#Ange de Chastel
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Automne 1926 - Champs-les-Sims
3/3
J'espère pouvoir t'annoncer une bonne nouvelle sous peu, et qui sais, peut-être que cela te fera plaisir car tu ne pense pas (comme Antoine), que j'ai en quelques sortes gâché ma vie. J'ai été surprise, car de tous mes proches, c'est sans doute lui qui l'a pris le plus mal. Papa a estimé que j'étais un peu jeune pour déjà me marier, mais il n'a pas insisté quand je lui ai dit que c'était mon souhait.
J'ai heureusement pu rencontrer mes petites soeurs ! Elles sont adorables, surtout Julienne, et elles se ressemblent autant que Cléo et moi. C'est vraiment étrange de les voir et de constater que mes propres enfants auront sensiblement le même âge.
Je voulais conclure en revenant sur ce que tu mentionnais à propos de vos problèmes financiers. Par expérience, je sais que ce n'est pas facile à admettre comme genre de problème. Je suis flattée que tu te confies à moi et je veux que tu saches qu'en cas de besoin, je peux y pourvoir. Je ne pense pas me vanter ou être impudente en affirmant que les affaires familiales vont assez bien pour entretenir le nouveau foyer de mes parents à Alexandrie, les chambres d'Antoine et Cléo à Paris, le pensionnat de Jean-François ou encore les besoins de Sélène (en tous cas jusqu'à son mariage). Sache que tu n'as qu'à demander.
Je te souhaites le meilleur,
Ta cousine, la nouvellement nommée Arsinoé Le Bris de Chastel
P.S. Vois-tu, je porte une particule désormais ! Je pense que si notre ancêtre commun en était témoin, il ne le croirait pas.
Transcription :
Arsinoé « Antoine. Je comprends tes inquiétudes. Mais tu n’étais pas là. Il fallait que je réagisse rapidement. »
Marc-Antoine « Pourquoi tu ne m’a pas appelé ? Nous aurions trouvé une solution tous les deux… Tu sais que je suis là, que tu peux me demander ce que tu veux et que j’aurais fait n’importe quoi... »
Arsinoé « Tu n’aurais rien pu faire. Il faut que tu acceptes que cette fois-ci, tu ne pouvais rien pour moi. Tu ne m’as ni trahie, ni laissée tomber. Sans compter que la situation aurais pu être pire. Cette solution est idéale, même si elle ne te convient pas. »
Marc-Antoine « C’est juste que voir Grand-Mère jubiler à ce point, ça m’a mis tellement en colère. »
Arsinoé « Mais pourquoi ? »
Marc-Antoine « Je… ça ne semblait pas bien. C’est ta vie, pas la sienne. »
Arsinoé « Antoine… Accepte qu’il n’y avait pas d’autre solution. Tu sais, nous avons discuté avec Ange. Longuement. De toute ce qui allait se passer, de ce que nous voulions tous les deux. Nous sommes satisfaits. »
Marc-Antoine « Alors… C’est vraiment ce que tu veux ? »
Arsinoé « Oui, vraiment. Mais de toute façon, ce serait un peu tard pour renoncer. J’aurais pu te le dire si tu m’avais parlé avant plutôt que de bouder comme un enfant jusqu’à la cérémonie. »
Marc-Antoine « Pardon... »
Marc-Antoine « Et maintenant ? »
Arsinoé « Maintenant ? Je vais retourner à mon travail jusqu’à ce que je sois trop fatiguée, puis je prendrai de longues semaines de repos dans le jardin d’hiver jusqu’à la naissance. Et après, je commencerai ma vie de mère. Et toi alors ? »
Marc-Antoine « Et bien… Je vais retourner à Paris terminer l’école. Puis je reviendrai ici le plus tôt possible. Pour Aurore bien sur, mais aussi parce que Kleber et Raoul veulent créer une liste communiste pour la mairie et que je pense saisir ma chance. Avec mes connaissances à Paris, je vais gagner une vraie légitimité. »
Arsinoé « Avec un tel programme, tu seras député avant trente ans. »
Marc-Antoine « N’exagère rien ! Mais je pense qu’il faut faire une différence, se battre pour ses convictions. Et t’épauler bien sur. Il ne sera jamais dit que je laisse tomber ma grand-sœur, jamais ! C’est ce que Grand-Père Maximilien a toujours fait, veiller sur sa famille, et je vais prendre le relai. »
Arsinoé « Alors c’est formidable ! Tous les enfants Le Bris vont suivre leur rêve. Oh, ne me regardes pas comme ça, je m��incluais dans le lot ! »
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L’année Raphaël (2)
Pour inaugurer l’«Année Raphaël», nous avons présenté, dans notre premier billet de 2020, la fresque de L’École d’Athènes, en rappelant l’articulation étroite qui existe sur le plan idéologique, entre le motif même choisi par le souverain pontife et par ses proches, et la symbolique du lieu, à savoir la «Chambre» abritant la bibliothèque privée du pape Jules II. Nous poursuivrons aujourd’hui, en examinant la présence de l’écrit et du livre dans le détail de la fresque, et la diffusion du motif de celle-ci, par le biais, d’abord, des descriptions et des récits de voyage, et bientôt par celui des estampes. Que l’École d’Athènes soit intimement liée au monde de l’écrit, la présence en nombre de personnages occupés à e lire ou à écrire en témoignera suffisamment. Outre les deux figures centrales de la scène, Platon et Aristote, qui tiennent chacune un codex, voici Pythagore et son groupe, dont un jeune putto dressant un tableau de l’harmonie musicale. De l’autre côté de la fresque, Euclide fait une démonstration de géométrie en s’aidant d’une ardoise sur laquelle il trace ses figures. Les deux groupes réunis chacun autour d’un maître symbolisent deux des arts libéraux, à savoir d’une part la musique, de l’autre la géométrie. Mais voici encore, aux pieds de Minerve, un jeune homme assis, comme les cheveux au vent, et qui est en train de prendre fiévreusement des notes en s’appuyant sur son genou (cliché 1). Diogène quant à lui prend connaissance d’une note, ou d’une lettre, qu’il tient de la main gauche, tandis qu’Épicure / Michel Ange, la plume à la main, semble plongé dans ses pensées (cliché 2). Un personnage retient plus particulièrement l’attention, un jeune homme, habillé de bleu, à l’avant-plan à gauche de la fresque : d’après Brock (p. 146), il s’agit de Tommaso, dit Fedra Inghirami (1470-1516), nommé en 1505 prévôt à la Bibliotheca Vaticana, puis préfet de celle-ci en 1510 (cf DBI, LXII). Inghirami, qui descend d’une famille proche des Médicis, a accompagné le légat a latere Bernardino Lopez de Carvajal auprès de Maximilien (1496), et a reçu de ce dernier le titre de poeta laureatus (1497) –et, de fait, son ami Raphaël le représente ici portant une couronne de lauriers, dans la position classique de l’historiographe prenant en notes les hauts faits de la cour où il est employé (cliché 3).
L’invention de Raphaël tient dans la «naturalisation�� de l’ensemble de la scène: il n’est plus nécessaire d’insérer des banderoles ou des phylactères pour identifier le personnage ou pour préciser le propos. Certes, ce qu’écrivent les uns et les autres reste illisible pour le spectateur, mais, à l’exception des deux inscriptions présentées à l’avant-plan sur des ardoises et des titres du Timée et de l’Éthique, tout ce qui a trait à l’écriture est finalement naturalisé en geste de lire, décrire, de dessiner, de recopier, de montrer dans un livre ou de regarder écrire, voire d’apporter des volumes (Brock, p. 146). Paradoxalement, une autre manifestation de l’écrit apparaît dans la Stanza della Segnatura: le 6 mai 1527 en effet, les troupes impériales conduites par le connétable de Bourbon, forcent la porte de Santo Spirito, et s’emparent sans coup férir de Rome. Pendant plusieurs mois (en fait, jusqu’en février 1528…), la Ville est livré au pillage, auquel les Stanze de Raphaël n’échappent pas. Une partie des troupes impériales est constituée de lansquenets protestants et, dix ans après les Thèses de Luther contre les Indulgences, la révolution des médias de masse est un fait: les canards et des pamphlets imprimés (les Flugschriften) contre le pape et contre l’Église de Rome circulent très largement en terre de Réforme, et ils sont parfois d’une extrême violence. Rien de surprenant si, partout dans la Ville soumise an pillage, un premier saccage des «images» se produise (Bildsturm), et si les reliques, assimilées à des objets de charlatanerie, soient profanées. Dans la Stanza della Segnatura comme dans un certain nombre de lieux symboliques, des graffiti tracés à la pointe de l’épée témoignent du passage des lansquenets de Georg von Frundsberg… avec en l’occurrence l’inscription «Luther», sur la fresque de la Dispute (cf Chastel (1), p. 121 et suiv.: cliché 4). Ici l’historien n’est plus confronté à une perspective d’histoire de l’art, mais bien d’anthropologie, pour laquelle les graffiti luthériens s’introduisent au cœur même du modèle intellectuel pontifical tel que mis en scène par Raphaël, pour le subvertir – en substituant le nom du Réformateur à celui du pape. Au passage, on remarquera que le vandale lansquenet est bel et bien alphabétisé…
Mais revenons à la fresque pour elle-même. Le travail de Raphaël est aussitôt célèbre, même si sa citation par Paolo Giovo (dans la «Vie de Raphaël», Raphaelis Urbinatis vita) reste elliptique. Vasari en donnera une description plus circonstanciée, mais non exempte d’erreurs factuelles (au point que Brock suggère qu’il n’a peut-être pas vu lui-même les fresques). Surtout, le motif de l’École d’Athènes est bientôt diffusé par la gravure, mais selon une voie a priori inattendue, puisqu’elle nous conduira de Mantoue à Rome… et à Anvers. C’est en effet de Mantoue qu’est originaire le dessinateur et graveur Giorgio Ghisi, né en 1520 et dont nous ne savons pratiquement rien de la formation artistique mais qui a manifestement subi l’influence de Giulio Romano. Les premiers travaux que nous connaissions de lui, dessins et gravures, datent de la décennie 1540, d’abord à Mantoue, puis à Rome. Il entre alors en relations avec le Flamand Hieronymus Cock (1518-1570), lequel séjourne précisément un temps à Rome. Rentré à Anvers en 1548, Cock se lance dans l’édition et la diffusion des estampes, à l’adresse bientôt célèbre des «Quatre vents». La conjoncture exceptionnelle qui est celle d’Anvers au milieu du XVIe siècle, et que nous évoquions tout récemment à propos de Christophe Plantin, assurera le succès de l’entreprise: Dès ses premières années d’activité comme éditeur, [Cock] a formé le projet de présenter au public néerlandais les œuvres de Raphaël et de son école, alors seulement connues de quelques privilégiés. Son principal atout pour y parvenir fut d’avoir réussi à faire venir à Anvers le célèbre graveur italien Giorgio Ghisi, qui exécuta pour [lui] deux gravures monumentales d’après les fameuses fresques de Raphaël au Vatican, rapidement objets de tous les regards. Le «public néerlandais», certes, mais pas seulement lui: les réseaux commerciaux de la métropole de l’Escaut permettent une diffusion pratiquement européenne des produits anversois ou transitant par Anvers. Quoi qu’il en soit, Ghisi rejoint bientôt son ami. Sa reproduction de l’École d’Athènes est la première à être gravée, en deux planches, et à sortir à l’adresse de Cocq en 1550 (cliché 5). Le bloc sur lequel Épicure s’appuie pour écrire porte désormais la signature: «Raphael Urb[inensis] inv[enit] Georgius M[a]t[uanus] fec[it]». Mais, de manière a priori surprenante, l’image est identifiée au titre, non pas comme L’École d’Athènes de Raphaël, mais comme le prêche de l’apôtre Paul devant une assemblée de philosophes à l’aréopage d’Athènes (cf Actes, XVII, 18 et suiv.). L’inscription épigraphique est portée à l’avant-scène à gauche: Pavlvs Athenis per Epicvraeos et Stoicos qvosdam philoso phos addvctvs in Martiv Vicv. Stans in medio vico. Svmpta occasione ab inspecta a se ara. Docet vnum illvm, vervm, ipsis ignotvm Devm. Reprehendit idololatriam, svadet resipiscentiā incvlcat et Vniversalis Ivdicii diem et mortvorvm per redivivvm Christvm Resvrrectionem. Act. // XVII. D’où provient la réinterprétation, nous l’ignorons, mais de toute évidence, il s’agit de faciliter la diffusion de la gravure, dans un environnement tout autre que celui de la capitale pontificale, et où les thèses de la Réforme sont largement reçues. L’année suivante, Ghisi s’inscrit à la Guilde Saint Luc, sous le nom de Joorgen Mantewaen: il est probable qu’il quitte cependant Anvers vers 1554, sans doute d’abord pour la France, puis pour l’Italie. La réception de la fresque de l’École d’Athènes est ainsi considérablement élargie mais, si le motif reste le même, son interprétation en est déplacée en profondeur: l’humanisme néo-platonicien n’est plus d’actualité, non plus que la théorie des bibliothèques. Signe de la conjoncture nouvelle, c’est la problématique économique qui s’impose en ce mitan du XVIe siècle, à travers le recours à la gravure, et à travers le choix de ce que nous pourrions presque appeler une «scène de genre» illustrant la rencontre de l’apôtre (dont la figure se substitue à celle de Platon!) avec les représentants les plus notables de la culture antique. Nous reviendrons, dans notre troisième et dernier billet à propos de l’École d’Athènes, sur l’héritage d’Athènes… et sur le retour du motif raphaëlien dans les bibliothèques.
Notes (1) André Chastel, Le Sac de Rome, 1527. Du premier maniérisme à la contre-Réforme, Paris, Gallimard, 1984, («Bibliothèque des histoires»). (2) Hieronymus Cock, La gravure à la Renaissance, dir. Joris Van Grieken, Ger Luijten, Jan Van der Stock, Bruxelles, Fonds Mercator, 2013.
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Conjoncture artistique à Florence autour de 1500
Vasari, Vire de Raphaël d’Urbino : « son amour constant […] d’un talent inégal. » Vasari insiste sur le décor que Léonard de Vinci et Michel-Ange entame pour la Salle des Cinq-Cents au Palazzo Vecchio dans laquelle on décide de figurer les passages importants de l’histoire de Florence depuis le Moyen Age. Au départ, elles devaient être mises face à face.
Leonard n’a pas terminé cette grande fresque, on ne connait que des dessins, des projets, des cartons. Raphaël s’est inspiré des expressions des visages.
Michel-Ange devait réaliser la bataille de Cascina, de façon provocante, il avait choisi non pas de représenter la bataille proprement dite mais de représenter un moment en marge, quand les soldats avaient trop chauds et se dévêtissent puis se rhabillent à l’annonce de l’ennemi. Il voulait peindre du nu, grand intérêt pour l’anatomie, le corps humain en action dans des poses difficiles à représenter, en course, de dos, en torsion.
Domenico Ghirlandaio, La Visitation, 1485-90 : art très équilibré, très parfait, peut-être trop formel. Spécialiste de la fresque dans les chapelles des grandes familles de Florence dans lesquelles il met en scène la bourgeoisie florentine pour représenter des scènes de la vie de la Vierge. Les scènes sont projetées dans la société contemporaine. Costumes à l’antique pour les deux au centre et le groupe de droite porte des costumes florentins de la fin du XVe siècle et à l’arrière-plan une vue de Florence.
Sandro Botticelli, Pietà, 1498 : dessin très aigue, pointu, douloureux. Coté tragique. Pas grand-chose de commun à part le rythme de la ligne.
Antonio Pollaiuolo, Hercule et Antée, peinture sur panneau, v 1470 & groupe en bronze, v. 1478 : corps humain scruté dans tous les angles, étudier les statues antiques et contemporaines. Caractéristique des florentins pour les petites œuvres, intimes mais que l’on peut étudier sous tous les angles grâce à des points de vue multiples, l’anatomie est parfaitement étudiée.
Andrea del Verrocchio, L’Incrédulité de saint Thomas, 1467-83, bronze : il est placé dans une niche de marbre à l’antique. Manière dont les florentins savent développer la forme dans l’espace, ici le groupe est en mouvement, il empiète dans l’espace du spectateur. Saint Thomas tend la main vers la droite et le christ tend vers la gauche, réel mouvement et forme. Traitement de la draperie reflète l’esprit des personnages avec des plis plus majestueux pour le Christ. Il ne faut pas séparer les statues de la niche.
Andrea del Verrocchio & Léonard de Vinci, Le Baptême du Christ, 1472-75 : œuvre d’un peintre aussi sculpteur, quelque chose de tridimensionnel, volume dans les anatomies. Les anges de Léonard introduisent une grâce supplémentaire.
Léonard de Vinci & Michel-Ange
Léonard de Vinci, l’adoration des mages, 1481 : abandonnée en 1484 et reste inachevée. On est fans une sorte de représentation en noir et blanc. On est devant une œuvre dans une grande complexité, multitude de personnages et d’attitudes et à l’arrière-plan, insertion d’un paysage fantaisiste. Une espèce de résumé de ce que Léonard savait en art.
Léonard de Vinci, Sainte Anne et la Vierge : carton au fusain avec des rehauts de blancs et montre l’ambition de Léonard.il va essayer de fondre les personnages pour former un groupe organique, c’est-à-dire un organisme unique, il a voulu exprimer la généalogie du Christ. On reprend une iconographie du Moyen Age.
Raphaël, feuille d’études
Michel-Ange, La Vierge et l’Enfant à l’escalier, 1490-92 : selon lui, Raphaël va étudier le corps humain, l’anatomie, le mouvement et d’un certain pathétique, le caractère terrible d’une œuvre. Le Christ est en posture tordue, torturée, bras rejetés vers l’arrière, déjà un torse d’adulte, de lutteur. Escalier avec des enfants qui jouent ajoutent de la profondeur et du mouvement.
Michel-Ange, La Sainte Famille, v. 1506 : date exactement du séjour de Raphaël à Florence. Position inconfortable de la vierge, assise sur le sol et elle passe ou reçoit l’enfant à Saint Joseph qui est derrière. Coté énigmatique, encore une leçon de composition, comment faire tenir sur une surface réduite et difficile toutes ces figures. Encore en présence d’un groupe organique.
La définition du troisième style « moderne » par Vasari, préface de la troisième partie des Vies, (é. A. Chastel, vol. V, p.20) : « c’est lui qui inaugura […] figures d’Apelle et de Zeuxis ». & Raphaël devant Leonard et Michel-Ange selon Vasari (Vie de Raphaël) : « La découverte de Leonard de Vinci […] grâce des couleurs » & « le style hérité de Pérugin […] à la Salle du Conseil de Florence ».
Les portraits
Raphaël, La Dame à la licorne, v 1505, Rome, Galerie Borghèse et Portrait de femme, dessin à la plume, Louvre : licorne signifie la chasteté, la pureté. Marque une certaine simplicité. Les bras décrivent un cercle qui comblent la première partie du tableau et le tissu donne plus de volumes. Le visage se détache sur un paysage à la manière du Pérugin, dans une loggia. Raffinement de la couleur, bijoux à la mode. Rapprochement avec le dessin.
Raphaël, Portraits d’Agnolo et Maddalena Doni, 1506, Florence, Palais Pitti : construction plus dynamique, peu d’expression dans les portraits pour donner plus d’intensité. N’ont pas le caractère mystérieux et étrange des portraits de Léonard de Vinci, Portrait de Monna Lisa, 1503-04 : pose semblable mais une sorte d’aura émane de La Joconde avec son sourire énigmatique.
Raphaël, La Donna gravida, v. 1505, Palais Pitti : le commanditaire et le modèle sont inconnus. Titre signifie la femme enceinte. Utilisation délibérée d’un fond sombre sans paysage qui permet à la figure de prendre du volume. Teintes assez simples. Femme qui ne sourit pas, un peu fermée, un peu hors d’atteinte et ne semble pas instaurer un dialogue. Exercice de style, sur le volume, représentée de ¾ pour attirer attention sur la main et le ventre. Sérénité rassurante d’une mère qui donne sensation de calme.
Raphaël, La Muta, 1507-08 : mains l’une au-dessus de l’autre avec beaucoup de subtilité, doigt comme si elle voulait indiquer quelque chose. Titre signifie la muette, expression attentive, lèvres fermées et mâchoires serrées, c’est avec ses mains qu’elle parle. Peut-être un membre de la famille Strozzi ou une femme associée à la famille régnante. Détail de la chaine en or fait une ombre sur la peau du cou.
Les madones : thèmes et variations
Les madones de florence sont renouvelées par rapport aux précédentes qui s’inspiraient du Pérugin.
Raphaël, Madone du Grand-Duc, v. 1504 : verticalité, très p & Petite Madone Cowper, 1504-05 & Madone Bridgewater, v.1506-07 : part d’une verticalité très posée, très figée vers une composition plus dynamique qui est une influence de Michel-Ange. Veut réaliser avec Léonard dans le fait que les formes ne se détachent pas mais émergent doucement de la pénombre, donne un effet plus naturel. Raphaël a volontairement adouci les couleurs pour la première madone. Attention aux manières de restaurer, dans les collections américaines et anglaises, ls couleurs sont plus fortes mais vient peut-être de la restauration.
La Madone d’Orléans, v. 1506-07, Musée Condé : œuvre d’une petite taille. Couleurs d’une très grande fraicheur. La vierge se penche gracieusement et l’ensemble a une expression d’un grand mouvement avec l’enfant qui saisit le corsage de sa mère. A l’arrière-plan, on voit des pots.
Raphaël, La Vierge au chardonneret, v. 1507 : tableau rompt avec la tradition du Pérugin car les trois personnages forment un groupe organique alors que le Pérugin juxtaposait les personnages comme on le voit dans le tableau Vierge à l’enfant et saints. Comparée avec Michel-Ange, Madone de Bruges, marbre, 1501-04 : tension tragique qu’il n’y a pas dans la composition tendre de Raphaël mais il s’en est inspiré pour la représentation de la Vierge assise et frontale et la figure du Christ debout et en mouvement. Comparé avec Léonard de Vinci, La Vierge aux rochers, 1483-86 : mettre en relation ou en opposition les figures dans un paysage, il met en avant ces relations avant le caractère sacré. Léonard de Vinci, Sainte Anne et la Vierge, 1508-10
Les tableaux d’autel
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Automne 1928 - Champs-les-Sims
2/5
Et bien sur, c'est sans compter sur sa faiblesse physique grandissante, mais assez attendue chez une dame de son âge qui a battu le record de longévité de la commune avec une confortable avance. Elle m'a même délégué tout ce qui tient à la gestion du foyer. En apprenant la nouvelle, Oncle Adelphe s'est immédiatement affolé, et je peux comprendre pourquoi. De toute sa vie, il n'a jamais vu Eugénie Le Bris céder du terrain à qui que ce soit sur ce sujet. Et mon oncle va sur ses cinquante-trois ans.
J'avoue avoir été complètement dépassée sur le sujet. Tous ces sujets n'ont jamais été abordés par l'école puis par mon précepteur, si ce n'est le volet comptable. Encore moins par mon oncle d'ailleurs. J'ai du m'en remettre à Mademoiselle Laroche et Ange, qui s'est avéré un excellent gestionnaire.
Transcription :
Aurore « Madame, j’ai quelques questions à vous poser si vous avez un peu de temps. »
Arsinoé « J’ai un peu de temps pour moi, je vous en prie. »
Aurore « C’est à propos de la cuisine Madame. Ah et aussi de la literie. »
Arsinoé « La literie ? »
Aurore « Dois-je la changer une fois la semaine ou deux ? Et à quelle heure dois-je faire les lits le matin ? Et en ce qui concerne la cuisine, avez-vous des exigences sur les menus ? Cela me fait penser que l’épicerie a de nouveaux fournisseurs pour le sucre, Monsieur Norel a décidé de planter presque 200 ares de betteraves pour produire au local. Voulez-vous qu’on fasse importer... »
Arsinoé « Attendez une seconde ! Je croyais que la plupart de ces questions étaient réglées par Madame Le Bris depuis un moment. »
Aurore « C’est que Madame est de plus en plus souvent alitée, et elle en a eu assez hier que je vienne lui poser des questions sur le fonctionnement de la maison alors qu’elle avait besoin de repos. Alors elle a dit que tout devra passer par vous et votre mari désormais. »
Marc-Antoine « Tu entends ça Noé ? Te voici enfin maîtresse en ta maison ! »
Aurore « Alors je dois tout voir avec vous Madame. »
Marc-Antoine « Si ça peut vous décharger, je peux émettre quelques recommandations qui... »
Aurore « Je demandais à Madame. Il s’agit de sa maison. »
Arsinoé « Je ne connais pas beaucoup de choses en économie domestique… Enfin, sur le volet financier ce ne sera pas un problème, mais pour le reste… »
Aurore « Puis-je proposer quelques idées à Madame ? »
Arsinoé « Oh oui, s’il vous plaît ! »
Aurore « Je propose de changer les draps une fois par semaine, pour me laisser davantage de temps de lessive que je pourrai consacrer au ménage. Par ailleurs, je propose que le changement se fasse le dimanche, je pourrai ainsi ouvrir les pièces pendant que vous êtes à la messe. Jusqu’à présent, les draps étaient changés trop souvent si voulez mon avis. »
Arsinoé « Vous connaissez ces affaires mieux que moi. Disons que sur le chapitre du fonctionnement et de l’ergonomie, je vous laisse les mains libres. Mais rapportez moi le volume de vos tâches hebdomadaires tout de même. »
Aurore « Et la cuisine ? Il n’y a rien à changer sur le fonctionnement, mais l’équipement est assez vieillot. Et qu’en est-il des menus ? »
Arsinoé « Je verrai pour installer des appareils récents le mois prochain. Et qu’y a t-il par rapport aux menus ? »
Aurore « Souhaitez-vous des changements ? Quand je suis arrivée, votre mère a spécifié qu’elle voulait une cuisine traditionnelle, mis à part pour les crêpes préférées de votre père. »
Marc-Antoine « Oh oui par pitié, un peu de nouveauté ! Je ne sais pas, mais j’aimerais essayer des choses qui vont un peu au-delà des frontières du département. Ou alors, soyons fous, de l’autre côté de nos frontières régionales ! »
Arsinoé « Rien de spécifique ne me vient. Dans tous les cas, veillez à ne pas changer les habitudes alimentaires de ma grand-mère. »
Aurore « Bien entendu Madame. »
Arsinoé « En ce qui concerne les menus, mon mari aura peut-être davantage d’idées. Il vit à Paris une partie du temps et saura nous dire ce qui est à la mode dans les cafés et les restaurants. »
Marc-Antoine « Je vis à Paris aussi ! Et j’ai justement quelques suggestions ! »
Arsinoé « Sachez aussi que les suggestions de mon frère ne sont pas à appliquer séance tenante. »
Marc-Antoine « Je t’entends tu sais ? »
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Eté 1929 - Champs-les-Sims
8/20
La journée des funérailles a été mouvementée. Par la force des choses, c'est devenu un jour chômé : comme tout le monde venait, il n'y avait presque plus personne au village pour travailler. Je n'ai jamais vu autant de monde dans notre petite église. Il faisait horriblement froid et il y avait un vent à décorner les boeufs, et pourtant des gens ce sont entassés sur le parvis. Quelqu'un a bien voulu faire une petite place pour le vieux Monsieur Jacqmarcq, car il aurait été monstrueux de laisser le nouveaux doyen du village dehors alors qu'il va sur ses quatre-vingt-dix ans.
Je n'avais pas souvenir que ma grand-mère cultivait autant de relations, mais l'immense majorité des gens avaient l'air affecté par son décès. Ils ne faisaient pas seulement acte de présence. Je pense que je ne le réalise pas encore, mais sa mort a laissé un grand vide par chez nous.
Transcription :
Ange « A ce propos, comment se porte Anne-Sophie ? »
Jeanne « L’âge n’est pas tendre, mais nous sommes dans une période faste. Elle passera au milieu de autres tout à l’heure. »
Ange « Sans avoir l’air de rien bien sur. »
Jeanne « Mon garçon, je me demande si tu as jamais su ce qu’était la subtilité. Fais donc ce que tu veux de tes affaires, mais tout le monde ne peut pas vivre comme toi tu le fais. Tu n’as pas besoin de ce regard de connivence pour avoir ma sympathie. »
Ange « Pardon. Mais comme je ne vais plus à Paris aussi souvent qu’avant, je n’ai plus grand monde à qui en parler. Des gens qui comprennent, j’entends. »
Jeanne « Ma porte t’es toujours ouverte, comme toujours. Il fut un temps où tu la passais plusieurs fois par jour pour venir pleurer dans mes jupes. Ce temps là me manque un peu je dois dire. »
Ange « De mon côté et en toute honnêteté, je vous vois comme une seconde mère Madame Jeanne. Vous aviez pourtant déjà beaucoup d’enfants dont vous occuper, et vous étiez là pour m’écouter. »
Jeanne « Oh, mais c’est bien normal. Qui oserais dire non à un garçon qui a besoin qu’on le console ? »
Ange « Plus de gens que vous ne pouvez imaginer. »
Jeanne « Tu sais, après la mort de mon premier mari, c’est un peu ce qu’a été Madame Eugénie pour moi. Oh, elle avais souvent des mots durs et des idées bien arrêtées, mais elle a toujours eu la patience de m’écouter et de me donner les conseils que j’avais besoin de recevoir. C’est grâce à elle que j’ai compris que ma vie n’était pas finie quand j’ai perdu mon second mari, et c’est cette petite tape dans la bonne direction qui a amené Anne-Sophie dans ma vie. »
Ange « Qui l’aurait cru ? Mais il est vrai qu’elle avait des talents hors de pairs. Pour moi, elle a toujours été comme l’ombre d’un très grand arbre au dessus de moi. Souvent reposante et bienveillante, mais parfois un peu pesante. »
Jeanne « J’imagine que c’est ainsi que me vois mon Andréa quand je viens lui prodiguer des conseils pour ses enfants. Même si par en juger son regard, elle appréhende parfois ma bienveillance. Mais j’imagine que c’est le lot des grand-mères. Agacer tout le monde, sans pour autant qu’on puisse réellement nous contredire, tel Mathusalem. »
Ange « Mathusalem s’applique davantage à Grand-Mère qu’à vous. Sa mort a été un sacré choc. Quelque part, j’imaginais qu’elle serait toujours là. »
Jeanne « Elle semblait bien partie pour. Elle a été dans mon entourage depuis que je suis arrivée d’Hylewood pour ma part. Je suis tant désolée pour toi. »
Ange « Nous l’avons tous perdue. Vous pas moins que les autres. »
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Automne 1928 - Champs-les-Sims
5/5
Il est évident que ce genre de romance est atypique. Tu imagines toi, si tu devais entretenir une relation avec ton employée de maison ? Elle doit se sentir si mal à l'aise. Car même si je me montre amicale, nous conservons entre nous une relation patronne/employée tout ce qu'il y a de plus professionnelle. Et même au-delà, ils doivent maintenir les apparences pour ne pas que Grand-Mère ne s'en rende compte. Je suis presque certaine que même si c'est Ange qui s'occupe à présent du volet "gestion du personnel", en apprenant cette relation, elle serait capable de le faire craquer et de faire renvoyer Mademoiselle Laroche, même dans son état.
Je ne sais pas vraiment qu'elle issue est possible. J'imagine qu'un beau jour, Antoine me demandera de lui donner son congès et qu'il la demandera en mariage dans la foulée. J'admets également que je serai ravie d'avoir Mademoiselle Laroche pour belle-soeur.
Avec toute mon affection,
Noé
Transcription :
Aurore « Je le sais bien. Je vous connais depuis des années et vous n’avez jamais eu de comportement déplacé avec moi. Enfin, pas depuis que vous avez posé votre main sur moi aujourd’hui en m’appelant par mon prénom. »
Marc-Antoine « Oh… Je suis tellement désolé ! Je n’ai pas réalisé que... »
Aurore « Je vous en faites pas, ça ira pour cette fois. C’est exactement le genre de comportement qu’il faudra éviter devant Madame Eugénie, mais mis à part ça, je vous autorise à recommencer à l’occasion. »
Marc-Antoine « Je… D’accord. »
Aurore « Je vous apprécie beaucoup aussi Monsieur Le Bris. Je sais que je ne suis pas aussi démonstrative que vous alors… »
Marc-Antoine « Vous ne pouvez pas vous permettre de perdre votre emploi, je le sais bien ! Vous n’avez pas à vous justifier. »
Aurore « En fait, je m’apprêtais à dire que c’est ma… nature. Quand je vous écoute parler de sentiments, de vos sentiments mêmes, avec cet incroyable optimisme et surtout sans prendre garde à la réponse qu’on va vous faire… Je ne sais pas si je suis capable de vous faire ce genre de déclarations. Je ne veux pas que vous pensiez que je tiens plus à mon emploi qu’à vous, même si c’est important bien entendu. »
Marc-Antoine « Ce n’est pas très grave pour moi. Mais étant donné que je n’ai toujours pas reçu une claque alors que je me suis conduit comme un butor, ma main sur votre épaule vaut tous mes discours de beau parleur. »
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Eté 1928 - Champs-les-Sims
2/2
Ce que tu dis de Lola me rappelle beaucoup Cléo à son âge, si ce n'est que son penchant pour les arts dramatiques tenaient plus de son caractère que d'une vraie passion pour le théâtre. Quand je vois ce que tu décris, je me représente presque la scène et cela me donne un peu envie de partager votre quotidien. En revanche ici, personne ne chante et surtout pas moi. Enfin, pour être parfaitement honnête, Ange adore pousser la chansonnette et il chantonne des berceuses et des petites chansons enfantines pour les petites. J'avais bien raison, je n'aurai pu rêver d'un mari plus dévoué à son rôle de père. Il passe parfois une semaine entière à Paris, mais il revient les bras chargés de poupées, de sucreries et d'autres jouets, et je remarque que ses escapades sont de plus en plus espacées. Il m'a avoué qu'Anna et Elisabeth lui manquent horriblement quand il est loin trop longtemps, et c'est réciproque.
Pour revenir à Cléopâtre, elle continue à publier des romans feuilletons, mais elle est de plus en plus remarquée sur la scène littéraire. Dans sa dernière lettre, elle mentionnait qu'elle était sur le point de signer un contrat avec une maison d'édition qui va publier ses nouvelles policières en recueil dans sa nouvelle collection. Elle est aux anges, et il me semble aussi qu'elle rencontre beaucoup d'hommes et qu'elle vit des aventures amoureuses tumultueuses comme elle en a toujours rêvé. Quand à Sélène, si tu veux de ses nouvelles, ouvre le journal à la page des sports à la fin du mois, car elle s'est qualifiée au tournoi de Wimbledon. Ma soeur va visiter l'Angleterre et peut-être revenir avec une coupe ! Je suis si fière d'elle !
Oncle Adelphe me demandait justement des nouvelles de ton père, et il semble un peu inquiet pour lui. Je sais qu'ils se sont rencontré à une occasion et qu'ils ont pu échanger quelques lettres. Il me demande de lui transmettre ses amitiés ainsi que son soulagement de le savoir heureux et bien portant. Ton père et Adelphe ont à peu près le même en plus il me semble. Je lui suggéré d'écrire une lettre, donc dis à ton père de vérifier la boite aux lettres de temps à autres, je sais que Papa ne lui écrit plus du tout, même si je ne sais toujours pas vraiment pourquoi.
Avec toute mon affection,
Noé
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Eté 1928 - Champs-les-Sims
1/2
Cher Lucien,
Je suis ravie d'apprendre que tu as un projet. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je m'étais toujours imaginé Hylewood avec un petit ponton comme il y en a à l'étang près de chez moi. Mais c'est vrai qu'avec en plus un sanatorium qui affiche complet à la belle saison, il semble plus correct que les malades n'aient pas en plus à subir un voyage en barque et de se retrouver avec la moitié de leurs affaires humides ou trempées. C'est une belle idée que tu as eu, et j'espère que tu pourra m'envoyer un cliché une fois que le projet sera réalisé. J'ai bien entendu respecté tes voeux et personne ici n'est au courant à part moi. Je n'en ai même pas parlé à Antoine ni à Ange.
Le voici d'ailleurs sur la photographie jointe. Il est avec Elisabeth, dont on voit bien les tâches de rousseurs. Pardonne moi pour la lumière, mais quand il s'agit de photographier, je ne suis pas aussi douée que ma mère. Le cliché a été pris à peine quelques jours avant que je n'envoie cette lettre, donc il est très fidèle à ce qu'est ma cadette encore aujourd'hui, au moment où tu la découvre. Pour répondre à ta question, elle babille plus qu'elle ne parle, mais Grand-Mère dit qu'elle a rarement connu une petite fille si bavarde.
A ce sujet, non elle ne va pas très bien. Elle est encore assez fatiguée, et le moindre petit refroidissement la cloue au lit pendant des jours. Cependant, ses problèmes de mémoire ne se sont pas aggravés. Mais nous la connaissons tous, elle revient toujours en forme et même au seuil de l'épuisement, elle parvient toujours à se trainer jusqu'à la nursery par la seule force de sa volonté pour me dire que je lange très mal.
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Automne 1927 - Champs-les-Sims
5/5
Quand tu me parles de tes séjours à Kingston puis de ta visite de Montréal, j'ai l'impression que tu as une sorte de vie mondaine. J'aimerai bien voyager un peu un jour. Le nom de Montréal a quelque chose de très évocateur pour moi et j'ai demandé à Ange de me ramener un livre illustré de Paris la prochaine fois qu'il ira y faire un séjour. Pour revenir sur la question du français au Canada, j'en ai discuté avec Grand-Mère, et elle m'assure que c'est déjà un sujet qu'évoquait ton grand-père autrefois avec ma grand-tante Lucrèce. Je pense qu'il devait être aussi révolté que toi. Je suis assez surprise de toutes ces règles, mais étant française et francophone, je ne sais pas ce que c'est que de parler une langue minoritaire dans son propre pays.
Je suis également surprise que Grand-Mère se rappelle du contenu d'une lettre vieille de plus de trente ans. Je pense qu'étant donné son âge, c'est une sorte de miracle que cela arrive si tard, mais elle montre de plus en plus de problèmes de mémoire et elle est parfois désorientée. Oncle Adelphe a voulu se montrer rassurant, mais je vois bien qu'il est aussi inquiet que moi. Il lui arrive même de descendre en chemise de nuit à présent. Tante Rose m'a bien assuré que la Eugénie Le Bris d'autrefois se serait coupé un bras plutôt que de franchir le seuil de sa chambre ainsi vêtue et elle se souvient bien des remontrances quand elle faisait de même. Grand-Mère va avoir cent-sept ans cette année. En revanche, elle n'a rien perdu de son caractère opiniâtre ni de son sens aigu de l'observation.
J'espère que tes affaires se porteront comme tu le souhaites. Je voulais simplement que tu saches que je suis là pour t'aider au besoin.
Avec mon amitié,
Noé
P.S. Je viens de relire la première question que tu me poses. Non, ma cousine n'a pas la moindre idée de ce qui m'est arrivé. Comme tout le monde, elle croit que les jumelles sont d'Ange. Anna est rousse, mais c'est un trait commun chez les Le Bris. Je ne pense pas que ça vaille le coup de briser sa propre vie en lui en parlant, sachant qu'elle attend leur premier enfant (il s'agissait alors d'une fausse alerte). Oncle Adelphe veille au grain, le faire suivre partout où il va, afin d'épargner à sa fille la moindre infidélité. Je sais que tu ne penses pas à mal, mais j'aimerais à l'avenir que tu évites de parler de lui, car c'est une blessure qui me fait toujours atrocement souffrir et que je préférerais oublier une bonne fois pour toutes pour me consacrer à mon entreprise, mon mari et mes filles.
Transcription :
Eugénie « Qu’attends-tu mon garçon ? »
Marc-Antoine « Rien de particulier. Vous ne deviez pas aller vous reposer ? »
Eugénie « C’est ce que j’ai dit oui. Mais je me disais peut-être que tu pourrais monter avec moi et me faire la lecture pendant que je me repose. Tu es désœuvré et tu erres sans but depuis un moment, au moins tu seras occupé. »
Marc-Antoine « Vous avez peur que je m’ennuie ? »
Eugénie « Non, tu as toujours trouvé de quoi occuper tes mains et ton esprit. Mais ces derniers temps, j’ai remarqué que tu importunais souvent Mademoiselle Laroche. Elle a son travail à accomplir et tu lui fais perdre du temps. »
Marc-Antoine « Je n’avais pas l’impression d’être à ce point dans ses pattes. »
Eugénie « Et pourtant si, alors tu vas monter avec moi et me lire quelques chapitres du livre de ta sœur. Et quand tu auras fini, nous lirons un peu la Bible tous les deux. »
Marc-Antoine « La Bible ? »
Eugénie « Oui, le Chant de Salomon. Cela fait longtemps que je ne l’ai lu et je pense que tu pourrais en tirer quelques enseignements fort à propos. »
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Automne 1927 - Champs-les-Sims
1/5
Cher Lucien,
Je mets un peu de temps à te répondre et je te prie de m'en excuser mais comme tu t'en doutes, j'ai été très absorbée par mon travail et surtout par ma nouvelle vie de mère.
A la fin de l'année passée, j'ai mis au monde deux petites filles : Anna et Elisabeth. J'étais encore en train de travailler quand j'ai senti les premières douleurs et c'est Adelphe (encore et toujours lui), qui m'a aidé à marcher jusqu'à la voiture pour m'emmener à l'hôpital. Nous sommes toutes les trois en parfaite santé et Ange rayonne littéralement de bonheur depuis.
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Automne 1926 - Champs-les-Sims
2/3
En y repensant, je me rends compte que dans ma panique, je n'ai même pas répondu aux éléments que tu mentionnais dans ta lettre. Excuse moi je t'en prie. J'ai bien reçu ta carte et j'avoue que voir ces musiciens m'a fait un peu rêvé. Je ne suis jamais vraiment sortie du village, et je suis allée à Paris quelques rares fois, mais Ange m'a promis qu'il m'emmènerait dans un club de jazz pour y voir un concert dès que je le pourrai. Et bien sur, j'ai été surprise d'apprendre pour le nouvel emploi de ta mère. J'avoue que je n'imaginais pas cela possible pour une femme. Grand-Mère a eu un commentaire un peu grognon, mais il faut l'excuser, c'est du à son âge.
Je suis aussi heureuse de voir tes frères et soeurs trouver leur voie. Chez nous, cela commence à prendre forme également. C'est étrange, car j'ai vraiment l'impression que nous étions encore en pleine enfance il y a quelques temps. Avec mon mariage, la sortie du premier livre de Cléo (dire que je ne l'ai même pas mentionné, je suis une piètre soeur !), les projets politiques d'Antoine et Sélène qui s'entraine pour le tournoi doubles dames de l'année prochaine, les projets vont bon train.
Transcription :
Arsinoé « Attends Antoine ! Tu as fait la tête pendant presque toute la cérémonie. Il y a quelque chose qui ne va pas ? »
Marc-Antoine « Ce n’est pas vraiment le moment pour en parler. »
Arsinoé « Si, au contraire. Je te connais, si on ne crève pas l’abcès maintenant tu vas aller bouder dans ton coin puis faire comme si tout allait bien. Sans compter que… qu’est-ce que c’est que cette odeur ? »
Marc-Antoine « Pardon ? »
Arsinoé « Tu sens la poussière et le naphtalène à plein nez ! Mais où es-tu allé chercher ce costume ? Au fond du grenier ? »
Marc-Antoine « En fait, oui. Comme je n’avais pas de smoking à ma taille pour l’occasion, j’ai été chercher le costume de Grand-Père Maximilien dans les vieilles armoires. C’est le costume avec lequel il s’est marié. »
Arsinoé « C’est élégant, c’est certain. Mais tu aurais peut-être du le faire laver et repasser avant de le porter. Je ne serais pas étonnée de découvrir une colonie d’araignées dans une des poches. Il n’a pas été porté depuis… au moins cinquante ans ! »
Marc-Antoine « Cinquante et un ans précisément. Ce costume est un morceau d’histoire ! Et de toute façon, je ne l’ai trouvé que ce matin, alors Aurore n’aurait pas eu le temps de s’en occuper. »
Arsinoé « Grand-Mère sait que tu l’appelle Aurore maintenant ? »
Arsinoé « Ecoute, je sais que tu n’es pas ravi de ce mariage mais... »
Marc-Antoine « Mais quel euphémisme ! Bien sur que non ! Je croyais que tu ne voulais pas que Grand-Mère contrôle ta vie et regarde toi ! »
Arsinoé « Je n’avais pas précisément le choix. Et je ne pourrais rêver meilleur mari qu’Ange. »
Marc-Antoine « Et comme par hasard, ce mariage exhausse les rêves les plus précieux d’Eugénie Le Bris. Noé, j’ai l’impression que tu as été piégée... »
Arsinoé « Par ma bêtise oui certainement ! »
Marc-Antoine « J’apprécie beaucoup Ange, tu le sais, mais lui ne fréquente que des hommes ! Tu seras malheureuse comme les pierres ! »
Arsinoé « Il fréquente « majoritairement » des hommes. Et ce n’est pas le sujet. Au moins, ton neveu ou ta nièce aura un père. Oncle Adelphe dit que… »
Marc-Antoine « Je me fiche de ce que dit Oncle Adelphe. C’est à toi que je pense ! »
Arsinoé « Alors écoute moi un peu bon sang ! »
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Automne 1926 - Champs-les-Sims
1/3
Cher Lucien,
J'ai célébré mon mariage avec Ange la semaine dernière. Comme tu le vois sur la photographie, l'automne était déjà bien avancé mais c'était tout bonnement magnifique avec toutes ces couleurs. J'ai toujours beaucoup aimé cette saison, même si on me dit que rien n'égale l'automne canadien. Tu peux également découvrir Ange sur le portrait, même si je trouve que ce cliché ne le représente pas fidèlement : il n'est jamais si guindé et raide, il a simplement fait l'effort pour poser. Quand à moi, je trouve que ma robe dissimule mal ma grossesse, mais c'est sans doute parce que j'avais peur de me trahir à cet instant.
Cela semble se confirmer, je ne vais pas mettre au monde un seul enfant. Ange est ravi (j'ai failli écrire qu'il est aux anges mais je me suis ravisée). Quand à moi, je ne sais pas quoi en penser. Me voici mariée et mise à l'abri du scandale, mais j'ai énormément de mal à me voir déjà sur le point de devenir mère. Bien que je sois la première concernée, je vis cela de façon très lointaine. Maman dit que c'est normal pour un premier enfant, mais je crois simplement que je suis trop jeune et que je n'aurai pas du me lancer si tôt dans cette aventure. Mais il est trop tard désormais, car la délivrance est prévue pour le début d'année selon le médecin.
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Eté 1926 - Champs-les-Sims
8/10
Il m'a demandée en mariage. Et bien sur j'ai dit oui. Ne te méprends pas, c'est un choix éclairé. Bien sur, c'était une urgence et il me tendait une perche que j'aurai été idiote de ne pas saisir, mais je sais que je ne serai pas malheureuse avec lui. Je pense que j'ai réalisé quelque chose d'important dans tout ce bazar : le mari idéal n'est pas celui qui te fait brûler d'amour comme le pense Cléo, mais l'ami à qui tu peux te remettre. Je ne suis pas amoureuse d'Ange, et je ne crois pas que je le serai un jour. Quand à lui, je ne pense pas qu'il puisse tomber amoureux de moi. Mais pour autant, je ne pense pas que ce sera un mariage malheureux, bien au contraire. Il conservera ses habitudes, et moi les miennes (au détail près que je ne peux plus faire confiance à un homme au point de lui offrir mon intimité), nous aurons un enfant ensemble et ce sera très bien. Comme si Jean n'avais jamais existé.
Reste la question qui me chiffonne, je m'apprête à épouser mon cousin. Je me sens comme une princesse Habsbourg en ce moment, mais je n'avais pas vraiment d'autre choix.
Transcription :
Arsinoé « Mais qu’est-ce que tu fais ? »
Ange « Et bien, je fais ma demande ! Je ne vois personne d’autre ici qui puisse davantage faire l’affaire. »
Arsinoé « Mais… bon sang, dire que je n’y avais même pas pensé... »
Ange « Ce n’est rien. J’admets que l’idée d’épouser son cousin est un peu vieux jeu. Je vois d’ici Cléo lever les yeux au ciel. Je peux continuer ? »
Arsinoé « Non ! Enfin… tu me sauverais la vie, mais qu’est-ce que tu as à y gagner toi ? Pour reprendre ce que dis Grand-Mère, je ne pourrai jamais c… enfin… te donner ce que tu désires ! »
Ange « C’est si joliment dit Noé. Si je t’épouse, vois-tu un inconvénient à ce que je continue à voir mes bons amis lors de mes séjours à Paris ? Ce n’est pas comme si je pouvais les épouser de toute manière… enfin pour la plupart. »
Arsinoé « Jamais je n’oserais te l’interdire mais… attends, tu es en train de me demander ma permission ? »
Ange « Je négocie les termes de notre contrat de mariage. En tant qu’épouse, je comprendrais que tu vois un inconvénient à ce que je pratique l’adultère. Toi comme moi savons que ce ne sera pas un mariage d’amour, mais je tiens à faire les choses correctement. Alors ? »
Arsinoé « Non, je n’ai jamais vu de problèmes à qui tu aimes et notre mariage ne changera pas ça. Mais… et les enfants ? Je porte l’enfant d’un autre ! Tu n’y vois pas de problème ? »
Ange « Sur le papier, l’enfant sera le mien et je serai le père qui l’élèvera alors non, aucun. Pour être parfaitement honnête, ici, tu seras celle qui me rendra service. »
Arsinoé « Vraiment ? »
Ange « Avec mon mode de vie, j’ai fait une croix sur la paternité il y a des années. Pourtant, j’ai toujours rêvé d’avoir des enfants et de devenir père. Me laisser reconnaître ton enfant, l’élever comme le mien… Tu me ferais le plus beau cadeau qui soit. Tu voulais savoir ce que j’ai à y gagner, tu sais tout. »
Arsinoé « Tu n’en avais jamais parlé avant... »
Ange « Vivre avec cette idée était déjà assez difficile, je ne voulais pas retourner le couteau dans la plaie. »
Ange « Sache qu’en plus, je donnerai aussi à ton enfant ce qu’il reste de l’héritage des de Chastel, le nom, ainsi que le titre, pour ce que ça vaut désormais. Au grand dam de mon frère d’ailleurs. La nouvelle ne lui fera pas plaisir. »
Arsinoé « Je comprends que tu n’ai pas envie d’en parler oui. Je comprends aussi pourquoi Grand-Mère a fait appel à toi immédiatement. »
Ange « Cher cousine, nous nous apprêtons à consacrer l’oeuvre de la vie d’Eugénie le Bris, en unissant par le mariage l’argent des Le Bris et le prestige des de Chastel. Mais le plus important, c’est que nous y trouvions tous les deux notre compte. C’est bien le cas n’est-ce pas ? »
Arsinoé « Tout à fait. Je serais folle de refuser. »
Ange « Très bien. Voilà qui mets fin aux négociations. Laisse moi donc reprendre. »
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Eté 1926 - Champs-les-Sims
6/10
Ce serait un euphémisme de dire qu'elle a pris la situation en main. En même temps, il faut dire que toutes mes émotions refoulées me sont revenues en pleine figure dès que je lui ai tout avoue. Je n'étais plus en état de faire grand chose, et surtout pas de prendre les bonnes décisions. J'ai erré pendant je ne sais combien de temps dans un brouillard de douleur, je ne quittais pas mon lit et je passais mon temps à inonder les draps et les oreillers avec mes sanglots. Quand elle m'a dit qu'elle avait une solution, je n'ai même pas demandé de quoi il s'agissait sur l'instant, tu vois donc à quel point j'avais l'esprit à la dérive.
C'est Ange, qui est arrivé quelques jours plus tard, qui est arrivé pour tout régler.
Transcription :
Ange « Qu’est-ce que tu attends avec une telle intensité Cousine ? »
Arsinoé « Ange ? »
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Eté 1926 - Champs-les-Sims
2/10
Ce que je vais t'écrire, je te supplie de ne pas en parler à ta famille, car j'ai déjà suffisamment honte.
Tu disais que je devrais davantage me fier à ce que Antoine et Ange m'ont dit au sujet de Jean. Après tout c'est vrai, ils tiennent à moi, et ils ne disent rien par malveillance, juste dans mon intérêt. Mais parfois, je suis complètement stupide ! Franchement, tout le monde sait qu'Antoine est brillant, et je ne compte plus le nombre de fois où Ange m'a dit (avec un certain orgueil quand même il faut le préciser) qu'il avait appris très tôt à scruter les visages et les attitudes pour y déceler les gens qui lui voudraient du mal de ceux qui lui voudraient du bien. Alors quoi ? Moi, bêtement vexée par ta remarque, je décide de ne pas y faire attention.
Tout a commencé lors d'une conversation avec Oncle Adelphe un soir. Je lui dit tout, ou presque. Il ne savait pas pour Jean. Mais quand j'ai un doute, c'est lui que je vais voir. Sur de nombreux aspects de ma vie, il est bien plus paternel que mon propre père. Bref, une chose en entrainant une autre, j'ai fini par lui parler de ma vie amoureuse, l'air de rien, sans jamais trahir Jean, car j'avais peur qu'il ne se rappelle de lui.
Transcription :
Adelphe « Alors, comment avance ta réponse à Cousin Lucien ? »
Arsinoé « Raaaaah, ça n’avance pas. Je n’ai aucune idée de ce que je peux bien lui raconter. J’en ai assez de ne lui parler que d’Ange ou d’Antoine. Mais c’est un homme qui travaille en ville, je pense que ça doit davantage l’intéresser d’entendre parler de la vie trépidante de mon cousin ou histoires marrante de Cléo à la faculté de lettres. »
Adelphe « Pourquoi ne lui parles-tu pas de ce que nous faisons ici ? »
Arsinoé « Vous croyez ? Dès que j’en parle à quelqu’un, j’ai l’impression de le voir retenir un bâillement. »
Adelphe « Il est peut-être différent. »
Arsinoé « Oh, je ne sais pas. Heureusement, d’ici peu, j’aurai enfin quelque chose d’intéressant à lui dire. »
Adelphe « Vraiment ? A ce point ? »
Arsinoé « Oui, enfin. Il va sans doute se passer quelque chose d’intéressant ici sous peu. Tu as bien vu que Antoine et Mademoiselle Laroche s’écrivent des lettres à présent non ? »
Adelphe « Noé, c’est supposé être un secret. Pour Grand-Mère uniquement, mais restons prudents. Et cesse de noyer le poisson, tu ne parlais pas des amours de ton frère. De toute façon, tu n’as jamais pu garder un secret. »
Arsinoé « Pardon ? Mais, bien sur que si ! »
Adelphe « Je sais ! Il y a un garçon qui te plaît ! »
Arsinoé « Oui, j’avoue, c’est vrai. »
Adelphe « Je le connais ? »
Arsinoé « Peut-être… Dites-donc, vous êtes bien curieux aujourd’hui. Dire que je ne parle même pas de cela avec ma propre mère… »
Adelphe « Alors personne n’est au courant ? »
Arsinoé « Si, Cléo. Et Sélène. Et Antoine. Et puis Lucien. »
Adelphe « Ange aussi j’imagine dans ce cas. C’est de longue date donc. »
Arsinoé « Assez, oui. En fait, j’avais envie de vous en parler depuis un moment, mais j’avais peur que vous n’approuviez pas. »
Adelphe « Je comprends. Mais tu dois savoir que peu importe ton choix, si c’est sérieux, tu as tout mon soutient. J’irai parler à Grand-Mère si jamais tu en ressens le besoin. Elle a beau paraître très rigide, mais elle finira bien par se plier à ton choix. »
Arsinoé « Merci mon oncle. Je suis touchée. »
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Eté 1926 - Champs-les-Sims
1/10
Cher Lucien,
Tu avais raison. Antoine avait raison. Ange avait raison. Je ne suis qu'une idiote.
Transcription :
Aurore « Vous avez besoin de quelque chose Madame ? »
Eugénie « Qu’est-ce qui vous fait croire cela, jeune fille ? »
Aurore « Sans vouloir paraître cavalière Madame, vous êtes fichée ici comme un piquet depuis un moment. »
Eugénie « Soit… Savez-vous utiliser cette machine de malheur ? »
Aurore « Le téléphone vous voulez-dire ? Je me débrouille, je sais contacter une opératrice. »
Eugénie « Alors contactez en une pour moi. Je dois parler à mon arrière-petit-fils sur le champs, et je n’ai pas le temps qu’un courrier puis un train me le ramènent. C’est urgent voyez-vous ! »
Aurore « Lequel de vos arrière-petits-fils ? Et il me faut aussi son adresse, pour la transmettre à l’opératrice. »
Eugénie « Ange de Chastel. Il habite au boulevard des Capucines, dans l’appartement familial. Par contre, je ne parviens jamais à me rappeler le numéro, je suis navrée. »
Aurore « Je vais me débrouiller Madame. Attendez à côté de moi, ce sera l’affaire de quelques minutes. »
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