérémonie. »
Marc-Antoine « Pardon... »
Marc-Antoine « Et maintenant ? »
Arsinoé « Maintenant ? Je vais retourner à mon travail jusqu’à ce que je sois trop fatiguée, puis je prendrai de longues semaines de repos dans le jardin d’hiver jusqu’à la naissance. Et après, je commencerai ma vie de mère. Et toi alors ? »
Marc-Antoine « Et bien… Je vais retourner à Paris terminer l’école. Puis je reviendrai ici le plus tôt possible. Pour Aurore bien sur, mais aussi parce que Kleber et Raoul veulent créer une liste communiste pour la mairie et que je pense saisir ma chance. Avec mes connaissances à Paris, je vais gagner une vraie légitimité. »
Arsinoé « Avec un tel programme, tu seras député avant trente ans. »
Marc-Antoine « N’exagère rien ! Mais je pense qu’il faut faire une différence, se battre pour ses convictions. Et t’épauler bien sur. Il ne sera jamais dit que je laisse tomber ma grand-sœur, jamais ! C’est ce que Grand-Père Maximilien a toujours fait, veiller sur sa famille, et je vais prendre le relai. »
Arsinoé « Alors c’est formidable ! Tous les enfants Le Bris vont suivre leur rêve. Oh, ne me regardes pas comme ça, je m’incluais dans le lot ! »
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selidren · 21 days ago
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Hiver 1928-1929 - Champs-les-Sims
Télégramme reçu à Gananoque (ON), X XXXX 1929
Champs-les-Sims XX XXXX 1929,
Cher cousin,
Mon arrière-grand-mère, Eugénie Le Bris, est décédée hier. Nous sommes tous anéantis. Les funérailles auront lieu dans exactement 10 jours quand vous recevrez ce billet. Je t'écrirai une vraie lettre, mais il faudra me laisser un peu de temps.
Noé
Transcription :
Marc-Antoine « Noé ? Tu es encore là… »
Arsinoé « Elle me manque horriblement. »
Marc-Antoine « Je sais. Moi aussi. »
Arsinoé « Je viens ici tout le temps, pour essayer de me rapprocher d’elle. Mais le pire, c’est que ça ne change rien. Je ne ressens rien, c’est juste une dalle froide. Je suis morte de froid, et tout ça pour rien. »
Marc-Antoine « Alors viens. Rentrons. »
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selidren · 2 months ago
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Eté 1926 - Champs-les-Sims
4/10
J'ai pensé que ce serait dur les premiers jours. J'ai été naïve : ça a été très déstabilisant. Au lendemain, j'étais comme hors de mon corps, cela m'a un peu rappelé la façon dont Tante Rose endort ses patients (elle est chirurgien et elle adore parler de son métier). J'étais hors de moi, mais consciente, comme si j'étais une autre personne, et que ce problème n'était pas vraiment le mien. Comme si c'était arrivé à quelqu'un d'autre et que j'étais désolée pour lui. Cet état étrange a duré un bon moment. Oncle Adelphe a été très inquiet, mais il m'a dit que c'était le choc, que certains gars revenus de la guerre avaient un peu le même regard, et que ça finissait toujours par passer. Puis, il s'est passé une chose vraiment étrange.
Un jour où nous étions lui et moi dans le bureau à faire la comptabilité, quelques jours avant le mariage d'Anne, j'ai réalise quelque chose de grave. Et je l'ai réalisé à voix haute. Once Adelphe en a fait tomber les registres de l'étagère sous le saisissement. Puis je suis allée voir ma Grand-Mère, car il n'y avait qu'elle qui pouvait régler ce nouveau problème.
Transcription :
Arsinoé « Grand-Mère ? Je peux vous parler un instant ? »
Eugénie « Cela peut-il attendre, jeune fille ? Le livre de ta sœur est passionnant et j’aimerais au moins conclure ce chapitre. »
Arsinoé « C’est que… c’est vraiment urgent. »
Eugénie « Une urgence d’une nature précise ? »
Arsinoé « On peut dire ça. Je pense que je n’exagère pas en disant qu’il s’agit de l’avenir de la famille. »
Eugénie « Bon, fort bien ma petite. Qu’est-ce qui peut être si grave ? Tu n’as pas l’air si heurtée que cela. »
Arsinoé « Je ne sais pas vraiment pourquoi Grand-Mère, mais depuis ce matin, je me sens comme loin de mon corps. C’est toujours grave, mais c’est comme si je le ressentais moins. »
Eugénie « C’est étrange ce que tu me décris là ! Enfin bon, tu n’es pas la fille de ton père pour rien. Allons ne soit pas timide, qu’est-ce qui te préoccupe ? »
Arsinoé « C’est que… je ne sais pas comment le dire ! Vous allez vous fâcher ! »
Eugénie « Seigneur, puisque tu viens me voir c’est que tu le sais n’est-ce pas ? Et tu es venue quand même, je devine donc que c’est aussi grave que capital. Allez, crache-donc le morceau. »
Arsinoé « Il y a… ce garçon. »
Eugénie « Tu fréquentes un garçon. Je n’étais pas au courant, c’est déjà très agaçant pour moi. »
Arsinoé « Vous n’auriez pas approuvé Grand-Mère. C’était un garçon du commun, comme vous dites. »
Eugénie « Et bien voyons… Quelle malédiction pèse donc sur ma descendance pour que nous soyons tous des sots à même de se marier avec le premier laborieux venu ou la première souillon dont on croise le regard ? Je note cependant que tu utilises le passé. Tu ne le vois plus ? »
Arsinoé « Non Grand-Mère. Je ne veux plus le voir, et Oncle Adelphe y veille. »
Eugénie « Dieu merci ! Ce garçon est de loin le membre de cette famille qui a toujours le mieux veillé à nos intérêts. Et qui a fait le plus raisonnable des mariages ! »
Arsinoé « Il a épouse sa cousine ! »
Eugénie « Oui, c’est bien ce que je dis. »
Eugénie « Peu importe. Si tu ne vois plus ce garçon, le problème est réglé n’est-ce pas ? »
Arsinoé « Pas vraiment Grand-Mère. Il va épouser Cousine Anne. »
Eugénie « Adelphe est bien trop laxiste avec ses enfants, mais il ne s’agit pas de tes affaires si tu ne veux plus de lui. Alors dis moi une bonne fois pour toutes, où est le problème ? »
Arsinoé « ... »
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selidren · 23 days ago
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Automne 1928 - Champs-les-Sims
4/5
En parlant de Mademoiselle Laroche, il me semble qu'elle et mon frère soient passés à une nouvelle phase de leur relation. Une phase dont la discrétion laisse à désirer mais je n'ose vraiment en parler frontalement à Antoine, de peur de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Si ils se tournent toujours autour comme deux oiseaux en pleine parade nuptiale, il leur arrive de plus en plus fréquemment de se lancer de petites piques en ma présence ou celle d'Oncle Adelphe. Même Jean-François m'a évoqué son "sentiment de gêne" dans sa dernière lettre. Mon jeune frère a un côté pudique et convenable à l'excès que Grand-Mère adore, et quand il rentre nous voir, Antoine l'appelle "Grand-Père".
Bref, en écrivant ces lignes, je me rends compte que ce n'est pas vraiment la réalité. C'est Antoine qui la provoque bien davantage que l'inverse, et elle a souvent l'air profondément confuse, même si elle répond toujours pas une répartie bien sentie. Je ne sais pas vraiment à quoi joue mon frère, mais j'ai parfois l'impression qu'il ne réalise pas que dans cette relation, Mademoiselle Laroche est bien moins libre que lui. J'en suis un peu inquiète, car j'ai peur qu'il finisse par tout gâcher sans s'en rendre compte, et j'aimerai que leur histoire finisse bien. Que veux tu ? Cléopâtre et son indécrottable et ardent romantisme m'ont contaminés !
Transcription :
Aurore « Mais qu’est-ce qui vous a pris ? »
Marc-Antoine « De quoi... »
Aurore « Tous ces sous-entendus quand je parlais à votre sœur ! Vous voulez vraiment que je me fasse renvoyer ? »
Marc-Antoine « Mais non ! Et vous n’êtes pas non plus toute blanche dans cette affaire il me semble ! De toute façon, je pense qu’elle se doute de quelque chose depuis un moment car elle m’a dit qu’elle parlait de nous dans ses lettres à Cousin Lucien. J’imagine qu’il s’agit de... »
Aurore « Votre cousin ? Même votre cousin du Canada est au courant ? Et j’ai toujours mon emploi ? Mais dans quelle famille j’ai atterri au juste ? »
Marc-Antoine « Les Le Bris sont un peu particuliers c’est vrai. Ceux de France en tous cas. »
Aurore « Une maîtresse de maison qui laisse, comme ça, son frère flirter avec la bonne, c’est sur que ce n’est pas commun. »
Marc-Antoine « Si ça vous gêne, on peut arrêter. »
Aurore « Non, j’apprécie bien nos échanges. »
Marc-Antoine « Vraiment ? Alors je vous manque quand je suis à Paris ? »
Aurore « Je fais mieux mon travail quand vous n’êtes pas là mais… oui, vous me manquez. Faites juste en sorte que ce soit un peu plus discret, ne me cherchez pas comme ça devant votre sœur, même si elle est au courant. Et surtout pas devant Madame Eugénie ! »
Marc-Antoine « Pas besoin de me le dire, je tiens à garder ma tête encore un peu de temps ! Vous savez, tout le monde au village se souvient de la façon dont elle a réagit quand son fils aîné s’est fiancé à la gouvernante quand il était jeune. Je n’ai pas vraiment envie qu’il m’arrive la même chose. »
Aurore « Oh… et il lui est arrivé quoi au juste ? »
Marc-Antoine « Heu… je ne connais pas les détails, mais tout le monde s’accorde pour dire que ça a été terrible. Après tout, on s’en souvient encore même si seulement deux personnes seulement sont assez vieilles pour encore s’en souvenir. »
Aurore « Je vois... »
Marc-Antoine « Ne tirez pas cette mine ! Ils ont pu se marier finalement. »
Aurore « Comment s’appelait ce Monsieur ? »
Marc-Antoine « Il me semble que… Matthieu oui, c’est ça. Mon grand-oncle Matthieu. Mais… qu’est-ce qu’il y a ? »
Aurore « Il fait partie de ceux qu’il est rigoureusement interdit de mentionner en présence de votre grand-mère. Votre mère m’a donné une liste quand je suis arrivée. C’est que ça n’a pas du se terminer si bien que ça. »
Marc-Antoine « Ma famille est compliquée, c’est tout. »
Aurore « Je ne veux juste pas que ça vous créer des histoires. »
Marc-Antoine « Non, ça n’en créera pas Aurore… enfin, Madamoiselle Laroche. Ecoutez, je vous aime beaucoup, et même si c’est encore un peu tôt, j’aimerai tout de même que vous me laissiez une chance de vous prouver que je ne suis pas là pour jouer avec vos sentiments ou simplement pour m’amuser. Tout le monde vous dira de moi que ce n’est absolument pas mon genre ! »
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selidren · 24 days ago
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Automne 1928 - Champs-les-Sims
2/5
Et bien sur, c'est sans compter sur sa faiblesse physique grandissante, mais assez attendue chez une dame de son âge qui a battu le record de longévité de la commune avec une confortable avance. Elle m'a même délégué tout ce qui tient à la gestion du foyer. En apprenant la nouvelle, Oncle Adelphe s'est immédiatement affolé, et je peux comprendre pourquoi. De toute sa vie, il n'a jamais vu Eugénie Le Bris céder du terrain à qui que ce soit sur ce sujet. Et mon oncle va sur ses cinquante-trois ans.
J'avoue avoir été complètement dépassée sur le sujet. Tous ces sujets n'ont jamais été abordés par l'école puis par mon précepteur, si ce n'est le volet comptable. Encore moins par mon oncle d'ailleurs. J'ai du m'en remettre à Mademoiselle Laroche et Ange, qui s'est avéré un excellent gestionnaire.
Transcription :
Aurore « Madame, j’ai quelques questions à vous poser si vous avez un peu de temps. »
Arsinoé « J’ai un peu de temps pour moi, je vous en prie. »
Aurore « C’est à propos de la cuisine Madame. Ah et aussi de la literie. »
Arsinoé « La literie ? »
Aurore « Dois-je la changer une fois la semaine ou deux ? Et à quelle heure dois-je faire les lits le matin ? Et en ce qui concerne la cuisine, avez-vous des exigences sur les menus ? Cela me fait penser que l’épicerie a de nouveaux fournisseurs pour le sucre, Monsieur Norel a décidé de planter presque 200 ares de betteraves pour produire au local. Voulez-vous qu’on fasse importer... »
Arsinoé « Attendez une seconde ! Je croyais que la plupart de ces questions étaient réglées par Madame Le Bris depuis un moment. »
Aurore « C’est que Madame est de plus en plus souvent alitée, et elle en a eu assez hier que je vienne lui poser des questions sur le fonctionnement de la maison alors qu’elle avait besoin de repos. Alors elle a dit que tout devra passer par vous et votre mari désormais. »
Marc-Antoine « Tu entends ça Noé ? Te voici enfin maîtresse en ta maison ! »
Aurore « Alors je dois tout voir avec vous Madame. »
Marc-Antoine « Si ça peut vous décharger, je peux émettre quelques recommandations qui... »
Aurore « Je demandais à Madame. Il s’agit de sa maison. »
Arsinoé « Je ne connais pas beaucoup de choses en économie domestique… Enfin, sur le volet financier ce ne sera pas un problème, mais pour le reste… »
Aurore « Puis-je proposer quelques idées à Madame ? »
Arsinoé « Oh oui, s’il vous plaît ! »
Aurore « Je propose de changer les draps une fois par semaine, pour me laisser davantage de temps de lessive que je pourrai consacrer au ménage. Par ailleurs, je propose que le changement se fasse le dimanche, je pourrai ainsi ouvrir les pièces pendant que vous êtes à la messe. Jusqu’à présent, les draps étaient changés trop souvent si voulez mon avis. »
Arsinoé « Vous connaissez ces affaires mieux que moi. Disons que sur le chapitre du fonctionnement et de l’ergonomie, je vous laisse les mains libres. Mais rapportez moi le volume de vos tâches hebdomadaires tout de même. »
Aurore « Et la cuisine ? Il n’y a rien à changer sur le fonctionnement, mais l’équipement est assez vieillot. Et qu’en est-il des menus ? »
Arsinoé « Je verrai pour installer des appareils récents le mois prochain. Et qu’y a t-il par rapport aux menus ? »
Aurore « Souhaitez-vous des changements ? Quand je suis arrivée, votre mère a spécifié qu’elle voulait une cuisine traditionnelle, mis à part pour les crêpes préférées de votre père. »
Marc-Antoine « Oh oui par pitié, un peu de nouveauté ! Je ne sais pas, mais j’aimerais essayer des choses qui vont un peu au-delà des frontières du département. Ou alors, soyons fous, de l’autre côté de nos frontières régionales ! »
Arsinoé « Rien de spécifique ne me vient. Dans tous les cas, veillez à ne pas changer les habitudes alimentaires de ma grand-mère. »
Aurore « Bien entendu Madame. »
Arsinoé « En ce qui concerne les menus, mon mari aura peut-être davantage d’idées. Il vit à Paris une partie du temps et saura nous dire ce qui est à la mode dans les cafés et les restaurants. »
Marc-Antoine « Je vis à Paris aussi ! Et j’ai justement quelques suggestions ! »
Arsinoé « Sachez aussi que les suggestions de mon frère ne sont pas à appliquer séance tenante. »
Marc-Antoine « Je t’entends tu sais ? »
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selidren · 1 day ago
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Eté 1929 - Champs-les-Sims
12/20
Je t'ai déjà longuement parlé d'eux et de leur relation il me semble. J'aimerais un jour qu'Antoine et moi soyons comme eux. Ils ont cette amitié exclusive qui les rapproche plus que des frères. Cela s'est encore vu lors des funérailles de Grand-Mère.
Quand ils sont sortis de la chambre, Papa était blême. Adelphe, lui, semblait avoir quantité de poids supplémentaires à porter sur ses épaules. Il a semblé plus marqué que jamais, même sa cicatrice de la guerre fait pâle figure.
Transcription :
Adelphe « Tintin… Il faut y aller maintenant. Ce ne serait pas correct de trop faire patienter les gens. »
Constantin « Je ne peux pas Adelphe. »
Adelphe « On en a déjà parlé. C’est important. On ne peut pas aller aux funérailles sans toi. »
Constantin « Ne dis pas ce mot ! »
Adelphe « Il faut te faire une raison... »
Constantin « Non… non, je ne peux pas. C’est trop dur... »
Adelphe « C’est dur pour moi aussi. C’est dur pour tout le monde. Mais… personne ne comprendrait si tu ne venais pas. Et tu le regretterais... »
Constantin « Je m’en fiche de ce que les autres veulent comprendre ou pas ! Je m’en fiche de ce qu’ils pensent ? Je veux qu’on me laisse tranquille ! Je veux que tout redevienne comme avant ! Je veux ma grand-mère ! »
Adelphe « Ecoute… S’il te plait... »
Constantin « J’en ai assez tu comprends ? C’est toujours pareil… Les gens disparaissent encore et encore. J’ai perdu Maman, et Tante Lucrèce. Puis Papa. Et après Monsieur Hautbourg est mort dans cette putain de guerre. Puis les cousins. Et voilà que c’est grand-mère qui m’abandonne... »
Adelphe « Elle ne nous a pas abandonnés. Elle est restée avec nous bien plus longtemps que la plupart des gens. »
Constantin « Elle dit toujours… que sa cane est plus vieille que moi... »
Adelphe « Oui. Elle disait cela oui. »
Constantin « Pourquoi les gens doivent-ils disparaître et mourir sans arrêt ? Pourquoi est-ce que, à chaque fois qu’un nouveau s’en va, ça doit faire si mal ? Pourquoi j’ai l’impression d’avoir manqué tant de choses ? Les regrets, la culpabilité… C’est trop dur. »
Adelphe « C’est que... »
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selidren · 5 days ago
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Eté 1929 - Champs-les-Sims
10/20
Tout ce que je te raconte, je n'y ai pas assisté. Il faut dire que la maison étant surpeuplée, il y avait toujours forcément quelqu'un quelque part. Et les murs mitoyens sont parfois un peu fins. Sélène et Cléo, qui finissaient de se préparer dans mon ancienne chambre de jeune fille, ont pu assister à toute la scène. Pour autant qu'elle ont pu, car pour ce que j'en sais, leur propre discussion a été plus qu'animée. Surtout avec la caractère tempétueux et excessif de Cléo.
Transcription :
Sélène « Tu n’as pas peur d’avoir froid à l’église ? L’hommage va durer un bon moment. »
Cléopâtre « Moi ? Froid ? Jamais. Et puis, il faut apporter à ces funérailles un peu du glamour parisien. On en manque cruellement ici. »
Sélène « C’est une robe Chanel ? »
Cléopâtre « Bien sur que non enfin ! Jamais je n’oserais porter une telle robe à des funérailles ! »
Sélène « Tu aurais peur d’y mettre de la boue de province, c’est ça ? La campagne ne lui conviendrait pas ?»
Cléopâtre « On dirait que tu me prend pour une citadine horriblement hautaine. »
Sélène « Et ce n’est pas le cas ? En même temps, avec un prénom comme le tien, c’était un peu prédestiné. »
Cléopâtre « En fait, je faisais simplement remarquer que je voulais pas confondre la nef d’une église avec une salle de réception. Venir avec la dernière robe à la mode aurait été… irrespectueux. Il fallait un peu plus de sobriété. »
Sélène « En effet, il est clair que ton accoutrement est un modèle de sobriété. Je suis certaine que seulement la moitié des invités se retourneront sur ton passage. »
Cléopâtre « Oh, tu sais bien comme je suis ! Je n’allais pas venir habillée comme un sac sous prétexte de ressembler à tout le monde. »
Sélène « Merci bien... »
Cléopâtre « De toute façon, quoi que je dise, j’aurais tord. »
Sélène « C’est bon, c’est bon. Ne te vexe pas. La ville t’as rendue si susceptible ! »
Cléopâtre « Et toi, à force de jouer sur un cours de tennis, tu confonds tes matchs avec la réalité ! Depuis quand es-tu adepte des passes verbales ? »
Sélène « En fait, je me suis entraînée sur Papa. »
Cléopâtre « Le pauvre... »
Sélène « Il se défend. Mais il rend vite les armes. Tu es vraiment certaine de devoir remettre du noir autour des yeux ? »
Cléopâtre « On ne porte jamais assez de khôl. Et puis, cela met en valeur mes yeux, ils ont presque l’air gris plutôt que bleus. »
Sélène « Mais tu pleures toujours aux enterrements. »
Cléopâtre « Je le sais bien ! Il faut dire que c’est toujours si triste... »
Sélène « Tu vas t’en mettre partout... »
Cléopâtre « Mais justement Sélène ! Je porterai mon malheur sur mon visage avec d’épais sillons noirs, ce sera si romanesque ! J’en répandrai partout sur mon mouchoir puis j’y laisserai éclater mes larmes. Ainsi, les gens oublieront ma tenue et ils verront à quel point je suis dévastée. »
Sélène « Cléo, ce sont les funérailles de Grand-Mère, pas les planches de la Comédie-Française. »
Cléopâtre « Tu présages toujours le pire de moi. A t’écouter, on pourrait croire que je suis insensible. »
Sélène « Tu devrais t’écouter parler Cléo. Je sais que tu ne penses pas à mal, mais ces envolées égotistes font vraiment ressortir le pire en toi. Tu ferais une superbe tragédienne, mais ici, tu seras au milieu de gens qui auront déjà bien assez à faire à pleurer sur leur propre perte pour s’occuper de la tienne. »
Cléopâtre « Il n’y a pas à dire, tu sais frapper là où ça fait mal. Tu viens d’infliger à mon égo un coup dont il ne se remettra sans doute jamais. »
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selidren · 7 days ago
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Eté 1929 - Champs-les-Sims
8/20
La journée des funérailles a été mouvementée. Par la force des choses, c'est devenu un jour chômé : comme tout le monde venait, il n'y avait presque plus personne au village pour travailler. Je n'ai jamais vu autant de monde dans notre petite église. Il faisait horriblement froid et il y avait un vent à décorner les boeufs, et pourtant des gens ce sont entassés sur le parvis. Quelqu'un a bien voulu faire une petite place pour le vieux Monsieur Jacqmarcq, car il aurait été monstrueux de laisser le nouveaux doyen du village dehors alors qu'il va sur ses quatre-vingt-dix ans.
Je n'avais pas souvenir que ma grand-mère cultivait autant de relations, mais l'immense majorité des gens avaient l'air affecté par son décès. Ils ne faisaient pas seulement acte de présence. Je pense que je ne le réalise pas encore, mais sa mort a laissé un grand vide par chez nous.
Transcription :
Ange « A ce propos, comment se porte Anne-Sophie ? »
Jeanne « L’âge n’est pas tendre, mais nous sommes dans une période faste. Elle passera au milieu de autres tout à l’heure. »
Ange « Sans avoir l’air de rien bien sur. »
Jeanne « Mon garçon, je me demande si tu as jamais su ce qu’était la subtilité. Fais donc ce que tu veux de tes affaires, mais tout le monde ne peut pas vivre comme toi tu le fais. Tu n’as pas besoin de ce regard de connivence pour avoir ma sympathie. »
Ange « Pardon. Mais comme je ne vais plus à Paris aussi souvent qu’avant, je n’ai plus grand monde à qui en parler. Des gens qui comprennent, j’entends. »
Jeanne « Ma porte t’es toujours ouverte, comme toujours. Il fut un temps où tu la passais plusieurs fois par jour pour venir pleurer dans mes jupes. Ce temps là me manque un peu je dois dire. »
Ange « De mon côté et en toute honnêteté, je vous vois comme une seconde mère Madame Jeanne. Vous aviez pourtant déjà beaucoup d’enfants dont vous occuper, et vous étiez là pour m’écouter. »
Jeanne « Oh, mais c’est bien normal. Qui oserais dire non à un garçon qui a besoin qu’on le console ? »
Ange « Plus de gens que vous ne pouvez imaginer. »
Jeanne « Tu sais, après la mort de mon premier mari, c’est un peu ce qu’a été Madame Eugénie pour moi. Oh, elle avais souvent des mots durs et des idées bien arrêtées, mais elle a toujours eu la patience de m’écouter et de me donner les conseils que j’avais besoin de recevoir. C’est grâce à elle que j’ai compris que ma vie n’était pas finie quand j’ai perdu mon second mari, et c’est cette petite tape dans la bonne direction qui a amené Anne-Sophie dans ma vie. »
Ange « Qui l’aurait cru ? Mais il est vrai qu’elle avait des talents hors de pairs. Pour moi, elle a toujours été comme l’ombre d’un très grand arbre au dessus de moi. Souvent reposante et bienveillante, mais parfois un peu pesante. »
Jeanne « J’imagine que c’est ainsi que me vois mon Andréa quand je viens lui prodiguer des conseils pour ses enfants. Même si par en juger son regard, elle appréhende parfois ma bienveillance. Mais j’imagine que c’est le lot des grand-mères. Agacer tout le monde, sans pour autant qu’on puisse réellement nous contredire, tel Mathusalem. »
Ange « Mathusalem s’applique davantage à Grand-Mère qu’à vous. Sa mort a été un sacré choc. Quelque part, j’imaginais qu’elle serait toujours là. »
Jeanne « Elle semblait bien partie pour. Elle a été dans mon entourage depuis que je suis arrivée d’Hylewood pour ma part. Je suis tant désolée pour toi. »
Ange « Nous l’avons tous perdue. Vous pas moins que les autres. »
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selidren · 9 days ago
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Eté 1929 - Champs-les-Sims
5/20
Quelque part, cela m'a fait beaucoup de bien d'avoir à nouveau la maison pleine de mon, même si nous nous sommes très rapidement marché dessus. En vieillissant, ma tante Juliette a un caractère de plus en plus acariâtre : un rien l'agace et elle ne se gêne pas pour le faire savoir. Nous avons attendu que Maman et Papa arrivent d'Alexandrie avec les jumelles.
Je n'ai pas pu beaucoup voir Maman, car Jeanne et Julienne lui prennent énormément de temps. Papa est allé immédiatement s'enfermer dans la chambre du grenier, et n'en est pas ressorti avant le jour des obsèques. Avant d'aller s'enfermer dans la chambre de Grand-Mère. Je ne l'ai jamais vu ainsi, il avait l'oeil torve et la mâchoire contractée comme si il contenait une affreuse douleur. Il m'a fait peine à voir, mais une fois de plus, je n'ai pas su quoi lui dire. Il n'avait alors adressé la parole qu'à Rose ou Adelphe et ses phrases étaient aussi froides que laconiques.
Transcription :
Rose « Tu marques un point. Mais je pense que Grand-Mère aurait aimé que tous ses descendants soient là. Félix n’a que dix-sept ans, alors il ne se rend pas compte qu’il manquera quelque chose d’important. »
Juliette « Dois-je te rappeler que tout le monde n’est pas là ? »
Rose « Oh non, Juliette ! S’il te plaît... »
Juliette « Et pourquoi non ? Nous avons toujours une mère et une tante qui battent la campagne on ne sait où depuis plus de trente ans ! Elles ne se sont pas montrées que je sache ? »
Rose « Il faut vraiment que tu fasse ton deuil Juliette. »
Juliette « J’ai fait mon deuil quand j’avais quatre ans. Je ne m’en souviens même pas et j’ai grandi sans mère. C’est aussi simple que cela. »
Rose « Oui, tu as parfaitement surmonté cette épreuve, c’est évident. C’est pour cela que tu étouffes de colère à la moindre occasion de mentionner notre mère, soit quand on la mentionne, soit quand tu juges le moment opportun de l’agonir. Tu es drôlement bien placée pour juger Constantin dis donc… »
Rose « Tu ne réponds rien. »
Juliette « Je ne vois pas vraiment ce que je pourrais répondre. Comme souvent, tu as raison, et je me sens comme une gamine idiote. C’est juste que… c’était si injuste ce qui nous est arrivé. »
Rose « Oui, injuste. Mais je suis certaine que ce n’était pas de sa faute. Et quoi qu’il arrive, il est trop tard pour regretter. Elle est certainement morte depuis longtemps. De même que notre tante. »
Juliette « Je suis jalouse de Constantin parfois. Que lui ai eu tant de temps de plus que nous pour les connaître. J’admets que quand il parle d’elles avec son petit sourire mélancolique et ses yeux brillants de nostalgie, j’ai envie de les lui arracher. »
Rose « Je… oui je comprends. »
Juliette « Je me demande aussi si ça n’a pas eu une incidence sur mon Félix. De perdre son père si jeune. Comme la perte de ma mère en a eu sur moi. »
Rose « C’est certain. C’est pour cela que tu ne voulais pas de lui à l’enterrement n’est-ce pas ? »
Juliette « Rose, te souviens-tu de l’enterrement de Clément ? Félix avait quatre ans. Il a pleuré et crié tout du long, ça a été atroce de bout en bout. Il était en train de comprendre qu’il ne reverrait jamais son père. Les autres l’on regardé avec ce regard de pitié si condescendante, et moi j’ai senti leur jugement, parce que j’étais trop malade de tristesse pour réussir à le réconforter. Il a peur des cimetières tu sais ? Même aujourd’hui encore. »
Rose « Je ne savais pas Juliette. Tu aurais pu m’en parler. »
Juliette « Je n’ai jamais été très douée avec mes sentiments, mais après la mort de Clément, j’ai l’impression que quelqu’un a anesthésié mon coeur. J’ai l’impression de tout ressentir de façon étouffée. »
Rose « J’ai cru remarquer quelque chose oui. Tu es plus dure depuis. Avec tout le monde d’un premier abord, mais aussi avec toi. Tu es comme Constantin, tu ne parles de rien avant que tout explose. »
Juliette « Sauf que je n’ai pas explosé. C’est en dedans, et ça ne sort pas. Et de toute façon, qu’est-ce que tu aurais pu y faire ? »
Rose « Je suis peut-être médecin, mais tu as été infirmière. Tu sais très bien que parler aide, ne serait-ce qu’un peu. »
Juliette « Moi ça ne m’aide pas. Et de toute façon, je ne veux pas qu’on me voit comme une aliénée. »
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selidren · 9 days ago
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Eté 1929 - Champs-les-Sims
4/20
J'ai juste eu le temps de t'envoyer un télégramme, car il a fallu immédiatement faire tous les préparatifs des obsèques. Je ne pensais pas que c'était si complexe. Heureusement, Adelphe était là, comme toujours. Et si les faire-part de décès ont été nombreux à envoyer (cet événement a réuni l'entièreté du village dans notre petite église), cela m'a permis au moins de m'oublier un peu dans le travail. Je ressens profondément ce que tu as écris dans ta lettre, car ni toi ni moi n'avons vraiment eu le temps de ressentir, tant il y avait à faire.
Presque tout le monde a répondu présent. Cousin Félix seul n'a pas pu être là (le fils de ma tante Juliette). Comme il est au pensionnat (il n'a que dix-sept ans), elle a préféré ne pas le rappeler de Paris. Je n'ai pas vraiment été d'accord, mais Adelphe m'a convaincue de laisser couler. Sans doute une affaire entre eux à laquelle je ne comprendrai jamais rien.
Transcription :
Juliette « Nous allons être sacrément en retard… »
Rose « Il faut laisser le temps à Constantin. Tu sais que la situation est difficile pour lui. »
Juliette « Elle est difficile pour tout le monde ! Déjà que ce pauvre Adelphe a du utiliser tous ses talents de persuasion pour convaincre ce brave Père d’accepter d’enterrer un cercueil en granit, voici qu’il en est encore à s’occuper de notre frère. Sans compter ce froid atroce… D’ailleurs, as-tu vu comment s’est habillé notre chère Cléo ? N’a t-elle jamais froid avec sa petite robe noire de gravure de mode ? Elle n’est pas ici sur les pavés parisiens tout de même. »
Rose « Arrête donc de te plaindre, ce n’est vraiment pas le jour. Depuis quand es-tu aussi désagréable ? »
Juliette « Je déteste être en retard. Et je déteste les adultes qui se comportent comme des enfants. »
Rose « Et moi, tu me casses les oreilles. Si il y a bien un service funèbre pour lequel cela vaut la peine de patienter, c’est bien celui d’Eugénie Le Bris. Tu sais comme moi qu’elle aurait adoré savoir qu’elle fait attendre le jour de son enterrement. »
Juliette « Oui, j’imagine. »
Rose « Et c’est elle-même qui a insisté pour le sarcophage. Je n’ai pas voulu y croire au début, mais Adelphe m’a montré les papiers. Je ne connais personne d’autre qui a pu bénéficier de tels services pour ses obsèques. »
Juliette « En tous cas, personne ne m’enterrera jamais dans une de ces choses. »
Rose « J’imagine bien. Et Félix dis moi ? Où est-il ? »
Juliette « Mon fils est au pensionnat. Il a une semaine très chargée en examens et j’ai estimé qu’il serait plus sage de le laisser à Paris. »
Rose « Donc, si je résume bien, tu te plains à profusions de notre frère et de ses enfants, mais tu as laissé le tien manquer l’enterrement de sa grand-mère ? »
Juliette « Son arrière-grand-mère. Rose, n’essaies pas de me faire la morale. Ce n’est pas comme si on pouvais regretter d’avoir manqué un enterrement. Tout le monde y est horriblement triste, on y pleure beaucoup trop, sans compter que chacun va te juger soit que tu sois effondré soit que tu reste de marbre. »
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selidren · 14 days ago
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Eté 1929 - Champs-les-Sims
1/20
Cher Lucien,
Je suis profondément touchée par le drame qui touche ta famille, tout comme la mienne. Ce n'est pas une très bonne année pour les Le Bris. J'ai mis du temps à coucher mes pensées sur le papier, car comme pour toi, j'ai eu beaucoup de choses à gérer.
Cela a été aussi assez soudain pour nous. Cela faisait un moment que Grand-Mère n'était pas bien, mais elle ne semblait pas si faible que cela, même si elle passait le plus clair de ses journées au lit. Jusqu'au jour où son esprit s'est vraiment perdu. Nous ne nous y attendions pas. Elle qui a toujours été si forte, inébranlable comme un roc, avec une mémoire d'éléphant. Je n'étais pas là à ce moment, c'est Mademoiselle Laroche qui est allé prévenir mon oncle. Elle m'a dit plus tard avoir rarement connu une expérience plus perturbante.
Dans la tête de ma grand-mère, le présent et le passé se sont subitement mélangés. Et, personnellement, il m'a fallu un peu de temps pour réaliser ce qui se passait.
Transcription :
Eugénie "Mademoiselle Laroche ? Je ne veux pas vous déranger, mais pourriez vous venir un instant ?"
Aurore "J'ai toujours un instant à vous accorder Madame. Que puis-je faire pour vous ?"
Eugénie "Pourriez-vous aller voir au rez-de-chaussée ? Cela ne vous prendra qu'un instant, je voudrais savoir si mon fils est déjà rentré. Je suis trop fatiguée pour me lever ?"
Aurore "Votre fils Madame ?"
Eugénie "Et bien oui, mon fils ! Matthieu, mon aîné. Il m'avait promis qu'il viendrait me voir cet après-midi."
Aurore "Heu... je... un instant Madame, je vais aller chercher Monsieur Barbois."
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selidren · 22 days ago
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Automne 1928 - Champs-les-Sims
5/5
Il est évident que ce genre de romance est atypique. Tu imagines toi, si tu devais entretenir une relation avec ton employée de maison ? Elle doit se sentir si mal à l'aise. Car même si je me montre amicale, nous conservons entre nous une relation patronne/employée tout ce qu'il y a de plus professionnelle. Et même au-delà, ils doivent maintenir les apparences pour ne pas que Grand-Mère ne s'en rende compte. Je suis presque certaine que même si c'est Ange qui s'occupe à présent du volet "gestion du personnel", en apprenant cette relation, elle serait capable de le faire craquer et de faire renvoyer Mademoiselle Laroche, même dans son état.
Je ne sais pas vraiment qu'elle issue est possible. J'imagine qu'un beau jour, Antoine me demandera de lui donner son congès et qu'il la demandera en mariage dans la foulée. J'admets également que je serai ravie d'avoir Mademoiselle Laroche pour belle-soeur.
Avec toute mon affection,
Noé
Transcription :
Aurore « Je le sais bien. Je vous connais depuis des années et vous n’avez jamais eu de comportement déplacé avec moi. Enfin, pas depuis que vous avez posé votre main sur moi aujourd’hui en m’appelant par mon prénom. »
Marc-Antoine « Oh… Je suis tellement désolé ! Je n’ai pas réalisé que... »
Aurore « Je vous en faites pas, ça ira pour cette fois. C’est exactement le genre de comportement qu’il faudra éviter devant Madame Eugénie, mais mis à part ça, je vous autorise à recommencer à l’occasion. »
Marc-Antoine « Je… D’accord. »
Aurore « Je vous apprécie beaucoup aussi Monsieur Le Bris. Je sais que je ne suis pas aussi démonstrative que vous alors… »
Marc-Antoine « Vous ne pouvez pas vous permettre de perdre votre emploi, je le sais bien ! Vous n’avez pas à vous justifier. »
Aurore « En fait, je m’apprêtais à dire que c’est ma… nature. Quand je vous écoute parler de sentiments, de vos sentiments mêmes, avec cet incroyable optimisme et surtout sans prendre garde à la réponse qu’on va vous faire… Je ne sais pas si je suis capable de vous faire ce genre de déclarations. Je ne veux pas que vous pensiez que je tiens plus à mon emploi qu’à vous, même si c’est important bien entendu. »
Marc-Antoine « Ce n’est pas très grave pour moi. Mais étant donné que je n’ai toujours pas reçu une claque alors que je me suis conduit comme un butor, ma main sur votre épaule vaut tous mes discours de beau parleur. »
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selidren · 25 days ago
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Automne 1928 - Champs-les-Sims
1/5
Cher cousin,
Ma dernière lettre ne date pas de très longtemps et je n'ai pas encore reçu ta réponse, mais j'ai eu envie de t'écrire tout de même. J'espère que ton projet de construire un port est en train de se concrétiser et que Lola a progressé dans sa voie d'artiste de scène.
Chez nous, la vie est très tranquille. Sélène n'a pas remporté la coupe à Winbledon, à son grand dam, mais à seulement vingt-deux ans et face à des championnes plus aguerries, ce n'est guère étonnant. Et Mademoiselle Laroche s'est inexplicablement lancée dans la cuisine italienne. Cependant, ce ne sont que des banalités, il y a autre chose dont je voulais te parler.
Grand-Mère ne va pas bien ces temps-ci, et ce n'est pas lié à son état de santé. La plus jeune de ses filles, Tante Hélène, est décédée il y a quelques temps. Elle était prieure à Notre-Dame-aux-Bois et souffrait depuis des années des articulations et elle pouvait à peine marcher ces dernières années. D'après Tante Rose, il arrive parfois que les femmes souffrant à ce point des genoux soient sujettes à des arrêts du coeur, comme ce qui est arrivé. Comme tu imagines, Grand-Mère est dévastée, car elle perd ainsi le dernier de ses enfants. Elle pleure presque sans discontinuer depuis des jours.
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selidren · 2 months ago
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Eté 1925 - Champs-les-Sims
6/6
Et puis sous peu, mon mari m'y rejoindra. Certes, nous ne sommes pas encore fiancés, mais cela viendra. Antoine n'est pas non plus imperméable au charme des femmes, donc j'aurai sans doute une belle-soeur bientôt. J'aimerai beaucoup qu'il s'agisse de Mademoiselle Laroche d'ailleurs, car je l'apprécie énormément. Une fois passé son premier abord assez froid et méfiant, c'est une fille drôle et à la tête bien faite. Parfaitement le genre de mon frère en somme. J'imagine que nous vivrons ensemble à la maison, et que mes enfants et les siens seront comme frères et soeurs, comme Papa et Oncle Adelphe.
Au plaisir de recevoir ta réponse,
Noé
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