#Thierry Magnier
Explore tagged Tumblr posts
Text
Les orphelins héros
Voici quatre romans - deux pour adultes, deux pour enfants - qui ont pour héros des orphelins, parus en 2023. Vous verrez qu'ils sont rejoints, en 2024, par un autre...
Convoi pour Samarcande - Gouzel Iakhina
Au début des années 1920, une terrible famine se déclare en Russie. La région de la Volga est particulièrement touchée. En 1923, le gouvernement met en place un programme d’évacuation des enfants, la plupart orphelins, de Kazan, la capitale du Tatarstan, à Samarcande, ville du Turkestan, épargnée par les désastres de la révolution et de la guerre civile. Le voyage se poursuit sur quatre mille kilomètres à travers forêts, steppes et déserts. Deïev, un jeune officier de l’Armée rouge, se voit attribuer la responsabilité d’un train qui accueille à son bord pas moins de cinq cents enfants, tous très atteints dans leur santé physique et parfois mentale. Les accompagnent également la commissaire Blanche, l’infirmer Bourg, un chauffeur, des femmes chargées de s’occuper des enfants et, j’allais oublier, le lecteur pris dans ce périple souvent cauchemardesque dès les premières pages.
Les chapitres s’enchaînent tels les wagons du convoi. Le lecteur ne repose le livre que pour faire des pauses tant la situation est dramatique, mais il le reprend vite, attaché qu’il est aux personnages, aux enfants, incarnés, qui se sont donné mutuellement des surnoms; au gré de petites victoires, par exemple, quand il y a à manger. Mais ce n’est pas tout: même si ces gamins portent sur leurs corps et leurs visages les traces d’un vécu qui les fait ressembler à des petits vieux, ils conservent au fond d’eux des étincelles d’enfance, et les accompagnants en sont bouleversés. Les adultes ne sont pas en reste. On devine chez eux des blessures, en particulier chez Deïev qui, ayant pris part à la guerre civile, cherche à tout prix à expier ses horreurs, au risque de devenir fou. Mais quel héros magnifique, en particulier dans ses bras de fer contre les périls que sont la maladie, la famine, les conflits et dangers qui surgissent en route!
Gouzel Iakhina nous offre un des plus beaux romans parus en 2023 et dont on se souviendra longtemps. Son travail de documentation est à saluer. A la fin du livre, elle a pris soin de faire figurer un lexique avec les noms des enfants et leur signification. Elle les a inventés sur le modèle de sobriquets réels en se basant sur différentes sources. Son humanité leur donne une existence.
Le Verger de poires - Nana Ekvtimishvili
Autre lieu, autre époque. Nous sommes à Tbilissi, capitale de la Géorgie, au début des années 1990. Dans la proche banlieue, et plus particulièrement dans la rue de Kertch, nous faisons la connaissance de Lela, une jeune fille qui a été élevée à l’ « école des idiots ». Cette institution, héritée du passé soviétique, accueille des handicapés mentaux et des enfants orphelins. Agée de 18 ans, Lela y demeure encore - faisant partie des meubles - et y travaille. Elle protège comme elle peut les enfants, les pousse à étudier, malgré la médiocrité des cours, pour qu’ils puissent un jour tenter de voler de leurs propres ailes. Parmi eux, il y a Irakli, un garçon obnubilé par l’idée que sa mère vienne le chercher, ce qu’elle ne fera bien sûr jamais. Un jour, c’est l’effervescence dans l’internat: un couple d’Américains se présente qui cherche à adopter un enfant. Et si c’était Irakli ?
Le roman s’ouvre alors que Lela prend une douche dans le vieux bâtiment des bains. Sous le jet d’eau chaude, elle répète inlassablement : « Je vais tuer Vano… Il faut que je tue Vano. » Vano est le professeur des enfants dont il abuse, comme il a abusé de Lela. Et ce n’est pas le seul. Le ton est donné. Mais reprenons le récit. Voici justement Irakli qui vient chercher Lela. Dali, la surveillante, a besoin d’elle. Nous traversons la cour et découvrons par la même occasion le bâtiment et ses habitants. L’institution fait partie du quartier et sa vie y est imbriquée. Par exemple, les mariages se font dans le grand réfectoire. Les enfants y participent, de loin certes, mais ils assistent aux préparatifs, à la fête - une grande table est dressée pour eux un peu à l’écart. C’est l’occasion de se remplir la panse et de tout observer. Une bien maigre ouverture sur un monde où l’horizon se ferme, pour ses habitants comme pour les orphelins, au-delà de la rue de Kertch.
Malgré tout, Lela, comme d’autres, lutte pour que ses protégés en réchappent. Et une fois qu’elle aura tué Vano, elle partira elle aussi. Ce récit qui décrit bien l’atmosphère post-soviétique n’est pas dénué d’humour, voire d’une certaine naïveté, celle du regard de Lela, héroïne attachante à qui l’on souhaite, ainsi qu’à tous ces enfants grandis trop vite, un avenir un peu moins sombre.
Le Corbeau de nuit - Johan Rundberg
Place à des romans pour la jeunesse. Le premier se déroule à Stockholm en1880. Mika a 11 ans. Elle ignore tout de sa naissance et vit dans un orphelinat. Trop âgée pour aller à l’école, elle y travaille, quand elle ne sert pas à « La Chapelle », une taverne peu recommandable. A l’orphelinat, elle a un oeil sur les enfants qu’elle tente de protéger. C’est l’hiver, la nourriture manque et le froid est glacial. Des gamins des rues tentent régulièrement d’être admis dans l’établissement. En vain. Une nuit, un adolescent s’y présente. Mika lui ouvre la porte et se retrouve avec un paquet dans les bras qui contient un nouveau-né. Le jeune, terrorisé, confie à Mika que L’Ange noir est au courant de l’enlèvement du bébé. Puis, il s’enfuit.
Le lendemain, à la demande de la directrice, un agent de police se présente pour procéder à l'enregistrement du bébé et poser des questions à Mika sur les circonstances de l’abandon. Cette dernière décrit l’adolescent et mentionne l’Ange noir. Cela attise la curiosité d’un de ses collègues, l’inspecteur Valdemar Hoff, qui convoque à son tour Mika. Un crime a été commis la nuit où le bébé a été déposé à l'orphelinat. L’Ange noir en est-il l’auteur ? Le mode opératoire rappelle celui du Corbeau de nuit, un assassin en série qui a été exécuté quelques mois auparavant. Hoff ne met pas long à réaliser que la gamine est futée et ferait une excellente enquêtrice, habituée qu’elle est à tout observer afin d’échapper à de potentiels dangers. Le géant bourru aux méthodes peu conventionnelles et la fine mouche vont s’associer pour élucider une affaire de crimes en série, tous plus horribles les uns que les autres. Pour Mika, ce sera aussi l’occasion de tenter de percer le secret qui plane autour de ses origines; surtout quand elle découvre que, comme le bébé abandonné, elle portait à la naissance un bracelet de cuir orné de petites fleurs…
De ce roman, on aime tout: les personnages hauts en couleur et très attachants - dont le duo improbable de héros -, l’atmosphère sombre et glaciale, les descriptions des lieux, l’enquête palpitante, les moments de douceur entre Mika et le bébé. Le mystère autour de la naissance de Mika ne sera pas résolu, mais quelques indices sont avancés. Et comme, il s’agit d’une série, on a hâte d’en savoir plus et de participer à une nouvelle enquête.
Elisabeth sous les toits - Vincent Cuvellier
A l’âge de 10 ans, Elisabeth s’est enfuie de son orphelinat en Bretagne pour rejoindre Paris où elle pense mener une vie meilleure et obtenir des informations sur ses parents. Arrivée dans la capitale, deux clochards l’adoptent et la conduisent à l’immeuble de la rue Marbeuf où ses parents ont vécu et où elle s’installe dans la clandestinité, se cachant le jour et sortant la nuit. La capitale se répartit en plusieurs territoires: dont, à l’est, celui des apaches, voyous et truands en tout genre, et, côté Opéra, celui les riches. Voyous et bourgeois se côtoient à la Bastille où les Auvergnats ont ouvert des restaurants et des commerces de charbon. Rue de Lappe, les bals musette fleurissent et l’on danse la java. La gamine, qui n’a pas froid aux yeux, n’hésite pas à franchir la porte du Balajo où elle fait la connaissance de Blaise Cendrars qui la prend sous son aile et lui présente ses amis : Picasso, Foujita, Max Jacob, entre autres. Et même un « nègre » danseur de charleston.
On se prend d’amitié pour cette gamine débrouillarde et courageuse qui ne craint ni les Schmolls, petits êtres fantastiques et malfaisants dont son immeuble est envahi, ni les fantômes. Elle nous fait découvrir des personnages et des lieux emblématiques du Paris d’après-guerre et l’atmosphère des années folles. Vincent Cuvellier signe ce bon roman d’aventure lié à l’Histoire. A l’instar de ses personnages, son écriture est vivante, émaillée de mots d’argot, en particulier dans les dialogues. Guillaume Bianco, auteur des illustrations, livre une interprétation très convaincante des personnages.
A la fin du livre figure un bonus avec les paroles de la chanson « Les Goélands », un quizz sur les années 1920 à Paris et trois femmes qui ont fait bouger les Années folles: Coco Chanel, Joséphine Baker et Louise Brooks.
On pensait qu'Alexandre sur les flots serait la suite des aventures d'Elisabeth. Or, si l'on y croise la gamine, ce roman met en scène un autre orphelin, Alexandre, et se déroule à la même époque. Tout aussi réussi que le premier et toujours accompagné des chouettes illustrations de Guillaume Bianco, on y apprend l'origine des Schmolls et on plonge à nouveau dans l'Histoire - principalement la Russie. C'est passionnant. Vincent Cuvellier, pour ne pas perdre son lecteur, se permet même à l'occasion des chapitres où il s'adresse à ce dernier en aparté pour résumer la situation. C'est assez gonflé, drôle, mais bien utile. L'écriture est toujours aussi vivante et le ton de certaines phrases - cela n'engage que moi - m'ont rappelé la série "Emile". A la fin du roman, Elisabeth et Alexandre se retrouvent, font plus ample connaissance et nous laissent envisager qu'on les reverra car tout les lie.
Soie. Les Orphelins d'Argentan - Alice Brière-Haquet
Quelques jours après la disparition de sa mère, morte en couches, Lise intègre l’orphelinat d’Argentan où les jeunes filles sont formées à l’art de la dentelle. Son père n’a plus donné signe de vie depuis de quelques mois malgré l’approche du terme de la naissance. Aventurier dans l’âme, se lançant dans des projets sensés apporter fortune à sa famille, mais dont l’échec est prévisible, il garde en temps normal le contact avec les siens au moyen de messages. Voici donc Lise séparée de ses frères, l’aîné comme le nourrisson.
A l’orphelinat, il se passe de drôles de choses. Dans des circonstances tenues secrètes, le petit frère de Lise est adopté par une mystérieuse comtesse que tout le monde craint. Au même moment, une commande est passée à l’atelier pour la confection d’une robe de mariée entièrement réalisée en dentelle. Lise, qui n’est pourtant que débutante, est choisie pour y travailler. Le fil que les ouvrières devront utiliser est d’une finesse extraordinaire, mais il est d’un gris terne. Drôle de couleur pour une robe de mariée. Lise va enquêter.
On se prend vite d’affection pour l’héroïne et l’amie qu’elle se fait à l’orphelinat. Bien ficelé, ce roman haletant se lit avec plaisir. Et on apprécie les informations sur la fabrication des toiles d’araignées et de la dentelle que l’on complètera en allant faire un tour sur internet !
Convoi pour Samarcande, Gouzel Iakhina, trad. Maud Mabillard, Noir sur Blanc, 2023
Le Verger de poires, Nana Ekvtimishvili, trad. Maïa Varsimashvili-Raphael et Isabelle Ribadeau Dumas, Noir sur Blanc, 2023
Le Corbeau de nuit, Johan Rundberg, trad. Marina Heide, Thierry Magnier, 2023
Elisabeth sous les toits, Vincent Cuvellier, ill. Guillaume Bianco, Little Urban, 2023
Soie. Les Orphelins d'Argentan, Alice Brière-Haquet, Rouergue, 2024
Alexandre sur les flots, Vincent Cuvellier, ill. Guillaume Bianco, Little Urban, 2024
#orphelin#orphelinat#Russie#Georgie#Paris#Années folles#Johan Rundberg#Nana Ekvtimishvili#Gouzel Iakhina#Vincent Cuvellier#Guillaume Bianco#Noir sur Blanc#Thierry Magnier#Little Urban#famine#Rouergue#Alice Brière-Haquet
1 note
·
View note
Text
Juste avant que, Joanne Richoux
Une atmosphère de fin du monde, des sirènes qui retentissent, des klaxons, des cris, des explosions. Panne de réseau. Plus d’électricité. Émeutes dues à la tension sociale qui couve depuis des années ? Panique face à une catastrophe naturelle qui se prépare ? Et au milieu de tout ça, la narratrice, son meilleur ami, et la chambre de ce dernier. Le désir qu’elle ressent pour lui, l’amour peut-être aussi — mais surtout le désir. J’ai vraiment apprécié ce court roman, où se mêlent érotisme, attirance montée de l’envie, et atmosphère apocalyptique. La narratrice nous raconte son quotidien, celui de son meilleur ami, mais aussi les problèmes sociaux — les riches qui étouffent les classes, les forces de l’ordre qui foncent sur les manifestants étudiants avant de les abattre, l’industrie agroalimentaire qui régit tout, le climat qui a foutu le camp en laissant la France sous 47°… C’est horrible parce que ça pourrait arriver, et d’ici pas si longtemps. Et en même temps, cette langueur, cette attente, cette envie dévorante qu’elle ressent pour son ami. Jusqu’à ce que. Juste avant que.
23/01/2024 - 24/01/2024
#livres#books#livre#book#littérature#littérature young adult#young adult books#young adult#l’ardeur#thierry magnier#éditions thierry magnier#juste avant que#joanne richoux#dystopie#romance books
0 notes
Text
Ash et Rose de Nathalie Bernard
View On WordPress
#NetGalleyFrance#Amour#Ash & Rose#éditions thierry magnier#Nathalie Bernard#netgalleyfrance#Romance gothique#suggestion lecture
0 notes
Text
Le choix littéraire de Sab en Live : "Les nuées - Eremos " de Nathalie Bernard chez Thierry Magnier
Je prends le risque, un long post que la gent masculine ne lira pas jusqu’au bout. “ En français, « l’homme » englobe la femme, quand il s’agit de l’espèce. Cependant la place qu’on accorde à la femme dans la société, est révélatrice des mentalités et des modes de pouvoir (le Larousse)Claudie Haigneré, fut la première femme française à aller dans l’espace puis ensuite la première européenne à…
View On WordPress
0 notes
Text
CRAC
Bravo, maman manchot! - Chris Haughton
(Éditions Thierry Magnier)
0 notes
Text
3 romans jeunesse qui parlent des relations entre enfants et animaux
Lectures thématiques de septembre 2023
J'essaie de lire davantage de littérature jeunesse. Pour l'ex étudiant en lettres que je suis, habitué pendant des années à ne lire (et, pourrais-je quasiment dire, à n'aimer) que la littérature générale pour adultes, ce n'est pas chose aisée. Certes, je lisais de la fiction pour enfants et ado lorsque j'étais dans ces tranches d'âge, mais aujourd'hui je suis un peu perdu, pour ne pas dire carrément plus à jour. Alors, pour me motiver, j'essaie de me constituer des petits corpus thématiques. Ce mois-ci, j'ai sélectionné trois romans jeunesse qui traitent du rapport entre les enfants et les animaux :
Jonas dans le ventre de la nuit, Alexandre Chardin, 2016
Le Tigre de Baiming, Pascal Vatinel, 2012
Vif-Argent, Josep Vallverdú, 1969 [traduction d'Anne-Marie Pol, 1989]
Jonas dans le ventre de la nuit, Alexandre Chardin, éditions Thierry Magnier, 2016
Quelque part en France, dans une région montagneuse, au crépuscule. Un vieil âne, Sorgo, se débat avec un homme. L'éleveur, qui ne peut plus assumer les frais médicamenteux de l'animal, tire à contrecœur sur sa bride pour le faire grimper dans un camion, direction l'abattoir. De l'autre côté de la rue, à travers sa fenêtre, Jonas, un jeune collégien, assiste à ce douloureux spectacle. Sans trop réfléchir, révolté par les braiments déchirants de l'équidé, il sort en courant vers le camion et profite d'un moment d'inattention du fermier pour s'enfuir avec l'âne. Commence dès lors un périple d'une nuit, une lente cavale dans la montagne et sa forêt. Au début de sa fuite, Jonas et Sorgo (désormais silencieux) croisent le chemin d'Aloïse, un camarade de classe de Jonas, qui lui propose de les accompagner. Cahin-caha, les trois compagnons de route s'enfoncent dans l'obscurité du bois qui borde la ville.
Dans ce roman, il ne se passe en apparence pas grand chose, si ce n'est une longue et laborieuse marche, pas après pas, et les discussions entre Jonas et Aloïse, pour décider quel chemin prendre ou tout simplement tuer le temps.
- Tu crois qu'ils nous retrouverons ? demande Jonas après un virage à angle droit. - Ça dépend. Un peu plus loin, Aloïse ajoute, essoufflé : - Ça dépend de l'endroit où on va, et s'ils retrouvent nos traces. Une fois encore, la question est sur les lèvres de Jonas. Où vont-ils ? Mais il veut continuer à marcher dans la nuit sans se demander : ni "où ?", ni "quand ?". Plus de temps, plus de lieu. Marcher et n'avoir plus que les quelques mètres du halo de la lampe d'Aloïse comme futur. (p. 33)
Une intrigue ténue, donc, mais marquée, pourtant, par de nombreuses métamorphoses : celle de la nuit, qui s'épaissit puis s'ajoure ; celle de la nature, que les humains disputent aux animaux sauvages ; et celle, enfin, des deux garçons eux-mêmes, qui ressortiront changés de cette traversée initiatique. Pourquoi Jonas s'est-il précipité sans réfléchir dans cette traversée au décor de neige et de cendre ? Cette fugue a-t-elle seulement à voir avec Sorgo, ou bien aussi avec son histoire d'enfant placé, lui dont la mère a par le passé "craqué" et incendié leur maison ? Et Aloïse, pourquoi l'a-t-il accompagné dans sa fuite, lui si mélancolique et en apparence si peu taillé pour la randonnée, avec "ses kilos en trop" ? Sait-il au moins où ils vont ?
Au fil des pages, nous découvrons peu à peu la vérité intime des personnages, en suivant leurs traces avant que la neige ne les efface. Mais c'est surtout à la fin du roman, avec l'aube, que la lumière éclaire les raisons de cette aventure, concluant ainsi joliment la longue partie médiane de l'intrigue, devenue au bout d'un moment un peu lassante à force de cultiver un sentiment de mystère et de contemplation.
Tout au long du récit, Alexandre Chardin apporte un soin particulier à la description de la nature :
De minute en minute, la nuit se coule dans les ombres des arbres. La lumière sourd de la mousse couvrant les troncs. Les branches grises et nues découpent tous les bleus du ciel. Le blanc pur de la neige fraîche sur le sol blesse les yeux épuisés de Jonas habitués à fouiller l'obscurité. (p. 130)
Ces descriptions, courtes mais poétiques, traduisent la beauté de l'environnement des personnages sans toutefois masquer sa dangerosité, sa rudesse. Le choix de la forêt et de la montagne n'est d'ailleurs pas sans rappeler l'univers primitif du conte, où les loups rôdent et où le froid mord la peau des enfants perdus. Une manière de dire, peut-être, que cette traversée dans le ventre de la nuit est aussi la genèse d'une vie nouvelle, pleine de réconciliations.
Le Tigre de Baiming, Pascal Vatinel, éditions Actes Sud Junior, 2012
Contrairement au livre précédent, Le Tigre de Baiming est un roman assez classique, qui s'inscrit pleinement dans le genre du roman écologiste à thèse. Dans le Sud de la Chine, deux enfants, Baiming et Chu, découvrent dans la jungle une femelle tigre et ses deux petits, alors même que l'on pensait l'espèce disparue de la région. Cette découverte ne tarde pas à être ébruitée et à attirer la convoitise des braconniers, à la tête desquels l'impitoyable Monsieur Lin. S'en suit alors un violent bras de fer entre chasseurs et protecteurs des tigres, et une course contre la montre pour retrouver Baiming, qui s'est enfui au cœur de la jungle.
On peut d'abord regretter dans ce roman une narration omnisciente très peu surprenante, qui déroule son message avec limpidité et sans éclat stylistique, en restant toujours à la surface des personnages. Personnellement, cela me frustre et me donne une fois de plus l'impression que parce que le public visé est un public jeunesse (en l'occurrence plutôt les jeunes adolescent.e.s), on peut ne pas trop faire d'effort sur le style et la construction des personnages. Assurément, Pascal Vatinel n'a pas de temps à perdre avec cela, il faut que les actions s'enchaînent, à un rythme trépidant et captivant, et il est vrai que sur ce point c'est réussi, on a affaire à un véritable récit d'aventures tropical. S'il y a audace de la part de l'auteur, tout de même, c'est peut-être dans la violence crue et les défaites accablantes que subissent certains personnages, qui confèrent au moins un peu de vraisemblance à cette narration très programmatique, en l'arrachant à un idéalisme trop gentillet. On ne peut aussi que remarquer l'astuce du changement de protagoniste en cours de récit (d'abord Baiming jusqu'à la découverte du tigre, puis le Docteur Song pendant les recherches dans la jungle), qui permet dans un premier temps de découvrir les fauves à hauteur d'enfant et de s'attacher à ce dernier, puis d'incarner, à travers le personnage de la vétérinaire obstinée, une double peur de la mort (celle de Baiming et celle des tigres) et une farouche conviction écologiste.
Écologiste, dis-je en effet, car s'il est bel et bien question du sort que l'homme réserve à la faune sauvage, ce n'est pas tant la question de la souffrance animale qui importe l'auteur mais plutôt la question de la disparition des espèces. J'en veux pour preuve la rédaction par l'auteur d'un postambule au récit, intitulé "À propos de l'extinction des tigres", où il explique de manière pédagogique son engagement. En ce sens je ne qualifierais pas du tout ce roman d'animaliste, ni même de sensible à la subjectivité des animaux (elle est tout à fait absente du roman, anthropocentré de bout en bout). Une manière un peu datée de penser l'écologie, hélas.
Bref, un roman sympa mais sans plus, qui ne restera certainement pas très longtemps dans ma mémoire.
Vif-Argent, Josep Vallverdú, 1969 [traduction d'Anne-Marie Pol, 1989]
Un roman très mignon sur un petit chiot fugitif qui découvre le monde - sa sensorialité, ses bonheurs et ses cruautés. D'abord recueilli par un jeune fermier qui le baptise Vif-Argent, ce dernier fait l'apprentissage de la vie en communauté, avant d'être capturé par un dompteur et enfermé dans un cirque, où il doit lutter pour sa survie.
Je n'attendais pas grand chose de ce roman, mais cela a été finalement une bonne surprise : l'histoire est entièrement racontée, non pas du point de vue du chien (la narration est omnisciente, à la troisième personne), mais à sa hauteur, grâce à une utilisation fréquente du discours indirect libre. L'écriture n'est pas particulièrement éclatante mais l'on apprécie la tendresse et la malice qui s'en dégage. À vrai dire, on perçoit très bien la vocation éducative de ce roman d'apprentissage animalier : à travers les bêtises, les interrogations et les surprises de Vif-Argent, ce sont celles des petits d'hommes qui sont évoquées. Si la quantité de texte nécessite une certaine maîtrise de la lecture, le découpage en chapitres de durée raisonnable et égale peut parfaitement se prêter à une lecture du soir par un adulte. De quoi partager un joli moment avec son enfant et engager une discussion sur ce que signifie grandir.
#Jonas dans le ventre de la nuit#Alexandre Chardin#Le Tigre de Baiming#Pascal Vatinel#Vif-Argent#Josep Vallverdú#jeunesse#littérature jeunesse#animaux#chiot#âne#tigre#écologie
0 notes
Text
CALIFICACIÓN PERSONAL: 5 / 10
Título Original: Astérix aux jeux olympiques
Año: 2008
Duración: 116 min
País: Francia
Dirección: Thomas Langmann, Frédéric Forestier
Guion: Alexandre Charlot, Olivier Dazat, Thomas Langmann, Franck Magnier. Cómic: René Goscinny, Albert Uderzo
Música: Frédéric Talgorn
Fotografía: Thierry Arbogast
Reparto: Gérard Depardieu, Clovis Cornillac, Alain Delon, Elric Thomas, Jean-Pierre Cassel, Santiago Segura, Benoît Poelvoorde, Vanessa Hessler, José García, Zinedine Zidane
Productora: Coproducción Francia-Alemania-España-Italia-Bélgica; Pathé Renn Productions, La Petite Reine, TF1 Films Production, TriPictures, Sorolla Films, Constantin Film, uFilms, Novo RPI, Canal+, Canal+ España
Género: Adventure; Comedy; Family
TRAILER:
dailymotion
0 notes
Photo
!PRIX!
Le Musée de l’illustration jeunesse de Moulins-sur-Allier a décerné il y a peu son Grand Prix d’illustration...
... et la lauréate est : Pauline Kalioujny pour “Promenons-nous dans les bois��� (éd. Thierry Magnier, 2017) !
Déjà lauréat du Prix Pitchou 2018 du Festival de Saint-Paul-Trois-Châteaux,ce leporello gravé propose un chouette détournement de la célèbre ritournelle enfantine.
Cet ouvrage est à découvrir au Centre de l’illustration et l’on vous invite à explorer les autres albums illustrés par Pauline Kalioujny dans les différentes sections jeunesse du réseau des médiathèques :
- “Une touche de couleurs”, éd. Hongfei, 2009 (Méd. Malraux) ;
- “Un jardin en hiver”, éd. Thierry Magnier, 2014 (Méd. Malraux & Lingolsheim) ;
- “Panda”, éd. Thierry Magnier, 2014 (Méd. Malraux, Neuhof, Neudorf, Olympe de Gouges, Lingolsheim & Illkirch) ;
- “Voilà l’hiver”, éd. Seuil, 2017 (Méd. Lingolsheim & Illkirch) ;
- “Voilà l’été”, éd. Seuil, 2018 (Méd. Meinau, Robertsau, Olympe de Gouges & Neuhof) ;
- “Face au tigre”, texte de Chun-Liang Yeh, éd. Hongfei, 2010 (Méd. Neudorf & Illkirch).
#pauline kalioujny#illustration#prix#award#musée de l'illustration jeunesse#mij#thierry magnier#hongfei#seuil
2 notes
·
View notes
Text
All together
Titre : All together
Auteur : Edward van de Vendel
Roman jeunesse
Maison d’édition : Thierry Magnier
Disponible en version papier - Nombre de pages : 402
Âge conseillé : ado
Résumé
Tycho, Vonda, et Moritz partagent la cuisine et la salle de bains de leur colocation. Leurs doutes, leurs rêves d'artiste aussi, et bientôt, un projet complètement fou ! Une maison de disques propose à Vonda de représenter les Pays-Bas au concours Eurovision. Elle accepte de chanter à condition que Tycho et Moritz fassent partie de l'aventure. Plus soudé que jamais, le trio va découvrir la vie de star. Première année à l'université, celle de tous les possibles, de toutes les folies, de toutes les découvertes. L'heure des choix, professionnels, artistiques et sexuels.
Identité représentée :
Gay
Thématiques présentes :
Amour, amitié, danse, musique, fête, homosexualité, Eurovision
Avis de Aiden
Un superbe roman sur l'Eurovision.
#coming out#homosexualité masculine#homosexualité#gay#All together#Edward van de Vendel#orientation sexuelle#littérature jeunesse#roman jeunesse#roman LGBT#roman gay#roman ado#Eurovision#amour#amitié#danse#musique#fête#littérature néerlandaise#Thierry Magnier#LGBT#conseil lecture
3 notes
·
View notes
Note
Can you share some of your favorite books with us?
oh ym god thank u this is the best question <3 definitely leaving a lot out but here for the sake of time and space but here are the ones id rather die than be without lol
the way of the tarot - alejandro jodorowsky literally my bible like ive slept w this in my bed like a stuffed animal multiple times it’s underlined and written all over lmao, ended up writing my thesis on the tarot (and leonora carrington, who was his tarot teacher) based off the stuff ive learned from this book song of songs from the bible uuuhmmm yeah one of the greatest poems and mystical texts ever written also reading it 20000 times and thinking about it a lot really influenced my spiritual philosophy ladders to fire anais nin love and other demons gabriel garcia marquez wise blood flannery oconnor weetzie bat (and all the books in that series), got the 1st book when i was 13 changed my life forever going solo roald dahl this compilation of edgar Alan poe poetry lol night wraps the sky: writings by and about mayakovsky my beloved mayakovsky ilysm <3 les fleurs du mal baudelaire duhhh tristessa jack karouac isabelle and the angel - thierry magnier literally a kids book that ive had forever and have a complex about where i feel like it prophecized the course of my life, also the illustrations are oil painted and so beautiful i’m with the band - pamela des barres <3 i first discovered gram parsons cuz of this book need i say more ask dr. mueller: the writings of cookie mueller -cookieee i love you so much. this is a compilation of her short stories and such and mostly it’s my favorite for this one story about her going to jamaica in the 70s with her son and gf and it’s seriously some of the most beautiful writing i’ve ever read. all the other stories are so good too. i discovered it in 2018 while going thru cookie’s archive at the NYU library and read an original copy that allegedly belonged to david wojnarowicz (<3) moon moon anne kent rush alice in wonderland - lewis carroll literally fave forever ive owned like 30 copies throughout my life& its another one w an intense affect on my subconscious lol
also the collected articles of ida craddock (!!! google her), the bell jar (duh), ram dass be here now, d’aulaires book of greek myths and euripides the bacchae
#sorry this is so long lol but theres no simple answer to that question#but ty again for asking ur da bomb <3
9 notes
·
View notes
Photo
Fanny Ducassé (@ducasse.fanny): Dessin extrait de "Rosalie et le langage des plantes" (éd Thierry Magnier)
23 notes
·
View notes
Text
La Chasse, Maureen Desmailles
À 17 ans, Max s’est toujours senti.e invisible, dans l’ombre de son grand frère parfait en tout point. Cet été était censé être synonyme de solitude, jusqu’à sa rencontre avec sa voisine Ellie et le copain de celle-ci, Cosme, qui s’aiment de façon solaire, pétillante et libre… Max ne sait plus qui l’attire le plus.
Ce nouveau titre de L’Ardeur est très sympa et très agréable à lire. Et j’ai surtout aimé la « contrainte » d’écriture : La Chasse met en scène un personnage dont on ne sait pas s’il est une fille ou un garçon, et c’est un tour de force que je salue. Comme avec Citron, c’est toujours un titre que j’aurais aimé lire ado, et je suis toujours autant reconnaissante à L’Ardeur de proposer des textes forts comme ça. Surtout dans un climat (honteux) propice à la censure…
Max s’interroge sur lui.elle, sur sa sexualité, sur son désir. Iel fait la rencontre de deux personnes solaires qui aiment de façon différente, ainsi que de leur groupe d’ami.e.s, et sa vie va s’en retrouver bouleversée. On parle de bisexualité, d’amour libre et de désir, et c’est fort !
25/09/2023
#livres#books#livre#book#littérature#littérature francophone#littérature young adult#la chasse#maureen desmailles#l’ardeur#éditions thierry magnier
2 notes
·
View notes
Text
Festival del Libro
Solbiate Olona, 3 lugio 2021 - Incontro con la scrittrice Lorenza Ghinelli per il Festival del Libro organizzato dal Centro Bibliotecario Busto Arsizio - Valle Olona presso il bellissimo giardino del Centro Anziani in Piazza Gabardi
Lorenza Ghinelli ha scritto Il Divoratore (pubblicato da Newton Compton e venduto in sette Paesi), La colpa (finalista nel 2012 al Premio Strega), Con i tuoi occhi, Sogni di Sangue, Almeno il cane è un tipo a posto (edito da Rizzoli e vincitore del Premio Minerva, pubblicato anche in Francia da Editions Thierry Magnier), Anche gli alberi bruciano, (Rizzoli), Tracce dal silenzio (pubblicato da Marsilio e finalista al Premio Scerbanenco) e Bunny Boy (sempre edito da Marsilio). Diversi suoi racconti sono presenti in antologie pubblicate da Guanda, Bompiani, Elliot, Newton Compton, Il Castoro, CTRL. È stata editor interna, soggettista e sceneggiatrice per la televisione. Da oltre dieci anni collabora con la Scuola Holden come docente e tutor. Vive a Rimini.
4 notes
·
View notes
Photo
0 notes
Photo
COUP DE ❤️ : Le roi des mouettes, la reine des chouettes, de Vincent Cuvellier chez Thierry Magnier Éditions. "Après une catastrophe qui a anéanti les villes, les humains rescapés se réfugient dans les forêts. Les animaux se réunissent pour délibérer sur le sort des hommes. Les tuer ? Les aider ? Chaque représentant de la faune et aussi un peu de la flore exprime son avis, sa rancoeur, c'est l'heure des comptes mais le pouvoir a changé de main, les plus forts sont maintenant les animaux qui vont voter pour sauver les hommes, ou non. Un bébé fera pencher la balance. Décalée et drôle, cette assemblée d'animaux donne la parole aux goélands, aux rats, aux abeilles, aux biches, aux moustiques, aux orties aussi." Disponible dans votre Bibliothèque 📚
#coup de coeur#littérature jeunesse#littérature de jeunsse#roman#roman jeunesse#lecture#lecture jeunesse#Thierry Magnier#bibloithèque#Montreux
0 notes
Photo
!SÉLECTION!
“Si par hasard, sur l’ Pont des Arts, tu croises le vent, le vent fripon, […] badaud prends garde à ton chapeau”...
Quelques chapeaux illustrés, envolés…à rattraper et lire à l’ombre du Centre de l’Illustration !
Sélection “Envol de chapeaux”
- “Le chapeau volant”, Tomi Ungerer, éd. L’École des Loisirs, 2006 ;
- “Chapeau ! la petite bête”, Antonin Louchard, éd. Petit POL, 2004 ;
- “Chapeau perdu”, May Angeli, éd. Thierry Magnier, 2006 ;
- “Oh ! Mon chapeau”, Anouck Boisrobert & Louis Rigaud, éd. Hélium, 2014 ;
- “Où est mon chapeau ?”, Masanobu Sato, éd. Joie de lire, 2012 ;
- “Le chapeau : et c'est toujours la même histoire”, Marcus Malte et Rémi Saillard, éd. Syros, 2006 ;
- “The Queen’s Hat”, Steve Anthony, éd. Hodder Children's book, 2014.
#chapeau#hat#sélection#tomi ungerer#antonin louchard#may angeli#anouck boisrobert#louis rigaud#masanobu sato#marcus malte#rémi saillard#steve anthony#hodder#l'école des loisirs#pol#thierry magnier#hélium#joie de lire#syros
2 notes
·
View notes