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Avec le feu, tout le monde est noir
Le feu a tout détruit. Il a tout emporté. Les femmes, les hommes, les assiettes, les couverts, les couvertures, les portes, les meubles, les murs, les odeurs de lys et de jasmin, les joies, les peines, tout, tout. Il ne reste plus rien. Que la cendre, blanche et grise. Les pompiers sont arrivés trop tard, avec leurs uniformes rouges. Le feu n’est plus rouge. Le feu a même emporté le rouge du feu. Si je n’étais pas partie, le feu m’aurait emportée aussi. Il m’aurait brulé la chair, comme il l’a fait avec celles de mes amies. On ne reconnait plus personne, ont dit les pompiers tout en rouge. Les corps sont carbonisés. Ils sont noirs. Avec le feu, tout le monde est noir. Tout le monde est noir et tout le monde est mort. Les femmes, les hommes, les assiettes, les couverts, les couvertures, les portes, les meubles, les murs, les odeurs de lys et de jasmin, les joies, les peines, tout, tout. C’est la fin. Plus d’amies, plus de lit, plus de toit. Il ne reste que nous : Cécile et moi. Et moi je suis morte avec mes sœurs. Une morte vivante. Vivante. Pourquoi moi ? Qu’on me brûle et qu’on mêle mes cendres aux leurs ! Cécile pleure. Elle a tellement de peine que ses larmes sont une mer capable d’éteindre tous les feux. Je lui tends le sachet que l’on vient d’acheter. Et au milieu des larmes, Cécile a souri. Au milieu des larmes, elle a dit : « Merci les cacahuètes. » Cécile a raison : il faut sourire au milieu des larmes. Il faut dire merci aux cacahuètes. Il faut leur dire merci, parce que c’est grâce à elles que nous sommes encore en vie. // Dédé ANYOH //
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Est ce que le café donne des idées noires ?
Où donne-t-il des idées corsées, fortes et parfumées ?
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9. Guerrière.
On voit parfois dans les films, ces femmes pleines de courage. Elles risquent leurs vies, elles font ce qui est juste. Elles n’hésite pas à entrer en guerre, et ça a presque l’air simple.
Dans la réalité, on devient des guerrières malgré nous. On prend les armes parce qu’on y est obligé. Les causes sont multiples, mais elles sont toutes motivées par la survie. Survivre en tant que femme libre et égale de l’homme, survivre en tant que femme libre de ses choix et de son corps, survivre dans un monde qui n’a pas été conçu pour qu’on y vive simplement.
C’est un besoin, et lorsqu’on l’identifie, alors il n’est plus possible de rester en marge de cette guerre. Le sentiment de ne pas avoir le contrôle sur sa propre personne est si fort en tant que femme. C’est un sentiment fort en angoissant. On attend toujours plus de vous.
Naitre femme, c’est naitre guerrière.
L.
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Le langage des fleurs:
L'immortelle symbolise la fidélité aux morts. Mais il s'agit aussi une fleur intellectuelle qui peut laisser passer ce message:
"L'homme passe, mais ses œuvres demeurent."
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Je pense qu’elle ne réalisait pas. Elle entrait dans un bar et elle se racontait une scène qui ne se vivait que dans son esprit.
Elle le voit, là, dans la fumée, se découpant dans le clair obscur du comptoir miteux. Elle le voit rire aux éclats, un verre à la main, ajustant ses lunettes de l’autre. Alors, elle esquisse quelques pas de danse qui la conduisent habilement à quelques mètres de lui, comme par un innocent hasard, un banal accident. Tout semblait ici prétendre qu’il s’agissait d’une curieuse mais bienheureuse coïncidence, qu’elle se trouve soudainement ici, devant lui. Dans la moiteur ambiante, c’est de son corps qu’elle se sert et qui se meut. Elle danse, elle ondule, chaque parcelle de peau lui hurlant de la rejoindre, chaque mouvement lui injoignant de la retrouver. Le bar n’est plus, le temps n’est plus. Ce n’est qu’elle et la grâce de ses bras qui s’ouvrent et se ferment, elle et le balancement hypnotique de ses hanches, elle et sa bouche délicatement entrouverte, dans une moue boudeuse, enfantine, si suggestive qu’elle en devient provocante. Elle danse, mais elle n’est plus vraiment la. Elle danse, mais elle ne s’appartient plus. Ce n’est plus elle, c’est cette fille dans le miroir, à qui elle raconte une scène, qui ne se vit que dans son esprit.
Je crois qu’il la remarque. Son regard s’arrête un instant, la dévisage avec une surprise non feinte. Comment lui en vouloir ? Sa présence ici défie les lois de la logique et du hasard. Il est là, pourtant, il ne s’approche pas. Il se contente de la regarder, et que pense t il alors ? Lit il sur son corps, ce besoin si personnel et intime d’occuper l’espace, de le remplir ? Ce sentiment de vide, lorsque ses bras se tendent, jusqu’à presque le toucher, puis se referment, n’enserrant alors que le vide et l’obscur de l’air vicié ? Voit il, dans la frénésie de ses mouvements, son désir désespéré d’exister, de se voir reconnue vivante, parce qu’elle, dans sa solitude, n’y parvient pas ? Comme si elle cherchait l’approbation de quelqu’un. Il est là, et il ne la rejoint pas, paralysé par son indécision. Lui plaît elle seulement, cette fille étrange, un peu sauvage, un peu farouche, et pourtant si décidée, si pleinement convaincue par la justesse de ses sentiments ?
Elle est rejointe par d’autres, et le charme est rompu. Elle est rejointe par d’autres et tout s’éteint. Le moment lui échappe, et l’illusion de leur intimité ne lui appartient déjà plus. Elle l’ignore même superbement, avec toute la fureur de sa dignité blessée, et son regard brûlant le traverse, semblant lui murmurer qu’il est trop tard désormais.
Il est si tard. Je crois qu’elle peine à rester lucide et que ses gestes lui semblent si lointains, si étrangers. Elle s’apprête à partir, attrape son manteau, dans le coin de la salle où il gisait, jeté avec négligence. Elle fait quelques pas dans le dehors, chassant l’ivresse en humant l’air glacial du tout petit matin. La rue est déserte, mais elle sent une main qui la saisit, une poigne ferme, s’opposant au balancement maladroit de sa démarche. Il y a sûrement un peu de pluie, comme dans ces comédies américaines romantiques qu’elle a toujours détesté; il y a sûrement un peu de vent, et elle devrait mettre ce fichu manteau avant de tomber malade, mais qu’importe. Qu’importe. Elle a réussi. Elle titube contre lui.
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Le burkini j’en sais rien mais je pense que la priorité sur les plages c’est déjà d’interdire les chaussettes-sandales.
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Tu me demande pourquoi, Pourquoi je ne suis plus comme avant, Tu me dis que je suis ta fille, Que tu es mon père, Mais pour moi tu ne l'es plus, Mon père est mort il y a 3 ans, Quand il a commencé à boire, Un autre homme l'a remplacé, Celui-ci est dépressif et violent, Il boit tous les soirs sans s'arrêter, Cet homme là, je le hais, Aujourd'hui il est dans le comas, Peut-être se réveillera t-il un jour, Et recommencera, Mais pour l'instant, Il y a quelqu'un d'autre à sa place, Celui qui me demande pourquoi j'ai changer...
-Stéphanie (2005)
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La fin d’une épopée
Depuis quelques jours, les images en provenance de la Grèce nous montrent des femmes et des hommes au bord des larmes, les traits tirés par l’anxiété, la tristesse ou la colère, ou les trois peut-être. Pour nombre d’entre nous, il est très difficile de comprendre ce que traverse réellement le peuple grec.
C’était comme si nous assistions à une pièce de théâtre dans une langue étrangère. Nous sommes incapabables de saisir la teneur des propos échangés, des aspirations des uns, des craintes des autres, nous pouvons seulement constater le drame en cours : les couteaux que l’on affute en silence, les muscles qui se raidissent, les regards vifs et froids, les esprits qui s’échauffent.
Nous attendons un dénouement sans savoir que ce qui se joue en ce moment, que le coeur de ces négociations, des promesses puis des trahisons, ce n’est pas seulement l’histoire de la Grèce et de son peuple, c’est surtout la fin des illusions—la mort du politique.
Dans cette tragédie, l’Union européenne est cruellement mise à nue : nul doute désormais, le projet européen n’a jamais été fait dans l’espoir de voir un jour une véritable union des nations. Les intérêts économiques ont toujours pris le dessus et sont à la base même de cette entité que plus personne n’ose plus appeler « union ». L’union de qui, de quoi ? L’union des puissants, voilà tout.
Le véritable danger, cependant, c’est d’en rester là. D’en rester à un problème strictement européen. La rebuffade qu’inflige la Troïka à la Grèce est un message à tous ceux qui, à l’avenir, tâcheront de s’opposer aux forces du néolibéralisme dans le monde. Le despotisme dont témoigne l’Allemagne dans ce dossier est fondé sur une logique rappelant la théorie des dominos : la crainte d’inspirer au sein de l’Union et ailleurs l’idée qu’un peuple peut se gouverner sans l’aide des diktats et des puissants; qu’il est possible que cette « union » ne soit pas uniquement celle des banquiers, des ploutocrates, des politiques et de leurs hommes et femmes liges pour se constituer au sein des masses de travailleuses et des travailleurs, des étudiantes et des étudiants, etc.
Au final, l’« épopée » SYRIZA tire bientôt à sa fin avec, selon moi, trois leçons majeures. Premièrement, il appert que Tsipras a tenté de jouer avec le feu sans savoir comment l’éteindre, notamment en jouant la carte du référendum laissant naître au sein des milieux de la gauche l’espoir d’une renaissance d’une gauche dite radicale — nous éloignant bien évidemment de la réalité politique et économique de la région. Ensuite, il paraît de plus en plus évident que la restructuration des forces capitalistes repose sur l’exploitation des peuples — c’est une question de survie pour les premières et de mort pour les seconds. Finalement, il est plus en plus urgent de repenser les luttes en dehors des institutions de pouvoir corrompues et/ou défaillantes. En tentant de pactiser avec la Troïka, Tsipras reconnaissait de fait la légitimité du FMI, de la BCE et de la Commission européenne. Pas de surprise donc de le voir fléchir le genou devant un « accord » qui risque de plonger le pays dans une récession plus grande.
Photo : Yes to Grexit, Jan Wellmann
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Victor
— Ma femme elle voulait accoucher dans l’eau. C’est vrai hein, c’est vrai de ouf. Dans certaines maternités, ils font ça. Mais comme elle a jamais été enceinte, elle a pas pu réaliser son rêve. Aujourd’hui, on n'est plus ensemble, parce que tu vois, elle m’a quitté. Elle adorait l’eau mais elle supportait pas l’alcool, et comme je bois que ça, de l’alcool, ça l’a fait fuir. Enfin bref, voilà quoi. Hey, Brigitte, au fait, tu sais que j’étais beau gosse quand j’étais jeune ? — T’es pas encore tout à fait vieux. — Non mais quand j’étais tout jeunot, tout minot comme dirait mon ami Gillou, au sortir de l’adolescence quoi. J’étais vraiment beau gosse hein, de ouf ! Le mec dont toutes les meufs rêvent au lycée, que toutes les meufs regardent, eh ben, c’était moi. Je t’assure. Je les faisais toutes tomber, comme des mouches. J’étais un bourreau des cœurs. Tu peux pas savoir comment je plaisais, Brigitte, de ouf. — Oh mais j’imagine. — Y a que ma femme qui a fini par me résister. C’était au moment où j’étais plus irrésistible, sauf pour le pinard. Je lui résiste pas non plus à vrai dire : moi et le pinard c’est une grande histoire d’amour. Mais c’est pas le pinard qui accouchera de mon enfant dans l’eau.
Victor, il devait avoir moins de 40 ans mais on lui en donnait 60. Je le crois quand il me dit qu’ils les faisaient toutes craquer dans une autre vie. Au milieu de son visage usé, de son teint verdâtre et sa peau burinée par un soleil trop ardent, il avait gardé le regard intact d’une beauté flamboyante. Ses yeux bleus d’une intensité déstabilisante était comme la preuve de sa majesté perdue.
— Trop belles tes baskets Toto ! Mais c’est qu’elles sont flambant neuves en plus ! — Ouais, ils sont sympas chez Emmaüs. Bon, d’habitude ils me refilent que des godasses trop petites ou trop grandes, ou trop moches, mais là franchement j’ai eu de la chance, je peux me la péter.
Il avait sorti une énième cannette de bière de son immense de sac en plastique de supermarché. Et comme de sa main tremblante il avait cassé la languette en voulant l’ouvrir, il a sorti de sa sacoche toute rafistolée un coupe-ongle, a sélectionné la lime à ongles tranchante et a fait un trou dans le toit d’aluminium. De la mousse a giclé et il a continué à parler. — Tu sais ce que je voudrais de ouf moi, Brigitte, quand je serai vieux, mais vraiment plus vieux, tu sais ce que je voudrais de ouf ? — Non, balance, qu’est-ce que tu voudrais de ouf ? — Je voudrais faire comme toi, écrire. Écrire des beaux livres pour faire rêver les enfants. — Ben vas-y mon gars. Attends pas d’être trop vieux. Fais-le maintenant. — Ben ouais, de ouf, de ouf. Faut que je le fasse maintenant. Mais demain, parce qu’aujourd’hui j’ai trop bu, le brouillard c’est pas un super co-auteur. — Fais-le maintenant Victor. Aujourd’hui. Demain, c’est incertain. Le meilleur moment de la vie, c’est maintenant. Tiens, prend cette feuille et ce stylo. Avec ça tu peux refaire le monde et la vie, et faire rêver n’importe qui, petits et grands, écrire le passé, le futur et même le présent. Pas demain Victor, aujourd’hui, maintenant, tout de suite. Quand tu seras trop vieux, eh ben, tu seras trop vieux. Et ce sera une excellente excuse pour pas t’y mettre. — Merci Brigitte, tu déchires de ouf. Bon, je vais y aller, ça fait une heure que je te raconte ma vie, je parle trop. — Écris mon pote, écris. — Merci de m’avoir écouté en tout cas Brigitte, et bonne soirée ! — Allez, bonne soirée. Et j’te préviens, reviens pas si t’as pas écrit ! Et lève le coude sur la boisson. Je vois bien ta tête : je sais, c’est pas facile. Ça te paraît même impossible. Mais si t’y arrives, j’suis sûre qu’elle reviendra, ta gonzesse, et vous l’aurez cet enfant qui va naître dans l’eau. — C’est trop tard, Brigitte. — C’est jamais trop tard Victor, jamais trop tard.
// Dédé ANYOH //
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Silences.
“Le silence en dit long”
Parfois, on a pas les mots. Ces moments ou l’on ne trouve même pas la force, ou c’est le contenue qui manque. C’est déroutant d’en perdre les mots. Quand on apprend quelque chose qui nous laisse sans voix, une fois le choc passé, on arrive à verbaliser des ressentis, parler du choc. Mais quand le choc est trop grand, et que même avec le temps, les mots ne sont toujours pas la. C’est difficile de ne pas pouvoir exprimer les émotions et les ressentis. C’est difficile de ne pas pouvoir se libérer, et déverser les choses qui nous encombrent.
Les silences sont parlant, mais ils sont aussi la cause de mauvaises interprétations.
L.
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Elle n’a jamais eu la beauté évidente et facile de ces filles qu’elle admire en silence. La sienne est timide, délicate et fragile. Elle affleure à la surface, dans ces moments inattendus où elle paraît vulnérable, presque dépouillée. Nue. Elle n’a rien des canons de beauté dont l’on salue la génétique avantageuse, mais elle est touchante, dans sa manière de se mouvoir gauchement, dans le tremblement imperceptible de sa main sur la poignée, dans l’humidité de son regard, et la profondeur de celui ci.
Elle descend lentement les marches, avec une dignité solennelle, si naïve qu’elle en deviendrait presque risible. Autour, les couleurs fanées, les gestes au ralenti et les bruits assourdis. Il n’y a plus qu’elle, elle et sa curiosité maladie, elle et son désir de savoir. En poussant la porte, elle prend une inspiration longue, lente, songeant au plaisir qu’elle éprouverait dans quelques secondes. Un plaisir empreint de soulagement, comme un corps que l’on tend puis qui se relâche, dans un soupir. Il y a quelque chose d’érotique dans l’image qu’elle se fait d’elle même, à cet instant précis, dans cette représentation mentale de chacun de ses muscles, bandés, étirés, jaillissant. Elle saurait.
Enfin, elle se tient devant lui, il ne l’a pas vu, il discute. Elle n’a pas la confiance de ces filles. Elle se sent soudain ridicule, pathétique. Elle n’a pas la justesse de ces filles. Elle se sent laide, idiote. Il n’a pas tant changé, même si elle s’entend affirmer le contraire, par politesse, avec ce souci tout particulier d'alimenter la conversation. « Je ne t’aurais pas reconnu », c’est ici signifier « tu as grandi et moi aussi, et ce que j’éprouvais n’a plus d’importance, d’emprise sur moi. Tu as changé et tu ne me plais plus le moins du monde, non. Tout ça est derrière moi, j'en suis parfaitement distanciée et c’est un être parfaitement nouveau qui se tient devant moi. Cette histoire est vierge de tout désir, de tout sentiment, elle est à réécrire depuis le début. ». Il ne remarque rien de son trouble. D’ailleurs, la remarque-t-il vraiment ? Elle sonde son regard, cherchant un indice dans les inflexions de sa voix rauque, dans le tressaillement de sa main lorsqu’il chemine à son côté. Elle fouille, creuse le moindre de ses gestes, suspectant l’indicible, espérant y trouver l’inexprimable.
Soudain, il est tard, et le moment est passé. Il ne reste rien. Seulement peut être, une phrase en suspens, une conversation inachevée, dont elle devra sans doute se contenter. A quoi sattendait elle ?
Elle rêvait d’aventure, de liberté, d’indépendance. Elle rêvait de doigts inconnus parcourant son corps, découvrant ses courbes, avec l’émerveillement du début. Elle rêvait de lui, ou d’un autre, peu lui importait, il lui fallait seulement l’inédit et le nouveau. Une étrange lassitude l’envahit alors qu’elle réalise que ce ne sera pas le cas, cette fois encore. Un sentiment d’épuisement ou de résignation, devant ces opportunités avortées alors qu’elles se dessinaient tout juste, devant ces espoirs déçus alors que leur perspective venait de s’imposer à elle. Elle reste là, à écrire, nourrissant sa plume des histoires qu’elle se racontait sans oser y croire. Elle s’éclipse.
Qu’es tu devenu ? Que vis tu ? A qui penses tu ce soir, au moment paisible qui précède le sommeil ? Combien de filles as tu connu ? Quelles sont celles que tu as aimé, à quoi ressemblent-elles ? Te souviens tu de la chaleur de leur corps, de la douceur de leur peau sous tes doigts ? Te rappelles tu de ton désir pour elles, de l’impatience de tes baisers ? Que sont elles devenues ? A quoi ressemble tu, dans ces instants intimes et vulnérables ? Quel est le goût de ta peau ?
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5 A.M
existential crisis
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Hi!
Hello everyone, I've created a page to post about everything I like and some of my works. Videos, illustrations, blah blah blah...
See you around!
C.
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Yasmina // Demain, ca ira mieux.
Pardon papa. Sans doute de là où tu es, tu n’es pas fier de ta fille. Mais tu es parti. J’avais seulement deux ans. Et je me perds depuis que je n’ai plus de père. Je n’ai eu le temps d’apprendre de toi que le manque et la souffrance de porter sur mes frêles épaules le lourd poids de ton absence. Je suis faible encore mais je m’efforce de m’endurcir parce que la vie n’est pas facile : je l’apprends à mes dépends.
Oui papa, aujourd’hui j’ai 20 ans et je suis à la rue. Maman est là-bas, dans ce pays si proche, mais elle est si loin de moi. Elle a ses problèmes aussi et je ne veux pas l’accabler avec les miens. Tu le sais, j’ai bien trop d’orgueil pour lui demander de l’aide. Mais je veux m’en sortir - sache-le, et devenir une grande un jour.
Je me suis faite une copine à la gare du nord, là où je dors certaines nuits. Elle est très gentille. Certains soir, après son travail, elle reste discuter avec moi pendant des heures. Elle est jeune mais elle a eu une sacrée vie, un peu comme moi, c’est ce qui nous rapproche je crois. Elle travaille dans une maison d’édition, et souvent me ramène des livres et un repas chaud. Il y en a un que j’aime particulièrement et que je garde toujours dans ma poche. Papa, moi aussi un jour je parlerai bien, je ferai de belles phrases et écrirai de belles histoires pour partager avec le monde ce que je vis.
Tu verrais comme le monde est pourri, comme les gens souffrent ici. Même dans un pays riche comme la France on laisse les gens crever dans le froid, mourir de faim, macérer dans leur propre excrément, vivre l’enfer sur terre dans la plus grande des indifférences.
Hier, j’ai vu des policiers maltraiter un homme dans le RER. Il n’avait rien fait de mal. Sa seule faute était d’avoir une couleur de peau qui ne leur convenait pas et de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Ils l’ont frappé, lui ont donné des coups de poings, des coups de pieds, lui ont craché à la figure, puis l’ont insulté des pires mots que l’on puisse dire à un être humain. Oui papa, cela t’étonne sûrement, mais de nos jours les vrais délinquants ce sont certains policiers.
J’ai assisté à cette scène, et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps parce que ça m’a blessé comme si on m’avait planté mille couteaux dans le cœur. C’est mon monde ! Je vois des horreurs tous les jours mais je n’arrive pas et à m’y faire, et chaque fois je suis révoltée comme si c’était la première fois, et profondément triste que ça puisse exister. J’ai 20 ans, mais j’en ai déjà vécu 40.
Si tu étais encore là, je sais ce que tu me dirais : “Lève-toi Yasmina, allez ma fille, va de l’avant, construit ton avenir, accepte de te faire aider, tout le monde n’a pas le fond méchant, il y a des gens au bon cœur qui veulent faire le bien, appelle ta mère qui t’aime et qui s’inquiète tant pour toi, retourne à l’école, tu as tellement de talents inexploités, travaille bien ma fille, et deviens quelqu’un.”
Alors même si tu ne parles plus papa, tu vois, je vais t’écouter. Et demain ça ira mieux. Je te le promets papa, je vais faire tout mon possible, et demain ça ira mieux.
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Le vendeur de roses
© Photographie de Steve McCurry
Il y a ce vendeur de roses qui traîne tout le temps dans le quartier, avec des fleurs plein les bras. Il arpente les terrasses de restaurant à la recherche d’amoureux transis dînant aux chandelles.
Mais Ravi – c’est son prénom, enfin, c’est celui que je lui ai inventé, en espérant qu’il le soit un jour – fait tout le temps la tête. Comme si le flot d’amour qu’il tenait contre son corps à longueur de journée, manquait à sa vie. Est-ce qu’il offre des roses à sa femme, Ravi ? Est-ce qu’il a une femme, Ravi ? J’imagine que non, autrement, il aurait un peu plus de soleil sur le visage.
Mais il est fort, Ravi, parce qu’il arrive quand même à fabriquer une lumière artificielle lorsqu’il se poste devant des clients potentiels. « Rose, 2 euros. Rose, 2 euros. » Et souvent, sa lumière halogène fait illusion auprès des touristes – déjà éblouis par les lumières clinquantes d’un Paris qui n’aurait pour atouts que la Tour Eiffel et les Champs-Élysées.
Après avoir fait sa vente, Ravi s’éteint de nouveau. Son regard est sombre, et de toute évidence, si l’on criait « Âllo, y a quelqu’un ? », au fond de la cavité de son cœur, l’écho de notre voix nous reviendrait en plus triste, en plus désespérée.
Je me suis souvent demandé : « C’est quoi son histoire à Ravi ? » Mais Ravi ne parle pas français. Il maîtrise tout juste les quelques mots qui lui servent à présenter ses roses sur les terrasses. Je crois qu’il sait aussi baragouiner quelques mots en anglais. Mais comme c’est une langue que je ne sais moi-même pas baragouiner, c’est pas demain qu’on va pouvoir se parler. On peut pas aller bien loin avec Hello, Thank you et I love you, quoi que, on peut quand même aller quelque part : saluer, remercier, et dire l’amour. Tu m’diras, c’est un peu la base.
La base, mais pas assez pour raconter toute une vie. Alors, comme nous n’avions pas les mots pour nous parler, avec Ravi, je me suis mis à imaginer son histoire.
*
Ravi n’a pas toujours vendu des roses. Quand il avait 20 ans, dans son pays, au Pakistan, il vendait des oranges. Il était pauvre et vivait dans un bidonville avec ses parents et ses deux frères.
Dans une décharge, il avait dégoté une carcasse de voiture toute rouillée dont il ne restait quasiment rien, sinon le squelette décharné, simple et piteux. Mais c’était tout ce qu’il fallait à Ravi, qui avait accès à la beauté de cette épave, invisible aux yeux de tous. Avec son grand frère, ils ont ramené le trésor jusqu’à leur bidonville. Ravi savait déjà ce qu’il allait en faire. Il avait déjà tout imaginé et, dès le lendemain, il mettrait en place son projet. Il irait au grand marché acheter des oranges, négociées au meilleur prix. (Ravi était le plus grand négociateur de tous les temps : il négociait sans parler. Son sourire adoucissait tous les prix). Il viendrait ensuite revendre les oranges dans le quartier. La carcasse de voiture serait le meilleur des présentoirs.
C’est comme ça que le commerce florissant de Ravi a commencé, et qu’il a gagné en peu de temps le titre de : « Vendeur d’orange à la carcasse ».
Un jour, une jeune fille est venue près de son étal pour admirer ses oranges. Elle les regardait avec un émerveillement inconnu pour Ravi, comme s’ils étaient des petits soleils rangés dans un écrin d’obscurité. Alors, lui, regardait ses yeux à elle, et un nouvel émerveillement naissait encore. Il la trouvait belle comme le jour. Comme un jour prodigieux qui annonce le monde. Mystérieuse aussi, comme la nuit. Comme une nuit majestueuse qui promet l’infini.
Que faisait-elle là ? Qui était-elle ? Est-ce qu’elle venait lui murmurer un secret ? Qu’elle avait trouvé la clé du mystère des rêves ? Les mains de Ravi étaient moites tout à coup, sa gorge sèche, et son corps tremblant. Il ne comprenait pas grand-chose à ce qui était en train de lui arriver. Il ne savait pas comment s’appelait ce sentiment qu’il observait s’épanouir en lui. Il souriait. C’est ce qu’il savait faire de mieux, de toute façon. Et elle lui souriait en retour. Elle faisait ça encore mieux que lui, pensa-t-il. Et cela lui réchauffa le cœur. Elle a pris une orange. Il a refusé sa pièce.
Elle est revenue le lendemain, avec son mystère et ses yeux qui nourrissent toutes les misères. Il a osé lui demander son prénom. Elle a osé lui donner. Shala. Il était heureux de pouvoir la prononcer. Shala. Cette fois il aurait voulu la retenir, sauf que les mains moites, la gorge sèche et le corps tremblant. Il l’a regardée partir avec son orange. Il aurait voulu lui donner toutes les oranges du monde.
Ravi a sursauté de bonheur lorsqu’elle est revenue le troisième jour. Elle avait une question. Une de celle qui marque sans qu’on le remarque. Une de celle qu’on ne pose jamais à un inconnu, parce qu’à la fois trop banale et trop intime, trop légère et trop profonde, trop drôle et trop sérieuse. Une de celle qui fait mine de rien, mais qui a le pouvoir de faire jaillir de la poésie.
« Pourquoi vends-tu des oranges ? Et pas des fraises ou des bananes ? »
Et Ravi avait répondu, sans trop réfléchir : « Parce que l’orange de l’orange flatte ma carcasse, comme nul autre fruit. L’orange rend les choses belles et magiques. »
Shala avait aimé la réponse de Ravi, et elle était repartie avec son orange belle et magique. Ravi aurait voulu la retenir, encore, mais elle s’était éclipsée comme une lune trop pressée de rejoindre sa nuit.
Il a espéré qu’elle revienne le lendemain. Une quatrième fois. Et cette fois, « je la retiendrai » s’était dit Ravi, pour de bon. Je lui dirai combien elle est belle, je lui dirai que je veux la connaître, que je veux passer mes journées près d’elle, à admirer au fond de ses yeux, toutes les beautés cachées de ses ombres, qu’elle est un grand soleil, et surtout, il lui dirait, qu’il voudrait l’embrasser. Oui, il s’était dit que cette fois, il oserait lui dire qu’il rêve de l’embrasser. Qu’il se ficherait d’avoir les mains moites, la gorge serrée et le corps tremblant, qu’il arrêterait d’avoir peur et qu’il lui dirait tous les jolis mots qui lui sortent du cœur.
Mais Shala n’est pas revenue le lendemain, ni le jour d’après, ni les autres jours, ni aucun autre jour. Shala n’est jamais revenue. Et Ravi a arrêté de vendre des oranges. Le cœur n’y était plus.
Peut-être que Shala n’aimait pas les oranges, après tout. Peut-être qu’elle préférait les fraises ou les bananes. Oui, c’est ça qu’il aurait dû lui demander. Peut-être qu’elle préférait les fraises, qu’elle préférait les bananes. Peut-être qu’elle n’aimait pas les fruits ? Peut-être qu’elle rêvait de roses.
Alors, quand son grand frère lui a parlé du business de vente de roses à Paris, Ravi s’est tout de suite dit : « Mais oui, les roses ! Shala rêve de roses ! » Et peut-être qu’en vendant des roses à Paris, il la recroiserait de nouveau… et il pourrait enfin lui dire tous les jolis mots qu’il n’a pas su lui dire. Il lui offrirait des roses, par milliers. Et ils pourraient enfin s’embrasser. Ils pourraient enfin s’aimer.
*
Mais bien sûr, c’est pas du tout ça l’histoire de Ravi. Sa vraie histoire est moins jolie, moins tristement jolie. Plus dur. La carcasse, les oranges, Shala, et tout et tout, très loin de la réalité. La réalité c’est que Ravi est parti loin de sa famille, se fait exploiter parce qu’il n’a pas de papier, partage une minable chambre de bonne avec 8 autres colocataires dans la même situation que lui. La réalité, c’est que Ravi travaille comme un acharné pour un salaire de misère. C’est Sofiane qui m’a raconté tout ça un jour, et il m’a même donné le vrai prénom de Ravi. À une lettre prêt, j’y étais. Mais il faut croire qu’une lettre change tout. Avec une lettre, on passe du conte féerique à la réalité sordide.
Quoi qu’il en soit, je souhaite toujours qu’il soit ravi, le vendeur de roses, qui s’appelle Raki.
// Dédé ANYOH //
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