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Le vendeur de roses
© Photographie de Steve McCurry
Il y a ce vendeur de roses qui traîne tout le temps dans le quartier, avec des fleurs plein les bras. Il arpente les terrasses de restaurant à la recherche d’amoureux transis dînant aux chandelles.
Mais Ravi – c’est son prénom, enfin, c’est celui que je lui ai inventé, en espérant qu’il le soit un jour – fait tout le temps la tête. Comme si le flot d’amour qu’il tenait contre son corps à longueur de journée, manquait à sa vie. Est-ce qu’il offre des roses à sa femme, Ravi ? Est-ce qu’il a une femme, Ravi ? J’imagine que non, autrement, il aurait un peu plus de soleil sur le visage.
Mais il est fort, Ravi, parce qu’il arrive quand même à fabriquer une lumière artificielle lorsqu’il se poste devant des clients potentiels. « Rose, 2 euros. Rose, 2 euros. » Et souvent, sa lumière halogène fait illusion auprès des touristes – déjà éblouis par les lumières clinquantes d’un Paris qui n’aurait pour atouts que la Tour Eiffel et les Champs-Élysées.
Après avoir fait sa vente, Ravi s’éteint de nouveau. Son regard est sombre, et de toute évidence, si l’on criait « Âllo, y a quelqu’un ? », au fond de la cavité de son cœur, l’écho de notre voix nous reviendrait en plus triste, en plus désespérée.
Je me suis souvent demandé : « C’est quoi son histoire à Ravi ? » Mais Ravi ne parle pas français. Il maîtrise tout juste les quelques mots qui lui servent à présenter ses roses sur les terrasses. Je crois qu’il sait aussi baragouiner quelques mots en anglais. Mais comme c’est une langue que je ne sais moi-même pas baragouiner, c’est pas demain qu’on va pouvoir se parler. On peut pas aller bien loin avec Hello, Thank you et I love you, quoi que, on peut quand même aller quelque part : saluer, remercier, et dire l’amour. Tu m’diras, c’est un peu la base.
La base, mais pas assez pour raconter toute une vie. Alors, comme nous n’avions pas les mots pour nous parler, avec Ravi, je me suis mis à imaginer son histoire.
*
Ravi n’a pas toujours vendu des roses. Quand il avait 20 ans, dans son pays, au Pakistan, il vendait des oranges. Il était pauvre et vivait dans un bidonville avec ses parents et ses deux frères.
Dans une décharge, il avait dégoté une carcasse de voiture toute rouillée dont il ne restait quasiment rien, sinon le squelette décharné, simple et piteux. Mais c’était tout ce qu’il fallait à Ravi, qui avait accès à la beauté de cette épave, invisible aux yeux de tous. Avec son grand frère, ils ont ramené le trésor jusqu’à leur bidonville. Ravi savait déjà ce qu’il allait en faire. Il avait déjà tout imaginé et, dès le lendemain, il mettrait en place son projet. Il irait au grand marché acheter des oranges, négociées au meilleur prix. (Ravi était le plus grand négociateur de tous les temps : il négociait sans parler. Son sourire adoucissait tous les prix). Il viendrait ensuite revendre les oranges dans le quartier. La carcasse de voiture serait le meilleur des présentoirs.
C’est comme ça que le commerce florissant de Ravi a commencé, et qu’il a gagné en peu de temps le titre de : « Vendeur d’orange à la carcasse ».
Un jour, une jeune fille est venue près de son étal pour admirer ses oranges. Elle les regardait avec un émerveillement inconnu pour Ravi, comme s’ils étaient des petits soleils rangés dans un écrin d’obscurité. Alors, lui, regardait ses yeux à elle, et un nouvel émerveillement naissait encore. Il la trouvait belle comme le jour. Comme un jour prodigieux qui annonce le monde. Mystérieuse aussi, comme la nuit. Comme une nuit majestueuse qui promet l’infini.
Que faisait-elle là ? Qui était-elle ? Est-ce qu’elle venait lui murmurer un secret ? Qu’elle avait trouvé la clé du mystère des rêves ? Les mains de Ravi étaient moites tout à coup, sa gorge sèche, et son corps tremblant. Il ne comprenait pas grand-chose à ce qui était en train de lui arriver. Il ne savait pas comment s’appelait ce sentiment qu’il observait s’épanouir en lui. Il souriait. C’est ce qu’il savait faire de mieux, de toute façon. Et elle lui souriait en retour. Elle faisait ça encore mieux que lui, pensa-t-il. Et cela lui réchauffa le cœur. Elle a pris une orange. Il a refusé sa pièce.
Elle est revenue le lendemain, avec son mystère et ses yeux qui nourrissent toutes les misères. Il a osé lui demander son prénom. Elle a osé lui donner. Shala. Il était heureux de pouvoir la prononcer. Shala. Cette fois il aurait voulu la retenir, sauf que les mains moites, la gorge sèche et le corps tremblant. Il l’a regardée partir avec son orange. Il aurait voulu lui donner toutes les oranges du monde.
Ravi a sursauté de bonheur lorsqu’elle est revenue le troisième jour. Elle avait une question. Une de celle qui marque sans qu’on le remarque. Une de celle qu’on ne pose jamais à un inconnu, parce qu’à la fois trop banale et trop intime, trop légère et trop profonde, trop drôle et trop sérieuse. Une de celle qui fait mine de rien, mais qui a le pouvoir de faire jaillir de la poésie.
« Pourquoi vends-tu des oranges ? Et pas des fraises ou des bananes ? »
Et Ravi avait répondu, sans trop réfléchir : « Parce que l’orange de l’orange flatte ma carcasse, comme nul autre fruit. L’orange rend les choses belles et magiques. »
Shala avait aimé la réponse de Ravi, et elle était repartie avec son orange belle et magique. Ravi aurait voulu la retenir, encore, mais elle s’était éclipsée comme une lune trop pressée de rejoindre sa nuit.
Il a espéré qu’elle revienne le lendemain. Une quatrième fois. Et cette fois, « je la retiendrai » s’était dit Ravi, pour de bon. Je lui dirai combien elle est belle, je lui dirai que je veux la connaître, que je veux passer mes journées près d’elle, à admirer au fond de ses yeux, toutes les beautés cachées de ses ombres, qu’elle est un grand soleil, et surtout, il lui dirait, qu’il voudrait l’embrasser. Oui, il s’était dit que cette fois, il oserait lui dire qu’il rêve de l’embrasser. Qu’il se ficherait d’avoir les mains moites, la gorge serrée et le corps tremblant, qu’il arrêterait d’avoir peur et qu’il lui dirait tous les jolis mots qui lui sortent du cœur.
Mais Shala n’est pas revenue le lendemain, ni le jour d’après, ni les autres jours, ni aucun autre jour. Shala n’est jamais revenue. Et Ravi a arrêté de vendre des oranges. Le cœur n’y était plus.
Peut-être que Shala n’aimait pas les oranges, après tout. Peut-être qu’elle préférait les fraises ou les bananes. Oui, c’est ça qu’il aurait dû lui demander. Peut-être qu’elle préférait les fraises, qu’elle préférait les bananes. Peut-être qu’elle n’aimait pas les fruits ? Peut-être qu’elle rêvait de roses.
Alors, quand son grand frère lui a parlé du business de vente de roses à Paris, Ravi s’est tout de suite dit : « Mais oui, les roses ! Shala rêve de roses ! » Et peut-être qu’en vendant des roses à Paris, il la recroiserait de nouveau… et il pourrait enfin lui dire tous les jolis mots qu’il n’a pas su lui dire. Il lui offrirait des roses, par milliers. Et ils pourraient enfin s’embrasser. Ils pourraient enfin s’aimer.
*
Mais bien sûr, c’est pas du tout ça l’histoire de Ravi. Sa vraie histoire est moins jolie, moins tristement jolie. Plus dur. La carcasse, les oranges, Shala, et tout et tout, très loin de la réalité. La réalité c’est que Ravi est parti loin de sa famille, se fait exploiter parce qu’il n’a pas de papier, partage une minable chambre de bonne avec 8 autres colocataires dans la même situation que lui. La réalité, c’est que Ravi travaille comme un acharné pour un salaire de misère. C’est Sofiane qui m’a raconté tout ça un jour, et il m’a même donné le vrai prénom de Ravi. À une lettre prêt, j’y étais. Mais il faut croire qu’une lettre change tout. Avec une lettre, on passe du conte féerique à la réalité sordide.
Quoi qu’il en soit, je souhaite toujours qu’il soit ravi, le vendeur de roses, qui s’appelle Raki.
// Dédé ANYOH //
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Libre de toi
Assise ce soir sur mon lit, je suis légère
Les chaînes se brisent et j’ai foi en moi.
Oui j’ai manqué de toi ma mère,
Mais je n’ai plus besoin de toi.
Rôdant dans ma tête, tel mon maître,
Définissant mon quotidien, ma vie, mon être
Je n’entendais plus ma propre voix,
Et je te laissais diriger mes choix.
J’ai été longtemps mon adversaire,
A vouloir réparer tes erreurs.
Je me suis mise si souvent en colère
Que les regrets envahissaient mon coeur.
Les peines, anxiétés et culpabilités
Me rongeant ainsi très lentement,
Je refusais de voir en moi quelconque qualité,
A toujours refouler mes sentiments.
Je suis passée trop longtemps à côté de moi,
Honteuse d’être celle que je suis et ai toujours été
Je sais maintenant combien est précieuse ma sensibilité
Et que je n’ai plus besoin de réponses à mes pourquoi
Car oui aujourd’hui je le sens je le sais
Je suis libre de toi
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You are my first thought of the morning and my last of the night.
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Temps libre
Le carrelage froid de la cuisine sous mes pieds. Fin septembre. Il fait froid depuis une semaine. Il pleut depuis une semaine. Pour mon plus grand bonheur. Avoir autant de temps pour soi, c’est magique et terrifiant à la fois. C’est avoir devant soi l’infini des possibles. C’est faire des listes à n’en plus finir. C’est avoir de grands rêves, des ambitions qu’on n’osera à peine penser à réaliser. C’est avoir l’impression qu’on peut enfin faire tout ce qu’on n’avait pas « le temps » de faire. Puis, finalement, c’est faire exactement la même chose que ce qu’on faisait avant. Mais savoir que tout est possible change absolument tout.
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Mes mots
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Carnet sombre du 16/03/2021 - Parfois j’y pense encore
“Je me levai rapidement et m’installai devant mon ordinateur, fébrile. Je pris mon casque, mes bloc-notes. Sur le point de m’isoler du bruit avec ma musique, ma mère m’attrapa doucement le poignet. Je me tournai vers elle. Ses yeux gris me regardèrent avec une infini tristesse. Elle avait peur. Elle était las de n’avoir aucun réponse à mes démons. Nous avions ce point commun en plus d’être aussi identique comme deux gouttes d’eau. Elle me toucha la joue du bout des doigts.
« Merci pour tout ce que tu fais. », bredouillai-je en détournant les yeux vers l’écran de mon ordinateur. Je sentis les larmes monter à une vitesse lumière. Sa main tomba le long de son corps. Elle abandonnait. Elle ne savait pas. Elle ne savait plus depuis un moment.
« Un jour, ça ira mieux mon petit cœur. Je te le promets. »
Sur ses paroles, elle se dirigea vers ma porte et sortit. Mes doigts restèrent bloqués sur mon clavier. J’avais envie de crier et de hurler, de tout balancer. Rien n’avait de sens. Voilà deux ans que mes nuits n’étaient qu’une suite de cauchemars. Je faisais du sur place. Rien n’avançait. La nuit avait d’apaisant, son calme et son silence entrecoupé de bruits de criquets. Pour moi, les nuits ressemblaient à des états schizophréniques entre réveils, sommeils. Mon instabilité me terrifiait. J’avais peur un jour de vriller à force de manquer de sommeil et de nuits reposantes; de pensées heureuses et d’annonces de bonheur. Seul le fait de pianoter sur mon clavier pour y sortir des textes me permettait de tenir le coup. Je savais que l’apaisement revenait lorsque j’arrivais à aligner des phrases harmonieusement. Je savais que je ne devenais pas folle lorsque j’arrivais à créer une ellipse.”
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What's the matter in the life, being human, being heart... ♥✍️ #life #mesécrits https://www.instagram.com/p/CAoN4GMnuzY/?igshid=nux2gd7jmfsg
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I wish you knew how hard it is for me to be put back in this position. Once again, my wellness rests in your hands. Once again, everything depends on your will.
You know this feeling, helplessness. It’s when you have no control over a situation. In my case, all I can do is wait and hold on to the possibility that you actually care. And knowing deep inside that you don’t. It’s unbearable. The doubt. The emptiness.
The waiting.
Waiting for you to reach out to me. Waiting for you to send me a message, give me a call. Secretely wishing that you’ll surprise me at my job. That someday I’ll come home and you’ll be there, waiting for me.
After all we went through, isn’t it absurd to find myself still waiting for you? Isn’t it pathetic? I just need to know that you care but you can’t even give me that.
You told me that I have to wait, that you would get help and reach back to me when you’re ready. What if instead you choose to forget about the person you want to be, about us, about me?
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10. Psychologie.
Les études de psychologie nous montre les théories des grands auteurs, les mouvements de pensées, les découvertes importantes en psychologie. Ce que les études n’explique pas, c’est comment vivre avec tous ça ?
Nous sommes supposés faire avec ce qu’on a. Ce que la vie choisi pour nous. Elle décide de notre état de santé, de nos liens sociaux, de notre famille. Et le but est de réussir à survivre avec le package de base, et toutes les évolutions qui en découle.
C’est injuste. Parce qu’on ne part pas tous avec le même bagage, on va commencer notre vie avec un tremplin ou un boulet à la cheville. Cette inégalité est pesante. Et en plus de ce départ foireux, il y a tous les obstacles à surmonter. Certains de ces obstacles ne portent pas d’attention au bagage de base de chacun. La maladie ne choisi pas en fonction de la couleur de peau, où du sexe, où de l’orientation sexuelle, la mort non plus.
La psychologie parle de l’importance de l’enfance, et de tout ce qui se met en place à ce moment la. Mais alors, si notre enfance est si importante, pourquoi on ne nous donnes pas les bonnes clefs à cette période ? Pourquoi le monde passe son temps à essayer de réparer des adultes cassé quand on pourrait éduquer les enfants à la base pour qu’ils soient plus à même d’appréhender la vie ?
Réaliser que la souffrance aurait pu être éviter, que les choses pourraient être autrement. Plus on avance dans les siècles, plus la technologie simplifie nos vie, et on croit que c’est plus simple. Ce n’est pas plus simple, les complications évoluent avec leurs temps également.
L.
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Douce
Et si, je n'étais pas douce ?
Et si, à l’abri des regards, parfois, souvent, j’étais agressive, angoissée et angoissante, vulgaire, intransigeante, indifférente, désabusée, ironique, bougonne, pleureuse, cynique, colérique, chiante, folle, trop sensible, jamais contente, jamais sourire, toujours pire ?
Et si, douce, c’était un masque ? Que je me suis fabriqué par peur que l’on ne sache pas m’aimer dans la nudité de ma vérité ?
Et si, douce, c'était pas doux, et si douce, c’était trop dur ?
Et si, douce, j’en pouvais plus, qu’il me prenait l’envie de lui flanquer des coups, jusqu’à ce qu’elle se fissure, douce, jusqu’à ce qu’elle fasse éclater son robuste vernis de bien-comme-il-faut, pour montrer sa vraie couleur, qui est même pas une vraie couleur, mais un genre de bleu-vert-rouge qui hésite, qui sait pas.
Douce ne sait pas. Et je ne sais pas non plus, si je dois la chérir ou la rejeter, l’assumer ou l’honorer. La reconnaître ou la renier.
La question persiste, encore et malgré tout.
Et si, je n'étais pas douce ?
// Dédé ANYOH //
#mestextes#mesécrits#littérature#prose#écriture#prose poétique#texte#écrire#dedeanyoh#prosepoétique#douceur#douce
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1 hamburger = 1 animal mort
En mangeant un hamburger, il y a eu un animal qui a dû sacrifier sa vie pour le simple plaisir de tes papilles gustatives. Un plaisir qui ne dure qu’une dizaine de minute. Un plaisir pour toi, la fin d’une vie pour un autre. Sauf que ce matin, tu as mangé du bacon avec un verre de lait. Une mort de plus et un veau qui n’a pas pu boire le lait de sa mère. Cette après-midi, tu as mangé les restes du poulet d’hier. Un poulet de mort. Et ce soir, tu vas manger un steak. Un autre mort. En une journée, il y a eu trois morts. En une seule journée, le monde réussit à tuer trois animaux et ces massacres, personne n’en a conscience. Pourquoi? Parce que c’est bon manger de la viande!
Tu sais quoi? Ne fait pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. Que la première personne qui voudrait se faire manger, me le dise. Je vais aller bouffer un hamburger, triple fromage avec une boulette de plus devant tout le monde!
Tu veux pas te faire bouffer? Qui te dis que les animaux veulent se faire manger, eux?
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Je t’ai, mais tu m’as..
Je t’ai idolâtré, tu m’as risée
Je t’ai fais confiance, tu m’as trahi
Je t’ai cru, tu m’as menti
Je t’ai épaulé, tu m’as abandonné
Je t’ai aidé à te reconstruire, tu m’as brisé
Je t’ai innocenté, tu m’as condamné
Je t’ai pardonné, tu m’as dénaturé
Je t’ai redonné le sourire, tu m’as laissé larmoyer
Je t’ai amener de la clarté, tu l’as accablé d’obscurité
Je t’ai fait découvrir la joie de vivre, tu me l’as retiré petit à petit
Je t’ai donner mon cœur, tu me l’as accidenté
Je t’ai donné ma vie, tu l’as, sans le savoir, démoli.
Anais
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En ce moment mes émotions c’est un mélange de Exit Music et Black Star de Radiohead.
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it is too easy to forget that others have feelings, too they have their own lives, their own worries their own thoughts the reasons behind someone's decision might not be those you are thinking about the actions someone's taking might not have the signification you think they have no one else is just like you we are all different do not assume and pretend to understand ask for explanations so you can acquire a real understanding
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Victor
— Ma femme elle voulait accoucher dans l’eau. C’est vrai hein, c’est vrai de ouf. Dans certaines maternités, ils font ça. Mais comme elle a jamais été enceinte, elle a pas pu réaliser son rêve. Aujourd’hui, on n'est plus ensemble, parce que tu vois, elle m’a quitté. Elle adorait l’eau mais elle supportait pas l’alcool, et comme je bois que ça, de l’alcool, ça l’a fait fuir. Enfin bref, voilà quoi. Hey, Brigitte, au fait, tu sais que j’étais beau gosse quand j’étais jeune ? — T’es pas encore tout à fait vieux. — Non mais quand j’étais tout jeunot, tout minot comme dirait mon ami Gillou, au sortir de l’adolescence quoi. J’étais vraiment beau gosse hein, de ouf ! Le mec dont toutes les meufs rêvent au lycée, que toutes les meufs regardent, eh ben, c’était moi. Je t’assure. Je les faisais toutes tomber, comme des mouches. J’étais un bourreau des cœurs. Tu peux pas savoir comment je plaisais, Brigitte, de ouf. — Oh mais j’imagine. — Y a que ma femme qui a fini par me résister. C’était au moment où j’étais plus irrésistible, sauf pour le pinard. Je lui résiste pas non plus à vrai dire : moi et le pinard c’est une grande histoire d’amour. Mais c’est pas le pinard qui accouchera de mon enfant dans l’eau.
Victor, il devait avoir moins de 40 ans mais on lui en donnait 60. Je le crois quand il me dit qu’ils les faisaient toutes craquer dans une autre vie. Au milieu de son visage usé, de son teint verdâtre et sa peau burinée par un soleil trop ardent, il avait gardé le regard intact d’une beauté flamboyante. Ses yeux bleus d’une intensité déstabilisante était comme la preuve de sa majesté perdue.
— Trop belles tes baskets Toto ! Mais c’est qu’elles sont flambant neuves en plus ! — Ouais, ils sont sympas chez Emmaüs. Bon, d’habitude ils me refilent que des godasses trop petites ou trop grandes, ou trop moches, mais là franchement j’ai eu de la chance, je peux me la péter.
Il avait sorti une énième cannette de bière de son immense de sac en plastique de supermarché. Et comme de sa main tremblante il avait cassé la languette en voulant l’ouvrir, il a sorti de sa sacoche toute rafistolée un coupe-ongle, a sélectionné la lime à ongles tranchante et a fait un trou dans le toit d’aluminium. De la mousse a giclé et il a continué à parler. — Tu sais ce que je voudrais de ouf moi, Brigitte, quand je serai vieux, mais vraiment plus vieux, tu sais ce que je voudrais de ouf ? — Non, balance, qu’est-ce que tu voudrais de ouf ? — Je voudrais faire comme toi, écrire. Écrire des beaux livres pour faire rêver les enfants. — Ben vas-y mon gars. Attends pas d’être trop vieux. Fais-le maintenant. — Ben ouais, de ouf, de ouf. Faut que je le fasse maintenant. Mais demain, parce qu’aujourd’hui j’ai trop bu, le brouillard c’est pas un super co-auteur. — Fais-le maintenant Victor. Aujourd’hui. Demain, c’est incertain. Le meilleur moment de la vie, c’est maintenant. Tiens, prend cette feuille et ce stylo. Avec ça tu peux refaire le monde et la vie, et faire rêver n’importe qui, petits et grands, écrire le passé, le futur et même le présent. Pas demain Victor, aujourd’hui, maintenant, tout de suite. Quand tu seras trop vieux, eh ben, tu seras trop vieux. Et ce sera une excellente excuse pour pas t’y mettre. — Merci Brigitte, tu déchires de ouf. Bon, je vais y aller, ça fait une heure que je te raconte ma vie, je parle trop. — Écris mon pote, écris. — Merci de m’avoir écouté en tout cas Brigitte, et bonne soirée ! — Allez, bonne soirée. Et j’te préviens, reviens pas si t’as pas écrit ! Et lève le coude sur la boisson. Je vois bien ta tête : je sais, c’est pas facile. Ça te paraît même impossible. Mais si t’y arrives, j’suis sûre qu’elle reviendra, ta gonzesse, et vous l’aurez cet enfant qui va naître dans l’eau. — C’est trop tard, Brigitte. — C’est jamais trop tard Victor, jamais trop tard.
// Dédé ANYOH //
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