#Ange de Chastel
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Eté 1934 - Champs-les-Sims
1/5
Cher Lucien,
Ta lettre est bien courte. Mais bon, pour citer Ange face à cette remarque : "Pas de nouvelle ? Bonne nouvelle, dit-on."
Je tiens à adresser mes félicitations à Layla et à son fiancé. Et je peux d'ores et déjà t'annoncer les fiançailles effectives d'Eugénie et de son Eugène. J'ai assisté à la demande, très émouvante, depuis les fenêtres du salon.
Sache que ce pauvre Eugène Ribeaucourt est réputé pour sa grande malchance. Il ramenait Eugénie d'une petite fête organisée par mon beau-frère Emilien où on a joué de la musique de chambre. Ma soeur a enfin eu l'occasion de s'apprêter pour une réelle occasion et son soupirant était magnifique avec son beau costume brossé de frais et sa moustache bien peignée. Mais fidèle à sa réputation, dès qu'il a déclamé sa demande (je ne saurais pas lui rendre justice, dis toi simplement que Cléo aurait tué pour quelque chose d'aussi romantique), une pluie bien drue s'est mise à tomber. Craignant de briser le moment, Eugénie a fait mine de rien et a répondu avec les larmes aux yeux un oui un peu étranglé. Le lendemain, elle toussait et avait le nez bouché. Quand au pauvre Eugène, il a voulu aller saluer Adelphe avant de partir et sans y prendre garde, a marché d'un grand pas dans une flaque de boue. Son costume a été éclaboussé et ses belles chaussures cirées ont du se changer instantanément en marais. En me racontant la scène, Adelphe a ponctué d'un laconique "Heureusement que ce pauvre garçon n'a jamais fait la guerre."
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POV : Frédéric Rumédier le vampire gay dans le placard s'imaginant Champs-les-Sims
(de gauche à droite : deux randos du nom de Denis Léonard et François Ribeaucourt, Louis-Michel de Chastel et son petit-fils Ange, Jeanne Le Bris et sa meuf Anne-Sophie Musclet)
Pardon pour ce vieux meme moche fait à l'arrache qui m'a été inspiré par une discussion avec Seli, oui je retourne écrire mes posts 🤭
#ts3#simblr#legacy challenge#history challenge#decades challenge#lebris#lebrisdivers#Frédéric Rumédier#Denis Léonard#François Ribeaucourt#Louis Michel de Chastel#Ange de Chastel#Anne-Sophie Musclet
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L’année Raphaël (2)
Pour inaugurer l’«Année Raphaël», nous avons présenté, dans notre premier billet de 2020, la fresque de L’École d’Athènes, en rappelant l’articulation étroite qui existe sur le plan idéologique, entre le motif même choisi par le souverain pontife et par ses proches, et la symbolique du lieu, à savoir la «Chambre» abritant la bibliothèque privée du pape Jules II. Nous poursuivrons aujourd’hui, en examinant la présence de l’écrit et du livre dans le détail de la fresque, et la diffusion du motif de celle-ci, par le biais, d’abord, des descriptions et des récits de voyage, et bientôt par celui des estampes. Que l’École d’Athènes soit intimement liée au monde de l’écrit, la présence en nombre de personnages occupés à e lire ou à écrire en témoignera suffisamment. Outre les deux figures centrales de la scène, Platon et Aristote, qui tiennent chacune un codex, voici Pythagore et son groupe, dont un jeune putto dressant un tableau de l’harmonie musicale. De l’autre côté de la fresque, Euclide fait une démonstration de géométrie en s’aidant d’une ardoise sur laquelle il trace ses figures. Les deux groupes réunis chacun autour d’un maître symbolisent deux des arts libéraux, à savoir d’une part la musique, de l’autre la géométrie. Mais voici encore, aux pieds de Minerve, un jeune homme assis, comme les cheveux au vent, et qui est en train de prendre fiévreusement des notes en s’appuyant sur son genou (cliché 1). Diogène quant à lui prend connaissance d’une note, ou d’une lettre, qu’il tient de la main gauche, tandis qu’Épicure / Michel Ange, la plume à la main, semble plongé dans ses pensées (cliché 2). Un personnage retient plus particulièrement l’attention, un jeune homme, habillé de bleu, à l’avant-plan à gauche de la fresque : d’après Brock (p. 146), il s’agit de Tommaso, dit Fedra Inghirami (1470-1516), nommé en 1505 prévôt à la Bibliotheca Vaticana, puis préfet de celle-ci en 1510 (cf DBI, LXII). Inghirami, qui descend d’une famille proche des Médicis, a accompagné le légat a latere Bernardino Lopez de Carvajal auprès de Maximilien (1496), et a reçu de ce dernier le titre de poeta laureatus (1497) –et, de fait, son ami Raphaël le représente ici portant une couronne de lauriers, dans la position classique de l’historiographe prenant en notes les hauts faits de la cour où il est employé (cliché 3).
L’invention de Raphaël tient dans la «naturalisation» de l’ensemble de la scène: il n’est plus nécessaire d’insérer des banderoles ou des phylactères pour identifier le personnage ou pour préciser le propos. Certes, ce qu’écrivent les uns et les autres reste illisible pour le spectateur, mais, à l’exception des deux inscriptions présentées à l’avant-plan sur des ardoises et des titres du Timée et de l’Éthique, tout ce qui a trait à l’écriture est finalement naturalisé en geste de lire, décrire, de dessiner, de recopier, de montrer dans un livre ou de regarder écrire, voire d’apporter des volumes (Brock, p. 146). Paradoxalement, une autre manifestation de l’écrit apparaît dans la Stanza della Segnatura: le 6 mai 1527 en effet, les troupes impériales conduites par le connétable de Bourbon, forcent la porte de Santo Spirito, et s’emparent sans coup férir de Rome. Pendant plusieurs mois (en fait, jusqu’en février 1528…), la Ville est livré au pillage, auquel les Stanze de Raphaël n’échappent pas. Une partie des troupes impériales est constituée de lansquenets protestants et, dix ans après les Thèses de Luther contre les Indulgences, la révolution des médias de masse est un fait: les canards et des pamphlets imprimés (les Flugschriften) contre le pape et contre l’Église de Rome circulent très largement en terre de Réforme, et ils sont parfois d’une extrême violence. Rien de surprenant si, partout dans la Ville soumise an pillage, un premier saccage des «images» se produise (Bildsturm), et si les reliques, assimilées à des objets de charlatanerie, soient profanées. Dans la Stanza della Segnatura comme dans un certain nombre de lieux symboliques, des graffiti tracés à la pointe de l’épée témoignent du passage des lansquenets de Georg von Frundsberg… avec en l’occurrence l’inscription «Luther», sur la fresque de la Dispute (cf Chastel (1), p. 121 et suiv.: cliché 4). Ici l’historien n’est plus confronté à une perspective d’histoire de l’art, mais bien d’anthropologie, pour laquelle les graffiti luthériens s’introduisent au cœur même du modèle intellectuel pontifical tel que mis en scène par Raphaël, pour le subvertir – en substituant le nom du Réformateur à celui du pape. Au passage, on remarquera que le vandale lansquenet est bel et bien alphabétisé…
Mais revenons à la fresque pour elle-même. Le travail de Raphaël est aussitôt célèbre, même si sa citation par Paolo Giovo (dans la «Vie de Raphaël», Raphaelis Urbinatis vita) reste elliptique. Vasari en donnera une description plus circonstanciée, mais non exempte d’erreurs factuelles (au point que Brock suggère qu’il n’a peut-être pas vu lui-même les fresques). Surtout, le motif de l’École d’Athènes est bientôt diffusé par la gravure, mais selon une voie a priori inattendue, puisqu’elle nous conduira de Mantoue à Rome… et à Anvers. C’est en effet de Mantoue qu’est originaire le dessinateur et graveur Giorgio Ghisi, né en 1520 et dont nous ne savons pratiquement rien de la formation artistique mais qui a manifestement subi l’influence de Giulio Romano. Les premiers travaux que nous connaissions de lui, dessins et gravures, datent de la décennie 1540, d’abord à Mantoue, puis à Rome. Il entre alors en relations avec le Flamand Hieronymus Cock (1518-1570), lequel séjourne précisément un temps à Rome. Rentré à Anvers en 1548, Cock se lance dans l’édition et la diffusion des estampes, à l’adresse bientôt célèbre des «Quatre vents». La conjoncture exceptionnelle qui est celle d’Anvers au milieu du XVIe siècle, et que nous évoquions tout récemment à propos de Christophe Plantin, assurera le succès de l’entreprise: Dès ses premières années d’activité comme éditeur, [Cock] a formé le projet de présenter au public néerlandais les œuvres de Raphaël et de son école, alors seulement connues de quelques privilégiés. Son principal atout pour y parvenir fut d’avoir réussi à faire venir à Anvers le célèbre graveur italien Giorgio Ghisi, qui exécuta pour [lui] deux gravures monumentales d’après les fameuses fresques de Raphaël au Vatican, rapidement objets de tous les regards. Le «public néerlandais», certes, mais pas seulement lui: les réseaux commerciaux de la métropole de l’Escaut permettent une diffusion pratiquement européenne des produits anversois ou transitant par Anvers. Quoi qu’il en soit, Ghisi rejoint bientôt son ami. Sa reproduction de l’École d’Athènes est la première à être gravée, en deux planches, et à sortir à l’adresse de Cocq en 1550 (cliché 5). Le bloc sur lequel Épicure s’appuie pour écrire porte désormais la signature: «Raphael Urb[inensis] inv[enit] Georgius M[a]t[uanus] fec[it]». Mais, de manière a priori surprenante, l’image est identifiée au titre, non pas comme L’École d’Athènes de Raphaël, mais comme le prêche de l’apôtre Paul devant une assemblée de philosophes à l’aréopage d’Athènes (cf Actes, XVII, 18 et suiv.). L’inscription épigraphique est portée à l’avant-scène à gauche: Pavlvs Athenis per Epicvraeos et Stoicos qvosdam philoso phos addvctvs in Martiv Vicv. Stans in medio vico. Svmpta occasione ab inspecta a se ara. Docet vnum illvm, vervm, ipsis ignotvm Devm. Reprehendit idololatriam, svadet resipiscentiā incvlcat et Vniversalis Ivdicii diem et mortvorvm per redivivvm Christvm Resvrrectionem. Act. // XVII. D’où provient la réinterprétation, nous l’ignorons, mais de toute évidence, il s’agit de faciliter la diffusion de la gravure, dans un environnement tout autre que celui de la capitale pontificale, et où les thèses de la Réforme sont largement reçues. L’année suivante, Ghisi s’inscrit à la Guilde Saint Luc, sous le nom de Joorgen Mantewaen: il est probable qu’il quitte cependant Anvers vers 1554, sans doute d’abord pour la France, puis pour l’Italie. La réception de la fresque de l’École d’Athènes est ainsi considérablement élargie mais, si le motif reste le même, son interprétation en est déplacée en profondeur: l’humanisme néo-platonicien n’est plus d’actualité, non plus que la théorie des bibliothèques. Signe de la conjoncture nouvelle, c’est la problématique économique qui s’impose en ce mitan du XVIe siècle, à travers le recours à la gravure, et à travers le choix de ce que nous pourrions presque appeler une «scène de genre» illustrant la rencontre de l’apôtre (dont la figure se substitue à celle de Platon!) avec les représentants les plus notables de la culture antique. Nous reviendrons, dans notre troisième et dernier billet à propos de l’École d’Athènes, sur l’héritage d’Athènes… et sur le retour du motif raphaëlien dans les bibliothèques.
Notes (1) André Chastel, Le Sac de Rome, 1527. Du premier maniérisme à la contre-Réforme, Paris, Gallimard, 1984, («Bibliothèque des histoires»). (2) Hieronymus Cock, La gravure à la Renaissance, dir. Joris Van Grieken, Ger Luijten, Jan Van der Stock, Bruxelles, Fonds Mercator, 2013.
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Conjoncture artistique à Florence autour de 1500
Vasari, Vire de Raphaël d’Urbino : « son amour constant […] d’un talent inégal. » Vasari insiste sur le décor que Léonard de Vinci et Michel-Ange entame pour la Salle des Cinq-Cents au Palazzo Vecchio dans laquelle on décide de figurer les passages importants de l’histoire de Florence depuis le Moyen Age. Au départ, elles devaient être mises face à face.
Leonard n’a pas terminé cette grande fresque, on ne connait que des dessins, des projets, des cartons. Raphaël s’est inspiré des expressions des visages.
Michel-Ange devait réaliser la bataille de Cascina, de façon provocante, il avait choisi non pas de représenter la bataille proprement dite mais de représenter un moment en marge, quand les soldats avaient trop chauds et se dévêtissent puis se rhabillent à l’annonce de l’ennemi. Il voulait peindre du nu, grand intérêt pour l’anatomie, le corps humain en action dans des poses difficiles à représenter, en course, de dos, en torsion.
Domenico Ghirlandaio, La Visitation, 1485-90 : art très équilibré, très parfait, peut-être trop formel. Spécialiste de la fresque dans les chapelles des grandes familles de Florence dans lesquelles il met en scène la bourgeoisie florentine pour représenter des scènes de la vie de la Vierge. Les scènes sont projetées dans la société contemporaine. Costumes à l’antique pour les deux au centre et le groupe de droite porte des costumes florentins de la fin du XVe siècle et à l’arrière-plan une vue de Florence.
Sandro Botticelli, Pietà, 1498 : dessin très aigue, pointu, douloureux. Coté tragique. Pas grand-chose de commun à part le rythme de la ligne.
Antonio Pollaiuolo, Hercule et Antée, peinture sur panneau, v 1470 & groupe en bronze, v. 1478 : corps humain scruté dans tous les angles, étudier les statues antiques et contemporaines. Caractéristique des florentins pour les petites œuvres, intimes mais que l’on peut étudier sous tous les angles grâce à des points de vue multiples, l’anatomie est parfaitement étudiée.
Andrea del Verrocchio, L’Incrédulité de saint Thomas, 1467-83, bronze : il est placé dans une niche de marbre à l’antique. Manière dont les florentins savent développer la forme dans l’espace, ici le groupe est en mouvement, il empiète dans l’espace du spectateur. Saint Thomas tend la main vers la droite et le christ tend vers la gauche, réel mouvement et forme. Traitement de la draperie reflète l’esprit des personnages avec des plis plus majestueux pour le Christ. Il ne faut pas séparer les statues de la niche.
Andrea del Verrocchio & Léonard de Vinci, Le Baptême du Christ, 1472-75 : œuvre d’un peintre aussi sculpteur, quelque chose de tridimensionnel, volume dans les anatomies. Les anges de Léonard introduisent une grâce supplémentaire.
Léonard de Vinci & Michel-Ange
Léonard de Vinci, l’adoration des mages, 1481 : abandonnée en 1484 et reste inachevée. On est fans une sorte de représentation en noir et blanc. On est devant une œuvre dans une grande complexité, multitude de personnages et d’attitudes et à l’arrière-plan, insertion d’un paysage fantaisiste. Une espèce de résumé de ce que Léonard savait en art.
Léonard de Vinci, Sainte Anne et la Vierge : carton au fusain avec des rehauts de blancs et montre l’ambition de Léonard.il va essayer de fondre les personnages pour former un groupe organique, c’est-à-dire un organisme unique, il a voulu exprimer la généalogie du Christ. On reprend une iconographie du Moyen Age.
Raphaël, feuille d’études
Michel-Ange, La Vierge et l’Enfant à l’escalier, 1490-92 : selon lui, Raphaël va étudier le corps humain, l’anatomie, le mouvement et d’un certain pathétique, le caractère terrible d’une œuvre. Le Christ est en posture tordue, torturée, bras rejetés vers l’arrière, déjà un torse d’adulte, de lutteur. Escalier avec des enfants qui jouent ajoutent de la profondeur et du mouvement.
Michel-Ange, La Sainte Famille, v. 1506 : date exactement du séjour de Raphaël à Florence. Position inconfortable de la vierge, assise sur le sol et elle passe ou reçoit l’enfant à Saint Joseph qui est derrière. Coté énigmatique, encore une leçon de composition, comment faire tenir sur une surface réduite et difficile toutes ces figures. Encore en présence d’un groupe organique.
La définition du troisième style « moderne » par Vasari, préface de la troisième partie des Vies, (é. A. Chastel, vol. V, p.20) : « c’est lui qui inaugura […] figures d’Apelle et de Zeuxis ». & Raphaël devant Leonard et Michel-Ange selon Vasari (Vie de Raphaël) : « La découverte de Leonard de Vinci […] grâce des couleurs » & « le style hérité de Pérugin […] à la Salle du Conseil de Florence ».
Les portraits
Raphaël, La Dame à la licorne, v 1505, Rome, Galerie Borghèse et Portrait de femme, dessin à la plume, Louvre : licorne signifie la chasteté, la pureté. Marque une certaine simplicité. Les bras décrivent un cercle qui comblent la première partie du tableau et le tissu donne plus de volumes. Le visage se détache sur un paysage à la manière du Pérugin, dans une loggia. Raffinement de la couleur, bijoux à la mode. Rapprochement avec le dessin.
Raphaël, Portraits d’Agnolo et Maddalena Doni, 1506, Florence, Palais Pitti : construction plus dynamique, peu d’expression dans les portraits pour donner plus d’intensité. N’ont pas le caractère mystérieux et étrange des portraits de Léonard de Vinci, Portrait de Monna Lisa, 1503-04 : pose semblable mais une sorte d’aura émane de La Joconde avec son sourire énigmatique.
Raphaël, La Donna gravida, v. 1505, Palais Pitti : le commanditaire et le modèle sont inconnus. Titre signifie la femme enceinte. Utilisation délibérée d’un fond sombre sans paysage qui permet à la figure de prendre du volume. Teintes assez simples. Femme qui ne sourit pas, un peu fermée, un peu hors d’atteinte et ne semble pas instaurer un dialogue. Exercice de style, sur le volume, représentée de ¾ pour attirer attention sur la main et le ventre. Sérénité rassurante d’une mère qui donne sensation de calme.
Raphaël, La Muta, 1507-08 : mains l’une au-dessus de l’autre avec beaucoup de subtilité, doigt comme si elle voulait indiquer quelque chose. Titre signifie la muette, expression attentive, lèvres fermées et mâchoires serrées, c’est avec ses mains qu’elle parle. Peut-être un membre de la famille Strozzi ou une femme associée à la famille régnante. Détail de la chaine en or fait une ombre sur la peau du cou.
Les madones : thèmes et variations
Les madones de florence sont renouvelées par rapport aux précédentes qui s’inspiraient du Pérugin.
Raphaël, Madone du Grand-Duc, v. 1504 : verticalité, très p & Petite Madone Cowper, 1504-05 & Madone Bridgewater, v.1506-07 : part d’une verticalité très posée, très figée vers une composition plus dynamique qui est une influence de Michel-Ange. Veut réaliser avec Léonard dans le fait que les formes ne se détachent pas mais émergent doucement de la pénombre, donne un effet plus naturel. Raphaël a volontairement adouci les couleurs pour la première madone. Attention aux manières de restaurer, dans les collections américaines et anglaises, ls couleurs sont plus fortes mais vient peut-être de la restauration.
La Madone d’Orléans, v. 1506-07, Musée Condé : œuvre d’une petite taille. Couleurs d’une très grande fraicheur. La vierge se penche gracieusement et l’ensemble a une expression d’un grand mouvement avec l’enfant qui saisit le corsage de sa mère. A l’arrière-plan, on voit des pots.
Raphaël, La Vierge au chardonneret, v. 1507 : tableau rompt avec la tradition du Pérugin car les trois personnages forment un groupe organique alors que le Pérugin juxtaposait les personnages comme on le voit dans le tableau Vierge à l’enfant et saints. Comparée avec Michel-Ange, Madone de Bruges, marbre, 1501-04 : tension tragique qu’il n’y a pas dans la composition tendre de Raphaël mais il s’en est inspiré pour la représentation de la Vierge assise et frontale et la figure du Christ debout et en mouvement. Comparé avec Léonard de Vinci, La Vierge aux rochers, 1483-86 : mettre en relation ou en opposition les figures dans un paysage, il met en avant ces relations avant le caractère sacré. Léonard de Vinci, Sainte Anne et la Vierge, 1508-10
Les tableaux d’autel
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Eté 1929 - Champs-les-Sims
20/20
Les souvenirs des obsèques se font de plus en plus flous et atténués avec les mois qui passent. Nous réapprenons à vivre sans Grand-Mère. Cela dit, le trou est toujours là et la maison semble aussi grande que déserte sans le bruit de sa cane qui tape contre le sol. Nous n'avons pas eu le coeur de la jeter. Je l'ai emballée et entreposée au grenier, au milieu de nombre de ses affaires. Quand à sa chambre, nous n'avons pas encore pu nous résoudre à déplacer les meubles, nous ne savons même pas si nous voulons les garder ou pas. Je pense qu'il faut faire table rase, mais je ne sais pas si tout le monde à la maison est prêt.
J'aimerai proposer que Marc-Antoine rénove la chambre (elle n'a pas bougé depuis presque quatre-vingt ans et aurait besoin d'un coup de frais) et qu'il en fasse la sienne, je n'en peux plus de le voir loger dans le grenier. Après tout, il va revenir s'installer définitivement ici dès l'automne puisqu'il a fini l'école. Il a d'ailleurs été diplômé avec les honneurs, même si cet événement à été largement éclipsé. J'en profite aussi pour t'annoncer que la liste de mon frère a été élue au conseil municipal lors des élections de mai dernier. J'ai maintenant sous mon toit un conseiller municipal et notre village est passé sous la bannière communiste. Qui l'aurait cru ? Je suis extrêmement fière de lui, et je n'ai jamais douté de sa réussite.
Je t'enverrai une autre lettre sous peu, j'espère un peu plus joyeuse.
Affectueusement,
Noé
P.S. Tu trouveras si joint un bordereau bancaire confirmant le virement d'un certaine somme sur ton compte en banque. Ne me demande pas comment j'ai obtenu tes coordonnées, je ne compte pas vendre mes sources. Sache cependant qu'il s'agit d'un emprunt pour la construction de ton port, et que j'escompte que tu me rembourse chaque cent.
______________________________________________________________
De : [email protected]
Sujet : La cane !!!
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Cher D,
J'ai été farfouillé au grenier et je l'ai trouvée ! La cane est toujours là, intacte ! A force de chercher des objets ayant appartenu à nos ancêtres dans cet immense grenier, je vais bientôt vivre dans un musée. Et encore, je n'ai pas encore commencé à fouiller dans les combles de l'aile construite par Arsinoé.
A la prochaine !
A.
Transcription :
Rose « Mais bon, on enterre pas Eugénie Le Bris en toute intimité. »
Ange « Monsieur le maire a même hésité à convier le préfet d’après Antoine. »
Rose « Vraiment ? Et comment saurait-il cela lui ? »
Ange « Il a des amis au conseil municipal. La question a même été mise à l’ordre du jour au dernier conseil de mairie. Finalement, ils ont décidé de ne pas le faire. »
Rose « C’est dommage, elle aurait aimé avoir un invité prestigieux à ses obsèques. »
Ange « Bon, sur ce… Je me rend compte que je suis épuisé. Vous montez aussi ma tante ? »
Rose « Non, j’aimerai encore rester un peu si tu n’y vois pas d’inconvénient. Je te chasse pas, mais je veux être un peu seule vraiment. »
Ange « Ne vous inquiétez pas, je comprends. Bonne nuit. »
Rose « Oh Grand-Mère… Vous avez eu la plus belle cérémonie d’adieu que quelqu’un puisse espérer. Vous pouvez être fière de tous vos descendants. Cette jeunesse est prodigieuse. J’espère que vous vous en êtes rendue compte avant la fin... »
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Automne 1939 - Champs-les-Sims
4/7
Nous sommes entrés en guerre à 17h. La radio nous a prévenu presque aussitôt. Le village n'ayant pas de titre de presse qui publie le soir, la nouvelle est arrivée également le lendemain matin à l'aube, histoire de balayer les derniers doutes qu'il restait. Je n'ai pas bien pris la nouvelle, mais alors pas du tout. Sans compter qu'Ange n'a pas fait mine de protester et m'a annoncé qu'il irait se faire enregistrer dès le lendemain. Nous avons eu un échange un peu animé, le premier qui soit véritablement sérieux depuis notre mariage.
Tu penses bien que j'ai paniqué. Les De Chastel ne sont pas réputés pour leur bon capital chance, loin s'en faut. Il se peut que j'ai crié, au moins un peu, que j'ai pleuré également. Que je l'ai traité de tous les noms quand il a refusé chacune des solutions désespérées que je lui lançait à la figure. J'ai commencé à entendre raison quand mes arguments sont devenus irrationnels, même pour moi. Il était d'un calme tel que j'avais sans doute envie de le faire réagir. Il avait un visage impassible que je ne lui avais jamais connu, et c'est ce qui m'a fait peur. Je ne sais pas si cela t'est déjà arrivé avec Irène, mais voir cette expression inconnue qui ne me laissait rien deviner au travers pour la première fois depuis notre enfance, ça secoue. Et ça fait peur. J'aurai pu lui dire n'importe quoi pour qu'il réagisse, même lui faire mal.
Transcription :
Arsinoé « Il y a forcément quelque chose à faire ! »
Ange « Non Noé, rien ! C’est comme ça. »
Arsinoé « Je suis certaine que si je demande à Tante Rose de te faire un certificat de non aptitude elle n’y verra rien à y redire. »
Ange « La médecine militaire ne prend pas l’avis d’un médecin civil, et certainement pas celui d’une femme. Il faut que tu arrête de te raconter des histoires. J’irai et c’est tout ! »
Arsinoé « Comment peux-tu être aussi résolu ? Tu n’as quand même pas envie d’y aller ? »
Ange « Bien sur que non, je ne suis pas fou. Les filles sont aussi inquiètes que toi, et j’ai fait de mon mieux pour les rassurer. Ne brise pas tous mes efforts… »
Arsinoé « Donc, je suis censée être calme ? »
Ange « Non, bien sur que non. Mais nous n’avons pas le choix. J’irai à Boulogne demain pour me présenter au bureau de recrutement. Si ça peut te rassurer, grâce aux relations d’Émilien, je serai sans doute affecté à une unité de réserve. Il m’a promis de faire son possible. »
Arsinoé « Ou alors ce sera le contraire. Il y a une liste longue comme le bras de De Chastel morts sous les drapeaux et ta famille a une certaine réputation de sacrifice pour la patrie. Tu seras bombardé officier en un rien de temps et envoyé directement sur la ligne Maginot. »
Ange « Tu dramatises. J’ai fait mon service, mais je n’ai aucune autre expérience militaire. »
Arsinoé « J’ai tellement peur… Dire que j’étais si peu inquiète pour Papa quand il y est allé... »
Ange « Tu étais toute jeune. Et moi de même. A cet âge, nos parents sont des figures invincibles et immortelles, nous ne sommes pas réellement inquiets pour eux. Je regrette qu’Anna et Elisabeth soient déjà si grandes. Mais, comme je l’ai dit aux filles, je ferai attention, je te le promets. »
Arsinoé « On était si bien ensemble. Tous les deux. J’ai peur de ce qui va se passer si je te laisse partir. »
Ange « Je sais, nous avons mis tellement de temps à nous trouver. J’ai peur de ce qui pourrait se passer si je te laisse seule. »
Arsinoé « Ange, il faut que je te dise quelque chose... »
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Automne 1939 - Champs-les-Sims
3/7
Nous avons passé l'été dans une ambiance étrange, un peu lourde. Il y avait d'un côté cette insouciance incroyable et cette envie de profiter avant que les lendemains ne déchantent, et de l'autre cette angoisse sourde. Je ne faisais que penser à Ange et à mes deux frères. De son côté, Maman essayait de faire des pieds et des mains avec Tante Rose par lettre interposées pour essayer de dispenser Antoine et Jean-François de servir. Je pense très sérieusement qu'il a été question de les estropier. Heureusement que les principaux intéressés n'en ont rien su. Je pense que Maman ferait n'importe quoi pour épargner la guerre à ses fils, surtout après ce qui est arrivé à Papa et Oncle Adelphe, mais aussi à Oncle Zéphir, Oncle Clément et au père d'Ange. Tante Juliette a essayé d'expédier son fils en Australie ou en Amérique du Sud, en se disant sans doute qu'on n'irait pas le chercher là-bas, mais cet idiot a envie de se battre parait-il ! Sans compter qu'il vient d'avoir un fils.
Concernant les filles, elles n'ont fait mine de rien. Louise est trop jeune pour vraiment saisir ce qui se passe, mais les jumelles sont trop futées pour leur propre bien, Elisabeth en particulier. Elles ont passé leur temps à poser des question à leur père.
Ceci étant dit, moi je n'avais rien vu venir. Quand la radio en a parlé, évoquant la ridicule opération "polonaise" à Gleiwitz, je me suis dit que personne de sérieux n'utiliserait un prétexte si fallacieux pour entrer en guerre. Mais ça a été fait. Et nous sommes entrés en guerre dans la foulée. Traite moi de sans cœur si tu le souhaites, mais j'aurai aimé que nous laissions la Pologne se débrouiller avec les nazis. Il faut dire que nous sommes entrés en guerre à leurs côtés, et que nous les avons, de fait, laissés se débrouiller pendant que nous surveillons nos propres frontières. C'est d'un hypocrite !
Transcription :
Elisabeth « Papa, est-ce que tu penses qu’il y avoir une guerre ? »
Ange « Ma chérie, je n’ai ni envie de jouer les haruspices ni les oiseaux de mauvaise augure... »
Elisabeth « Mais on en parle partout ! A la radio, dans les journaux, même au collège ! Et moi, je veux savoir ce que toi tu en penses. »
Ange « Ecoute, rien n’est encore fait et loin de là. J’en penses que cela ne sert à rien de se faire du mauvais sang. »
Elisabeth « Mais si il y a une guerre, tu devras partir n’est-ce pas ? Moi je ne veux pas que tu y ailles. Je ne veux pas que tu meures. »
Ange « Oh ma chérie, tu n’as pas à t’en faire pour ça, ton Papa ne risque rien ! Ce n’est pas quelques balles qui vont l’empêcher de retourner auprès de ses filles chéries ! »
Elisabeth « Papa, s’il te plaît, je n’ai plus huit ans ! Arrête de me parler comme à une gamine. »
Ange « C’est que je ne sais pas vraiment quoi te répondre. Je n’ai aucune idée de ce qui va se passer. »
Elisabeth « Tu as peur ? »
Ange « Oui, bien sur que j’ai peur. Personne ne désire partir en guerre, personne ! En tous cas, personne de sain d’esprit. Et par les temps qui courent, j’ai l’impression que les hommes sains d’esprit ne sont pas légions. Mais si guerre il y a, bien sur que j’irai. C’est mon devoir, tu sais. »
Elisabeth « Oncle Antoine dis que la guerre est une boucherie sans nom où des hommes qui ne se connaissent pas se tuent au nom de gens qui se connaissent mais ne se tuent pas. Une abomination... »
Ange « Ton oncle massacre bien proprement la citation, mais je peux difficilement lui donner tort. Ceci étant dit, si nous sommes envahis, je ne vais pas rester ici les bras croisés à attendre l’ennemi, et je pense qu’Oncle Antoine non plus. Je ne veux pas qu’il vous arrive malheur, à toi, ta sœur et ta mère. La plupart des hommes qui partent à la guerre sans en avoir envie se disent au moins qu’ainsi, ils protégeront leurs familles. »
Elisabeth « C’est terrifiant. »
Ange « Je le sais bien, mais hélas, ce n’est pas à nous de décider. J’aimerais que tu arrête de trop réfléchir à tout ça. »
Elisabeth « Franchement, est-ce que quelqu’un peut ? »
Ange « Non, tu as raison, excuses moi. Cependant, je te promet que le jour où je devrai aller me battre, je ferai attention. Quand je dis que ton Papa n’a aucune intention de vous laisser seules, je suis sérieux. Certes, mon devoir est auprès de mon pays. Mais mon devoir le plus impérieux est auprès de vous. Mon obligation la plus vitale est de tout faire pour rester en vie et revenir auprès de vous dans un monde en paix. »
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Printemps 1938 - Champs-les-Sims
3/3
D'ailleurs, entre la grossesse d'Aurore et le futur mariage de Jean-François, ainsi que les fiançailles très proches de Cléo et de son Georges (officiellement, c'est hors de question, mais je ne pense pas qu'elle trompe qui que ce soir), mes filles commencent à s'intéresser pour de bon à l'amour. Anna en particulier, qui a apparemment une foule de prétendants à ses pieds au sein des garçons de sa classe, a du bien entendu s'enticher du seul qui ne lui courrait pas activement après (des fois je me demandes si Cléo n'est pas sa vraie mère).
J'ai oublié d'ailleurs de t'annoncer que les filles ne vont plus à l'école au village, mais bien au collège Mercier Saint-Paul de Meulan-en-Yvelines. Etant donné que c'est à peine plus loin que Séraincourt, elles ne sont pas internes, Ange, Jean-François ou moi-même les véhiculons en automobile (une Celtaquatre offerte par Cléo pour mon anniversaire). Papa m'a envoyé une lettre pour protester en affirmant que mes filles finiraient conservatrices et bonnes soeurs, mais c'est une sorte de rituel chez lui, plus personne n'y fait attention. Mis à part Antoine, qui a affirmé que jamais ses enfants ne mettront les pieds dans un établissement catholique, appuyé par Aurore. Malgré tout, mon frère n'a pas réellement critiqué mon choix, il ne fait que le déplorer.
Maman, de son côté, m'a envoyé une lettre me demandant si je ne voulais pas lui envoyer les filles afin qu'elles soient scolarisées au lycée français d'Alexandrie, avec la petite Louise. A mon grand agacement, elle s'est concertée avec Adelphe qui est également venu approuver cette demande. J'ai catégoriquement refusé. Antoine a hésité. Il y a peu, le parlement a validé un emprunt de cinq milliards de francs pour la défense nationale, tandis que notre ministre des affaires étrangères a entamé un tour d'Europe de nos alliés. Maman et Adelphe sont persuadés que la guerre va revenir, et Antoine a beaucoup de mal à se forger un avis. Mais comme tu l'as dit, ce serait stupide. Personne n'a envie de se lancer dans une guerre en ce moment. En attendant, il est hors de question d'envoyer mes enfants loin de moi !
Je t'embrasse à mon tour et salue tous tes proches de ma part. Demande également à Lola si elle a bien reçu ma dernière lettre, car je n'ai pas encore reçu de réponse, et ce n'est pas dans ses habitudes.
Avec toute mon affection,
Noé
Transcription :
Ange « Lili… C’est toi qui a mis ces histoires d’héritage familial dans la tête de ta sœur ? »
Elisabeth « Oui... »
Ange « Réponds moi honnêtement s’il te plaît… Tu essaies de m’entourlouper depuis tout à l’heure n’est-ce pas ? De rejeter la faute sur ta sœur. C’est toi qui a besoin d’elle à ce point, et pas l’inverse. Je me trompes ? »
Elisabeth « Non Papa. Mais… je ne veux pas être toute seule quand je serai grande. Anna, c’est ma personne préférée, celle que j’aime le plus. Et je crois que c’est pareil pour elle. Désolé Papa... »
Ange « Ce n’est rien. Je me contenterai d’être ton papa préféré. Continue ma chérie... »
Elisabeth « Moi, le mariage ce n’est pas mon truc. Je ne pense pas que je vais tomber amoureuse d’un homme et l’épouser. Anna, elle commence à parler des garçons. Elle aime bien Victor d’ailleurs, il est beau et intelligent, et lui aussi l’aime bien. Il lui a demandé si elle voulait être sa petite amie. Elle a dit qu’elle devait réfléchir. Bon, moi je vois bien qu’elle finira par se marier. Ce sera son mari qu’elle aimera le plus. Et quand elle auras des enfants, c’est eux qu’elle aimera le plus. Et moi alors ? Je ne veux pas être toute seule. Si Anna prend la suite de Maman et que je l’assiste, je pourrai rester auprès d’elle, même si je ne suis plus sa personne préférée. »
Ange « Écoutes moi bien ma chérie, l’une des plus belles choses qui soit au monde, la petite fille qui a pris la moitié de mon coeur dès qu’elle a ouvert les yeux sur le monde… Ton Papa et ta Maman ont été piégé très tôt avec l’idée qu’ils auraient un rôle à tenir, et on nous a privé de presque tout le reste, car on pensait que nous n’en aurions pas besoin. Ta Maman, on l’a formée comme la future présidente qu’elle serait dès son plus jeune âge, et ça a faillit lui coûter sa relation avec ses frères et sœurs. Elle a perdu des choses dont je ne peux pas te parler, ce sont ses affaires. Moi, j’ai eu de la chance. Le titre de baron a été vidé de sa substance bien vite, et j’ai pu faire presque tout ce que je voulais. Épouser ta Maman en a fait partie. Quand nos petites merveilles, nos petites Anna et Lili, sont venues au monde, nous nous sommes jurés de ne pas vous imposer quoi que ce soit, que nous n’allions pas déposer sur vos épaules les choses que nous avons du porter. Jamais. »
Elisabeth « Alors je réalise votre pire cauchemar. Désolée Papa... »
Ange « Non, tu es encore jeune et tu as le choix. Ne sois pas dure avec toi-même, tu trouveras quelqu’un qui t’aime, des amis, il n’y a pas forcément besoin de tomber amoureuse pour ne pas être seule. Alors tu vas aller encourager Anna à faire ce qu’elle veut. J’ai passé un temps considérable de ma vie à dénouer ta vie de celle de ta sœur, ce n’est pas pour qu’elle s’attache encore une fois autant. Je te l’ai déjà dit, ce n’est pas sain. »
Elisabeth « Pardon. »
Ange « C’est une erreur. Ce sont le genre de choses qui arrivent. C’est mon rôle de te remettre sur le droit chemin quand tu fais une erreur. Tu as compris ? »
Elisabeth « Oui. On peut reprendre les révisions ? J’ai envie de pleurer et je pense que ça peut m’en empêcher. »
Ange « Ôte moi simplement d’un doute, ces histoires de mariage, ce n’est pas quelque chose qu’on t’a mis dans la tête pendant les cours d’économie domestique ? Ou parce que Mademoiselle Yvain quitte l’école pour épouser ton oncle Jean-François ? On peut tout à fait mener une vie intéressante même si on se marie tu sais. »
Elisabeth « Oui, je sais. C’est juste que moi, je ne pourrai pas épouser un homme. J’en ai pas envie, mais alors pas du tout. Les garçons, cils sont sales et méchants. Pas comme les filles, ni comme toi. D’ailleurs, j’espère que Tante Aurore aura des jumelles. »
Ange « Tout peut changer. En grandissant, tu changera peut-être d’avis sur eux. A l’adolescence, les jeunes filles commencent à changer de regard sur les garçons. »
Elisabeth « Qu’est-ce que ça veut dire, changer de regard sur les garçons ? »
Ange « Hum… Et bien, à un certain âge… mince non, je ne peux pas avoir cette discussion avec toi. C’est le rôle de ta mère de t’en parler, et il est un peu tôt... »
Elisabeth « Papa ! »
Ange « Bon, et si tu me montrais ce schéma des organes… heu, du squelette humain plutôt ? Papa confond toujours le cubitus et le radius ! »
Elisabeth « Parce que si jamais Anna change de regard sur Victor... »
Ange « Elisabeth, s’il te plaît, aies pitié de ton pauvre père... »
Elisabeth « Moi, c’est sur Jeannette que je commence à changer de regard. Ce n’est pas normal, si ? »
Ange « Oh… Et bien, Elisabeth, tu as de la chance, c’est un sujet que ton Papa maîtrise à la perfection. »
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Printemps 1938 - Champs-les-Sims
2/3
Sache aussi que mon petit-frère Jean-François se marie cet été. Sa fiancée, Catherine, a voulu garder son emploi le plus longtemps possible et a reçu la réponse à sa démission cette semaine. Elle termine le mois, et elle annoncera ensuite ses noces. Je suis très heureuse pour mon frère, il ressemble tellement à Papa que nous pensions que ce serait un éternel vieux garçon. C'était avant qu'Antoine me rappelle que Papa a eu huit enfants.
Les filles entrent peu à peu dans l'adolescence, même si elles ont toujours l'allure et les manières de petite fille. Elisabeth est brillante dans toutes les matières. Anna est, comme Cléo, plus à l'aise en rédaction et son institutrice nous affirme qu'elle a une imagination débordante, pleine de fées, de fantômes et de créatures étranges. Je suis ravie qu'elle ait pu ainsi mûrir et affirmer ses goûts. Elisabeth est encore plus indécise, mais Ange m'a dit qu'il y travaillait, quoi que ça veuille dire.
Transcription :
Ange « Bon, voilà pour la conjugaison… Tu es rassurée ? »
Elisabeth « Je ne sais pas Papa. Mademoiselle Yvain a dit que ce serait une dictée plus avancée demain matin. »
Ange « Une dictée longue ? »
Elisabeth « Un peu plus de cinq lignes. Ou cinq phrases, je ne sais plus. »
Ange « Alors tu n’as pas à t’en faire. Tu écris déjà aussi bien qu’une future bachelière. »
Elisabeth « Papa... »
Ange « Si c’est vrai ! Qu’est-ce qu’on a dit à propos de l’estime de soi jeune fille ? »
Elisabeth « Que ce que disent les autres, ce n’est pas grave, il faut avant tout voir ses propres qualités. C’est vrai que j’ai les meilleures résultats mais... »
Ange « Alors le sujet est clôt. Il faut apprendre une autre leçon ? »
Elisabeth « L’anatomie. »
Ange « L’anatomie ? Apprendre les noms des os ? »
Elisabeth « Oui ! C’est ce qu’on fait en ce moment. Regarde, nous avons fait un schéma en classe. »
Ange « Seigneur… Parfois, je me demande à quoi tout cela sert... »
Elisabeth « Si jamais je veux devenir médecin, comme Tante Rose. C’est important. »
Ange « Mmh, oui. Sans doute. Je l’ai également appris à l’école, mais j’avoue ne pas en avoir beaucoup de souvenirs. Ce n’est pas un savoir que l’on mobilise tous les jours. Tu veux devenir médecin ? »
Elisabeth « Non, je ne pense pas. Je sais juste qu’il y a des choses que je ne veux pas faire. C’est compliqué. J’aimerais bien que ce soit aussi simple pour moi que pour Anna ? »
Ange « Plus simple pour Anna ? »
Elisabeth « Oui, elle va faire tourner l’entreprise après Maman, parce que c’est elle la plus âgée. »
Ange « Tudieu, et moi qui pensais que ce genre de considération était morte avec Grand-Mère… Qui t’as parlé de ça ? Oncle Adelphe ?»
Elisabeth « Non, personne, mais c’est comme ça que les choses marchent dans la famille. L’aîné hérite et les cadets… et bien, ils font les choses qui leurs plaisent. Mais moi j’aimerai rester avec Anna je crois, ça fait peur d’avoir tant de choix. »
Ange « Dans quel sac de nœuds ai-je encore mis les pieds ? Tu en discutes avec ta sœur ? »
Elisabeth « Oui, ça arrive. Elle s’est faite à l’idée je crois. Au début, ça ne lui plaisait pas trop, mais il faut bien que quelqu’un le fasse. Mais comme je lui ai dit que je pourrai rester avec elle à la maison, elle a fini par aimer l’idée. »
Ange « Lili… Elisabeth… Il faut que tu saches que rien ne vous force à faire quoi que ce soit. L’éducation que ta mère et moi vous donnons, c’est pour que vous soyez à même de faire les choix qui sont bons pour vous, pas vous conformer. »
Elisabeth « Mais… Et l’entreprise ? »
Ange « Elle ira à quelqu’un d’autre. Enfin, Anna en sera la présidente, mais elle ne sera pas chargée de la diriger directement si elle n’en a pas envie. Nous pouvons embaucher un gestionnaire d’actifs pour faire ça… Bon sang, dire que je discute de ça avec toi alors que tu n’as que douze ans… J’aimerais vraiment savoir qui vous a parlé de tous ça, ça ne peut être ni votre mère, ni moi. »
Elisabeth « Mais personne Papa ! C’est juste logique. C’est comme ça que les choses fonctionnent dans la famille. Je connais toutes les histoires tu sais ! Anna et moi, nous serons la quatrième génération de frères et sœurs à tenir l’affaire. Anna qui dirigera, comme Maman, et moi qui l’aidera, comme Oncle Antoine. De toute façon c’est ce que je fais moi, j’aide Anna. »
Ange « Mais tu n’es pas obligée, personne ne l’est. »
Elisabeth « Et si moi j’ai envie ? »
Ange « Tu as envie de ça ? »
Elisabeth « Oui, j’ai envie. Papa, il n’y a rien qui me plaise vraiment. J’ai des bonnes notes partout, en français, en arithmétique, en géographie, en morale… Mais il n’y a rien qui me plaît vraiment. Elise veut faire de l’histoire pour devenir politicienne, Victor veut faire de la physique car il adore ça. Anna est passionnée par les histoires étranges et elle veut percer des mystères. Et moi, je fais quoi si je n’aime rien ? »
Ange « Tu es encore jeune, tu trouveras quelque chose à ton rythme. »
Elisabeth « Et si je ne trouve rien ? Il faut bien que je fasse quelque chose de ma vie non ? Je suis douée pour être amie avec les autres. »
Ange « Oui, car tu es empathique et gentille. Ce sont de belles qualités. »
Elisabeth « Oui, et une présidente d’entreprise a besoin de ces qualités là. Anna n’est pas douée avec les gens, elle aura besoin de moi. »
Ange « Non, ta sœur n’est pas exactement une personne sociable, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais comme tu le dis, elle aime les histoires. Nous avons une écrivaine célèbre dans la famille, Anna pourra prendre modèle sur elle. Je suis sure qu’elle peut écrire de belles histoires comme sa tante Cléo. Elle n’a pas besoin de faire quelque chose qui ne lui dit rien. »
Elisabeth « Non ! Elle ne peut pas être comme Tante Cléo ! Je fais quoi moi, si elle a pas besoin de moi ? »
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Printemps 1938 - Champs-les-Sims
1/3
Cher Lucien,
Nous avons lu ta longue lettre comme un vrai roman policier d'Agatha Christie (ou comme l'appelle Cléo, sa "distinguée rivale d'outre-Manche). C'était palpitant ! Malgré tout, j'ai du modérer les ardeurs d'Ange et Oncle Adelphe, qui étaient tellement pris qu'ils avaient tendance à oublier que c'était une histoire réelle, où un vrai cadavre avait été retrouvé dans ta chambre. Quelle histoire en tous cas ! Agathon a peut-être enfin trouvé une nouvelle vocation dans le drame domestique. En tous cas, je le savais brillant, mais pas à ce point. Il semble avoir en revanche toujours aussi mauvais caractère.
Toujours rien de palpitant à te raconter, surtout en comparaison de ce que nous avons reçu. J'attendrai que les filles soient plus grandes avant de le leur en parler. Elles vivent cette histoire comme une terrible injustice. Nous voyons également Oncle Adelphe de plus en plus souvent, même après le travail. Il est là si souvent que la petite Louise demande assez régulièrement si Oncle Adelphe viendra jouer avec elle ce soir.
En ce qui concerne les nouvelles, Aurore est à nouveau enceinte. Oui à nouveau car elle a fait une fausse-couche l'an passé, ce qui l'a beaucoup peinée ainsi que mon frère. Mais cette fois-ci, tout devrait bien se passer. Comme Tante Rose a décidé de revenir s'installer au village (elle a à présent Paris en horreur), elle s'est retrouvée obstétricienne attitrée sans qu'on lui ait réellement demandé son avis, et elle répète à qui veut l'entendre qu'elle n'a pas les compétences nécessaires. Il faut savoir que ma tante a plus de cinquante ans et qu'elle commence à avoir des douleurs aux articulations des doigts ainsi que quelques tremblements. Ne voulant pas que sa fierté lui coûte son poste de chirurgienne en même tant que sa réputation, elle est revenue pour servir de médecin au village. Elle qui clame ne pas être compétente a quand même pu annoncer à ma belle-sœur qu'elle serait mère de jumeaux d'ici l'automne.
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Printemps 1937 - Champs-les-Sims
1/6
Cher Lucien,
Félicitations à toi et Irène, j'ai hâte de voir votre petite Roseline sur papier glacé. Je me l'imagine parfois, et pour moi, elle m'apparait comme une adorable gamine avec une belle tignasse de boucles blondes, mais avec les traits de sa mère. J'imagine que les futurs portraits me donneront tort. Tu peux donc imaginer ma déception quand j'ai appris qu'un faire-part m'avait été envoyé, Ange en était presque aussi dépité que moi.
J'avoue avoir un peu souris en lisant ton récit de la naissance, mais n'y vois rien de malveillant. Ange paraissait bien plus inquiet que moi quand sont venues les contractions, et selon ma mère, Papa a fait une crise de panique quand nous sommes venus au monde. Grand-Mère aurait qualifié ça de "réaction typiquement masculine" en levant les yeux au ciel.
J'ai déjà adressé mes félicitations à Lola et quant à Gizelle, j'ai bien tenté d'en parler à Tante Rose. Elle a levé les yeux aux ciel en me rappelant que sa discipline consistait à ouvrir le corps des gens pour les soigner et que de telles procédures n'étaient pas recommandées pour les troubles psychanalytiques (elle a lu Freud récemment). Comme je doute qu'ouvrir Gizelle en deux soit pertinent, je n'ai pas osé insisté. Elle m'a quand même indiqué que de tels troubles étaient "délicats à traiter", ce que ton récit me laissait déjà imaginer. Passe donc mes salutations à ta soeur.
Je n'ai rien tant de sensationnel à écrire. Enfin, si ce n'est cette histoire étrange que m'ont raconté Aurore et Antoine le mois dernier. Ils sont persuadés d'être hantés... par un chat. C'est absurde, car personne n'a jamais eu de chat dans cette maison, mais ils m'ont tout les deux certifiés qu'ils avaient vu un spectre bleuâtre en forme de chat dormir sur la chaise où Antoine accroche ordinairement ses pardessus. En même temps, il me parait improbable qu'un greffier ait pu pénétrer ainsi dans la maison et disparaitre au matin sans laisser de traces. Selon Oncle Adelphe, Grand-Mère elle même avait raconté une histoire similaire il y a des années. Je ne crois pas vraiment aux esprits, mais je fais également confiance au jugement de mon frère, donc je ne sais pas quelle opinion me forger. Mine de rien, cette histoire de chat fantôme est aujourd'hui sujet de plaisanterie (dont mon frère se vexe beaucoup). Ainsi, quand nous ne trouvons plus quelque chose, nous disons que c'est la faute du chat fantôme. Elisabeth m'a fait même remarquer d'un air docte que ce doit être vrai, car nous n'avons jamais eu de souris, mais j'ai remarqué son petit sourire en coin. Anna, quant à elle, a voulu lui donner un nom. Cléo, qui a toujours un bon mot à la bouche, a finalement lancé : "Puisqu'on a donné mon nom à un boxer, j'imagine qu'on peut bien donner celui d'Agathon à un chat qui n'existe pas. Il ne devrait pas s'en vexer." Je lui ait rappelé que ce nom venait de Marie, ce à quoi elle a rétorqué que les deux étant toujours fourrés dans les mêmes combines, il a bien du avoir un rôle à jouer dans l'affaire.
Tu l'auras compris, j'ai plus rit que ma soeur en apprenant cette histoire. Sache que Cléo trouve la mâchoire des boxer disgracieuse au possible et qu'elle n'aurait sans doute pas émis d'objection s'il s'était s'agit d'un labrador. Plaisanterie mise à part, il faut également que tu sache que quelques années avant notre naissance, la famille possédait un cheval que Papa avait insisté pour appeler Cléopâtre. Il est donc évident, pour ma soeur en tous cas, qu'elle a été nommée d'après un cheval davantage qu'une reine égyptienne, et elle en garde une certaine rancune envers notre père.
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Printemps 1937 - Champs-les-Sims
5/6
Depuis que nous nous sommes avoués nos sentiments, j'ai l'impression de nager dans le bonheur et ça, nous avons bien du mal à le cacher. Les filles ont compris que quelque chose avait changé entre nous (en même temps, quelle idée Ange a eu de m'embrasser pendant le pique-nique ?), et Anna réclame avec encore plus d'empressement une petite soeur. Antoine a levé les yeux au ciel et Aurore nous a fait son plus beau sourire en nous disant qu'elle nous souhaitait beaucoup de bonheur. C'était comme se marier à nouveau. J'ai presque envie d'organiser de nouvelles noces, mais c'est sans doute le bonheur indécent que je ressens qui parle. Si jamais cela devait arriver, tu serais bien évidemment invité, et nous pourrions même organiser cela à Hylewood. Marie a donc bien raison en ce qui concerne l'alcool, nous en auront besoin !
Avec toute l'affection de ta cousine comblée,
Noé
P.S. Je n'avais pas envie de gâcher le ton enjoué de la fin de ma lettre, mais ça me semblait dommage de ne pas en parler. Antoine est de plus en plus inquiet, la querelle de clocher va de mal en pis, et comme si ça ne suffisait pas, il y a des rumeurs de guerre en Europe. Les dignitaires du parti craignent une prochaine invasion allemande en Autriche et en Bohème d'après mon frère. Personnellement, je n'y crois pas vraiment. Antoine est de plus en plus pessimiste. La dernière guerre a été si dure, il parait étrange que les allemands aient envie de remettre ça si vite.
Transcription :
Arsinoé « Heureusement, tout se finit bien. Même si un peu tard. Grand-Mère doit être en pleine syncope de bonheur là-haut. »
Ange « Nous sommes là, ensemble, et toi, tu penses d’abord à Grand-Mère et à ce qu’elle aurait à en dire ? »
Arsinoé « Non, en fait j’ai d’abord pensé à Cléo. Elle ne doit jamais apprendre à quel point ce fut laborieux. »
Ange « En aucun cas. Je lui dirai qu’un soir, à la faveur d’un ciel particulièrement étoilé, je t’ai aperçue et ait réalisé que tu étais l’amour de ma vie. De ton côté, ajoute que tu as brusquement senti le feu brûlant de l’amour te dévorer quand tu m’as aperçu cueillir une rose. »
Arsinoé « Entendu. Dois-tu réellement aller cueillir une rose ? J’en ai assez des formalités. »
Ange « Moi de même. »
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Note : Au cas où, je précise qu'Ange est un personnage canoniquement bisexuel, même si il préfère les hommes. Ce retournement vient du jeu, mais il est cohérent avec le personnage.
Printemps 1937 - Champs-les-Sims
4/6
Ce que je n'ai appris que récemment, c'est qu'Ange se posait également des questions. Il a arrêté de se rendre à ses soirées. Non pas par "excès de moralité" comme le dit Cléo, mais, selon ses propres mots, parce qu'il avait fini par réaliser qu'il me voulait bien davantage que quiconque. Quand il me l'a avoué, ça a été un choc. Je ne m'en doutait absolument pas, et réciproquement. J'ai bien appris de Grand-Mère et de mes mésaventures, je cloisonne mes émotions à l'extrême. Ange, de son côté, a appris à cacher ses émotions pour des raisons évidentes. Mais tout ça, tu le sais déjà non ? Au moins, nous n'avons pas fini comme deux idiots de romans à l'eau de rose qui souffrent de s'aimer sans trouver les moyens de se l'avouer.
Transcription :
Ange « Ah… ah...ah, ah, ah ! »
Arsinoé « Quoi ? J’ai dit quelque chose de drôle ? »
Ange « Pardonne moi ma chère… C’est juste que… C’est cocasse car, ce que je voulais te dire c’est que… je suis tombé amoureux de toi, Noé. »
Arsinoé « Oh... »
Ange « Je me demande quel jugement on peut bien porter sur un homme qui tombe amoureux de son épouse. Je ne te demande rien, bien évidemment, mais je n’avais plus envie de te mentir. »
Arsinoé « Et bien, à ce propos... »
Ange « Tu as rencontré quelqu’un c’est ça ? Après toutes ces années… enfin, je comprends. »
Arsinoé « Je ne sais pas si on peut dire que je l’ai rencontré… Mais il est vrai que depuis quelques années, je commence à porter un nouveau regard sur quelqu’un. »
Ange « Oh, je… je le connais ? »
Arsinoé « Je pense. C’est un bel homme de taille moyenne, avec une prestance que l’on pourrait qualifier d’aristocratique, et qui est, selon ses filles, le meilleur papa du monde. »
Ange « Tudieu ! Je vois maintenant de qui Anna tient sa cruauté ! Tu as voulu me faire mourir de jalousie ? »
Arsinoé « Oui, un peu. Pardon... »
Ange « Ce n’est rien. »
Arsinoé « Quel couple d’idiots nous faisons. A nous tourner autour sans rien nous dire pendant si longtemps… Je ne pensais pas que tu voudrais de moi. »
Ange « Et moi de même. Et dire que je reproche à Anna de ne pas assez exprimer ses émotions... »
Arsinoé « Les adultes pensent être des modèles, mais la réalité, c’est que nous faisons simplement semblant devant les enfants. Tu en avais parlé à quelqu’un ? »
Ange « Oui, à Antoine. Il a juré de garder le secret. Et toi ? »
Arsinoé « A Lola, la sœur de Lucien. La pauvre vivait aussi un amour impossible à cette époque. »
Ange « Amour impossible… Quelle ironie pour un couple marié. »
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Printemps 1936 - Champs-les-Sims
3/3
Avec Ange, nous formons une équipe en ce qui concerne l'éducation de nos filles. Selon les mots de mon oncle, "Noé prend la place du père, et Ange, celle de la mère."
Il est vrai que quand je me rappelle mon enfance, Papa était ce patriarche effacé qui faisait figure d'autorité suprême (même si j'ai conscience qu'il s'est rarement comporté comme tel), alors que Maman était à l'écoute, attentive, et elle gérait nos petits caractères d'enfants. Dans notre famille, c'est Ange qui remplit ce rôle, il s'occupe du quotidien. Moi, je suis davantage la pourvoyeuse, et la superviseure en ce qui concerne les choix importants. Cléo est persuadée que nous avons interverti à desseins, mais pourtant, cela s'est fait naturellement sans que nous n'ayons jamais besoin d'en parler.
Je suis curieuse de voir le genre de père que tu vas devenir, même si je sais que tu t'en sortiras bien. Toi, le "vieux garçon" tel que tu aimes t'appeler, jouira d'un peu plus de maturité que moi face à ses petites têtes blondes (ce n'est pas une prédiction difficile, j'ai vu la photographie). Je n'avais que vingt ans, et toi, tu en as dix de plus à la naissance de ton premier enfant. C'est attendrissant de voir ainsi tous mes proches trouver l'amour et le bonheur. Jean-François fréquente sa Catherine de façon officieuse à présent, et il est si amoureux qu'il ne cesse de repousser son premier voyage en Egypte malgré les pressions de Papa (Catherine est l'institutrice du village, elle ne peut pas tout laisser tomber pour l'accompagner). Eugénie épouse son Eugène cet été, en tous cas si l'imprimeur ne perd pas encore une fois les invitations (je dirais que ce pauvre garçon a reçu une terrible malédiction car il collectionne ce genre d'histoires presque quotidiennement). Quant à Cléo, elle est presque aussi évasive que toi il y a quelques temps (oui, je sais, étonnant quand on la connait), mais elle m'évoque de plus en plus un certain George, le fils d'un administrateur colonial au Sénégal qu'elle a rencontré lors d'une soirée parisienne bien arrosée. Heureusement pour elle que Grand-Mère n'est plus de ce monde, un tel mariage aurait déclenché une guerre...
J'ai hâte d'avoir la nouvelle de la naissance de ton enfant.
Je t'embrasse affectueusement, et te donne encore une fois mes félicitations à double titre.
Noé
P.S. Je me rends compte que je n'évoque pas une fois Antoine. Il est très préoccupé en ce moment. Il a développé une grande ferveur dans son métier et se heurte de plus en plus à un des rivaux du conseil municipal, Daniel Jacqmarcq, qui se revendique comme fasciste. Ce qui m'apparaissait comme un "jeu politique" devient vraiment sérieux selon Antoine. Le patriarche du village est le père de Daniel, et du haut de ses quatre-vingt-quatorze ans, il a publiquement renié son fils, imité par tous ses autres descendants. Il faut dire qu'il avait déjà plus de soixante-dix ans quand ce dernier fils est venu au monde, donc ils ne se sont jamais entendus. Bon, je te passe les détails généalogiques de cette affaire, mais comme toutes les familles d'ici sont apparentées d'une manière ou d'une autre, chaque nouvel acteur du conflit à l'air d'en faire une affaire personnelle. Ce qui était une petite querelle de famille est en train de se muer en une affaire qui concerne presque tous les habitants du village.
Transcription :
Ange « Comment ça ? Avec qui tu t’amuses pendant la récréation à l’école ? »
Anna « Avec Lili. Si elle ne joue pas au cerceau ou à la marelle avec Elise. »
Ange « Et sinon ? »
Anna « Je joue pas. Je reste avec Mademoiselle Yvain et je discute avec elle. Elle me dit d’aller jouer avec les autres, mais j’ai pas envie. Avoir des amis, c’est pas très intéressant. Je veux que Lili. »
Ange « Anna… Tu ne peux pas rester accrochée à ce point à ta sœur. »
Anna « Papa… les autres ne sont pas intéressants. Et si jamais je me fais des amis, Lili pensera que je l’aime moins. Je pensais… je pensais que si je lui disais quelque chose d’un peu dur, elle comprendrais que j’ai besoin d’elle. »
Ange « C’est l’inverse qui est train de se passer Anna ! Tu ne peux pas continuer à éprouver la fidélité de ta sœur avec ces petits jeux cruels. »
Anna « Mais j’ai pas envie d’être toute seule moi ! »
Ange « Et si tu continues à faire du mal à ta sœur, c’est bien ce qui va se passer ! »
Anna « Papa... »
Ange « Anna, moi aussi je vais devoir être dur pour que tu comprennes. Anna est une petite fille, ta sœur jumelle, pas un petit chien dont tu attends qu’il t’obéisse et te suive partout, et qui aurait bien mérité une punition si il désobéit. Je sais que tu ne la vois pas ainsi, mais c’est comme cela que tu la traites. »
Anna « Mais... »
Ange « Laisse moi finir ! A partir de maintenant, plutôt que de piéger ta sœur pour lui faire dire ce que tu veux entendre, tu lui parleras franchement, sans entourloupes. Et tu vas me faire le plaisir d’arrêter de bouder dans ton coin quand elle joue avec quelqu’un d’autre que toi ! Demain, j’irai voir ton institutrice pour lui demander de te placer loin de ta sœur dans la classe, et toi tu iras jouer avec d’autres enfants. Il y en aura au moins un qui trouveras grâce à tes yeux. Bien entendu, tu iras présenter tes excuses, et si Elisabeth m’apprend que tu as recommencé, je sévirais. Est-ce bien clair, jeune fille ? »
Anna « Oui Papa. »
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Printemps 1936 - Champs-les-Sims
1/3
Cher Lucien,
Je n'ai pas vraiment envie de te faire savoir que je t'avais prévenu, même si j'ai bien tenté de le faire. Je suis quand même touchée de ta sollicitude, ayant reçu à la place d'une photographie de poisson mort une lettre de ta soeur. Et je te jure également que j'aurai été prête à enfiler le smoking de garçon d'honneur si jamais tu l'avais voulu. J'ai été flattée par ton attention et je te connais assez pour ne rien y voir d'étrange.
Maintenant, permet moi de t'adresser mes félicitations. Je suis sincèrement heureuse pour toi et Irène et j'espère que ta prochaine lettre m'apprendra que tu es père. Ange t'adresse également ses amitiés et te fait savoir qu'il n'attend qu'un jour où il pourra partager avec toi les affres de la vie de père.
Tout ce que tu dis sur Irène est vraiment beau. J'ai été très touchée en te lisant. Tes mots disent tout l'amour que tu éprouves pour elle, et j'ai été jalouse en réalisant que j'aurai aimé vivre ça. Contrairement à la mienne, c'est une histoire qui se termine de la meilleur des façons. Plutôt que de se terminer, je pourrai plutôt corriger en écrivant qu'elle se poursuit de la plus belle des manières.
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Automne 1929 - Champs-les-Sims
7/7
En tous cas, cette cérémonie supplémentaire nous a tous fait un bien fou. Papa et Maman sont repartis en Egypte, Cléo est retournée à ses "errances mondaines et parisiennes" et Sélène va prendre un peu de repos dans la famille de son fiancé (c'est très récent). Quand à Ange et moi, dès qu'il sera revenu de Paris, nous serons enfin prêts à nous lancer dans des travaux d'envergure. Nous allons commencer modestement avec la réfection du salon, puis nous nous attaquerons au gros oeuvre.
Je sais aussi que tu es friand des nouvelles informations sur la cour que se livrent mon frère et Mademoiselle Laroche. Et bien sache que ça avance, petit à petit en tous cas. Je les surprend de plus en plus seuls tous les deux. Ils assurent que c'est en tout bien tout honneur, mais je pense que tu sais ce que ça signifie. Je ne pense pas me montrer si je t'affirme que ma prochaine lettre t'apprendra leurs fiançailles.
J'espère que cette fin d'année nous apportera, à toi et moi, de meilleures nouvelles et d'heureux événements.
Noé
*En québécois, cette expression peut signifier "c'est pénible/fâcheux".
Transcription :
Marc-Antoine « Enchanté, Madame Rumédier. Vous pouvez m’appeler Antoine, je ne suis pas du genre à faire des simagrées. »
Lucrèce « Appelez moi Ada… »
Marc-Antoine « On dirait que je vous fait une sacré impression. Vous venez de voir un fantôme ? »
Lucrèce « Pas du tout ! Vous me rappelez juste quelqu’un que j’ai connu autrefois. »
Arsinoé « Grand-Mère disait qu’Antoine ressemble énormément à notre grand-mère, Maximilien, même si il a les yeux de Maman. »
Marc-Antoine « J’en aurais aussi la carrure, le cheveux et le charisme. Mais j’imagine que c’est surtout ce qu’elle voulait voir. »
Arsinoé « En tous cas, si tu lui ressembles tant, ce ne peut pas être une mauvaise chose. Si mon père ne me parlais jamais vraiment du sien, Grand-Mère s’en est beaucoup chargée, Ada. Elle passait son temps à nous dire à quel point c’était un bon garçon, un homme formidable. »
Marc-Antoine « Et à quel point je lui ressemble ! »
Lucrèce « C’est de valeur*… »
Arsinoé « Ah, si vous aussi vous vous y mettez ! Parle t-on de mon grand-père au Canada ? »
Lucrèce « Pas vraiment. C’est que ça commence à remonter... »
Marc-Antoine « Allons, arrête d’embêter notre cousine avec tout ça Noé. Vous restez avec nous pour le repas j’espère. Aurore… enfin, je veux dire Mademoiselle Laroche, a préparé tout spécialement des pancakes pour le dessert. »
Lucrèce « Proposé de cette façon... »
Marc-Antoine « J’avoue que je me suis assez peu intéressé à la politique canadienne ces derniers mois. A Paris, on ne parle que des Etats-Unis ou de l’Italie, quand ce ne sont pas ces saletés de fascistes qui sont sur toutes les langues… Que pensez-vous de l’antimilitarisme Ada ? »
Lucrèce « Et bien… Personne n’aime la guerre Antoine. »
Marc-Antoine « Et pourtant, vous seriez surprise. Nous avons été si prompts à voter les crédits en 1914. »
Arsinoé « Oh bon sang, Antoine ! Nous n’avions que huit ans à cette époque ! Tu peux laisser tout ça derrière toi ? »
Lucrèce « Je devrais vous laisser... »
Arsinoé « Ah non ! Antoine, ferme donc un peu ton bec et vas chercher quelque chose à boire à notre invitée. Quelque chose de particulier vous ferait-il plaisir ? Je crois que ma tante Rose a laissé un peu de brandy. »
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