#lettre capitale
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vhscorp · 7 months ago
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Tu es mon idéal et mon plus beau poème et sur ma pierre tombale sera gravé : « je t’aime » en lettres capitales…
V. H. SCORP
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andthesunrisesagain · 1 year ago
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Conseils accessibilité graphique
Je me dis que c'est le bon moment pour re-poster ce post de 2021 qui trainait dans mon ordi, suite au message de @petrichorpg !
Point à noter :
L'accessibilité, ce n'est pas tout ou rien. On peut améliorer beaucoup de choses et d'autres seront plus difficiles car nous n'avons pas les connaissances, les compétences, le temps ou l'énergie. Le plus important, c'est de s'y mettre.
Même si je suis un fervent admirateur du design dit universel (bon pour tout le monde), l'accessibilité a aussi ses besoins de personnalisation. Certains handicaps, maladies, neuroatypies requièrent des aménagements précis et qui n'iront pas à tout le monde. -> Exemple : des personnes liront mieux en grand, d'autres en petit (vision tubulaire) ; un dark mode hyper contrasté conviendra bien à quelqu'un mais sera trop "bright" pour d'autres (c'est mon cas, j'adore le dark mode mais souvent, les textes sont trop lumineux pour moi).
Mais globalement, les conseils ci-dessous répondent à beaucoup de besoins et permettent d'améliorer l'accessibilité globalement. Ils sont majoritairement issus des recommandations internationales (et sinon, à travers mon expérience de graphiste).
J'ai encore pleins d'idées sous le coude mais bon, là j'ai déjà corrigé certains éléments de cette liste partagée en 2021. On verra pour le reste un jour aha
Je suis ouvert à toute question, clarification et correction en commentaire !
“Mais souvenez-vous que vous ne faites pas ce design pour des designers. Vous concevez un site pour des utilisateurices varié·es aux besoins divers, et avec différents outils pour y accéder.”
(terminologie : user -> utilisateur·trice / dys’ -> raccourci pour évoquer une partie ou l'ensemble des troubles d'apprentissage dont le préfixe est « dys »)
Typographies :
Textes tout en uppercase/capitales :  À éviter sur tout un paragraphe, à garder pour de court mot ou court texte (1 ligne) -> Pourquoi ? Globalement, les textes tout en capitales manquent de lisibilité à cause de l’absence des repères de lectures comme les lettres qui montent (l,d,k) et qui descendent (p,j).En majuscules, toutes les lettres sont à la même hauteur.
Textes tout en lowercase/minuscules : À éviter aussi, les majuscules servent de repère de lecture pour savoir quand une phrase débute ;).
Texte centré : Éviter les textes centrés quand ils sont trop longs (longues lignes ou beaucoup de lignes). -> Pourquoi ? Les lignes d'un texte centré ne débutent pas aux mêmes endroits et la lecture en est impactée. À garder pour de très courts textes type 2 lignes (citation, titre et sous-titre court...)
Texte justifié : Éviter globalement (oui je sais, 98% des forums ont leurs textes justifiés aha....) -> Pourquoi ? Sur le web, on peut difficilement gérer les espaces entre les mots. Un texte justifié va donc créer des espaces + ou - grands entre chaque mot pour combler l'espace et rentrer dans une largeur fixe, ce qui peut complexifier la lecture (l'oeil va plus difficilement sauter d'un mot à l'autre en gros).
Texte aligné sur la gauche : À privilégier au max, surtout les longs textes ! Je sais que le justifié rend plus "esthétique" car tout est aligné. Si on veut les garder, plutôt pour les textes de catégories et privilégier le texte aligné à gauche (dans le jargon on parle de ferré à gauche) pour la majorité des textes type annexes, rp...
Line-height (espace entre les lignes) : Pour les paragraphe, il est recommandé d'avoir un line-height de x1.5 de la taille du texte.  -> Exemple : paragraphe en 16px → 16x1.5 = votre line-height. Pour les grands titres, j'ai tendance à descendre à x1.3 généralement car normalement les titres sont courts et grands.
Letter-spacing (espace entre les lettres) : Éviter de changer les espacements de lettres, surtout sur ce qui est titre et paragraphes. Normalement une typographie a des espaces précis pour faciliter sa lisibilité. En ajouter peut créer des difficultés de lecture.
Niveaux de titres (ce qu'on nomme H1, H2, H3) : Choisir plusieurs niveaux de titres et s'y tenir. Il faut que chaque élément ayant le même niveau d’informations soit dans le même style graphique à chaque fois pour aider à comprendre la structure :) -> Exemple : tous les titres d’annexes = tel css / tous les boutons = tel css / tous les sous-titres = tel css.   -> Partage d'infos en plus : les Hr ont aussi un rôle de structure pour les lecteurs d'écran (logiciel qui restitue vocalement ou en braille l'information écrite. Ils sont utilisés par certaines personnes aveugles, malvoyantes, qui ont des troubles cognitifs...).Je n'en parlerai pas dans cette liste car je n'ai pas de connaissance sur la facilité d'usage de Forumactif avec un lecteur d'écran.
Taille de texte : Sur le web, il est recommandé d'écrire en 16px minimum pour les paragraphes.
Accent et texte : Garder les accents sur les majuscules (À, É) facilite aussi la compréhension des textes.
Largeur de textes : Normalement sur FA, on n'a pas ce soucis, mais on conseille globalement d'avoir entre 50 et 70 caractères, espaces compris, par ligne pour une bonne lisibilité. Le but n'est pas de calculer chaque ligne mais de se rendre compte de ce que ça signifie visuellement ( j'utilise le site compteursdelettres).
Mise en valeur :
Changement de typographie : Éviter les changements de typographies dans des paragraphes pour mettre en valeur des éléments ! Plutôt utiliser le gras, une couleur différente ou un surlignement en couleur discrète (mais visible, faut juste pas que ça soit TROP visible).
Nombre de mises en valeur : normalement, une mise en valeur ne devrait pas être trop présente car sinon...ça voudrait dire que tout le texte est important aha. Restons utile et efficace : un peu de gras, un surlignement si besoin d'avoir 2 CSS de mises en valeur mais ne faisons pas un sapin de noël.
Italique : Utiliser l'italique avec parcimonie (manque de lisibilité sur certaines typographies). En général, l’italique sert pour des citations courtes, des mots en langue étrangère à celle du texte, des noms propres ou d’ouvrages, pas juste pour “faire joli”.
Soulignement : Éviter d’utiliser le soulignement pour des éléments non-cliquable. C'est un code connu et reconnu dans le web pour visibiliser les liens alors autant l'utiliser comme le cerveau s’y attend :)
Liens et infos :
Élément cliquable (bouton, lien, flèche...) : pas trop petit et éviter des éléments cliquables trop proches les uns des autres.   -> Pourquoi ? Une personne qui a des troubles de la vision ou de la motricité pourrait galérer à cliquer au bon endroit si c'est trop petit / trop proche d'un autre élément cliquable !
Lien et css : je conseille toujours de garder le soulignement pour les liens, c'est un code connu du web alors autant de ne pas réinventer la roue. On peut ne pas avoir de soulignement pour ce qui est "logique" (genre les menus, on sait globalement que c'est cliquable) mais un lien dans un texte, on garde le soulignement ! -> Note : Un lien en couleur seule n'est souvent pas suffisant, surtout si on utilise déjà la couleur et/ou le gras pour mettre en valeur (il y a des cas à la marge mais j'essaye de rester efficace).
Cacher du contenu : Éviter de trop dissimuler du texte dans des collapses/accordéons. Plus les textes seront cachés, plus ça créer un sentiment de “mauvaise” surprise chez les users qui se retrouvent à lire 4x plus de texte que ce qu'iels pensaient.
Renseigner ce qu'on va trouver : Sur de longues annexes, ne pas hésiter à préciser le contenu avec une introduction courte qui résume ou avec un mini sommaire. Pourquoi pas y ajouter des ancres (html) pour faciliter la navigation dans l’annexe.Liens entre les informations : Ne pas hésiter en fin d’annexe/contexte à mettre des liens vers d’autres sujets qui serviront à mieux comprendre ce que les membres ont lu juste avant. Pas tous les liens, juste ceux autour des informations évoquées au dessus. En gros, aider les users à mieux comprendre en leur indiquant où se rendre ensuite !
Plan de forum : Sur un site, on conseille d'avoir une page "Plan du site", qui récapitule toutes les pages. Je me dis qu'un post "plan du forum", spécifiquement pour la partie annexe, peut-être très cool.
Couleurs :
Contraste général : Ni trop fort, ni trop faible. Dans les recommandations officielles d'accessibilité, on parle de ratio de contraste. Il existe des outils pour tester les couleurs de texte sur les couleurs de fonds pour voir si on est dans les clous. -> Comment s'y prendre ? Je vous recommande l'outil Color Contrast Analyser qui est un logiciel sur Mac et Windows : vous entrez la couleur de texte (1er plan) et la couleur de fond (2e plan) pour obtenir un ratio de contraste. L'objectif est de viser la conformité sur "texte normal" et "texte grand" du niveau "AA" (je conseille toujours le niveau AA car sinon on rentre dans des choses plus précises type si texte plus de 24px, on peut être moins contrasté etc...)
D'autres site de contraste (si besoin, je serais ravi de faire une vidéo pour montrer comment les utiliser) :  Colorsafe.co ou Contrast-finder
Couleurs pures ou vives : Éviter les couleurs dites pures (noir #000 sur blanc #FFF, etc) ou très vives. Privilégier des nuances comme un noir coloré, grisé ou un blanc cassé, une couleur descendue et pas flashy, surtout pour ce qui est texte ! Même si le contraste sera bon, certaines couleurs trop vives peuvent entrainer des migraines ou autre sensibilité à la lumière.
Gifs : Éviter les gifs avec flash de couleurs ( type spot de soirées) ou flash trop rapides / répétition. Ça peut entrainer une crise d’épilepsie photosensible chez les personnes épileptiques (et aussi des migraines). Ou alors prévenir en amont. Donc à éviter sur des headers, à un moment c'était assez tendance. -
Éléments animés : Toujours laisser la possibilité d'arrêter une animation (ex : un fond de forum qui bouge pour donner un côté grain de vieux film -> on a un bouton qui permet de stopper cette animation.) Ça peut être plus complexe à faire mais une animation qui tourne en boucle, niveau concentration, c'est chaud :/
Information et couleurs : Ne pas signaler une information uniquement par la couleur -> Exemple : "info importante en rouge" ou pour diviser une liste d'info "en rouge les malus, en vert les bonus".  -> Pourquoi ? Les personnes daltoniennes verront le rouge jaune/marron ou rose (il existe plusieurs types de daltonisme). -> Comment ? En plus d'une couleur, on peut accompagner d'un pictogramme, d'un symbole (triangle rouge = telle info ; carré vert = telle info), ou d'un mot, tout simplement. Ne pas oublier la légende ;) En plus, c'est top pour apporter un peu plus d'identité graphique !
Récurrence d'usage des couleurs : Utiliser chaque couleurs pour les mêmes éléments au fil des pages. -> Exemple : Une palette avec du bleu doux , du gris perle et du bleu marine : le bleu doux pour tous les boutons et liens, le bleu marine pour tous les titres, le gris perle pour les separateurs....
Autres :
Poids des visuels : L'accessibilité concerne aussi l'accès à l'information quel que soit notre matériel ou notre type de connexion. Tout le monde n'a pas la fibre et des headers de 3 mo (oui j'a déjà vu :/) peuvent être très pénibles à charger. -> Conseils : N'oublions pas de diminuer le poids de nos images en passant par des logiciels de compression (compress jpg ; compress png ; compress gif). Il est toujours possible de trouver le juste milieu entre qualité et poids !
Laisser la parole : que ce soit dans un post dédié, un questionnaire en ligne et anonyme, par MP au staff ou dans la fiche de présentation (le forum Maybe this time le propose par exemple), on peut intégrer la possibilité de faire des retours d'accessibilité ou préciser des besoins précis. On ne peut pas penser à tout et peut-être qu'un besoin remonté par un·e membre aidera d'autres qui n'ont pas osé en parlé !
Pour aller plus loin :
En anglais : conseils sur les couleurs pour les personnes avec des handicaps visuels
Designing-for-color-blind-users
Colour-accessibility
En français : accessibilité, design, webdesign
Le site design accessible
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b-satela-star · 2 months ago
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Les sigils - Création de sceau magique
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(from : pinterest)
Qu'est ce qu'un sigil ?
C'est la manifestation des intentions de son créateur, dans un symbole à connotation magique (littéralement signature en latin).
Généralement on accompagne un rituel d'un symbole pouvant être un sigil puisqu'il cristallise la volonté de l'exécutant. Celui ci est donc strictement personnel, il vous est donc nécessaire de crée le votre au risque de voir votre rituel échouer. Pour cela plusieurs méthodes existe.
A La méthode "Alchimique"
Il convient ici d'assembler divers symboles alchimiques pour faire acte de vos désirs (pour rappel les éléments, les pierres, les planètes ont des symboles et significations associées).
Ainsi, de cette manière, pour un rituel lié à l'amour, l'érotisme ou le désir, vous pourrez assembler des symboles liés au feu (flamme de la passion), à l'eau (sentiments), Vénus (déesse de l'amour) ou encore la lune (symbolique amoureuse).
Pour davantage d'informations sur la méthode alchimique, je vous prie de vous référer à la symbolique des différentes figures.
Vous pouvez également y inclure des symboles non alchimique (géométrie sacrée, alphabet runique, ...), le plus simple étant le mieux :)
B La méthode Graphique
Plus simple selon moi.
Nécessite d'écrire la phrase avec vos intentions en lettre capitales. Vous devrez ensuite supprimer les lettres doubles (lettres qui sont répétées dans la phrase) et/ou voyelles (vous êtes libres de faire comme bon vous semble). Décomposez ensuite les lettres en "traits et courbes" (La lettre G est par exemple composée d'une courbe et d'un trait) et assemblez les pour former votre sigil avec le bon nombre de traits et courbes, vous pouvez ici aussi inclure des petits symboles pour personnaliser vos intentions.
Voici par exemple mon sigil pour attirer l'amour :
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(from : me :) )
Il existe plein d'autres méthodes.
Charger son sigil
Un sigil nécessite d'être "activé" et chargé en énergie pour qu'il soit efficace lors d'un rituel, la méthode à utiliser peut dépendre de la nature du rituel :
La méditation : Nécessite de visualiser l'objet de vos désir tout en tenant votre sigil ou en le posant devant vous. Vous pouvez également réciter des formules que vous aurez préparé ou encore des prières à vos divinités.
La canalisation : Nécessite de charger vos mains d'énergie ampli d'intentions et d'insuffler celle ci en votre sigil.
La masturbation : Idéal pour les rituels rouges liés à l'amour, au sexe. Il est nécessaire de visualiser vos désirs au moment de l'acte ou encore de fixer votre sigil au moment de l'orgasme.
Recharge : Liée également à l'objet du rituel, nécessite faire brûler de l'encens, des plantes ou un parchemin avec vos désirs puis d'enduire légèrement avec les cendres votre sigil. Vous pouvez également ajouter des pierres (dont la nature dépend de ce que vous cherchez).
Le rituel : Reprend un peu la méthode de la recharge. Nécessite en plus des bougies (de couleurs changeantes selon vos souhaits) et une athamé qui vous permettra de mener une consécration et de charger votre sigil.
Encore une fois vous êtes libre de charger votre sigil comme vous le souhaitez, l'important est la sincérité et les intentions (vous pouvez modifier ces méthodes ou les combiner).
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christian-dubuis-santini · 8 days ago
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«L’inconscient c’est la politique.» Jacques Lacan
Qu’est-ce que la politique pour un psychanalyste ? La politique de la psychanalyse selon Lacan («l’inconscient, c’est la politique») c’est tout le contraire de la pathétique soumission de l’ECF de Jacques-Alain Miller au discours dominant et sa promotion, au nom du Bien, des identifications sexuelles imaginaires des Gender Studies...
La véritable dimension politique de la psychanalyse révèle son accès dans le Séminaire XX, quand Lacan affirme : «l'objectif de mon enseignement est ... de dissocier a et A ... c'est ici que la scission ou un détachement reste à être effectué».
Si cette «séparation» n'a pas lieu (c'est l'étape logique qui vient après l'aliénation...) l'Autre continue de fonctionner comme un grand Autre non castré, non barré, entier, représentant absolu du domaine de la nécessité, qui contient sa propre raison.
Alors que l'opération qui sépare l'Autre de sa cause, place cette cause à la fois hors de la sphère du sujet, et hors de la sphère de l'Autre, c'est à dire au point de leur impossible intersection.
Lacan parle de sortie du Discours Capitaliste, ce qui ne signifie pas encore la sortie du capitalisme...
Voilà pourquoi il avance que le psychanalyste, qui doit devenir un "saint", aura dû apprendre �� "déchariter"...
«Plus on est de saints, plus on rit, c'est mon principe, voire la sortie du discours capitaliste, — ce qui ne constituera pas un progrès, si c'est seulement pour certains.»
Pour Lacan, la fin d'une analyse se marque donc d’une séparation, la séparation de l'objet (a) du Moi (l'identité imaginaro-symbolique), l'objet se trouvant expulsé hors du circuit signifiant, dans une prise de distance décisive avec l’ordre symbolique...
L'équivoque signifiante concernant la notion de «lettre» est ici capitale.
La lettre en tant qu'elle est réelle n'est pas le message qu'elle contient mais si l’on peut dire "l'être de la lettre" lui-même, le reste matériel qui résiste à la symbolisation.
La séparation au sens psychanalytique consiste donc à séparer le contenu de la lettre, ce qu'il y a à l'intérieur, son message, de la lettre elle-même en tant qu'elle est le support du message, son enveloppe matérielle, le message n’étant rien d’autre in fine que le médium lui-même...
Ce reste-déchet-excrément, seul support restant d'identification, est le corrélât objectif réel du sujet, sans lequel le sujet lui-même disparaîtrait irrévocablement.
Ainsi naît la notion de Sinthome (saint-homme) chez Lacan...
«À la vérité le saint ne se croit pas de «mérites», ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait pas de morale.
Le seul ennui, pour les autres, c’est qu’on ne voit pas où ça le conduit.
Moi je cogite, je cogite éperdument pour qu’il y en ait de nouveaux comme ça.
C’est sans doute de ne pas moi-même y atteindre.» (Télévision)
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aurevoirmonty · 1 month ago
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"D'une façon générale, les peuples indo-européens ont parfaitement ressenti la nécessité de préserver leur originalité, tout en acceptant les conséquences de l'élargissement de l'horizon culturel et géopolitique que leur imposait le triomphe progressif de la “révolution néolithique”. Mais (si l'on s'en tient au monde antique), seuls les Romains ont réussi à opérer la synthèse entre la pérennité, la fidélité à soi-même et à ses origines, et l'acceptation pleine et entière de leur “intrication cosmique”. Cette synthèse porte un nom, gravé dans l'Histoire en lettres capitales : l'imperium."
Giorgio Locchi, Nouvelle École n°20, (1972)
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selidren · 2 months ago
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Eté 1926 - Champs-les-Sims
7/10
En fait, c'était même miraculeux. Je n'aurai jamais pensé à lui, je ne lui avais même pas parlé de ma situation. Tu penses bien, j'avais fait une énorme bêtise, et j'avais horriblement peur de le décevoir. Je m'étais vantée de mon histoire d'amour dans mes lettres, lui racontant le romantisme, les petites attentions qui font la différence. Admettre que tout était un mensonge a été difficile à digérer, mais ça a été bien pire de devoir l'admettre devant d'autres. Heureusement, Grand-Mère s'en est chargée pour moi, sans que je puisse jamais savoir les termes qu'elle a employé.
Mais Ange est un homme droit et serviable, jamais il n'irait me le dire si elle a émis des réserves sur mon comportement, ou pire si elle m'a traitée de fille de mauvaise vie. Il a simplement fait la seule chose à faire.
Transcription :
Arsinoé « Je suis contente de te voir. Qu’est-ce que tu fais ici ? Je croyais que tu passais tout l’été à Paris. »
Ange « C’est bien ce qui étais prévu, mais j’ai reçu un appel de Grand-Mère. Elle m’a dit que tu avais des problèmes. Et comme elle a appelé plutôt qu’envoyé un courrier, j’ai bien compris que la situation était grave. »
Arsinoé « Oh si tu savais… J’ai voulu t’écrire un million de fois, mais j’avais bien trop honte. »
Ange « N’aie pas honte. Si tu savais le nombre de fois où je me suis fait trahir par un bon ami avant d’apprendre à me méfier… J’avoue tout de même que les conséquences sont bien pires pour une femme que pour un homme cependant. »
Arsinoé « Elle t’a tout raconté alors. »
Ange « L’essentiel. Elle a surtout insisté sur les conséquences probables pour le nom des Le Bris, la famille, la descendance… enfin, tout ce qui l’a toujours préoccupée, tu la connais aussi bien que moi. Mais bon, même sans ça, je serai venu. Nous n’avons pas le même nom, mais ma famille est tout de même capitale pour moi. »
Arsinoé « A ce propos, je suis désolée au sujet d’Emilien. »
Ange « C’est un crétin, à point c’est tout. Et je le suis sans doute encore plus pour avoir cru pouvoir me confier à lui. »
Arsinoé « Mais tout de même, c’est ton frère. »
Ange « Ecoute Noé, c’est encore trop tôt pour moi. J’ai encore besoin d’un peu de temps avant de pouvoir te confier ce que j’ai sur le coeur. Des mots ont été échangés qui m’ont donné matière à réfléchir. Je peux attendre. Toi, tu ne peux pas vraiment attendre. Je ne sais pas si tu t’en rends compte, mais ça commence un peu à se voir. »
Arsinoé « Oh non... »
Ange « Oui, c’est bien pour ça que je suis là. Il faut te marier avant que ta situation devienne évidente au premier coup d’oeil. Je n’ai pas envie de t’angoisser, mais tu n’as pas beaucoup de temps. »
Arsinoé « Je vois. C’est bien ça que Grand-Mère a fait appel à toi, tu connais beaucoup de bons partis pour moi. »
Ange « Heu��� oui, ce n’est pas faux. J’en ai croisé plus d’un dans les cabarets, mais je ne suis pas sur que tu les aimerais. Ils ont beaucoup d’égo, détesteraient vivre à la campagne et nombre d’entre eux se sentent supérieurs car ils pensent pouvoir se passer des femmes pour être heureux. »
Arsinoé « Quel charmant tableau... »
Ange « Non, Grand-Mère et moi sommes d’accord sur un point fondamental, et je pense que tu le seras également, il te faut quelqu’un que tu pourras considérer comme un ami. Un partenaire de vie, sur qui tu pourras te reposer, quelqu’un en qui tu auras entièrement confiance. »
Arsinoé « Et où comptes-tu dénicher un tel spécimen en si peu de temps ? »
Ange « Oh, j’ai déjà trouvé. Mais saches que tu reste libre de refuser si ça ne te tente pas. »
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transparentgentlemenmarker · 8 months ago
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L’histoire de Rolex est inextricablement liée à l’esprit innovateur et visionnaire de Hans Wilsdorf.
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En 1905, à l’âge de 24 ans, il fonde une société à Londres, spécialisée dans la distribution de montres.
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1908 le génie en cinq lettres
1910 la quête de la précision chronométrique
1914 certificat de précision de Classe « A »
1919 Rolex déménage à Genève, capitale mondiale de l’horlogerie. La société Montres Rolex S.A. y naît en 1920.
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1926‑1945 avancée dans la technique
1926 la première montre-bracelet étanche
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1927 le défi de la traversée de la Manche
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1931 Mouvement Perpetual
1933 le survol de l’Everest
1935 Sir Malcolm Campbell à la conquête des airs
1935 les performances techniques de l’Oyster
1945 la première Datejust
1953 les montres professionnelles, l'Everest, l'Explorer, la Submarine, les premiers vols transcontinentaux
1955 La GMT-Master
1956 La Day‑Date
1957 La Lady‑Datejust
1959 Daytona Beach
1960 Deep Sea Spécial
1963 le Cosmograph Daytona
1967 la Sea-Dweller
1971 l’Explorer II, Comex
1978 Sea‑Dweller 4000
1985 Acier 904L
1992 la Yacht-Master
2000 mouvement 4130
2002 programme Rolex de mentorat artistique
2005 lunette Cerachrom, Spiral Parachrom bleu
2007 la Yacht‑Master II est la première montre au monde à disposer d’un compte à rebours
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2008 la Rolex Deepsea
2012 la Sky‑Dweller, la Rolex Deepsea Challenge est une montre de plongée
2013 la GMT‑Master II dont le disque Cerachrom bicolore est en céramique bleue et noire
2014 le calibre 2236 avec spiral Syloxi
2015 Calibre 3255
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Bracelet Oysterflex
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th3lost4uthor · 1 year ago
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Les nouvelles expériences d’une vie sans fin (8.3/15)
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« … par ce fait, je demande aux troupes Argent et Bronze actuellement disponibles de se tenir prêtes au moindre signalement de la part des éclaireurs. » Conclut Maître Joris, vérifiant la retranscription du scribe à ses côtés. « Et ajoutez également que… » Soupir. « Que s’ils venaient à apercevoir un dragon aux écailles blanches et turquoises, ou un humanoïde semblable à un Osamodas – mêmes couleurs, grande taille – alors qu’ils n’hésitent pas à l’aborder… et qu’ils me contactent immédiatement. »
          Après avoir soigneusement relu la missive, il la tendit au maître du Tofulailler royal, qui s’empressa alors de l’attacher à l’un des volatiles. Piaillant de toutes ses forces, ce-dernier décolla à vive allure, ne laissant dans son sillage qu’un souffle ainsi que quelques plumes dorées. On lui avait assuré qu’il s’agissait là du plus rapide que comptait le nid, mais cela n’avait en rien apaisé l’insupportable sentiment de démangeaison qui lui couvrait à présent la nuque. Il savait que ce n’était qu’une impression, une sensation fantôme, tout comme cette idée qu’il aurait pu, dû même, rajouter telle ou telle information à son message. Au fond, tout ça ne changerait rien, car ce n’est pas l’absence de détails de cette foutue lettre ou même la vigueur du Tofu qui le portait qui le hanterait les prochains jours… mais le sentiment d’impuissance.
« Combien de temps avant qu’il n’atteigne votre Cité ? »
          L’émissaire observa l’homme de sciences qui se tenait derrière lui. Apparemment, il n’était pas le seul que cette situation mettait à mal.
« Un jour… Peut-être deux si les conditions météorologiques ne s’y prêtent pas. 
- C’est beaucoup trop long. » Lança l’autre. « À l’heure qu’il est, Phaéris doit déjà pouvoir apercevoir les côtes de l’île où paissent vos sangliers – s’ils sont encore vivants. »
          D’un coup trop sec, l’Éliatrope fit craquer l’ongle qu’il mordillait absentement depuis le début de l’échange. Après réflexion, Joris se dit qu’il n’aurait peut-être pas dû lui autoriser un accès aux herbiers et recueils concernant la faune et flore de Bonta. Trop d’informations.
« Je vous assure qu’il s’agit là du moyen le plus…
- Et les Zaaps ? Vous n’en avez pas à disposition ? » Rétorqua l’autre, imperturbable. « Il me semble me souvenir qu’il y en avait un à l’entrée du village.
- Même en empruntant un Zaap… » Soupira l’émissaire. « … nous serions amenés à la capitale : ceci nous contraindrait à alerter les autorités présentes sur place de notre entreprise, sans compter le temps de voyage jusqu’aux prairies. Et je vous rappelle que si vous êtes lié à Bonta par contrat et au peuple éliatrope par votre sang, vous n’en demeurez pas moins un criminel recherché : en dehors du Royaume Sadida qui constitue un territoire neutre, nous ne pouvons pas vous emmener n’importe où avec nous sans risquer l’incident diplomatique ! À nouveau, il s’agit là de notre meilleur… »
          Un nouveau craquement. Le pourtour de l’ongle avait pris une couleur sanguine. D’un geste, il se débarrassa du cadavre teinté, les yeux rivés sur les veinules apparentes du plancher.
« Messire Qilby… ? » C’était le Roi, qui avait tenu à assister l’émissaire dans son courrier, en profitant pour s’informer de la tournure des évènements. « L’antidote que vous étiez en train de concevoir, n’avez-vous pas dit que sa confection en était presque achevée ?
- En théorie, oui. » Presque. Il avait horreur de l’inexactitude. De l’imprévu. « Mais il restait encore à réaliser les tests de contrôle : cette formule n’est pas la même que celle que j’avais pu développer à l’époque ! Tout était à refaire. Il pourrait y avoir un délai d’action à prendre en compte, voire même des effets secondaires ! Je ne suis même pas certain que… ! »
Même pas certain qu’il soit efficace…
« Messire Qilby. » Le ton était plus ferme. Il avait commencé à s’attaquer à l’index. « Je comprends vos inquiétudes, mais je pense aussi que nul en ces lieux ne remette en doute vos qualités de scientifique. De même… » Hochement de tête grave. « … vous n’êtes pas responsable pour ce qui est arrivé aujourd’hui. »
          Ses yeux quittèrent le plancher pour se river tout aussi brusquement sur ceux du Sadida. Croyait-il vraiment qu’il… ? Une image vint se dessiner à la périphérie de sa conscience : une petite boule d’écailles, ronronnant sur une couverture de fortune tout en déployant ses ailes dont la membrane était aussi fine que du papier de riz, les griffes encore molles et les dents à peine sorties. Une petite boule d’écailles. Azurée.
Non, rien de tout ça est de ta faute, bien entendu.
Tout ça, c’est encore à cause de son sale caractère et de…
de sa manie à toujours vouloir tout résoudre par la force,
car après tout
« la sagesse et la justice triomphent toujours ! ».
Oui, mais…
Mais…
Mais, c’est moi qui étais responsable de… !
          Une main vint se placer sur son épaule. Il se redressa.
« Et je suis certain que Sire Phaéris nous reviendra… Sain et sauf. 
- Je… » Vous remercie. « … pense qu’une sécurité renforcée autour du laboratoire est nécessaire. Je vais devoir reprendre la création d’un antidote supplémentaire. »
Au cas où…
« Aurez-vous assez des ingrédients restants ? » Ce Joris était décidément toujours aussi pragmatique.
« O-oui, je crois. J’aurai néanmoins besoin de prélever quelques spécimens de vos serres, votre Majesté.
- Nous n’y voyons pas d’inconvénients, à condition que vous ne préleviez que le nécessaire. »
          Il ne répondit pas, hochant simplement la tête. Deux ou trois semaines auparavant, il n’aurait pas hésité un instant à rétorquer son intelligence, à affirmer ses connaissances en botanique et sa perspica-…
Il est parti.
Et je ne l’ai même pas vu venir…
          Aujourd’hui, il en était moins sûr.
« Je vais vous laisser… Messieurs. » Avant de sortir, il demanda. « Et si jamais vous veniez à…
- Nous vous tiendrons au courant, bien entendu. 
- Hum… Mais le cas échéant, je… je vous serai reconnaissant de faire preuve de bienveillance. » Soupir. « Yugo et Adamaï risquent de ne pas… vivre cette annonce comme les autres. »
          Le scientifique reprit le chemin de ses quartiers, flanqué par deux gardes. Son pas était presque aussi lourd que celui des hommes armés.
« Dites-moi, mon Roi… » Reprit l’émissaire lorsque le martellement se fut éloigné. « Qu’en pensez-vous ?
- Ce que j’en pense, Maître Joris… » Lui répondit l’intéressé, les yeux rivés vers le couloir où la coiffe crème venait de disparaître. « … est qu’il est peut-être temps que nous ayons une discussion à propos du Conseil des Nations. »
          L’autre leva un sourcil interrogateur de sous sa capuche.
« Accepteriez-vous de m’accompagner pour une tasse de thé, mon cher ? »
          Il souriait, mais si ses traits avaient la teinte de la circonstance. Quelque chose d’autre rôdait en-dessous.
« Avec plaisir, votre Majesté… »
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          Il reposa la paire de ciseaux qu’il tenait adroitement pour admirer son travail : les jeunes pousses rebelles avaient été disciplinées, tandis que les feuilles ayant fait leur temps avaient été débarrassées. Contrairement à la seconde, il semblait qu’il n’avait pas perdu la main pour ce qui était de l’entretien botanique. Cette pensée fit naître une sensation étrange.
Ce qui vit, meurt.
Mais il faut croire que… certaines choses persistent malgré tout.
          Un bref coup d’œil à l’horloge de sa cellule le fit toutefois grimacer. L’aiguille venait à peine de battre une heure de l’après-midi. Les plantes offertes par la Princesse Sadida étaient resplendissantes, rayonnantes même, à l’abri derrière leur cage de verre et d’argent ; ce n’était pas son cas. Plus depuis que la fugue de Phaéris avait été révélée. Lui qui pensait parvenir à se distraire avec de nouvelles recherches, il avait finalement dû se résigner : il ne pouvait pas manipuler de l’acide ou du chlore dans son état. Mieux valait éviter de perdre un œil dans une réaction mal contrôlée. Il avait l’esprit ailleurs, ça il ne pouvait pas le nier, mais ce qui l’agaçait le plus c’était que…
Ils pensaient que…
Ils pensaient que c’était moi, n’est-ce pas ?
Que j’étais coupable.
          L’encapuchonné lui avait promis qu’il les tiendrait au courant des recherches lancées à travers une nation entière et pour être honnête, Qilby espérait secrètement que cela soit bien de Joris qu’il entendrait parler en premier. Il espérait qu’il n’aurait pas à nouveau à ressentir cette… douleur. Il n’y avait pas de mot pour décrire ce déchirement, cette crevasse, cette éruption. L’intégralité des cataclysmes auxquels la Grande Déesse avait pu un jour donner naissance réunis, condensés en un seul instant.
          Tous les Éliatropes possèdent une relation unique les unissant à leur frères et sœurs dragons, certes, mais aucun d’entre eux n’est en mesure d’égaler les liens attachant les Douze Primordiaux. Ils étaient les aînés de leur peuple. Les premiers à avoir foulé leur monde. Les premiers à donner un sens au mot-
Famille…
          La disparition de l’un des leurs les affectaient alors, et ce, autant émotionnellement que physiquement. Ils n’avaient pas besoin de constater le départ, de voir leur dofus s’illuminer d’un nouvel éclat, attendant patiemment sa moitié ou son prochain cycle d’éclosion, non… Ils savaient, tout simplement. Ils le sentaient au plus profond de leur être.
          Qilby espérait ne pas avoir à ressentir ce vide à nouveau. Phaéris et lui n’étaient plus aussi proches que par le passé, mais… ce n’était pas le cas de Yugo et d’Adamaï. Ils étaient jeunes, et force est de constater que le délai dans leur réincarnation avait visiblement affaibli leur contact, et par ce fait résistance, avec leur nature éliatrope comme dragonne. Il ne savait pas comment Grougaloragran avait achevé sa dernière existence, mais lui et Chibi étaient revenus grâce au Cube ; son absence n’avait pas eu le temps de se faire ressentir. Les vagues n’avaient pas eu le temps d’éroder la falaise. S’il venait à subir le même sort… Cela ne serait pas le cas avec Phaéris.
Mina…
Si seulement tu avais été là,
alors peut-être que-
          Soudain, on frappa à la porte.
« H-hey… Qilby ? Tu es là ? » S’enquit une voix timide derrière les lourdes planches de chêne. « Si ce n’est pas le cas, alors-
- On repassera plus tard ? À ton avis, s’il n’y a personne, à quoi ça sert de le préciser, hein ? » Celle-ci était indéniablement plus moqueuse, mais transpirait malgré tout une certaine tension.
« J-je ne sais pas… ? J’essayais simplement d’être… poli ou quelque chose du genre ? 
- C’est un peu inutile dans c’cas-là si tu veux mon avis. »
          Sans y réfléchir davantage, le scientifique se présenta aux deux frères.
« Eh bien, personnellement… » Rétorqua-t-il, s’appuyant contre l’embrasure. « … je trouve cette initiative plutôt attentionnée. »
          Que cela soit avec Chibi, Glip, ou bien Efrim, il n’avait jamais pu résister à l’appel de ces répliques inattendues, de ces phrases, telles des brindilles de paille sèche que vous lanciez sur les braises, de la joute verbale. Ainsi, de la pure expression de surprise du jeune dragon et du jeune Éliatrope à leur léger soubresaut lorsqu’il leur avait ouvert, il ne parvenait pas à décider lequel l’amusait le plus. Le discret mouvement de recul ainsi que les griffes serrées une fraction de seconde en trop n’eurent toutefois pas le même effet… Leur aîné les dévisagea un instant, attendant une pique cinglante en retour, une moue boudeuse, voire même un soupir exaspéré pour ses manières, mais rien ne vint. Ses visiteurs demeuraient plantés sur le seuil, cherchant visiblement à entamer la conversation, sans pour autant y parvenir. C’est alors que le scientifique remarqua ce qu’ils transportaient avec eux, et qu’Adamaï tenait habilement placé derrière son dos, mais que ses ailes de dragonnet ne permettaient pas encore de dissimuler entièrement : un livre. Pas n’importe quel livre…
Serait-ce… ?
Alors comme ça, il aurait survécu au Cata-
Non, impossible.
Peut-être Grougaloragran l’aurait-il retranscrit ?
          Il commençait à avoir une ébauche du motif de leur venue. Cependant, tant qu’ils resteraient tous les trois sur le perron de sa cellule, le regard inquisiteur des gardes postés non-loin pesant sur leurs nuques, les chances de vérifier ses hypothèses étaient minces… Prenant quelques pas en arrière, il finit par désigner son humble logement d’un geste qu’il espérait invitant :
« Vous souhaitiez me voir… les garçons ? »
          Il faillit se mordre la langue sur les derniers mots. Ceux-ci étaient sortis presque naturellement, un sobriquet parmi tant d’autres qu’il avait par le passé l’habitude d’utiliser envers les versions plus jeunes de ses frères et sœurs.
Par le passé !
« H-hum, à vrai dire…
- Enfin ! C’est pas trop tôt ! Ça va bientôt faire dix minutes qu’on est planté là et c’est seulement maintenant que tu te montres ? » Il avait repris son aplomb encore plus vite qu’il ne l’avait perdu. « Il faut croire que si tu n’perds pas la mémoire avec le temps, peut-être qu’tu devrais vérifier ton audition…
- Ad’ ! » S’exclama son frère, les yeux passant du dragon à la coiffe crème dans l’espoir de capter, si ce n’est diffuser, le premier signe d’hostilité.
« Oh, ne t’en fais donc pas pour cela, Adamaï : je pourrais entendre tes railleries même aux confins du Krosmoz. » Préféra-t-il répondre sur le ton de la plaisanterie. Amère. « Bon, eh bien si vous n’avez pas besoin de moi, je vais-… »
          Le bousculant à peine, le dragonnet finit par rentrer dans la pièce, talonné de près par Yugo, dont la moue dépitée essayait tant bien que mal de communiquer un pardon au scientifique.
« Nan, nan… C’est bon. »
          Il prit place sur un des coussins dispersés autours de la table basse qui, une fois n’est pas coutume, était chargée de paperasses en tout genre. Adamaï sembla hésiter un instant devant les parchemins recouvert des gribouillis distinctifs constituant l’écriture d’un homme de sciences : la dernière fois qu’il avait contemplé de telles notes c’était… Il secoua brièvement ses petites cornes avant de laisser choir son précieux butin sur le bois. Le mouvement provoqua l’envol de plusieurs feuilles au passage, que Yugo s’empressa de ramasser et de remettre en ordre sur un tabouret non loin de là. Lui-même finit par trouver un siège auprès de son frère. Il avait collé sa jambe contre celle sertie d’écailles et de griffes.
          De loin, Qilby les observait. Il savait que quelque chose n’allait pas ; l’air qui les entourait était chargé d’un orage bien trop sombre pour les jeunes têtes qu’il menaçait.
Allez !
Fais quelque chose, imbécile !
« Eh bien… Puisque vous êtes là, puis-je vous offrir une tasse de thé ? »
Sérieusement ?!
T’as rien de mieux à d- ?
« O-oui, ça pourrait être sympa… » Lui répondit néanmoins Yugo, un sourire timide en coin. « Hein, Ad’ ?
- Ouais… Pourquoi pas. »
          Et tandis que l’aîné s’investissait pleinement dans la préparation des infusions, profitant de ce cours répit pour inspirer les délicates fragrances fruitées s’échappant avec la vapeur, un parfum qu’il savait au goût des personnes moins amatrices de cette boisson qu’il l’était lui-même, les deux cadets se faisaient étrangement silencieux. Cependant, il ne doutait pas qu’entre les jumeaux, une myriade de sensations, mots et sentiments étaient échangés en ce moment même. Cette connexion intime, il la connaissait bien. Elle lui manquait. Elle lui manquait…
          Finalement, alors que les feuilles finissaient de colorer l’eau qui les baignait, Adamaï tenta à nouveau d’amorcer le dialogue entre les deux partis :
« En tous cas, j’pensais pas qu’un vieillard comme toi pouvait courir aussi vite ! J’crois même que tu pourrais battre Ruel si tu l’voulais, et pourtant, je l’ai déjà vu s’élancer après un Kama ! »
Pas forcément de la meilleure des manières…
« Ad’, fais at- ! »
          Les remontrances de la coiffe turquoise furent interrompues par le rire franc de l’autre.
« Haha, ha ! Ha… ! Il est vrai qu’il s’agit d’une scène peu courante, n’est-ce pas ? Il faut dire que les Éliatropes sont plus accoutumés à utiliser leurs portails que leurs jambes, hum ? » Une cuillérée de miel, puis une deuxième. Lui préférait le prendre sans. « Si Chibi était là, il vous dirait sans nul doute que si je suis aussi doué pour la course, c’est parce que contrairement au reste de notre fratrie, j’ai toujours été le plus prompt à fuir les combats… ainsi que mes responsabilités… » Hochement d’une épaule. Fatiguée.
« Tu veux dire l’ancien Chibi ? »
          C’est comme s’il pouvait sentir les yeux du dragonnet s’enfoncer dans sa nuque tels des crocs. Peut-être aurait-il été plus avisé de ne pas mentionner l’un de leurs frères décédés lors de la Seconde Guerre, que beaucoup des leurs avaient d’ailleurs été amenés à prendre pour la première… Surtout connaissant les rumeurs meurtrières l’entourant, et plus encore avec la récente disparition de Phaéris.
Disparition…
Juste disparition.
« En effet. » Mieux valait ne pas insister. « Tiens, Yugo ? Pourrais-tu… ?
- Ah ! Oui, bien sûr ! »
          L’intéressé se leva prestement pour assister son aîné dans le service, qui aurait pu se révéler catastrophique à la seule force d’une main. Ce-dernier se chargea d’une boite de biscuits, celle-là même qu’il avait choisi ce matin dans les cuisines. Il avait l’impression que cela faisait une éternité.
« Mais pour être tout à fait honnête avec toi… » Reprit-il en s’asseyant dans son fauteuil de cuir. « Je pense que cette faculté n’est pas tant un don que le résultat d’un… d’un long entraînement en la matière.
- Comment ça ? » S’enquit alors Yugo, occupé à faire passer les tasses légèrement ébréchées autours de la table.
« Pour reprendre la, disons, « leçon », de l’autre jour… Les Éliatropes que nous sommes sont des êtres d’énergie : ils ne font qu’un avec les flux qui les entourent, tel le Wakfu, mais également qui les composent, à savoir le sang, la lymphe, et j’en passe. »
          Comme appelé par les échos du passé, Yugo s’était vu absorbé par la perspective d’en apprendre plus sur lui-même et son peuple. Adamaï, quant à lui, gardaient les yeux rivés sur l’ouvrage qu’il avait amené, mais il n’en demeurait pas moins attentif.
« Chaque Éliatrope naît avec une certaine habileté à maîtriser ces dits flux, une forme de « compatibilité » plus ou moins accrue avec les énergies et la matière. D’autres, en revanche, doivent davantage s’exercer à cet art dans l’espoir d’y trouver leur place… » Soupir. « Cela est notamment mon cas.
- Oui, c’est vrai que tu l’avais mentionné la dernière fois… Mais a-alors ! Comment est-ce que tu t’y es pris pour atteindre un tel niveau ? »
          Qilby dut se retenir de sourire. S’il y avait bien une chose qui ne changerait jamais dans ce vaste et absurde univers, c’était bien son petit frère. Le dragon ivoire à ses côtés avait relevé un sourcil de la couverture brunâtre ; ancien adversaire, lui aussi semblait intéressé par la réponse.
« Par de l’entraînement, et avant tout… » Il pointa l’objet métallique qui lui enserrait la gorge. « … grâce à ceci !
- Q-quoi ?! Le c-collier est capable de renforcer notre lien avec le Wakfu ?!
- Hum, pas véritablement, ou du moins pas dans le sens dans lequel tu peux y penser. » Il secoua la tête, grimaçant légèrement à la décharge améthyste que provoquèrent le mouvement et l’émotion qui l’accompagnait. « Il s’agit d’un outil permettant de rompre notre lien avec le Wakfu environnant, tout simplement. Cela peut alors paraître contre-intuitif au premier abord : après tout, comment peut-on améliorer un don en le restreignant ?
- En effet… » Murmura Yugo, toujours aussi perplexe.
« Pourtant, après des centaines de programmes infructueux et presque autant de réflexions sans succès, j’ai finalement été amené à penser que si la base de cette connexion reposait sur le corps, réceptacle en un sens du Wakfu, alors…
- Alors c’est en renforçant notre corps et en ne faisant qu’un avec lui que nous pourrions parvenir à mieux ressentir les flux ! » S’exclama le plus jeune.
          Yugo avait presque bondit de sa chaise, des étoiles dans les yeux comme s’il venait à lui seul de dévoiler un secret millénaire. Qilby, cette fois-ci, esquissa un discret rictus.
« Tout à fait : excellente déduction. » Son jeune frère rayonnait presque.
« Donc, tu veux dire que si t’es parvenu à nous battre, Grougal et moi… » Enchaîna Adamaï, demeuré dubitatif. « C’est simplement en faisant de la musculation ? Comme les mouvements de gonflette que fait parfois Tristepin pour impression Éva ?
- Hum, pas tout à fait, non… » La simple image du Iop en pleine parade amoureuse et démonstration de force lui donna presque la nausée.
Comment un esprit aussi fin que celui de Dame Évangéline
a pu s’amouracher d’un crétin comme lui ?
Tout cela me rappelle le cas de Mina et de Chibi.
Décidément, éliatrope ou douzien,
l’amour est un phénomène bien obscur…
« Il s’agit principalement d’exercices de renforcement musculaire, mais également de « pleine conscience » : ceux-ci n’ont pas pour vocation première la performance sportive, mais de permettre au pratiquant de ressentir pleinement son corps. Nos muscles sont une extension de notre système nerveux, et s’y reconnecter permet de mieux en apprécier le potentiel ! » Hochement de tête déductif. « Pour ce qui est de notre race, il en va de même avec le Wakfu.
- Ah ! Un peu comme quand Éva a dû apprendre à faire sans son arc après le coup de rage de Pinpin ! » Appuya le dragonnet, subitement pris dans l’échange.
« Je suppose. » Suppléa l’aîné. « Pour les Crâs -c’est cela ?-, leur arc doit bien être une forme de maîtrise quasi-innée. Toutefois, dans le cas des Éliatropes, le Wakfu est une part intégrante de notre organisme… Il est donc extrêmement difficile d’en faire abstraction, contrairement à une arme que l’on pourrait tenter de remplacer le temps de mieux en apprécier les subtilités une fois réuni avec elle. C’est là que m’est venu l’idée de ce collier, d’ailleurs qualifié « d’entraînement ».
- Et tu l’as donc créé toi-même ?
- Ha, pour ça, le mérite revient plutôt à Chibi et Grougaloragran… » Haussement d’épaules. « Je possède peut-être la connaissance et la théorie, mais quand il vient la question de la technique, ces deux-là sont bien les meilleurs. »
          L’aveu de faiblesse sembla plaire au jeune dragon, qui esquissa un rictus moqueur. Bien. Mieux valait ne pas tenter de ruiner ce moment en rentrant des explications trop complexes ou des querelles fraternelles puériles… Même si au fond de lui, il ne transigerait pas sur le fait que sans le mode d’emploi qui allait avec, une machine, aussi sophistiquée soit-elle, ne valait que bien peu de chose.
« M-mais alors… » Se reprit-il toutefois, les yeux teintés d’une certaine inquiétude. « Si les Éliatropes sont faits d’énergie, et que le collier la bloque, même de manière incomplète… N’y-a-t-il pas un risque que… ?
- Et ainsi donc, vous avez réussi à mettre la main sur un exemplaire du Dragonica Doctum ? Je ne pensais pas revoir une de ces vieilles reliques en si bon état. »
          La manœuvre était grossière, il le savait, mais si elle lui permettait de se soustraire au sujet, il ne s’en priverait pas. Yugo ne semblait manifestement pas satisfait de la tournure de la conversation, mais fut pris de vitesse par Adamaï, ayant trouvé l’opportunité d’aborder ce pour quoi les deux frères étaient venus en premier lieu :
« Et comment ! Ce n’est pas parce que nous avons des griffes qu’on ne sait pas comment prendre soin des objets qui nous entourent !
- Oh, loin de moi cette idée. » Rétorqua Qilby. « Notre cher Balthazar ne supportait pas l’idée que les encres de couleur différente puissent être rangées dans des flacons identiques, tandis que Shi-… » Il s’arrêta, ravalant sa salive. « …tandis que Shinonomé, ma… sœur… Elle avait horreur de voir ses précieuses casseroles prendre la rouille, o-ou encore ses aiguilles se tordre. » Il finit par secouer la tête. « Après des millénaires passés auprès de dragons, je dirais qu’il y a davantage de risque à les voir devenir possessifs, voire matérialistes, que négligents. Cela en fait, je suppose, de parfaits compagnons pour nous autres Éliatropes, plutôt poussés à suivre le flot du changement comme celui de la vie… »
          Aucun des jumeaux ne savaient vraiment comment répondre à une telle déclaration. Yugo, de son côté, se sentait… empli d’un nouvel espoir. D’une part pour son peuple, dont la fresque ne cessait de s’étendre au travers des récits et des découvertes de ces dernières semaines, mais également pour…
C-c’est la première fois qu’il…
Il n’avait jamais parlé de Shinonomé avant.
Du moins… pas aussi spontanément.
          Adamaï aussi semblait surpris par l’attitude de celui qu’il avait pourtant affronté il y a moins d’un an de cela, et que tous considéraient comme la seconde menace la plus importante connue par le Monde des Douzes avec Nox. Cette ambiance de fin d’été, ces anecdotes et questions innocentes, ces tasses et ces gâteaux sablés… On aurait presque pu croire à un après-midi en… famille ?
« Ouais, et donc… » Tenta de reprendre le dragon. « Avec Yugo, étant donné que l’on… » Ne veut pas rester tous les deux. Seuls. « … n’a pas grand-chose de prévu pour aujourd’hui, on voulait te poser quelques questions concernant la langue draconique.
- Si tu n’es pas occupé, bien entendu ! » S’empressa de rajouter son frère. « Simplement, comme tu as une, hum, « bonne mémoire », on se demandait si tu accepterais de nous transmettre ce… » Que ceux qui nous quittés trop tôt n’ont pas pu nous enseigner. « … qui nous manque ? »
           Il soupira. Il les connaissait par cœur, à tel point qu’il pouvait presque entendre leurs âmes donner les mots que leurs têtes se refusaient d’avouer. Et ce qui le peinait le plus, ce n’était pas tant qu’il ne soit pas encore parvenu à gagner leur confiance, mais que…
Fut un temps,
ils n’auraient pas hésité un instant
à me dire ce qui les chagrinait. En particulier pour
un incident tel que celui-ci…
Quand…
Quand ai-je donc perdu ce privilège, au juste ?
« Eh bien… Je devrais avoir fini mes recherches pour aujourd’hui. » Je ne veux pas y retourner ! Elles me rappellent que… ! « Alors, ma foi, pourquoi pas ? » 
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Ah ! Donc ce symbole, là… S’il est associé à celui-ci, cela ne veut plus du tout dire la même chose !
Parfaitement, c’est cela Adamaï.
Qui aurait cru que les dragons s’exprimaient de manière aussi alambiquée !
Cela provient de leur façon de percevoir le monde, qui est relativement différente de la nôtre. En effet, leur capacité à voler, cracher du feu, ou même fusionner avec un élément naturel sont autant de particularités pour lesquels ils ont dû trouver des termes appropriés…
Ouais !! Le pouvoir de la roche !
… et il y a aussi le fait qu’ils soient assez fiers, cherchant la moindre opportunité pour paraître supérieurs aux autres…
Hein ?! Répète un peu pour voir, Mr. Je-sais-tout ?
Allons, allons, je suis certain que- !
Non, Yugo, c’est très aimable de ta part, mais je cherchais sincèrement à provoquer ton frère sur celle-ci ~ hé, hé.
Ha ! Tu vois ?!
Tss… Bon tous les deux, on peut reprendre… ?
Les désirs de Sa Majesté sont des ordres.
Pah ! Touché !
Et maintenant tu es de son côté, toi ?
Ce n’est qu’une trêve temporaire pour des raisons d’égalité, n’est-ce pas ?
Égali- ?
Tout à fait. Nous contestons le pouvoir actuellement en place.
Contester le pou- ? Mais de quoi est-ce que vous- ?
Tu t’accapares la boite de biscuits depuis une heure ! Voilà le problème !
J-je ne vois pas ce que v-vous voulez dire…!
Votre Majesté, il semblerait que vos loyaux sujets réclament leur dose de sucre. Puis-je vous suggérer de concéder à leur requête si vous ne voulez pas les voir prendre d’assaut votre trésor sans possibilité de négociations ?
Bon… d’accord. Mais j’en ai pas mangé tant que ça…
Ha, ha ! Victoire du peuple !
Victoire du peuple, en effet.
Cependant… Adamaï… ?
Hum, oui l’ancêtre ?
Je te ferai remarquer qu’une trêve est toujours temporaire par définition : c’est un pléo-…
Et c’est reparti…
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« Et c’est ainsi que le terme « Ignirrh » peut se décliner sous plusieurs formes selon le sous-texte. Il est alors important de s’assurer de la présence ou non du signe « dom’ah » pour -hé… ?» Ses yeux quittèrent les symboles et enluminures. Il murmura. «Tss… Pour s’assurer que l’on parle bien ici du « feu intérieur » de manière métaphorique, et non pas de « la flamme » physique… »
          Devant lui, droits sur leurs coussins respectifs mais avachis l’un sur l’autre dans une pile de bras et d’écailles, les deux plus jeunes frères avaient fini par s’assoupir. Au-dehors, le soleil venait à peine d’entamer sa rencontre avec l’horizon ; il était encore bien tôt pour se laisser aller au sommeil. Cependant, au regard des émotions provoquées par cette journée, le scientifique ne pouvait reprocher à ses cadets leur fatigue.
          Au cours des dernières heures de leur leçon, Yugo avait glissé sur les genoux du dragonnet, qui avait également succombé à l’appel de Morphée, sa tête dodelinant au rythme des inspirations de l’autre. Leur souffle était régulier, et malgré la prise presque possessive d’Adamaï sur son frère, comme pour protéger ce corps si frêle d’une attaque quelconque, les deux semblaient en paix. La scène était… familière. Lointaine aussi. Trop lointaine. À quand remontait la dernière fois où il avait eu la chance d’assister à autant d’insouciance de la part de ses frères et sœurs ? Qui plus est… en sa compagnie ?
Ils… Ils se sont endormis.
Il aurait aimé être capable, lui aussi, de fermer les yeux, ne serait-ce qu’un instant.
Mais si tu fermes les yeux ici,
tu les rouvriras… là-bas.
Oui, oui… Je sais.
          Prenant soin de ne pas renverser le moindre meuble ou de faire craquer ces planches qu’il avait fini par croire aussi vieilles que lui, Qilby alla prendre l’une des fines couvertures qui traînaient régulièrement contre le dossier de son bureau. Délicatement, priant sa mère pour que les deux petits êtres ne se réveillent pas, il la déposa sur leurs épaules.
          Lentement, il se dirigea enfin vers la lucarne de sa cellule, qu’il referma avec précaution, avant d’y installer, en évidence, un carnet relié de cuir rouge. Tesla comprendrait.
          Au-dehors, les feuilles de la forêt commençaient à se teindre d’une myriade d’accents métalliques : ocre, or, cuivre… L’écorce du Palais s’était faite plus claire, gorgée de sève pour tenir la saison qui s’annonçait.
Qui aurait crû que l’hiver s’annoncerait aussi rude ?
          Mais au fond de lui, ce à quoi le vieil Éliatrope cherchait une réponse, c’était…
Qui aurait crû que je serai toujours ici pour le voir ?
          Certainement pas lui.
          Que faisait-il encore ici ? Pourquoi n’était-il pas parvenu à partir ?
          Quel était le but de tout ceci ?
          Pourquoi n’avait-il… ? Pourquoi - ?!
          Mais finalement, la question la plus importante de toute, n’était-ce pas…
Est-ce que tu as toujours envie de partir… ?
          Il se retourna un instant. Sur l’étagère, que la poussière commençait à recouvrir doucement, trônait une verrière toute de verre et d’argent, où trois petits pots de céramique laissait entrapercevoir des pousses pleines de vie. Les fleurs exotiques, à l’abri derrière des parois immaculées et profitant d’une chaleur constante, n’allaient pas tarder à éclore. Dans la penderie, les draps et tuniques étaient repassés de frais, embaumés d’une délicate odeur de bois de santal. Le bureau portait autant de taches noires que la marque de nuits blanches, qui, si elles étaient regrettées le lendemain, n’en demeurait pas moins de délicieuses épreuves contre l’ennui. La grande table basse avait été débarrassée, mais le tapis sur lequel elle reposait montrait encore de petites griffes, ci-et-là. Celles d’un petit animal, qui ne lâchait jamais d’une semelle son maître et ami, à la voix forte, les mots rudes, mais le cœur vieux et bienveillant. Quant à l’ensemble de coussins et chaises basses, eux qui avaient été entreposés au fond de la pièce dans un premier temps, entouraient désormais constamment le large tronçon de bois verni. Il n’était, après tout, pas nécessaire de ranger constamment quelque chose dont vous aviez besoin quotidiennement. Deux âmes s’y prélassaient d’ailleurs au moment-même sous une douillette masse de laine colorée…
          Et enfin, il y avait ce fauteuil. Ce fauteuil de cuir. Inconfortable, étriqué, trop bas et trop profond à son goût… Mais sur lequel il ne rechignait jamais à s’asseoir pour échanger avec un invité. Tel un mirage de brume, la silhouette d’une jeune femme, aux grandes oreilles et à la chevelure blonde se dessina devant lui. Dans ce fauteuil, il avait parlé de longues heures… Il l’avait dit. Il avait dit pourquoi il avait fait tout ça.
          Donc, finalement, s’il avait déjà fait ce fameux pourquoi… S’il l’avait déjà exprimé. Déjà enterré. Peut-être que… ?
          Il scruta à nouveau le paysage qui s’offrait à lui. Ces vastes branchages à perte de vue, un océan végétal qui s’étendait seulement aussi loin que son imagination ne lui permettait. Car n’était-ce donc pas là, la seule limite que pouvait connaître leur univers… ? Celle que leur esprit leur imposait ?
          Et si… Tout ce qu’il nous suffisait pour nous libérer de notre cage… C’était de la repenser autrement ?
Non…
J-je crois que…
.
.
Je crois que j’aimerai rester ici.
.
Juste encore un peu…
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Loin, par-delà les murs, les mers et les monts…
« Excellence ! Nous avons pu obtenir des nouvelles de nos hommes postés à Bonta : il semblerait que la cible ait répondu à l’appel ! Votre plan a fonctionné, S- !
- Êtes-vous en train de suggérer que celui-ci pouvait échouer, lieutenant… ?
- N-non, a-absolument pas Votre Généralissime Grand- !
- Suffit ! » Depuis son trône perché sur d’innombrables marches, il agita furieusement son sceptre. « Hors de ma vue, et ne revenez que lorsque vous aurez reçu d’autres informations de la part de nos troupes. » Les yeux bardés de fard blanc se plissèrent sous des traits prédateurs. « Et j’espère pour vous qu’elles seront bonnes… »
          Sans plus de cérémonie, le militaire fit claquer ses talons, ce bien entendu sans oublier de saluer une dernière fois son monarque, et s’enfonça dans le long corridor obscur.
« Il semblerait que nous soyons enfin parvenus à séparer ce satané Joris de son dragon ! » S’exclama-t-il. « Comment se prénommait-il déjà ? Fasté.. ? Pharo.. ?
- Phaéris, Mon cher Époux ?
- Oui ! C’est tout à fait cela, Ma Reine ! » Rire aigu. « Cela devrait enfin nous permettre de passer à la vitesse supérieure ! Mais pour ce faire, nous allons avoir besoin d’un petit coup de main… »
          Il s’empara alors d’une plaque de verre emprisonnant un parchemin. Sur ce-dernier, l’on pouvait apercevoir le portrait d’un homme aux longs cheveux bruns, le regard vif surmonté de lunettes, et deux larges cornes de part et d’autre de sa tête… le tout accompagné d’un rictus mauvais.
« Et je sais exactement à qui nous devrions « demander » ce service… »
.
. Ha !
.
Il faut croire que le dicton dit vrai, alors…
.
On ne fait pas d’omelette sans casser du Dofus, haha, ha !
~ Fin du Chapitre 8
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conatic · 6 months ago
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Lettre ouverte : "Je vais fuir Bruxelles, cette capitale qui ne me laissera pas grand-chose d’autre qu’un goût amer" - La Libre
Source: lalibre.be
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aisakalegacy · 1 year ago
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Été 1912, Le Caire, Egypte (1/2)
Cher Constantin,
Félicitations pour toutes ces nouvelles. J’ai été ravi de lire les avancées des équipes françaises sur les chantiers de Thèbes. Il est palpitant de voir que nous sommes en train d’exhumer tant de grandes cités !
Je vous écris actuellement du Caire, où je suis arrivé hier et où je vais stationner encore quelque temps, jusqu’à la reprise du chantier qui est actuellement interrompu. J’ai donc tout le loisir de vous écrire. Je ne vous ai pas donné de détails par rapport à l’expédition à laquelle je participe, à mon grand tort. Laissez-moi corriger cela.
Mon employeur se nomme Herr Ludwig Borchardt, employé par la Société Orientale Allemande pour excaver le site d’El Amarna, où vous n’êtes pas sans savoir que se trouve le site de la capitale d’Akhénaton, fondée en 1350 avant Jésus-Christ. J’y travaille en temps qu’assistant temporaire, aux côtés de huits autres assistants, un géomètre, un contremaître, deux archéologues et un architecte, Uvo Hölscher, qui nous dirige effectivement, puisque Herr Borchardt n’est pas souvent présent sur le chantier qu’il dirige à distance depuis Le Caire. J’ai joint à cette lettre une photographie, où vous pouvez me voir en train de poser avec des membres de mon équipe. Je me trouve en troisième position en partant de la droite. À ma droite vous pouvez voir Breith, assistant, notre géomètre le Capitaine Timme, ainsi que Ranke qui est archéologue. A ma gauche, Honroth, ingénieur, et Hollander, assistant.
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Les fouilles ont commencé le 2 février 1911 à l’est d’El Hagg Qandil, à un demi-kilomètre de notre quartier général, sur le site de la ville principale. Nous avons mis en place une documentation riche que vous aurez certainement l’occasion de consulter : nous employons des moyens modernes et nous documentons tout ce que nous faisons. Nous prenons des photographies, nous mettons au point des plans et des coupes, tout ce que nous trouvons est croqué ou saisi à l’aquarelle. Nous avons trouvé tellement de choses dès la première semaine, qu’Herr Hölscher a dû nous faire construire un nouveau bâtiment pour les stocker… Quand notre première campagne s’est achevée il y a un an, nous avions découvert environ quatre-vingt structures.
La deuxième campagne a commencé l’automne dernier et vient de s’achever. Nous avons découvert une large artère que nous avons baptisée « la rue du Haut Prêtre », puisque l’on y trouve la résidence du haut prêtre Pawah.
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lilias42 · 11 months ago
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Acte 6 et épilogue : "Tout ce que je veux, c'est te revoir..."
ET C'EST FINI ! Déesse, j'en voyais plus le bout mais, c'est bon, les dernières péripéties ont eu lieu ! Honnêtement, j'avais pas prévu que ça fasse 659 pages en taille 14 ! ça devait juste faire deux actes max comme ma version d'AM... et le déroulé a tellement changé de ce que ça devait être de base... y a de quoi en faire un billet entier... mais bon, on ne se refait pas...
C'est donc le dernier acte de cette histoire : on reprend juste après la révolution qui a eu à Fhirdiad et on explore les conséquences des actes de tout le monde en refermant les arcs de tout le monde.
Juste une petite précision avant de commencer : Arundel a un rôle dans cette partie, même s'il est absent des autres parties car, je voudrais pouvoir raccrocher ma partie pré-Duscur de CF (oui, je n'ai toujours pas oublié cette histoire) avec cette version du post-Duscur pour en faire une histoire pouvant se lire indépendamment du jeu, afin de pouvoir la faire lire à des proches qui n'y ont pas joué. Si vous avez des questions sur le pourquoi du comment d'Arundel, n'hésitez pas à demander en cas de besoin.
Et aussi, les avertissements habituels : fans de Rufus fuyez, et fans de Lambert, fuyez encore plus (surtout vu comment il tourne ici). Fans de Gustave... il est tellement transparent que pourquoi pas même si bon, si vous arrivez avec l'acte 6 et que vous voulez lire les parties précédentes, ça ne va pas vous faire plaisir...
(suite sous la coupe)
Rodrigue et Alix passaient un peu de temps après leur journée de travail avec Félix, l’aidant à fabriquer ses bracelets. D’après Pierrick, ils pourraient bientôt retourner travailler normalement, même s’ils devraient toujours faire attention à ne pas s’épuiser, étant plus sensible à la fatigue à présent. Rodrigue pourrait même bientôt reprendre la magie à son ancien niveau, même si là aussi, il y aurait une période où ils devraient s’assurer que la transformation ne reviendrait pas avec son entrainement, même partiellement. Enfin, ils étaient sur la bonne voie, c’était le principal… au moins pour ça… politiquement par contre, c’était une autre histoire… ils n’avaient toujours pas annoncé officiellement leur retour à part à leur allié mais, ce n’était qu’une question de temps avant que Lambert, Rufus et Gustave ne l’apprennent par les rumeurs et n’agissent en conséquence pour les faire rentrer dans le rang…
Ils étaient en train de graver une des plaques quand ils entendirent du bruit monté depuis la ville, vite suivi par un domestique qui entra en trombe en hurlant, tout excité.
« Vos Grâces ! Venez vite ! On a des nouvelles de Fhirdiad ! Il n’y a plus de roi ! Lambert a été renversé par la capitale et les nôtres !
– Attendez, quoi ? S’étonnèrent les jumeaux. Est-ce que vous avez des nouvelles d’Estelle et Bernard ainsi que de nos autres hommes là-bas ? Ce sont eux qui ont envoyé ces nouvelles ?
– Venez vite ! Le messager est en ville ! Il a aussi des lettres pour vous de tout le monde !
Échangeant un regard, les jumeaux se levèrent pour le suivre, vite suivit de Félix, voulant tous en savoir plus, même s’ils se cachèrent sous une cape pour qu’on ne les reconnaisse pas, au moins pas les messagers… Trois jeunes gens attiraient toute l’attention sur la place, racontant ce qui s’était passé, du début de la révolte avec la prise du marché noir, la perte du peu de respect que les fhirdiadais avaient encore en leur seigneur, puis le début de la bataille entre les murailles de la capitale quand l’expédition punitive contre Gautier mené par Isidore et Miklan avait tourné à la mutinerie, les deux meneurs ayant même été tués par leurs propres soldats, ainsi que le rôle central d’un certain Ludovic Hange dans la chute des Blaiddyd.
« Vu le nom, c’était limite le destin choisi par la Déesse pour lui ! » S’était exclamé un des messagers.
Ils finirent en expliquant comment s’était organisé la ville et les priorités pour les révoltés, à savoir au moins assurer la survie de tous sans que le Royaume ne se délite trop à cause d’ambitieux.
« Nous avons des lettres diplomatiques à remettre à l’intendante du duché de Fraldarius qui le dirige en l’absence de ses ducs, ainsi qu’une invitation à Fhirdiad pour les ducs jumeaux une fois qu’ils auront été retrouvés. Les chefs du gouvernement voudraient les rencontrer afin de reprendre des relations diplomatiques saines entre nos deux territoires. Voici les documents officiels, » ajouta une seconde en leur montrant des lettres scellées avec un sceau représentant un mouton et une étoile, les symboles de la ville, mais aussi imprégné de l’odeur de leur oncle Ludovic, comme si c’était lui qui les avait écrites, gardant son parfum incrusté dans l’encre et le papier malgré que ce soit impossible… même si… si Alix ne se trompait pas… et aux vues des derniers évènements… ce ne serait pas le plus étrange au final…
Étant elle aussi descendue, Loréa émergea de la foule et prit les lettres en déclarant, jetant juste un regard aux jumeaux pour se mettre d’accord.
« Bien, je les confierais personnellement à nos ducs dès qu’ils seront de nouveau parmi nous. En attendant, je me chargerais personnellement des relations avec Fhirdiad et le nouveau gouvernement.
– Nous vous en remercions, et nous espérons de tout cœur que les loups de cendre reviendront vite auprès de vous et de leur enfant. Nous avons tous besoin d’une protection divine à l’heure actuelle, et nul doute que cela est un signe de la Déesse qu’elle les ait transformés en ses protecteurs. Enfin, maintenant que Lambert n’est plus roi, nous devrions peut-être retrouvé ses faveurs en même temps que celle du Flutiste des Glaces. »
En entendant ceci, les jumeaux réfléchirent un peu plus à cette histoire… Rodrigue et Alix devaient avouer que ces rumeurs de loups de cendre étaient bien le cadet de leurs soucis quand ils avaient retrouvé forme humaine, cherchant plus à comprendre ce qui leur était arrivé et essayant de ne pas rechuter, mais sans les ignorer non plus. Après tout, ils correspondaient à la description de ses créatures mythiques : d’immenses loups noirs ou gris aux yeux bleus et humains, assez grand pour être monter par la Déesse. Même Loréa les avait pris pour ça en les voyant malgré son esprit très terre à terre, d’autres devaient le croire encore plus facilement, surtout vu comment ils s’étaient transformés… Rodrigue était loin d’être le seul magicien à avoir un tel surplus de magie dans son corps tout en étant au proie au désespoir mais, ils ne s’étaient pas tous transformé… d’après Sylvain et Fregn dans les quelques missives diplomatiques qu’ils avaient pu échangé avec eux, ce serait le signe qu’il serait des berserkir selon les croyances srengs… les guerriers d’Odin combattant à ses côtés lors du Ragnarök, ne se révélant que dans le désespoir de la bataille afin d’accomplir leur objectif et survivre… alors si en plus, le Flutiste des Glaces rejetait Lambert, il serait facile de recoller les morceaux de cette histoire pour en faire une intervention divine…
Enfin, s’ils les tournaient correctement, ces rumeurs pourraient jouer en leur faveur… au moins pour enfin pouvoir vivre en paix loin de cet homme… Loréa fit le nécessaire pour que les trois messagers puissent se reposer avant de reprendre la route avec leurs réponses, puis les rejoignit une fois qu’ils furent de retour dans leur forteresse.
Sur le chemin de leur forteresse, alors que toutes les informations qu’il venait d’apprendre infusaient doucement dans son esprit, Rodrigue eut du mal à y croire, se croyant être en train de rêver… Lambert n’était plus roi… il n’était plus roi… il n’avait plus le pouvoir… plus le pouvoir de les forcer à faire quoi que ce soit… plus le pouvoir de tous les mettre en danger… plus le pouvoir de faire le mal autour de lui à cause de son inconscience… plus le pouvoir de faire du mal à sa famille…
Plus aucun pouvoir…
Aucun…
Il sentit Félix lui serrer la main alors qu’ils rentraient à l’intérieur, soufflant en le regardant.
« Il ne te fera plus de mal. À plus personne et surtout pas à toi et à Alix.
– Oui… répondit-il en passant sa main dans ses cheveux, retrouvant pied à ses mots. Il ne nous fera plus jamais de mal.
Les jumeaux prirent alors les lettres officielles destinés à tout le duché, les lisant attentivement pour bien comprendre comment fonctionnait Fhirdiad et quels étaient les objectifs des révoltés, surtout en voyant qu’Estelle et Bernard faisaient partie de leurs chefs, même si les connaissant, cela ne les étonnait guère. Ils n’allaient pas rester les bras croisés vu tout ce qu’osait faire Lambert et Rufus, surtout que les résistants avaient surement bien eu besoin de leurs compétences au combat…
« Ils parlent d’un système d’élection pour désigner le prochain roi… ils ont l’air déterminés à rompre avec l’ancienne manière de faire, histoire de ne pas avoir un autre Clovis ou un autre Lambert… déclara Loréa en parcourant les lettres.
– Ils ont peut-être enfin retrouver le testament de Ludovic… ça ressemble à ce qu’il voulait mettre en place… commenta Alix.
– Mais il va arriver quoi à Dimitri ? Demanda Félix, resté avec eux pour savoir ce qui se passait.
– Visiblement, il resterait l’héritier de Lambert mais, en tant que seigneur ordinaire sur le domaine royal, pas au titre de roi, lui expliqua son père, et sa garde reviendrait aux Charon.
– C’est le plus logique faut dire, ajouta Alix. C’est sa famille la plus proche, vu qu’à part Rufus et les descendants des bâtards de Clovis, il n’a pas d’autres tantes, oncles ou cousins du côté de son père. Et il est hors de question de confier un gosse aussi mal en point que lui à Rufus, encore plus après tout ce qu’il a fait.
– Oui, les Charon sauront prendre soin de lui, comme Héléna l’aurait voulu, assura l’ainé des jumeaux en espérant que Félix comprendrait.
Le jeune garçon réfléchit un peu avant de dire sans hésiter, sûr de lui :
– Eux au moins, ils ne l’enverront pas à la mort comme Lambert, et Cassandra peut le protéger. En plus, ils traitent bien Dedue et Sasiama, ça ira.
– J’en suis sûr… En tout cas, les dispositions autour de lui ressemblent vraiment aux travaux de Ludovic, c’est aussi ce qu’il avait prévu pour Lambert, même s’il voulait imposer plusieurs conseillers et fonctions indépendantes du roi pour mieux le contrôler.
– Qui sait ? Si ma truffe ne s’est pas trompée, c’est peut-être lui qui leur en a parlé directement… proposa le cadet.
– Qui sait… » souffla Rodrigue en prenant les lettres qui leur étaient spécifiquement destinés, sentant autant qu’Alix l’odeur de Ludovic imprégné à l’intérieur… une odeur très fraiche comme la neige en montagne, taché de maladie mais, cette dernière n’arrivait à ne jamais à prendre le dessus sur l’odeur neutre et fraiche…
En l’ouvrant, même si l’auteur prétendait s’appeler Ludovic Hange, la présence de leur oncle suintait à chaque lettre… l’écriture, la manière de s’exprimer, les mots choisis, la manière dont il argumentait, tentant de les convaincre de venir à Fhirdiad même s’il comprendrait aussi si les jumeaux ne voulaient plus s’en approcher, au moins pour assurer les bonnes relations entre eux… seul leur Oncle Ludovic avait pu l’écrire… personne ne pouvait se ressembler autant… Rodrigue et Alix étaient bien placés pour le savoir…
« C’est… c’est vraiment Ludovic… notre Oncle Ludovic… balbutia l’ainé, y croyant à peine malgré tout. Mais… mais comment… est-ce que ces sorciers étranges y seraient pour quelque chose ?
– Ce ne serait pas impossible… après tout, quand il a autopsié les mages qui vont ont attaqué, Pierrick trouvait leurs corps étranges, et leur chef semblait ronger par la magie noire. Qui peut savoir quel sacrilège ils ont pu commettre ? Au moins, on peut espérer que les révolutionnaires les ont également éliminés en même temps qu’ils renversaient Lambert… ils vous proposent également de venir à Fhirdiad, au moins pour récupérer officiellement vos troupes… elle les regarda, l’expression neutre et sans jugement, ouverte à tout ce qu’ils diraient. Que pensez-vous faire ?
Les jumeaux hésitèrent, ne sachant que dire… d’un côté, se rendre à Fhirdiad pouvait leur permettre d’enfin retrouver leurs troupes, ainsi que de se faire bien voir par les révolutionnaires tout en balayant tout soupçon de loyauté à la couronne… malgré les mots de Rodrigue pour Félix, Dimitri était de nouveau dans une position extrêmement délicate, cela le ferait sans doute énormément souffrir de voir son père traité ainsi. De plus, les généraux et seigneurs encore fidèles aux Blaiddyd en feraient sans doute le porte-étendard dans leur lutte contre les révolutionnaires, leur roi par défaut en attendant de « libérer » Lambert des griffes de Fhirdiad, et ils n’hésiteraient surement pas à l’arracher aux Charon.
Cependant, d’un autre côté, ces derniers ne laisseraient personne toucher au moindre cheveu d’un des leurs. La forteresse de Lokris était très facile à défendre même avec peu d’homme grâce aux montagnes l’entourant, et les citoyens charonis restaient soudés autour de la famille comtale…
– Après tout ce qui s’est passé, il est certain que les Charon ne soutiendront pas Lambert et vont plutôt soutenir les révolutionnaires s’ils ne les menacent pas. De plus, les seigneurs qui se sont montrés les plus loyaux à part les Dominic et nos familles depuis la Tragédie, ce sont ceux du sud qui agissaient surtout par opportunisme pour récupérer le plus d’influence, de pouvoir et de terres duscuriennes possible après la guerre qu’ils espéraient. S’ils n’ont plus rien à gagner à soutenir la famille royale, ils vont très vite retourner leur veste, comme ils l’ont fait quand ils ont commencé à servir Lambert lors de ce voyage. Ce ne sont des alliés fiables pour personne mais, cela les rend plus faibles étant donné que leurs objectifs changent sans arrêt sans être clair, analysa Rodrigue.
– En plus, même si on ne veut pas personnellement retourner à Fhirdiad, cela reste tout de même une ville de première importance, nous devons composer avec, ajouta Alix. Il faut qu’on ramène nos troupes et qu’on fasse en sorte que les révolutionnaires ne nous voient pas comme des ennemis pour qu’ils nous laissent tranquilles. La chute de Lambert va surement changer tous les rapports de force dans le Royaume, il faut que nous arrivions à conserver une bonne position pour mettre notre famille et notre fief à l’abri du besoin et des griffes de pouvoirs extérieurs. On devrait pouvoir jouer sur le fait qu’on a suffisamment de vivre à présent dans notre fief alors, nous pouvons en laisser une partie à Fhirdiad, ce qui nous ferait bien voir des révolutionnaires…
– Et Lambert n’est plus roi… il ne nous fera plus de mal… plus jamais… cela n’arrivera plus… souffla l’ainé, essayant de garder pied sans penser à la dernière fois qu’il avait vu son ancien ami, sa paume allant de nouveau se poser sur son cou malgré lui.
– Alors, tu vas y aller papa ? Tu es sûr ? Le questionna Félix en serrant sa main dans les siennes.
– Oui… il le faut pour continuer à assurer la place de Fraldarius dans le Royaume, et s’assurer de ne pas faire de Fhirdiad notre ennemie. Même si nous aurions les capacités de contrer des attaques, surtout après tout ce qu’il y a dû se passer en ville, des fraldariens ont eu un grand rôle dans la chute de Lambert, comme Estelle et Bernard alors, nous devrions plutôt être dans leurs bonnes grâces. Cependant… » il se baissa à la hauteur de Félix, le regardant dans les yeux en posant la main sur ses épaules alors qu’il lui interdisait, « tu ne dois pas venir avec nous, c’est beaucoup trop dangereux. La ville est encore instable. Même si Estelle et Bernard font partie des chefs de l’émeute et que selon nous, ce Ludovic Hange pourrait être le Ludovic que nous avons connu, on ne sait pas si les révolutionnaires ne vont pas tout de même se méfier de nous à cause des liens entre notre famille et les Blaiddyd, et on ne sait pas si ces mages étranges n’y rodent pas encore. C’est beaucoup trop dangereux pour que tu y ailles, même si nous sommes avec toi. Il est plus sage que tu restes ici avec Loréa et Cassandra, tu y seras en sécurité. Tu comprends Félix ?
Le jeune garçon fit la moue, hésitant un peu avant d’hocher la tête. Ce n’était clairement pas de gaieté de cœur, Félix aurait préféré que les jumeaux restent ici en sécurité mais, ils avaient également des devoirs et faisaient toujours tout pour le bien de leur fief… même s’il ne voulait pas s’éloigner à nouveau d’eux… il voulait que son père reste avec lui et son oncle aussi… qu’ils restent tous en paix à Egua sous la protection de Fraldarius…
« Grand-père nous a toujours protégés ici… il nous protégera toujours… ne partez pas encore aussi loin… »
Il se retient de supplier encore Rodrigue et Alix de rester… faire des caprices n’avait provoqué que des catastrophes et mettre encore plus sa famille en danger… mais…
– Si vous partez… finit-il par craquer, serrant les poings, les posant contre la poitrine de son père en le suppliant finalement à nouveau, ne pouvant s’en empêcher, la peur lui rongeant le cœur comme la sécheresse détruisant tout autour d’elle. Vous reviendrez tous les deux, c’est promis ? Tu ne pars pas si tu ne reviens pas… t’as pas le droit de partir si tu sais que tu ne reviendras pas… Alix aussi… insista-t-il en donnant un petit coup, comme pour ancrer la promesse entre eux. Vous reviendrez tous les deux et on ira au lac, d’accord ?
– Oui Félix… Rodrigue embrassa le front de son fils, jurant de tenir parole cette fois tout en priant la Déesse pour qu’elle les entende enfin, sentant un peu de sa magie s’échapper de lui pour entourer son fils comme une couverture protectrice. Nous reviendrons, c’est promis. »
Les fraldariens envoyèrent donc une première réponse savamment rédigée afin de faire patienter les révolutionnaires et se donner plus de temps, même si le procès de Lambert et Rufus auraient déjà eu lieu quand ils arriveraient à Fhirdiad, puis une seconde annonçant leur retour en tant que duc de Fraldarius, quelques jours avant que les préparatifs de leurs voyages soient terminés, anticipant chaque possibilité qui pourrait les menacer. Ils se coordonnèrent aussi avec les Charon afin d’arriver ensemble, leur donnant plus de poids face à une potentielle hostilité sous couvert de réaffirmer la bonne entente entre leurs familles. Même s’ils espéraient de tous leurs cœurs que cette rencontre se passe bien, ils refusaient de commettre les mêmes erreurs que cet homme… hors de question de mettre en danger qui que ce soit…
Avant de partir et malgré leur appréhension, Rodrigue et Alix emmenèrent leur fourrure avec eux, se souvenant des messagers quand ils avaient parlé des « loups de cendre »… ils avaient peur, craignaient ce qui pourrait arriver s’ils revêtaient cette fourrure alors qu’ils étaient de nouveau à Fhirdiad, là où tout avait commencé et où ils avaient tant souffert… mais ils ne pouvaient pas non plus se passer du moindre atout à leur disposition… l’enjeu était bien trop important…
Rodrigue et Alix embrassèrent Félix, le confiant au bon soin de Loréa et la protection de Cassandra, lui jurant encore de revenir… le petit garçon s’accrocha aux épaules de son père, se revoyant quelques semaines auparavant à Fhirdiad, hésitant à lâcher son père malgré la colère, remplacé par l’inquiétude et la peur…
« Ne pars pas… reste avec moi… ne va pas là-bas… »
Comme s’il lisait dans ses pensées, Rodrigue posa à nouveau ses mains sur les épaules de son fils, lui répétant encore, éclairé par la douce lumière d’Aegis accroché à sa selle semblant veiller sur eux.
« On reviendra vite, c’est promis…
– …d’accord… tu m’écriras ?
– Bien sûr, à chaque étape… il l’embrassa son front en soufflant, sentant de nouveau sa magie aller entourer son fils, comme à chaque fois qu’il le quittait depuis qu’ils avaient décidé de partir pour Fhirdiad. Je t’aime mon louveteau…
– Moi aussi papa… »
Après une dernière étreinte, Félix accepta de lâcher son père, le laissant partir en lui faisant un dernier signe de man, restant auprès de Loréa et Cassandra.
Quand ils disparurent au loin, le petit garçon serra le sachet rempli de perle et de breloque… avec tous les préparatifs pour le voyage à Fhirdiad, ils n’avaient pas fini de faire leurs chapelets…
« On les finira un jour tous ensemble… souffla-t-il, chassant de toutes ses forces ses souvenirs de la dernière fois qu’il avait vu quelqu’un partir ainsi au loin. Ils reviendront eux… ils ne mentiront pas ?
– Non… Loréa se baissa à sa hauteur et posa son front contre le sien. Ils ont pris bien plus de précaution, nous avons fait très attention quand nous avons écrit aux révolutionnaires. Ils ne semblent pas nous considérer comme des ennemis, et nous avons des alliés de confiance parmi eux avec Estelle et Bernard. Ils vont également retrouvé les Charon avant d’entrer sur le domaine royal, nos deux armées savent se coordonner pour contrer des attaques et embuscades en terrain connu.
– En plus, ils se sont préparés à pouvoir tenir contre une embuscade et savent par où se replier si cela tourne mal pour eux. C’est votre fief et le domaine royal, les jumeaux le connaissent parfaitement et savent par où ne pas passer, renchérit Cassandra. Vos vassaux dans cette partie de votre fief doivent tout à Guillaume, Aliénor et aux jumeaux pour la plupart, et les intendants du domaine royal ont sans doute d’autres problèmes en ce moment que s’en rajouter en attaquant un convoi bien protégé au hasard. » Elle ébouriffa ses cheveux en ajoutant. « Ça devrait aller pour eux. Ce n’est pas comme Duscur.
– J’espère… »
Il tourna la tête vers le lac, voyant l’immense étendu bleu uni et calme, demandant encore à son grand-père de veiller sur son père et son oncle pendant ce voyage.
*
Au bout de quelques jours de voyage, et après avoir retrouvé les Charon au leur lieu de rendez-vous prévu, Fhirdiad fut déjà en vue. Ils y seraient sans doute dès demain dans la matinée. Déjà… Rodrigue avait l’impression que le voyage avait duré à la fois une éternité et une seconde, chaque minute se gravant de plus en plus dans son cœur et son âme… chaque pas, chaque tour de roue les rapprochait de la capitale, du palais, de cet homme… du collier et des laisses qui avaient failli les étrangler… de la muselière qui avait menacé son frère… rien que d’y penser lui donnait l’impression de suffoquer, d’avoir les poumons et les membres tellement gelés qu’il en étouffait sous la douleur des brûlures, rêvant juste de faire demi-tour et de rentrer à la maison, l’eau du lac chassant le gel et la glace tentant de les emprisonner dans ses carcans… mais le duc ne pouvait pas faire marche arrière… l’enjeu était bien trop important…
« Rodrigue ! »
Les poils sur sa nuque se hérissèrent d’un coup, sentant presque la présence de cet homme derrière lui, remonter doucement son échine comme un serpent pour s’enrouler autour de sa gorge, devenant à nouveau un collier et une laisse, tirant sur celui qui entourait à présent son cou, étouffant ses cris de protestation en le muselant de ses deux mains glaciales… lui répétant encore et encore de rester auprès de lui malgré tout… malgré toutes les horreurs qu’il avait fait… qu’ils avaient tous fait… Déesse, depuis quand juste penser à cet homme lui faisait aussi peur ? Depuis quand il n’arrivait même plus à dire son nom ?
Contre son meilleur jugement, Rodrigue sauta presque sur ses affaires, les défit comme un possédé, éparpillant tout autour de lui sans faire attention, cherchant désespérément sa peau de loup. Soupirant de soulagement en la retrouvant enfin, il se réfugia à nouveau à l’intérieur, se drapant tout entier sous la toison de nuit… malgré toute son appréhension et sa crainte de la transformation, l’étreinte chaleureuse de la fourrure lui semblait moins glaçante que rester ainsi, à la merci du gel de la peur de Fhirdiad… de cet homme… comment pouvait-il seulement imaginer lui faire potentiellement face à Fhirdiad si seulement penser à lui l’angoissait à ce point ? Le faisait se réfugier dans sa fourrure de loup comme un enfant dans la cape de ses parents ? Cela n’avait aucun sens… mais le duc ne pouvait plus reculer à présent, et il refusait de laisser Alix seul face à lui… hors de question de le laisser affronter leurs bourreaux à tous tout seul…
« Je vais de nouveau le contaminer avec mes émotions en plus si je continue…
– Ce n’est pas grave… moi aussi, je te contamine quand je m’énerve contre lui alors, on peut inverser les rôles de temps en temps…
Rodrigue sentit alors le contact de son frère, épaule contre épaule de loin, ce dernier le laissant se calmer dans un coin de son esprit, reprenant pied petit à petit avec son aide… évidemment, il l’avait senti mais en même temps, c’était rassurant… ils étaient toujours l’un à côté de l’autre d’une certaine façon…
Soufflant un peu, l’homme laissa sa tête sortir de sa cachette, se focalisant seulement sur la chaleur de l’étreinte et celle de son frère… cette fois, il n’était pas seul, son frère était là, les sœurs Charon aussi, et Lambert n’était plus roi… Rufus n’avait plus aucun pouvoir et les révolutionnaires avaient écarté Gustave… aucun d’entre eux ne pourrait plus leur faire du mal…
« La meute est forte ensemble… »
Il s’accrocha à cette pensée en passant ses doigts sur sa fourrure, trouvant du courage et du réconfort à l’intérieur, priant encore pour retrouver son petit le plus vite possible, voulant juste le revoir. Malgré la transformation et tout ce que lui rappelait cette fourrure, elle restait rassurante… elle lui rappelait sa maison… de vieux souvenirs, l’oubli fondant sous la douce caresse de la toison abondante… sans s’en rendre compte, il se remit à chanter, pour la première fois alors que Félix n’était pas là… juste pour lui, les notes l’enveloppant dans une étreinte aussi rassurante que sa fourrure…
« Je pars ce matin avec les chants des laudes,
Mes pieds vont d’un côté,
Mais mon cœur reste figé
Il reste ici dans vos petites mains chaudes
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans être meurtri
Je pars à reculons, je pars sans jamais vous oublier
Je pars en ce jour en pensant toujours à vous,
À chaque pas sur ce long chemin, je l’avoue,
Je vous voie derrière moi et souhaite m’en retourner.
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans être meurtri
Je vous promets de revenir un soir,
Je reviendrais à vous un jour,
Cette promesse de velours
Je ne la laisserais jamais choir,
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans être meurtri
Et quand nous nous serons retrouvés
Ce sera pour ne plus jamais se lâcher. »
« Papa… se rappela-t-il malgré le temps ayant érodé ses souvenirs, sentant la présence de ses parents à ses côtés. Oui… toi aussi, tu étais un loup… comme maman… Peut-être que cette fourrure n’est pas qu’une échappatoire finalement, mais aussi un message destiné à nous rappeler qui est notre famille… »
Le lendemain, après avoir encore juré avec Alix de ne pas se séparer, ils entrèrent dans Fhirdiad, drapé de leur sarcelle et de blanc, leur peau de loup drapant fièrement leurs épaules. Non pas comme un rappel de leur détresse et de désespoir, mais comme symbole des Fraldarius, la famille du loup.
Dès qu’ils apparurent, le silence s’installa dans la rue, la foule se rassemblant autour d’eux, essayant de les voir comme une relique lors des processions, plusieurs levant la main vers eux, comme pour tenter de les toucher sans oser… tout semblait si calme, comme dans une église, avant que des murmures ne commencent à s’élever, bas et discret.
« Regardez… les Charon et… et est-ce possible ? »
« Ce sont eux… »
« Les ducs de Fraldarius… »
« Ce sont vraiment eux ? »
« Ils ne sont plus des loups de cendres ? »
« Si ! Regarde ! Sur leurs épaules ! »
« Une fourrure de loup noir géant ! »
« Et ces yeux… je les ai vus quand les loups ont abandonné Fhirdiad pour punir Lambert… c’était exactement les mêmes que les leurs… »
« Des loups noirs aux yeux humains bleus… c’était bien des loups de cendre… »
« En plus, ils ont des emblèmes tous les deux… »
« Et Rodrigue a donné naissance au premier emblème majeur de Fraldarius depuis des siècles… »
« Ils nous ont aussi toujours protégés… toujours… »
« C’est eux qui ont toujours tout fait pour ramener le roi dans le droit chemin avec les Charon… »
« Contrairement au tyran… »
« Alors que le roi se perdait dans ce qu’il voulait en nous oubliant… »
« Et c’est quand ils sont partis que les choses ont vraiment commencé à aller de mal en pis… »
« C’est aussi quand les Charon ont quitté le service de Lambert que nous avons eu assez de force pour le renverser… »
« Les Charon aussi sont protégés par la Déesse… leur emblème reste toujours majeur malgré le temps qui passe contrairement aux autres… »
« C’est comme si la Déesse nous avait vraiment abandonnés quand ils sont tous partis… »
« Pendant que les jumeaux recevaient sa bénédiction en étant ses loups de cendre… »
« C’est eux que la Déesse a choisi, pas Lambert, c’est sûr ! »
« C’est eux qui devraient être à sa place ! Par leurs compétences et de droit divin ! La Déesse a clairement choisi ses favoris ! »
« Les srengs ont raisons ! Mieux vaut des rois clairvoyants plutôt que des rois sans yeux ! Même s’ils ne sont pas de la famille royale ! »
« Oui ! Le mauvais roi Lambert est déchu ! Longue vie aux rois Rodrigue et Alix ! Longue vie aux rois jumeaux protégés par la Déesse ! »
« Le roi sans yeux est déchu ! Longue vie aux rois clairvoyants ! »
« Longue vie aux rois élus par la Déesse ! »
« Longue vie aux rois loups de cendres ! »
« Longue vie aux rois ! »
Les jumeaux y crurent à peine quand toute la capitale reprit ces mots, se répandant comme un écho tout autour d’eux, hurler en cœur par tous les fhirdiadais, les acclamant rois sans hésité une seule seconde. Ils s’étaient attendus à tout, sauf à ça ! Qu’ils leur fassent confiance à cause de leur attitude quand ils géraient la crise, les respectent énormément à cause de la rumeur qu’ils soient des loups de cendre… mais pas au point de les acclamer roi seulement en les voyant !
Malgré leur étonnement, ils se reprirent vite, ne laissèrent rien paraitre et gardèrent la tête haute, fiers et confiants, regardant droit devant eux sans faillir. Même si n’était qu’une acclamation, cela aurait forcément un poids dans les futures négociations avec les chefs révolutionnaires. Ces derniers ne pourraient pas ignorer l’opinion populaire, ni risquer de se mettre une partie des fhirdiadais en traitant mal des personnes vues comme étant des « élus de la Déesse »… c’était étonnant mais, cela les avantageait aussi, autant en tirer profit un maximum…
Estelle et Bernard vinrent finalement à leur rencontre, entourés de tous leurs hommes restés à Fhirdiad ainsi que ceux des Charon. Plusieurs d’entre eux manquaient à l’appel… devinant facilement la cause de cette absence, les jumeaux se jurèrent de leur donner une tombe digne d’eux, digne des personnes ayant eu le courage d’affronter les tyrans pour le bien du Royaume.
« Bonjour à vous Vôtres Grâces ! Les salua la première Estelle, levant la main dans un geste amicale.
– Bonjour à vous Dame Duchesne, lui répondirent à leur tour les jumeaux, s’adressant à elle comme à un égal.
– Nous sommes heureux de vous revoir sain et sauf après toutes ses épreuves, malgré le fait que certains d’entre vous ne soient plus là, déclara Rodrigue en posant sa main sur son cœur. Le Royaume pleura également longuement la mort de ceux qui ont tout fait pour le protéger.
– Ils ont vaillamment combattu les tyrans des Blaiddyd à chaque instant, chaque bataille. Nous sommes fiers d’avoir eu de tels camarades, même si leur perte est une tragédie qui n’aurait jamais dû avoir lieu, confirma-t-elle. Tel était le prix à payer pour faire chuter les tyrans responsables de tous nos malheurs, même s’il restera toujours bien trop élevé. Même sans être chevalier pour la plupart, ils ont vécu comme tel et bien plus dignement que nombre de personnes portant ce titre.
– Nous sommes aussi heureux de vous revoir… ajouta Bernard sur un moins formel, ne cachant rien de sa joie de les voir à nouveau humain. La Déesse soit louée, vous êtes de nouveau parmi nous et humain… la Déesse soit louée…
Descendant de son cheval, l’homme alla vers eux, tendant sa main vers eux. En réponse, Rodrigue et Alix descendirent de leurs montures à leur tour pour le serrer contre eux, juste heureux de le voir en vie… de tant en voir en vie malgré toutes ses épreuves… qu’autant soit encore vivant malgré les terribles combats qu’ils avaient dû mener… cela tenait du miracle… la Déesse et les Braves soient loués pour leur clémence… tous leurs fidèles vinrent les saluer à leur tour, l’ambiance devenant plus conviviale que formelle entre eux.
– Nous sommes venus pour demander au gouvernement révolutionnaire de nous laisser vous ramener chez nous, à Fraldarius, déclara Rodrigue après leurs retrouvailles. Ceux qui le souhaitent pourront rester à Fhirdiad, bien entendu mais, nous aimerions pouvoir vous ramener à vos familles, surtout maintenant que nous avons assez de vivre pour nourrir tout le fief jusqu’à la prochaine récolte.
– A écoutez tout Fhirdiad, ils n’ont pas l’air de vouloir que vous partiez, leur fit remarquer Estelle.
– Nous entendons bien, et cela serait un honneur mais, il s’agit d’une décision majeure pour l’avenir de Faerghus, lui rappela Alix. Elle ne doit surtout pas être prise dans la précipitation, et il faut également prendre garde à ce qu’elle soit acceptée par tout le Royaume. Mieux vaut éviter les conclusions hâtives, surtout en des temps aussi incertains.
– Ce sera toujours mieux que Lambert, lui fit remarquer Bernard. D’ailleurs, on est loin d’être les seuls à le penser. On doit vous montrer des parchemins qui vont beaucoup vous intéresser, et vous présentez quelqu’un… même si vous le connaissez déjà…
Devinant déjà de qui le second d’Estelle parlait, les jumeaux acceptèrent de les suivre avec les Charon, remontant sur leurs montures alors que la foule réclamait encore de les voir, criant en chœur leur désir qu’ils soient les nouveaux rois, que les loups de cendres et les bons ducs soient leurs rois… prudemment, les jumeaux se baissèrent, prenant quelques mains qu’on leur tendait tout en faisant attention qu’aucun ne cache une lame.
Les chefs révolutionnaires les attendaient devant les portes du palais, repeintes aux couleurs de la ville. Certains se signèrent en les voyant, d’autres les saluèrent poliment. Les jumeaux en reconnurent la plupart, mais leur regard ne put se détacher du jeune homme trônant au milieu d’eux.
Ludovic…
Ludovic était là, tenant Areadbhar entre ses mains, même si elle était recouverte d’une protection de tissu, comme en période de paix ou de régence, quand le roi ne devait ou ne pouvait pas la manier. Malgré tout, tous leurs doutes, l’impossibilité d’un tel miracle, ils surent en voyant son regard si particulier, ses yeux vairons semblant voir à travers les êtres et l’horizon, voir le futur qu’il désirait tant offrir à Faerghus et écartant d’une œillade sévère toute personne menaçant son peuple… ça ne pouvait qu’être que lui…
« Veuillez recevoir nos sincères salutations chefs de Fhirdiad, commencèrent-ils poliment. Nous sommes venus ici pour discuter des liens entre nos deux territoires, ainsi que pour escorter nos hommes jusqu’à leurs familles. Nous prions pour que nous puissions nous entendre.
– Salutations à vous ducs de Fraldarius, commença une femme qu’ils reconnurent comme la cheffe de la guilde des lainiers de la ville. Nous sommes honorés que vous ayez accepté notre invitation, et espérons autant que vous que ces discussions se passeront bien. La ville semble déjà vous avoir accepté dans tous les cas, souligna-t-elle.
– Nous n’avons que pour but de servir notre peuple et celui de tout Faerghus, déclarèrent les jumeaux avec prudence, n’infirmant et ne confirmant rien.
– Nous voyons cela… déclara Ludovic, avant de s’avancer vers eux, son tout petit sourire aux lèvres, si discret qu’il se voyait à peine. Je suis heureux de vous voir en bonne santé louveteaux.
*
Les Fraldarius et les Charon commencèrent par écouter le récit de la révolution, puis se mirent à négocier les modalités des nouvelles relations entre leur fief et le domaine royal. Une des premières choses que firent les jumeaux furent de se débarrasser d’une grande partie du Kyphonis Corpus, utilisant comme argument la fin de l’hégémonie des Blaiddyd sur le Royaume. Cet ensemble de privilèges était très avantageux mais, les enchainaient également à la famille royale, justifiant la plupart des châtiments plus sévères à leurs égards quand leurs « crimes » touchaient au souverain, même si cela se résumait à ne pas être mort à sa place. Ils perdirent plusieurs privilèges mais, savoir que Félix et leurs descendants n’auraient plus à vivre sous la menace d’être puni de mort pour une simple erreur ou pour servir de bouc-émissaire afin d’épargner le roi les soulagea grandement, le tout en arrivant à garder certaines lois particulières concernant la terre de leur fief en lui-même, notamment leur grande autonomie par rapport au reste de Faerghus, ce qui était le principal. Les Charon, toujours représentées par Thècle et Lachésis, veillèrent aussi à ce que Dimitri garde ses droits sur le fief des Blaiddyd en lui-même, le revendiquant comme son héritage paternel, même s’il serait un seigneur comme les autres du royaume. Le jeune garçon n’y perdait pas trop aux changes au final, et nul doute qu’il deviendrait un excellent seigneur sous la houlette de ses tantes.
Une fois tout ceci réglé et avant de discuter ensemble du sort de Lambert et Rufus après leur procès, Ludovic demanda aux visiteurs s’ils pouvaient parler en privé tous ensemble, ce qu’ils acceptèrent. S’aidant toujours d’Areadbhar pour marcher et assisté par un jeune homme du nom de Tristan, il les mena jusqu’à une salle qu’affectionnait particulièrement le roi Ludovic : ses murs étaient couverts d’ambre sculptée, rendant l’atmosphère toute particulière et l’aidant à respirer correctement, un cadeau de bonne entente entre Albinéa et Faerghus offert par le roi albinois au début de son règne, ainsi qu’en excuse pour la mort de Guillaume lors de la rencontre diplomatique entre les deux pays. Plusieurs endroits avaient été gratté, les plus belles pièces retirées par Rufus afin de les vendre et financer sa guerre… c’était une perte énorme pour le Royaume, et les albinois n’apprécieraient surement pas qu’on morcèle un de leurs présents mais, cet argent serait bien utile pour reconstruire Faerghus… présenter ainsi, cela devrait apaiser la colère de leur reine si elle s’en offusquait…
« Je crois que je vous dois à tous une très longue explication… commença le jeune homme, faisant glisser son regard sur chacun d’entre eux.
Il confirma qu’il était bien le roi Ludovic revenu du passé, comment il était arrivé dans le présent, tout en essayant de répondre à leurs questions sur Cornélia. Après s’être enquis de l’état de santé des jumeaux et celui de Dimitri, il les questionna à leur tour sur l’état des fiefs de l’Est, avant d’avouer.
– Une grande partie des seigneurs occidentaux ont senti le vent tourné et ont plié le genou devant Fhirdiad en reniant Lambert et Rufus mais, ce n’est surement qu’une question de temps avant qu’ils ne tentent de prendre le pouvoir avec l’appui de l’Église occidentale. Les révolutionnaires comptent organiser des élections au plus vite mais, il ne faut pas se voiler la face, il faut attendre que le Royaume retrouve un semblant de stabilité pour pouvoir les organiser correctement, surtout que cela fait plus de trois cents ans que nous n’en faisons plus, même juste pour respecter la forme rituelle de l’élection de Loog. Il faut donc quelqu’un pour diriger le pays temporairement. Cette personne sera extrêmement encadrée et ses pouvoirs limités, comme le roi qui sera élu mais, le pays a besoin d’une figure sous laquelle se rassembler et s’unir, ainsi qu’assez forte pour repousser les ambitions contre le gouvernement révolutionnaire afin de devenir le nouveau tyran. Le tout en acceptant de rendre le pouvoir une fois l’élection passé, évidemment.
– Alors, les candidats idéaux pour ce poste sont évidents pour tout le monde, répondit sans hésité Lachésis en regardant les jumeaux. Mieux vaudrait éviter que ce soit notre famille. Nous avons trop de pouvoir et d’influence dans l’administration, cela déséquilibrait la relation avec le pouvoir législatif, et nous sommes meilleurs dans le domaine judiciaire. De plus, nous avons la tutelle de Dimitri jusqu’à sa majorité à présent, ce qui déséquilibre à nouveau la balance en notre faveur.
– C’est vrai ! Vous êtes acceptés par l’ensemble de Fhirdiad, vous êtes respecté de tous et avez prouvé vos compétences à maintes reprises ! Vous avez bien plus gouverné correctement le Royaume que Lambert ces dernières années, et vous avez assez de puissance pour repousser des seigneurs comme Rowe ou Mateus. Avec ça, l’Église Occidentale hésitera à s’en prendre à vous étant donné que tout le Royaume est persuadé que vous vous êtes transformés en loup de cendre. Ils ne pourront pas s’en prendre à vous sans que leurs fidèles craignent de s’en prendre directement à des personnes sous protection divine. Même s’ils apprennent l’existence des berserkir des srengs, les fanatiques de cette secte sont persuadés que ce sont des faux dieux n’existant pas alors, ils se retrouveront bloqués.
Ludovic les encouragea également d’un signe de tête, ne cachant pas son accord avec les deux sœurs.
– Je ne voie pas non plus d’autres figures qui pourraient autant rassembler que vous. Vous êtes connus et respecté par tout le Royaume. Comme viennent de le soulever Lachésis et Thècle, les Charon concentreraient trop de pouvoir sur elles-mêmes si elles devenaient reine en plus d’être les tutrices de l’héritier des Blaiddyd. Les Gautier se sont détachés du Royaume pour se tourner vers les srengs, même si le statut de ce territoire reste flou pour le moment. Il faudra attendre de voir comment la situation évolue pour savoir si nous les comptons encore dans le Royaume ou non dans le futur. Rowe et Mateus sont puissants mais, moins que les seigneurs du nord tout en ayant leur nom entaché par leur participation active au voyage en Duscur, puis dans le gouvernement de Rufus. Enfin, les Galatéa ne sont mêmes pas une option, c’est une famille bien trop petite doublée de félons notoires, même s’ils se sont apparemment améliorés depuis mon époque…
Les jumeaux ne dirent rien, réfléchissant ensemble… d’un côté, elle n’avait pas tort, ils étaient acceptés de tous à Fhirdiad et dans le nord, et même si Mateus et Rowe risquaient de contester leur pouvoir, dans une période de crise pareille, n’avoir qu’une partie du sud contre eux et pas l’ensemble du pays serait surement la meilleure situation qu’ils pouvaient espérer pour le moment… en plus, ils venaient de se faire acclamer par l’ensemble de la ville, cela justifierait qu’on les choisisse eux plutôt que les Charon ou d’autre…
Leur objectif restait toujours de pouvoir enfin vivre en paix à Egua avec Félix mais, être roi assiérait la force de leur famille et de leur fief, surtout s’ils arrivaient à tirer en partie le Royaume de la crise après la Tragédie… gagner le respect de tous de cette manière leur assurerait que personne n’oserait s’en prendre à eux, que ce soit en visant Félix ou leur fief… s’ils arrivaient à tenir correctement le Royaume jusqu’à ce que la crise passe, leur famille et leur fief pourraient être gagnant à tous les niveaux…
– C’est une décision très importante qui demande à être murement réfléchie, surtout que nous ne voulions plus nous éloigner de notre fief suite à ce qui s’est passé. Dame Loréa Terrail a tout notre respect et notre gratitude pour son travail exceptionnel mais, nous avons également des devoirs envers notre peuple et notre famille, déclara prudemment Rodrigue après avoir échangé un regard avec Alix qui continua, comme si les deux parlaient d’une même voix.
– Mais si c’est pour le bien du Royaume, nous le ferons, tant que nous pouvons continuer à exercer nos fonctions ducales correctement. Nous sommes après tous les protecteurs de notre fief depuis toujours, et Kyphon lui-même voulait que notre famille se concentre sur son territoire pour ne pas risquer de le négliger.
– Bien évidemment, lui jura Ludovic, toujours impassible mais, les jumeaux arrivèrent à discerner qu’il était soulagé par leurs mots. Merci beaucoup à vous.
Ils échangèrent encore un peu, jusqu’à ce qu’on les appelle pour venir partager le repas du gouvernement révolutionnaire, avant de parler du sort du roi, même si Ludovic demanda un instant de plus aux sœurs Charon.
– Je sais que ce n’est pas une priorité et qu’il refusera surement, j’ai aidé à détrôner son père après tout mais, serait-il possible que je me rende en Charon pour rencontrer Dimitri ? S’il accepte et qu’il est suffisamment remis de ses blessures, j’aimerais beaucoup pouvoir le rencontrer avant de repartir dans le passé, surtout si je n’en ai jamais eu l’occasion.
– Bien sûr, vous êtes la bienvenue. Nous en parlerons avec Dimitri en lui expliquant la situation maintenant qu’il va mieux. On espère simplement que ce ne sera pas trop tard pour vous…
– Ne vous en faites pas pour moi, le Royaume passe avant tout. Merci de m’accorder ceci… souffla-t-il, les yeux remplis d’espoir, même s’ils s’assombrirent de nouveau rapidement. Maintenant, il nous reste le sort de Lambert et Rufus à régler… »
Les jumeaux s’hérissèrent un peu, la peur de rencontrer à nouveau les deux frères leur gelant l’échine, même si Ludovic leur assura qu’étant donné qu’ils allaient débattre de leur sentence, les accusés ne seraient pas présents.
« Bien… soupira l’ainé, un peu rassuré, avant de demander à son tour, portant à nouveau sa main sur sa gorge. Ludovic, j’aurais aussi un service à vous demander… »
*
Lambert marchait lentement jusqu’à l’église du palais, pieds et mains liés, un capuchon de moine sur la tête pour qu’on ne le reconnaisse pas. On lui autorisait une sortie par jour sous escorte, même après son procès… cela faisait un mois à présent mais, le souvenir était déjà flou, comme s’il n’était pas présent à son propre jugement… après avoir tenté de s’expliqué avec les juges, il n’avait pratiquement plus rien dit, répondant à peine aux questions en comprenant que cela ne servirait à rien, se contentant de baisser la tête avec honte, fuyant le regard de son père quand il le sentait sur lui… l’homme se doutait qu’une partie de l’audience avait attribué son comportement à de l’arrogance mais, après les premiers échanges avec les juges, c’était plutôt qu’il ne savait plus quoi dire, comme si le moindre de ses mots le condamnerait un peu plus… composés de tout le gouvernement révolutionnaire, à l’exception de Ludovic qui était resté étrangement en retrait contrairement à ses habitudes, le jury n’étaient clairement pas là pour tenter de comprendre ce qu’il avait voulu faire, seulement pour décider de quelle manière il allait mourir, rien de plus… comme le procès de Clovis le Sanglant…
Ce dernier n’avait été qu’une formalité avant qu’il n’ait la tête tranchée par Ludovic pour éviter d’en faire un martyr mais, le tyran avait transformé son jugement en un dernier affront fait à tout Faerghus… il avait profité de cette dernière apparition pour faire étalage de toute son horreur et toute sa cruauté, jurant qu’il reviendrait hanter leurs pires cauchemars depuis l’enfer… plusieurs de ses bâtards et proches collaborateurs avaient également eu la tête coupé, afin d’éliminer les possibles concurrents de Ludovic, leur amour du sang servant de prétexte idéal pour les faire tomber pour complicité et participation active à la tyrannie… sa propre mère Alcidie avait failli avoir son propre procès pour complicité de cette horreur, si elle n’avait pas accepté avec joie de les abandonner pour vivre une vie de sang et de massacre comme mercenaire… en plus, cela aurait surement été plus mal perçu que son ancien mari ne la tue ainsi… elle était moins perçue comme une complice active mais, plus une personne mêlée à tout cela par hasard à cause du mariage arrangé et de ses parents, de proches collaborateurs du Roi Sanglant, eux-mêmes tués pendant le coup d’État… mais si cela n’avait pas risqué d’en faire une martyre et de salir sa réputation, Ludovic lui aurait tranché la tête, comme à tous les autres…
« Même Rufus et moi, il n’hésitera pas à nous… »
L’homme n’essaya même pas de lutter contre ses pensées… son père n’aimait personne… à peine de la pitié pour les jumeaux et ses sujets mais sinon, son âme était vide, froide comme de la glace… il le savait mieux que quiconque pourtant…
« J’espère que tu vas bien Rufus… cela fait si longtemps que je ne t’ai pas vu… personne ne me dit rien… je ne sais même pas si les jumeaux ont été retrouvé… »
En entrant dans l’église quasi vide à part un moine encapuchonné qui s’était engouffré dans une alcôve, Lambert remarqua quelqu’un derrière l’autel sans qu’il ne porte l’habit des prêtres, observant attentivement les fresques représentants les Braves autour de la Déesse, même si ce n’était un secret pour personne que c’était Loog et ses compagnons qui étaient représentés, l’église ayant été construite peu de temps après la fin de la guerre… une fois plus proche, il reconnut assez vite le visiteur.
« Ludovic ? Mais qu’est-ce que… qu’est-ce que tu fais ici ?
L’homme du passé se tourna vers lui, toujours aussi impénétrable et illisible que d’habitude, même si Lambert ne l’avait pratiquement jamais vu dans une église sauf par obligation ou pour la Toussaint, priant surement pour le salut de l’âme de Guillaume et pour expier sa faute envers lui.
– J’avais besoin de calme, et j’avoue avoir envie de te parler un peu, répondit-il de manière concise, sans s’étendre. Et toi, es-tu venu prier ? Es-tu croyant ?
– Non, et tu devrais le savoir… marmonna-t-il, se renfrognant en voyant les yeux vairons vides de son père. Sur ce point, je suis comme toi, je ne crois pas beaucoup.
– Tu es un bébé de six mois à mon époque. Tu ne sais même pas encore parler, tu ne peux pas prier ou même comprendre le concept de Déesse, le corrigea-t-il encore, ne sachant faire que ça avec lui. Je découvre ta personnalité à cette époque. Enfin, je comprends qu’il soit difficile de croire en la Déesse, même si cela peut-être un refuge et une bonne confidente. Alors pourquoi es-tu ici ?
– Je voulais prier pour mon fils… et pour Rufus… j’espère que tout se passe bien pour eux… je ne sais pas comment mon propre frère va depuis que vous nous avez séparés.
– Ce serait trop dangereux de vous laisser ensemble…
– Tu ne penses même pas que cela nous fait du mal d’être séparé alors qu’on est ensemble depuis qu’on est tout petits ? » Ne put s’empêcher de piquer Lambert en le coupant, ne pouvant s’empêcher de passer sa frustration sur lui. Si Lambert voulait bien être le responsable de Duscur, une grande partie de ce qui avait suivi était de la faute de Ludovic, et même avant. Pas question de le ménager lui aussi.
« C’est vrai que vous ne vous quittez pas à mon époque, admit son père en l’approchant, toujours bien trop calme pour quelqu’un de normal. Et bien sûr que j’y ai pensé mais, si vous complotez pour vous évader, ce sera plus simple pour vos complices si vous êtes ensemble, ils n’auront qu’une pièce à trouver.
– Je ne compte pas m’évader si c’est ce que tu crains. Tout ce que je veux, c’est que tout ceci s’arrête et si j’ai de la chance, revoir Dimitri et Rufus, et si j’en ai vraiment, savoir ce qui est arrivé à Rodrigue et Alix mais bon, on ne m’explique même pas pourquoi il y a eu ce mouvement de foule l’autre jour alors, pour qu’on me dise comment va ma famille ou mes meilleurs amis, je peux encore rêver… Vous m’aviez déjà tous condamné avant même que le procès commence en plus. Vous n’avez même pas essayé de m’écouter quand j’essayais de vous expliquer ce que je pensais faire.
Ludovic ne réagit pas, comme toujours, montrant juste un des bancs après une seconde de silence. Acceptant l’invitation non sans faire la moue, Lambert s’assit à côté de son père, regardant la fresque sans un mot avec lui. C’était étrange de se dire que ce jeune homme était en réalité son père, que c’était lui à présent le plus âgé des deux mais, Ludovic faisait plus ancien qu’il ne l’était réellement, comme toujours… avec malgré tout un pincement de cœur, Lambert se souvient difficilement des derniers jours de son père, si maigre et si pale, les joues et les orbites creusés, son cou semblant sur le point de rompre sous le poids de sa tête tellement il était faible, ressemblant plus à un vieillard qu’à un homme dans la quarantaine… dire qu’il avait pratiquement le même âge que son père sa mort à présent…
– Je n’ai aucun pouvoir ici, j’ai tout fait pour ne pas en avoir, commença enfin Ludovic. Un homme du passé n’a pas à décider pour le présent. Et quand bien même, je serais au pouvoir, je n’aurais rien décidé autrement. Même si toi, personnellement, tu ne veux pas t’évader, plusieurs entités pourraient te tirer de ta prison car, tu corresponds plus à ce qu’ils attendent d’un roi qu’un autre. Une milice d’une des sectes de l’Église Occidentale s’est fait arrêter il y a quatre jours car, ils ont tenté de t’exfiltrer du palais.
– Je n’ai rien à voir avec eux si c’est ce que tu cherches à savoir, et je ne veux avoir aucun lien avec l’Église Occidentale non plus. Ils veulent juste brûler tout ceux qu’ils n’aiment pas, soit la moitié de Fodlan.
– Peut-être mais, il n’empêche que tu sembles plus les intéresser sur le trône que n’importe qui d’autre sinon, ils auraient surement déjà proposé leur propre poulain au lieu de tenter de te libérer. Si j’ai bien compris ce qu’on m’a raconté, j’étais arrivé à les affaiblir pendant mon règne mais, ils ont repris du poil de la bête sous le tien, en profitant notamment de plusieurs concessions que tu as faites au sud pour arriver à se réorganiser, surtout qu’en même temps, tu en demandais toujours plus au nord et à l’est qui n’arrivait plus à suivre.
– Je ne peux pas empêcher les gens de croire en ce qu’ils veulent, je ne vais pas mettre un garde derrière chaque autel du sud pour contrôler ce qu’il s’y dit. Ils se sont plaint qu’ils ne pouvaient plus s’exprimer complètement et correctement à cause de tes lois restrictives alors, j’ai accepté de leur donner plus de liberté mais, cela touche tout le royaume, répliqua-t-il, se souvenant des débats qu’il avait eu avec les jumeaux, Rodrigue lui conseillant de repenser sa loi pour en fait ne pas changer grand-chose à la loi de Ludovic au final. Et le nord a toujours bien répondu quand je leur demandais de l’aide, alors que le sud… c’est plus compliqué…
– Une bande de seigneurs ambitieux qui se mangent entre eux et rêvent secrètement de manger celui d’au-dessus pour devenir le nouveau tyran, et une secte hérétique de fanatiques ne rêvant que de revenir à un ancien temps qu’ils imaginent parfait car, c’était eux qui avaient le pouvoir, résuma froidement Ludovic. Et tu as eu une bonne idée sur le papier : il est important que chacun puisse s’exprimer. Mais tu as oublié que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Aucune liberté n’est absolue. Cela ne te viendrait pas à l’idée de rentrer chez quelqu’un sans autorisation alors que tu es libre de te déplacer là où tu veux. Les lois que nous avons mises en place visaient à empêcher que les discours de haine puissent être porté en place publique. Oui, j’ai réduit la liberté d’expression mais, en interdisant qu’on attise la haine des étrangers et des personnes différentes en règle générale, que ce soit par leurs origines, leur genre, leur sexualité, leur religion, leur santé, leur condition physique, mental… tout en formant des juges spécialisés pour traiter les questions liées à la liberté d’expression. On parlait de personnes qui en appelait publiquement à brûler les personnes gays ou transgenre, ainsi que les handicapés car, ils étaient « déviants » ou « tarés », ainsi que frapper du sceau de la honte à vie les bâtards, les métis et ceux qui les ont engendrés. Si on les écoutait, aucun des compagnons du roi Loog n’aurait pu aller aussi loin, dont Loog lui-même… déclara-t-il en regardant à nouveau la fresque des « Braves ». Ils étaient tous des bâtards après tout, sauf Amaury Gloucester, Gylfe Gautier et Eudoxie Goneril, ainsi que Pan mais, Amaury était complètement muet, Gylfe sreng, Eudoxie bien plus almyroise que fodlan à ce moment-là et on peine à discerner les origines de Pan. Les « opinions » de l’Église Occidentale et des seigneurs qui la soutiennent sont dangereuses, et ne représentent que des fléaux à éradiquer, les condamna-t-il fermement, Lambert le revoyant signer sans hésiter les arrêts de mort les visant.
– Je sais, et je n’ai jamais voulu encouragé de telles choses ! Chacun est libre de penser ce qu’il veut tant qu’il ne fait pas de mal aux autres mais, je ne voulais pas non plus brider mon propre peuple ! Je ne pensais pas que cela permettrait à l’Église Occidentale de prendre autant d’importance ! D’accord, la fratrie Charon m’avait dit que c’était une loi qui pouvait provoquer des dérives dangereuses, les jumeaux aussi, mais c’est dans leurs habitudes de s’inquiéter trop pour ça ! C’est comme avec Duscur ! Le but était de rétablir la paix entre nos deux peuples, pas provoquer encore plus de tensions ! S’exclama-t-il, sa voix résonnant en écho dans toute l’église tellement il parlait fort.
– J’en suis conscient. Tu ne penses pas à mal, pratiquement jamais même, et c’est ce qui rend ton cas plus difficile. Tu ne veux jamais faire le mal mais, tu blesses aussi les autres autour de toi en refusant de les écouter et en en faisait qu’à ta tête. Tu tiens aux autres mais, tu as aussi un côté destructeur sur lequel tu n’as pas l’air d’avoir tenté de travailler, même si cela fait le mal autour de toi. Qu’importe tes attentions au départ, même si elles sont nobles, l’important est ce que tu as réellement fait au final et ce que cela a provoqué, soit bien trop de souffrance dernièrement, au point que tu es devenu le roi dont voudrait l’Église Occidentale et le Sud le plus fanatique du Royaume car, ils profitent de ton envie d’aider tout le monde de la même manière, le tout en usant toutes les personnes qui tiennent réellement à toi sans jamais les écouter une seule seconde car, cela signifierait que tu dois faire des choix plus difficiles que seulement aider tout le monde sans distinction…
– Qu’est-ce que tu en sais ?!
Lambert le coupa d’un coup, regardant son père dans les yeux, faisant cliqueter ses chaines qui le retenaient avec ses mouvements brusques, se fichant éperdument que les gardes ou les moines l’entendent. Il était déjà condamné de toute façon alors, autant craquer et lui dire tout ce qu’il pensait de son père depuis des années ! Même s’il se mentait souvent à lui-même au sujet de sa capacité à aimer, en se cachant derrière une histoire rassurante que même un homme comme lui pouvait aimer ses enfants, il fallait qu’il regarde la vérité en face ! Ils s’étaient déjà quittés sur une dispute à la mort de Ludovic de toute façon, son père lui crachant de nouveau au visage tout ce qu’il pensait de son incompétence sans vraiment l’aider ! Une dispute de plus ne la ruinerait pas plus qu’elle ne l’était déjà !
– Qu’est-ce que tu en sais ?! Tu t’es toujours battu contre des personnes que tu hais, que ce soit Clovis, ses sous-fifres ou l’Église Occidentale ! Ce n’est pas compliqué de s’en prendre à des gens qu’on haït ! Surtout pour toi qui n’aimes personne ! La seule personne que tu aimais, c’était Guillaume sinon, ton cœur est en glace ! Tu es froid, insensible, distant, inexpressif et calculateur ! Tu ne penses qu’à ce qui avance tes plans et rien d’autre ! Les seules personnes que tu supportes sont celles qui pensent comme toi ou presque ! Je ne suis pas comme toi ! Je ne le serais jamais ! Moi, je veux travailler avec tout le monde pour qu’on avance ! Pas mettre des gens qui ne me plaisent pas de côté car juste, je ne peux pas les encadrer ! Ne vient pas me faire la morale sur le fait que je n’écoute personne alors que toi, tu faisais couper la tête de tes opposants ou de leurs soutiens ! Comme Clovis, plusieurs des Galatéa, des seigneurs du sud et même la famille de ta propre femme ! ça n’aurait pas entaché ta réputation de tuer la mère de tes enfants, tu l’aurais décapitée comme tous les autres !
– Je ne suis pas aussi insensible que tu sembles le croire. Oui, je ne montre pas mes émotions, autant parce que je suis fait ainsi que pour survivre mais, cela ne veut pas dire que je n’en ai pas. Je préfère laisser mes actes parlés à la place de mon visage et de mes mots. Certes, je ne travaille pas avec tout le monde. Certes, j’ai écarté énormément de personnes du pouvoir mais, c’était principalement des personnes liées au pouvoir de Clovis et de bien d’autres de nos prédécesseurs dignes des empereurs d’Adrestia. Je refuse de donner une once de considération à des êtres que je considère dangereux car, je sais que quand ils auront un premier pouce, ils feront tout pour obtenir tout le bras au détriment des autres. La Tolérance ne tolère pas l’Intolérance. Cela ne m’a pas empêcher d’inclure des personnes venant du sud dans mon gouvernement, notamment des roturiers. Et c’est exact, j’ai coupé la tête de Clovis avant que ses alliés ne le libèrent ou qu’il commence à comploter. Pour les Galatéa, oui, l’un d’entre eux a fini pendu au bout d’une corde… après avoir été pris un poignard à la main dans la chambre des deux louveteaux de Fraldarius afin de tuer la descendance de Guillaume, ce qui a évidemment eu des conséquences. Guillaume et Aliénor n’auraient jamais laissé un tueur d’enfant en liberté, même s’il a raté son coup, encore moins quand ils s’en prenaient à leurs petits à eux. Pour les seigneurs du sud, c’était pour la plupart des opportunistes tentant de profiter du chaos instauré par Clovis pour prendre plus de pouvoir, ainsi que du vide politique pour aider l’Église Occidentale à commettre ses excès. Quant à Alcidie, sa famille et elle étaient les plus proches soutiens de Clovis, ils se rêvaient à la place des Fraldarius sans toutes les responsabilités qu’incombent leur position, ne pensant qu’aux privilèges qu’ils pourraient obtenir. Alcidie a failli te tuer par négligence le jour même de ta naissance, et elle a déjà menacé Rufus d’un couteau pour le faire taire car, il pleurait trop fort à son gout en disant que si tu n’étais pas son assurance pour rester reine auprès de Clovis, elle t’aurait déjà tué car, tu l’empêchais de dormir, tout ça parce que tu étais un bébé qui avais besoin de soin et avais peur du noir. Ce n’était clairement pas une bonne personne, et elle a été la première personne ravie par le divorce, elle a pu aller tuer des gens à sa guise sans devoir s’encombrer de vous. Dans ces conditions, hors de question qu’elle vous approche et vous fasse du mal. Je pense au Royaume avant tout, mais je veux aussi vous protéger, même si je dois vous protéger de la soif de sang de votre propre mère. Je tiens à vous deux, quoi que vous puissiez en penser en vous fiant seulement à mon visage. Cela m’a surement souvent perdu, mais je ne peux laisser mon affection prendre le dessus sur mon sens du devoir. La survie du Royaume et sa stabilité sont bien trop importantes.
Il eut un long silence, Lambert s’enfermant à l’intérieur avant de déclarer, le regard lourd de reproche.
– C’est vrai, le Royaume est plus important que tout pour toi, pour un roi… je lui ai aussi fait beaucoup de mal sans le vouloir mais, si tu dis qu’il faut toujours le faire passer avant toute chose, tu n’es pas non plus capable de voir quelles étaient mes intentions… ni que j’ai fait de mon mieux… comme une grande partie des faerghiens… mais c’est pour ça que ton cœur est froid… tu ne penses qu’à ça et rien d’autre n’a d’importance à tes yeux… tu penses toujours comme un roi, jamais comme un être humain… »
Sur ses mots, le roi déchu se releva, disant à ses gardes qu’il en avait fini ici et avec Ludovic, partant sans jeter un seul regard à son père, même s’il sentait le sien sur lui, rejoint par un autre quand Lambert allait passer la grande porte soigneusement sculptée mais, il l’ignora, devinant qu’il s’agissait du moine de tout à l’heure.
L’homme du passé ne put s’empêcher de soupirer, déçu de ce qu’était devenu son fils et mortifié par la conclusion de cette conversation, avant de demander.
« Cela répond-t-il à tes questions ?
– Oui, merci… même si je m’excuse de vous avoir entrainé dans cette mascarade à cause de ma propre lâcheté.
Rodrigue sortit de l’alcôve, tombant sa capuche. Même caché au loin, son audition plus forte que la moyenne lui avait permis de suivre toute la conversation. Il avait voulu voir ce qu’était devenu Lambert, si ces dernières épreuves l’avaient enfin ramené à la réalité, entendre sa défense contre les reproches qu’auraient pu lui faire en face mais, l’homme n’y arrivait pas, ayant encore l’image de son ancien ami le poignardant encore et encore avec le sourire sans se rendre compte du mal qu’il lui faisait, la peine et la peur le paralysant à nouveau… il avait voulu le revoir ainsi, caché et de manière informelle pour ne pas risquer que la terreur ne le fige de nouveau sur place, comme lors de leur dernière conversation avant Duscur au sujet de Dimitri…
– Ce n’est rien, c’est aussi une discussion que je voulais avoir avec Lambert, lui assura Ludovic en se tournant vers lui, son visage toujours aussi figé mais, Rodrigue arrivait à voir toute sa peine et sa déception. Dans tous les cas, j’ai mes réponses définitives à mes derniers doutes… il le regarda alors dans les yeux, lui redemandant encore. Et toi ? Quel est ta conclusion ?
– Que j’ai aussi les miennes… il fit glisser ses doigts sur la marque autour de son cou avant de serrer son chapelet, cherchant du courage à l’intérieur avant d’enfin annoncer. J’accepte. »
*
« Bordel ?! Qu’est-ce qu’ils peuvent encore nous vouloir ?!
Trois jours après sa conversation avec leur père, Lambert entendait à peine Rufus enrager, frappant à la porte pour tenter d’obtenir une réponse à toutes ses questions, même si cela faisait des jours qu’ils ne s’étaient pas vus tous les deux… depuis leur procès même… ils attendaient toujours le verdict, même si le roi déchu ne se faisait guère d’illusion dessus… à part lorsqu’il avait parlé avec Ludovic, personne ne leur disait jamais rien…
« Je me demande s’ils me diraient si Rodrigue avait été retrouvé… s’il est enfin revenu… »
Il n’essaya même pas de poser la question, seul le silence lui répondait toujours depuis qu’il était enfermé ici, à part quand le père avait demandé du papier pour écrire à Dimitri… enfin, si les deux frères avaient été mis ensemble après des semaines de séparation, ça ne devait pas être n’importe qui…
– C’est pas vrai ! Ce sale chien de Ludovic veut nous humilier jusqu’au bout ! Rufus se tourna vers lui, furieux. Il faut qu’on te sorte d’ici et qu’on aille droit vers le sud ! J’ai des alliés là-bas, des seigneurs vraiment fidèles à ton nom nous attendent ! Certains de leurs hommes sont ici ! Ils nous aideront ! Si nous arrivons à les rejoindre…
– Non… l’arrêta-t-il tout de suite, ne se faisant plus aucune illusion sur leur situation, en particulier après sa discussion avec Ludovic dans l’église palatiale. Le sud est très divisé, et il ne fera jamais le poids contre tout le nord allié, surtout si Gautier décide de se rallier aux révolutionnaires et si le domaine royal ne se soulève pas, ce qu’il aurait largement eu le temps de faire depuis le temps qu’on est enfermé ici… et le sud n’est pas venu nous aider non plus…
– C’est parce qu’ils t’attendent pour s’unir ! Rétorqua-t-il en s’approchant de lui, délaissant la porte pour braquer son regard sur son petit frère. Ils ont besoin de quelqu’un pour les unir contre les émeutiers et les traitres à la couronne ! Comme Loog a uni toutes les colères contre l’Empire et l’Empereur Otton l’Apathique ! Tu es le roi ! Le trône te revient ! Tu ne vas…
– Sauf qu’ici, c’est moi Otton l’Apathique pour tout Fhirdiad ! Je n’ai rien à voir avec Loog ! Le coupa-t-il d’un coup, trop conscient de la réalité après tout ce qui s’était passé. Qu’est-ce que j’ai fait de mon règne ? Oui, j’ai enfin enrayé la peste mais, c’était un des projets de notre père avec l’aide de la vraie Cornélia, et la peste a quand même eu le temps de tuer Héléna à cause de moi ! Je me serais aperçu plus tôt qu’elle était aussi fatiguée et mal par ma faute, j’aurais tout fait pour qu’elle puisse se reposer ! Au moins un peu ! Pas la pousser dans les bras de la faucheuse ! J’ai arrêté l’invasion des rois sans yeux mais, sans Rodrigue, je serais mort à cause de mon imprudence et il a failli y rester par ma faute quand il est venu me sauver ! Puis j’ai mis le Royaume en danger car, j’ai épousé une ancienne concubine de l’empereur sans penser aux conséquences, son frère a été à deux doigts de tuer le fils de mon meilleur ami et on aurait surement eu des berserkirs avant si Félix était mort ! Je n'ai rien écouté, rien ni personne à part Cornélia, qui s’est révélé être une magicienne maléfique, Anselma qui n’a fait qu’imposer ses caprices, et toi en faisant du mal aux jumeaux et à tout le monde, et ça nous a conduit à Duscur où tout le monde est mort ! Et maintenant, le Royaume est en lambeaux, Gautier fait sécession, mes amis d’enfance courent partout comme des loups, leur petit survivant doit être au plus mal, et c’est la révolution avec notre père revenu du passé pour remettre de l’ordre dans le bordel que j’ai moi-même mis dans le Royaume de nos ancêtres ! Je n’ai rien d’un Loog ! J’ai fait de mon mieux, personne n’arrive à le comprendre et à le voir mais, regarde le résultat ! C’est même l’Église Occidentale qui veut me faire évader maintenant ! L’Église Occidentale ! Et tu voudrais qu’en plus, je rejoigne les seigneurs du sud pour tenter de reprendre le pouvoir par la force ? Non… hors de question qu’encore plus de faerghiens meurent par ma faute ! J’ai déjà assez de sang sur les mains !
– Mais alors quoi ?! Tu ne vas pas rester ici à attendre ! Cela ne te ressemble pas de rester les bras croisés sans agir ! Ludovic a décapité lui-même son propre père en place publique ! Il n’hésitera pas une seule seconde à te faire subir la même chose ! Il t’a enchainé avec les mêmes chaines que celles qu’il a mises à son propre père ! Pense à Dimitri ! Tu ne peux pas le laisser tout seul avec juste les Charon ! Qui sait ce qu’ils pourraient lui faire ?! Ce que Ludovic pourrait lui faire ! Il faut…
Lambert le fit taire en se levant, posant les mains sur ses épaules.
– Arrête de cracher sur notre père Rufus. Je t’en prie… juste… arrête. Cela ne résoudra rien… je sais… je sais que Ludovic n’aime personne… son cœur est froid comme la glace… la seule personne qu’il devait aimer, c’était Guillaume mais, il n’est pas là, et les jumeaux non plus alors que la ressemblance aurait pu le pousser à les écouter… mais pour la révolution, ce n’est pas lui… c’est seulement moi… c’est moi qui aie provoqué tout ça en régnant en ayant un cœur à sa différence… même si les gens ne comprennent pas que j’ai tout fait avec les meilleurs intentions du monde, il faut se rendre à l’évidence : c’est moi qui ait provoqué toutes ces catastrophes… Dimitri ira bien, je le sais. Les Charon prendront soin de lui comme le fils d’Héléna, et même si j’aurais aimé le revoir, je préfère qu’il soit en sécurité avec eux plutôt que risquer de le mettre à nouveau en danger… je lui ait fait suffisamment de mal comme ça… je vais être juger pour mes actions, je le sais… il prit son frère contre lui, se sachant surveiller mais ainsi, à mi-voix, il ne pourrait jamais les entendre. Je sais que je pourrais être décapité pour tyrannie, et je l’ai accepté. Je ne compte pas m’enfuir et causer encore plus de mort. Par contre, toi, il faut que tu t’enfuies.
– Quoi ?! Mais qu’est-ce que tu racontes ?! Hors de question que je t’abandonne à la mort ! Je ne vais pas les laisser décapiter mon petit frère dans ce trou à rat ! Jamais !
– Et moi, je refuse qu’il décapite mon grand frère ! Le coupa-t-il encore en serrant ses mains sur ses épaules. Tu as coupable des mêmes crimes que moi ! Tu as mêmes renoué avec les horreurs de Clovis le Sanglant ! Tu as régné comme lui ! Et même si tu mérites d’être puni pour tes crimes autant que moi, je suis incapable de te laisser à la mort comme ça ! Mes chaines sont trop solides pour que je les brise, c’est un alliage magique quasi indestructible mais, les tiennes sont en fer ordinaire, je pourrais les casser sans problème ! Je vais juste abimer suffisamment le verrou pour que même toi puisse les casser, puis tu fuiras à la première occasion ! Héléna n’approuverait surement pas mais, je refuse de perdre mon grand frère ! J’ai déjà perdu les jumeaux, Héléna et Patricia, et je ne reverrais surement plus jamais Dimitri ! Je refuse de te perdre aussi ! Même si ça veut dire laisser un tyran courir, tu es trop important pour moi !
Rufus se figea, s’éloignant de son petit frère pour le regarder dans les yeux. Non… non, non… il ne pouvait pas abandonner… Lambert ne pouvait pas accepter son sort… ça devait être ses blessures qui le rendaient défaitiste comme ça… il ne pouvait pas… mais il était aussi têtu… parti comme c’était parti, même lui ne pourrait jamais lui faire changer d’avis… alors… alors…
– … … … bien… finit-il par dire à contre-cœur. Mais sache que je reviendrais pour te libérer avec les seigneurs du sud. Je ne t’abandonnerais jamais entre les mains de ce démon de Ludovic ou des émeutiers. Je ne te laisserais jamais, tu es bien trop important pour moi aussi… depuis toujours… tu es mon petit frère et je t’aime… je ne t’abandonnerais jamais… je reviendrais et je te retrouvais avec Dimitri… je te le promets…
– J’espère surtout que tu reviendras de cette folie…
Malgré l’appréhension après ces dernières paroles, Lambert fragilisa les chaines de son frère, profitant d’une nouvelle étreinte pour briser celles de ses poignets, et appuyant suffisamment avec son pied sur celles de ses chevilles pour pratiquement les arracher, assez pour qu’il puisse les briser au moindre geste brusque, priant pour que Rufus accepte de seulement fuir pour ensuite vivre sa vie loin de tout ceci… le roi déchu avait accepté son sort, savait que seul le glaive du bourreau l’attendait pour ses crimes… est-ce que Ludovic le manierait comme pour Clovis ? Il semblait si faible mais, ce n’était pas le genre de tâche qu’il laissait à d’autres dans des circonstances pareilles… ou alors le prochain roi ou un membre du gouvernement révolutionnaire ? Le nouveau décapitant l’ancien pour ensuite crier « le roi est mort, vive le roi » comme lors de la mort de Clovis… ce serait approprié…
« J’aurais juste voulu te revoir une dernière fois Dimitri… mon fils… je suis désolé… mais au moins, je sais qu’ils prendront soin de toi… »
Les portes finirent par grincer, le nouveau chef de la garde palatiale leur aboyant de les suivre en silence. Lambert obéit placidement, pendant que Rufus finit par se résigner malgré tout. Il fallait donner le change, trouver la bonne occasion pour trouver ses alliés, leur donner le signal et filer mais, aucun de ses hommes ne semblaient l’attendre, alors qu’on les emmenait à pied jusqu’à l’hôtel de ville, entouré de garde et sous les injures de la foule.
« Tyrans ! »
« Ordure ! »
« Duscur, c’est ta faute ! »
« Roi sans yeux ! »
« T’as envoyé mes enfants à la mort ! »
« Roi Hresvelg ! »
« Affameurs ! »
« Empereurs ! »
« Otton ! »
« Fils de Clovis ! »
« Ma femme est morte pendue pour avoir tenté de nous nourrir ! »
« Honte de votre père ! »
« À mort ! »
« Oui ! À mort ! »
« Morts aux tyrans ! »
Même s’il restait droit, Lambert ne pouvait s’empêcher de baisser la tête, autant pour éviter de se prendre une flèche ou un projectile que par honte. C’était donc ainsi que le voyait son peuple… comme un tyran tuant son propre peuple… un aussi mauvais roi qu’un Hresvelg… même s’il s’en était bien rendu compte lorsqu’il avait été arrêté mais, ça faisait toujours mal de se faire insulter ainsi…
« Je n’ai jamais rien voulu de tout ceci… »
Rufus quant à lui cherchait toujours un moyen de s’en sortir, repérant un pont qui pourrait servir à des complices pour les récupérer mais rien… rien du tout…
Ils finirent par arriver devant l’hôtel de ville, où les attendaient Gustave et le peu d’homme qui étaient restés fidèles aux Blaiddyd, faisant face au grand escalier où se trouvait un représentant du gouvernement, réclamant le silence alors qu’on forçait la faction du roi déchu à mettre un genou en terre. Rufus vit Ludovic, assis au sommet des escaliers avec Areadbhar à ses côtés, même pas habillé comme le roi qu’il était, en simple chemise et chausses blanche et bleu roi mais, ce n’était pas étonnant de sa part, observateur distant comme il l’avait été pendant le procès de ses fils, toujours aussi impassible alors que le héraut annonçait à la ville les dernières décisions ineptes des émeutiers. Déesse… il ne devrait pas filer pour libérer son frère, Rufus se serait déjà jeté sur lui afin d’en finir enfin avec ce monstre au cœur de glace ! Ludovic était faible et malade, même lui pourrait le vaincre sans Areadbhar pour lui prêter main forte ! Que son visage se défige enfin devant lui pour une fois dans sa vie !
« Citoyens de Fhirdiad ! Il est temps de vous présenter ceux qui dirigeront notre ville à présent, ainsi que les seigneurs qui ont juré conserver de faire nation avec notre ville et tout Faerghus ! Le roi temporaire annoncera également le châtiment du roi déchu, son tyran de frère et leurs soutiens !
L’homme à la voix forte commença alors une longue énumération où Rufus bouillait, cherchant toujours un moyen de s’échapper et ses soutiens quand il se figea en voyant les seigneurs du sud se tenir parmi ceux ayant juré allégeance à la ville… même les émissaires de Rowe et Mateus se tenaient sagement au bas de cet escalier ! Acceptait d’être plus bas que cette bande de gueux se prétendant souverain de la plus grande ville de Faerghus ! C’était pas possible ! Cela devait être une manœuvre pour tromper leur vigilance ! Ce n’était pas possible autrement !
De son côté, Lambert ne releva pas la tête, regardant le sol à part quand on annonça que la sororie Charon aurait la garde de Dimitri jusqu’à sa majorité, et qu’il serait le seigneur du fief de Fhirdiad quand il serait grand, arrivant même à sourire un peu. Bien… c’était tout ce qu’il voulait… Dimitri serait en sécurité avec ses tantes, et son avenir serait assuré en tant que seigneur du domaine r… du fief des Blaiddyd… c’était le principal…
« C’est étrange… ils n’ont pas parlé de Fraldarius… Rodrigue et Alix doivent encore être sous leur forme de loup… Loréa ne doit pas vouloir s’avancer sans leur accord… après tout, cela reste une trahison de la famille royale et si on reprend un jour le pouvoir pour je ne sais quelle raison, c’est la tête coupée pour tous les adultes de la famille… c’est trop dangereux… et les jumeaux ne voudraient jamais me… »
Lambert chassa son cauchemar de sa tête, se rappelant que ce n’était qu’un cauchemar, que les jumeaux n’étaient pas dans leur état normal la dernière fois qu’il les avait vus, que ce n’était pas lui qu leur avait volé leurs lettres… non… c’était impossible qu’ils le haïssent au point de le… et de toute façon, c’était des loups à présent, ils devaient courir après l’odeur de Félix et celle des lièvres dans tout le nord, ils ne pouvaient rien faire…
– Quant à notre roi, finit par annoncer le héraut alors que la nuit tombait, il a été décidé qu’à l’instar du roi Loog le Lion et de sa fille Sophie la Sage, il serait élu par l’ensemble du peuple de Faerghus, en suivant la procédure établie par le roi Ludovic le Prudent, procédure qui nous a été transmis dans son testament récemment retrouvé ! En attendant de pouvoir organiser l’élection, suite à l’ovation populaire et leurs nombreux actes pour le Saint-Royaume de Faerghus, la régence sera confiée aux protégés de la Déesse et de l’Épéiste de l’Onde, Rodrigue Achille et Alix Persée Fraldarius ! Duc de Fraldarius et loups de cendre de Sothis elle-même !
Sous le choc de cette annonce, le roi déchu releva d’un coup la tête, incapable de le croire sans le voir par lui-même. Non ! Impossible ! Rodrigue ne le trahirait jamais ! Pas lui ! Alix peut-être mais pas lui ! Pas Rodrigue ! Et ils étaient tous les deux encore en loup ! Ils lui auraient dit sinon ! On lui aurait dit ! ça ne pouvait pas être…
Cependant, à cette annonce, les vrais jumeaux sortirent de l’hôtel de ville, leurs boucles noires couronnés des premiers rayons de lune, tous deux drapés de blanc et de sarcelle claire, une fourrure couleur de nuit sur les épaules. Leur visage était impassible comme celui de Ludovic mais aussi ouvert et sérieux, regardant droit devant eux, embrassant toute la foule des yeux d’un air protecteur et rassurant… comme toujours, pour les différencier, les cheveux de l’ainé étaient lâchés et son habit plus proche du bleu, Aegis à son bras, pendant que ceux du cadet étaient noués à l’arrière de son crâne, la sarcelle tirant plus vers le vert, l’épée de Moralta à la ceinture… la seule familiarité aux yeux de Lambert alors qu’il avait l’impression de voir deux étrangers…
Rodrigue semblait sortir de son cauchemar … à part son amusement cruel, il était tel qu’il l’avait vu à l’intérieur mais, il n’était plus seulement le roi de la forêt… non… il était… il venait de devenir… lui et Alix… non… ce n’était pas possible… ils ne pouvaient pas le…
Alors s’approcha l’émissaire des Dominic, leur apportant des gants qu’ils enfilèrent après un salut respectueux, suivi par une prêtresse qui devait s’occuper d’une petite chapelle à son habit qui agrafa la cape sous leur fourrure avec une grande fibule aux armes de Faerghus, et enfin, une ancienne servante de Patricia et le jeune homme qui avait envoyé Areadbhar à Ludovic pendant l’affrontement contre « Cornélia » s’avancèrent, chacun tenant un grand anneau d’argent dans leurs mains. Ils demandèrent alors aux jumeaux :
« Jurez-vous de servir le peuple de Faerghus ? De n’avoir à cœur que ses intérêts et ses intérêts seuls ? Jurez-vous de protéger le peuple en ses temps difficiles et d’assurer la paix entre tous les citoyens ainsi qu’avec nos voisins ?
– Nous le jurons, répondirent-ils solennellement avant d’ajouter d’une même voix. Et nous jurons de rendre le pouvoir au Royaume une fois que l’élection du vrai nouveau roi aura eu lieu. »
Sur ses mots, ils s’inclinèrent profondément devant les deux roturiers, qui posèrent l’anneau sur leur tête, avant de s’incliner à leur tour devant eux et de se retirer, laissant les deux frères se relever alors que tout Fhirdiad les acclamait, hurlait leurs noms encore plus fort que tous les autres, assez pour que même la Déesse les entende, inondant la place de vœux de long règne et de prospérité malgré le fait que leur règne soit annoncé comme temporaire…
Malgré sa simplicité, la couronne pesait lourd sur leurs épaules mais, les jumeaux ne vacillèrent pas, gardant la tête haute avec dignité. Ils avaient été acceptés à l’unanimité par le gouvernement révolutionnaire, et avec une telle ovation lors de leur annonce, leur légitimité à Fhirdiad était assurée, même s’ils devraient faire le tour des intendants du domaine royale afin d’imposer leur pouvoir, tout en remplaçant les derniers fidèles, les corrompus et les incompétents par leurs propres hommes de confiance ou ceux des Charon avec leurs aides, s’assurer que le Sud restait fidèle, régulariser la situation en Kleiman en accord avec Duscur… sans parler des velléités de guerre et de vengeance des seigneurs occidentaux à éteindre, d’apaiser les tensions internes au Royaume, faire la lumière sur la Tragédie et tenter de sauver ce qu’ils pouvaient sauver de leurs relations avec Duscur… les jumeaux ne pouvaient pas se permettre de céder maintenant…
Pourtant, même si la tâche était immense, se savoir plus libre dans leurs décisions, de ne pas toujours devoir composer avec les caprices d’un inconscient et passer derrière lui pour réparer ses erreurs, tout en retournant dès qu’ils le voulaient à Egua auprès de Félix les soulageait d’un poids… ils ne courberaient plus jamais l’échine devant qui que ce soit qui n’était pas digne de leur obéissance, plus aucun collier ni laisse ne les étranglera jamais plus… seul la marque de leur transformation entourerait leur cou à présent.
Enfin, avant tout ceci, ils devaient régler une dernière chose…
Baissant les yeux, ils virent Lambert et Rufus, genou en terre, les bras et les jambes couverts de fer à leur tour… c’était étrange… quelques jours auparavant, Rodrigue osait à peine dire le nom de son ancien ami, se cachant sous sa fourrure, dévoré par la peur mais, après l’avoir entendu dans l’église palatiale, après avoir complètement réalisé quel homme Lambert était vraiment, puis maintenant, aux côtés de son jumeau, devant l’hôtel de ville de Fhirdiad, entouré de tant d’alliés de confiance, galvanisé par la foule et avec la responsabilité de protéger le Royaume sur ses épaules, il ne tremblait plus. Il se tenait droit et fier face aux deux frères, les regardant comme les tyrans qu’ils étaient, attendant leur jugement… Lambert les dévisageait, incapable de comprendre ce qui se passait devant lui, à la fois si différent et si semblable à ce qu’il avait montré de lui dans l’église face à Ludovic, pendant que Rufus bouillonnait de rage, ses yeux les poignardant encore et encore, rêvant surement de les étrangler avec ses propres chaines…
« Cela change bien la donne quand c’est les autres qui tiennent votre propre laisse… »
Cependant, Rodrigue chassa toute de suite cette pensée sombre de sa tête. La vengeance ne lui apporterait rien. Le Royaume avait besoin de justice, pas d’encore plus d’égoïsme et de colère. Maintenant qu’il connaissait mieux le vrai visage de Lambert, il pouvait l’affronter sans trembler ou se figer. Le vieil ami qu’il pensait connaitre n’existait plus… peut-être n’avait-il jamais existé mais, il n'avait plus de temps à perdre pour lui… ni avec l’un ni avec l’autre.
« Lambert Egitte Blaiddyd-Hange, Rufus Adegrin Blaiddyd-Hange, commencèrent les jumeaux, parlant ensemble après avoir répété bien des fois ces mots. Vos crimes sont nombreux. Sous votre commandement, le Royaume a subit bien des troubles et des malheurs. Parmi vos crimes se trouvent la tyrannie, entrainer la mort de votre propre peuple, que ce soit en le mettant en danger volontairement, par négligence ou en volant sa nourriture pour votre propre gain, provoquer l’instabilité du Royaume, ce qui a poussé certains territoires à faire sécession afin d’assurer la survie des leurs… la liste est si longue que nous pourrions les lister toute la nuit sans jamais arriver au bout. De tels crimes ne mériteraient que la mort mais, les terres du Saint-Royaume sont déjà bien assez imbibées de sang. En répandre encore et encore ne réparera rien, ne ramènera aucun mort, n’aidera personne à faire leur deuil… c’est pourquoi, en punition de vos actes, vous devrez à présent travailler pour le Royaume comme les plus petits scribes de tout Faerghus sous une nouvelle identité, gagnant votre pitance et le respect des autres par vos accomplissements, afin que vous puissiez réparer vos crimes par votre travail et votre dévouement au peuple faerghien. Tel sera votre châtiment, le vôtre ainsi que celui de tous vos soutiens encore fidèles. Les temps changent, cette nouvelle ère a débuté avec les faerghiens s’entretuant pour se libérer du tyran, qu’elle continue dans l’apaisement et la reconstruction.
Lambert resta figé, tout comme Rufus, sans voix. La sanction était à la fois douce et cruelle, surtout après que le roi déchu se soit résigné à mourir. Elle épargnait leur vie mais, les deux frères n’étaient plus rien à présent. Ils passaient de roi et de frère de roi à simples scribes, devant gagner leur pitance eux-mêmes, devant apprendre à tout faire par eux-mêmes, sans que personne ne soit là pour les aider. À côté, peut-être que la mort était plus facile… La chute serait vertigineuse et les briserait peut-être mais, ils ne pouvaient pas se permettre d’être plus cléments en apparence, les deux frères en avaient bien trop fait. Peut-être apprendraient-ils enfin, même si les jumeaux ne se faisaient plus d’illusion à ce sujet…
Lambert tremblait, complètement incrédule devant une telle décision, essayant vainement de parler. Rodrigue baissa les yeux, les posant dans les siens, s’attendant à tout entendre. Que voulait-il dire ? Implorer leur pitié ? Tenter de leur rappeler leur ancienne amitié qu’il avait lui-même fait brûler à Duscur avec le sourire ? De les faire culpabiliser pour leur cruauté de ne pas lui permettre de mourir maintenant et de vivre dans la honte ? D’après les lettres de Sylvain, Lambert aurait tenté d’utiliser ses sentiments contre lui afin de lui faire oublier ses devoirs envers son peuple, tentant de lui rappeler son amitié avec Dimitri en argumentant qu’il le connaissait et qu’il ne parlait pas au margrave mais, au jeune homme… Il aurait même tenté d’utiliser le nom de Félix pour le pousser avouer comment rendre leur forme humaine aux berserkir… avant le début de la Tragédie de Duscur, ils n’auraient jamais pu l’imaginer capable d’une telle lâcheté de sa part mais, à présent, cela ne les avait même plus étonnés, juste de plus en plus déçus de leur ancien ami…
Cependant, après encore quelques hésitations, Lambert finit par baisser la tête et par demander à mi-voix, à peine audible.
– Puis-je au moins revoir mon fils une dernière fois avant de partir ? C’est ma dernière volonté de condamné…
Les jumeaux échangèrent un regard et leurs pensées. D’un côté, si toute la famille royale était réunie au même endroit, cela serait aisé pour leurs soutiens de les faire évader tout en enlevant Dimitri, même s’il était encore en fauteuil roulant… mais de l’autre, refuser à un père de voir une dernière fois son enfant serait vu comme trop cruel de leur part, surtout que Dimitri devait aussi vouloir retrouver son père à tout prix. Ils avaient besoin d’un solide appui populaire contre la noblesse du sud, ils ne pouvaient se permettre de se mettre à dos l’opinion populaire…
Ils finirent par hocher la tête dans sa direction, déclarant simplement :
– Accordé. Vous pourrez le retrouver avant votre départ.
Lambert inclina également la tête, comme pour les remercier d’avoir accepté. Rufus semblait sur le point de leur sauter dessus, ivre de rage mais, avant qu’il n’ait pu hurler tout ce qu’ils pensaient de ces traitres, se défaire de ses chaines pour emmener son petit frère au loin, la foule retient son souffle avant de s’exclamer, sans voix.
Sortant de la pointe d’Areadbhar, du givre se mit à recouvrir tout l’hôtel de ville, le recouvrant d’un voile scintillant sous la lune, comme si le Brave lui-même l’avait recouvert de diamants gelés, pendant qu’Aegis brillait de milles éclats sur le bras de Rodrigue, baignant les deux jumeaux de sa lumière, l’humidité s’accrochant à leurs cheveux et à leur couronne comme des joyaux liquides, vite rejoints par d’autres de glace.
En voyant ceci, Ludovic se leva difficilement, prenant appui sur leur Relique pour arriver à se tenir droit, déclarant faiblement mais, le silence était si total que toute la foule assemblée l’entendit.
– Le Flutiste des Glaces et l’Épéiste de l’Onde ont parlé. Ils acceptent les décisions du nouveau gouvernement, ainsi que la nomination de Rodrigue et Alix Fraldarius, les couronnant eux-mêmes, tout en condamnant les seuls et uniques traitres à Faerghus.
Rufus enragea, se redressant d’un coup en hurlant :
– Évidemment ! Fraldarius est leur ancêtre ! Évidemment qu’il veut que sa famille ait encore plus de pouvoir et nous domine tous ! Et Blaiddyd haït autant sa famille que toi ! Ils ne pensent jamais aux siens ! Toujours aux étrangers !
– Le Flutiste des Glaces a pourtant soigné son petit-fils Dimitri après que son propre père ait failli provoquer la mort de son propre enfant, pansant patiemment ses blessures puis, a également soigner Lambert malgré tout ce qu’il avait fait, ne le rejetant que quand il fut suffisamment guéri, lui rappela calmement Rodrigue, baigné par la lumière de sa Relique, ne tombant pas dans le piège de perdre son calme face à Rufus, cela jouerait contre eux et il n’en valait pas la peine.
– De notre côté, nous n’avons jamais rien fait pour que notre Ancêtre nous retire sa confiance, ajouta Alix, tout aussi calme et posé que son frère. Nous avons toujours œuvré pour le bien de notre famille, certes, mais jamais sans oublier de faire passer les intérêts supérieurs de la nation avant tout car, tel est le devoir des dirigeants. L’intérêt du plus grand nombre passe avant tout intérêt personnel, quelque qu’ils soient.
Un silence suivit d’applaudissements approbateurs résonnèrent sur la place, avant que les gardes n’emmènent définitivement les deux frères loin de la place sous bonne garde. En partant, Lambert lança un dernier regard derrière lui, mais n’arriva pas à voir une dernière fois Rodrigue et Alix, la foule se refermant sur eux alors qu’ils les acclamaient de toutes ses forces.
Rufus gronda, voyant a même chose que son frère, bouillonnant de rage.
« Traitres… traitres… tous des traitres ! Le peuple préfère encore ces traitres à la Couronne au seul souverain légitime ! Mais ce n’est qu’une question de temps ! Une fois sur le pont de tout à l’heure, je pourrais sauter et surement retrouver nos alliés ! »
Cependant, quand ils le traversèrent, Rufus eut beau tirer de toutes ses forces sur ses chaines, impossible de les rompre ! C’était pas vrai ! Ils devraient pourtant être capable de les briser après que Lambert les ait quasiment arrachées ! Comment…
Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il fit véritablement attention à ses chaines, découvrant avec horreur l’épaisse couche de glace les recouvrant les maillons endommagés, les renforçant de nouveau.
Se croyant en plein cauchemar, Rufus se retourna, hurlant encore et encore, incapable de se contrôler face à cette nouvelle trahison, rêvant de retourner sur la place, d’en finir avec cette mascarade grotesque ! Son frère était roi ! Roi ! C’était lui qu’on devrait acclamé ! Pas deux loups enragés et traitres !
« Blaiddyd ! Fraldarius ! Ludovic ! Rodrigue ! Alix ! Tous ! Soyez maudits ! Soyez tous maudits ! Tous autant que vous êtes ! Je ne me laisserais pas faire ! Mon frère est le seul et unique roi de Faerghus ! Seul Lambert est roi de Faerghus ! Qu’importe ce que ces barbares de Braves en pensent ! Ludovic ! Je te tuerais ! Je te tuerais après avoir étrangler tes favoris devant toi ! La tuberculose ne t’emportera pas en enfer ! Je le ferais avant elle ! Soit maudit ! Que ton foutu devoir et ta lance maudite et toi bruliez en enfer ! Soyez tous maudit ! Et Rodrigue… Rodrigue ! Toi aussi ! Toi aussi, je te tuerais ! Je te prendrais tout ce à quoi tu tiens ! J’écorcherais vif ton cher louveteau que tu aimes tant, rouerais ton enragé de jumeau, puis brûlerais tout Fraldarius pour réduire à néant tout ce que toi et ta chère famille avez accompli, puis je te tuerais ! TU M’ENTENDS ?! JE TE TUERAIS SALE TRAITRE ! JE VOUS TUERAIS TOUS JUSQU’AU DERNIER JUSQU’À CE QUE LE SANG DE FRALDARIUS SOIT COMPLÈTEMENT TARI JUSQU’À LA DERNIÈRE GOUTTE ! TA TRAHISON T’EMPORTERA TOI ET TA CHÈRE FAMILLE JUSQU’EN ENFER ! TU M’ENTENDS ???!!! RODRIGUE !!! »
Malgré sa haine, ses hurlements furent tous engloutit par les ovations de joie et les cris de félicitation de la foule, s’amassant autour des loups de cendre en priant pour que leur bénédiction bénisse le Royaume, afin que la félicité revienne enfin. Personne à part les garde et Lambert ne l’entendirent vomirent ces abominations sur les nouveaux souverains de Faerghus, couronnés par le peuple et les Braves, et personne ne prit ses paroles au sérieux.
« C’est fini Rufus… songea son frère en le voyant sur le point de se faire bâillonner, de nouveau impuissant et incapable de protéger une personne qu’il aimait. Nous avons perdu… »
« NON ! Hurla Rufus en se débattant. HORS DE QUESTION QU’ILS TRIOMPHENT TOUS AUTANT QU’ILS SONT ! VOUS NE M’ENFERMEREZ PLUS ! »
Arrivant à se défaire de la poigne des gardes, Rufus utilisa toute l’énergie qui lui restait pour sauter du pont, se laissant emporter par le courant sous l’indignation des fidèles des traitres. Les flots le déchiraient, les rochers lui fracassaient les os mais, peu importait. Le plus important, c’était qu’il était hors des griffes de son père, des Charon et des Fraldarius ! Une fois hors de Fhirdiad, il pourrait détruire la gangue de glace de Blaiddyd et ses chaines, puis le prince royal pourrait réunir ses alliés et partisans encore fidèles, récupérer suffisamment de pouvoir pour marcher sur Fhirdiad, écraser tous ces traitres, faire manger son propre enfant à Rodrigue pour lui apprendre à rester à sa place, puis le tuerait à son tour avec son jumeau, avant de renvoyer son père dans le passé d’où il venait en l’étripant enfin !
« Vous ne perdez rien pour attendre ! Je me vengerais ! Je nous vengerais tous ! Vous me le paierez ! Profitez du pouvoir pendant que vous le pouvez encore ! Je reviendrais avant que vous ne puissiez me voir arriver ! »
Il finit par échouer hors de Fhirdiad, la chaine défensive servant a arrêté les navires srengs, pas les corps… en plus, il était surement assez loin pour que l’épidémie révolutionnaire ne se soit pas propagée jusque-là…
« Tu me le paieras Ludovic… vous me le paierez Rodrigue et Alix… je me vengerais… je me vengerais… je me vengerais ! »
Se redressant comme il put avec ses chaines, Rufus avança en gardant les nuages de fumée en vue, venant surement des cheminées d’un village voisin. Là-bas… là-bas, il trouverait surement de l’aide pour enlever ses chaines en disant qu’il avait été victime de la tyrannie des révolutionnaires et arrêté injustement, n’ayant réussi à s’enfuir qu’in extremis grâce à son frère… les roturiers des villages comme ça étaient naïfs, ils devraient gober tout ce qu’il racontait sans se poser de questions…
Cependant, quand le prince arriva, un des habitants le pointa du doigt, criant comme un possédé alors qu’il reconnaissait une ancienne conquête travaillant comme servante au palais.
« Là ! C’est Rufus ! C’est lui qui a décidé que tous les contrebandiers devaient être pendus ! C’est lui le tyran ! Je le reconnais !
– Quoi ?! Rufus ?!
– L’affameur ?
– Le Tyran ?!
– Il est là !
– Ordure ! »
Avant de comprendre ce qui lui arrivait, quelqu’un le poussa dans le dos, l’envoyant au sol sans difficulté, ses chevilles s’emmêlant dans ses chaines. Un violent coup de pied s’enfonça dans ses côtes, avant qu’une pierre ne s’écrase sur sa tempe, le faisant hurler de douleur jusqu’à ce qu’une bêche ne lui ouvre les côtes, suivit de coups de tous les outils du village, labourant son corps comme s’il était la terre du champ alors que la douleur le bâillonnait plus que ne l’avait jamais fait son père.
« Non ! Je suis votre prince ! Je suis le frère du seul roi légitime ! Le descendant de Loog le Lion lui-même ! Vous n’avez pas le droit de me traiter ainsi… AAAAAARGH !!!!!! »
Une bêche s’enfonça profondément dans son dos, creusant un trou béant entre ses côtes. Son corps tomba, devenant aussi froid que l’hiver, alors qu’il maudissait encore et encore son père pour avoir détruit leur famille et les jumeaux pour avoir trahi celui qui les considérait comme ses meilleurs amis, tout ça pour le pouvoir qui ne leur revenait pas…
« M… maudit soyez-vous tous… maudit sois-tu… Lud… »
Le lendemain, les paysans ramenèrent ce qui restaient de Rufus au palais de Fhirdiad. Les jumeaux, les Charons, le gouvernement révolutionnaire et Ludovic découvrirent un cadavre tordu, le moindre de ses os ayant été pulvérisés par les outils des villageois et les coups. Sa tête pendait dans un angle étrange, juste rattaché au corps par les quelques vertèbres encore entières et de minces lanières de peau, rendant ses yeux grands ouverts encore plus dérangeant, ne fixant rien d’autre que le vide devant lui… l’homme avait été lynché à mort, livré à la fureur de tous ceux qu’il avait volé pour se venger contre des innocents…
Ludovic fut le premier à réagir, se redressant en tremblant. Il s’approcha du cadavre de son fils, déclarant avec tristesse devant un tel spectacle macabre… aucun père ne devrait voir une chose pareille mais, il était également conscient de ce qu’avait fait son fils ainé, tout ce qu’il avait fait subir à leur propre peuple pour assouvir sa propre soif de vengeance… n’ignorait pas que Rufus réservait le même sort à ses ennemis ou aux personnes lui déplaisant, pouvant même être encore plus cruel… comme son grand-père qu’il semblait prendre en exemple… mais malgré tout…
« Personne ne mérite un tel sort… souffla-t-il en lui fermant les yeux de son fils. Je suis désolé Rufus… je ferais en sorte que tu ne deviennes jamais un tel tyran à mon époque, je te le promets, même si tu vas sans doute d’autant plus me haïr… mais tant que tu ne finis pas ainsi, lyncher par la foule, se sera déjà une grande victoire… »
On enterra Rufus discrètement, presque en cachette dans la crypte familiale, allongé dans un cercueil de bois simple avec une simple épitaphe portant son nom et sa date de naissance et de mort, sans aucun commentaire… après une vie comme la sienne, il était difficile de trouver quoi que ce soit de positif à dire à son sujet…
Lambert s’effondra pendant la cérémonie, pleurant toutes les larmes de son corps, refusant qu’on enterre son grand frère.
« Ce n’est pas possible… ce n’est pas possible ! Pas toi ! Pas mon frère ! Grand frère ! Revient ! Pourquoi tu m’abandonne toi aussi ?! Rufus ! Reste avec moi ! Grand frère ! Qui m’a pris mon frère ?! Qui est le monstre qui a tué Rufus ?! Enragea-t-il alors qu’on recouvrait le cercueil de terre, même s’il connaissait toute l’histoire et savait que les paysans avaient été puni pour avoir lyncher quelqu’un à mort. Qui a fait ça ?! Comment ça a pu arriver ?! Qui a pu oser… »
Du coin de l’œil, il vit Rodrigue et Alix, l’air aussi neutre que Ludovic, même si celui-ci semblait légèrement affecté pour une fois, priant pour le repos de son ainé avec un rosaire dans les mains. De leur côté, tenant son chapelet entre les doigts, l’ainé des jumeaux se signa quand le prêtre finit sa prière, restant à peine assez de temps à la fin de la cérémonie pour dire une seule prière, avant de partir avec son frère… il avait peut-être perdu un de ses fils, mais il en avait encore un… et il avait encore son frère… toujours la personne qui le connaissait le mieux et le comprenait toujours… il avait encore tout… réussissait tout… alors que lui…
« C’est ta faute… l’accusa-t-il tout de suite. C’est ta faute… c’est ta faute et celle de Ludovic… c’est lui qui a donné l’idée à Fhirdiad de faire des coups d’Etat tout le temps et toi, tu en as profité avec Alix… s’il ne m’avait pas volé la couronne… s’il n’avait pas monté tout Fhirdiad contre mon frère et moi comme il en a l’habitude… s’il ne m’avait pas renversé… si tu n’avais pas été là pour me voler la couronne… si ça n’avait pas été l’un de vous deux qui avait été désigné roi… si tu avais su protéger Rufus au lieu de nous exhiber comme des trophées devant l’hôtel de ville… si vous n’étiez pas tous les deux les favoris de mon père… Rufus serait encore vivant… Rufus serait toujours là… et à cause de vous trois… à cause de toi, mon grand frère est… »
Sa pensée s’interrompit, déchiqueté par les larmes de deuil et de rage dégoulinant le long de ses joues alors que le cercueil de son grand frère avait complètement disparu, engloutit par la terre après avoir été consumé par l’ambition de leur propre père et de ceux que le frère en deuil pensait être ses amis, avant qu’ils ne le trahissent tous… la haine dévora son cœur en les voyant toujours là, toujours ensemble, les deux jumeaux unis par ce lien si fort que Lambert en deuil venait de le perdre, déchiqueté par les crocs de ces loups enragés avant d’être gelé dans la mort par la cruauté froide de Ludovic… eux qui avaient toujours tout eu et lui rien…
« Toi aussi… rend-le moi… rend-moi mon frère que tu m’as volé… »
*
Dès qu’il apprit l’échec de Périandre, de Bias et la trahison de plusieurs de ses serviteurs, Thalès prit congé du conseil et retourna immédiatement sur ses terres d’Arundel, devant immédiatement repenser toute sa stratégie. Pour ne rien arranger, les révoltés faerghiens avaient également retrouvé une partie de sa correspondance avec Périandre dans son laboratoire et avec la défection d’au moins deux de ouvriers, les bêtes pourraient surement les décrypter et remonter jusqu’à lui ! Ils avaient déjà prévenu Aegir et le reste du conseil qu’ils avaient trouvé des éléments troublants le reliant à plusieurs comploteurs impliqués dans la Tragédie alors, le chancelier avait surement demandé aux Vestra d’envoyer quelques-uns de leurs mouchards enquêter jusque dans ces terres. Tancred était connu pour avoir le cœur bien trop tendre mais, il restait tout de même un Vestra, recueillir des informations pour l’empereur faisait partie de ses attributions… enfin, là, ses propres hommes s’occuperaient d’écraser ses moucherons…
De plus, les emblèmes jumeaux étaient à présent de nouveau humains et même sur le trône de Faerghus, avec l’emblème majeur de Fraldarius qui courrait toujours au lieu d’être dans un tube avec son frère, ce qui voulait surement dire que Myson avait également échoué à les capturer tous les trois ! Comment des bêtes, des inférieurs à peine capables de réflexion logique sans être parasité par leurs émotions, avaient-ils pu mettre en échec les plus brillants esprits de Shambhala ?! Tout se déroulait pourtant à la perfection depuis l’opération Delta ! Même la survie de Lambert avait été une aubaine ! Cet homme était tellement incompétent et haï qu’il en devenait un excellent agent du chaos dans son propre pays ! Le Royaume devait sombrer dans le chaos tout en emportant Duscur ! Recouvrir les montagnes du sang des innocents ! Créer encore plus de haine et de ressentiments ! Détruire toujours plus l’œuvre de Sothis en rappelant que toutes ses créations et protégés n’étaient que des bêtes infâmes tuant sans remords ! Mais maintenant que c’était les emblèmes jumelles au pouvoir avec les métis au sang de dragon, les choses risquaient de se calmer et s’apaiser avant même qu’ils n’aient commencé à anéantir Duscur !
« Enfer ! Tout part en branle ! »
Enfin, Thalès devait réfléchir à comment reprendre la main. Il devait déjà commencer par arriver à détruire le début d’apaisement dans le Royaume, ce qui serait assez simple. Maintenant que Lambert était tombé, des seigneurs profiteraient de sa faiblesse et de son idiotie supérieure à la moyenne des bêtes pour tenter de le remettre sur le trône, ce qui leur permettrait de gagner une influence et un pouvoir considérable. Le comte de Rowe était connu pour son ambition sans limite et s’il ne complotait pas déjà, ce serait facile de le convaincre de passer à l’acte…
Et surtout, l’Agastya devait enfin en finir avec les Fraldarius et les Charon. Ces familles apportaient bien trop de stabilité à tout le Royaume, le tenaient à bout de bras ensemble. Il devait se débarrasser d’eux au plus vite pour que le chaos règne… de plus, les Fraldarius feraient d’excellents sujets d’expériences comparatives et le sang des Charon était toujours très proche de celui des Enfants de la Déesse. Avec suffisamment de corps et de sang, ils pourraient surement arriver à recréer des Reliques et utiliser leurs fluides pour créer des bêtes démoniaques. Les capturer lui seraient bénéfiques sur tous les plans.
De toute façon, Thalès ne pourrait plus utiliser l’identité de Volkard von Arundel pendant très longtemps… après avoir découvert son lien avec « Cornélia » et Kleiman, les Grands Nobles adrestiens se douteraient surement de quelque chose et enquêteraient sur lui afin de comprendre son rôle. Aegir ne pensait qu’à gâter sa propre famille mais, il n’était pas non plus complètement stupide malgré sa corruption… et Vestra ne se priverait surement pas d’une occasion de l’éloigner de son fils Hubert, voyant d’un mauvais œil sa proximité avec lui. Non, il ne pouvait pas rester ici plus longtemps…
« Dans un sens, cela m’arrange… mes réseaux sont toujours bien implantés en Adrestia, et nous avons besoin de nouveaux cobayes. Je pourrais même arriver à enfin mettre la main sur l’emblème majeur de Riegan qui nous échappe depuis si longtemps… même si à cause de l’incompétence des matricules et des esprits supérieurs, il a eu le temps de devenir vieux pour une bête… » Songea-t-il quand il entendit frapper à la porte de son étude. Il se tourna vers l’esprit supérieur lui servant d’intermédiaire avec les matricules, lui ordonnant sans quitter ses préparatifs. « Va ouvrir.
– Bien, Ô Grand Agastya.
L’homme fila quelques secondes avant de revenir, se prosternant devant lui avant de l’informer.
– Ô Grand Agastya, seul maitre légitime de la Sphigxi… un simple matricule vient vous troubler car, un essaim de bêtes frappe à votre porte. Ils prétendent avoir été envoyé par le duc Ludwig von Aegir et la haute-justice d’Adestria, ils ont l’audace de vouloir vous poser des questions et ose vouloir vous emmener à Embarr. De plus, pardonnez-nous de vous troublez avec de telles broutilles mais, les personnes suspectes dans le palais arrivées peu de temps après votre retour salvateurs s’agitent également. Ô Grand Agastya, guide de tous les êtres humains, que devons-nous faire ?
– Des hommes d’Aegir ? Il ne perd vraiment pas de temps… enfin, il avait été très choqué par le résultat de l’opération Delta, ce n’était peut-être pas de la comédie finalement. Et les pions de Tancred doivent tenter de leur transmettre tout ce qu’ils ont découvert ici… devina-t-il sans souci, lâchant un rictus méprisant. Les bêtes sont tellement prévisibles… rassemblez-les tous dans la grande salle du palais. Je m’occuperais d’eux personnellement.
– Bien Grand Agastya, votre volonté est absolue, obéit l’intermédiaire sans aucune hésitation, comprenant entre les lignes. Ces bêtes ignorent l’honneur que vous leur faites… »
Thalès sourit devant son miroir, faisant craquer sa magie dans ses doigts, les flammes violettes créant un espace vide au centre de sa main. Il n’avait pas besoin d’énergie en plus pour vaincre des bêtes, encore moins des descendants des enfants adoptifs de Sothis mais, cela servirait d’avertissement à Aegir et au reste du conseil s’ils tentaient à nouveau de l’arrêter.
L’Agastya laissa les cadavres dans la grande pièce de son palais, tous vidés jusqu’à la dernière goutte d’énergie vitale, laissant des corps comme momifiés, desséchés de vie. Pas la peine de perdre du temps à s’occuper des cadavres, on n’enterrait pas les bêtes de somme, et cela ferait comprendre aux humains qu’il ne devait pas les retrouver sur son chemin.
*
Félix s’entrainait avec Cassandra, cette dernière corrigeant sa posture par rapport à son bouclier, attendant la lettre de son père. Cette fois, le courrier passait sans problème, arrivant sans trop de retard mais, la dernière fois qu’ils s’étaient parlés, Rodrigue et Alix semblaient assez nerveux. Il avait tenté de les rassurer avec sa lettre mais, il espérait qu’ils allaient mieux à présent… il avait juste hâte qu’ils reviennent tous les deux à la maison… enfin, avec Cassandra, le temps passait plus vite, c’était une très bonne partenaire d’entrainement et un bon professeur… juste très énervante quand elle se mettait à le taquiner quand elle le battait… enfin, ce n’était pas si désagréable.
Le jeune garçon arriva à envoyer son éclair tout en restant en sécurité derrière son bouclier, quand ils entendirent quelqu’un arriver en courant, suivit de la voix de Loréa.
« Félix ? Félix ! Ah ! Tu es bien là !
La femme semblait avoir couru dans toute la ville, une lettre dans les mains. Le magicien se redressa en se tournant vers elle, un peu inquiet de la voir aussi agité.
– Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ? C’est papa et Alix ? C’est une de leurs lettres ? ils vont bien ? Est-ce que… S’inquiéta-t-il très vite après tout ce qui s’était passé ces derniers temps.
– Oui et non… ils vont bien tous les deux… par les Braves, plus que bien même à ce stade… mais Déesse… comment t’expliquer… ils expliquent tout dans leur lettre mais… mais c’est tellement… marmonna l’intendante en se baissant à sa hauteur, serrant la lettre entre ses mains.
Elle releva la tête, cherchant ses mots avant de mettre de prendre ses mains dans les siennes, essayant de rester calme et de trouver le bon ton pour lui annoncer ce que contenait la missive de Rodrigue et Alix.
– Tu sais que Lambert a été renversé, tout comme Rufus. Ils sont actuellement en prison avec leurs principaux soutiens, comme Gustave par exemple.
– Oui mais ça, ça fait longtemps et ils ne feront plus rien à papa et Alix en prison ! Ne me dit pas qu’ils sont arrivés à en sortir ?!
– Non, tout le monde veille à ce qu’ils restent derrière les barreaux, surtout après qu’ils aient été jugé le mois dernier. Ils ne retourneront jamais sur le trône, pas sans qu’on ne les y ramène par la force en tout cas, et les derniers soutiens qui leur sont encore fidèles ont également été arrêtés avant qu’ils ne puissent tenter quoi que ce soit pour les libérer. Non, ils ont été condamnés par le gouvernement révolutionnaire après leur procès : ils devront payer leurs dettes envers le peuple de Faerghus en travaillant comme des scribes dans l’administration royale sous une toute nouvelle identité et tout recommencer à zéro.
– Mais pourquoi tu es aussi nerveuse alors ?! C’est une bonne nouvelle ! Ils ne feront plus jamais de mal à papa, Alix, Dimitri ou qui que ce soit d’autre ! Dimitri sera mieux avec les Charon qu’avait ce crétin qui l’emmène dans un voyage aussi dangereux ou il a failli se faire tuer, alors que tout le monde lui avait dit que c’était dangereux ! C’est bien les Charon qui vont s’occuper de lui ? Ils ne vont quand même pas l’abandonner !
– Oui, les Charon ont obtenu la garde de Dimitri, ne t’en fais pas. Les sœurs Charon prendront bien soin de lui et il pourra se remettre avec elles jusqu’à sa majorité où sera le seigneur de l’ancien domaine royal, qui va devenir un fief comme les autres. De plus, Rufus ne pourra plus rien faire à son neveu, aux jumeaux ou à qui que ce soit d’autre, il a été lynché à mort par un village après avoir tenté de s’enfuir, ce qui arrange dans un sens étant donné que c’était le frère le plus remuant des deux. Ce qui me rend nerveuse, c’est plutôt la suite… c’est juste… à la fois prévisible et totalement inattendu après ce qui s’est passé… vu ce qu’on vient d’avoir comme roi, on aurait pu imaginer autre chose…
– C’est-à-dire ? Intervient Cassandra. Mes tantes sont également à Fhirdiad et elles m’écrivent aussi, je n’ai rien vu de si alarmant que ça dans leurs lettres. Au contraire, elles travaillaient en bonne intelligence avec les révolutionnaires, tout comme les jumeaux. Les révolutionnaires ont pris quoi comme décision ? Qu’il n’y aurait plus de roi mais, qu’on serait comme l’Alliance ? Vu ce qui s’est passé car une seule personne tenait les rênes de tout le Royaume sans trop de contre-pouvoir, ce ne serait pas étonnant…
– Honnêtement, je m’attendais à ça mais… en gros, les révolutionnaires se gardent le pouvoir de créer les loi et les contre-pouvoirs pour freiner celui qui dirigera le pays, la justice est mise complètement à part du reste mais, pour ce qui est de faire régner les lois et de diriger le Royaume, ils ont décidé de garder un roi mais, qui serait élu comme l’aurait voulu le roi Ludovic, dont on a retrouvé les travaux pendant la prise du palais de Fhirdiad, Rufus a avoué les avoir volé à la mort de son père pour que son frère monte sur le trône. Mais en attendant que la situation se calme et qu’ils puissent organiser l’élection correctement, ils ont désigné des sortes de régent qui rendra le pouvoir s’ils ne sont pas élus. Il leur fallait donc des personnes intègres et de confiance pour mener à bien ce projet, sans qu’ils ne tentent de dérober le pouvoir ou refusent de le rendre…
Loréa posa finalement ses mains sur ses épaules, le regardant droit dans les yeux alors qu’elle lui annonçait, même s’il commençait à comprendre sans y croire.
– Félix, ton père et ton oncle ont été désigné comme régents de Faerghus jusqu’à l’élection du prochain roi. Pour le moment, ce sont eux les rois de Faerghus, et tout Fhirdiad les a acclamés « rois loups de cendre ».
Félix se figea, se rendant à peine compte de tout ce que cela représentait. Son père et son oncle… les rois… c’était… incroyable… comment… bon, ils étaient les meilleurs et bien plus compétents que Lambert donc, ça ne l’étonnait pas trop dans le fond, c’était surement ce qui était le mieux pour Faerghus mais alors…
– Alors… ils resteront à Fhirdiad ? Ils ne reviendront plus à la maison ? Et… et le fief ?! Et… et moi ? Qu’est-ce qui va se passer Loréa !
– Si, ils reviendront, ne t’en fais pas. Ils ont la position du roi mais, en ayant moins de pouvoir alors, même s’ils devront surement aller souvent à Fhirdiad, ce ne sera surement pas plus qu’avant, et ils pourront accomplir la plupart de leurs devoirs à Egua. Ils ont mis comme conditions avant d’accepter ce rôle de pouvoir continuer à se consacrer à leurs devoirs de ducs à Egua. Pour toi, rien ne va changer, tu restes le fils de Fraldarius et l’héritier de Rodrigue en tant que duc. Le roi sera choisi par l’élection mais, il sera bien plus contrôlé par les grandes familles et les villes. L’héritage n’aura plus d’importance pour sa fonction.
Le jeune garçon hocha la tête, comprenant la majorité de ce que racontait Loréa mais, ce qui s’accrocha le plus dans sa tête, c’était une seule information. Ce n’était pas vital pour le Royaume mais pour lui, c’était le plus important… c’était tellement important…
– S’ils sont régent et que Lambert est un scribe maintenant et que Rufus est mort, ça veut dire qu’ils ne les approcheront plus… Ils n’approcheront plus jamais de papa ni d’Alix, ils ne leur feront plus jamais de mal ! En plus, si tout le monde pense que ce sont des loups de cendre, personne n’osera leur faire du mal ! Plus jamais ! Et si quelqu’un tente de les blesser, je les protégerais !
– Oui, ils ne leur feront plus jamais de mal. Ils n’ont plus le pouvoir de nuire désormais, confirma Loréa avec un sourire, passant sa main sur sa tête. Et tu les protégeras quand tu seras plus grand. Pour l’instant, tu es encore un enfant que les adultes doivent protéger.
– Je peux le faire aussi ! Je m’entraine beaucoup ! Bon ! On part quand pour Fhirdiad ? Demanda-t-il d’un coup. Ils ne vont surement pas pouvoir revenir avant un moment, même s’ils pourront rentrer à la maison alors, je peux aller les voir !
– Pas avant quinze jours, décréta immédiatement l’intendante sans hésiter une seconde, le temps qu’on prépare ton escorte et que les jumeaux aient suffisamment installé leur pouvoir, au moins dans la capitale. En plus, ils ont accordé à Lambert un dernier souhait, qu’il puisse revoir Dimitri alors, il sera encore là pendant deux semaines. Tu partiras quand il sera enfin hors de la capitale et ne pourra plus vous approcher.
– Mais c’est loin ! Et je vais rater Dimitri en plus ! Déjà que Sylvain va avoir moins le temps pour qu’on se voie puisqu’il est margrave maintenant !
– On y sera vite, et Dimitri va surement rester un peu de temps alors, vous pourrez vous croiser. Quinze jours, c’est rien si on est bien occupé ! Répliqua Cassandra. Si tu veux tant protéger ton père, retour à l’entrainement petit !
– Pour la millième fois, je ne suis pas petit ! Répliqua-t-il, la faisant rire quand elle le vit « s’hérisser comme un chat mouillé en colère » comme elle le disait, le faisant se maudire tout seul d’avoir foncé sur l’hameçon.
– Et il ne faut pas négliger tes études non plus, ajouta Loréa sans le louper, le rappelant tout de suite à l’ordre. Ton niveau est toujours bon en histoire, géographie et en mathématique, tu as bien progressé en gestion de la maison, du trésor et en latin, et tu es le fils de ta mère – et le neveu d’Ivy malheureusement – pour ce qui est des négociations commerciales mais, tu as des progrès à faire en droit et en négociation avec les autres seigneurs. Tu as encore beaucoup à apprendre jeune homme. Un bon seigneur est un seigneur avec une tête très bien faite. Tu as déjà de la chance qu’on se soit résigné à que tu ais la même écriture illisible que ton père. »
Félix lâcha un soupir, voyant déjà l’emploi du temps que lui réservait Loréa, même si elle lui laissait toujours du temps pour se reposer et jouer un peu entre deux cours, surtout ceux qu’il n’aimait pas, tout comme son père quand il s’occupait de gérer ses leçons. Le latin, c’était facile, ça pourrait l’aider à mieux comprendre son grand-père, idem pour l’histoire pour mieux le connaitre ou la géographie afin de mieux visualiser les voyages d’Ivy, et c’était facile d’apprendre les maths, il n’y avait pas quinze mille exception, mais le reste… à part les négociations commerciales où ils suffisaient de se battre comme avec une épée à la manière d’Ivy, ça avait tendance à l’ennuyer profondément… mais d’un autre côté, ce serait des choses très importantes à maitriser pour plus tard, quand ce serait lui s’occuperait du fief et des habitants d’Egua… même s’il le savait depuis toujours, après tout ce qui s’était passé, ça lui faisait une motivation supplémentaire…
« Je serais un aussi bon seigneur que papa pour Egua, je le jure ! »
Il suivit alors Loréa dans la forteresse, ayant fini son entrainement avec Cassandra pour retourner étudier, sa promesse lui donnant encore plus d’énergie pour bien apprendre ces foutues lois afin qu’elles ne le piège pas plus tard comme pour ce maudit voyage…
« Glenn… songea-t-il en prenant le sac rempli de perles suspendu à sa ceinture, entendant encore son grand frère lui jurer d’être chevalier à la maison dès qu’il serait libéré du service du roi. Il faudra qu’on finisse les bracelets quand on sera à la capitale… j’espère qu’ils auront le temps… et sinon, pause obligatoire pour papa et Alix, Pierrick leur a dit de ne pas en faire trop pendant encore quelques temps… »
*
Lambert avait l’impression que le temps refusait d’avancer, attendant le retour de Dimitri avec impatience. Normalement, c’était aujourd’hui qu’il devait arriver mais, il était déjà midi et aucune voiture aux armes des Charon n’était encore arrivé ! Il allait finir par croire qu’il faisait tout pour réduire le peu de temps qu’il aurait pour dire au revoir à son fils !
« Après ce qu’ils ont fait, les jumeaux en seraient capables…  Après ce qu’ils ont osé faire à Rufus, la Déesse sait ce qu’ils peuvent me réserver pour me faire souffrir… » Songea-t-il en tournant en rond, faisant sonner les chaines à ses chevilles et ses poignets.
« On vous enlèvera celles des bras quand Dimitri sera là, pas avant. Hors de question que vous nous filiez entre les doigts, » l’avait mis en garde Estelle, toujours aussi glaciale avec lui qu’à son habitude.
Il avait hésité à répondre qu’il ne comptait pas s’échapper mais, se serait comme parler à un mur alors, autant ne rien dire du tout…
Le roi déchu s’était résigné à lire un peu quand il entendit enfin un bruit de roue et de plusieurs chevaux. Abandonnant son livre, il se jeta à la meurtrière, enfonçant son visage dans le petit espace pour tenter de voir son fils ne serait-ce qu’une seconde de plus. Une grande voiture tirée par un cheval géant en tête et deux autres plus petits s’arrêta au milieu de la cour, où l’attendait malheureusement les jumeaux. Lambert mettrait sa main au feu que Ludovic aussi n’était pas loin, prêt à pourrir l’esprit de Dimitri ou à le geler sur place… mais bon, enchainé comme ça, il ne pouvait plus faire grand-chose, même pour protéger son propre enfant, sauf s’il se transformait aussi en animal… ce ne serait peut-être pas si mal… ce serait tellement simple de juste le prendre sur son dos et l’emmener loin d’ici… ils pourraient vivre à nouveau ensemble, comme avant… si Rodrigue et Alix avaient pu devenir des loups pendant des semaines puis retrouver forme humaine, il devrait bien pouvoir se transformer en lion et redevenir normal après avoir mis Dimitri en sécurité…
Un valet ouvrit la porte de la voiture mais avant que qui que ce soit ne descende, il plaça une épaisse planche en bois en travers de la porte, comme pour faire sortir quelque chose en le glissant…
Émergea alors un homme en fauteuil roulant qu’il reconnut comme étant Théophylacte Charon qui manœuvra habilement sa chaise pour sortir, avant que le valet et un autre homme monté de l’autre côté ne fasse sortir Dimitri, entouré de Dedue et Sasiama qui semblaient s’être remis. Le cœur de Lambert se déchira en le voyant, tout petit au milieu des fourrures et de son grand fauteuil, enveloppé du blanc et du bordeaux des Charon, proches des couleurs des chevaliers de Seiros, une grande couverture bleue et un chat sur ses genoux. Il semblait encore si faible…
Pourtant, Dimitri essaya de se lever comme il put en voyant les jumeaux, tendant les bras vers eux alors que Rodrigue et Alix allaient l’enlacer comme si de rien n’était, comme si tout était comme avant que les jumeaux ne les trahissent tous et ne deviennent ces loups si froids, déchiquetant tout sur leur passage si ça pouvait faire avancer leurs intérêts à eux, même leurs plus vieux amis si nécessaire. L’ainé des deux se baissa au niveau de Dimitri, posant ses mains sur les siennes, essayant d’être celui qu’il était avant sa transformation, lui parlant surement tout doucement avec sa voix douçâtre pour enrober ses mensonges tout en dissimulant sa froideur… après tout, il était bien le fils de son père… les loups attaquaient toujours les individus les plus faciles à chasser…
Malheureusement, Dimitri disparut bien vite de son champ de vision en compagnie des jumeaux et de Théophylacte, le temps recommençant à passer au ralenti dès qu’il s’évapora, Lambert ne pouvant s’empêcher de penser au pire.
« Les jumeaux vont lui bourrer le crâne avec leurs histoires… ils seraient même capable de lui faire avaler que Rufus a mérité sa mort horrible… ou pire, ce sera Ludovic… non, Dimitri ne le connait pas, il n’aura pas autant d’influence sur lui que Rodrigue et Alix… eux, il les écoutera et il risque de boire leurs paroles… si les Charon n’ont pas déjà commencé le travail… »
Au bout de ce qu’il semblait être des heures, Estelle revient, appelant avec fermeté.
« Lambert Egitte Blaiddyd-Hange, avancez. Il est l’heure.
– Enfin… ! Comment va…
– Avancez en silence. » Se ferma-t-elle tout de suite, évidemment. C’était Estelle après tout…
Un groupe de garde le conduisit jusqu’à une autre aile du palais, lui faisant faire plusieurs détours avant de le faire s’arrêter devant la porte. Comme on lui avait promis, un garde lui retira les chaines de ses bras, même s’il le menaça aussi dans un même souffle.
« Un geste suspect, et la visite s’arrête-là. Vous avez jusqu’à ce que le petit veuille s’en aller.
– Bien, et je vous le répète, je ne m’enfuirais pas. »
Estelle renifla avant de le laisser entrer, révélant Dimitri qui l’attendait à l’intérieur, seul, les yeux grands ouverts, bien plus vif que la dernière fois. Trébuchant dans les chaines toujours autour de ses chevilles, Lambert se précipita vers lui, ivre de joie d’enfin le revoir aussi près de lui et en meilleur santé.
« Di… Dimitri ! Enfin ! Enfin tu es là ! Il le prit contre sa poitrine, faisant juste attention à ne pas le serrer trop fort pour ne pas rouvrir ses blessures. Tu m’as tellement manqué ! Tu as bien meilleure mine que quand tu es parti, quel soulagement !
– Oui, l’air des montagnes m’a fait beaucoup de bien, et Laïs est une très bonne médecin. Tout le monde était très gentil avec moi à Charon, surtout Théo, il m’a beaucoup aidé quand j’ai dû utiliser un fauteuil roulant. Il y avait aussi Cassie, même si elle est partie avec Félix quand il est rentré à Egua. Elle était chargée de le protéger mais, ils sont aussi devenus très proches.
– Théo et Cassie ?
– Tu sais, Théophylacte et Cassandra, les deux ainés de tante Myrina. Théo n’aime pas du tout son prénom, il le trouve trop long alors, on utilise toujours son surnom, et personne ne s’appelle par son prénom entier chez les Charon, c’est toujours des surnoms. Lachésis et Thècle m’ont même dit que le surnom de maman, c’était Nitsa et qu’elle m’appelait tout le temps Mitsos, c’est vrai ?
– Ah oui, c’est vrai qu’ils passent leur temps à utiliser des diminutifs chez eux vu que les noms sont assez longs… j’avais tendance à m’emmêler les pinceaux quand on les voyait… Héléna m’avait fait répéter les noms de toutes ses sœurs et beaux-frères et sœurs, pour être sûre que je ne me trompe pas à notre mariage, vu qu’elles étaient onze les unes après les autres… et surement… ça fait longtemps qu’on n’était pas allé voir sa famille, surtout que ça aurait été risqué avec… tu sais… souffla-t-il en se souvenant des crises de jalousie de Patricia, elle devenait encore plus colérique quand les Charon était au palais. Mais oui, Héléna t’appelait tout le temps comme ça, « Mitsos »… elle trouvait que ça sonnait bien..
– Tu ne me l’avais jamais dit pourtant… et c’est dommage, j’aurais bien aimé voir plus souvent mes cousins et les connaitre avant. Ce n’est pas si difficile de retenir tous les noms et les surnoms tu sais une fois qu’on les connait bien, lui assura-t-il avec un petit sourire, avant de continuer, plus sombre et inquiet. Et toi, comment vas-tu ? J’ai appris ce qui s’est passé à la capitale quand je n’étais pas là… et j’ai aussi su pour Rodrigue et Alix… qu’ils se sont transformés en loup… Félix me l’a raconté quand il l’a su aussi… Ingrid et Sylvain aussi m’ont écrit… m’ont dit tout ce qui se passait dans leur propre fief… que c’était la même chose qu’à Lokris… et on m’a aussi dit ce qui s’est passé ici, à la capitale… ce qui est arrivé à Rufus… Lachésis et Théo m’ont également expliqué ce qui allaient se passer après que le peuple de Fhirdiad ait pris le pouvoir et après ton procès… ce qui va se passer pour Faerghus…
– Je vais bien… même si c’est difficile à croire que même eux nous aient trahi… ils ont tellement changé… ce n’est plus les hommes que tu connaissais Dimitri… eux aussi ont disparu… » marmonna-t-il avec aigreur, même s’il ajouta tout de suite en essayant d’être plus confiant, posant ses mains sur les siennes pour l’ancrer à lui. Si c’était la dernière fois qu’il voyait son fils, il voulait au moins le rassurer et sauver l’image que Dimitri avait de lui avant que ses tantes ne la noircissent, ainsi que s’expliquer sur ses actes. « Mais ne t’en fais pas, ça va aller… on va s’en sortir, comme toujours. On s’en est toujours sorti non ? On s’en sortira toujours tous les deux, et je trouverais un moyen de te retrouver… les Charon te traiteront bien, tu es le fils de leur sœur après tout mais, elles ne seront pas tendres avec moi pour… pour bien trop de raisons… il faut juste que tu te souviennes que quoi qu’elles te racontent Dimitri, tout ce que j’ai fait, c’était en pensant à Faerghus… pour tous les habitants du Royaume sans exception… je voulais juste aider les gens, même si cela a mal tourné et que je le regrette à présent… j’aurais voulu que ça réussisse mais, on ne peut pas tout prévoir…
– Mais papa, le coupa faiblement son fils en se crispant, tout le monde t’a prévenu…
Lambert sentit alors le regard de Dimitri sur lui, étonné, comme s’il venait de vraiment se transformer en lion, avant que son fils ne se reprenne en le remarquant, cachant ses émotions d’une manière similaire à celle de Ludovic, s’il pouvait avoir des expressions de base…
– J’étais là, je l’ai vu. Même si je te faisais confiance, personne n’en voulait de ce voyage à part les nobles du sud, mais seulement parce qu’il voulait qu’il rate pour pouvoir attaquer Duscur, comme ils l’ont fait. Ils ont foncé pour attaquer les duscuriens… c’est la première chose qu’ils ont fait, attaquer et tuer des gens alors qu’il y avait déjà eu trop de mort… Dedue et Sasiama ont eu de la chance qu’on ait été là sinon, ils seraient morts eux aussi, comme leurs parents, alors qu’ils n’ont rien fait de mal à part vivre dans le village le plus proche de ce passage maudit… et ce sont les mêmes seigneurs du sud qui t’ont poussé à faire ce voyage qui ont soufflé les premiers sur les braises… et tu n’as pas écouté les Charon ou les Fraldarius alors qu’eux, ils ont toujours été de bons conseils et ont toujours défendu les intérêts du Royaume… Félix l’a dit, tu as fait du mal à son père, même avant la Tragédie… Lachésis et Thècle ont même dit qu’Héléna aurait été la première contre ce voyage car, il était mal préparé… alors pourquoi tu ne les as pas tous écouté ?
– Dimitri… je pensais qu’ils exagéraient, avoua-t-il honnêtement. Les jumeaux sont toujours très prudents, surtout avec ce genre de rencontres, encore plus quand elles n’ont pas lieu à Faerghus… ils ont leurs raisons mais, ils vont souvent trop loin pour ça… et pour Myrina, je ne me suis jamais très bien entendu avec elle, personne ne méritait sa petite sœur préférée à ses yeux, moi en particulier… toutes les sœurs et le frère Charon se gardent les uns les autres comme s’ils étaient tous fragiles comme du verre…
– C’est normal, elles s’aiment toutes plus que tout. Elles se disputent parfois mais, c’est pas comme toi avec Alix ou Patricia quand ça arrive. Elles finissent toujours par revenir se voir pour discuter ensemble afin de se réconcilier. Et c’est normal que les jumeaux soient prudents, leur père est mort dans une rencontre diplomatique, et maintenant, Glenn est mort aussi et il… Dimitri mordit ce qu’il allait dire, secouant la tête. Et maintenant, regarde ce qui est arrivé… ils avaient tous raisons sur toute la ligne… tout… tout le monde est mort… le pire est arrivé alors que tout le monde t’avait prévenu… et tout le monde continue de mourir… alors que tous ceux qui vivaient encore faisaient tout pour sauver le Royaume… déclara-t-il sans s’arrêter, ne pouvant s’empêcher de dire tout ce qu’il avait sur le cœur. Même si tu voulais bien faire, tout le monde est mort quand même car, tu n’as pas écouté les personnes de bons conseils pour de mauvaises raisons alors qu’ils avaient tous de très bons arguments… même pendant le voyage, tu aurais pu écouter Myrina et Nicola et prendre un autre chemin alors que la route était mauvaise mais, tu t’es encore obstiné, et le pire est arrivé ! Tout le monde est mort et les morts veulent juste qu’on les venge car, ils sont morts à notre place !
Le jeune garçon serra les poings de frustration, se sentant piéger dans le bois de son fauteuil, enchainé par les brûlures et les bandages. Il voulait pouvoir marcher, il voulait se remettre sur ses pieds pour aller courir en ville avec ses amis et ses cousins, il voulait pouvoir remonter à cheval, essayer de grimper sur le dos de ce gentil géant de Gigantes, il voulait revoir Félix, Sylvain et Ingrid comme avant et surtout, Dimitri voulait que les voix dans sa tête se taisent enfin et pouvoir fermer les yeux sans se souvenir de cet enfer bien plus réel et effrayant que toutes les légendes. Même si les médicaments de Laïs et ses discussions avec elle, ses tantes et Théo l’aidaient beaucoup, les morts continuaient, hurlant leurs chagrins, maudissant les mauvais survivants qu’ils étaient pour laisser les seigneurs du sud tuer des innocents et de ne pas avoir trouvé les vrais responsables de leur malheur, ils… non… c’était juste son esprit… Laïs lui avait expliqué, son esprit s’inventait ces « fantômes » à cause du traumatisme de la Tragédie, parce qu’il s’en voulait d’avoir survécu alors que tant d’autres étaient morts… son corps n’était pas le seul à être blessé, son esprit aussi en avait souffert…
« Et tu es le dernier à plaindre… cracha Patricia avec haine. Tu as survécu alors que je le méritais bien plus que toi ou ton père… »
« Je sais… commença-t-il à s’excuser avant de se reprendre. Non ! Non… elle n’existe pas… c’est dans ma tête… »
« Nous n’existons pas ? C’est pourtant en te protégeant toi que je suis mort ! C’est comme ça qu’on m’a arraché à ma famille et qu’elle a commencé à exploser ! Et ton chien errant de père a tellement abusé de mon père et de mon oncle qu’ils se sont transformés en loup pour lui échapper ! »
« Je sais Glenn… je sais… si seulement… »
D’habitude, quand il se mettait à ruminer, Dedue, Théo ou une autre de ses cousines ou une de ses tantes lui demandait ce qui se passait, arrivant à voir quand les illusions tentaient de le perdre… mais avec son propre père, tout était différent… il semblait aussi perdu que lui, comme si c’était lui le fantôme, ne sachant quoi répondre… quand il était arrivé et qu’il avait demandé aux jumeaux ce qui allait se passer avec Lambert pendant cette entrevue, ils avaient été réellement honnête en avouant qu’ils ne savaient pas, que tout pouvait arriver mais, qu’ils seraient tout de même surveiller pour être sûr que son père ne tente rien qui pourrait le mettre en danger, et que Dimitri pouvait arrêter leur rencontre quand il voulait s’il était mal à l’aise… mais il voulait… il voulait au moins essayer de lui faire comprendre… c’était son père et la seule personne qui savait vraiment… qui connaissait l’horreur de cette nuit jusque dans sa chair… il devrait pouvoir comprendre tout ça…
Cependant, Lambert bégaya sans comprendre, posant sa main sur son bras comme pour s’ancrer autant que lui.
– Mais… mais non… bien sûr que non… ce n’est pas… ce n’était clairement pas ce que je voulais et… et qu’est-ce que c’est que ces histoires avec les morts ? Pourquoi ils voudraient qu’on les venge ? Qu’est-ce… qu’est-ce que tu racontes ?
Dimitri se referma un peu, se ramassant sur lui-même avant d’avouer en redressant un peu la tête, même s’il n’osa pas regarder son père dans les yeux, même s’il vivait surement la même chose que lui…
– Je voie les morts de la Tragédie papa… tout le temps… de jour comme de nuit… partout… ils hurlent tout le temps qu’ils sont morts… qu’ils regrettent d’être morts… qu’ils voulaient vivre… que personne ne les venge correctement… et… et ils me reprochent d’avoir survécu… sont furieux qu’on ait tous les deux survécu alors qu’ils ne voulaient pas être là ce jour-là, dans ce convoi mais, avec leur famille… Patricia, Glenn, Nicola, Frédérique, Jacques… tout le monde… tout le monde me réclame la tête de leurs assassins et ils te réclament aussi réparation… d’après Laïs, c’est à cause du traumatisme de Duscur… mon esprit a tellement été détruit par ce que j’ai vécu qu’il a inventé ces fantômes… car je m’en veux d’avoir survécu et me demande pourquoi moi et pas l’un d’eux… pourquoi c’est moi qui ai survécu et pas quelqu’un d’autre alors que tout le monde est mort à part toi… elle m’a donné un traitement pour m’aider à résister à ces hallucinations, et en parler m’aide mais, cela prendra beaucoup de temps… surement des années… encore plus que mes jambes… si je guéris un jour…
– Que… quoi ? Qu’est-ce que c’est que ces histoires ? Qui t’a mis ça dans la tête ? C’est tes tantes, c’est ça ? Ou les jumeaux ? Enfer ! ça pourrait même être Ludovic ! ça lui ressemblerait bien !
Dimitri se redressa d’un coup, le cœur brisé en mille morceaux en voyant le regard incrédule de Lambert sur lui, cherchant la moindre trace de mensonge ou de manipulation sur son visage… Il ne le croyait pas… son propre père ne le croyait pas… alors que ses tantes l’avaient tout de suite cru… il pensait qu’on l’avait persuadé que ses fantômes existaient… alors qu’il les voyait tout le temps… personne ne pourrait imaginer tout ce qu’ils lui disaient, dans quel état les morts étaient devant ses yeux… personne… et Lambert accusait… ses tantes ? Les jumeaux ? Et ce Ludovic ? Mais qui était Ludovic ? Il ne connaissait personne de ce nom-là ! Qu’est-ce que ça voulait dire ?! Lambert avait été là pourtant ! Il devrait pouvoir comprendre mieux que personne ce que s’était d’avoir vu tout le monde mourir alors qu’eux avaient survécu !
– Mais personne… personne… je te dis la vérité papa ! Je les voie vraiment ! Ils sont là ! Patricia est là ! Juste derrière toi ! Et Glenn est allé voir Rodrigue et Alix ! Tu devrais pouvoir comprendre pourtant ! Tu ne les voies pas ?! Tu n’y repenses pas ?
– Si, bien sûr, j’en fais aussi des cauchemars mais, c’est juste des cauchemars, rien de plus… comment Patricia pourrait être derrière moi… ? Elle est… Lambert s’arrêta, ne pouvant continuer, secouant la tête en marmonnant, déchiquetant encore et encore le cœur de Dimitri. Ce n’est pas possible… comment on a pu te faire rentrer dans la tête que ces cauchemars sont de vrais fantômes qui…
– C’est pas que des cauchemars ! C’est tout le temps ! Et c’est pas les sœurs de maman qui me l’ont dit ! C’est moi qui les voyais comme ça ! C’est elles qui m’ont dit que ce n’était pas de vrais fantômes mais, juste une conséquence de la Tragédie ! C’est pour ça qu’elles m’aident ! Les jumeaux aussi m’ont cru quand je leur ai raconté ! S’il te plait papa ! Tu dois me croire ! Je ne suis pas un menteur ! Je te dis la vérité ! Papa !
– Je sais que tu me dis la vérité, je te crois Dimitri mais, même si tu penses que c’est la vérité, ce n’est pas possible… les morts sont morts… à part les Braves, on ne peut pas les voir et ils ne peuvent rien nous demander… souffla-t-il, ne comprenant rien à rien, écrasant encore et encore le cœur de Dimitri comme il avait dû le faire avec les jumeaux pour leur faire autant de mal, levant la main pour tenter de lui toucher le front. Comment ils ont pu te...
– Ils n’ont rien fait si tu penses à mes tantes, aux jumeaux ou à ce Ludovic, répliqua-t-il tout de suite en repoussant sa main, faisant reculer son fauteuil pour s’éloigner de lui avant d’appeler faiblement, ne voulant pas briser encore plus l’image qu’il avait de son père. Gardes… garde, j’en ai fini… je n’ai plus rien à lui dire…
– Non ! Dimitri ! Attends…
Cependant, le garde arriva bien trop vite, attrapa les poignées du fauteuil roulant puis poussa le jeune garçon loin de son père, l’appelant encore et encore, l’air complètement désespéré alors qu’il ordonnait qu’on lâche son enfant, voulant encore le voir, maudissant les jumeaux, ses tantes et ce Ludovic inconnu… Dimitri se boucha les oreilles, les cris de son père vrillant ses tympans comme ceux des morts, le réclamant encore et encore…
Quand il vit Théo avec Rodrigue et Alix, il ne put s’empêcher de s’effondrer, pleurant toutes les larmes qui lui restaient, toutes celles n’étant pas encore partie en fumée pendant la Tragédie, enterrant son père à son tour en comprenant que lui aussi était mort… il était mort dans la Tragédie… si l’homme qu’il pensait connaitre, si rassurant et gentil, avait déjà existé… Rodrigue le prit dans ses bras, l’aidant à se calmer alors qu’il pleurait encore et encore… malgré tout ce que Lambert avait dit, il était toujours là, restant toujours à ses côtés, le croyant et le rassurant face aux fantômes, même si Dimitri n’avait pas eu le courage de lui avouer que même son propre fils le hantait… lui au moins, il n’avait pas changé…
« Avec eux, les Charon et mes amis, ça ira… eux au moins, ils me croient et me soutiendront toujours… j’en suis sûr… » arriva-t-il à se rassurer alors que les jumeaux et Théo l’aidaient à faire de l’ordre dans ses pensées, éloignant les fantômes se moquant de sa naïveté en le traitant de mauvais fils. Avec eux à ses côtés, peut-être qu’il pourrait ne plus croire le venin des fantômes…
*
Seul dans sa cellule, enfermé dans ses chaines, l’esprit de Lambert le nargua, rejouant la scène en boucle, horrifié… même… même son propre fils… même lui…
« Dimitri… Dimitri… lui aussi, tu me l’as pris… vous me l’avez tous pris… vous m’avez pris mon fils… vous me l’avez volé… tu me l’as volé… je suis sûr que c’est toi… tu disais que je t’avais tout volé mais, le seul voleur ici, c’est toi… c’est toi… c’est toi ! » Enragea-t-il, revoyant la silhouette de son ancien ami se rire de lui, éclatant d’un rire cruel à son oreille avant de se réfugier dans l’obscurité, loin des mains de Lambert rêvant de le faire taire pour de bon ! « Après m’avoir pris mon frère, tu m’as pris mon fils… ! C’est ta faute s’il m’a rejeté ! C’est toi qu’il a vu en premier ! Tout ça à cause de ces sœurs infernales, de ton frère, de toi et de Ludovic ! Rufus avait raison, il n’aime personne et ne veut que détruire notre famille ! Et toi, tu l’aides ! Tout ça pour prendre notre place ! Tout ça par ambition ! Tu es aussi assoiffé de pouvoir que tous les autres ! C’est juste que tu n’assumes rien ! Tu verras… tu me le paiera… tu me le paieras ! RODRIGUE !!! »
(suite en reblog)
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deviance-nocturnale · 1 year ago
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2. Ce que cache un masque
Grande vertu du masque vénitien pour broder des émotions factices, terreur incendiaire sous le blanc déshumanisé, gueule cassée dissimulée ou majesté candide ? D’un coton humide, elle se démaquille devant sa psyché, le sourire se fane et les rides dévoilées affaissent les pommettes plus saillantes que pouponnes. Quand l’œil de la caméra ferme sa pupille de verre, la femme revêt alors un autre masque, décapant l’ancien au rire figé et aux yeux de paon.  Sa vérité nue éclatante sous le fard et les paillettes apparaît aux yeux d’un monde numérique. Elle ne supporte plus de faire risette à ses internautes. Elle a des crampes dans les joues et les zygomatiques fatigués. Elle a trop rêvé d’irréel.  Tout ça pour vendre le dernier produit dont elle a elle-même impulsé la mode. Les réseaux se chargent du reste. Son nom en lettres capitales lui permet de gonfler ses ventes à coups de likes et de commentaires affublés de cœurs et d’emojis flammes. Elle étouffe sous les hashtags séduisant et leurrant les esprits assoiffés de beauté hypocrite. S’ils savaient qui habite les coulisses de ce théâtre frivole et délétère. Un filtre sur le visage lambda d’une fausse fille de joie jouant la star sous sa douche. Cette même fille qui a tourmenté les autres et aujourd’hui, face au miroir, il ne lui reste qu’un visage pixellisé qui se désagrège. Le visage d’une prostituée que l’on paye en tweets faciles. L’allumeuse aux 18M abonnés. 18K, elle ne s’en souvient même pas. Une Ferrari pour le prix d’une baguette de pain.  La poupée désarticulée ne parvient plus à se voir en HD, elle n’est plus qu’une basse définition, une basse illusion.
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christian-dubuis-santini · 1 year ago
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La politique de la psychanalyse selon Lacan («l’inconscient, c’est la politique») c’est tout le contraire de la pathétique soumission de l’ECF de Jacques-Alain Miller au discours dominant et sa promotion, au nom du Bien, des identifications sexuelles imaginaires des Gender Studies...
La véritable dimension politique de la psychanalyse révèle son accès dans le Séminaire XX, quand Lacan affirme : «l'objectif de mon enseignement est ... de dissocier a et A ... c'est ici que la scission ou un détachement reste à être effectué».
Si cette «séparation» n'a pas lieu (c'est l'étape logique qui vient après l'aliénation...) l'Autre continue de fonctionner comme un grand Autre non castré, non barré, entier, représentant absolu du domaine de la nécessité, qui contient sa propre raison.
Alors que l'opération qui sépare l'Autre de sa cause, place cette cause à la fois hors de la sphère du sujet, et hors de la sphère de l'Autre, c'est à dire au point de leur impossible intersection.
Lacan parle de sortie du Discours Capitaliste, ce qui ne signifie pas encore la sortie du capitalisme...
Voilà pourquoi il avance que le psychanalyste, qui doit devenir un "saint", aura dû apprendre à "déchariter"...
«Plus on est de saints, plus on rit, c'est mon principe, voire la sortie du discours capitaliste, — ce qui ne constituera pas un progrès, si c'est seulement pour certains.»
Pour Lacan, la fin d'une analyse se marque donc d’une séparation, la séparation de l'objet (a) du Moi (l'identité imaginaro-symbolique), l'objet se trouvant expulsé hors du circuit signifiant, dans une prise de distance décisive avec l’ordre symbolique...
L'équivoque signifiante concernant la notion de «lettre» est ici capitale.
La lettre en tant qu'elle est réelle n'est pas le message qu'elle contient mais si l’on peut dire "l'être de la lettre" lui-même, le reste matériel qui résiste à la symbolisation.
La séparation au sens psychanalytique consiste donc à séparer le contenu de la lettre, ce qu'il y a à l'intérieur, son message, de la lettre elle-même en tant qu'elle est le support du message, son enveloppe matérielle, le message n’étant rien d’autre in fine que le médium lui-même...
Ce reste-déchet-excrément, seul support restant d'identification, est le corrélât objectif réel du sujet, sans lequel le sujet lui-même disparaîtrait irrévocablement.
Ainsi naît la notion de Sinthome (saint-homme) chez Lacan...
«À la vérité le saint ne se croit pas de «mérites», ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait pas de morale.
Le seul ennui, pour les autres, c’est qu’on ne voit pas où ça le conduit.
Moi je cogite, je cogite éperdument pour qu’il y en ait de nouveaux comme ça.
C’est sans doute de ne pas moi-même y atteindre.» (Télévision)
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aurevoirmonty · 5 months ago
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Lettre ouverte à la rédaction et aux lecteurs du magazine «Le Point» suite à l’article de Patrick Besson «Pourquoi il faut doter l’Ukraine de l’arme nucléaire» paru dans le numéro du 28 juin 2024   C’est avec une grande consternation que nous avons pris connaissance de l’article de Patrick Besson dans lequel il énonce une idée outrancière de fournir une bombe atomique au régime de Kiev pour frapper Moscou et Saint-Pétersbourg. Ainsi, sur les pages de l’hebdomadaire considéré réputé, le journaliste, consciemment ou pas, appelle au déclenchement d’une guerre nucléaire pour, comme il le croit, faire la paix. Pourtant, il faut retenir bien que dans cette guerre il n’y aurait jamais de vainqueurs car l’existence même de l’humanité serait mise en question.
D’ailleurs, avant de projeter maladroitement sur le présent des références douteuses et impertinentes au passé de la Russie des XVIII, XIX et XX siècles, M.Besson ferait mieux de se tourner vers l’histoire de l’Europe occidentale, y compris celle de la France, riche en évènements d’une extrême violence qui dépassent largement des clichés actuelles.
En ce qui concerne la présentation superficielle et partielle de Saint-Pétersbourg comme une nouvelle capitale russe «élevée par Pierre Ier au prix de milliers de travailleurs immigrés morts» il est à rappeler que cette ville a été construite grâce à l’enthousiasme de son fondateur Pierre le Grand et à l’abnégation des milliers de russes. Il est à rappeler que parmi les soi-disant «immigrés», qui ont eu le privilège d’investir leur talent et expérience dans ce projet pharaonique, figuraient de nombreux architectes français et italiens avec les noms immortels dont Auguste de Montferrand, Jean-François Thomas de Thomon, Domenico Trezzini, Carlo Rossi, Francesco Bartolomeo Rastrelli.
La liberté de parole va de pair avec la responsabilité pour leur sens.
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selidren · 4 months ago
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Printemps 1923 - Louxor (Egypte)
6/6
Avec l'absence de son oncle, Noé m'a écrit de nombreuses lettres pour me raconter le temps qu'elle consacre à l'affaire familiale en plus de son travail scolaire. Elle n'a presque plus une minute à elle tant elle semble absorbée. J'avoue que je suis un peu inquiète, même si il se trouve qu'elle a trouvé une main secourable en la personne de son cousin, Ange de Chastel, qui l'assiste depuis Paris, et avec lequel elle entretient une correspondance abondante. Ange est un brave garçon, mais qui a eu le malheur de perdre son père bien tôt et qui doit composer avec l'héritage en lambeaux des de Chastel. Je ne sais pas si je vous en avais parlé, mais la famille a été contrainte de vendre le domaine familiale faute de moyens pour l'entretenir régulièrement. Il leur reste cependant encore des moyens pour habiter une dépendance et avoir un pied à terre à Paris. De ce fait, Ange ne s'intéresse que fort peu aux affaires et il a une réputation d'hédoniste consommé. Il se pavane de soirées en réceptions, souvent avec des amis tout aussi délurés que lui. Il n'a pas vraiment le choix, car il lui serait impossible d'épouser ses amours éphémères, si vous voyez ce que je veux dire.
Cela vous donne sans doute l'impression que je n'aime pas beaucoup ce garçon. Il est vrai que c'est sans doute de très loin la personnalité la plus sulfureuse de la famille et je doute que cela ait plu à son père, mais il est d'un grand secours à ma Noé, en utilisant ses relations pour assurer un bon bouche à oreille pour nos ventes à la capitale et il semble plutôt compétent en affaires. Noé l'a qualifié d'"ami" dans son dernier feuillet, et je dois avouer que je suis au moins certaine de pouvoir faire à confiance à Ange pour que cela reste convenable.
Dans tous les cas, je suis impatiente de rentrer ne serait-ce que pour vérifier que mes enfants vont bien, car comme vous le savez, les adolescents n'aiment pas vraiment étaler leurs émotions devant leurs parents. A ce sujet, comment évolue l'amourette de votre Marie ? A t-elle pris au sérieux cette relation ? Et Lucien, n'y a t-il aucune jeune fille qui attire son regard ? Après tout, il arrive à un âge où les jeunes hommes commencent à regarder les jeunes filles plus sérieusement.
Avec toute mon amitié,
Albertine Le Bris
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claudehenrion · 2 years ago
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Macrons et Caucones...
La mode exige de réciter que les anciennes études ''classiques'' et les langues dites mortes seraient… mortes, justement. Pourtant, force est de reconnaître qu'elles aidaient souvent à mieux comprendre les errements, les errances et les erreurs du temps présent. Les habitués de ce Blog connaissent mon intérêt (parfois excessif ?) pour ce que cache l'étymologie de chaque mot utilisé… en ce siècle où la pensée semble préférer s'appuyer sur des notions surtout conçues pour être... inconçues.
Mais ce n'est pas sur l'étymologie latine ou grecque que j’ai très envie de passer un moment avec vous, aujourd'hui : c'est sur l'Histoire ancienne et donc, forcément, sur la géographie. Ces jours derniers, j'ai profité de ces vacances de Pâques pour me replonger dans quelques vieux ouvrages qui avaient bercé et souvent illuminé mon enfance. Et j'ai retrouvé des descriptions du monde ''selon Strabon'', qui était, avec Esope, un de mes ''passe-temps'' préférés (NDLR – J’ai connu des joies énormes à fréquenter les livres de mes frères et sœurs, plus âgés : lisant ce qu'ils lisaient, je croyais devenir leur égal. Ils savaient vite me ramener à mon rang !).
Strabon (en grec ancien Στράϐων = celui qui louche. NB : il devait être sacrément ''bigleux''... pour avoir donné son nom au strabisme !) était un géographe et historien grec, né vers l'an 60 av. J.-C et mort autour de 20 ap. J.-C à près de 90 ans, ce qui était énorme, ''in illo tempore''. Il s'installa à Rome, d'où il ''co-voitura'' dans toute l'Italie actuelle, puis il fréquenta le Club Med en Ethiopie et en Egypte où il remonta le Nil (cherchant –qui sait ?-- à croiser Agatha Christie et Hercule Poirot).  Il tira de ses voyages et de ses lectures ''la Géographie'', ouvrage en 17 tomes (''seulement ?''), organisés par région. (NB : les voyages formaient déjà la jeunesse de nos ancêtres !). Avant cela, il avait écrit des ''Commentaires historiques'', en 43 livres (''excusez du peu'' !) dont il nous reste quelques fragments. Strabon, bien que grec, ne cachait pas son admiration pour Rome, et on dit c'est lui qui aurait mis l’érudition grecque au service de la conquête romaine. On peut regretter, voire déplorer, que bon nombre de nos contemporains n'en ''prenne pas de la graine''. Si seulement nos ''migrants'' pouvaient ouvrir les yeux sur la riche culture française...
Mais ce qui a tout particulièrement retenu mon attention amusée, c'est que mon cher Strabon, qu'il louche ou pas, a raconté l'existence d'une peuplade, celle des ''Macrons''... dont la doxa élyséenne et les fake-makers impudents de la presse ''main stream'' nous cachent soigneusement l'existence. En poursuivant ma quête, sur Wikipédia et dans l'annuaire de l'Ena, j'ai découvert que ce peuple antique et slave avait élu domicile entre les Alpes Pontiques et le Pont Euxin... et même qu'il s'appellerait, en jargon géorgien, les ''მაკრონები'' (ça, je l’ai recopié, bien sûr sans comprendre, mais ça fait joli !). Petit problème : n'ayant pas une vraie maîtrise des caractères diacritiques, svanes et mingréliens, je n'ai pas trouvé sur mon clavier la touche du ''mani'' majuscule (c'est la lettre ''მ '', bien sûr, première lettre du mot macron). ''Manu'' devra donc se contenter d'un mani minuscule... C’est très bien.
En cherchant plus avant, j'ai suivi la trace de ces lointains ancêtres du nôtre (en tout cas, aux -nymes éponymes homonymes) : les Macrons sont mentionnés vers 450 av. J.-C. par Hérodote, qui rapporte qu'ils ont combattu sous Xerxès 1er dit le perse (c'est donc ''il y a longtemps'' : sans doute pendant le premier quinquennat, je pense !). On les retrouve sous le calame de Xénophon (430-355 av. J.-C.), qui les déplace plus vers l'est, à Trébizonde, l'ancienne capitale de Mithridate (1672, entre Bajazet et Iphigénie), qui est la Racine –si j'ose !-- de ''mithridatiser'', synonyme de ''vacciner''... ce qui amène la question : ''Pfizer et Moderna pourraient-ils être des macrons, eux aussi ?''. Passons. Après 1672, la suite de l'histoire les fera migrer (Tiens donc ! Des migrants ? Ceci expliquerait l'actuelle ''indulgence plénière'' du nôtre, de macron, pour tout envahisseur de ''l'Hexagone''), d'abord vers Amiens et les Jésuites de ''la Providence'', et vers l'énanisme de la rue Saint Guillaume, puis vers Rothschild et les ''deals'' arrangés pour faire briller des ''Young Leaders'', ensuite vers Bercy, et de là...  Faubourg Saint Honoré, la Lanterne, Brégançon...  
Jusque là, à part le fait, devenu une routine, que ''on ne nous dit jamais rien''... il y a peu à gloser : c'était un petit peuple comme il en a eu tant dans l'Antiquité. On les imagine très bien, vêtus de gilets jaunes et parfois de bonnets rouges pas encore phrygiens, se déplaçant sans cesse de rond-point en rond-point, avalant bornes après Borne, en fonction des pluies, de l'inflation, du CO², du niveau des nappes phréatiques et de la vitesse du vent dans les feuilles des arbres (ces filles d'éole –d'où leur nom en ce temps-là : ''éoliennes'' !), du manque éventuel de PQ ou de Doliprane au Carrefour du coin, sans culture nationale et donc mûrs pour recevoir ''davantage de pédagogie'', bras nus pour des piquouzes bi-mensuelles à l'ARNm du temps, le visage couvert de masques inutiles, prêts à traverser la rue –ou la rive-- pour trouver du travail pendant entre 43 ans et 49-3 annuités, quoi qu'il en coûte...  On peut supposer qu'ils travaillaient en moyenne jusqu'à 64 ans, temps d'ailleurs supérieur à leur espérance de vie... et on dit que, fatigués d'être confinés et pris pour des cons, finement... ils auraient inventé un drôle de machin-truc : ''la casserole'', sur lequel ils tapaient en rythme ! Je n'ai pas vérifié ce dernier point).
Deux ‘’infos’’, tout-de-même, devraient chatouiller quelque peu notre occiput (ce qui, on ne le répétera jamais assez, n'a rien à voir avec une femme de mauvaise vie qui a été assassinée !) : le premier, assez troublant, est que les voisins directs des Macrons sur les côtes de l'Euxin étaient une autre peuplade cousine dont les membres s'appelaient les ''Caucones'', ce qui n'est pas une surprise pour nos contemporains, effarés par le comportement des ministres et des députés qui ont choisi Macron (enfin... un des macrons, devrais-je dire) pour con-crétiser leurs ambitions –que leur nullité encyclopédique était bien en peine de leur offrir avec un mentor moins menteur— et je ne parle pas, ici, que de Marlène Schiappa (en italien : la nullité absolue), de Dupont et Dupond Moretti, ou de Pap Ndiaye -qui n'est pas italien. Pourtant. Il y avait, parfois, des mariages de macrons avec des caucones, et cette proxi-miscuité, attestée par les plus grands auteurs de l'Antiquité gréco-romaine et de la lutte éponyme, devrait ''nous interpeller, quelque part''. 
Car un second point est encore plus menaçant, à terme. Xénophon est formel : il atteste que les Macrons avaient ''la tête comprimée dès la naissance par des armatures en bois et des bandelettes de cuir ou de tissu''. Cette pratique devrait, selon toute bonne logique aristotélicienne, constituer une sérieuse entrave à la compréhension de situations complexes... ce qui vient corroborer nos terreurs  --inexplicables jusque là, mais plus claires, désormais : avec une tête comprimée dès la naissance, les perspectives de progrès réel doivent très vite rencontrer les limites que le ministre-en-titre de l'éducation asexuée, genrée, perverse et inclusive (donc : tout, sauf ''nationale'') veut ou peut concevoir pour l'école... de même que tout désir d'adaptation au monde doit se heurter à ce que connaît Macron (le nôtre, notre Macron ben-Macron ben-Macron etc... ben jusqu'à ses ancêtres ''მაკრონები''). Le résultat de cette contrainte imposée à ‘’nos enfants’’ (comme répète sans cesse celui qui n'en a pas) explique le nombre de ''têtes d’œuf'' de son entourage et leurs crânes en forme de ''bonnet d'enâ'', les excès de rouflaquettes, le plein d'anneaux aux doigts et le besoin ostentatoire et chronique de se montrer en bras de chemise en toute circonstance, oublieux de sa fonction et de ce qu'il devrait être et faire....
On a beau m'expliquer que c'est un récit, d'us et d'ab-us pratiqués il y a longtemps par des hordes en désordre, pas encore libérées de leurs croyances, antiques --et en toc, donc ''de droite'' : encore des complotistes !-- par les bienfaits de l'école de la République (ce qu'on appelait ''l'école de Papa'', qui est devenue celle de Pap, hélas !)... je remarque trop de ressemblances avec des  coïncidences pour ne pas voir là un des nombreux effets secondaires de l'ARNm qui a été enté de force dans tant de bras qui n'en voulaient pas, mais qu’on menaçait de l'enfer social d'une suspension s'ils refusaient d'être ramenés à leur seul ''cu-air cod'' (en français : cu de morue à l'air)... Au fond, si plus de 3 français sur 4 trouvent, ''H-24'', que leur macron a des idées souvent caucones... c'est la faute aux მაკრონები, c’est clair.
H-Cl.
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