Victor
— Ma femme elle voulait accoucher dans l’eau. C’est vrai hein, c’est vrai de ouf. Dans certaines maternités, ils font ça. Mais comme elle a jamais été enceinte, elle a pas pu réaliser son rêve. Aujourd’hui, on n'est plus ensemble, parce que tu vois, elle m’a quitté. Elle adorait l’eau mais elle supportait pas l’alcool, et comme je bois que ça, de l’alcool, ça l’a fait fuir. Enfin bref, voilà quoi. Hey, Brigitte, au fait, tu sais que j’étais beau gosse quand j’étais jeune ?
— T’es pas encore tout à fait vieux.
— Non mais quand j’étais tout jeunot, tout minot comme dirait mon ami Gillou, au sortir de l’adolescence quoi. J’étais vraiment beau gosse hein, de ouf ! Le mec dont toutes les meufs rêvent au lycée, que toutes les meufs regardent, eh ben, c’était moi. Je t’assure. Je les faisais toutes tomber, comme des mouches. J’étais un bourreau des cœurs. Tu peux pas savoir comment je plaisais, Brigitte, de ouf.
— Oh mais j’imagine.
— Y a que ma femme qui a fini par me résister. C’était au moment où j’étais plus irrésistible, sauf pour le pinard. Je lui résiste pas non plus à vrai dire : moi et le pinard c’est une grande histoire d’amour. Mais c’est pas le pinard qui accouchera de mon enfant dans l’eau.
Victor, il devait avoir moins de 40 ans mais on lui en donnait 60. Je le crois quand il me dit qu’ils les faisaient toutes craquer dans une autre vie. Au milieu de son visage usé, de son teint verdâtre et sa peau burinée par un soleil trop ardent, il avait gardé le regard intact d’une beauté flamboyante. Ses yeux bleus d’une intensité déstabilisante était comme la preuve de sa majesté perdue.
— Trop belles tes baskets Toto ! Mais c’est qu’elles sont flambant neuves en plus !
— Ouais, ils sont sympas chez Emmaüs. Bon, d’habitude ils me refilent que des godasses trop petites ou trop grandes, ou trop moches, mais là franchement j’ai eu de la chance, je peux me la péter.
Il avait sorti une énième cannette de bière de son immense de sac en plastique de supermarché. Et comme de sa main tremblante il avait cassé la languette en voulant l’ouvrir, il a sorti de sa sacoche toute rafistolée un coupe-ongle, a sélectionné la lime à ongles tranchante et a fait un trou dans le toit d’aluminium. De la mousse a giclé et il a continué à parler.
— Tu sais ce que je voudrais de ouf moi, Brigitte, quand je serai vieux, mais vraiment plus vieux, tu sais ce que je voudrais de ouf ?
— Non, balance, qu’est-ce que tu voudrais de ouf ?
— Je voudrais faire comme toi, écrire. Écrire des beaux livres pour faire rêver les enfants.
— Ben vas-y mon gars. Attends pas d’être trop vieux. Fais-le maintenant.
— Ben ouais, de ouf, de ouf. Faut que je le fasse maintenant. Mais demain, parce qu’aujourd’hui j’ai trop bu, le brouillard c’est pas un super co-auteur.
— Fais-le maintenant Victor. Aujourd’hui. Demain, c’est incertain. Le meilleur moment de la vie, c’est maintenant. Tiens, prend cette feuille et ce stylo. Avec ça tu peux refaire le monde et la vie, et faire rêver n’importe qui, petits et grands, écrire le passé, le futur et même le présent. Pas demain Victor, aujourd’hui, maintenant, tout de suite. Quand tu seras trop vieux, eh ben, tu seras trop vieux. Et ce sera une excellente excuse pour pas t’y mettre.
— Merci Brigitte, tu déchires de ouf. Bon, je vais y aller, ça fait une heure que je te raconte ma vie, je parle trop.
— Écris mon pote, écris.
— Merci de m’avoir écouté en tout cas Brigitte, et bonne soirée !
— Allez, bonne soirée. Et j’te préviens, reviens pas si t’as pas écrit ! Et lève le coude sur la boisson. Je vois bien ta tête : je sais, c’est pas facile. Ça te paraît même impossible. Mais si t’y arrives, j’suis sûre qu’elle reviendra, ta gonzesse, et vous l’aurez cet enfant qui va naître dans l’eau.
— C’est trop tard, Brigitte.
— C’est jamais trop tard Victor, jamais trop tard.
// Dédé ANYOH //
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N.E. 02/2024 - "Canzone triste", poesia di Antonio Mangiameli
il clochard con la chitarra è ancora lì,
il vento porta dentro accordi in re minore,
sembra suoni per me,
sul letto tovaglie bianche
ed il lenzuolo di lino,
penso a te,
e lui suona,
suona,
non sa che tornerai
Questo testo viene pubblicato nella sezione “Rivista Nuova Euterpe” del sito “Blog Letteratura e Cultura” perché selezionato dalla Redazione della Rivista “Nuova Euterpe”,…
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Chronique du 115
Aude MASSOT nous invite à une immersion au cœur de la rue et de sa réalité la plus brute : les clochards.
Créé en 1993, le Samu Social propose son aide aux plus démunis. Une soupe, une douche, des soins ou encore une orientation vers les instances sociales, voici les actions menées quotidiennement par ses salariés. Mais aller à la rencontre des gens de la rue n’est pas forcément évident car…
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Senigallia, clochard vince al Superenalotto ma non può ritirare i soldi: serve la tessera sanitaria (che non ha)
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Un copripiumino in stile clochard https://www.design-miss.com/copripiumino-in-stile-clochard/ Un completo da letto in vero stile clochard, con una texture originale che riproduce l’aspetto del cartone. La sembianza c’è. Per fortuna manca la scomodità di un precario letto di cartone, rimediato per affrontare la notte in strada! Copripiumino e federe a corredo sono infatti realizzate in morbido cotone, lavabile comodamente in lavatrice. Lo stile clochard […]
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Chateau - Chateau Window - Old Armchairs - Iron Radiator .....
Chateau Clochard -Pont-Remy - Picardie - Northern France
The castle was built in the end of the 14th century to guard the French against the English. In 1412 it was taken by Philips of Bourgondy and the castle was set to fire.It was restored later on by the English and used to house very important British aristocrates.It was rebuilt in the 19th century after it has been destroyed. The current owner since 10 years has no hurry in restoring the place, and that is what the community would like to see the most. This beautiful piece of French heritage should get the chance to have a second life. Or in the meantime a 3rd or a 4th....
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