#Jeanne Marie Jacqueline Le Bris
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selidren · 22 hours ago
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Automne 1929 - Champs-les-Sims
2/7
Elle n'est pas restée longtemps, mais assez pour que nous ayons pu parler longuement avec elle. Elle nous a raconté votre vie à Hylewood à renfort de nombreux détails sur le quotidien, et ça m'a donné encore plus envie de voir votre île un jour. Elle s'est aussi montrée très curieuse à notre égard et je lui ai raconté mon enfance, comment se portaient les affaires, et ainsi de suite. Elle a été enchantée par notre jardin, même si à cette période de l'année, il n'est pas si eau. Dommage qu'elle ne soit pas restée jusqu'au printemps, c'est le moment de l'année ou je le trouve le plus magnifique. Mais avec un enfant à la maison, je la comprends parfaitement.
Elle s'est montrée également très intéressée par la jeunesse de mon père, et là j'ai béni Oncle Adelphe de nous avoir abreuvé d'anecdotes plus jeunes. Elle a à peine croisé l'un comme l'autre, d'une part parce que le regard de mon père l'a vaguement transpercée quand nous lui avons présenté, mais aussi parce qu'elle portait ce jour là un voile très épais. J'imagine que mon père ne s'est pas grandement intéressé à elle. Elle a également à peine croisé Adelphe, mais j'ai eu la drôle d'impression qu'elle l'évitait. Ce n'est pas quelqu'un de grossier, alors je n'ai aucun mal à comprendre qu'elle n'ait pas osé avouer que la cicatrice de mon oncle est impressionnante pour quelqu'un qui n'est pas habitué.
Transcription :
Lucrèce « C’est joli ici. Ces photographies sont magnifiques ! »
Ange « Oh, vous savez, ces meubles sont plus vieux que mes grands-parents, je les ai toujours connus. Quand aux photographies, c’est l’oeuvre de ma belle-mère. Elle les a prises pendant les chantiers de son mari en Egypte. Mon beau-père est archéologue vous savez. »
Lucrèce « Oui, on m’en a touché un mot. Ils sont là ? »
Ange « Ils doivent déjà dormir. Vous vous en doutez, la journée a été épuisante pour tout le monde. C’est dommage, vous avez manqué votre Tante Jeanne de peu. Elle aurait sans doute été contente de vous rencontrer. A son âge, vous savez… Bref, l’Oncle Adelphe l’a raccompagnée chez elle il y a à peine une heure. »
Lucrèce « C’est dommage oui. Ma mère n’était pas une femme facile, elle a causé de la misère à ma tante à ce qu’on dit. C’est triste qu’elles n’aient pas pu se réconcilier. »
Ange « Vous pourrez toujours y passer demain, mais je vous préviens, la Tante Jeanne quitte rarement le lit avant dix heures. »
Lucrèce « Je n’y manquerais pas, j’ai personnellement toujours voulu la rencontrer. Vous savez, on jase beaucoup sur la famille française à Hylewood. Eugénie me parlait beaucoup d’Albertine et des enfants. »
Ange « La réciproque est vraie. J’ai été triste d’apprendre pour votre tante, je vous présente toutes mes condoléances. »
Lucrèce « Et moi, pour votre arrière-grand-mère. La nouvelle a été choquante, à Hylewood, tout le monde a entendu parler d’Eugénie Le Bris. J’ai entendu parfois des vieux à qui on demandait comment ils allaient répondre « Pas pire, mais j’ai pas la santé d’Eugénie Le Bris moi ! »
Ange « C’est fou ce qu’elle nous manque. Mais je pense que ça lui aurait fait plaisir de savoir qu’un membre de la famille canadienne a fait le déplacement pour elle. »
Lucrèce « C’est bien normal ! C’était ma… enfin, une cousine que nous connaissions depuis si longtemps... »
Ange « Et dire que personne ici n’a fait le déplacement pour votre tante Eugénie… »
Lucrèce « Ce n’est rien. »
Ange « Mais si, la famille canadienne a envoyé quelqu’un et nous... »
Lucrèce « Oh, vous savez, on ne m’a pas vraiment envoyée. C’est bien plus une initiative personnelle, je me disais que je pourrais rencontrer ma tante et voir un peu de pays. »
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aisakalegacy · 2 years ago
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Automne 1885, Hylewood, Canada (1/5)
Chère Lucrèce,
Je vous écris avec une heureuse nouvelle : nous venons de célébrer le mariage de Françoise, qui a fêté ses dix-neuf ans cet été, avec Mr. Simmon. Ma fille a failli arriver en retard à sa propre cérémonie à cause du temps qu’elle a mis à se préparer, ce qui a fait paniquer son fiancé… Heureusement, ma fille a honoré ses voeux et j’ai pu la conduire à l’autel, ce que je regrette de n’avoir pas pu faire pour ma fille aînée.
Les deux jeunes gens ont été mariés à l’église anglicane d’Hylewood par le Révérend Bernard, encore un, qui vient de reprendre la paroisse. Cela faisait des années que je n’avais pas mis les pieds dans une église, et en tant qu’athée, ces lieux me procurent toujours une impression curieuse. Je suis heureux que ce soit lui qui les ait mariés : contrairement à son prédécesseur, appointé au départ de mon beau-frère, le Révérend Bernard est un homme de l’île. Il avait déjà une part active dans la communauté car il prenait une partie de son temps pour enseigner à l’école publique d’Hylewood, où il dispensait des cours d’éducation religieuse.
Je parle bien au passé : je ne vous l’ai pas mentionné, mais la fermeture de l’école de Hylewood avait été annoncée en 1881, pour 1885. C’est désormais chose faite. Elle était trop peu fréquentée, et il y avait eu des plaintes à l’encontre de l’enseignant. Les enfants de l’île sont désormais scolarisés à Gananoque et doivent prendre le traversier tous les matins pour rejoindre le continent. Mon Jules a douze ans et il n’est plus question de le laisser aller seul à la ville ; il commencera d’ici peu des cours avec un précepteur.
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selidren · 7 months ago
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Printemps 1919 - Champs-les-Sims
4/4
Par ailleurs, je tenais à vous entretenir d'une affaire qui me touche énormément ces derniers temps, et j'espère que je trouverai en vous une oreille attentive. Vous seriez presque la seule dans mon entourage.
Je ne sais si Jules vous en avait parlé, mais quand ma chère Marie est morte, elle venait de mettre au monde la petite Jeanne, et laissait également derrière elle (en plus de son fils), deux autres filles : Emma et Anne. Adelphe était alors encore hospitalisé à Compiègne et il était si bouleversé qu'à son retour, il est revenu habiter à la Butte-aux-Chênes. Ses filles résident chez leur tante Jacqueline, la soeur de Marie. Quand à Alexandre, il s'est aménagé un appartement dans le petit théâtre où il vit presque comme un reclus. Cet arrangement m'est apparu naturel pendant un temps, sans compter que dès qu'Adelphe et son fils sont dans la même pièce, le ton monte très rapidement. Récemment, les nouvelles rancunes d'Alexandre envers son père sont que ce dernier ne visite pas assez leurs soeurs. Lui-même est à cet égard un frère modèle, et ses soeurs sont la prunelle de ses yeux. Je n'y ai d'abord pas cru, car Adelphe est parti régulièrement de la maison pour les voir, et ce n'est pas son genre de mentir. Mais Jacqueline a pu certifier à Madame Eugénie que cela fait à ce jour des mois qu'Adelphe n'est plus assidu, qu'il manque de nombreuses visites chez ses filles.
Selon Madame Eugénie, Adelphe ne supporte pas de poser les yeux sur la petite Jeanne. Non pas qu'il lui reproche la mort de sa mère, mais plutôt que la petite ressemble tellement à Marie qu'il en a pleuré à plusieurs reprises. Notre matriarche accueille cette situation avec un fatalisme qui est apparemment une sorte d'habitude chez elle. Elle trouve tout cela regrettable, mais gare à qui oserais critiquer Adelphe !
Je pense très sincèrement qu'elle n'en a pas forcément conscience, mais qu'Adelphe est son préféré parmi ses petits-enfants, et au vu de son histoire, c'est compréhensible. Je comprends également que tout cela ait été très dur pour mon beau-frère, et que les expériences qu'il a vécues suffisent à changer un homme, mais je ne reconnais pas le père affectueux qu'il était, celui qui s'asseyait avec son fils pour l'aider à faire ses calculs, qui lui ébouriffait les cheveux avec affection, et qui regardait chacun de ses enfants comme si ils étaient les merveilles qui illuminent son existence. Je suis d'autant plus affligée que personne ne lui dit quoi que ce soit, et qu'en plus, il ne s'agirait pas de le remettre sur le droit chemin. A ce titre, même si je n'ai pas son caractère impulsif et colérique, je rejoins le point de vue d'Alexandre. Peu importe à quel point c'est difficile, les filles ont besoin de leur père. La petite Jeanne a à peine deux ans, et elle ne le voit presque jamais ! J'ai donc adopté une certaines distance et un ton assez froid quand je m'adresse à mon beau-frère, afin de lui faire connaître ma désapprobation. Constantin ne l'a bien entendu pas compris (il ne voit même pas en quoi la situation est problématique), mais j'ai enfin réussi à lui faire comprendre qu'il s'agit là de mes rapports avec Adelphe et que cela ne le concerne pas. Quand à Adelphe, il s'est montré blessé par mon comportement, ce qui était le but de la manoeuvre, mais il lui reste assez de dignité pour me le reprocher. Son visage se pare toujours d'un air profondément honteux quand je m'adresse à lui, et j'espère qu'ainsi, j'arriverai à le faire revenir à la raison.
J'ai conscience que cette situation vous parait bien complexe. Figurez vous par exemple que j'ai songé à plusieurs reprises à écrire une lettre à Alexandre pour lui faire savoir que j'étais d'accord avec lui, mais j'ai finalement renoncé, de crainte que Madame Eugénie n'en entende parler. Je ne tiens pas à ce qu'elle me mène la vie dure au nom de ce qu'elle considère comme un tabou. C'est sans doute à ce moment que j'ai définitivement fait le deuil de l'idée que je serai un jour maîtresse en ma propre maison.
Avec l'assurance de toute mon affection,
Albertine Le Bris
Eugénie « Oh comme elle a grandit ! C’est incroyable ! Bonjour Jeanne, reconnais-tu ton arrière-grand-mère ? »
Jacqueline « Cela fait plaisir de vous voir Madame Le Bris. »
Eugénie « De même Jacqueline, vous ne savez pas à quel point je vous suis reconnaissante de vous occuper des petites. Je ne suis plus de première jeunesse et Albertine est dans la période caporal de la maternité. »
Jacqueline « La période cap… ? »
Eugénie « Oui, vous savez. Ce moment où une mère doit régler les conflits entre un groupe d’adolescents geignards et les mettre au pas comme un sergent chef. Comme tu es mignonne Jeanne ! Tu m’appelleras Grand-Mère, ce sera plus simple. »
Eugénie « Quelle adorable petite. Elle ressemble tant à sa Maman... »
Jacqueline « C’est vrai… C’est parfois difficile de la regarder sans voir Marie dans ses yeux. »
Eugénie « Vous savez Jacqueline, si notre petite Jeanne ressemble tant à votre sœur, c’est de famille ! J’ai pleuré tant de fois en voyant le visage de sa mère dans celui d’Adelphe, tant celui-ci ressemble à ma Lazarine. »
Jacqueline « Adelphe oui… Dites-moi Madame Le Bris, quand Adelphe a t-il prévu de venir voir ses filles ? Je sais que ses relations avec Alexandre sont… quelques peu tendues, mais Anne et Emma n’ont pas vu leur Papa depuis longtemps, et elles le réclament. »
Jeanne « Papa ? »
Eugénie « Je ne comprends pas. N’est-il pas venu vous voir la semaine dernière ? »
Jacqueline « Pour être honnête avec vous Madame Le Bris, cela fait presque un mois que je ne l’ai pas vu. »
Eugénie « Un mois ? Mais c’est bien trop longtemps ! Il a du être pris par les affaires du domaine, je ne vois que cela. Adelphe a toujours été un père exemplaire, et je suis bien placée pour le savoir, c’est moi qui l’ai élevé ! »
Jacqueline « Ecoutez. Avant le décès de Marie, j’étais de votre avis. Mais cet événement l’a profondément changé. Lui plus que tous les autres voit Marie en Jeanne, et à chaque visite, c’est comme si il tentait de toutes ses forces de ne pas la regarder. Il n’a pas levé les yeux sur sa fille de deux ans depuis une éternité Madame ! Il vous a toujours écoutée, je vous en prie... »
Eugénie « Je pense que vous me prêtez un pouvoir que je n’ai sans doute pas. Je… je ne savais pas la situation si grave. Mais cette petite n’a déjà pas connu sa mère, elle a besoin de son Papa. Je ferai ce que je peux. »
Jeanne « Papa ? »
Eugénie « Oui, ma petite chérie. Ta Grand-Mère va te ramener ton Papa... »
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selidren · 9 months ago
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Automne 1917 - Champs-les-Sims
1/4
Très cher cousin,
C'est un bref courrier que je vous adresse, adjoint à celui de ma belle-soeur Albertine. Néanmoins, cela me semblait important de vous écrire.
J'ai quitté l'hôpital il y a de cela quelques mois, et j'ai bien entendu été réformé. Je n'ai conservé aucune séquelle réelle, mis à part une cicatrice bien laide qui marque ma joue et déforme ma paupière droite. Par miracle, je n'ai pas perdu mon oeil. Il me semblait pourtant, quand j'ai perdu connaissance ce jour là sous les balles boches que s'en était fini de moi. Constantin est toujours là-bas. Aux dernières nouvelles, ils l'ont affecté à la boulangerie, près d'Arcis-le-Ponsart (non loin de Reims). Cela me semble absurde, mais au moins le voici le plus loin possible des combats. Ma blessure l'a dévasté, et ses lettres me prouvent que depuis mon départ, il est plus désemparé que jamais. Je prie pour qu'il s'en sorte sans moi et qu'il me revienne en un seul morceau. Il en va de même pour mon fils, mais je n'en dirai pas plus car je risque à nouveau de sombrer dans un accès de panique.
Vous savez bien sur également ce qui est arrivé à ma chère Marie. Je m'en voudrait toujours de ne pas avoir été là en cette funeste nuit à ses côtés. Je ne me fais pas d'illusions, je ne suis pas médecin et je pense que cela m'aurait encore davantage dévasté. Mais au moins ne serait-elle pas partie seule. Encore aujourd'hui, bien que je sache pertinemment qu'elle n'y est pour rien, j'ai du mal à fixer le regard de ma petite Jeanne. Ma belle-soeur Jacqueline a gardé les filles chez elle, je ne suis pas encore capable d'en assumer la charge et je réside ainsi à la Butte-aux-Chênes, le temps que cela sera nécessaire.
Je sais que vous espérez de moi mon récit du front, afin que nous puissions échanger nos impressions et peut-être apaiser le souvenir qu'il nous en reste et qui nous torture parfois dans notre sommeil, quand il ne nous saute pas à la gorge sans prévenir jusque dans nos activités diurnes les plus banales. Je ne m'en sens pas encore capable. Je sens mon esprit encore trop fragile pour une telle épreuve, alors même que je n'ai jamais senti une telle faiblesse. Un jour, quand ces blessures auront commencé à cicatriser, je serai très heureux de m'en ouvrir à vous. En attendant, le récit de vos déboires domestiques me ravit à un point que je n'aurai jamais cru avant le début de la guerre. Vous savoir vivant et en bonne santé me procure toujours un certain soulagement pendant mes accès de panique.
Votre ami,
Adelphe
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selidren · 9 months ago
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Printemps 1917 - Champs-les-Sims
2/7
Je ne peux m'empêcher de penser à Marie nuit après nuit en me retournant dans mon lit. Elle n'était en définitive pas tant plus âgée que moi (une dizaine d'années il me semble), et la savoir partie si brutalement nous a tous fait un horrible choc. Le seul réconfort que nous puissions avoir est que la petite Jeanne lui a survécut et se porte comme un charme. Elle et ses soeurs ont été recueillies par Jacqueline, la soeur de Marie, qui est elle aussi seule avec une fille depuis que son mari et son fils sont partis au front.
Pour tromper l'ambiance morose nous avons fait l'acquisition d'un gramophone. Les filles en particulier l'adorent, mais avec ce qui vient de se passer, cela a ravivé l'inquiétude des enfants pour leur père. Même Jean-François, qui va avoir six ans cette année (Seigneur que le temps fuit !), sent sans vraiment comprendre le danger et se réveille la nuit après avoir fait des cauchemars.
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selidren · 2 years ago
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Eté 1901 - Champs-les-Sims
16/25
Quand j’étais plus jeune, il m’est apparu évident que je devais reprendre le flambeau familial à sa place. Il me semblait impensable de vouloir imposer cela à mon cher Constantin qui avait déjà le nez dans les livres et l’oeil brillant de la soif de savoir qui caractérise les érudits. Rien qu’à l’imaginer négocier des contrats, ne serait-ce que rencontrer des clients, j’en avais des sueurs froides. Il va de soi que si il advient qu’il ait jamais des enfants (ce dont je doute car les femmes semblent bien peu l’intéresser), l’héritage familial ira à n’importe lequel d’entre eux qui voudra assumer la charge. Mais moi, de mon côté, que vais-je laisser à mon fils ? 
Marie m’a déjà assuré qu’elle comptait répondre elle-même à cette question. La vie domestique l’intéressant peu, elle s’est mise à écrire dans la presse, comme votre mère en son temps. Rien d’aussi érudit bien sûr, mon épouse n’est pas une grande intellectuelle, mais elle rédige des articles sur l’actualité locale dans la gazette du village. Elle est assez ambitieuse, car elle projette de racheter le journal et souhaite investir dans une attraction de forains appelée le cinématographe. Je vais sans doute vous paraître misogyne et passablement ingrat, mais malgré la grande admiration que je ressent pour elle, j’aurai préféré transmettre à Alexandre une chose que j’aurai bâtie moi-même, de mes propres mains. J’ai toujours pensé que cela était le rôle du père et non de la mère. 
Transcription :
Constantin : C’est tout de même dommage qu’Adelphe n’ait pas pu venir, il aurai appris beaucoup de choses ce soir. Il ne comprend presque rien quand je lui parle de mon travail.
Jeanne : Ton cousin est loin d’être idiot Constantin.
Constantin : Ce n’est pas ce que je voulais dire Cousine. Je voudrais simplement pouvoir en parler avec lui aussi, mais je reconnais qu’il a ses propres champs de compétences. Et je ne le remercierai jamais assez pour avoir repris l’affaire familiale. Père ne s’est jamais rendu compte à quel point cela m’ennuyait.
Jeanne : Il pensait faire ton bien, et d’ailleurs il a fini par se tourner vers Adelphe. Tu sais, ta grand-mère ne l’admettra jamais, mais il arrive que des parents fassent des erreurs en pensant garantir le bien-être de leur enfant.
Constantin : En tous cas, vous êtes bien la seule à le reconnaître. Cela vous est déjà arrivé ? 
Jeanne : Bien entendu, c’est loin d’être aussi peu répandu que tu le penses.
Constantin : Qu’avez-vous fait ?
Jeanne : Quand il était tout petit, j’ai cause sans le savoir beaucoup de tord à mon fils Thomas. Il était mon premier né et mon mari a insisté pour...
Martial : Ah Le Bris ! Vous voilà !
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aisakalegacy · 3 years ago
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Automne 1884, Hylewood, Canada (6/6)
À vrai dire, ce n’est même pas ce qui nous inquiète le plus. Au moins, quand Virgile est dans le jardin, nous savons où il se trouve et ce qu’il fait. Mais il lui arrive de partir sans rien dire à personne et de disparaître plusieurs jours dans le bois. Qui sait ce qu’il y trame ? Il a des délires mystiques et il se dit hellène. Il pratique la religion grecque antique. Il suspend des guirlandes et élève des petits autels de gazon à Pan… Il est aussi adepte de pratiques chamaniques et orientales, comme la méditation. Il peut rester assis des heures à s’extasier du bruit du vent dans les feuilles, et nous rabats les oreilles avec des histoires de « véritable nature humaine ».
Oui, vraiment, nous sommes très inquiets. Outre celui de Marie, laquelle nous rend très fiers, le passage à l’adolescence de mes filles avait été compliqué, et je croyais avoir été épargné en ce qui concernait mes fils. Nous nous sommes malheureusement trompés…
Vous me demandez, dans votre lettre précédente, des conseils concernant la relation privilégiée que votre frère Maximilien entretien avec votre neveu Adelphe, au détriment de son fils Constantin. Je pense qu’il est naturel qu’il souhaite compenser l’absence de parents disparus, en démontrant davantage d’affection à cet enfant. Constantin vous parait-il négligé ou en souffrance quant à cette situation ? Je ne sais pas si je suis la bonne personne à qui demander des conseils en matière d’éducation : voyez comment mes enfants ont tourné… 
Mille civilités cordiales et empressées,
Auguste Le Bris
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aisakalegacy · 3 years ago
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Automne 1884, Hylewood, Canada  (1/6)
Chère Lucrèce,
J’ai déjà écrit à ma fille pour la féliciter, mais entre nous, ces noces ne me réjouissent guère. Je vois bien vos efforts pour défendre et réhabiliter ce Joseph Béate, mais entre nous, ma fille mérite bien mieux qu’un hurluberlu pratiquement aussi âgé que moi… Je vois d’un mauvais œil ces hommes qui, approchant le début de la vieillesse et après avoir mené une vie volage, décident de se marier et se rabattent sur des jeunes femmes. Bien sûr, jamais je ne me serais opposé à la décision de ma fille. Sa mère ne me l’aurait probablement jamais pardonné de toute façon. J’ai exposé à Jeanne tous mes arguments quant à pourquoi je trouvais que ce mariage était une très mauvais idée, mais puisqu’elle semblait décidée et que mon gendre - cela me brûle que de l’appeler ainsi - est même allé jusqu’à m’écrire, je me suis senti obligé de le conforter, non pas pour lui, mais pour apporter à ma fille une tranquillité de l’esprit. Aussi, ne lui transmettez rien de mes pensées : je vous le dis à vous, mais je compte sur votre discrétion. Je n’aime pas son mari, mais il m’importe que ma fille soit heureuse, et si croire que j’approuve son union contribue à son bonheur, qu’il en soit ainsi. Je ne suis pas ingrat, et je reconnais tous les efforts déployés par Madame Le Bris pour assurer à ma fille avenir et confort. Je vous prie de la remercier bien ardemment en mon nom.
Je vous écris soucieux, très soucieux même, concernant mes deux fils, Virgile et Jules. Je dois tout d’abord vous parler de mon benjamin. J’ai tu cette affaire lors de ma lettre du printemps dernier : avec les fiançailles de ma fille qui se profilaient, je ne voulais pas l’inquiéter. Elle est présentement informée, aussi pourrez-vous aborder la question avec elle, l’occasion dût-elle se présenter. Ces dernières années, Jules présentait des comportements inquiétants. C’est un petit garçon extrêmement actif, très prompt à des sautes d’humeurs et des colères intenses qui m’ont conduites à être convoqué plusieurs fois par son instituteur, à causes des nombreuses bagarres dans lesquelles il se retrouvait impliqué. Il a toujours aimé se promener et explorer l’île, même lorsque l’on lui ordonnait expressément de rester à la maison. Ma femme et moi-même mettions cela sur le compte du fait que les petits garçons ont souvent besoin de se dépenser et de battre la campagne. Mais depuis qu’il a eu dix ans, ses escapades ont pris un tournant inquiétant et incontrôlable - tant qu’on pourrait même les qualifier de fugues.
Il est arrivé de nombreuses fois que Jules, au lieu de se présenter à l’école, décide de voler une barque pour aller écumer la ville… Et un soir, il n’est pas rentré. On l’a retrouvé six jours plus tard, inconscient et intoxiqué dans une fumerie d’opium à Kingston - en vie bien heureusement. Il a été hospitalisé immédiatement, et les médecins nous ont recommandé de l’interner quelques mois pour la prise en charge d’une maladie qu’ils appellent « états-limites », et qui expliquerait ses comportements déviants et impulsifs. Ma femme et moi avons laissé les enfants sous la garde de Françoise, et nous sommes partis plusieurs mois chez ma sœur à Kingston, pour être au plus près de notre Jules pendant son rétablissement. L’opium est le traitement que les médecins préconisent pour soigner les états-limites, et ils pensent que les comportements de Jules s’expliquent par une attraction naturelle à ce que son corps comprend comme étant un médicament qui le soulagerait, mais que, ne sachant pas comment l’utiliser, il prenait de façon dangereuse. Il fut convenu qu’il continuerait une cure à base d’une résine turque qui s’appelle le hachisch, et que si le traitement ne faisait pas effet, l’on passerait à des traitements chimiques plus récents et plus expérimentaux. 
J’ai la joie de vous annoncer que cela n’a pas été nécessaire et que mon fils va mieux. Après cinq mois d’hospitalisation, Jules est enfin de retour à la maison. Grâce à son traitement, il est désormais bien plus stable, et surtout, il est captivé par quelque chose. Nous avions pris l’habitude de lui amener un livre chaque fois que nous le visitions : étant donné son goût pour l’exploration, je pensais que les romans d’aventures lui plairaient, et je ne m’étais pas trompé. Il s’est régalé en lisant Jules Vernes, Robinson Crusoé, Moby-Dick et L’Île au trésor ; si bien que son imaginaire est désormais rempli d’orientalismes et qu’il veut devenir explorateur. Jacqueline et moi lui avons fait comprendre que la réalisation de ce rêve dépendrait de sa réussite scolaire, puisqu’il faudra qu’il excelle en géographie et qu’il étudie les sciences, probablement la linguistique. Ce rêve est pour lui une motivation, et il s’investit désormais autant que possible dans ses études. Tout cet épisode a  donc eu certaines conséquences heureuses, puisqu’il a contribué à donner un rêve à mon fils, et que la terreur commune de perdre de notre fils nous a réconcilié, ma femme et moi.
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aisakalegacy · 3 years ago
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Automne 1883, Hylewood, Canada (5/5)
Suite à notre entretien, j’autorisai Mr. Simmon à faire sa demande en mariage à Françoise et il insista pour que cela soit fait sur le champ. Je convoquai ma fille, celle-ci consentit conformément mes attentes, et Mr. Simmon nous quitta en nous laissant le sentiment de satisfaction des affaires bien et rondement menées. Je dois adresser cependant quelque chose qui me surpris et me laissa songeur. En acceptant ces fiançailles, qui scellaient pourtant sa destinée de femme, Françoise n’affichait pas la joie éclatante des fiancées émues, mais un simple petit sourire satisfait.
J’ai beaucoup médité votre dernière lettre. Je l’ai posée, reprise, relue, pliée, dépliée, de longs mois durant, n’arrivant pas à me fixer sur la décision à prendre. Ma relation avec ma femme, d’hostile, devint gênée et froide, toujours cordiale cependant, mais ce manque d’intimité entre nous me brisait le cœur. Après de long mois de réflexion, je me décidais à vous écouter et j’exposais tout à Jacqueline. Les circonstances de ma naissance. Sa disparition. Son frère. Les étranges disparitions qui précédèrent son retour à Hylewood. L’entrevue où elle m’avoua tout. Je fis valoir les arguments que vous me présentâtes dans votre dernière lettre et je soulevai l’étrange jeunesse perpétuelle qui semblait entourer Monsieur et Madame Rumédier. Jacqueline accueillit cette annonce avec colère. Elle m’accusa d’affabuler pour justifier ma jalousie, appela cette histoire ridicule, et refusa d’entendre un mot de plus, avant de retourner s’emmurer dans cet insupportable silence cordial…
Mon tempérament fait que j’ai peu d’intimes. J’ai des relations commerciales ; certes. De ma vie, je n’ai eu que cinq amitiés : ma sœur Marie et mon beau-frère, ma femme, vous-même, et feu votre frère. On dit qu’il vaut mieux être seul que mal entouré, et je ne peux qu’appuyer cet adage. J’ai peut-être peu d’amitiés sincères, mais je les cultive précieusement. Je suis donc d’autant plus touché par la perte de l’une d’entre elles, et je suis particulièrement affecté par la situation présente. J’ai pris du poids, j’ai perdu des cheveux. J’ai l’impression d’avoir vieilli d’un coup.
En parallèle de ses publications dans la revue littéraire belge que je mentionnais dans ma lettre précédente, Jacqueline est actuellement plongée dans la rédaction d’un essai d’esthétique et de philosophie. Elle y porte à mon sens plus d’intérêt que le mariage de sa propre fille… Je suppose que c’est sa manière à elle de montrer que toute cette situation l’affecte également. Comment se plonger dans la perspectives des noces de fiancés heureux, quand son propre mariage bat de l’aile ?
Je vous prie de croire, avec mille remerciement pour l’accueil que vous faites à ma fille, à toute mon affection.
Auguste Le Bris
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aisakalegacy · 3 years ago
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Automne 1883, Hylewood, Canada (2/5)
Señora Garcia ne cuisinait que pour les plus petits. C’était Jacqueline qui faisait la cuisine, assistée par Jeanne quand elle était encore là… Croyez-le ou non, nous n’avons jamais eu de cuisinière, ma femme préférant maintenir au minimum syndical l’étendue de notre domesticité. Elle a visiblement changé d’avis sur le sujet, puisqu’elle a embauché une bonne, une jeune femme de dix-neuf ans qui nous vient de Frankville, un village du comté à une journée de Gananoque. Mademoiselle Yancet parle aussi bien français qu’anglais, et croyez-le, c’est une qualité de plus en plus rare de nos jours. Les communautés francophones se font de plus en plus rares en Ontario, tous les francophones de la région ont tendance de nous jours à migrer vers de grandes villes comme Montréal, car ces dernières présentent bien plus d’opportunités… Irréductible, Hylewood résiste encore, mais pour combien de temps ?
En comptant la mienne, cinq familles vivent à Hylewood : les Bernard, les Le Bris, les Leloup, les Rumédier et les Simmon. Cette dernière est anglophone, et sa nombreuse progéniture masculine me fait craindre le fait que cette tendance s’étende à notre île ces prochaines années. Les Simmon sont une famille riche, installée à Hylewood depuis les années soixante et fondée par John Simmon, un des précurseurs de l’investissement dans l’immobilier pour la construction de villas estivales dans les Mille Îles - un secteur particulièrement florissant ces dernières années. Vous allez penser que je suis mauvaise langue, mais voilà ma théorie. L’aîné, qui a hérité il y a quatre ans, fréquente déjà une fille de l’île. Françoise a donc jeté son dévolu sur le cadet, Charlie, qui rentre tout juste de l’internat…
[Transcription]
Charlie Simmon : I beg your pardon, je vous ai vue au sermon et je n’ai pas pu m’empêcher d’observer que nous empruntions le même chemin. Vous vivez dans la maison près du pier ?
Françoise Le Bris : C’est le cas, pourquoi ?
Charlie Simmon : Oh, vous êtes la fille de Monsieur Le Bris I reckon ? My apologies, vous ne m’avez sans doute pas reconnu. Charlie Simmon. Nous allions à l’école primaire ensemble. Vous avez rejoint notre cours lors de ma dernière année, avant que je parte à l’internat.
Françoise Le Bris : Charlie ! Cela fait des années. Vous êtes de retour sur l’île depuis peu ?
Charlie Simmon : Quelques semaines à peine. À vrai dire, vous tombez bien. Mon frère vous a acheté un cheval l’an dernier. Votre père vend des montures excellentes, rien à voir avec ces rosses que l’on trouve sur le continent. Anyway, j’ai été séduit et je souhaite me procurer un de vos chevaux. Naturellement, j’ai les moyens d’y mettre le prix. 
Françoise Le Bris : … Oh, vraiment ? Faisons la route ensemble, je vous présenterai à mon père.
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aisakalegacy · 3 years ago
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Eté 1880, Hylewood, Canada
Chère Lucrèce,
Cela fait deux ans que je n’ai pas eu de vos nouvelles. J’espère qu’il ne vous est rien arrivé de fâcheux, et que si cela était le cas, l’on m’aurait prévenu.
Cette année a été plus calme que la précédente. Jacqueline a enfin publié le livre sur lequel elle travaille depuis des années, un ouvrage d’histoire littéraire française qui a été acclamé par la critique. Vous demanderez à Hélène si elle souhaitera l’ajouter à sa bibliothèque personnelle, ma femme en a gardé un exemplaire qu’elle pourra lui envoyer si cela l’intéresse.
Je suis parvenu à un statu quo qui me permet de tenir les caprices de Françoise. Je joue du fait que ma fille a un fort esprit de compétition. Il se trouve que je suis très bon aux dominos. Nous possédons un très beau jeu en ivoire auquel personne n’avait plus touché depuis le départ de ma soeur et Joseph. Désormais, si elle veut quelque chose, Françoise doit me battre au jeu. Pour je ne sais quels biscuits ou entremets importés de Montréal, elle doit me battre trois fois consécutivement. Veut-elle aller au théâtre à Kingston ? Elle doit me battre tous les soirs pendant une semaine. Souhaite-t-elle une nouvelle robe ? Ses victoires doivent se prolonger sur un mois. Cela la force à travailler sa patience et sa réflexion, plutôt que d’entretenir son impulsivité capricieuse. En procédant ainsi je lui donne un sentiment de mérite tout en entretenant notre relation filiale, que je sentais endommagée depuis son entrée dans l’adolescence.
Jules a commence l’école au début du mois d’août. Il a rejoint Marie à l’école d’Hylewood. Les deux démontrent une certaine intelligence, surtout Marie qui fait preuve d’un esprit remarquable pour son jeune âge. Mon neveu, leur instituteur, la qualifie volontiers de génie. Depuis cette année, les universités sont ouvertes aux femmes au Canada : compte-tenu de ses capacités, Jacqueline rêve de la voir faire des études. Elle tient les arts en grand intérêt et pour ses huit ans, elle a demandé un livre sur la sculpture que nous lui avons commandé. C’est un très beau livre, qui possède de belles pages illustrées de reprographies de sculptures néoclassiques. Virgile n’arrête pas de le lui voler et s’intéresse beaucoup à la mythologie.
Mon fils allant sur ses douze ans, je l’ai retiré de l’école et j’ai engagé un précepteur avec lequel il commence tout juste ses leçons. Il lui enseigne la grammaire, la logique, la rhétorique, ainsi que la philosophie et le grec, car il me paraît important pour un jeune homme bien éduqué que d’avoir de la conversation et de savoir réfléchir. Ses résultats scolaires laissent à désirer. Virgile est assurément moins vif que ses frères et soeurs, et il lui faut faire montre d’un travail plus conséquent pour parvenir au même résultat. Je ne peux pas dire qu’il soit féru d’études : j’ai assisté à quelques unes de ses leçons pour m’assurer de la qualité du précepteur que j’ai engagé, et mon fils parait plus intéressé par les anecdotes sur Diogène que par la pensée stoïcienne… En revanche, il démontre un véritable intérêt pour le grec et s’implique sérieusement dans l’apprentissage de cette langue. Il m’importe beaucoup qu’il sache le grec. Plus jeune, je rêvais de l’étudier, mais mon tuteur considérait cela comme une perte de temps. Voir mon fils s’y appliquer m’emplit d’une certaine fierté.
Je vous parle à peine de Jeanne, mais c’est-à-dire qu’il n’y a pas grand chose à raconter à son sujet… Elle est très sage, discrète et réservée, d’un tempérament mélancolique. La seule chose qui l’éveille un peu sont les animaux, et nous songeons avec ma femme à lui prendre un petit chien pour Noël. Depuis le temps que la vieille niche de mon père est inoccupée…
Transmettez bien mes amitiés à toute votre famille. Je vous prie d’agréer, chère cousine, l’expression de la plus haute considération et l’hommage le plus empressé.
Auguste Le Bris
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aisakalegacy · 2 years ago
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Automne 1885, Hylewood, Canada (5/5)
Ma fille Marie tient beaucoup de sa mère par l’esprit. De tous mes enfants, elle est de loin la plus intelligente, et son tempérament analytique et tranquille rend sa compagnie à la fois douce, enrichissante et agréable. Très indépendante malgré ses treize ans, elle exerce ses passions sans rien demander à personne - un peu d’argent pour du matériel de dessin, quelques fusains, du papier, jamais rien de superflus. Marie dessine beaucoup et s’exerce à l’anatomie en croquant les sculptures reprographiées d’un beau livre qu’elle possède. Pour cela, elle fait preuve d’une noble minutie et d’un véritable acharnement. Elle souhaite un jour quitter l’île pour rejoindre l’atelier d’un maître sculpteur, et on ne peut qu’être convaincu de sa volonté de devenir une élève digne de grands maîtres comme Rodin. Elle est résolue à progresser, et elle réalise vingt à quarante dessins par jours. Contrairement à ses frères et sœurs, Marie ne nous cause jamais ni tracas, ni soucis, et je réalise qu’il est injuste que je lui accorde si peu de place dans mes lettres. C’est qu’il y a peu à dire lorsque tout va bien…
Recevez les salutations les plus empressées de votre humble serviteur,
Auguste Le Bris
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aisakalegacy · 3 years ago
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Automne 1869, Hylewood, Canada (5/6)
Sa remplaçante a un profil bien particulier. Señora Clemencia Garcia est une veuve de vingt-sept ans. C’est une ancienne esclave née dans l’Etat du Texas, qui se trouve aujourd’hui aux Etats-Unis mais qui faisait partie du Mexique quand elle est née. Sa langue maternelle est l’espagnol, mais elle parle très bien l’anglais. Elle s’est enfuit des Etats-Unis au début de la Guerre de Sécession, et elle vit au Canada depuis 1861 où elle s’emploie comme femme de chambre. C’est une femme d’un grand courage, qui a eu une vie difficile. Jacqueline m’a dit qu’elle a perdu son mari à dix-neuf ans dans d’effroyables circonstances, sans rien me préciser de plus. C’est une femme d’une grande douceur. Ma femme et ma sœur en parleraient bien mieux, mais je n’ai personnellement pas à me plaindre de son service. Elle est soigneuse et économe, attentive avec les enfants. Le seul reproche que j’aurais à lui faire concerne le fait qu’elle parle à peine français et que cela rend la communication difficile. Je lis l’anglais, mais je ne le parle pas et je le comprends encore moins, ce qui fait que je dois passer par ma femme dès que je veux lui dire quelque chose.
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aisakalegacy · 3 years ago
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Hiver 1872-1873, Hylewood, Canada (11/13)
Joseph pris ses fonctions à la fin de l’été, quelques semaines avant la rentrée des classes. Il fut convenu que Jeanne l’accompagnerait à Kingston à ce moment. Les adieux eurent un goût étrange : tant de monde partait en même temps ! Je partageais désormais l’enthousiasme de ma femme et l’aspiration à un peu de quiétude, tout en me réjouissant pour mon beau-frère et ma sœur qui démarraient une nouvelle vie. Dans le même temps, je ressentais un peu d’appréhension à la perspective de la nouvelle vie qui commençait pour moi, dont le foyer se résumerait désormais à mon épouse et mes cadets. D’un certain côté, je crois que je redoutais l’ennui.
[Transcription]
Auguste Le Bris : Ça va me manquer de ne plus entendre vos sottises à longueur de temps !
Joseph Bernard : Parce que vous croyez que je vais vous en dispenser ? Surveillez votre boîte aux lettres !
Jacqueline Le Bris : Merci de prendre Jeanne avec vous. Je pense passer quelques semaines chez vous et s’habituer à la ville avant son entrée en pensionnat lui fera du bien…
Marie Bernard : Vous n’avez aucune raison d’être inquiète. J’aurai un œil sur elle régulièrement.
Jacqueline Le Bris : Bon courage, avec l’Or… L’Evêque. Cela ne va pas être facile d’être coincée avec lui en permanence.
Marie Bernard : Vous plaisantez ? Nous vivrons si grande que nous n’aurons jamais à nous voir !
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aisakalegacy · 3 years ago
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Automne 1869, Hylewood, Canada (6/6)
Notre petite Jeanne a désormais cinq ans. Elle me ressemble de plus en plus et passe l’essentiel de son temps à gambader dans le jardin. Nos voisins possèdent un petit chien, et il est réjouissant de voir son enthousiasme devant cet animal : dès qu’elle le voit, elle pousse des cris des joie en battant des mains.
Je m’inquiète un peu pour ma femme car je vois bien que sa vie d’épouse la bride, et qu’être la mère de nos trois enfants ne lui suffit pas. L’Indépendance semblait l’avoir gonflée d’espoir, et la désillusion fut d’autant plus grande que pratiquement rien n’a changé. J’espérais que le loisir de retourner à l’écriture pourrait la soulager, mais sa frustration ne semble pas disparaître. Depuis la naissance de notre fils, elle semble avoir réalisé que ce sera lui qui héritera et non pas sa sœur aînée, et cette réalisation la plonge dans un agacement certain. Elle est très irritable en ce moment. Il lui arrive même de se fâcher avec Marie pendant les veillées, alors qu’elles sont très amies et s’entendent habituellement à merveille. Ma sœur est elle-même particulièrement sur les nerfs depuis le départ d’Archie, et les humeurs de ma femme mettent de l’huile sur le feu… Jacqueline parle de quitter l’île pour devenir sénatrice. J’essaie de la raisonner pour la détourner de son projet irréalisable. Je crois tout à fait qu’elle en est capable : ma femme est la personne la plus intelligente et combative que je connais. En revanche, la société n’est pas prête pour elle, et je ne veux pas qu’elle laisse sa famille derrière elle pour une quête perdue d’avance.
J’achève ici cette longue lettre. Croyez à l’hommage de mon respectueux dévouement.
Votre cousin, Auguste Le Bris
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aisakalegacy · 3 years ago
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Été 1881, Hylewood, Canada (5/13)
Jacqueline me rapporta toute l’histoire et me fit part de la manière dont elle avait décidé de punir notre fille : en frappant là où cela allait faire mal, à savoir dans ses possessions matérielles et personnelles. 
Enfant, j’avais jugé mon père d’avoir trop gâté ma sœur Marie. Maintenant que j’ai cinq enfants, je ne le comprends que trop : qu’il est difficile de ne pas céder à la demande d’un enfant que l’on adore, quand l'on sait le plaisir facile qu’une babiole saurait lui procurer, comment refuser ? J’ai largement les moyens de couvrir aux dépenses de mes filles, aussi leurs étrennes sont généreuses et elles savent que si elles veulent quoi que ce soit, elles n’ont qu’à me demander. 
Jeanne n’est jamais déraisonnable et ne demande rien ; j’ai confiance en son sens des responsabilités et elle a l’autorisation de couvrir ses rares dépenses en mon nom, sans même avoir besoin de m’en informer. 
Quant à Françoise, c’est autre chose. Elle souhaite toujours plus et n’est jamais satisfaite très longtemps. Elle tire un grand orgueil de ses fards et de ses toilettes, ses mouchoirs, ses chapeaux, ses parfums et ses robes à tournures, à tel point qu’elle semble avoir oublié la valeur des choses. L’idée de ma femme fut donc de la couper de ses frivolités, pour lui rendre ce sens de la mesure. Il va sans dire que cette décision ne plut pas à Françoise.
[Transcription]
Jacqueline Le Bris : Après tout ce que Señora Garcia a fait pour nous, pour toi et pour notre famille, que tu oses t’adresser ainsi à elle est une disgrâce. Tu devrais avoir honte. 
Jacqueline Le Bris : Je veux que tu lui présentes tes plus plates excuses. Je suis hautement dé��ue par ta superficialité. Tu ne recevras plus d’étrennes et tes dépenses devront toutes passer par moi.
Jacqueline Le Bris : Par ailleurs, je vais faire don de toutes tes robes à la charité : je pense qu’il est indécent que tu en possèdes autant quand tant de gens n’ont rien. J’espère que cela t’apprendra l’humilité.
Françoise Le Bris : Non, Maman, s’il-vous-plaît, je vous en prie, tout mais pas ça !
Jacqueline Le Bris : Ma décision est prise. Je vais en parler à ton père. Que cela te donne à réfléchir.
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