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#l’enfant de poussière
alexar60 · 1 year
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L’enfant des fées (5)
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Précédents épisodes
Peu après, la canonnade s’arrêta brutalement. Louis n’entendait que sa respiration. Il sentait le poids des poutres sur ses tibias brisés. Il garda en mémoire le visage de Teaghan, peu avant que la lumière ne s’éteignit ; les yeux exorbités, le crane défoncé par le plafond, et le sang coulant le long du front. Autour de lui, il ne régnait que la poussière, l’obscurité absolue et la mort. Mais, il y avait toujours des coups de pioche contre la terre. Ils brisaient le silence angoissant des ténèbres.
Dans un vain effort, il essaya de remuer les doigts. La douleur fut si terrible, qu’il n’insista pas. Dès lors, il savait qu’il était condamné… condamné à mourir enterré comme un chien perdu au fond d’un puits. Il cria, hurla espérant être entendu. Seuls les morts l’écoutaient. Et les coups continuaient dans le sol.
Petit-à-petit, l’angoisse laissa place à la résignation. Il savait qu’il n’y en avait plus pour longtemps. Et ne pas voir l’état dégradé du plafond au-dessus de sa tête, le rassurait un peu. Dès lors, il attendit que tout s’effondre, que son corps éclate, tel un fruit mûr, sous le poids de la terre et du bois de la charpente. Il attendit patiemment, sagement. Et il attendit avec ses souvenirs. Les pelles continuaient de battre la terre.
Ils étaient partis passer quelques jours dans le vignoble nantais, le temps d’un weekend, dans le domaine familial d’Armande. Ils arrivèrent tôt grâce au chemin de fer, une calèche les attendit à la gare. Habillée d’une élégante robe bleue claire et d’un large chapeau blanc, Armande ouvrait toujours son ombrelle, bien qu’elle ne le trouvât point pratique. Pour la première fois, Louis s’était rasé la moustache. D’habitude, il partait chez le barbier du quartier, mais ce matin, il se rasa lui-même cette moustache qu’il trouvait ridicule. Pourtant, de nombreux hommes portaient la même. A côté du couple, les enfants en tenue du dimanche, restaient debout, attendant sagement de monter dans le carrosse, comme l’appelait Henriette. Jules se démarquait avec son chapeau encerclé d’un long nœud bleu. Il cria, bondit de joie en reconnaissant Martin, un domestique de son grand-père.
Louis, se remémora la traversé des vignes. Elles appartenaient toutes à son beau-père. Des paysans de tous sexes cueillaient les grappes pour les jeter dans un énorme panier accroché au dos d’un gaillard au torse nu. Il suait alors qu’il ne faisait pas vraiment chaud. Chaque coupe de couteau semblait faire le bruit d’une pelle contre la terre.
Les enfants adoraient venir dans cette ferme à l’aspect de château. Ils s’amusaient à courir dans tous les sens, jouant à chat ou à cache-cache. Parfois, des cousins les accompagnaient. D’autre fois, ils suivaient leur grand-mère, fière de ses petits-enfants et impatiente de leur enseigner quelques recettes maison. Louis était toujours reçu comme l’étranger, celui qui avait volé leur fille. On ne lui parlait pas, pas même pour dire bonjour. On le regardait de travers, on avait envie de cracher sur son passage pour conjurer le sort. Mais il se doutait que son métier de policier était la cause de ce mépris.
Toutefois, il était mal vu de ne pas rendre visite à sa belle-famille, une des plus riches de Nantes à Clisson. Leur vin se vendait dans toutes les grands restaurants d’Europe ; de Paris à Vienne, de Londres à Moscou, on enrichissait les parents d’Armande en buvant leur vin blanc.
Après le repas, la famille accompagna les aïeuls dans une longue promenade à contempler les terres et écouter le grand-père dépeindre avec fierté sa fortune. Il n’y avait rien de plus saoulant pour Louis que d’entendre le vieil homme blatérer les mêmes choses en gonflant la poitrine. Le battement de son cœur faisait le même son qu’une pioche creusant un puits.
Les enfants couraient entre les vignes. Ils ne se souciaient pas des nuages gris en train d’envahir lentement le ciel. Si bien qu’ils s’éloignèrent alors que leurs parents commencèrent à faire demi-tour. Leur mère les appela, mais ce fut la pluie qui les rameuta vers la ferme. De grosses gouttes cognèrent le chemin lorsqu’ils arrivèrent enfin sur le perron de la porte. Ils entrèrent accueillis par Martin qui leur apporta une serviette.
-          Vous en avez apporté une de trop, mon cher. Déclara la mère d’Armande.
Il n’eut pas le temps répondre. Un cri fit sursauter tout le monde. Armande réalisa que sa dernière fille manquait à l’appel. Dès lors, la famille fut saisie d’angoisse à l’idée de l’avoir laissée au milieu du vignoble sous l’averse. Aussitôt Louis sortit, rassurant en même temps son épouse. Il devinait où elle pouvait se cacher. Il courut sur la route déjà détrempée. La pluie chaude collait sa chemise sur sa peau. Il courut jusqu’à une grange. Il espéra que Blandine s’était réfugiée dedans et, en effet,  elle attendait sagement que le beau temps revienne. Elle restait assise sur la paille, souriant à son père, amusée de le voir essoufflé. Les gouttes tombant sur le toit, imitèrent le bruit des coups de pioche dans une mine.
-          La gymnastique n’est plus de mon âge, dit-il.
Il s’assit à côté de sa fille. Il soufflait toujours comme un bœuf, cherchant à retrouver un rythme normal. Son cœur battait si fort qu’il crut l’entendre exploser. Il proposa d’attendre la fin de l’averse. Blandine rit, heureuse de rester dans cette grange qu’elle adorait. Durant ces séjours, elle partait toujours dans cet endroit. Pour une fillette, c’était une caverne d’Ali Baba. Elle voulait grandir pour enfin monter l’échelle et découvrir l’étage. Par ce côté aventureux, elle ressemblait énormément à son père.
Les bruits dans la terre résonnèrent de plus en plus fort. Louis préféra se perdre dans ce souvenir lointain. C’était il y a deux ans. Blandine avait à peine trois ans. Cependant, elle paraissait en avoir plus. Il se rappela cette attente avec sa fillette. Elle riait, lui parlait de ses frères et sœurs. Elle posait pleins de questions. C’était surement ce jour qu’elle devint sa préférée. Parce qu’il n’avait jamais discuté avec les deux autres. L’enfant est enfant, l’adulte reste l’adulte. C’est au rôle de la nourrice et de la mère de s’occuper des enfants. De plus, le père doit montrer de la fermeté, jamais de sympathie. Mais ce jour, il accompagna sa fille dans ses rires.
Il aurait voulu revivre ce moment. Poser sa tête sur les genoux de sa fille et lui parler plus profondément. Dire qu’il était fier d’elle et de ses frères. Dire qu’il aimerait la voir grandir, la protéger, et la voir vieillir. Il détesterait son mari, mais il serait fier d’entrer dans l’église pour son mariage. Il serait heureux de regarder ses petits-enfants jouer autours de lui et d’Armande. Ils auraient son rire ou son sourire. Le plus grand aurait son regard.
Pendant que Louis rêvait, une voix s’éleva de nulle part. Il ouvrit les yeux mais ne constata que le noir et la mort autours de lui. Il inspira fortement, gardant en image sa fille caressant sa tête sur ses genoux. Il ne savait plus s’il avait imaginé où s’il avait réellement vécu cette scène. Il crût sentir une petite main frôler ses cheveux, une main d’enfant. Ses jambes ne bougeaient toujours pas. Par contre, il sentit le sol vibrer. La voix retentit de nouveau.
-          Je suis là ! cria-t-il, à l’aide !
Il voulait revivre ce moment, retrouver Blandine dans la grange. Il voulait revoir son fil. Il voulait entendre le son de sa voix. Jules devait être grand et fort maintenant. Il voulait embrasser Henriette, celle qu’il a toujours délaissée. Parce qu’elle était l’ainée, parce qu’elle était une fille alors qu’il voulait un garçon. Il voulait sentir le parfum d’Armande, danser avec elle. Et lui dire qu’il l’aime plutôt que de l’écrire. Il voulait retourner chez lui, mais pour cela, il devait vivre.
Alors, il se mit de nouveau à crier, espérant être entendu. Il souhaitait que les coups de pioche soient vrais. Et s’il s’agissait des allemands, il pria leurs âmes d’avoir de la compassion pour un père de famille. Il cria, hurla. Les coups s’approchèrent de plus en plus. Puis plus rien !
Le sergent demeura dans le silence. Sa respiration devint de plus en plus difficile. Il ne savait pas si le plafond menaçait de tomber. Il se rappela de sa fille. Il se souvint de la grange, la pluie qui tombait lorsque soudain :
-          Il y a quelqu’un ?
La voix était française. Louis était sauvé.
Alex@r60 – juillet 2023
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mmepastel · 10 months
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Toujours en vue du festival Lettres d’Automne, j’ai enfin lu Sylvain Prudhomme. D’abord son dernier, L’enfant dans le taxi, puis, dans la foulée, Par les routes, lauréat du Prix Femina en 2019.
Je les ai dévorés. Impossible de les lâcher. Ils sont assez différents quant aux thèmes, mais les « je » des narrateurs, Sacha et Simon, ont en commun une belle sensibilité, une certaine disposition au bonheur je dirais, et une attention portée à l’autre.
L’écriture de Sylvain Prudhomme est souple, élastique, fluide, portée par un souffle, une amplitude qui entraîne le lecteur dans ses pas. On le suit facilement, comme un nouvel ami devenu vite familier.
L’enfant dans le taxi est un récit à forte teneur autobiographique : l’auteur a en effet découvert un secret de famille, un enfant de son grand-père, né d’un lit illégitime, conçu avec un allemande à la fin de la guerre. Enfant nommé M., pour lequel Simon va se passionner, soulevant la chape de plomb et de poussière que la famille toute entière a lentement fait retomber sur cette existence. Son envie de connaître M. correspond à une tendresse pour les boiteux, les esseulés, lui qui justement traverse une séparation amoureuse. En écho au silence du grand-père, le lecteur observe justement Simon être père, désormais célibataire, et son cœur se serre en constatant le contraste entre père aimant et attentif et père dans le déni.
Dans l’autre roman, la question de la paternité est aussi bien présente, étrangement d’ailleurs puisqu’on assiste à ce qui ressemble à une substitution de pères… comme si la qualité de la relation remplaçait l’identité.
Mais il est surtout question d’amitié, d’amour, et de vision du bonheur. Deux versions s’opposent entre l’ami de Sacha, surnommé uniquement « l’auto-stoppeur », épris de vagabondages, et Sacha, plus introverti, plus cérébral, souvent vissé à sa chaise d’écrivain. Marie, au milieu, femme solaire qui sait aimer et accepter l’absence, finit par s’éprendre de celui qui est là, plutôt que de celui qui ne cesse de repartir. L’auto-stoppeur, pourtant heureux, comblé, a peur de se figer, comme dans le film de Cedric Kahn, Trop de bonheur, qui m’avait beaucoup marquée, il y a bien longtemps pourtant. Comme si le couple, le foyer, finissait par vous figer, vous rendre statique, paresseux, immobile ; il redoute de perdre l’élan qui le pousse hors de chez lui, vers l’inconnu, le désir de découvrir, de rencontrer. Quitte à y laisser des plumes, sacrément précieuses.
L’auteur dit que ces deux facettes existent en chacun de nous, et j’acquiesce. Et si l’auto-stoppeur et Sacha étaient deux facettes d’un même homme ?
Dans tous les cas, ces deux livres m’ont fait forte impression, j’ai été touchée par ces questionnements cruciaux (filiations, couple, bonheur…) et séduite par l’écriture précise et limpide de l’auteur.
Update : j’ai lu ce recueil de nouvelles ci-dessous et c’est également très bien, très sensible et émouvant.
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eyewearcatherine · 2 days
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💞📭Lecture recommandée par les parents: comment choisir une paire de lunettes pour les enfants
Les lentilles de protection comprennent:
1. Adopter de bonnes habitudes d’hygiène. Essuyez les lentilles tous les jours avec un chiffon de miroir spécial. Vous pouvez également choisir d’utiliser un détergent neutre et ajouter de l’eau pour nettoyer les lunettes et les lentilles, puis tremper l’humidité avec un chiffon de miroir propre.
2. L’huile et la poussière, l’impression de doigt ne laisseront pas la vue assez claire, même affecter le degré des enfants. Le toucher direct des doigts à la lentille doit être évité autant que possible.
3. Lorsque vous n’utilisez pas de lunettes. Les lunettes doivent être placées dans leur étui et emportées avec vous; Il est préférable d’apporter une paire de lunettes de rechange au voyage au cas où il serait perdu.
Enfin, un petit retour en arrière. Lors de la sélection des lunettes, vous devez choisir des lentilles en résine avec l’indice de réfraction correspondant en fonction du degré de myopie de l’enfant. Ne cherchez pas aveuglément les bonnes affaires. Et le plus important. Pour prendre les résultats d’optométrie émis par la clinique d’optométrie du centre d’optométrie de l’hôpital formel aller à un magasin d’optique formel avec des lunettes.👇👇
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christophe76460 · 12 days
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Appelés deux fois par leur nom
« Les brebis écoutent sa voix ; et il appelle ses propres brebis par leur nom. » Jean 10:3
Dans la Bible, sept (symbole de perfection) personnes ont été appelées par leur nom à deux reprises, ce qui indique une insistance dans leur appel. Plusieurs aspects de la vie chrétienne sont représentés :
La conversion : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » (Actes 9:4).
Jeté par terre par la puissance de Dieu, Saul voit également son système de pensée s’écrouler. Lors de ma conversion, Dieu m’a fait mettre de côté mes propres pensées pour que j’accepte les siennes, infiniment plus sages.
La révélation de la volonté de Dieu : « Jacob, Jacob … ne crains pas de descendre en Égypte … Moi, je descendrai avec toi » (Genèse 46:2-4).
C’est la septième fois que Dieu apparaît à Jacob. Il lui donne l’assurance dont il a besoin pour répondre à l’invitation de Joseph. Seul Dieu peut me donner la marche à suivre. Si je suis droit devant lui, il me montrera sa volonté.
La prière : « Samuel, Samuel ! Et Samuel dit : Parle, car ton serviteur écoute » (1Samuel 3:10).
Lui parler, c’est bien ; l’écouter, c’est mieux !
Dans la présence de Dieu : « Moïse, Moïse … ôte tes sandales de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte » (Exode 3:4).
Enlever ses sandales - souillée par la poussière - était un acte de respect. On n’entre pas dans la présence de Dieu sans y être préparé.
Le service : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu te tourmentes de beaucoup de choses ; mais il n’est besoin que d’une seule… » (Luc 10:41-42).
La seule chose vraiment nécessaire, c’est que je mette Jésus au centre de mes (pré)occupations.
L’intercession de Jésus : « Simon, Simon … j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas » (Luc 22:31-32).
Si je passe par un moment d’égarement, Jésus a prié pour moi pour que ma foi en sorte intacte et pour me réhabiliter à son service.
La réponse ultime : « Abraham, Abraham … n’étends pas ta main sur l’enfant » (Genèse 22:11).
Dieu me délivre parfois à la toute dernière extrémité, pour que ma foi exalte sa puissance …
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ditesdonc · 6 months
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Les vacances au Chollard. 1959 1960 1961
Texte de Jean-Claude Long
(Dans le numéro 3, Jean-Claude Long avait partagé ses souvenirs d’enfance à Curtin. En voici la suite.)
Le Chollard est un hameau dans un chemin de terre, entre les routes Vézeronce-Morestel et Morestel-Curtin. La maison est plus petite, on plante un acacia, les toilettes sont au fond du terrain et servent de villégiature aux araignées. Des vacanciers occupent la maison voisine, une brunette, Colette, fait de la balançoire. Au Chollard, ce n’est plus pareil, l’enfant est à l’école primaire. Sept ans, « l’âge de raison », dit-on. Il fait maintenant partie du monde qu’il observait à Curtin, c’est l’action qui compte, moins la féérie contemplative. La grande affaire, au Chollard, c’est l’agriculture ! La ferme d’Alexis Meunier est toute proche : vaches, chevaux, poules, canards, canetons duveteux qui ne se gênent pas pour faire caca dans mes mains, une chèvre irascible liée à un piquet au fond d’un pré, où elle me traine un jour. Charrettes, machines étranges et fascinantes. Monter sur un char, comme un Romain, c’est amusant ! L’enfant a vu au cinéma Ben-Hur et la fameuse course.
Il suit l’agriculteur et sa fille Marie-Thérèse, quinze ans environ, dans les champs de tabac et de maïs.
Quel vacarme, quelle poussière, du saucisson, du vin, des gâteaux, c’est le jour de la batteuse !
Un matin, juché sur une charrette, l’enfant, suivant les instructions du fermier, conduit le cheval, Blond, et passe devant la maison où sa mère sa grand-mère et sa sœur prennent leur petit déjeuner.
J’ai rarement été aussi fier dans ma vie, peut-être le jour de ma « Médaille d’or » au Conservatoire. Des années de travail contre dix minutes de merveille.
Le tabac sèche au grenier, l’odeur est enivrante ; on égrène le maïs à la veillée.
Nous fréquentons les enfants de la famille Desvignes, qui habitent à côté de la ferme Meunier. Chantal, Isabelle, adolescentes, viennent à la maison pour jouer aux petits chevaux, au cinq-mille, ou au bouchon. René grimpe avec moi dans les charrettes du père Meunier et se fout un peu de moi, parce que je ne suis « pas bien leste ». J’aime bien Monique, une fille de mon âge, qui court vite dans ses jupettes, « les jambes à l’aise », comme dans une chanson d’Anne Sylvestre que je découvrirai quinze ans après. Un jour de retour à Lyon, je veux absolument lui dire au revoir en l’embrassant. Elle ne veut pas, et je la poursuis sous ses moqueries gentilles. Comme on rigole ! Je joue à l’amoureux désespéré, elle est pliée !...Monsieur Desvignes a une traction avant Citroën 15 et nous trimballe parfois. Des garçons, Guy Escomel, Christian Riboult, viennent voir ma sœur, ils montrent leur habileté et leur vaillance en moulinant le café le plus vite possible. Drôle de parade nuptiale !
Mémé Louise suit le Tour de France à la radio. Anglade, trahi par l’équipe de France, Bahamontès, Graczyck, Rivière, sont nos chevaliers. La carte et le tableau des vainqueurs d’étapes, ainsi que les maillots jaunes, sont affichés dans la cuisine. Un jour à la sieste, l’enfant découvre dans un tiroir des articles de journaux avec les photos des coureurs suant, grimaçant, poussiéreux, dans des paysages inconcevables de précipices et de neiges éternelles à l’arrière-plan. Fascination absolue ! Je garderai longtemps cette passion, jusqu’aux tristes années Armstrong.
La vie, la mort, avancent. Mémé Louise nous quitte en février 1961, le dernier été au Chollard se passe sans elle. Hassenforder, Cazala, Darrigade, ont perdu une supportrice, André Bourrillon une auditrice. Le Chollard, c’est la fin de la petite enfance, ce sont les années Ecole primaire : vélo sans roulettes dans le chemin, pétanque avec des grosses boules de couleur, en bois, badminton (on dit « volant ») Tonton Maurice n’a plus la quatre chevaux mais une Dauphine. La grande table accueille les repas familiaux, les jeux de société, ce qui rend ma mère si heureuse ! L’enfant devra affronter le CM2, « préparation à la 6ième »sans les encouragements de mémé Louise.
Je voudrais avoir des nouvelles de Marie-Thérèse Meunier, Chantal, Isabelle, Monique Desvignes. Christian Riboult. L’acacia !
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"Le Printemps", Sandro Botticelli, 1478-1482
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alexar60 · 2 years
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L’enfant des fées (1)
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C’était la première fois qu’il monta dans une automobile. La voiture roula sur des routes de terre au milieu de la campagne du Morbihan. Il ne vit que champs cerclés de buissons et d’arbres. La poussière dégagée par leur passage formait un nuage opaque qui redescendait lentement. Elle fit tousser les paysans rencontrés et qui s’écartèrent face à un engin du diable. L’un d’eux cracha au sol maudissant en même temps les nouvelles inventions de la ville.
Une longue allée séparait le portique du château. Ce n’était qu’un gros manoir fait de granit et dont les fenêtres n’étaient pas assez grandes pour laisser entrer la lumière. Louis observa cette bâtisse pendant que le chauffeur arrêtait la voiture. Puis, Il descendit ; il oublia immédiatement cette sensation de vitesse parce que sa présence en ce lieu n’avait rien d’amusant.
Un domestique ouvrit la porte et demanda la raison de sa visite. En lisant une carte présentée par le policier, il resta coi avant d’obliger Louis à attendre dans le hall. Le jeune homme fut suivi par deux des quatre gendarmes venus en renfort et qui l’attendaient dans le parc du château. La présence de ces cavaliers était-elle indispensable ? Il n’en voyait pas l’intérêt.
Peu après, le valet revint et invita ce monde à le suivre. Ils pénétrèrent dans un salon où une dame d’une trentaine d’année, habillée d’une élégante robe blanche, lisait tranquillement, assise dans un fauteuil Louis XV. Deux enfants jouaient dans la pièce voisine dont la porte demeurait ouverte. Ses yeux fusillèrent les visiteurs des pieds à la tête avant de revenir sur le livre. C’était un livre récent dont Louis avait lu une critique encensée : « Le grand Maulne » d’Alain Fournier.
-          Madame, dit-il. Je ne vais pas aller par quatre chemins. Et si je suis ici, c’est pour…
-          Vous êtes venus pour la chose !
Aussitôt, il fut saisi d’effroi en entendant ce mot : «chose ». Un silence pesant glaça l’atmosphère. Elle tourna une page. Puis elle referma le livre brutalement.
-          Ce roman est d’une niaiserie ! S’exclama-t-elle avant de le dévisager à nouveau.
Dès lors, il se sentit nu. Les militaires reculèrent d’un pas, amplifiant son abandon. Elle demeura muette à l’observer comme un animal perdu. Il fut intimidé par la beauté de son visage, son corps svelte et la grâce de sa démarche. Il imagina la voir sans ce chignon qui cachait la longueur de ses cheveux bruns. Elle se leva pour s’approcher d’une table. Elle attrapa une carafe d’eau avant d’en remplir un verre à pied.
-          C’est au sous-sol. Mais je devine que cette garce de Michelle vous l’a aussi écrit? J’ai bien fait de la congédier.
La servante était bien à l’origine de la lettre alarmant la situation dans le château. C’était une lettre lue et relue, Louis avait même corrigé les fautes d’orthographe. D’un simple geste de la main, elle ordonna au domestique de guider ces intrus. Béatrice Grayo de Kersilly parut plus qu’hautaine, elle était méprisable malgré sa beauté. Aussi, un soulagement s’engouffra dans l’esprit du jeune commissaire lorsqu’ il quitta le salon.
Comme par magie, le couloir s’alluma immédiatement. Louis resta sur ses gardes. Sans fenêtre, tout parut sombre, hostile. Il marchait, hésitant à ouvrir les quelques portes rencontrées…Juste par curiosité. Cependant, il se contenta de suivre l’employé dont la posture droite rappelait un de ses anciens professeurs de collège. A cause de cela, le domestique sembla antipathique aux yeux du policier.
A sa grande surprise, ils descendirent un escalier. Ils s’engouffrèrent ensuite dans une cave. L’air était vicié, presque irrespirable ; Un gendarme qui accompagnait Louis ressentit une pression aux poumons. Toutefois, ils continuèrent d’avancer approchant d’une lumière lointaine. Le valet poussa une porte et entra ensuite dans une pièce meublée.
Il y avait un lit aux pieds et aux bords rongés. Des couvertures mitées recouvraient un matelas dans le même état. Une chaise reposait sous une fenêtre. Sa présence surprit le commissaire parce qu’il pensait être dans un sous-sol. Il réalisa que la maison était à flanc de colline. Louis zyeuta rapidement afin de trouver la raison de sa venue. Effectivement, elle était bien là !
La gamine, assise à même le carrelage, jouait avec une peluche, vulgaire poupée de chiffon à l’effigie d’un animal méconnaissable. Elle observa les hommes qui venaient d’entrer. Elle serra encore plus fort son jouet contre sa poitrine. Et après un court silence, elle regarda le domestique, le seul qu’elle reconnut.
-          Bonjour, dit-Louis. Tu t’appelles bien Jeanne ?
Elle hocha la tête sans  prononcer un mot. La blondinette ne ressemblait pas à sa mère. Ses grands yeux ronds, son nez retroussé, sa grosse tête lui donnèrent un aspect de poupée en porcelaine. Son corps extrêmement maigre présenta les symptômes d’un enfant maltraité. Elle avait sept ans, pourtant, elle paraissait en avoir trois.
-          Ne t’inquiète pas, je suis venu pour t’aider, ajouta-Louis.
Jeanne regarda la main tendue du policier. Elle hésita un moment, puis après avoir croisé le regard assuré du domestique, elle se leva et posa ses doigts sur la paume. Louis voulait sortir au plus vite de cet endroit sordide. Ce n’était pas une chambre pour une petite fille. Il marcha lentement, regarda de temps en temps la fillette qui, continuait de presser la peluche en chiffon contre elle. Le gendarme suivait toujours son supérieur.
-          Ce n’est pas une robe de bourgeoise, lança-t-il à voix basse.
En effet, Jeanne portait une simple tunique grise comme on pouvait trouver dans certains quartiers populaires. Elle marchait pieds nus qui étaient aussi sales que son visage.
-          C’est un cadeau de Michelle avant d’être congédiée, sinon, elle n’aurait pas… murmura honteusement le domestique.
Une fois de retour dans le salon, Louis Macé salua la propriétaire du château. Elle s’était rassise dans son fauteuil, mais en découvrant la petite fille, elle se leva et hurla :
-          Dégagez-ça de ma vue ! Ce n’est pas mon enfant. Qu’elle me rende ma fille ! Je veux qu’elle me rende ma fille !
Soudain, deux autres enfants accoururent. Contrairement à leur sœur, ils étaient très bien habillés. Ils observèrent la scène, leur mère devenue hystérique et leur sœur, les yeux écarquillés, qui ne comprenait rien à ce qu’il se passait.
-          Je vous serai gré si vous faites préparer ses affaires, demanda Louis.
Le visage déjà rouge de Béatrice Grayo de Kersilly sembla éclater. Elle hurla encore plus fort, réclamant qu’on éloigne Jeanne d’elle. La fillette ne comprit rien. Sur le coup, elle accepta de suivre le commissaire. Mais une fois le seuil de la porte franchie, elle lâcha la main de Louis et retourna en courant dans le manoir.
Louis retrouva la gamine enlaçant les jambes de sa mère. Cette dernière devint tétanisée par ce geste affectueux. Son visage était devenu blême, son regard se remplit d’effroi. Elle leva les bras ne sachant que faire comme si on venait de souiller sa robe.
-          Retirez-moi ça ! cria-t-elle en regardant les gendarmes.
L’un d’eux attrapa Jeanne qui pleurait. Elle avait du mal à parler des phrases entières, prononçant correctement un mot sur deux. Ses frères restèrent muets, ne sachant quoi faire. Ils regardèrent leur sœur s’en aller. L’un d’eux posa la main sur l’épaule de l’autre, en signe de réconfort. De leur sœur, il ne restait plus que la poupée de chiffon abandonnée sur le carrelage. Jeanne continuait de sangloter, le gendarme l’installa sur la place arrière de la voiture. Louis monta à côté d’elle. Et après un vif signal, le chauffeur qui attendait sagement, fit un tour de manivelle pour démarrer l’automobile.
Jeanne pleurait toujours, se demandant pourquoi on la séparait de sa mère. En constatant les traces de brûlures sur son bras, Louis connaissait la raison de cette séparation.
Alex@r60 – février 2023
Photo: Hold tight by phatpuppy
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belifii · 1 year
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Marché Petersen dans une ambiance pas comme les grands jours. La Covid-19 est passée par là. Le décor en dit plus. Le Marché Petersen est loin des préoccupations... Reportage ! Marché Petersen snobée par la Covid-19 est loin des préoccupations Pendant que le ministère de la Santé et de l’Action fait état de plus de 3000 nouveaux cas de coronavirus ce week-end, le marché de Petersen de Dakar est tout sauf conscient de la situation. Ici, on pense plutôt à la fête de la Tabaski. Dès le rond-point du marché, à quelques mètres de la grande mosquée de Dakar, la marée humaine se meut dans tous les sens. Quelques corps, gagnés par la chaleur, traînent difficilement en se laissant bousculer. D’autres, encore très actifs, bravent cette bousculade à vrai dire incompréhensible. Nul ne peut estimer le nombre de personnes présentes sur les lieux. Des centaines, des milliers, qui sait. Qui s’y intéresse non plus ? Les marchands ambulants étalent leurs marchandises. Pendant que certains balaient instantanément les paquets de chaussures, d’autres les laissent à la merci de la poussière. Immense foule… aucun masque ! Le cocktail Molotov créé par la pollution sonore et celle atmosphérique rend les lieux irrespirables. Les vagues de sueurs se succèdent sur les visages avant de trouver refuge dans les cous. Le soleil tape plus fort que d’habitude en cette mi-journée. Marché Petersen www.kafunel.com 3 La Covid-19 est loin des préoccupations [Reportage] Un peu loin du rond-point, en empruntant le chemin qui mène au garage de Petersen, les marchands de chaussures y ont dressé leurs étals. Les enregistrements audio s’enchaînent, ne laissant guère place à une compréhension. Les bousculades se mènent de plus belle. Sur plus d’une trentaine de personnes, aucune n’arbore un masque de protection. Sommes-nous à l’ère post Covid dans ce marché ? Tout porte à croire que si, alors que le pays entame sa troisième vague de contamination. Les masques sont tenus dans les mains, mis sous le menton ou encore n’existent pas. Bref, ils sont partout sauf sur les visages. Respecter les mesures barrières dans ce marché Sur l’allée de vente de bijoux, la scène est pareille. Aucune protection. Les plus soucieux se plaignent de la chaleur. « Il est impossible de respecter les mesures barrières dans ce marché », explique Soda Diop, venue faire ses courses pour la fête de Tabaski. Tenant deux sacs à main nouvellement achetés, elle marchande des chaussures à talons. « Vous savez pertinemment qu’on ne peut pas fuir les gens, ils nous collent », dit-elle, « comme du chewing gum », renchérit sa belle-sœur. Elles éclatent de rire, le souci du virus dissimulé dans leur sourire large. Marché Petersen www.kafunel.com 1 La Covid-19 est loin des préoccupations [Reportage] A quelques mètres de ces deux dames résignées au diktat du marché, une jeune maman calme son bébé dans son dos avant de subir les remontrances d’une vieille dame. « On n’amène pas un bébé dans un marché aussi bondé », lui lance la bonne dame, avant de voler à son secours et lui retirer le nourrisson à bout de nerfs. Aucun masque sur les visages, elles se débrouillent à calmer l’enfant perturbé aussi bien par la chaleur que les bousculades. Quelques badauds leur lancent des regards appuyés avant de disparaître dans ce bain de foule mouvant. Les gens sont collés, ne laissant aucune distance au vent de souffler. La chaleur qui dégage de ce fil de personnes est incroyable. Les ruissellements de sueur des unes se collent aux peaux des autres. Nul n’en fait cas. S’en remettre à Dieu Ndeye Penda a décidé de retirer son masque, car elle étouffe. « Je n’arrive plus à respirer avec le masque, il fait chaud et le marché est trop bruyant », lance-t-elle avec une pointe d’énervement à cause de ce qu’elle subit. Elle maintient fermement son sac à main entre ses doigts ternis par la dépigmentation. Ces longs ongles s’élargissent sur le sac. Elle semble plus préoccupée par les voleurs que par
le virus. Marché Petersen www.kafunel.com 2 La Covid-19 est loin des préoccupations [Reportage] En ressortant du marché vers le garage des « Ndiaga Ndiaye », un jeune homme dégouline savoureusement son bol de ‘’thiep’’ (riz). Il lève la tête par moment pour s’assurer que personne ne le regarde. La poussière soulevée par les pieds et les voitures le dépassant ne semble le déranger outre mesure. Il prend de grosses bouchées du met de midi en prenant le soin de refermer son bol à moitié. « La Covid-19, on la vit tous les jours. Nous avons peur mais bon Dieu est grand », arrive-t-il à articuler entre deux grosses bouchées. Quelques riz s’échappent de sa bouche trop chargée. Il la referme avant de faire un signe comme pour dire « attends ». Une malédiction et que toute personne doit s’en remettre à Dieu De grosses gouttes de sueur traînent sur son visage légèrement gêné par un chapeau de plage. Après de longues minutes de mastication, il prend une gorgée d’eau et revient à la charge. L’odeur du poisson s’échappe du bol refermé. Il explique que la Covid-19 est en fait une malédiction et que toute personne doit s’en remettre à Dieu. « Nous portons nos masques tous les jours », essaie-t-il de se convaincre. Pour ce vendeur de tenues de bambins, la solution reste l’acceptation de la volonté divine. Encore que Dieu ne sait de quelle acception, avance-t-il. Marché Petersen www.kafunel.com La Covid-19 est loin des préoccupations [Reportage] A lire aussi Manifestation M23 patriotique à la Place de l’Obélisque: Le préfet de Dakar annule la marche La pandémie fait des victimes quotidiennement. Mais au marché Petersen, l’on peut se demander la pertinence des gestes barrières en cette veille de fête.
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ka9oukeuktakal · 1 year
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Marché Petersen dans une ambiance pas comme les grands jours. La Covid-19 est passée par là. Le décor en dit plus. Le Marché Petersen est loin des préoccupations... Reportage ! Marché Petersen snobée par la Covid-19 est loin des préoccupations Pendant que le ministère de la Santé et de l’Action fait état de plus de 3000 nouveaux cas de coronavirus ce week-end, le marché de Petersen de Dakar est tout sauf conscient de la situation. Ici, on pense plutôt à la fête de la Tabaski. Dès le rond-point du marché, à quelques mètres de la grande mosquée de Dakar, la marée humaine se meut dans tous les sens. Quelques corps, gagnés par la chaleur, traînent difficilement en se laissant bousculer. D’autres, encore très actifs, bravent cette bousculade à vrai dire incompréhensible. Nul ne peut estimer le nombre de personnes présentes sur les lieux. Des centaines, des milliers, qui sait. Qui s’y intéresse non plus ? Les marchands ambulants étalent leurs marchandises. Pendant que certains balaient instantanément les paquets de chaussures, d’autres les laissent à la merci de la poussière. Immense foule… aucun masque ! Le cocktail Molotov créé par la pollution sonore et celle atmosphérique rend les lieux irrespirables. Les vagues de sueurs se succèdent sur les visages avant de trouver refuge dans les cous. Le soleil tape plus fort que d’habitude en cette mi-journée. Marché Petersen www.kafunel.com 3 La Covid-19 est loin des préoccupations [Reportage] Un peu loin du rond-point, en empruntant le chemin qui mène au garage de Petersen, les marchands de chaussures y ont dressé leurs étals. Les enregistrements audio s’enchaînent, ne laissant guère place à une compréhension. Les bousculades se mènent de plus belle. Sur plus d’une trentaine de personnes, aucune n’arbore un masque de protection. Sommes-nous à l’ère post Covid dans ce marché ? Tout porte à croire que si, alors que le pays entame sa troisième vague de contamination. Les masques sont tenus dans les mains, mis sous le menton ou encore n’existent pas. Bref, ils sont partout sauf sur les visages. Respecter les mesures barrières dans ce marché Sur l’allée de vente de bijoux, la scène est pareille. Aucune protection. Les plus soucieux se plaignent de la chaleur. « Il est impossible de respecter les mesures barrières dans ce marché », explique Soda Diop, venue faire ses courses pour la fête de Tabaski. Tenant deux sacs à main nouvellement achetés, elle marchande des chaussures à talons. « Vous savez pertinemment qu’on ne peut pas fuir les gens, ils nous collent », dit-elle, « comme du chewing gum », renchérit sa belle-sœur. Elles éclatent de rire, le souci du virus dissimulé dans leur sourire large. Marché Petersen www.kafunel.com 1 La Covid-19 est loin des préoccupations [Reportage] A quelques mètres de ces deux dames résignées au diktat du marché, une jeune maman calme son bébé dans son dos avant de subir les remontrances d’une vieille dame. « On n’amène pas un bébé dans un marché aussi bondé », lui lance la bonne dame, avant de voler à son secours et lui retirer le nourrisson à bout de nerfs. Aucun masque sur les visages, elles se débrouillent à calmer l’enfant perturbé aussi bien par la chaleur que les bousculades. Quelques badauds leur lancent des regards appuyés avant de disparaître dans ce bain de foule mouvant. Les gens sont collés, ne laissant aucune distance au vent de souffler. La chaleur qui dégage de ce fil de personnes est incroyable. Les ruissellements de sueur des unes se collent aux peaux des autres. Nul n’en fait cas. S’en remettre à Dieu Ndeye Penda a décidé de retirer son masque, car elle étouffe. « Je n’arrive plus à respirer avec le masque, il fait chaud et le marché est trop bruyant », lance-t-elle avec une pointe d’énervement à cause de ce qu’elle subit. Elle maintient fermement son sac à main entre ses doigts ternis par la dépigmentation. Ces longs ongles s’élargissent sur le sac. Elle semble plus préoccupée par les voleurs que par
le virus. Marché Petersen www.kafunel.com 2 La Covid-19 est loin des préoccupations [Reportage] En ressortant du marché vers le garage des « Ndiaga Ndiaye », un jeune homme dégouline savoureusement son bol de ‘’thiep’’ (riz). Il lève la tête par moment pour s’assurer que personne ne le regarde. La poussière soulevée par les pieds et les voitures le dépassant ne semble le déranger outre mesure. Il prend de grosses bouchées du met de midi en prenant le soin de refermer son bol à moitié. « La Covid-19, on la vit tous les jours. Nous avons peur mais bon Dieu est grand », arrive-t-il à articuler entre deux grosses bouchées. Quelques riz s’échappent de sa bouche trop chargée. Il la referme avant de faire un signe comme pour dire « attends ». Une malédiction et que toute personne doit s’en remettre à Dieu De grosses gouttes de sueur traînent sur son visage légèrement gêné par un chapeau de plage. Après de longues minutes de mastication, il prend une gorgée d’eau et revient à la charge. L’odeur du poisson s’échappe du bol refermé. Il explique que la Covid-19 est en fait une malédiction et que toute personne doit s’en remettre à Dieu. « Nous portons nos masques tous les jours », essaie-t-il de se convaincre. Pour ce vendeur de tenues de bambins, la solution reste l’acceptation de la volonté divine. Encore que Dieu ne sait de quelle acception, avance-t-il. Marché Petersen www.kafunel.com La Covid-19 est loin des préoccupations [Reportage] A lire aussi Manifestation M23 patriotique à la Place de l’Obélisque: Le préfet de Dakar annule la marche La pandémie fait des victimes quotidiennement. Mais au marché Petersen, l’on peut se demander la pertinence des gestes barrières en cette veille de fête.
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my--wonderland · 1 year
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Convictions - 1 - Promesse.
1982.
Sur la colline bordant le village de Hidehill, loin de la ville et de ses agitations, se trouvait un manoir. Un somptueux manoir, quoique d'apparence un peu sombre. Un panneau, écrit en lettres gothiques, annonçait : Rimeshire. Une diligence, comme on en faisait au dix-neuvième siècle, s'était arrêtée devant le perron. Un homme aux cheveux blond vénitien et au regard de glace en descendit. Il s'agissait de Perseus Nott. Il tendit la main à sa femme pour l'aider à descendre. Son geste aurait pu paraître courtois, ou même tendre, s'il n'était pas tant guindé et hypocrite.
Une petite fille sortit à son tour de la voiture. Elle avait seulement dix ans, mais ses manières avaient déjà toute la noblesse d'une grande dame. Elle était vêtue d'un manteau immaculé bordé de fourrure, et ses boucles d'or retombaient parfaitement dans son dos. La petite dépassa son père et grimpa une à une les marches du perron.
- Gaïa, la rappela froidement à l'ordre Perseus.
Mais la blondinette ne l’écouta pas, et saisit elle-même le heurtoir pour toquer à la porte. Elle ne s'autorisa pas une marque de satisfaction, conservant un visage neutre alors que ses parents la rejoignaient sur le perron. Aeryn Nott considéra sa fille avec un air sévère, mais Gaïa soutint son regard. Elles avaient les mêmes yeux : un noisette aux reflets d’or qui contrastait avec le bleu glacial des iris de Perseus. Gaïa avait aussi hérité de la peau très pâle de sa mère.
La porte s'ouvrit sur un elfe de maison, petit et rabougri, vêtu d’un tissu déchiré, très sale, qui avait dû être blanc autrefois, mais était à présent couvert de poussière, de taches de nourriture, graisse, peinture, produits ménagers… et de sang.
La créature considéra la famille avec des yeux écarquillés. Il s'inclina, les saluant d'une voix aiguë qui irrita l’enfant :
- Bonjour Mr, Mrs et Miss Nott. Harvey va prévenir ses maîtres. Puis-je vous débarrasser ?
- Non merci, refusa Aeryn, que le contact de la créature dégoûtait par avance.
Perseus s’aligna sur le choix de sa femme. Gaïa, elle, balança sa veste à l'elfe et le gratifia d'un regard méprisant. Harvey baissa la tête, rangea le manteau de la fillette avec soin et alla appeler ses maîtres. Perseus et Aeryn se mirent à l'aise, s'installant dans le premier salon venu, où les propriétaires des lieux les rejoignirent quelques minutes plus tard.
Hypérion Nott, le petit frère de Perseus, lui ressemblait sur le plan physique comme mental. En commun, ils avaient leur chevelure blond vénitien, leurs yeux pâles, leur détermination, leur orgueil et leurs valeurs. Des valeurs de Sang-Pur, inflexibles et idéalisées.
Aux côtés d'Hypérion, Elladora Nott s'enquit sur la santé de leurs invités. C'était une femme plutôt grande, si bien que son époux mettait d'invisibles talonnettes. C'était un peu ridicule, mais personne ne le savait et Hypérion préférait cela plutôt que d'être plus petit que sa femme.
- Nous nous portons bien, affirma Perseus au nom de tous.
- Moi, j'ai froid, intervint Gaïa.
- Tais-toi, lui intima son père.
- Tu n'avais qu'à garder ton manteau, commenta sa mère.
Une lueur inquiétante d'amertume anima le regard noisette de la petite fille. Personne ne le remarqua, et Hypérion lança une discussion à propos de la nouvelle loi permettant aux Cracmols de voter.
- Vous rendez-vous compte de l’absurdité de cette décision ! Bientôt, l’avenir de notre monde sera entre les mains des Moldus ! ricana l’hôte.
- Nous partageons votre inquiétude et votre dégoût, assura Perseus. Déjà que les Sang-de-Bourbe ont les mêmes droits que nous autres sorciers, et que l’un de leur espèce a déjà été Ministre de la Magie, il est sûr que la prochaine étape sera un Impur de Cracmol à la tête de notre pays !
- Quelle honte ! approuva Elladora.
Son commentaire fut accueilli par des regards hostiles et railleurs de la part des deux frères. Les femmes n’étaient pas autorisées à parler lors des discussions entretenues par des hommes, même si leur avis était le même qu’eux. Elladora, se rendant compte de son erreur, baissa la tête. Gaïa fronça les sourcils, le regard fixé sur sa tante.
C’était une enfant observatrice, qui comprenait très rapidement les choses. Elle avait remarqué que dans sa famille, les femmes étaient considérées comme inférieures aux hommes. C’était également ce que le comportement des amis de ses parents, à savoir les Vingt-Huit Sacrés, laissait entendre. Gaïa avait toujours eu une naturellement haute estime d’elle-même, aussi n’avait-elle jamais compris cette hiérarchie implicite, qui semblait dater de l’aube de la société. Ce qui définissait la valeur d’un individu, aux yeux de la fillette, c’était la pureté de son sang, la richesse et la puissance de sa famille, son rôle dans la société, ses qualités personnelles – elle privilégiait l’intelligence, la ruse, le courage et l’ambition. Son sexe n’était pas un critère valable. Il arrivait à Gaïa de douter, car aucune personne autour d’elle n’était d’accord, et les lois du monde dans lequel elle évoluait allaient à l’encontre de son avis. Fort heureusement, lors de ces moments, ceux où une femme de sa famille était rabaissée, moquée, ignorée, réduite au silence, voire violentée, son esprit reconnaissait la vérité, et ravivait sa conviction.
- C’est la décadence, assurément, regretta Perseus. C’est bien simple, nous n’avons pas eu de Ministre compétent depuis Hector Fawley, l’arrière-grand-père de ma chère femme.
Aeryn, qui se tenait droite et immobile telle une poupée de cire, se ranima le temps de hocher brièvement la tête, y ayant été implicitement autorisée par son époux.
- Avec tout le respect que j’ai pour la famille Fawley, commença prudemment Hypérion, Hector a échoué à protéger notre nation en ne prenant pas la menace de Gellert Grindelwald au sérieux. Il a perdu son poste pour cela, d’ailleurs.
- Ma foi, je ne pense pas qu’il ait été aveugle aux desseins de Grindelwald. Au contraire, m’est avis qu’il les approuvait, et qu’il aurait été heureux de le soutenir s’il n’avait pas été forcé de démissionner.
- Il est vrai que briser le Code International du Secret Magique était un projet grandiose et, bien que dangereux, aurait pu apporter à notre monde, une fois la tempête calmée, la stabilité dont nous avons besoin.
- En effet ! Les Moldus, découvrant notre existence, auraient dû avoir la sagesse de consentir à devenir nos esclaves, afin d’obéir à la loi universelle les marquant comme nos inférieurs. Quant aux résistants – car il y en aurait eu à coup sûr, vu l’arrogance de cette sous-race, ils n’auraient pas fait long feu.
- Les conséquences auraient pu être une guerre…
- Les conséquences ? Plutôt les dommages collatéraux. Parfois, lorsque quelque chose est vraiment abîmé, il faut détruire jusqu’à sa base pour le reconstruire dans une meilleure version. N’êtes-vous pas d’accord ?
Question rhétorique. Hypérion n’avait pas le droit de ne pas être d’accord avec son frère aîné. Il hocha donc la tête, et revint au sujet de base :
- Depuis Fawley, les Ministres sont consternants. Leonard Spencer-Moon, bien trop proche du Premier Ministre moldu, Wilhelmina Tuft, cette stupide idéaliste, Ignatius Tuft, qui voulait mettre en place un dangereux projet de reproduction des Détraqueurs…
Il grimaça, comme se refusant à poursuivre, ce que Perseus fit pour lui.
- Nobby Leach. Premier Sang-de-Bourbe à accéder à ce titre.
Gaïa se permit une expression dégoûtée. Alors que la conversation se recentrait sur l’atroce stupidité de la nouvelle loi, et la folle inquiétude qu’elle faisait naître chez les Nott comme chez beaucoup de leurs amis de Sang-Pur, elle réfléchit. Puis, elle profita d’un instant de silence pour poser une question :
- Que pouvons-nous faire ?
Surpris, trois Nott se tournèrent vers elle. Aeryn fusilla sa fille du regard pour lui intimer de se taire, une étincelle de peur dans les yeux. Elladora n’avait pas bougé, comme une machine qu’on n’aurait pas allumée. Quant aux deux hommes, ils étaient trop stupéfaits pour répondre quoi que ce soit. Gaïa en profita pour rapidement expliquer son point de vue avec des faits :
- Lorsque cet Impur de Leach a été nommé Ministre, une grande partie des fonctionnaires nobles a démissionné en signe de protestation. Puis, un complot a été brillamment organisé pour l’empoisonner, ce qui a conduit à sa maladie, puis à sa propre démission, en 68, six ans à peine après son élection. Je me targue que notre famille ait participé à l’élimination de cet Indigne. Ne pouvons-nous pas, à nouveau, agir et s’opposer à cette loi ?
Un silence s’abattit. Une colère glacée anima le regard pâle de Perseus, mais Gaïa ne cilla pas, sachant son raisonnement brillant. Puis, Hypérion entonna un rire froid et pas du tout spontané, que son épouse imita par réflexe. A leur tour, l’autre couple Nott joignit leur hilarité surfaite, comme si Gaïa avait dit une blague tordante. La jeune fille sentit la colère l’envahir, mais elle resta digne.
- Votre fille est réellement amusante, Perseus, ricana Hypérion, retirant ses lunettes pour essuyer une fausse larme de rire.
- N’est-il pas ?
- Son éducation est cependant à durcir. Jamais je ne permettrai à ma fille de parler de cette façon lorsqu’elle aura l’âge de participer à nos discussions.
- Je vous remercie, mais je ne lui permets pas non plus. Gaïa, puisque tu n’es pas encore assez mature pour t’asseoir à nos côtés, je te prierai de quitter la table.
- Je n’ai fait que donner mon avis ! Et il était, je le crois, pertinent.
Un nouveau rire agita les Nott. Mais le regard de Perseus, fixé sur sa fille, était de glace.
- Il suffit. Nous en reparlons ce soir.
Son ton ferme avait donné des sueurs froides à Gaïa pendant des années, mais à présent, elle ne ressentait que de la colère. Une colère aussi froide, discrète et dévorante que du poison. La fillette se leva avec grâce, et ne put résister à une dernière provocation.
- Merci, père. Je suis ravie que nous reprenions cet échange ce soir. J’aurai de tous nouveaux arguments afin de débattre avec vous. Cette fois, j’espère que vous les écouterez.
Cette fois-ci, personne ne rit. Perseus était coincé, il ne pouvait sanctionner sa fille devant son frère, sa belle-sœur et sa femme, car bien qu’ils approuvent ses méthodes, cela n’aurait pas été poli. Gaïa savait néanmoins que ce soir, des éclairs rouges fuseraient. Elle s’efforça de ne pas y penser, tourna les talons et sortit du salon. Alors qu’elle montait les escaliers, elle entendit Hypérion appeler son elfe.
- Harvey ! Dois-je te le répéter à chaque fois ? Demande donc aux invités s’ils souhaitent quelque chose à boire ou à manger. Es-tu amnésique, en plus d’être sourd, laid et stupide ?!
La façon dont les elfes étaient traités ne faisait ni chaud ni froid à Gaïa. C’était dans l’ordre des choses – ces créatures étaient, comme les Moldus, naturellement inférieures aux sorciers.
Gaïa n’aimait pas sa famille. Ils étaient stupides, incapables de reconnaître sa valeur. Ils privilégiaient tous son petit-cousin, Theodore. Bien que plus jeune que sa cousine Gemma et elle, il était l’héritier, étant un garçon. Gaïa le détestait. Il était bien moins intelligent et talentueux qu’elle et pourtant, tous les Nott avaient le regard rivé sur lui.
Elle n’avait aucun lien avec ses grand-parents, son grand-oncle et les descendants de celui-ci, bien qu’elle les connaisse. Elle ne ressentait juste rien envers eux. Elle méprisait sa tante Elladora, entièrement soumise à son mari, sa mère Aeryn, une poupée de glace sans émotions et son oncle Hypérion, qui parlait, parlait, parlait, mais n’avait jamais le cran d’agir. Quant à son père, impitoyable et cruel, avec ses Doloris en guise de punition, elle le haïssait.
Gemma Nott, sa cousine de six ans sa cadette, était la seule personne dans cette famille qu’elle aimait. Son seul rayon de soleil. En voyant l’enfant, assise sur un tapis, en train d’écrire, un sourire vint instantanément chatouiller ses lèvres. Les yeux vert d'eau de sa cousine, qu’elle posa sur elle, étaient vifs, expressifs, loin des regards froids et vides des autres Nott. Ses boucles blondes, les mêmes que les siennes, lui arrivaient aux épaules, et étaient soigneusement coiffées. Elle était vêtue d'une robe de sorcière blanche, ajustée à la perfection. Elle avait l’air du parfait petite ange, de la marionnette parfaitement maniable. Mais Gaïa faisait en sorte qu’elle connaisse ses droits, qu’elle sache que son sexe ne l’empêchait pas de prendre part aux conversations, avoir un avis, avoir une personnalité, faire ses propres choix, agir au nom de sa famille, défendre ses convictions. Au-delà de ça, passer du temps avec Gemma lui faisait du bien, c’est pourquoi elle se rendit dans la chambre de la fillette. Étant une enfant, elle était naturellement vive, spontanée et naturelle, du moins lorsqu’elle était seule avec Gaïa. Avec elle, elle pourrait parler normalement, être elle-même, loin des principes et conventions centenaires des Sang-Pur. Sa cousine était déterminée à ce qu’elle garde cette innocence et se forge sa propre personnalité. Les filles de sa génération ne seraient pas des poupées de verre silencieuses et obéissantes, sans cerveau et sans âme.
- Salut Gaïa ! lança joyeusement Gemma en posant son crayon.
- Bonjour. Qu’est-ce-que tu fais ?
- Je m’entraîne à écrire. Père va m’interroger ce soir.
- Oh, très bien. Tu arrives ?
- J’arrive bien, regarde !
Gemma montra à Gaïa ses feuilles. Elle avait recopié la page du livre qu’elle lisait, un roman d’un ancêtre des Nott.
- Excellent ! Tu es super intelligente, continue comme ça.
La petite de cinq ans lança un sourire rayonnant à sa cousine. Gaïa était la seule qui l’encourageait, avec Harvey. Ses parents déléguaient son éducation aux elfes de maison, échangeant rarement avec leur fille.
- J’ai appris à Harvey aussi !
Gaïa fronça les sourcils sans comprendre.
- Tu as quoi ?
Sa voix plus grave ne constitua pas un indice de son mécontentement aux yeux de Gemma, qui expliqua :
- J’ai appris à écrire et à lire à Harvey ! Ça fait un mois, il arrive plutôt bien.
- Tu es folle ? Qu’est-ce-qui t’a pris ? C’était stupide de faire ça !
La fillette baissa les yeux, sans comprendre.
- Pourquoi ?
- Harvey est un elfe de maison, une créature inférieure à nous. Il est ton domestique, ton esclave. C’est comme si tu apprenais le piano à ton chat, tu comprends ce que je veux dire ?
Gemma hocha la tête. Gaïa craignait de l’avoir blessée, aussi ouvrit-elle ses bras. Sa cousine s’y blottit, et son aînée referma ses bras, berçant celle qu’elle considérait comme sa petite sœur.
- Je suis désolée, c’est comme ça. Et maintenant, qu’est-ce-qu’on fait ? Tu écris déjà à la perfection, autant s’amuser un peu ! Où as-tu rangé ton jeu d’échecs ?
Les deux fillettes jouèrent un temps, entamant une longue partie où Gaïa avait l’avantage, ce qui l’enorgueillissait bien que son adversaire ait cinq petites années.  Plus elles jouaient, moins Gemma semblait concentrée, les yeux posés sur sa cousine plutôt que sur le plateau.
- C’est à toi ! l’informa Gaïa après avoir mis en danger la reine blanche de sa cousine.
- Mmmh… fut la réponse indistincte de l’enfant, qui se contenta de mettre sa reine hors de portée du fou noir alors qu’une autre de ses pièces aurait pu supprimer la menace sans représailles.
Remarquant cela, Gaïa s’apprêta à lui expliquer comment elle aurait pu déjouer son coup, mais elle aperçut l’air triste de Gemma.
- Qu’est-ce-qui se passe ?
Visiblement, la fillette n’attendait que cette question pour se confier. Elle leva ses grands yeux vert pâle vers Gaïa, et expliqua :
- L’année prochaine, tu vas aller à Poudlard.
La petite fille de dix ans hocha la tête avec un sourire. Elle avait tellement hâte de s’y rendre, afin de parfaire ses connaissances en tous les domaines, d’enfin pratiquer la magie, d’enfin grandir ! Gaïa n’avait jamais réellement goûté à l’innocence et au bonheur de l’enfance, qui ne représentait qu’un carcan à ses yeux, aussi avait-elle désespérément hâte d’être adulte, pour pouvoir dire et faire ce qu’elle voulait, agir pour le monde des sorciers, repousser la menace des Indignes. Briller.
- Mais moi pas, ajouta Gemma, bien que ce soit évident. Et tu vas me manquer. Beaucoup.
Sa déclaration perturba Gaïa. Elle n’avait pas l’habitude qu’on lui dise des choses pareilles, des phrases dans lesquelles on pouvait déceler un véritable amour. Dans sa famille, Gemma était la seule à exprimer ses sentiments aussi bien. La seule à ne pas les craindre, à les considérer comme une faiblesse. C’était sans doute lié à son jeune âge, et Gaïa pariait déjà que ses parents s’empresseraient d’effacer ce défaut d’ici quelques années. En attendant, c’était une bouffée d’air frais, mais cela inquiétait sa cousine. Elle ignorait si Hypérion Nott réservait les mêmes châtiments corporels à sa fille que Perseus. Si c’était le cas, il devrait commencer à la punir de cette façon dès l’âge de sept ans, comme ce fut le cas pour Gaïa. La petite fille voulait absolument protéger sa cousine, mais ignorait comment le faire sans, malgré elle, lui apprendre à ravaler ses convictions et effacer sa personnalité.
Sa réflexion avait duré une longue minute, pendant laquelle Gemma la fixait, hésitante, timide, triste.
- Tu vas pas m’oublier hein ? Tu m’écriras ? Je peux lire maintenant. Tu n’oublieras pas ?
Touchée, Gaïa prit les mains de sa cousine par-dessus le plateau d’échecs. Puis, elle le contourna et s’assit à côté de Gemma, sur le lit à baldaquin sur lequel elles jouaient.
- Je t’écrirai. Toutes les semaines. Jamais je ne pourrai t’oublier, Gemma. Tu es ma cousine. Je…
Des mots rares, des mots précieux, se précipitèrent sur la langue de Gaïa. Des mots qu’elle n’avait jamais entendus prononcés, qu’elle avait à peine lus dans un livre. Ces mots restèrent prisonniers de sa gorge, ses lèvres refusant de les esquisser.
- Je serai toujours là pour toi, dit-elle à la place. Tu pourras toujours compter sur moi pour te guider et te protéger. Où que tu sois, où que je sois. Toujours. N’en doute jamais. Retiens-le.
Gemma serra les mains de sa cousine, les larmes aux yeux. Son amour voulait dire tant de choses pour elle. Gaïa était la seule personne qui l’aimait. Elle s’entendait bien avec Harvey, bien sûr, son elfe préféré, son compagnon de jeu depuis toujours, mais ce n’était pas pareil. C’était un ami. Gaïa était de sa famille. L’enfant avait tellement envie de croire sa cousine, aussi demanda-t-elle avec espoir, tendant son petit doigt :
- Tu le promets ?
Gaïa considéra l’auriculaire de Gemma avec curiosité, puis comprit. Elle enroula son propre petit doigt autour du sien, et le serra doucement comme lors d’une poignée de main. D’un pacte. C’était leur Serment Inviolable.
- Je te le promets.
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christophe76460 · 7 months
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Cantique de Anne
1 Anne pria, et dit: Mon cœur se réjouit en l’Éternel, Ma force a été relevée par l’Éternel; Ma bouche s’est ouverte contre mes ennemis, Car je me réjouis de ton secours. 2 Nul n’est saint comme l’Éternel; Il n’y a point d’autre Dieu que toi; Il n’y a point de rocher comme notre Dieu. 3 Ne parlez plus avec tant de hauteur; Que l’arrogance ne sorte plus de votre bouche; Car l’Éternel est un Dieu qui sait tout, Et par lui sont pesées toutes les actions. 4 L’arc des puissants est brisé, Et les faibles ont la force pour ceinture. 5 Ceux qui étaient rassasiés se louent pour du pain, Et ceux qui étaient affamés se reposent; Même la stérile enfante sept fois, Et celle qui avait beaucoup d’enfants est flétrie. 6 L’Éternel fait mourir et il fait vivre. Il fait descendre au séjour des morts et il en fait remonter. 7 L’Éternel appauvrit et il enrichit, Il abaisse et il élève. 8 De la poussière il retire le pauvre, Du fumier il relève l’indigent, Pour les faire asseoir avec les grands. Et il leur donne en partage un trône de gloire; Car à l’Éternel sont les colonnes de la terre, Et c’est sur elles qu’il a posé le monde. 9 Il gardera les pas de ses bien-aimés. Mais les méchants seront anéantis dans les ténèbres; Car l’homme ne triomphera point par la force. 10 Les ennemis de l’Éternel trembleront; Du haut des cieux il lancera sur eux son tonnerre; L’Éternel jugera les extrémités de la terre. Il donnera la puissance à son roi, Et il relèvera la force de son oint. 11 Elkana s’en alla dans sa maison à Rama, et l’enfant fut au service de l’Éternel devant le sacrificateur Éli. (‭‭‭1 Samuel‬ ‭2‬‬:‭1‬-‭11‬ ‭LSG‬‬)
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mmepastel · 2 years
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Grâce au covid et à diverses insomnies, j’avance bien dans mes lectures. J’ai donc lu, en l’espace de 24h les deux romans de Maud Simmonot.
J’ai adoré le premier, L’enfant Céleste, d’ailleurs repéré en 2020 pour divers prix sans qu’il n’en remporte aucun, et c’est bien dommage.
C’est une merveille, un roman plein de grâce, court et lumineux, à contre-courant de la vogue trash (que je suis sûre de percevoir). Une mère et son fils bousculés par la vie (la mère vient d’être quittée par son amoureux, Pierre, et son fils de dix ans étouffe à l’école où il ne s’épanouit pas). Ils partent tous les deux sur l’île de Van, située entre le Danemark et la Suède après une courte escale dans le Morvan où vit la grand-mère maternelle du jeune garçon et où l’amoureuse malheureuse renoue avec la nature et retrouve des bribes de son passé douloureux. Cette île n’est pas choisie par hasard : c’est celle que le roi du Danemark avait offerte à Tykho Brahe, un astronome de génie au XVIe siècle pour qu’il y installe un centre d’étude du ciel. L’homme a avec lui les plus grands savants internationaux et dispose d’un budget ultra généreux. Il bâtit un château à sa démesure et étudie les étoiles. Ses découvertes précèdent tout juste celles de Copernic (si j’ai bien compris) mais il y fait néanmoins nombre de découvertes qui remettent en cause les bases posées par Ptolemée. Sa personnalité contribue aussi à forger une légende qui fait de lui un candidat idéal aux rêveurs des siècles suivants : il se bat en duel et est sévèrement blessé au nez, il se fait alors une prothèse de métal qui -selon la légende- était dorée ; ajoutez à cela un nain versé dans l’astrologie pour comparse, et un élan aux tendances alcooliques pour compagnon et vous aurez un aperçu de l’ampleur du personnage et de son romanesque potentiel.
Il passionne en tous cas Mary et Célian, les touristes de Van. Car Célian est un enfant précoce, passionné de nature, et qui peut scruter les oiseaux ou les étoiles pendant des heures. Débarrassé du carcan des heures de la ville et de l’école, il peut enfin assouvir sa curiosité insatiable en observant la nature et en discutant avec un érudit présent sur l’île ; celui-ci l’initie aux liens qu’il croit percevoir entre Shakespeare et Tykho Brahe, contemporains ; il croit même que le drame d’Hamlet ne se noue pas au Danemark mais sur les hauteurs du château de Van.
Honnêtement, peu importe. Ce qui compte dans ce livre, c’est la joie retrouvée des personnages face aux mystères de la nature qui se fait bienveillante, aux fleurs qui éclosent une journée unique, à la magie de la faune et de la flore, au temps retrouvé qui n’est jamais perdu quand on le passe le nez dans l’herbe ou planté dans le ciel. J’ai adoré la poésie de l’écriture et l’impression de simplicité qui s’en dégage.
Le deuxième est beaucoup plus sombre. Il se penche sur un scandale réel qui a secoué l’île de Jersey en 2007, bien longtemps après des faits avérés mais étouffés : l’île, dans les années 50 et 60 avait abrité un orphelinat où les enfants étaient maltraités, voire même avaient subi des violences sexuelles. Or, comme l’île est un paradis fiscal, tout le monde s’est ingénié à empêcher la police de faire son travail en 2007, le silence et l’isolement étant les atouts précieux du camouflage financier. La narratrice, ornithologue, se rend toutefois sur l’île pour mener l’enquête car son père y a été, enfant, et il est encore aujourd’hui, torturé par des angoisses, des cauchemars, sans parvenir à se souvenir de ce qu’il y a vraiment vécu. Elle veut mener l’enquête, pour le sauver, l’apaiser. Les éléments sont minces (et masqués sous une épaisse couche de poussière et de secrets) et les gens de l’île particulièrement taiseux. Elle fera quand même la lumière sur le destin de son père et d’une certaine Lily qui veillait sur lui là-bas.
Son récit est alterné : narration à l’heure moderne où la fille enquête, et narration qui épouse le vécu de Lily et de son protégé, dans cet univers sinistre traversé toutefois par les oiseaux de l’île, la liberté qu’ils symbolisent et les trésors d’imagination dont les enfants regorgent pour s’ouvrir des fenêtres là où tout n’est que prison et brutalité.
Même si j’ai moins aimé ce deuxième roman que j’ai trouvé un peu trop direct, un peu répétitif, j’ai quand même le sentiment d’avoir découvert une nouvelle voix en celle de Maud Simmonot qui me séduit par sa poésie et sa délicatesse, ainsi qu’une profonde compréhension de l’âme enfantine.
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aforcedelire · 3 years
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L’enfant de poussière, Patrick K. Dewdney
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Syffe est un orphelin des rues, qui grandit dans le bourg de Corne-Brume entre vols et corvées. Le roi de Brune meurt, et suite à cet éclatement politique, les primeautés sont vite plongées dans le chaos.
Dans ce roman, on va suivre Syffe de ses 8 ans à ses 13 ans. L’enfant de poussière est divisé en 4 parties, qui correspondent à 4 moments forts de la vie de Syffe. Dans la première partie, on le découvre enfant des rues, essayant de s’en tirer tant bien que mal face au racisme des autres ; Syffe est un « sang mêlé », et bien qu’il ne sache rien de ses origines, on lui reproche d’appartenir à une ethnie qui n’est pas très bien vue de la part des puissants de ce monde. Syffe est rêveur, amoureux de Brindille et très ami avec Merle et Cardou.
Un jour, alors qu’il a volé un beignet et qu’il risque de se faire couper la main pour cela, il est « sauvé » in-extremis par Hesse, première-lame de Corne-Brune. Très vite, Syffe va devenir un pion dans les machinations politiques de Corne-Brune… Dans les trois autres parties, on va suivre Syffe tour à tour espion, apprenti chirurgien, puis guerrier. Il va grandir sous l’influence de plusieurs hommes charismatiques (Hesse, Nahirsipal et Uldrick), et on va le voir évoluer de parties en parties.
J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman : déjà, le style est vraiment plaisant à lire, et m’a rappelé certains styles d’auteurs classiques. Les phrases sont longues et belles, bien construites — même si j’avoue qu’au début du roman j’étais un peu gênée parce que je n’avais pas l’impression qu’un gamin de 8 ans puisse parler comme ça « pour de vrai ». En plus du style, l’univers qu’a créé Patrick K. Dewdney est riche et extrêmement complet et intéressant. Petit bémol toutefois, on est plongés directement dans le roman, catapulté parmi les noms et villes et machinations politiques… pour ma part j’ai eu un peu de mal à rentrer dedans, mais dès que ça s’est fait je ne voulais plus sortir du livre ! Dewdney a créé tout un univers, mais aussi toute un contexte historique et géopolitique, et c’était vraiment intéressant à lire. En plus, çà et là on aperçoit des pointes de magie, et j’avoue avoir hâte de voir ce que ça va donner dans le tome 2 ! C’est un peu compliqué à mettre en mots, mais concernant l’univers ça me rappelle celui de La Passe-Miroir : Christelle Dabos nous parle d’énormément d’Arches, et n’en mentionne que 4 ou 5 dans ses quatre tomes. Là avec L’enfant de poussière, ça m’a fait comme si je voyais toutes les Arches, et aussi de voir que chacune a son histoire et sa politique, avec des liens les unes entre les autres et des relations plus ou moins complexes entre chaque peuple. Bref, l’univers de Dewdney est hyper fourni et hyper recherché, et c’est vraiment vraiment intéressant et agréable à lire.
J’ai l’impression qu’il y a tellement de choses à dire sur ce gros pavé de 780 pages, et que je n’ai fait qu’effleurer une partie… mais si tu es fan de fantasy, et de mondes bien construits, je pense que tu vas adorer ce roman. Attention c’est un beau bébé, qui peut paraître un peu complexe quand on commence sa lecture, mais ça vaut vraiment le coup ! Pour celles et ceux que ça intéresse, le tome 2 sort en poche chez Folio en septembre ; les tomes 1 et 2 sont dispos chez Le Diable Vauvert, et le 3e sort chez eux en septembre !
15/06/2021 - 29/06/2021
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guesswhogotaname · 3 years
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Il n'y a pas de raison à ça, mais bon...
Hier soir j'ai regardé quelques épisodes de Doctor Who en vrac, par pur nostalgie et amour de cette série. J'ai revu avec délices les longues tirades du Docteur sur sa solitude, l'absence qui le ronge, le manque. Et j'ai longtemps cogité sur cette question de l'immortalité, voir autour de nous la chute, sans pouvoir rien faire... (GROSSE AMBIANCE) Mais étrangement, j'ai pensé à Merlin et cette phrase "fils d'un démon et d'une pucelle". Bref, ça m'as donné envie décrire un bail un peu chelou mais oser l'équipe on est al 💪
Je ne sais pas pourquoi, mais l’idée de l’immortalité me terrifie autant que celle de la mort.
Mourir, savoir que notre existence a une fin irrémédiable. Un jour, sans prévenir, c’est terminé. Ça ne sert à rien de lutter, rien de se battre dans le dernier instant où les yeux se ferment pour ne jamais s’ouvrirent, le dernier battement d’un coeur. Mourir alors qu’il y a encore des galaxies à découvrir. Être privé du futur inconnu et tout puissant. Disparaitre, être oublié. Un prénom gravé sur une pierre, une photo jaunit par les années, figé dans un sourire, les yeux pétillants d’une lueur si lointaine, une étoile déjà éteinte dans l’objectif. Mais, être éternel, c’est encore pire.
Naître un jour sans la promesse du repos, savoir qu’on sera là, inébranlable au milieu des ruines et des tombes d’une famille disparue, d’amis lointains, d’amour effacé, seul au milieu d’un cimetière de poussière et de souvenirs. Des visages ensevelis dans les méandres de la mémoire. Être là, voir la fin d’une civilisation et n’avoir pu sauver personne. Être celui qui reste.Celui qui continue de respirer. Le dernier.
J’ai pensé à Merlin. Il n’est pas immortel, mais il vieillit différemment, il n’est pas comme les autres. Druid, fils d’une pucelle et d’un démon.
Qu’est-ce que cet héritage signifie ? Une tragédie aux larmes d’une vierge et de la hargne d’une créature de l’enfer. Une horreur innommable qui créa un enfant. De la violence et de la haine, de la peur et du sang, un bébé aux yeux grands ouvert sur le monde, et de la magie au bout des doigts.
J’ai longtemps songé à ce que ça voulait dire, « fils d’une pucelle et d’un démon ». Ils n’ont pas de prénom, pas d’identité, pas de visage, ni de passé.
Ce ne sont pas des parents, mais des archétypes comme dans le début d’un roman.
Aucune main pour caresser sa joue, aucun baiser pour apaiser ses pleurs. Seulement des rôles comme pour une pièce de théâtre. Inconnus et secondaires.
Qu’’est-il devenu de cette femme pure, qui aurait pu être une sainte, si l’histoire avait dégainé retenir son prénom ? Elle s’est envolée, comme un pétale dans le souffle du vent, comme la mer emporte un coquillage dans le fond des océans.
Est-elle restée ? Berçant le nourrisson contre son sein, fredonnant dans une langue presque l’oublier, une chanson douce ? Est-elle partie ? Offrant l’enfant aux loups et aux esprits de la nuit, fuyant le fardeau trop lourd, un souvenir trop douloureux ? Et le démon, a-t-il disparu dans les flammes de l’enfer, dans un gouffre de sang et de flamme, laissant la terre hantée par son rire démoniaque, ses ailes noires voilant le soleil ?
Peut-être que les poètes peuvent imaginer, rêver, à un amour au-delà des barrières de ce monde, une passion plus forte que les lois divines. Un démon qui tombe amoureux d’une vertueuse demoiselle. Ça serait beau à raconter les nuits de pleines lunes lors des hivers glacés. Une histoire d’amour impossible, d’un ange déchu et d’une mortelle. Le fruit de cette folie, un bébé qui changerait le cours de l’histoire et la face du monde.
« Fils d’une pucelle et d’un démon » mais ça ne veut pus rien dire pour lui, de la pucelle il ne reste rien, son corps appartient à la terre et sa tombe est perdue dans les profondeurs d’une immense forêt, à l’abri. Le démon n’est jamais réapparu. A-t-il seulement existé ?
Mais « fils » il a été, il y a très longtemps, dans un pays qui a changé de nom et de souverain, dans un village dont il ne reste que des vestiges presque effacés. Du « fils » il ne se souvient que de la couleur des yeux, la douceur des mains, des syllabes répéter par sa bouche d’enfant, tremblante comme la flamme timide d’une bougie brusquée par le vent : « maman ». C’est tout. Peut-on, au bout de huit cents années d’existence, oublier le visage de sa mère ?
De ce lointain passé, Merlin en dit rien. Il reste silencieux, évasif sur ses questions.
« J’m’en souviens plus, hein, ça fait tellement longtemps… » Son regard fuyant, ses mots bancals.
Être immortel c’est accepté un deuil éternel, d’être seul.
J’ai pensé à ce destin-là, ce long chemin qu’il parcourrait sans jamais pouvoir s’arrêter, condamner à marcher pour toujours.
Merlin a vu des villages se construire, des routes se créer, des châteaux s’ériger. Il a vu leurs chutes. Les toits de pailles brûlés, les routes recouvertes par la mousse, les herbes folles entre les pavés, les châteaux en ruines. Il a connu des centaines de débuts et des centaines de fins. Il a observé tout des miracles et les tragédies de ce monde.
Spectateur muet, impuissant face au déroulement intransigeant du destin.
Mais, il a été acteur direct de cette danse merveilleuse qu’est la vie. Sorcier aux pouvoirs insondables, pouvant faire abattre la foudre sur une cité, décimer une montagne, soulever la mer.
Mais qu’en est-il de ces sentiments, de son humanité ? Il était homme aussi. De chair et de sang.
Il a connu le froid de la neige, mordant le nez et les doigts, la chaleur étouffante de la canicule. Il a vécu comme les autres, ressentant les mêmes choses ; cette satisfaction indescriptible de boire de l’eau fraiche après un effort, la sensation d’étancher sa soif, de manger à sa faim, savourer un repas autour de chants et de musique. Regarder les étoiles et rêver. Pleurer en admirant un coucher de soleil. Tisser des liens, s’unir, fonder une famille, prendre du temps pour les autres, les aider, être attaché par des liens plus puissants que n’importe quelle magie.
Être aimé et aimé.
Oh oui, il a tant aimé, maladroitement et passionnément comme un adolescent, fougueusement et soudainement. Longuement et durablement comme une vieille âme. Il est tombé amoureux des millions de fois, des hommes et des femmes. Des humains bouleversants par leurs innombrables différences.
Peut-être qu’il a oublié certains détails, évènements de ces nombreuses existences, mais il se souvient de l’amour, des visages, des mains, des sourires, des corps, des rires, des mots.
Hélas, les Hommes sont poussières, ils s’épuisent, vieillissent, tombent malades et disparaissent, en un battement de cils, une vie a passé. Il n’a pas oublié ceux qui sont partis se battre pour un carré de terre, pour un drapeau, au nom d’un serment d’allégeance. Ceux qui sont morts alors que des milliards de jours les attendaient encore.
Même si les noms se sont effacés, Merlin n’a pas oublié les larmes, le désespoir, la violence du départ. L’absence. Ces amours voués aux chagrins et à la disparition. Le coeur qui se déchire un peu plus durant les siècles.
Il a eu des enfants. Ses fils et ses filles.
Par chance ou par malédictions, aucun de ses descendants n’ont hérité de sa longévité.
Merlin se souvient de son premier enfant, celui qui est né alors que des éclairs déchiraient le ciel noir, comme il se souvient du centième, né avec les rayons du soleil.
Cent prénoms gravés éternellement dans son cœur, si précieux. Il se souvient de tous, leurs premiers mots, premiers pas.
Il peut fermer les yeux et revoir aussi distinctement que le jour les traits de leurs visages, entendre leurs voix, et leurs rires.
Ses enfants, jamais il ne pourra les oublier.
Parfois, il appelle une demoiselle par un vieux prénom, un son étranger et inconnue, il s’excuse, il dit tout mélanger, les prénoms, les visages. Souvent, il croit reconnaître l’une de ses filles aux détours d’une ruelle, il a tant craint recroiser l’un de ses fils sur un champ de bataille.
Tous ses enfants sont partis; il les avaient vus naître et mourir. Ce n’était pas normal, pas dans l’ordre des choses, c’était au père de mourir vieux et épuisé, avant l’enfant.
Alors, quand Merlin Merlin regarde le petit Arthur ce bout d’homme, pas plus haut que trois pommes, les yeux noirs, brillants, son grand sourire et ses éclats de rire, il voit un fils parti depuis longtemps.
Il le tient par la main, le guidant vers son destin, mais ce bonhomme, sautille, impatient, il veut jouer, il veut explorer.
Merlin ne l’a jamais regardé comme l’Élu qu’il attendait depuis des siècles, le garçon couronné par les Dieux d’un glorieux destin.
C’était qu’un enfant. Si petit, courant partout, balbutiant sans arrêt des histoires incompréhensibles.
Irrévocablement, ils se rapprochent du rocher où est plantée l’épée. Merlin aimerait s’enfuir, le petit gamin aux jambes fatigué de la journée de marche, pelotonné dans ses bras. Pourquoi mettre un tel point sur ses si petites épaules, alourdir sa jeune vie d’un fardeau tranchant et puissant ? Ce garçon mérité une existence tranquille, sans le regard des Dieux au-dessus de lui, de la lourdeur de leurs messages et de leurs devoirs.
Non, non… Il mérite la paix, la douceur de vivre, la joie des matins du printemps.
Arthur décroche l’épée et s’amuse avec, admirant ses reflets de flamme, imaginant les combats incroyables.Et Merlin comprend qu’il vient de le condamner. Il pourrait en pleurer.
C’est aussi son rôle de ramener l’enfant dans le terrible et sombre château de Dame Ygerne, aux lèvres pincées et aux regards froids.
Il abandonne l’enfant dans ce foyer glacé. Il ne peut pas le garder, le Roi Uther tuerait le bâtard sans hésiter.
Merlin se retourne une dernière fois, Arthur âgé de trois ans lui fait un timide signe de la main avant de s’effacer derrière la sombre robe de deuil de sa mère. Il a le cœur déchiré.
Des années plus tard, il le cherchera dans les belles rues pavées de Rome. Treize années, Merlin n’a pas changé.
Le temps a roulé lentement hors de son sablier, il a attendu de le revoir, de le retrouver. Le petit garçon qui jouait avec l’épée de feu.
Arthur est plus vieux, habillé comme l’occupant, comme l’ennemi, ceux qui massacrent les vieux sorciers et les paysans. Il est âgé de vingt ans, drapés dans l’or et le rouge de l’oppresseur, acclamé par ceux qui pillent et saccagent, qui détruisent les vestiges celtes.
Mais Merlin revoit un fils, qui a grandi beaucoup trop vite, si loin des siens et de chez lui. Un enfant qu’on aurait abandonné trop de fois, devenu solide et fort, un cœur dur forgé par l’absence. Il aimerait lui tendre la main, lui dire tout doucement « on rentre à la maison. » Mais Arthur le regarde comme un étranger, un inconnu, un fou, un idiot.
Une fois sur l’indomptable et impétueuse Île de Bretagne, Arthur est en colère, il est blessé, il souffre, son Aconia lui manque, sa belle Rome lui manque, il est déchiré en deux, coincé entre les mondes. Il ne veut pas rester, ce n’est pas « chez lui » ici, il ne comprend plus les langues apprises il y a des années, il ne se souvient plus des chants ni des danses.
Il est étranger dans son royaume qui l’a tant attendu.
Et Merlin est si malheureux de n’avoir pas pu sauver l’enfant qu’il était. Jamais il n’aurait dû le laisser à la garde d’Ygerne, ni celle des Légions Romaines. Il aurait dû l’emmener loin avec lui, au cours de la nature, avec les loups et les fées.
Merlin le voit alors s’avancer vers l’autel chrétien, Excalibur à son fourreau, une tenu de mariage celte et une jeune demoiselle au regard joyeux et au sourire ingénue. Étouffé par l’émotion, il ne dira rien, mais jura de ne plus jamais le quitter.
Les années encore ont défilé si rapidement, le sable dans le sablier s’est écoulé librement, sans restreinte.
Merlin a assisté à l’édification de la forteresse, la construction du royaume de Logres, la paix tant attendue et la prospérité. La gloire de cet Élu promit qui par sa force, son courage unifia les clans divergent et belliqueux à une cause juste et noble.
Roi Arthur Pendragon.
La même âme que l’enfant qui jouait dans la neige, mais le temps l’a abîmé, les années l’ont rongé. La fatigue, la colère, le mépris ont barbouillé son cœur.
Merlin assistera lentement à sa chute, impuissante, faible. Il n’arrivera pas à le sauver. Ce fils qui n’est pas le sien, mais qu’il a aimé tout comme. Il ne pourra pas le sauver de lui-même, de la violence profonde de sa haine, de sa colère intarissable et des souvenirs qui le hantent derrière ses paupières.
Quand Merlin le quitte, il sait que c’est une erreur, mais il est vieux maintenant, tellement vieux de ce destin, de cette vie infinie.
Épuisé des reproches, du dénigrement de son travail. Le ciel s’est assombri, les Dieux menacent l’accomplissement d’augustes présages.
Il fuit.
Mais Merlin est lié au destin du Roi qui a délaissé son titre.
Après avoir vécu des milliards de jours, Merlin assistera à l’impensable. Le sang qui s’écoule d’un poignet ouvert. Le masque de la mort sur le visage du petit garçon qui lui fait un signe timide de la main, avant de disparaitre dans l’ombre de sa mère austère.
La pâleur du visage, les yeux vides, absents. Aucune respiration, aucun battement de coeur.
Ce fils qui n’est pas le sien, mais qu’il a aimé tout comme est mort dans sa baignoire.
Et Merlin n’a pas pu le sauver de lui-même. Il a tout essayé, il l’a soigné, nourri et bordé, mais Arthur à simplement refusé de s’aider, il s’est laissé choir dans les limbes ignorant la main tendue devant lui.
Après ça, Merlin a pensé que c’était bientôt le bout de son voyage, bientôt la fin de cette interminable histoire.
Le Royaume de Logres est devenu une terre de feu et de sang, de malheur et de cri. Les Saxons sont maîtres ici, ils piétinent les statuts celtes et les remplacent par des Dieux factices, des idoles de pierres qui n’ont pas de coeur ni de pensée pour les Hommes. Les druides sont chassés ou brûlés, un peigne de terreur recouvre l’île prisonnière.
Dix longues années à vivre sous terre, caché, épuisé, en colère. Merlin a perdu espoir de le revoir.
Dix éternités sans aucune nouvelle, complètement disparu. Certains disaient qu’il était mort cette fois, d’autres qu’il était parti très très loin.
Mais un jour, après des nuits à cartographie et creusé des tunnels sans fin, Merlin le revoit.
Il est évanoui, blessé, vieilli. Encore plus abîmé qu’avant et pourtant, une flamme nouvelle luisante dans ses yeux.
Le même qui courrait dans la neige plus de quarante ans auparavant.
Arthur.
Ce n’est plus le visage d’un fils, mais celui d’un très vieil ami dont le prénom est coincé au bout de la langue, mais impossible à s’en souvenir complètement. Un visage qu'il n'a jamais réussi à oublier.
Et la lueur d'espoir renaît dans son cœur.
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th3lost4uthor · 3 years
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Les nouvelles expériences d’une vie sans fin (2/15)
Chapitre 2 - suite et fin 
I2.eT-/5t : le prisonnier médite
Le soleil amorçait à présent sa longue chute vers les collines verdoyantes, lorsque Qilby fut enfin autorisé par l’envoyé de Bonta à regagner sa chambre, dans l’attente du lendemain et du départ pour le Zinit. Le mont, le vaisseau, le laboratoire… Leur ancienne maison.
         Il avait pu échapper au supplice de l’escorte, mais il ne se faisait pas d’illusions : tous les regards des passants, gardes, serviteurs, communs, glissaient sur sa silhouette comme autant d’avertissements… Le moindre faux pas, et les sanctions seraient immédiates. Ses doigts se refermèrent machinalement sur les maillons de métal blanc à son cou, comme pour tenter de desserrer leur étreinte… La légère décharge de Stasis qu’il reçut lui fit grincer des dents de douleur. Ces chaînes étaient bien plus intangibles que cette maudite muselière, mais faisaient partie d’un tout, s’intégraient parfaitement dans le décor : une corde argentée pour une cage dorée.
 Si je souhaite m’enfuir, la partie ne sera pas aisée…
Il va me falloir prendre en compte le
fait que je suis désormais connu des plus grands.
La moindre absence ne manquera pas d’alerter ce
Joris ainsi que l’autre Roi feuillu !
Il a beau jouer la carte de l’hospitalité, me prend-t-il
pour un imbécile pour ne pas voir le doute l’habiter… ?
Sa pathétique intervention ce matin au déjeuner en
est d’ailleurs une parfaite illustration, et-
           Il s’arrêta. Devant lui, sur l’un des hauts plateaux sculptés à même l’écorce, deux enfants s’amusaient sans se soucier de la foule s’afférant autours d’eux. La poussière recouvrait leurs vêtements quelques peu élimés, malgré leur bonne facture : très probablement la progéniture de l’une des familles employées par la Cour. Un voile éthéré enveloppa la scène, donnant d’autres traits, d’autres visages, d’autres noms à ces formes se chamaillant innocemment. De quel souvenir s’agissait-il ? Il y en avait tellement… Ces scènes du quotidien, qui avaient fini par le rendre malade de pas leur répétition, leur fadeur. Combien de ces fraîches âmes avait-il rencontrées ? Bordées ? Surveillées ? Sanctionnées ? Éduquées ? Protégées ? Aimées ?... Enterrées ?  
         Ces bambins n’étaient pas différents des spectres de son passé : trop naïfs pour être préoccupés des travaux et tourments des adultes, encore enjoués pour balayer les protocoles et bienséances dans une partie endiablée de Chacha-et-Rachitik… Juste assez ivres de leur jeunesse pour ne pas prendre garde à-
 « Attention !! » Son corps prit le dessus sur sa conscience, rattrapant le col du plus maigrelet avant de l’écarter du bord vertigineux où leurs roulades les avaient menés.
           Alors qu’il reprenait sa respiration, la jeune Crâ toujours retenue pas ses phalanges crispées, il dut enfoncer ses canines dans la chair tendre de ses lèvres pour retenir un cri plaintif d’en franchir le seuil : son camarade de jeu Sadida  venait d’invoquer une frêle, mais remarquablement coriace liane épineuse… Et la jambe gauche du scientifique en était la cible, de vilaines entailles faisant déjà leur apparition.
 « Qu’est-ce-que - ?! 
- Relâche-la !! » S’époumona le petite pousse. « Relâche Ciarel, le méchant !!
- J-je - ?! Mais, enfin - !
- Les grands avaient raison : t’es dangereux ! » Sanglots étouffés. « J’te laisserai pas lui faire du mal, t’entends ?!
- Cours, Tyli ! » L’encouragea alors soudain la tignasse blonde, tentant vainement de s’extirper de l’emprise de l’Éliatrope. « Va prévenir ta mère !! La garde, n’importe qui, t’en fais pas pour moi ! Cours et ne te retourne surtout pas !
- Que-quoi ? Oh, non, non, non !! » S’horrifia alors Qilby, à présent conscient du désastre qu’il avait entraîné sans le vouloir.
           Et tandis qu’il regardait, impuissant, le chahut provoqué ameuter des âmes curieuses, pour ne pas dire suspicieuses, les larmes monter aux yeux de l’enfant dont il venait à peine de sauver l’amie, il n’aurait pas un instant songé que son salut puisse venir… de la part de celui dont il moquait l’attention quelques minutes auparavant.
 « Allons, allons, les enfants, ce n’est pas une manière de remercier celui venu nous prêter main forte dans ces temps troublés … » Le timbre grave du Roi Sadida retentit, forçant la plupart des badauds à retourner à leurs activités, et les deux concernés à se faire plus petits qu’ils ne l’étaient déjà.
« V-Vot’ Majesté ! » S’écria le dénommé Tyli, impressionné.
« Sir ! » S’écria la jeune Crâ, visiblement moins sujette à la tétanie de l’étiquette. « C’est lui, celui que vous et papa avaient dit qu’il était dangereux : il nous a attaqué moi et Tyli ! Et sans aucune raison en plus ! Vous devez nous ai- !
- Messire Qilby… » L’intéressé releva la tête, quittant la petite furie qu’il craignait désormais de relâcher. « Est-ce vrai ?
- Qu- Non ! Bien sûr que non ! » Une pénible déglutition et un mouvement en direction des autres. « Dans leur jeu, ces deux petits im-conscients étaient sur le point de rouler dans le ravin, et-
- Même pas vrai, menteur ! » Récria la plus énergique. « On n’était pas sur la grande terrasse, d’abord, et puis Tyli m’auraient rat- !
- Ciarel… » Le ton sans appel du suzerain fit s’abaisser les oreilles pointue de l’enfant. « Il me semble que cela n’est pas la première fois que toi et Tyli êtes surpris à jouer dans les environs, même après que nous vous l’ayons formellement interdit… » Reproches. « N’avez-vous pas assez de tout  le village pour vos escapades ?
- M-mais, on connait déjà le v-village… » Tenta le petit Sadida.
« Par-dessus cela, vous osez accuser un autre à votre place ? Un de nos hôtes qui plus est ? » Désignant la vigne mordante, qui, également, ne semblait pas de taille face au courroux royal et préféra disparaître dans le sol. « Et vous l’avez attaqué ?! »
           La mine déconfite des fautifs n’avait pas d’égal, et Qilby ne put retenir un léger rictus moqueur à leur encontre. Oh qu’il connaissait cette expression, combien de fois l’avait-il lue chez un jeune Glip surpris à la flamme d’une bougie malgré l’heure tardive, chez un Yugo audacieux, la bouche encore couverte de miettes de pain au sucre ? Toutefois, être du côté de la victime plutôt que celui du juge… Voire du coupable… En voilà une sensation satisfaisante !
 « Bon, je ne pense pas qu’il soit profitable que de prolonger davantage cet entretien… » Conclut le Roi. « J’espère que cela vous servira de leçon : si cela se reproduit une fois de plus, je n’hésiterai pas à en toucher deux mots à vos parents.
- Oh non ! Pitié, Vot’ Majesté ! » S’écrièrent les enfants. « On s’ra sages, promis !
- Bien, mais attention à tenir votre engagement. » Regard chaleureux, autorisation silencieuse, mais auparavant… « Au fait, ne croyez-vous pas qu’ils vous reste quelque chose à faire ? »
           Devant leur air perdu, il soupira doucement et écarta l’une de ses paumes en direction de l’Éliatrope qui tentait alors de s’appuyer doucement sur sa jambe engourdie. Le petit Sadida fut le premier à saisir la demande :
 « Oh-hey, hum, p-pardon M’sieur l’étranger ! » Donnant un coup de coude à sa camarade.
« O-ouais, pardon… Pour tout ça…
- On recommencera plus, juré ! » Un regard discret pour les fines croûtes sanguinolentes. « J’espère q-que je ne vous p-pas trop fait m-mal tout à l’heure… »
           C’était amusant, hilarant, pitoyable. Comme si ce marmot aurait pu venir à bout d’un être plurimillénaire versé dans les arts du Wakfu tel que lui ! Enfin… Cette chimère était bien plus proche de la réalité depuis qu’il portait ce fichu collier ; il ne devrait peut-être pas s’avancer sur ses chances de réussite aussi aveuglément. Un sourire se voulant rassurant, mais le ton forcé :
 « J’ai déjà vécu pire, ne t’en fais pas pour ça. »
           L’espace d’un instant, il crut lire une certaine forme de surprise, d’inquiétude également, dans ces iris ambrés, mais ces dernières se détournèrent bien vite pour rejoindre les pas effrénés de l’autre qui l’avait devancé. Les enfants s’étaient évanouis dans l’un des dédales noueux du palais, et une large main trouva sa place sur son épaule.
 « Comment vous sentez-vous, Messire Qilby ? Désirez-vous que je vous accompagne, ou même que j’envoie chercher l’une de nos Eniripsas ?
- Hum ? Oh non, je… » Ce dévouement au bien-être de ses invités ne cessait de l’étonner. Il sera sa perte. « … Je vous remercie humblement pour votre intervention, Votre Majesté, mais je pense pourvoir survivre à l’attaque de… Quelques mauvaises herbes.
- Vous savez… » Son regard s’assombrit. « Même au jeune âge de votre adversaire, un Sadida est capable de demander l’assistance de plantes vénéneuses… Parfois même mortelles. »
           Alors il semblerait que ce bon vieux suzerain ne soit pas aussi gâteux qu’il ne l’avait songé : il savait simplement mieux manier l’art de la diplomatie… Et par cela même, celui de l’intimidation. Comme pour confirmer ses réflexions, un rire franc vint aussitôt dissimuler les précédentes menaces :
 « Enfin ! Estimons-nous heureux que le jeune Tyli n’ai jamais été des plus assidus concernant cette branche de nos spécialisations !
- En effet… » Léger rire nerveux. « Estimons-nous heureux… 
- Qilby. » Le sérieux empreignant son nom ramena l’intéressé au présent… Il semblerait que le Roi souhaitait continuer à multiplier les facettes et masques. « J’ai vu ce que vous avez fait pour ces enfants, comment vous vous êtes jeté pour rattraper la petite Ciarel…
- Je n’y ai pas vraiment réfléchi. » Tenta-t-il de rationnaliser.
« Et j’en ai parfaitement conscience… » Reprit le Roi. « Sachez que tous ici ont été avertis de vos méfaits passés, y ont même assisté pour certains, et en tant que leur régent, je me dois d’être le plus vigilant. À ce titre, et pour vous avoir côtoyé pendant plusieurs semaines, je vous sais assez intelligent pour ne pas tenter une initiative aussi simpliste que de regagner notre confiance ainsi.
- Je suis… honoré ? » Ironisa presque le scientifique.
« Néanmoins, cela ne change en rien ce à quoi j’ai assisté. » Sourire, presque encourageant. « Vous n’avez pas réfléchi à votre geste… Cela ne signifie pas qu’il était involontaire.
- Hum ? Que-… ? » Mais il n’eut pas le temps de poursuivre.
« Dites-moi, simple curiosité de ma part, avez-vous trouvé à votre goût le thé servi au Grand Conseil lors de votre dernière visite ?
- Je… ? » Finalement, ces passages incessants du Tofu à la Dragodinde questionnaient durablement ses jugements sur la prétendue sagesse de cette buche couronnée. Pris de court, il verbalisa la première réponse qui lui vint à l’esprit. « N-non, de souvenir, celui-ci était amer et, hum… peu encourageant en bouche ? »
           Pendant de longues, bien trop longues secondes, il dut soutenir le regard analyste du Roi, qui finit cependant par relâcher, tant physiquement que mentalement, son drôle d’hôte. Après lui avoir administré une « franche tape amicale » dans le dos (qui faillit, d’ailleurs, bien renvoyer l’Éliatrope au sol), il s’éloigna en le congédiant par ces mots :
 « Très bien, s’il en est ainsi, alors je veillerai à ce que de nouveaux échantillons vous soient présentés d’ici peu ! Quitte à subir ce séjour, autant le rendre un brin plus agréable, ne pensez-vous donc pas ? » S’écartant, son imposante canne battant à nouveau l’écorce. « En vous souhaitant une solide nuit de repos Messire Qilby : vous en aurez plus que besoin au regard de la route vous attendant demain !»
           Se redressant tout en massant délicatement ses vertèbres endoloris, le scientifique ne put qu’observer, abasourdi, la sortie particulièrement insouciante de son interlocuteur. Quelque chose dans ses paroles tiraillait sa conscience. Une incohérence. Une question. Il balaya néanmoins l’évènement, préférant se retirer dans le calme de sa chambre pour réfléchir aux plans du lendemain. Il y avait tant à prévoir, à conserver secret, à anticiper… Sans cesse, Yugo et Adamaï revenaient sur le devant de la scène… L’ombre de Phaeris veillant toujours. Quelles seraient leurs réactions à la découverte de Zeden ? Pourrait-il enfin empêcher la destruction de quelque chose qui lui tenait à cœur ? Tout n’était que poussière, il ne se berçait pas de faux espoirs: son havre de recherche, mais aussi de paix, finirait par devenir ce à quoi, ce et ceux, qu’il côtoyait étaient voués… Un souvenir. Demain, il ferait tout ce qui serait en son pouvoir pour le faire durer un peu plus longtemps. Il ne pouvait pas gagner face au néant, mais il pouvait négocier pour un jour, une heure, une minute…
 Tss, me voilà tombé bien bas…
Fut une époque où il m’aurait été possible d’en reconstruire
un sans même y songer…
           En effet, cela lui aurait été possible, un jeu d’enfant même ! Toutefois, il n’osa pas se demander si, aujourd’hui, avec les moyens et son influence de jadis… Il en aurait été capable. En outre, à la nuit tombée, après s’être forcé à avaler son bouillon clair accompagné d’un quignon de pain noir puis noyé dans des draps qui n’accueilleront jamais le sommeil réparateur pourtant tant désiré, une pensée finit par raviver ses précédentes interrogations… Pour une raison étrange, il n’arrivait pas à se souvenir du goût exact de ce fameux « thé » sur lequel le Roi lui avait demandé son avis. Après quelques recherches rodées dans le rayonnage consacré à cette période, le constat le rendit perplexe : il n’avait pas bu de quelconque breuvage lors de cette séance de Conseil ! Enfin, il s’agissait sûrement d’une autre extravagance pour lui donner l’illusion qu’il serait traité « le plus justement possible ». Mieux valait l’oublier…
 .
.
.
 Haha… Oublier !
Fin du Chapitre 2
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nonscolemondedapres · 4 years
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Manifeste pour une société non violente et respectueuse des enfants en tant que personnes
(à l'occasion des projets d'encadrement total de l'enfance énoncés par le gouvernement français - 2020)
Nous voulons une société libre, égale, fraternelle et résiliente.
Nous disons que les enfants n’appartiennent à personne d’autre qu’à eux-mêmes.
Pas à leurs parents et pas non plus à la République.
Nous voulons des institutions collectives libres, égales, fraternelles et résilientes, qui permettent de ne laisser personne au bord de la route, ET nous voulons des libertés individuelles, pour que chaque personne puisse choisir la route qui lui convient le mieux.
Nous voulons une autre école ET l’instruction en famille, nous voulons une population entière sensibilisée à ce qu’est l’adultisme et formée à la non-violence éducative.Nous ne renonçons à rien.
Nous disons que toutes les vies ont la même valeur, que les êtres devraient naitre libres et égaux, et que les intelligences sont multiples, non destinées à subir passivement un moule de formatage identique. Nous disons que tous les pédagogues sont des créatifs capables de révéler tous les talents, et que les enfants, les bébés, les vieillards, les étiquetés différents, les méprisés ne sont pas les plus petits d’entre les pédagogues. Nous disons que l’on apprend d’un arbre, d’une fourmi, d’une poussière d’étoile, d’un conflit, bref, de la Vie en général. Nous disons avec Paulo Freire que « personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les êtres humains s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde ».
Nous disons que ceux qui veulent, aujourd’hui, rendre la scolarisation obligatoire dans une école qui a 120 ans de retard pédagogique et 60 ans de retard en non-violence éducative le font par intérêt personnel et par calcul politique. Sans méchanceté particulière, par simple faiblesse humaine de vouloir maintenir un statut et un mode de vie, conserver un ordre établi dans lequel ils sont confortables et qui est menacé par les revendications de justice qui montent, partout. Un mode de vie dont nous voyons, nous, qu’il repose sur l’exploitation passée et actuelle de populations, de territoires et d’écosystèmes, selon des logiques de domination systémiques croisées complexes de classe, d’origine, de culture, d’âge et de genre. Un mode de vie qui nous mène droit dans le mur du réchauffement global et des changements climatiques.  
Nous, parents signataires, savons qu’il y a, à l’intérieur de l’institution école des gens qui pensent l’enfant en tant que personne capable de ses choix, qui se souviennent de l’enseignement mutuel, qui prennent en compte les acquis de l’éducation dite « nouvelle », qui s’intéressent à l’incroyable vitalité pédagogique que l’on trouve dans les écoles alternatives, les tiers lieux à vocation éducative, l’éducation populaire et … dans l’instruction en famille.  Nous savons que 3,5% de convaincus suffisent à changer le monde.
Nous, enseignants, animateurs, facilitateurs, éducateurs, orthophonistes, pédopsychiatres, psychologues, militants associatifs…signataires, qui prenont en charge des enfants avec qui nous ne vivons pas, savons que la relation d’attachement parent-enfant, quelque soit sa qualité, est primordiale dans la structuration psychique de la personnalité de l’enfant, et qu’il est absolument central de lui faire une place à nos côtés, dans toutes les circonstances.
Nous, hors des frontières de France, signons aussi pour manifester notre soutien à ceux qui, en France, se lèvent aujourd'hui pour la liberté des enfants.
Nous voulons la reconnaissance des enfants en tant que personnes.
Nous voulons le droit à l’auto-détermination des enfants.
Pour ceux qui le souhaitent, le droit à s’instruire en famille, dans le monde, sans être violentés.
Pour ceux qui le souhaitent, le droit à s’instruire au sein d’un espace collectif à inventer, public, gratuit, inclusif, respectueux des rythmes, ouvert au monde, non compétitif, riche de diversités pédagogiques et de libertés pour les enfants.
Nous voulons l’accès à l’instruction pour tous, et pas que dans l’enfance, tout au long de la vie.
Nous voulons le droit pour tous les enfants à grandir sans violences physiques ou psychologiques, sans inégalités sociales, économiques, culturelles, de classe, de genre, d’origine ou en raison de leur handicap.
Nous voulons le soutien économique aux parents leur permettant d’avoir du temps pour exercer leur parentalité – non patriarcale, répondant aux besoins des enfants – fonction d’utilité publique pour une société résiliente.
Nous voulons un monde où l’enfance non violentée soit le souci de tous.
Nous voulons une planète où nos enfants puissent vivre aujourd'hui et demain.
Nous voulons, tout simplement, la liberté, l'égalité, la fraternité et la résilience. En même temps.
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Vous pouvez signer ce manifeste en commentaire, ici ou sur facebook, ou en envoyant vos informations à  : [email protected] (adresse cryptée).
Indiquez vos : nom, prénom, profession, avec combien d'enfant vous partagez votre vie si c'est le cas, lieu, pays. SAUF si vous êtes enseignant en poste dans l’EN, nomade, non déclarant, membre d'une communauté discriminée... Dans ces cas nous vous recommandons le combo prénom/ lieu (sans le nom de famille) ou nom/prénom sans le lieu. Mais la profession et les enfants, c'est important. :)
Ce manifeste n’est pas une revendication adressée au gouvernement, c’est une déclaration de nos fiertés et de nos valeurs, qui n’engage que ses signataires. Sans compromis, et parce que ça fait du bien. Pour les actions coordonnées concrètes à court terme, suivez les actions des associations IEF : LED’A, LAIA, CISE, UNIE, Collectif FELICIA ... et votre intuition.  
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Premiers signataires :  
Lakshmi Lanoire, danseuse géographe & mère à temps plein, partage sa vie avec trois enfants, Bains-sur-Oust, France.Sylvie - Mulhouse - Professeure de l'Education Nationale
Jean-Baptiste Malivernay - directeur organisme de formation, partage sa vie avec deux enfants, Besançon, France
Charlotte Limodin, consultante et formatrice, ex prof, partage sa vie avec deux enfants, Pays Basque.
Violette Bastin, philosophe entrepreneuse, facilitatrice/animatrice zd, ex chercheuse, ex prof, ex libraire, partage sa vie avec deux enfants, Bruxelles, Belgique
Caroline, éducatrice de jeunes enfants, partage sa vie avec deux enfants, AriègeMédée Hess, infirmière, partage sa vie avec trois personnes de -18ans, Marenne, Belgique
Simon Guichard, enseignant d'EPS, vivant avec un enfant, Nantes, France.
Lugdivine Gabriel, cadre territorial, ex assistante sociale,  partage sa vie avec trois enfants, Grans, France
Caroline de Montlebert, ingénieur agronome, partage sa vie avec quatre enfants, Corenc, France
Sophie Masson, Conseillère agricole, partage sa vie avec deux enfants, Salies-de-Béarn, Pyrénées-Atlantiques
Aude Couet-lannes, Infirmière, partage sa vie avec quatre enfants, Reims, France
Valérie Kotti, mère a temps plein, tutrice/curatrice, partage sa vie avec un enfant, Nantes
Marylin Grollemund mère à temps plein, créatrice, partage sa vie avec trois enfants, Marseille
Antoinette Laurent, sociologue photographe, partage sa vie avec trois personnes dites mineures, Allauch, France
Olivier Venck, animateur-militant et père à temps plein, partage sa vie avec trois enfants, Allauch, France
Zoé Daligault, interprète de conférences, partage sa vie avec un enfant, à Toulon, France
Jonathan Mialon, père à temps plein, partage sa vie avec un enfant, sur la Terre
Sylviana Lamour , digital nomad, partage sa vie avec trois enfants, en mouvement
Angélique Mercier, auxiliaire de puériculture, assistante maternelle, partage sa vie avec deux enfants, Rognac, France
Karine, consultante en parentalité, partage sa vie avec trois enfants, Normandie
Les signataires suivants sont en commentaires.
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Le magasin de mercerie, obstinément fermé, prenait, dans cette rue mouvementée, une apparence absurde. La poussière s’agglutinait sur les rainures, le bois se couvrait de traces de craie, les chiens venaient y lever la patte, tout se dégradait. Derrière les volets, on imaginait cet espace clos ne servant à rien ni à personne. Pour le règlement de la succession, la famille attendait toujours un conseil sans cesse retardé, chacun guettant les réactions de l’autre. Le mot « tuteur » avait été prononcé devant l’enfant, évoquant pour lui un rosier ou des rames de haricots. Parfois, une image furtive le visitait : il revoyait la table demi-ronde, le buffet, la desserte, la machine Singer, son lit, les innombrables tiroirs de la boutique. Parmi tous ces trésors, les souris devaient s’en donner à cœur joie. Tout dormait comme dans le palais enchanté de la Belle au Bois Dormant (Robert Sabatier, Les allumettes suédoises, 1969).
Saint-Etienne-du-Bois, Ain.
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Mac était venu plusieurs fois à la mercerie. Il se plantait en face de Virginie, lui faisait les doux yeux et lui expliquait qu’elle était trop belle pour rester mercière. Elle l’écoutait avec ironie et lui demandait ce qu’il lui proposait. Il finissait toujours par lui montrer un bouton qu’il avait arraché pour la circonstance. Elle acceptait de le lui recoudre, mais en lui demandant de lui tendre le veston et de rester de l’autre côté du comptoir de vente. Bougras aussi venait parfois à la mercerie, mais seulement pour demander à Virginie d’enfiler « ce sacré fil dans cette putain d’aiguille ». Il en tirait ensuite de grandes longueurs pour pouvoir se livrer à divers travaux avec la même aiguillée. Il fallait le voir coudre alors, assis près de sa fenêtre en ronchonnant : c’était cocasse car son bras ne semblait jamais assez long pour tirer tout ce fil qui s’embrouillait (Robert Sabatier, Les allumettes suédoises, 1969).
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