#lettre capitale
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vhscorp · 10 months ago
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Tu es mon idĂ©al et mon plus beau poĂšme et sur ma pierre tombale sera gravĂ© : « je t’aime » en lettres capitales

V. H. SCORP
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andthesunrisesagain · 1 year ago
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Conseils accessibilité graphique
Je me dis que c'est le bon moment pour re-poster ce post de 2021 qui trainait dans mon ordi, suite au message de @petrichorpg !
Point Ă  noter :
L'accessibilité, ce n'est pas tout ou rien. On peut améliorer beaucoup de choses et d'autres seront plus difficiles car nous n'avons pas les connaissances, les compétences, le temps ou l'énergie. Le plus important, c'est de s'y mettre.
MĂȘme si je suis un fervent admirateur du design dit universel (bon pour tout le monde), l'accessibilitĂ© a aussi ses besoins de personnalisation. Certains handicaps, maladies, neuroatypies requiĂšrent des amĂ©nagements prĂ©cis et qui n'iront pas Ă  tout le monde. -> Exemple : des personnes liront mieux en grand, d'autres en petit (vision tubulaire) ; un dark mode hyper contrastĂ© conviendra bien Ă  quelqu'un mais sera trop "bright" pour d'autres (c'est mon cas, j'adore le dark mode mais souvent, les textes sont trop lumineux pour moi).
Mais globalement, les conseils ci-dessous répondent à beaucoup de besoins et permettent d'améliorer l'accessibilité globalement. Ils sont majoritairement issus des recommandations internationales (et sinon, à travers mon expérience de graphiste).
J'ai encore pleins d'idées sous le coude mais bon, là j'ai déjà corrigé certains éléments de cette liste partagée en 2021. On verra pour le reste un jour aha
Je suis ouvert Ă  toute question, clarification et correction en commentaire !
“Mais souvenez-vous que vous ne faites pas ce design pour des designers. Vous concevez un site pour des utilisateurices varié·es aux besoins divers, et avec diffĂ©rents outils pour y accĂ©der.”
(terminologie : user -> utilisateur·trice / dys’ -> raccourci pour Ă©voquer une partie ou l'ensemble des troubles d'apprentissage dont le prĂ©fixe est « dys »)
Typographies :
Textes tout en uppercase/capitales :  À Ă©viter sur tout un paragraphe, Ă  garder pour de court mot ou court texte (1 ligne) -> Pourquoi ? Globalement, les textes tout en capitales manquent de lisibilitĂ© Ă  cause de l’absence des repĂšres de lectures comme les lettres qui montent (l,d,k) et qui descendent (p,j).En majuscules, toutes les lettres sont Ă  la mĂȘme hauteur.
Textes tout en lowercase/minuscules : À Ă©viter aussi, les majuscules servent de repĂšre de lecture pour savoir quand une phrase dĂ©bute ;).
Texte centrĂ© : Éviter les textes centrĂ©s quand ils sont trop longs (longues lignes ou beaucoup de lignes). -> Pourquoi ? Les lignes d'un texte centrĂ© ne dĂ©butent pas aux mĂȘmes endroits et la lecture en est impactĂ©e. À garder pour de trĂšs courts textes type 2 lignes (citation, titre et sous-titre court...)
Texte justifiĂ© : Éviter globalement (oui je sais, 98% des forums ont leurs textes justifiĂ©s aha....) -> Pourquoi ? Sur le web, on peut difficilement gĂ©rer les espaces entre les mots. Un texte justifiĂ© va donc crĂ©er des espaces + ou - grands entre chaque mot pour combler l'espace et rentrer dans une largeur fixe, ce qui peut complexifier la lecture (l'oeil va plus difficilement sauter d'un mot Ă  l'autre en gros).
Texte alignĂ© sur la gauche : À privilĂ©gier au max, surtout les longs textes ! Je sais que le justifiĂ© rend plus "esthĂ©tique" car tout est alignĂ©. Si on veut les garder, plutĂŽt pour les textes de catĂ©gories et privilĂ©gier le texte alignĂ© Ă  gauche (dans le jargon on parle de ferrĂ© Ă  gauche) pour la majoritĂ© des textes type annexes, rp...
Line-height (espace entre les lignes) : Pour les paragraphe, il est recommandĂ© d'avoir un line-height de x1.5 de la taille du texte.  -> Exemple : paragraphe en 16px → 16x1.5 = votre line-height. Pour les grands titres, j'ai tendance Ă  descendre Ă  x1.3 gĂ©nĂ©ralement car normalement les titres sont courts et grands.
Letter-spacing (espace entre les lettres) : Éviter de changer les espacements de lettres, surtout sur ce qui est titre et paragraphes. Normalement une typographie a des espaces prĂ©cis pour faciliter sa lisibilitĂ©. En ajouter peut crĂ©er des difficultĂ©s de lecture.
Niveaux de titres (ce qu'on nomme H1, H2, H3) : Choisir plusieurs niveaux de titres et s'y tenir. Il faut que chaque Ă©lĂ©ment ayant le mĂȘme niveau d’informations soit dans le mĂȘme style graphique Ă  chaque fois pour aider Ă  comprendre la structure :) -> Exemple : tous les titres d’annexes = tel css / tous les boutons = tel css / tous les sous-titres = tel css.   -> Partage d'infos en plus : les Hr ont aussi un rĂŽle de structure pour les lecteurs d'Ă©cran (logiciel qui restitue vocalement ou en braille l'information Ă©crite. Ils sont utilisĂ©s par certaines personnes aveugles, malvoyantes, qui ont des troubles cognitifs...).Je n'en parlerai pas dans cette liste car je n'ai pas de connaissance sur la facilitĂ© d'usage de Forumactif avec un lecteur d'Ă©cran.
Taille de texte : Sur le web, il est recommandé d'écrire en 16px minimum pour les paragraphes.
Accent et texte : Garder les accents sur les majuscules (À, É) facilite aussi la comprĂ©hension des textes.
Largeur de textes : Normalement sur FA, on n'a pas ce soucis, mais on conseille globalement d'avoir entre 50 et 70 caractÚres, espaces compris, par ligne pour une bonne lisibilité. Le but n'est pas de calculer chaque ligne mais de se rendre compte de ce que ça signifie visuellement ( j'utilise le site compteursdelettres).
Mise en valeur :
Changement de typographie : Éviter les changements de typographies dans des paragraphes pour mettre en valeur des Ă©lĂ©ments ! PlutĂŽt utiliser le gras, une couleur diffĂ©rente ou un surlignement en couleur discrĂšte (mais visible, faut juste pas que ça soit TROP visible).
Nombre de mises en valeur : normalement, une mise en valeur ne devrait pas ĂȘtre trop prĂ©sente car sinon...ça voudrait dire que tout le texte est important aha. Restons utile et efficace : un peu de gras, un surlignement si besoin d'avoir 2 CSS de mises en valeur mais ne faisons pas un sapin de noĂ«l.
Italique : Utiliser l'italique avec parcimonie (manque de lisibilitĂ© sur certaines typographies). En gĂ©nĂ©ral, l’italique sert pour des citations courtes, des mots en langue Ă©trangĂšre Ă  celle du texte, des noms propres ou d’ouvrages, pas juste pour “faire joli”.
Soulignement : Éviter d’utiliser le soulignement pour des Ă©lĂ©ments non-cliquable. C'est un code connu et reconnu dans le web pour visibiliser les liens alors autant l'utiliser comme le cerveau s’y attend :)
Liens et infos :
ÉlĂ©ment cliquable (bouton, lien, flĂšche...) : pas trop petit et Ă©viter des Ă©lĂ©ments cliquables trop proches les uns des autres.   -> Pourquoi ? Une personne qui a des troubles de la vision ou de la motricitĂ© pourrait galĂ©rer Ă  cliquer au bon endroit si c'est trop petit / trop proche d'un autre Ă©lĂ©ment cliquable !
Lien et css : je conseille toujours de garder le soulignement pour les liens, c'est un code connu du web alors autant de ne pas réinventer la roue. On peut ne pas avoir de soulignement pour ce qui est "logique" (genre les menus, on sait globalement que c'est cliquable) mais un lien dans un texte, on garde le soulignement ! -> Note : Un lien en couleur seule n'est souvent pas suffisant, surtout si on utilise déjà la couleur et/ou le gras pour mettre en valeur (il y a des cas à la marge mais j'essaye de rester efficace).
Cacher du contenu : Éviter de trop dissimuler du texte dans des collapses/accordĂ©ons. Plus les textes seront cachĂ©s, plus ça crĂ©er un sentiment de “mauvaise” surprise chez les users qui se retrouvent Ă  lire 4x plus de texte que ce qu'iels pensaient.
Renseigner ce qu'on va trouver : Sur de longues annexes, ne pas hĂ©siter Ă  prĂ©ciser le contenu avec une introduction courte qui rĂ©sume ou avec un mini sommaire. Pourquoi pas y ajouter des ancres (html) pour faciliter la navigation dans l’annexe.Liens entre les informations : Ne pas hĂ©siter en fin d’annexe/contexte Ă  mettre des liens vers d’autres sujets qui serviront Ă  mieux comprendre ce que les membres ont lu juste avant. Pas tous les liens, juste ceux autour des informations Ă©voquĂ©es au dessus. En gros, aider les users Ă  mieux comprendre en leur indiquant oĂč se rendre ensuite !
Plan de forum : Sur un site, on conseille d'avoir une page "Plan du site", qui rĂ©capitule toutes les pages. Je me dis qu'un post "plan du forum", spĂ©cifiquement pour la partie annexe, peut-ĂȘtre trĂšs cool.
Couleurs :
Contraste gĂ©nĂ©ral : Ni trop fort, ni trop faible. Dans les recommandations officielles d'accessibilitĂ©, on parle de ratio de contraste. Il existe des outils pour tester les couleurs de texte sur les couleurs de fonds pour voir si on est dans les clous. -> Comment s'y prendre ? Je vous recommande l'outil Color Contrast Analyser qui est un logiciel sur Mac et Windows : vous entrez la couleur de texte (1er plan) et la couleur de fond (2e plan) pour obtenir un ratio de contraste. L'objectif est de viser la conformitĂ© sur "texte normal" et "texte grand" du niveau "AA" (je conseille toujours le niveau AA car sinon on rentre dans des choses plus prĂ©cises type si texte plus de 24px, on peut ĂȘtre moins contrastĂ© etc...)
D'autres site de contraste (si besoin, je serais ravi de faire une vidéo pour montrer comment les utiliser) :  Colorsafe.co ou Contrast-finder
Couleurs pures ou vives : Éviter les couleurs dites pures (noir #000 sur blanc #FFF, etc) ou trĂšs vives. PrivilĂ©gier des nuances comme un noir colorĂ©, grisĂ© ou un blanc cassĂ©, une couleur descendue et pas flashy, surtout pour ce qui est texte ! MĂȘme si le contraste sera bon, certaines couleurs trop vives peuvent entrainer des migraines ou autre sensibilitĂ© Ă  la lumiĂšre.
Gifs : Éviter les gifs avec flash de couleurs ( type spot de soirĂ©es) ou flash trop rapides / rĂ©pĂ©tition. Ça peut entrainer une crise d’épilepsie photosensible chez les personnes Ă©pileptiques (et aussi des migraines). Ou alors prĂ©venir en amont. Donc Ă  Ă©viter sur des headers, Ă  un moment c'Ă©tait assez tendance. -
ÉlĂ©ments animĂ©s : Toujours laisser la possibilitĂ© d'arrĂȘter une animation (ex : un fond de forum qui bouge pour donner un cĂŽtĂ© grain de vieux film -> on a un bouton qui permet de stopper cette animation.) Ça peut ĂȘtre plus complexe Ă  faire mais une animation qui tourne en boucle, niveau concentration, c'est chaud :/
Information et couleurs : Ne pas signaler une information uniquement par la couleur -> Exemple : "info importante en rouge" ou pour diviser une liste d'info "en rouge les malus, en vert les bonus".  -> Pourquoi ? Les personnes daltoniennes verront le rouge jaune/marron ou rose (il existe plusieurs types de daltonisme). -> Comment ? En plus d'une couleur, on peut accompagner d'un pictogramme, d'un symbole (triangle rouge = telle info ; carré vert = telle info), ou d'un mot, tout simplement. Ne pas oublier la légende ;) En plus, c'est top pour apporter un peu plus d'identité graphique !
RĂ©currence d'usage des couleurs : Utiliser chaque couleurs pour les mĂȘmes Ă©lĂ©ments au fil des pages. -> Exemple : Une palette avec du bleu doux , du gris perle et du bleu marine : le bleu doux pour tous les boutons et liens, le bleu marine pour tous les titres, le gris perle pour les separateurs....
Autres :
Poids des visuels : L'accessibilitĂ© concerne aussi l'accĂšs Ă  l'information quel que soit notre matĂ©riel ou notre type de connexion. Tout le monde n'a pas la fibre et des headers de 3 mo (oui j'a dĂ©jĂ  vu :/) peuvent ĂȘtre trĂšs pĂ©nibles Ă  charger. -> Conseils : N'oublions pas de diminuer le poids de nos images en passant par des logiciels de compression (compress jpg ; compress png ; compress gif). Il est toujours possible de trouver le juste milieu entre qualitĂ© et poids !
Laisser la parole : que ce soit dans un post dĂ©diĂ©, un questionnaire en ligne et anonyme, par MP au staff ou dans la fiche de prĂ©sentation (le forum Maybe this time le propose par exemple), on peut intĂ©grer la possibilitĂ© de faire des retours d'accessibilitĂ© ou prĂ©ciser des besoins prĂ©cis. On ne peut pas penser Ă  tout et peut-ĂȘtre qu'un besoin remontĂ© par un·e membre aidera d'autres qui n'ont pas osĂ© en parlĂ© !
Pour aller plus loin :
En anglais : conseils sur les couleurs pour les personnes avec des handicaps visuels
Designing-for-color-blind-users
Colour-accessibility
En français : accessibilité, design, webdesign
Le site design accessible
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b-satela-star · 4 months ago
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Les sigils - Création de sceau magique
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(from : pinterest)
Qu'est ce qu'un sigil ?
C'est la manifestation des intentions de son créateur, dans un symbole à connotation magique (littéralement signature en latin).
GĂ©nĂ©ralement on accompagne un rituel d'un symbole pouvant ĂȘtre un sigil puisqu'il cristallise la volontĂ© de l'exĂ©cutant. Celui ci est donc strictement personnel, il vous est donc nĂ©cessaire de crĂ©e le votre au risque de voir votre rituel Ă©chouer. Pour cela plusieurs mĂ©thodes existe.
A La méthode "Alchimique"
Il convient ici d'assembler divers symboles alchimiques pour faire acte de vos désirs (pour rappel les éléments, les pierres, les planÚtes ont des symboles et significations associées).
Ainsi, de cette maniÚre, pour un rituel lié à l'amour, l'érotisme ou le désir, vous pourrez assembler des symboles liés au feu (flamme de la passion), à l'eau (sentiments), Vénus (déesse de l'amour) ou encore la lune (symbolique amoureuse).
Pour davantage d'informations sur la méthode alchimique, je vous prie de vous référer à la symbolique des différentes figures.
Vous pouvez également y inclure des symboles non alchimique (géométrie sacrée, alphabet runique, ...), le plus simple étant le mieux :)
B La méthode Graphique
Plus simple selon moi.
NĂ©cessite d'Ă©crire la phrase avec vos intentions en lettre capitales. Vous devrez ensuite supprimer les lettres doubles (lettres qui sont rĂ©pĂ©tĂ©es dans la phrase) et/ou voyelles (vous ĂȘtes libres de faire comme bon vous semble). DĂ©composez ensuite les lettres en "traits et courbes" (La lettre G est par exemple composĂ©e d'une courbe et d'un trait) et assemblez les pour former votre sigil avec le bon nombre de traits et courbes, vous pouvez ici aussi inclure des petits symboles pour personnaliser vos intentions.
Voici par exemple mon sigil pour attirer l'amour :
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(from : me :) )
Il existe plein d'autres méthodes.
Charger son sigil
Un sigil nĂ©cessite d'ĂȘtre "activĂ©" et chargĂ© en Ă©nergie pour qu'il soit efficace lors d'un rituel, la mĂ©thode Ă  utiliser peut dĂ©pendre de la nature du rituel :
La méditation : Nécessite de visualiser l'objet de vos désir tout en tenant votre sigil ou en le posant devant vous. Vous pouvez également réciter des formules que vous aurez préparé ou encore des priÚres à vos divinités.
La canalisation : NĂ©cessite de charger vos mains d'Ă©nergie ampli d'intentions et d'insuffler celle ci en votre sigil.
La masturbation : Idéal pour les rituels rouges liés à l'amour, au sexe. Il est nécessaire de visualiser vos désirs au moment de l'acte ou encore de fixer votre sigil au moment de l'orgasme.
Recharge : Liée également à l'objet du rituel, nécessite faire brûler de l'encens, des plantes ou un parchemin avec vos désirs puis d'enduire légÚrement avec les cendres votre sigil. Vous pouvez également ajouter des pierres (dont la nature dépend de ce que vous cherchez).
Le rituel : Reprend un peu la méthode de la recharge. Nécessite en plus des bougies (de couleurs changeantes selon vos souhaits) et une athamé qui vous permettra de mener une consécration et de charger votre sigil.
Encore une fois vous ĂȘtes libre de charger votre sigil comme vous le souhaitez, l'important est la sincĂ©ritĂ© et les intentions (vous pouvez modifier ces mĂ©thodes ou les combiner).
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the-contraire-of-zugzwang · 2 months ago
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Translating MBS.
I have been bitching about the french translation of mbs since i knew enough English to be able to read the original version. I'm in my fifth year of translation class and i think i now have the tools to make one myself that somewhat pays justice to the original books so here goes. I'm only attempting to translate the challenging difficult bits because it's what i find interesting and fun, so riddles, play on words, things like that. Most of the rest *cough RoA cough* has been done fairly well before and no one cares about my personnal preferred grammar and vocabulary usage so i think it wouldn't be interesting for anyone.
Every part i translate will have the excerpt, followed by my translation(s) and what it means in English when warranted and explanation about why i think it is an appealing solution :)
Games of Names
Ledroptha Curtain -> Fermel Ridau
There is no particular difficulty here, it keeps the pun with "let drop the curtain", phrasing it as "close the curtain." Little added detail i'm proud of that doesn't exist in the original version but French has its own subtleties: according to how you pronounce the second "e" in Fermel, the meaning differs. If you pronounce it /ə/, then it is "ferme le rideau" which is the familiar version for someone you're close with or you yourself, as in Curtain drops the curtain on the past, which fits well with the show canon. If you pronounce it /e/, it becomes "fermez le rideau" which is the plural and formal/polite version for either someone you don't know/are not close to or a group of people. So this works as in he doesn't let anyone get actually close to him: not only does he push everyone away, but he has no one close enough to him to use the familiar form on. NB: usually, you use the familiar form on children, but i have had teachers who use the polite version on their students, so I think it would make sense for Curtain to use the formal polite version on his students to make them feel valued and open more to him as part of a manipulation tactic.
Constance Contraire -> Constance Contrariori
Constance is a fairly common french first name, so i'm leaving it alone; children probably won't make the connection between the first name and the common noun, especially as it's not all that used, but i assume most english-speaking readers didn't jump to the French translation of the name when first reading the book. I changed Contraire to Contrariori, because of the cave scene in Perilous Journey. Thus, you can have Curtain use the phrase "a contrariori" instead of "au contraire", which spares a footnote and avoids him speaking in italics all of a sudden. It also gives him a slight pedantic vibe which fits his character, and makes Constance look smarter than she does in the published translation (seriously, au contraire is a very common phrase french speakers hear several times a week, her having never heard it before the cave scene is just silly and weird).
the Living Institute for the Very Enlightened
i stuck the two excerpts together because they're similar as far as translation difficulty is concerned, and i did the explanation in one paragraph :)
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Un mot Ă©tait imprimĂ© sur la banniĂšre, les lettres assez grandes pour ĂȘtre lues depuis le continent: TROT; clairement, l'acronyme du ThĂ©Ăątre de la Raison Objective et du Talent. << c'est dĂ©jĂ  mieux que pas assez. >> Kate
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Pendant ce temps là, M. Ridau avait commençé son discours de bienvenue: << dans les autres écoles, déclarait-il, on enseigne seulement aux élÚves à avancer. De la lecture, des mathématiques, des cours de dessin et de musique... quel gùchis de temps pour les élÚves! Ici, au Théùtre de la Raison Objective et du Talent, tonna M. Ridau en en écrivant le nom au tableau et en entourant les lettres capitales, on apprend à nos élÚves à aller au T.R.O.T. !>> Un autre tonnerre d'aplaudissement suivit cela, mais Reynie réfléchissait toujours, Tout est à l'envers. Et, regardant les lettres encerclées au tableau, un frisson soudain et terrible lui parcourut le dos: TROT écrit à l'envers, est TORT.
I chose to translate LIFE in TROT, which literally stands for theater for objective thinking/mind and talent. I am not very happy with the words behind the acronym, but it's stil better than the published french translation (Very Original Boarding Shcool). I used "théùtre" not as "theater" but as its secondary meaning: a fancy word for a place where things happen. I think it stills works with the pedantism of the original meaning and it could be worse. The word "trot" comes from the phrase "au trot" when a horse goes faster than walking but doesn't run full force. When talking about humans, it's basically a jog that allows you to keep running at a moderate speed for a long time and go further compared to a sprint where you go full speed but don't get as far before having to stop. "trot" backwards is "tort", which means wrongdoings but can also mean being wrong. My translation of Kate's comment is more far-fetched, but I couldn't find anything else that worked for the acronym and reverse. The word "trop" is homophonic to "trot" but means "too (much)". Thus, I had Kate remark that, at least, it doesn't say 'not enough'. I think it is a tolerable equivalent as "it doesn't say die" -> "we're not gonna die" becomes "it doesn't say not enough" -> "we're capable enough to do this". There probably is a more graceful way of doing it, but I couldn't find one myself.
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christian-dubuis-santini · 3 months ago
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«L’inconscient c’est la politique.» Jacques Lacan
Qu’est-ce que la politique pour un psychanalyste ? La politique de la psychanalyse selon Lacan («l’inconscient, c’est la politique») c’est tout le contraire de la pathĂ©tique soumission de l’ECF de Jacques-Alain Miller au discours dominant et sa promotion, au nom du Bien, des identifications sexuelles imaginaires des Gender Studies...
La vĂ©ritable dimension politique de la psychanalyse rĂ©vĂšle son accĂšs dans le SĂ©minaire XX, quand Lacan affirme : «l'objectif de mon enseignement est ... de dissocier a et A ... c'est ici que la scission ou un dĂ©tachement reste Ă  ĂȘtre effectué».
Si cette «séparation» n'a pas lieu (c'est l'étape logique qui vient aprÚs l'aliénation...) l'Autre continue de fonctionner comme un grand Autre non castré, non barré, entier, représentant absolu du domaine de la nécessité, qui contient sa propre raison.
Alors que l'opération qui sépare l'Autre de sa cause, place cette cause à la fois hors de la sphÚre du sujet, et hors de la sphÚre de l'Autre, c'est à dire au point de leur impossible intersection.
Lacan parle de sortie du Discours Capitaliste, ce qui ne signifie pas encore la sortie du capitalisme...
Voilà pourquoi il avance que le psychanalyste, qui doit devenir un "saint", aura dû apprendre à "déchariter"...
«Plus on est de saints, plus on rit, c'est mon principe, voire la sortie du discours capitaliste, — ce qui ne constituera pas un progrĂšs, si c'est seulement pour certains.»
Pour Lacan, la fin d'une analyse se marque donc d’une sĂ©paration, la sĂ©paration de l'objet (a) du Moi (l'identitĂ© imaginaro-symbolique), l'objet se trouvant expulsĂ© hors du circuit signifiant, dans une prise de distance dĂ©cisive avec l’ordre symbolique...
L'équivoque signifiante concernant la notion de «lettre» est ici capitale.
La lettre en tant qu'elle est rĂ©elle n'est pas le message qu'elle contient mais si l’on peut dire "l'ĂȘtre de la lettre" lui-mĂȘme, le reste matĂ©riel qui rĂ©siste Ă  la symbolisation.
La sĂ©paration au sens psychanalytique consiste donc Ă  sĂ©parer le contenu de la lettre, ce qu'il y a Ă  l'intĂ©rieur, son message, de la lettre elle-mĂȘme en tant qu'elle est le support du message, son enveloppe matĂ©rielle, le message n’étant rien d’autre in fine que le mĂ©dium lui-mĂȘme...
Ce reste-dĂ©chet-excrĂ©ment, seul support restant d'identification, est le corrĂ©lĂąt objectif rĂ©el du sujet, sans lequel le sujet lui-mĂȘme disparaĂźtrait irrĂ©vocablement.
Ainsi naĂźt la notion de Sinthome (saint-homme) chez Lacan...
«À la vĂ©ritĂ© le saint ne se croit pas de «mĂ©rites», ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait pas de morale.
Le seul ennui, pour les autres, c’est qu’on ne voit pas oĂč ça le conduit.
Moi je cogite, je cogite Ă©perdument pour qu’il y en ait de nouveaux comme ça.
C’est sans doute de ne pas moi-mĂȘme y atteindre.» (TĂ©lĂ©vision)
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aurevoirmonty · 4 months ago
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"D'une façon gĂ©nĂ©rale, les peuples indo-europĂ©ens ont parfaitement ressenti la nĂ©cessitĂ© de prĂ©server leur originalitĂ©, tout en acceptant les consĂ©quences de l'Ă©largissement de l'horizon culturel et gĂ©opolitique que leur imposait le triomphe progressif de la “rĂ©volution nĂ©olithique”. Mais (si l'on s'en tient au monde antique), seuls les Romains ont rĂ©ussi Ă  opĂ©rer la synthĂšse entre la pĂ©rennitĂ©, la fidĂ©litĂ© Ă  soi-mĂȘme et Ă  ses origines, et l'acceptation pleine et entiĂšre de leur “intrication cosmique”. Cette synthĂšse porte un nom, gravĂ© dans l'Histoire en lettres capitales : l'imperium."
Giorgio Locchi, Nouvelle École n°20, (1972)
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thelightofmeridian · 23 days ago
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THE LIGHT OF MERIDIAN ; contexte
C'est sur ces terres dorĂ©es et verdoyantes que se bĂątit un royaume prospĂšre : Metamoor. Sous l’égide d’une longue lignĂ©e de reines, la tradition veut que seules les femmes puissent un jour prĂ©tendre au trĂŽne ; la LumiĂšre de Meridian ne se transmettant que de mĂšre en fille. Magie ancestrale inscrite en lettres d’or dans les textes sacrĂ©s, la famille royale assure ainsi la protection de son peuple, qui ne connaĂźtrait que paix et opulence, tant qu'elle veille Ă  ce que leurs coutumes ne soient jamais brisĂ©es.
Le ciel se couvre au-dessus de la capitale, sous le regard inquiet de leur souveraine, la Reine Weira Escanor. L’obscuritĂ© s’empare de la ville et bientĂŽt les tĂ©nĂšbres auront gagnĂ© le reste du royaume. Ce n’est qu’une question de temps : quelques jours peut-ĂȘtre, des semaines au mieux.
— La lumiĂšre perd de son Ă©clat, Phobos. Renonce Ă  cette folie et nous oublierons cette malheureuse histoire. — Allons chĂšre mĂšre, il faut prĂ©server les apparences. Le peuple compte sur vous pour les rassurer, Ă©vitons de les affoler inutilement. — Tu n’as aucune idĂ©e des forces auxquelles tu t’exposes. N’espĂšre pas mettre la main sur la Princesse Elyon. Elle est dĂ©jĂ  bien loin, en sĂ©curitĂ©. Tout comme la LumiĂšre, qu’elle avait eu le temps de transmettre Ă  son unique fille avant son dĂ©part. Meridian ne t’appartiendra jamais.
Il aura beau vouloir dĂ©tourner, vider Metamoor de toute son Ă©nergie, il n’en sera pas pour autant le Roi lĂ©gitime, maĂźtre d’un royaume qui ne l’aura pas choisi. Pas tant que la LumiĂšre de Meridian vivra.
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transparentgentlemenmarker · 11 months ago
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L’histoire de Rolex est inextricablement liĂ©e Ă  l’esprit innovateur et visionnaire de Hans Wilsdorf.
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En 1905, Ă  l’ñge de 24 ans, il fonde une sociĂ©tĂ© Ă  Londres, spĂ©cialisĂ©e dans la distribution de montres.
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1908 le génie en cinq lettres
1910 la quĂȘte de la prĂ©cision chronomĂ©trique
1914 certificat de précision de Classe « A »
1919 Rolex dĂ©mĂ©nage Ă  GenĂšve, capitale mondiale de l’horlogerie. La sociĂ©tĂ© Montres Rolex S.A. y naĂźt en 1920.
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1926‑1945 avancĂ©e dans la technique
1926 la premiĂšre montre-bracelet Ă©tanche
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1927 le défi de la traversée de la Manche
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1931 Mouvement Perpetual
1933 le survol de l’Everest
1935 Sir Malcolm Campbell Ă  la conquĂȘte des airs
1935 les performances techniques de l’Oyster
1945 la premiĂšre Datejust
1953 les montres professionnelles, l'Everest, l'Explorer, la Submarine, les premiers vols transcontinentaux
1955 La GMT-Master
1956 La Day‑Date
1957 La Lady‑Datejust
1959 Daytona Beach
1960 Deep Sea Spécial
1963 le Cosmograph Daytona
1967 la Sea-Dweller
1971 l’Explorer II, Comex
1978 Sea‑Dweller 4000
1985 Acier 904L
1992 la Yacht-Master
2000 mouvement 4130
2002 programme Rolex de mentorat artistique
2005 lunette Cerachrom, Spiral Parachrom bleu
2007 la Yacht‑Master II est la premiùre montre au monde à disposer d’un compte à rebours
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2008 la Rolex Deepsea
2012 la Sky‑Dweller, la Rolex Deepsea Challenge est une montre de plongĂ©e
2013 la GMT‑Master II dont le disque Cerachrom bicolore est en cĂ©ramique bleue et noire
2014 le calibre 2236 avec spiral Syloxi
2015 Calibre 3255
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Bracelet Oysterflex
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selidren · 4 months ago
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Eté 1926 - Champs-les-Sims
7/10
En fait, c'Ă©tait mĂȘme miraculeux. Je n'aurai jamais pensĂ© Ă  lui, je ne lui avais mĂȘme pas parlĂ© de ma situation. Tu penses bien, j'avais fait une Ă©norme bĂȘtise, et j'avais horriblement peur de le dĂ©cevoir. Je m'Ă©tais vantĂ©e de mon histoire d'amour dans mes lettres, lui racontant le romantisme, les petites attentions qui font la diffĂ©rence. Admettre que tout Ă©tait un mensonge a Ă©tĂ© difficile Ă  digĂ©rer, mais ça a Ă©tĂ© bien pire de devoir l'admettre devant d'autres. Heureusement, Grand-MĂšre s'en est chargĂ©e pour moi, sans que je puisse jamais savoir les termes qu'elle a employĂ©.
Mais Ange est un homme droit et serviable, jamais il n'irait me le dire si elle a émis des réserves sur mon comportement, ou pire si elle m'a traitée de fille de mauvaise vie. Il a simplement fait la seule chose à faire.
Transcription :
ArsinoĂ© « Je suis contente de te voir. Qu’est-ce que tu fais ici ? Je croyais que tu passais tout l’étĂ© Ă  Paris. »
Ange « C’est bien ce qui Ă©tais prĂ©vu, mais j’ai reçu un appel de Grand-MĂšre. Elle m’a dit que tu avais des problĂšmes. Et comme elle a appelĂ© plutĂŽt qu’envoyĂ© un courrier, j’ai bien compris que la situation Ă©tait grave. »
ArsinoĂ© « Oh si tu savais
 J’ai voulu t’écrire un million de fois, mais j’avais bien trop honte. »
Ange « N’aie pas honte. Si tu savais le nombre de fois oĂč je me suis fait trahir par un bon ami avant d’apprendre Ă  me mĂ©fier
 J’avoue tout de mĂȘme que les consĂ©quences sont bien pires pour une femme que pour un homme cependant. »
ArsinoĂ© « Elle t’a tout racontĂ© alors. »
Ange « L’essentiel. Elle a surtout insistĂ© sur les consĂ©quences probables pour le nom des Le Bris, la famille, la descendance
 enfin, tout ce qui l’a toujours prĂ©occupĂ©e, tu la connais aussi bien que moi. Mais bon, mĂȘme sans ça, je serai venu. Nous n’avons pas le mĂȘme nom, mais ma famille est tout de mĂȘme capitale pour moi. »
ArsinoĂ© « A ce propos, je suis dĂ©solĂ©e au sujet d’Emilien. »
Ange « C’est un crĂ©tin, Ă  point c’est tout. Et je le suis sans doute encore plus pour avoir cru pouvoir me confier Ă  lui. »
ArsinoĂ© « Mais tout de mĂȘme, c’est ton frĂšre. »
Ange « Ecoute NoĂ©, c’est encore trop tĂŽt pour moi. J’ai encore besoin d’un peu de temps avant de pouvoir te confier ce que j’ai sur le coeur. Des mots ont Ă©tĂ© Ă©changĂ©s qui m’ont donnĂ© matiĂšre Ă  rĂ©flĂ©chir. Je peux attendre. Toi, tu ne peux pas vraiment attendre. Je ne sais pas si tu t’en rends compte, mais ça commence un peu Ă  se voir. »
Arsinoé « Oh non... »
Ange « Oui, c’est bien pour ça que je suis lĂ . Il faut te marier avant que ta situation devienne Ă©vidente au premier coup d’oeil. Je n’ai pas envie de t’angoisser, mais tu n’as pas beaucoup de temps. »
ArsinoĂ© « Je vois. C’est bien ça que Grand-MĂšre a fait appel Ă  toi, tu connais beaucoup de bons partis pour moi. »
Ange « Heu
 oui, ce n’est pas faux. J’en ai croisĂ© plus d’un dans les cabarets, mais je ne suis pas sur que tu les aimerais. Ils ont beaucoup d’égo, dĂ©testeraient vivre Ă  la campagne et nombre d’entre eux se sentent supĂ©rieurs car ils pensent pouvoir se passer des femmes pour ĂȘtre heureux. »
Arsinoé « Quel charmant tableau... »
Ange « Non, Grand-MĂšre et moi sommes d’accord sur un point fondamental, et je pense que tu le seras Ă©galement, il te faut quelqu’un que tu pourras considĂ©rer comme un ami. Un partenaire de vie, sur qui tu pourras te reposer, quelqu’un en qui tu auras entiĂšrement confiance. »
ArsinoĂ© « Et oĂč comptes-tu dĂ©nicher un tel spĂ©cimen en si peu de temps ? »
Ange « Oh, j’ai dĂ©jĂ  trouvĂ©. Mais saches que tu reste libre de refuser si ça ne te tente pas. »
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th3lost4uthor · 1 year ago
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Les nouvelles expĂ©riences d’une vie sans fin (8.3/15)
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«   par ce fait, je demande aux troupes Argent et Bronze actuellement disponibles de se tenir prĂȘtes au moindre signalement de la part des Ă©claireurs. » Conclut MaĂźtre Joris, vĂ©rifiant la retranscription du scribe Ă  ses cĂŽtĂ©s. « Et ajoutez Ă©galement que  » Soupir. « Que s’ils venaient Ă  apercevoir un dragon aux Ă©cailles blanches et turquoises, ou un humanoĂŻde semblable Ă  un Osamodas – mĂȘmes couleurs, grande taille – alors qu’ils n’hĂ©sitent pas Ă  l’aborder
 et qu’ils me contactent immĂ©diatement. »
          AprĂšs avoir soigneusement relu la missive, il la tendit au maĂźtre du Tofulailler royal, qui s’empressa alors de l’attacher Ă  l’un des volatiles. Piaillant de toutes ses forces, ce-dernier dĂ©colla Ă  vive allure, ne laissant dans son sillage qu’un souffle ainsi que quelques plumes dorĂ©es. On lui avait assurĂ© qu’il s’agissait lĂ  du plus rapide que comptait le nid, mais cela n’avait en rien apaisĂ© l’insupportable sentiment de dĂ©mangeaison qui lui couvrait Ă  prĂ©sent la nuque. Il savait que ce n’était qu’une impression, une sensation fantĂŽme, tout comme cette idĂ©e qu’il aurait pu, dĂ» mĂȘme, rajouter telle ou telle information Ă  son message. Au fond, tout ça ne changerait rien, car ce n’est pas l’absence de dĂ©tails de cette foutue lettre ou mĂȘme la vigueur du Tofu qui le portait qui le hanterait les prochains jours
 mais le sentiment d’impuissance.
« Combien de temps avant qu’il n’atteigne votre Cité ? »
          L’émissaire observa l’homme de sciences qui se tenait derriĂšre lui. Apparemment, il n’était pas le seul que cette situation mettait Ă  mal.
« Un jour
 Peut-ĂȘtre deux si les conditions mĂ©tĂ©orologiques ne s’y prĂȘtent pas. 
- C’est beaucoup trop long. » Lança l’autre. « À l’heure qu’il est, PhaĂ©ris doit dĂ©jĂ  pouvoir apercevoir les cĂŽtes de l’üle oĂč paissent vos sangliers – s’ils sont encore vivants. »
          D’un coup trop sec, l’Éliatrope fit craquer l’ongle qu’il mordillait absentement depuis le dĂ©but de l’échange. AprĂšs rĂ©flexion, Joris se dit qu’il n’aurait peut-ĂȘtre pas dĂ» lui autoriser un accĂšs aux herbiers et recueils concernant la faune et flore de Bonta. Trop d’informations.
« Je vous assure qu’il s’agit lĂ  du moyen le plus

- Et les Zaaps ? Vous n’en avez pas Ă  disposition ? » RĂ©torqua l’autre, imperturbable. « Il me semble me souvenir qu’il y en avait un Ă  l’entrĂ©e du village.
- MĂȘme en empruntant un Zaap  » Soupira l’émissaire. «   nous serions amenĂ©s Ă  la capitale : ceci nous contraindrait Ă  alerter les autoritĂ©s prĂ©sentes sur place de notre entreprise, sans compter le temps de voyage jusqu’aux prairies. Et je vous rappelle que si vous ĂȘtes liĂ© Ă  Bonta par contrat et au peuple Ă©liatrope par votre sang, vous n’en demeurez pas moins un criminel recherché : en dehors du Royaume Sadida qui constitue un territoire neutre, nous ne pouvons pas vous emmener n’importe oĂč avec nous sans risquer l’incident diplomatique ! À nouveau, il s’agit lĂ  de notre meilleur  »
          Un nouveau craquement. Le pourtour de l’ongle avait pris une couleur sanguine. D’un geste, il se dĂ©barrassa du cadavre teintĂ©, les yeux rivĂ©s sur les veinules apparentes du plancher.
« Messire Qilby
 ? » C’était le Roi, qui avait tenu Ă  assister l’émissaire dans son courrier, en profitant pour s’informer de la tournure des Ă©vĂšnements. « L’antidote que vous Ă©tiez en train de concevoir, n’avez-vous pas dit que sa confection en Ă©tait presque achevĂ©e ?
- En thĂ©orie, oui. » Presque. Il avait horreur de l’inexactitude. De l’imprĂ©vu. « Mais il restait encore Ă  rĂ©aliser les tests de contrĂŽle : cette formule n’est pas la mĂȘme que celle que j’avais pu dĂ©velopper Ă  l’époque ! Tout Ă©tait Ă  refaire. Il pourrait y avoir un dĂ©lai d’action Ă  prendre en compte, voire mĂȘme des effets secondaires ! Je ne suis mĂȘme pas certain que
 ! »
MĂȘme pas certain qu’il soit efficace

« Messire Qilby. » Le ton Ă©tait plus ferme. Il avait commencĂ© Ă  s’attaquer Ă  l’index. « Je comprends vos inquiĂ©tudes, mais je pense aussi que nul en ces lieux ne remette en doute vos qualitĂ©s de scientifique. De mĂȘme  » Hochement de tĂȘte grave. «   vous n’ĂȘtes pas responsable pour ce qui est arrivĂ© aujourd’hui. »
          Ses yeux quittĂšrent le plancher pour se river tout aussi brusquement sur ceux du Sadida. Croyait-il vraiment qu’il
 ? Une image vint se dessiner Ă  la pĂ©riphĂ©rie de sa conscience : une petite boule d’écailles, ronronnant sur une couverture de fortune tout en dĂ©ployant ses ailes dont la membrane Ă©tait aussi fine que du papier de riz, les griffes encore molles et les dents Ă  peine sorties. Une petite boule d’écailles. AzurĂ©e.
Non, rien de tout ça est de ta faute, bien entendu.
Tout ça, c’est encore à cause de son sale caractùre et de

de sa manie à toujours vouloir tout résoudre par la force,
car aprĂšs tout
« la sagesse et la justice triomphent toujours ! ».
Oui, mais

Mais

Mais, c’est moi qui Ă©tais responsable de
 !
          Une main vint se placer sur son épaule. Il se redressa.
« Et je suis certain que Sire PhaĂ©ris nous reviendra
 Sain et sauf. 
- Je  » Vous remercie. «   pense qu’une sĂ©curitĂ© renforcĂ©e autour du laboratoire est nĂ©cessaire. Je vais devoir reprendre la crĂ©ation d’un antidote supplĂ©mentaire. »
Au cas oĂč

« Aurez-vous assez des ingrédients restants ? » Ce Joris était décidément toujours aussi pragmatique.
« O-oui, je crois. J’aurai nĂ©anmoins besoin de prĂ©lever quelques spĂ©cimens de vos serres, votre MajestĂ©.
- Nous n’y voyons pas d’inconvĂ©nients, Ă  condition que vous ne prĂ©leviez que le nĂ©cessaire. »
          Il ne rĂ©pondit pas, hochant simplement la tĂȘte. Deux ou trois semaines auparavant, il n’aurait pas hĂ©sitĂ© un instant Ă  rĂ©torquer son intelligence, Ă  affirmer ses connaissances en botanique et sa perspica-

Il est parti.
Et je ne l’ai mĂȘme pas vu venir

          Aujourd’hui, il en Ă©tait moins sĂ»r.
« Je vais vous laisser
 Messieurs. » Avant de sortir, il demanda. « Et si jamais vous veniez à

- Nous vous tiendrons au courant, bien entendu. 
- Hum
 Mais le cas Ă©chĂ©ant, je
 je vous serai reconnaissant de faire preuve de bienveillance. » Soupir. « Yugo et AdamaĂŻ risquent de ne pas
 vivre cette annonce comme les autres. »
          Le scientifique reprit le chemin de ses quartiers, flanqué par deux gardes. Son pas était presque aussi lourd que celui des hommes armés.
« Dites-moi, mon Roi  » Reprit l’émissaire lorsque le martellement se fut Ă©loignĂ©. « Qu’en pensez-vous ?
- Ce que j’en pense, MaĂźtre Joris  » Lui rĂ©pondit l’intĂ©ressĂ©, les yeux rivĂ©s vers le couloir oĂč la coiffe crĂšme venait de disparaĂźtre. «   est qu’il est peut-ĂȘtre temps que nous ayons une discussion Ă  propos du Conseil des Nations. »
          L’autre leva un sourcil interrogateur de sous sa capuche.
« Accepteriez-vous de m’accompagner pour une tasse de thĂ©, mon cher ? »
          Il souriait, mais si ses traits avaient la teinte de la circonstance. Quelque chose d’autre rîdait en-dessous.
« Avec plaisir, votre Majesté  »
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          Il reposa la paire de ciseaux qu’il tenait adroitement pour admirer son travail : les jeunes pousses rebelles avaient Ă©tĂ© disciplinĂ©es, tandis que les feuilles ayant fait leur temps avaient Ă©tĂ© dĂ©barrassĂ©es. Contrairement Ă  la seconde, il semblait qu’il n’avait pas perdu la main pour ce qui Ă©tait de l’entretien botanique. Cette pensĂ©e fit naĂźtre une sensation Ă©trange.
Ce qui vit, meurt.
Mais il faut croire que
 certaines choses persistent malgré tout.
          Un bref coup d’Ɠil Ă  l’horloge de sa cellule le fit toutefois grimacer. L’aiguille venait Ă  peine de battre une heure de l’aprĂšs-midi. Les plantes offertes par la Princesse Sadida Ă©taient resplendissantes, rayonnantes mĂȘme, Ă  l’abri derriĂšre leur cage de verre et d’argent ; ce n’était pas son cas. Plus depuis que la fugue de PhaĂ©ris avait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e. Lui qui pensait parvenir Ă  se distraire avec de nouvelles recherches, il avait finalement dĂ» se rĂ©signer : il ne pouvait pas manipuler de l’acide ou du chlore dans son Ă©tat. Mieux valait Ă©viter de perdre un Ɠil dans une rĂ©action mal contrĂŽlĂ©e. Il avait l’esprit ailleurs, ça il ne pouvait pas le nier, mais ce qui l’agaçait le plus c’était que

Ils pensaient que

Ils pensaient que c’était moi, n’est-ce pas ?
Que j’étais coupable.
          L’encapuchonnĂ© lui avait promis qu’il les tiendrait au courant des recherches lancĂ©es Ă  travers une nation entiĂšre et pour ĂȘtre honnĂȘte, Qilby espĂ©rait secrĂštement que cela soit bien de Joris qu’il entendrait parler en premier. Il espĂ©rait qu’il n’aurait pas Ă  nouveau Ă  ressentir cette
 douleur. Il n’y avait pas de mot pour dĂ©crire ce dĂ©chirement, cette crevasse, cette Ă©ruption. L’intĂ©gralitĂ© des cataclysmes auxquels la Grande DĂ©esse avait pu un jour donner naissance rĂ©unis, condensĂ©s en un seul instant.
          Tous les Éliatropes possĂšdent une relation unique les unissant Ă  leur frĂšres et sƓurs dragons, certes, mais aucun d’entre eux n’est en mesure d’égaler les liens attachant les Douze Primordiaux. Ils Ă©taient les aĂźnĂ©s de leur peuple. Les premiers Ă  avoir foulĂ© leur monde. Les premiers Ă  donner un sens au mot-
Famille

          La disparition de l’un des leurs les affectaient alors, et ce, autant Ă©motionnellement que physiquement. Ils n’avaient pas besoin de constater le dĂ©part, de voir leur dofus s’illuminer d’un nouvel Ă©clat, attendant patiemment sa moitiĂ© ou son prochain cycle d’éclosion, non
 Ils savaient, tout simplement. Ils le sentaient au plus profond de leur ĂȘtre.
          Qilby espĂ©rait ne pas avoir Ă  ressentir ce vide Ă  nouveau. PhaĂ©ris et lui n’étaient plus aussi proches que par le passĂ©, mais
 ce n’était pas le cas de Yugo et d’AdamaĂŻ. Ils Ă©taient jeunes, et force est de constater que le dĂ©lai dans leur rĂ©incarnation avait visiblement affaibli leur contact, et par ce fait rĂ©sistance, avec leur nature Ă©liatrope comme dragonne. Il ne savait pas comment Grougaloragran avait achevĂ© sa derniĂšre existence, mais lui et Chibi Ă©taient revenus grĂące au Cube ; son absence n’avait pas eu le temps de se faire ressentir. Les vagues n’avaient pas eu le temps d’éroder la falaise. S’il venait Ă  subir le mĂȘme sort
 Cela ne serait pas le cas avec PhaĂ©ris.
Mina

Si seulement tu avais été là,
alors peut-ĂȘtre que-
          Soudain, on frappa à la porte.
« H-hey
 Qilby ? Tu es là ? » S’enquit une voix timide derriĂšre les lourdes planches de chĂȘne. « Si ce n’est pas le cas, alors-
- On repassera plus tard ? À ton avis, s’il n’y a personne, Ă  quoi ça sert de le prĂ©ciser, hein ? » Celle-ci Ă©tait indĂ©niablement plus moqueuse, mais transpirait malgrĂ© tout une certaine tension.
« J-je ne sais pas
 ? J’essayais simplement d’ĂȘtre
 poli ou quelque chose du genre ? 
- C’est un peu inutile dans c’cas-lĂ  si tu veux mon avis. »
          Sans y réfléchir davantage, le scientifique se présenta aux deux frÚres.
« Eh bien, personnellement  » RĂ©torqua-t-il, s’appuyant contre l’embrasure. «   je trouve cette initiative plutĂŽt attentionnĂ©e. »
          Que cela soit avec Chibi, Glip, ou bien Efrim, il n’avait jamais pu rĂ©sister Ă  l’appel de ces rĂ©pliques inattendues, de ces phrases, telles des brindilles de paille sĂšche que vous lanciez sur les braises, de la joute verbale. Ainsi, de la pure expression de surprise du jeune dragon et du jeune Éliatrope Ă  leur lĂ©ger soubresaut lorsqu’il leur avait ouvert, il ne parvenait pas Ă  dĂ©cider lequel l’amusait le plus. Le discret mouvement de recul ainsi que les griffes serrĂ©es une fraction de seconde en trop n’eurent toutefois pas le mĂȘme effet
 Leur aĂźnĂ© les dĂ©visagea un instant, attendant une pique cinglante en retour, une moue boudeuse, voire mĂȘme un soupir exaspĂ©rĂ© pour ses maniĂšres, mais rien ne vint. Ses visiteurs demeuraient plantĂ©s sur le seuil, cherchant visiblement Ă  entamer la conversation, sans pour autant y parvenir. C’est alors que le scientifique remarqua ce qu’ils transportaient avec eux, et qu’AdamaĂŻ tenait habilement placĂ© derriĂšre son dos, mais que ses ailes de dragonnet ne permettaient pas encore de dissimuler entiĂšrement : un livre. Pas n’importe quel livre

Serait-ce
 ?
Alors comme ça, il aurait survécu au Cata-
Non, impossible.
Peut-ĂȘtre Grougaloragran l’aurait-il retranscrit ?
          Il commençait Ă  avoir une Ă©bauche du motif de leur venue. Cependant, tant qu’ils resteraient tous les trois sur le perron de sa cellule, le regard inquisiteur des gardes postĂ©s non-loin pesant sur leurs nuques, les chances de vĂ©rifier ses hypothĂšses Ă©taient minces
 Prenant quelques pas en arriĂšre, il finit par dĂ©signer son humble logement d’un geste qu’il espĂ©rait invitant :
« Vous souhaitiez me voir
 les garçons ? »
          Il faillit se mordre la langue sur les derniers mots. Ceux-ci Ă©taient sortis presque naturellement, un sobriquet parmi tant d’autres qu’il avait par le passĂ© l’habitude d’utiliser envers les versions plus jeunes de ses frĂšres et sƓurs.
Par le passé !
« H-hum, Ă  vrai dire

- Enfin ! C’est pas trop tĂŽt ! Ça va bientĂŽt faire dix minutes qu’on est plantĂ© lĂ  et c’est seulement maintenant que tu te montres ? » Il avait repris son aplomb encore plus vite qu’il ne l’avait perdu. « Il faut croire que si tu n’perds pas la mĂ©moire avec le temps, peut-ĂȘtre qu’tu devrais vĂ©rifier ton audition

- Ad’ ! » S’exclama son frĂšre, les yeux passant du dragon Ă  la coiffe crĂšme dans l’espoir de capter, si ce n’est diffuser, le premier signe d’hostilitĂ©.
« Oh, ne t’en fais donc pas pour cela, Adamaï : je pourrais entendre tes railleries mĂȘme aux confins du Krosmoz. » PrĂ©fĂ©ra-t-il rĂ©pondre sur le ton de la plaisanterie. AmĂšre. « Bon, eh bien si vous n’avez pas besoin de moi, je vais-  »
          Le bousculant à peine, le dragonnet finit par rentrer dans la piÚce, talonné de prÚs par Yugo, dont la moue dépitée essayait tant bien que mal de communiquer un pardon au scientifique.
« Nan, nan
 C’est bon. »
          Il prit place sur un des coussins dispersĂ©s autours de la table basse qui, une fois n’est pas coutume, Ă©tait chargĂ©e de paperasses en tout genre. AdamaĂŻ sembla hĂ©siter un instant devant les parchemins recouvert des gribouillis distinctifs constituant l’écriture d’un homme de sciences : la derniĂšre fois qu’il avait contemplĂ© de telles notes c’était
 Il secoua briĂšvement ses petites cornes avant de laisser choir son prĂ©cieux butin sur le bois. Le mouvement provoqua l’envol de plusieurs feuilles au passage, que Yugo s’empressa de ramasser et de remettre en ordre sur un tabouret non loin de lĂ . Lui-mĂȘme finit par trouver un siĂšge auprĂšs de son frĂšre. Il avait collĂ© sa jambe contre celle sertie d’écailles et de griffes.
          De loin, Qilby les observait. Il savait que quelque chose n’allait pas ; l’air qui les entourait Ă©tait chargĂ© d’un orage bien trop sombre pour les jeunes tĂȘtes qu’il menaçait.
Allez !
Fais quelque chose, imbécile !
« Eh bien
 Puisque vous ĂȘtes lĂ , puis-je vous offrir une tasse de thé ? »
Sérieusement ?!
T’as rien de mieux à d- ?
« O-oui, ça pourrait ĂȘtre sympa  » Lui rĂ©pondit nĂ©anmoins Yugo, un sourire timide en coin. « Hein, Ad’ ?
- Ouais
 Pourquoi pas. »
          Et tandis que l’aĂźnĂ© s’investissait pleinement dans la prĂ©paration des infusions, profitant de ce cours rĂ©pit pour inspirer les dĂ©licates fragrances fruitĂ©es s’échappant avec la vapeur, un parfum qu’il savait au goĂ»t des personnes moins amatrices de cette boisson qu’il l’était lui-mĂȘme, les deux cadets se faisaient Ă©trangement silencieux. Cependant, il ne doutait pas qu’entre les jumeaux, une myriade de sensations, mots et sentiments Ă©taient Ă©changĂ©s en ce moment mĂȘme. Cette connexion intime, il la connaissait bien. Elle lui manquait. Elle lui manquait

          Finalement, alors que les feuilles finissaient de colorer l’eau qui les baignait, Adamaï tenta à nouveau d’amorcer le dialogue entre les deux partis :
« En tous cas, j’pensais pas qu’un vieillard comme toi pouvait courir aussi vite ! J’crois mĂȘme que tu pourrais battre Ruel si tu l’voulais, et pourtant, je l’ai dĂ©jĂ  vu s’élancer aprĂšs un Kama ! »
Pas forcément de la meilleure des maniÚres

« Ad’, fais at- ! »
          Les remontrances de la coiffe turquoise furent interrompues par le rire franc de l’autre.
« Haha, ha ! Ha
 ! Il est vrai qu’il s’agit d’une scĂšne peu courante, n’est-ce pas ? Il faut dire que les Éliatropes sont plus accoutumĂ©s Ă  utiliser leurs portails que leurs jambes, hum ? » Une cuillĂ©rĂ©e de miel, puis une deuxiĂšme. Lui prĂ©fĂ©rait le prendre sans. « Si Chibi Ă©tait lĂ , il vous dirait sans nul doute que si je suis aussi douĂ© pour la course, c’est parce que contrairement au reste de notre fratrie, j’ai toujours Ă©tĂ© le plus prompt Ă  fuir les combats
 ainsi que mes responsabilitĂ©s  » Hochement d’une Ă©paule. FatiguĂ©e.
« Tu veux dire l’ancien Chibi ? »
          C’est comme s’il pouvait sentir les yeux du dragonnet s’enfoncer dans sa nuque tels des crocs. Peut-ĂȘtre aurait-il Ă©tĂ© plus avisĂ© de ne pas mentionner l’un de leurs frĂšres dĂ©cĂ©dĂ©s lors de la Seconde Guerre, que beaucoup des leurs avaient d’ailleurs Ă©tĂ© amenĂ©s Ă  prendre pour la premiĂšre
 Surtout connaissant les rumeurs meurtriĂšres l’entourant, et plus encore avec la rĂ©cente disparition de PhaĂ©ris.
Disparition

Juste disparition.
« En effet. » Mieux valait ne pas insister. « Tiens, Yugo ? Pourrais-tu
 ?
- Ah ! Oui, bien sûr ! »
          L’intĂ©ressĂ© se leva prestement pour assister son aĂźnĂ© dans le service, qui aurait pu se rĂ©vĂ©ler catastrophique Ă  la seule force d’une main. Ce-dernier se chargea d’une boite de biscuits, celle-lĂ  mĂȘme qu’il avait choisi ce matin dans les cuisines. Il avait l’impression que cela faisait une Ă©ternitĂ©.
« Mais pour ĂȘtre tout Ă  fait honnĂȘte avec toi  » Reprit-il en s’asseyant dans son fauteuil de cuir. « Je pense que cette facultĂ© n’est pas tant un don que le rĂ©sultat d’un
 d’un long entraĂźnement en la matiĂšre.
- Comment ça ? » S’enquit alors Yugo, occupĂ© Ă  faire passer les tasses lĂ©gĂšrement Ă©brĂ©chĂ©es autours de la table.
« Pour reprendre la, disons, « leçon », de l’autre jour
 Les Éliatropes que nous sommes sont des ĂȘtres d’énergie : ils ne font qu’un avec les flux qui les entourent, tel le Wakfu, mais Ă©galement qui les composent, Ă  savoir le sang, la lymphe, et j’en passe. »
          Comme appelĂ© par les Ă©chos du passĂ©, Yugo s’était vu absorbĂ© par la perspective d’en apprendre plus sur lui-mĂȘme et son peuple. AdamaĂŻ, quant Ă  lui, gardaient les yeux rivĂ©s sur l’ouvrage qu’il avait amenĂ©, mais il n’en demeurait pas moins attentif.
« Chaque Éliatrope naĂźt avec une certaine habiletĂ© Ă  maĂźtriser ces dits flux, une forme de « compatibilité » plus ou moins accrue avec les Ă©nergies et la matiĂšre. D’autres, en revanche, doivent davantage s’exercer Ă  cet art dans l’espoir d’y trouver leur place  » Soupir. « Cela est notamment mon cas.
- Oui, c’est vrai que tu l’avais mentionnĂ© la derniĂšre fois
 Mais a-alors ! Comment est-ce que tu t’y es pris pour atteindre un tel niveau ? »
          Qilby dut se retenir de sourire. S’il y avait bien une chose qui ne changerait jamais dans ce vaste et absurde univers, c’était bien son petit frĂšre. Le dragon ivoire Ă  ses cĂŽtĂ©s avait relevĂ© un sourcil de la couverture brunĂątre ; ancien adversaire, lui aussi semblait intĂ©ressĂ© par la rĂ©ponse.
« Par de l’entraĂźnement, et avant tout  » Il pointa l’objet mĂ©tallique qui lui enserrait la gorge. « 
 grĂące Ă  ceci !
- Q-quoi ?! Le c-collier est capable de renforcer notre lien avec le Wakfu ?!
- Hum, pas vĂ©ritablement, ou du moins pas dans le sens dans lequel tu peux y penser. » Il secoua la tĂȘte, grimaçant lĂ©gĂšrement Ă  la dĂ©charge amĂ©thyste que provoquĂšrent le mouvement et l’émotion qui l’accompagnait. « Il s’agit d’un outil permettant de rompre notre lien avec le Wakfu environnant, tout simplement. Cela peut alors paraĂźtre contre-intuitif au premier abord : aprĂšs tout, comment peut-on amĂ©liorer un don en le restreignant ?
- En effet  » Murmura Yugo, toujours aussi perplexe.
« Pourtant, aprĂšs des centaines de programmes infructueux et presque autant de rĂ©flexions sans succĂšs, j’ai finalement Ă©tĂ© amenĂ© Ă  penser que si la base de cette connexion reposait sur le corps, rĂ©ceptacle en un sens du Wakfu, alors

- Alors c’est en renforçant notre corps et en ne faisant qu’un avec lui que nous pourrions parvenir Ă  mieux ressentir les flux ! » S’exclama le plus jeune.
          Yugo avait presque bondit de sa chaise, des Ă©toiles dans les yeux comme s’il venait Ă  lui seul de dĂ©voiler un secret millĂ©naire. Qilby, cette fois-ci, esquissa un discret rictus.
« Tout à fait : excellente déduction. » Son jeune frÚre rayonnait presque.
« Donc, tu veux dire que si t’es parvenu Ă  nous battre, Grougal et moi  » EnchaĂźna AdamaĂŻ, demeurĂ© dubitatif. « C’est simplement en faisant de la musculation ? Comme les mouvements de gonflette que fait parfois Tristepin pour impression Éva ?
- Hum, pas tout Ă  fait, non  » La simple image du Iop en pleine parade amoureuse et dĂ©monstration de force lui donna presque la nausĂ©e.
Comment un esprit aussi fin que celui de Dame ÉvangĂ©line
a pu s’amouracher d’un crĂ©tin comme lui ?
Tout cela me rappelle le cas de Mina et de Chibi.
Décidément, éliatrope ou douzien,
l’amour est un phĂ©nomĂšne bien obscur

« Il s’agit principalement d’exercices de renforcement musculaire, mais Ă©galement de « pleine conscience » : ceux-ci n’ont pas pour vocation premiĂšre la performance sportive, mais de permettre au pratiquant de ressentir pleinement son corps. Nos muscles sont une extension de notre systĂšme nerveux, et s’y reconnecter permet de mieux en apprĂ©cier le potentiel ! » Hochement de tĂȘte dĂ©ductif. « Pour ce qui est de notre race, il en va de mĂȘme avec le Wakfu.
- Ah ! Un peu comme quand Éva a dĂ» apprendre Ă  faire sans son arc aprĂšs le coup de rage de Pinpin ! » Appuya le dragonnet, subitement pris dans l’échange.
« Je suppose. » SupplĂ©a l’aĂźnĂ©. « Pour les CrĂąs -c’est cela ?-, leur arc doit bien ĂȘtre une forme de maĂźtrise quasi-innĂ©e. Toutefois, dans le cas des Éliatropes, le Wakfu est une part intĂ©grante de notre organisme
 Il est donc extrĂȘmement difficile d’en faire abstraction, contrairement Ă  une arme que l’on pourrait tenter de remplacer le temps de mieux en apprĂ©cier les subtilitĂ©s une fois rĂ©uni avec elle. C’est lĂ  que m’est venu l’idĂ©e de ce collier, d’ailleurs qualifiĂ© « d’entraĂźnement ».
- Et tu l’as donc crĂ©Ă© toi-mĂȘme ?
- Ha, pour ça, le mĂ©rite revient plutĂŽt Ă  Chibi et Grougaloragran  » Haussement d’épaules. « Je possĂšde peut-ĂȘtre la connaissance et la thĂ©orie, mais quand il vient la question de la technique, ces deux-lĂ  sont bien les meilleurs. »
          L’aveu de faiblesse sembla plaire au jeune dragon, qui esquissa un rictus moqueur. Bien. Mieux valait ne pas tenter de ruiner ce moment en rentrant des explications trop complexes ou des querelles fraternelles puĂ©riles
 MĂȘme si au fond de lui, il ne transigerait pas sur le fait que sans le mode d’emploi qui allait avec, une machine, aussi sophistiquĂ©e soit-elle, ne valait que bien peu de chose.
« M-mais alors  » Se reprit-il toutefois, les yeux teintĂ©s d’une certaine inquiĂ©tude. « Si les Éliatropes sont faits d’énergie, et que le collier la bloque, mĂȘme de maniĂšre incomplĂšte
 N’y-a-t-il pas un risque que
 ?
- Et ainsi donc, vous avez réussi à mettre la main sur un exemplaire du Dragonica Doctum ? Je ne pensais pas revoir une de ces vieilles reliques en si bon état. »
          La manƓuvre Ă©tait grossiĂšre, il le savait, mais si elle lui permettait de se soustraire au sujet, il ne s’en priverait pas. Yugo ne semblait manifestement pas satisfait de la tournure de la conversation, mais fut pris de vitesse par AdamaĂŻ, ayant trouvĂ© l’opportunitĂ© d’aborder ce pour quoi les deux frĂšres Ă©taient venus en premier lieu :
« Et comment ! Ce n’est pas parce que nous avons des griffes qu’on ne sait pas comment prendre soin des objets qui nous entourent !
- Oh, loin de moi cette idĂ©e. » RĂ©torqua Qilby. « Notre cher Balthazar ne supportait pas l’idĂ©e que les encres de couleur diffĂ©rente puissent ĂȘtre rangĂ©es dans des flacons identiques, tandis que Shi-  » Il s’arrĂȘta, ravalant sa salive. «  tandis que ShinonomĂ©, ma
 sƓur
 Elle avait horreur de voir ses prĂ©cieuses casseroles prendre la rouille, o-ou encore ses aiguilles se tordre. » Il finit par secouer la tĂȘte. « AprĂšs des millĂ©naires passĂ©s auprĂšs de dragons, je dirais qu’il y a davantage de risque Ă  les voir devenir possessifs, voire matĂ©rialistes, que nĂ©gligents. Cela en fait, je suppose, de parfaits compagnons pour nous autres Éliatropes, plutĂŽt poussĂ©s Ă  suivre le flot du changement comme celui de la vie  »
          Aucun des jumeaux ne savaient vraiment comment rĂ©pondre Ă  une telle dĂ©claration. Yugo, de son cĂŽtĂ©, se sentait
 empli d’un nouvel espoir. D’une part pour son peuple, dont la fresque ne cessait de s’étendre au travers des rĂ©cits et des dĂ©couvertes de ces derniĂšres semaines, mais Ă©galement pour

C-c’est la premiùre fois qu’il

Il n’avait jamais parlĂ© de ShinonomĂ© avant.
Du moins
 pas aussi spontanément.
          AdamaĂŻ aussi semblait surpris par l’attitude de celui qu’il avait pourtant affrontĂ© il y a moins d’un an de cela, et que tous considĂ©raient comme la seconde menace la plus importante connue par le Monde des Douzes avec Nox. Cette ambiance de fin d’étĂ©, ces anecdotes et questions innocentes, ces tasses et ces gĂąteaux sablĂ©s
 On aurait presque pu croire Ă  un aprĂšs-midi en
 famille ?
« Ouais, et donc  » Tenta de reprendre le dragon. « Avec Yugo, Ă©tant donnĂ© que l’on  » Ne veut pas rester tous les deux. Seuls. «   n’a pas grand-chose de prĂ©vu pour aujourd’hui, on voulait te poser quelques questions concernant la langue draconique.
- Si tu n’es pas occupĂ©, bien entendu ! » S’empressa de rajouter son frĂšre. « Simplement, comme tu as une, hum, « bonne mĂ©moire », on se demandait si tu accepterais de nous transmettre ce  » Que ceux qui nous quittĂ©s trop tĂŽt n’ont pas pu nous enseigner. «   qui nous manque ? »
           Il soupira. Il les connaissait par cƓur, Ă  tel point qu’il pouvait presque entendre leurs Ăąmes donner les mots que leurs tĂȘtes se refusaient d’avouer. Et ce qui le peinait le plus, ce n’était pas tant qu’il ne soit pas encore parvenu Ă  gagner leur confiance, mais que

Fut un temps,
ils n’auraient pas hĂ©sitĂ© un instant
Ă  me dire ce qui les chagrinait. En particulier pour
un incident tel que celui-ci

Quand

Quand ai-je donc perdu ce privilÚge, au juste ?
« Eh bien
 Je devrais avoir fini mes recherches pour aujourd’hui. » Je ne veux pas y retourner ! Elles me rappellent que
 ! « Alors, ma foi, pourquoi pas ? » 
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Ah ! Donc ce symbole, là
 S’il est associĂ© Ă  celui-ci, cela ne veut plus du tout dire la mĂȘme chose !
Parfaitement, c’est cela Adamaï.
Qui aurait cru que les dragons s’exprimaient de maniĂšre aussi alambiquĂ©e !
Cela provient de leur façon de percevoir le monde, qui est relativement diffĂ©rente de la nĂŽtre. En effet, leur capacitĂ© Ă  voler, cracher du feu, ou mĂȘme fusionner avec un Ă©lĂ©ment naturel sont autant de particularitĂ©s pour lesquels ils ont dĂ» trouver des termes appropriĂ©s

Ouais !! Le pouvoir de la roche !

 et il y a aussi le fait qu’ils soient assez fiers, cherchant la moindre opportunitĂ© pour paraĂźtre supĂ©rieurs aux autres

Hein ?! RépÚte un peu pour voir, Mr. Je-sais-tout ?
Allons, allons, je suis certain que- !
Non, Yugo, c’est trĂšs aimable de ta part, mais je cherchais sincĂšrement Ă  provoquer ton frĂšre sur celle-ci ~ hĂ©, hĂ©.
Ha ! Tu vois ?!
Tss
 Bon tous les deux, on peut reprendre
 ?
Les désirs de Sa Majesté sont des ordres.
Pah ! Touché !
Et maintenant tu es de son cÎté, toi ?
Ce n’est qu’une trĂȘve temporaire pour des raisons d’égalitĂ©, n’est-ce pas ?
Égali- ?
Tout Ă  fait. Nous contestons le pouvoir actuellement en place.
Contester le pou- ? Mais de quoi est-ce que vous- ?
Tu t’accapares la boite de biscuits depuis une heure ! Voilà le problùme !
J-je ne vois pas ce que v-vous voulez dire
!
Votre MajestĂ©, il semblerait que vos loyaux sujets rĂ©clament leur dose de sucre. Puis-je vous suggĂ©rer de concĂ©der Ă  leur requĂȘte si vous ne voulez pas les voir prendre d’assaut votre trĂ©sor sans possibilitĂ© de nĂ©gociations ?
Bon
 d’accord. Mais j’en ai pas mangĂ© tant que ça

Ha, ha ! Victoire du peuple !
Victoire du peuple, en effet.


Cependant
 Adamaï
 ?
Hum, oui l’ancĂȘtre ?
Je te ferai remarquer qu’une trĂȘve est toujours temporaire par dĂ©finition : c’est un plĂ©o-

Et c’est reparti

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.
.
.
« Et c’est ainsi que le terme « Ignirrh » peut se dĂ©cliner sous plusieurs formes selon le sous-texte. Il est alors important de s’assurer de la prĂ©sence ou non du signe « dom’ah » pour -hé  ?» Ses yeux quittĂšrent les symboles et enluminures. Il murmura. «Tss
 Pour s’assurer que l’on parle bien ici du « feu intĂ©rieur » de maniĂšre mĂ©taphorique, et non pas de « la flamme » physique  »
          Devant lui, droits sur leurs coussins respectifs mais avachis l’un sur l’autre dans une pile de bras et d’écailles, les deux plus jeunes frĂšres avaient fini par s’assoupir. Au-dehors, le soleil venait Ă  peine d’entamer sa rencontre avec l’horizon ; il Ă©tait encore bien tĂŽt pour se laisser aller au sommeil. Cependant, au regard des Ă©motions provoquĂ©es par cette journĂ©e, le scientifique ne pouvait reprocher Ă  ses cadets leur fatigue.
          Au cours des derniĂšres heures de leur leçon, Yugo avait glissĂ© sur les genoux du dragonnet, qui avait Ă©galement succombĂ© Ă  l’appel de MorphĂ©e, sa tĂȘte dodelinant au rythme des inspirations de l’autre. Leur souffle Ă©tait rĂ©gulier, et malgrĂ© la prise presque possessive d’AdamaĂŻ sur son frĂšre, comme pour protĂ©ger ce corps si frĂȘle d’une attaque quelconque, les deux semblaient en paix. La scĂšne Ă©tait
 familiĂšre. Lointaine aussi. Trop lointaine. À quand remontait la derniĂšre fois oïżœïżœ il avait eu la chance d’assister Ă  autant d’insouciance de la part de ses frĂšres et sƓurs ? Qui plus est
 en sa compagnie ?
Ils
 Ils se sont endormis.
Il aurait aimĂ© ĂȘtre capable, lui aussi, de fermer les yeux, ne serait-ce qu’un instant.
Mais si tu fermes les yeux ici,
tu les rouvriras
 là-bas.
Oui, oui
 Je sais.
          Prenant soin de ne pas renverser le moindre meuble ou de faire craquer ces planches qu’il avait fini par croire aussi vieilles que lui, Qilby alla prendre l’une des fines couvertures qui traĂźnaient rĂ©guliĂšrement contre le dossier de son bureau. DĂ©licatement, priant sa mĂšre pour que les deux petits ĂȘtres ne se rĂ©veillent pas, il la dĂ©posa sur leurs Ă©paules.
          Lentement, il se dirigea enfin vers la lucarne de sa cellule, qu’il referma avec prĂ©caution, avant d’y installer, en Ă©vidence, un carnet reliĂ© de cuir rouge. Tesla comprendrait.
          Au-dehors, les feuilles de la forĂȘt commençaient Ă  se teindre d’une myriade d’accents mĂ©talliques : ocre, or, cuivre
 L’écorce du Palais s’était faite plus claire, gorgĂ©e de sĂšve pour tenir la saison qui s’annonçait.
Qui aurait crĂ» que l’hiver s’annoncerait aussi rude ?
          Mais au fond de lui, ce Ă  quoi le vieil Éliatrope cherchait une rĂ©ponse, c’était

Qui aurait crĂ» que je serai toujours ici pour le voir ?
          Certainement pas lui.
          Que faisait-il encore ici ? Pourquoi n’était-il pas parvenu Ă  partir ?
          Quel était le but de tout ceci ?
          Pourquoi n’avait-il
 ? Pourquoi - ?!
          Mais finalement, la question la plus importante de toute, n’était-ce pas

Est-ce que tu as toujours envie de partir
 ?
          Il se retourna un instant. Sur l’étagĂšre, que la poussiĂšre commençait Ă  recouvrir doucement, trĂŽnait une verriĂšre toute de verre et d’argent, oĂč trois petits pots de cĂ©ramique laissait entrapercevoir des pousses pleines de vie. Les fleurs exotiques, Ă  l’abri derriĂšre des parois immaculĂ©es et profitant d’une chaleur constante, n’allaient pas tarder Ă  Ă©clore. Dans la penderie, les draps et tuniques Ă©taient repassĂ©s de frais, embaumĂ©s d’une dĂ©licate odeur de bois de santal. Le bureau portait autant de taches noires que la marque de nuits blanches, qui, si elles Ă©taient regrettĂ©es le lendemain, n’en demeurait pas moins de dĂ©licieuses Ă©preuves contre l’ennui. La grande table basse avait Ă©tĂ© dĂ©barrassĂ©e, mais le tapis sur lequel elle reposait montrait encore de petites griffes, ci-et-lĂ . Celles d’un petit animal, qui ne lĂąchait jamais d’une semelle son maĂźtre et ami, Ă  la voix forte, les mots rudes, mais le cƓur vieux et bienveillant. Quant Ă  l’ensemble de coussins et chaises basses, eux qui avaient Ă©tĂ© entreposĂ©s au fond de la piĂšce dans un premier temps, entouraient dĂ©sormais constamment le large tronçon de bois verni. Il n’était, aprĂšs tout, pas nĂ©cessaire de ranger constamment quelque chose dont vous aviez besoin quotidiennement. Deux Ăąmes s’y prĂ©lassaient d’ailleurs au moment-mĂȘme sous une douillette masse de laine colorĂ©e

          Et enfin, il y avait ce fauteuil. Ce fauteuil de cuir. Inconfortable, Ă©triquĂ©, trop bas et trop profond Ă  son goĂ»t
 Mais sur lequel il ne rechignait jamais Ă  s’asseoir pour Ă©changer avec un invitĂ©. Tel un mirage de brume, la silhouette d’une jeune femme, aux grandes oreilles et Ă  la chevelure blonde se dessina devant lui. Dans ce fauteuil, il avait parlĂ© de longues heures
 Il l’avait dit. Il avait dit pourquoi il avait fait tout ça.
          Donc, finalement, s’il avait dĂ©jĂ  fait ce fameux pourquoi
 S’il l’avait dĂ©jĂ  exprimĂ©. DĂ©jĂ  enterrĂ©. Peut-ĂȘtre que
 ?
          Il scruta Ă  nouveau le paysage qui s’offrait Ă  lui. Ces vastes branchages Ă  perte de vue, un ocĂ©an vĂ©gĂ©tal qui s’étendait seulement aussi loin que son imagination ne lui permettait. Car n’était-ce donc pas lĂ , la seule limite que pouvait connaĂźtre leur univers
 ? Celle que leur esprit leur imposait ?
          Et si
 Tout ce qu’il nous suffisait pour nous libĂ©rer de notre cage
 C’était de la repenser autrement ?
Non

J-je crois que

.
.
Je crois que j’aimerai rester ici.
.
Juste encore un peu

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Loin, par-delà les murs, les mers et les monts

« Excellence ! Nous avons pu obtenir des nouvelles de nos hommes postĂ©s Ă  Bonta : il semblerait que la cible ait rĂ©pondu Ă  l’appel ! Votre plan a fonctionnĂ©, S- !
- Êtes-vous en train de suggĂ©rer que celui-ci pouvait Ă©chouer, lieutenant
 ?
- N-non, a-absolument pas Votre Généralissime Grand- !
- Suffit ! » Depuis son trĂŽne perchĂ© sur d’innombrables marches, il agita furieusement son sceptre. « Hors de ma vue, et ne revenez que lorsque vous aurez reçu d’autres informations de la part de nos troupes. » Les yeux bardĂ©s de fard blanc se plissĂšrent sous des traits prĂ©dateurs. « Et j’espĂšre pour vous qu’elles seront bonnes  »
          Sans plus de cĂ©rĂ©monie, le militaire fit claquer ses talons, ce bien entendu sans oublier de saluer une derniĂšre fois son monarque, et s’enfonça dans le long corridor obscur.
« Il semblerait que nous soyons enfin parvenus Ă  sĂ©parer ce satanĂ© Joris de son dragon ! » S’exclama-t-il. « Comment se prĂ©nommait-il dĂ©jà ? FastĂ©.. ? Pharo.. ?
- PhaĂ©ris, Mon cher Époux ?
- Oui ! C’est tout Ă  fait cela, Ma Reine ! » Rire aigu. « Cela devrait enfin nous permettre de passer Ă  la vitesse supĂ©rieure ! Mais pour ce faire, nous allons avoir besoin d’un petit coup de main  »
          Il s’empara alors d’une plaque de verre emprisonnant un parchemin. Sur ce-dernier, l’on pouvait apercevoir le portrait d’un homme aux longs cheveux bruns, le regard vif surmontĂ© de lunettes, et deux larges cornes de part et d’autre de sa tĂȘte
 le tout accompagnĂ© d’un rictus mauvais.
« Et je sais exactement Ă  qui nous devrions « demander » ce service  »
.
. Ha !
.
Il faut croire que le dicton dit vrai, alors

.
On ne fait pas d’omelette sans casser du Dofus, haha, ha !
~ Fin du Chapitre 8
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conatic · 9 months ago
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Lettre ouverte : "Je vais fuir Bruxelles, cette capitale qui ne me laissera pas grand-chose d’autre qu’un goĂ»t amer" - La Libre
Source: lalibre.be
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aisakalegacy · 1 year ago
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ÉtĂ© 1912, Le Caire, Egypte (1/2)
Cher Constantin,
FĂ©licitations pour toutes ces nouvelles. J’ai Ă©tĂ© ravi de lire les avancĂ©es des Ă©quipes françaises sur les chantiers de ThĂšbes. Il est palpitant de voir que nous sommes en train d’exhumer tant de grandes citĂ©s !
Je vous Ă©cris actuellement du Caire, oĂč je suis arrivĂ© hier et oĂč je vais stationner encore quelque temps, jusqu’à la reprise du chantier qui est actuellement interrompu. J’ai donc tout le loisir de vous Ă©crire. Je ne vous ai pas donnĂ© de dĂ©tails par rapport Ă  l’expĂ©dition Ă  laquelle je participe, Ă  mon grand tort. Laissez-moi corriger cela.
Mon employeur se nomme Herr Ludwig Borchardt, employĂ© par la SociĂ©tĂ© Orientale Allemande pour excaver le site d’El Amarna, oĂč vous n’ĂȘtes pas sans savoir que se trouve le site de la capitale d’AkhĂ©naton, fondĂ©e en 1350 avant JĂ©sus-Christ. J’y travaille en temps qu’assistant temporaire, aux cĂŽtĂ©s de huits autres assistants, un gĂ©omĂštre, un contremaĂźtre, deux archĂ©ologues et un architecte, Uvo Hölscher, qui nous dirige effectivement, puisque Herr Borchardt n’est pas souvent prĂ©sent sur le chantier qu’il dirige Ă  distance depuis Le Caire. J’ai joint Ă  cette lettre une photographie, oĂč vous pouvez me voir en train de poser avec des membres de mon Ă©quipe. Je me trouve en troisiĂšme position en partant de la droite. À ma droite vous pouvez voir Breith, assistant, notre gĂ©omĂštre le Capitaine Timme, ainsi que Ranke qui est archĂ©ologue. A ma gauche, Honroth, ingĂ©nieur, et Hollander, assistant.
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Les fouilles ont commencĂ© le 2 fĂ©vrier 1911 Ă  l’est d’El Hagg Qandil, Ă  un demi-kilomĂštre de notre quartier gĂ©nĂ©ral, sur le site de la ville principale. Nous avons mis en place une documentation riche que vous aurez certainement l’occasion de consulter : nous employons des moyens modernes et nous documentons tout ce que nous faisons. Nous prenons des photographies, nous mettons au point des plans et des coupes, tout ce que nous trouvons est croquĂ© ou saisi Ă  l’aquarelle. Nous avons trouvĂ© tellement de choses dĂšs la premiĂšre semaine, qu’Herr Hölscher a dĂ» nous faire construire un nouveau bĂątiment pour les stocker
 Quand notre premiĂšre campagne s’est achevĂ©e il y a un an, nous avions dĂ©couvert environ quatre-vingt structures.
La deuxiĂšme campagne a commencĂ© l’automne dernier et vient de s’achever. Nous avons dĂ©couvert une large artĂšre que nous avons baptisĂ©e « la rue du Haut PrĂȘtre », puisque l’on y trouve la rĂ©sidence du haut prĂȘtre Pawah.
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lilias42 · 1 year ago
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Acte 6 et Ă©pilogue : "Tout ce que je veux, c'est te revoir..."
ET C'EST FINI ! DĂ©esse, j'en voyais plus le bout mais, c'est bon, les derniĂšres pĂ©ripĂ©ties ont eu lieu ! HonnĂȘtement, j'avais pas prĂ©vu que ça fasse 659 pages en taille 14 ! ça devait juste faire deux actes max comme ma version d'AM... et le dĂ©roulĂ© a tellement changĂ© de ce que ça devait ĂȘtre de base... y a de quoi en faire un billet entier... mais bon, on ne se refait pas...
C'est donc le dernier acte de cette histoire : on reprend juste aprÚs la révolution qui a eu à Fhirdiad et on explore les conséquences des actes de tout le monde en refermant les arcs de tout le monde.
Juste une petite prĂ©cision avant de commencer : Arundel a un rĂŽle dans cette partie, mĂȘme s'il est absent des autres parties car, je voudrais pouvoir raccrocher ma partie prĂ©-Duscur de CF (oui, je n'ai toujours pas oubliĂ© cette histoire) avec cette version du post-Duscur pour en faire une histoire pouvant se lire indĂ©pendamment du jeu, afin de pouvoir la faire lire Ă  des proches qui n'y ont pas jouĂ©. Si vous avez des questions sur le pourquoi du comment d'Arundel, n'hĂ©sitez pas Ă  demander en cas de besoin.
Et aussi, les avertissements habituels : fans de Rufus fuyez, et fans de Lambert, fuyez encore plus (surtout vu comment il tourne ici). Fans de Gustave... il est tellement transparent que pourquoi pas mĂȘme si bon, si vous arrivez avec l'acte 6 et que vous voulez lire les parties prĂ©cĂ©dentes, ça ne va pas vous faire plaisir...
(suite sous la coupe)
Rodrigue et Alix passaient un peu de temps aprĂšs leur journĂ©e de travail avec FĂ©lix, l’aidant Ă  fabriquer ses bracelets. D’aprĂšs Pierrick, ils pourraient bientĂŽt retourner travailler normalement, mĂȘme s’ils devraient toujours faire attention Ă  ne pas s’épuiser, Ă©tant plus sensible Ă  la fatigue Ă  prĂ©sent. Rodrigue pourrait mĂȘme bientĂŽt reprendre la magie Ă  son ancien niveau, mĂȘme si lĂ  aussi, il y aurait une pĂ©riode oĂč ils devraient s’assurer que la transformation ne reviendrait pas avec son entrainement, mĂȘme partiellement. Enfin, ils Ă©taient sur la bonne voie, c’était le principal
 au moins pour ça
 politiquement par contre, c’était une autre histoire
 ils n’avaient toujours pas annoncĂ© officiellement leur retour Ă  part Ă  leur alliĂ© mais, ce n’était qu’une question de temps avant que Lambert, Rufus et Gustave ne l’apprennent par les rumeurs et n’agissent en consĂ©quence pour les faire rentrer dans le rang

Ils étaient en train de graver une des plaques quand ils entendirent du bruit monté depuis la ville, vite suivi par un domestique qui entra en trombe en hurlant, tout excité.
« Vos GrĂąces ! Venez vite ! On a des nouvelles de Fhirdiad ! Il n’y a plus de roi ! Lambert a Ă©tĂ© renversĂ© par la capitale et les nĂŽtres !
– Attendez, quoi ? S’étonnĂšrent les jumeaux. Est-ce que vous avez des nouvelles d’Estelle et Bernard ainsi que de nos autres hommes lĂ -bas ? Ce sont eux qui ont envoyĂ© ces nouvelles ?
– Venez vite ! Le messager est en ville ! Il a aussi des lettres pour vous de tout le monde !
Échangeant un regard, les jumeaux se levĂšrent pour le suivre, vite suivit de FĂ©lix, voulant tous en savoir plus, mĂȘme s’ils se cachĂšrent sous une cape pour qu’on ne les reconnaisse pas, au moins pas les messagers
 Trois jeunes gens attiraient toute l’attention sur la place, racontant ce qui s’était passĂ©, du dĂ©but de la rĂ©volte avec la prise du marchĂ© noir, la perte du peu de respect que les fhirdiadais avaient encore en leur seigneur, puis le dĂ©but de la bataille entre les murailles de la capitale quand l’expĂ©dition punitive contre Gautier menĂ© par Isidore et Miklan avait tournĂ© Ă  la mutinerie, les deux meneurs ayant mĂȘme Ă©tĂ© tuĂ©s par leurs propres soldats, ainsi que le rĂŽle central d’un certain Ludovic Hange dans la chute des Blaiddyd.
« Vu le nom, c’était limite le destin choisi par la DĂ©esse pour lui ! » S’était exclamĂ© un des messagers.
Ils finirent en expliquant comment s’était organisĂ© la ville et les prioritĂ©s pour les rĂ©voltĂ©s, Ă  savoir au moins assurer la survie de tous sans que le Royaume ne se dĂ©lite trop Ă  cause d’ambitieux.
« Nous avons des lettres diplomatiques Ă  remettre Ă  l’intendante du duchĂ© de Fraldarius qui le dirige en l’absence de ses ducs, ainsi qu’une invitation Ă  Fhirdiad pour les ducs jumeaux une fois qu’ils auront Ă©tĂ© retrouvĂ©s. Les chefs du gouvernement voudraient les rencontrer afin de reprendre des relations diplomatiques saines entre nos deux territoires. Voici les documents officiels, » ajouta une seconde en leur montrant des lettres scellĂ©es avec un sceau reprĂ©sentant un mouton et une Ă©toile, les symboles de la ville, mais aussi imprĂ©gnĂ© de l’odeur de leur oncle Ludovic, comme si c’était lui qui les avait Ă©crites, gardant son parfum incrustĂ© dans l’encre et le papier malgrĂ© que ce soit impossible
 mĂȘme si
 si Alix ne se trompait pas
 et aux vues des derniers Ă©vĂšnements
 ce ne serait pas le plus Ă©trange au final

Étant elle aussi descendue, LorĂ©a Ă©mergea de la foule et prit les lettres en dĂ©clarant, jetant juste un regard aux jumeaux pour se mettre d’accord.
« Bien, je les confierais personnellement Ă  nos ducs dĂšs qu’ils seront de nouveau parmi nous. En attendant, je me chargerais personnellement des relations avec Fhirdiad et le nouveau gouvernement.
– Nous vous en remercions, et nous espĂ©rons de tout cƓur que les loups de cendre reviendront vite auprĂšs de vous et de leur enfant. Nous avons tous besoin d’une protection divine Ă  l’heure actuelle, et nul doute que cela est un signe de la DĂ©esse qu’elle les ait transformĂ©s en ses protecteurs. Enfin, maintenant que Lambert n’est plus roi, nous devrions peut-ĂȘtre retrouvĂ© ses faveurs en mĂȘme temps que celle du Flutiste des Glaces. »
En entendant ceci, les jumeaux rĂ©flĂ©chirent un peu plus Ă  cette histoire
 Rodrigue et Alix devaient avouer que ces rumeurs de loups de cendre Ă©taient bien le cadet de leurs soucis quand ils avaient retrouvĂ© forme humaine, cherchant plus Ă  comprendre ce qui leur Ă©tait arrivĂ© et essayant de ne pas rechuter, mais sans les ignorer non plus. AprĂšs tout, ils correspondaient Ă  la description de ses crĂ©atures mythiques : d’immenses loups noirs ou gris aux yeux bleus et humains, assez grand pour ĂȘtre monter par la DĂ©esse. MĂȘme LorĂ©a les avait pris pour ça en les voyant malgrĂ© son esprit trĂšs terre Ă  terre, d’autres devaient le croire encore plus facilement, surtout vu comment ils s’étaient transformĂ©s
 Rodrigue Ă©tait loin d’ĂȘtre le seul magicien Ă  avoir un tel surplus de magie dans son corps tout en Ă©tant au proie au dĂ©sespoir mais, ils ne s’étaient pas tous transformé  d’aprĂšs Sylvain et Fregn dans les quelques missives diplomatiques qu’ils avaient pu Ă©changĂ© avec eux, ce serait le signe qu’il serait des berserkir selon les croyances srengs
 les guerriers d’Odin combattant Ă  ses cĂŽtĂ©s lors du Ragnarök, ne se rĂ©vĂ©lant que dans le dĂ©sespoir de la bataille afin d’accomplir leur objectif et survivre
 alors si en plus, le Flutiste des Glaces rejetait Lambert, il serait facile de recoller les morceaux de cette histoire pour en faire une intervention divine

Enfin, s’ils les tournaient correctement, ces rumeurs pourraient jouer en leur faveur
 au moins pour enfin pouvoir vivre en paix loin de cet homme
 LorĂ©a fit le nĂ©cessaire pour que les trois messagers puissent se reposer avant de reprendre la route avec leurs rĂ©ponses, puis les rejoignit une fois qu’ils furent de retour dans leur forteresse.
Sur le chemin de leur forteresse, alors que toutes les informations qu’il venait d’apprendre infusaient doucement dans son esprit, Rodrigue eut du mal Ă  y croire, se croyant ĂȘtre en train de rĂȘver
 Lambert n’était plus roi
 il n’était plus roi
 il n’avait plus le pouvoir
 plus le pouvoir de les forcer Ă  faire quoi que ce soit
 plus le pouvoir de tous les mettre en danger
 plus le pouvoir de faire le mal autour de lui Ă  cause de son inconscience
 plus le pouvoir de faire du mal Ă  sa famille

Plus aucun pouvoir

Aucun

Il sentit FĂ©lix lui serrer la main alors qu’ils rentraient Ă  l’intĂ©rieur, soufflant en le regardant.
« Il ne te fera plus de mal. À plus personne et surtout pas Ă  toi et Ă  Alix.
– Oui
 rĂ©pondit-il en passant sa main dans ses cheveux, retrouvant pied Ă  ses mots. Il ne nous fera plus jamais de mal.
Les jumeaux prirent alors les lettres officielles destinĂ©s Ă  tout le duchĂ©, les lisant attentivement pour bien comprendre comment fonctionnait Fhirdiad et quels Ă©taient les objectifs des rĂ©voltĂ©s, surtout en voyant qu’Estelle et Bernard faisaient partie de leurs chefs, mĂȘme si les connaissant, cela ne les Ă©tonnait guĂšre. Ils n’allaient pas rester les bras croisĂ©s vu tout ce qu’osait faire Lambert et Rufus, surtout que les rĂ©sistants avaient surement bien eu besoin de leurs compĂ©tences au combat

« Ils parlent d’un systĂšme d’élection pour dĂ©signer le prochain roi
 ils ont l’air dĂ©terminĂ©s Ă  rompre avec l’ancienne maniĂšre de faire, histoire de ne pas avoir un autre Clovis ou un autre Lambert
 dĂ©clara LorĂ©a en parcourant les lettres.
– Ils ont peut-ĂȘtre enfin retrouver le testament de Ludovic
 ça ressemble Ă  ce qu’il voulait mettre en place
 commenta Alix.
– Mais il va arriver quoi Ă  Dimitri ? Demanda FĂ©lix, restĂ© avec eux pour savoir ce qui se passait.
– Visiblement, il resterait l’hĂ©ritier de Lambert mais, en tant que seigneur ordinaire sur le domaine royal, pas au titre de roi, lui expliqua son pĂšre, et sa garde reviendrait aux Charon.
– C’est le plus logique faut dire, ajouta Alix. C’est sa famille la plus proche, vu qu’à part Rufus et les descendants des bĂątards de Clovis, il n’a pas d’autres tantes, oncles ou cousins du cĂŽtĂ© de son pĂšre. Et il est hors de question de confier un gosse aussi mal en point que lui Ă  Rufus, encore plus aprĂšs tout ce qu’il a fait.
– Oui, les Charon sauront prendre soin de lui, comme HĂ©lĂ©na l’aurait voulu, assura l’ainĂ© des jumeaux en espĂ©rant que FĂ©lix comprendrait.
Le jeune garçon réfléchit un peu avant de dire sans hésiter, sûr de lui :
– Eux au moins, ils ne l’enverront pas Ă  la mort comme Lambert, et Cassandra peut le protĂ©ger. En plus, ils traitent bien Dedue et Sasiama, ça ira.
– J’en suis sĂ»r
 En tout cas, les dispositions autour de lui ressemblent vraiment aux travaux de Ludovic, c’est aussi ce qu’il avait prĂ©vu pour Lambert, mĂȘme s’il voulait imposer plusieurs conseillers et fonctions indĂ©pendantes du roi pour mieux le contrĂŽler.
– Qui sait ? Si ma truffe ne s’est pas trompĂ©e, c’est peut-ĂȘtre lui qui leur en a parlĂ© directement
 proposa le cadet.
– Qui sait  » souffla Rodrigue en prenant les lettres qui leur Ă©taient spĂ©cifiquement destinĂ©s, sentant autant qu’Alix l’odeur de Ludovic imprĂ©gnĂ© Ă  l’intĂ©rieur
 une odeur trĂšs fraiche comme la neige en montagne, tachĂ© de maladie mais, cette derniĂšre n’arrivait Ă  ne jamais Ă  prendre le dessus sur l’odeur neutre et fraiche

En l’ouvrant, mĂȘme si l’auteur prĂ©tendait s’appeler Ludovic Hange, la prĂ©sence de leur oncle suintait Ă  chaque lettre
 l’écriture, la maniĂšre de s’exprimer, les mots choisis, la maniĂšre dont il argumentait, tentant de les convaincre de venir Ă  Fhirdiad mĂȘme s’il comprendrait aussi si les jumeaux ne voulaient plus s’en approcher, au moins pour assurer les bonnes relations entre eux
 seul leur Oncle Ludovic avait pu l’écrire
 personne ne pouvait se ressembler autant
 Rodrigue et Alix Ă©taient bien placĂ©s pour le savoir

« C’est
 c’est vraiment Ludovic
 notre Oncle Ludovic
 balbutia l’ainĂ©, y croyant Ă  peine malgrĂ© tout. Mais
 mais comment
 est-ce que ces sorciers Ă©tranges y seraient pour quelque chose ?
– Ce ne serait pas impossible
 aprĂšs tout, quand il a autopsiĂ© les mages qui vont ont attaquĂ©, Pierrick trouvait leurs corps Ă©tranges, et leur chef semblait ronger par la magie noire. Qui peut savoir quel sacrilĂšge ils ont pu commettre ? Au moins, on peut espĂ©rer que les rĂ©volutionnaires les ont Ă©galement Ă©liminĂ©s en mĂȘme temps qu’ils renversaient Lambert
 ils vous proposent Ă©galement de venir Ă  Fhirdiad, au moins pour rĂ©cupĂ©rer officiellement vos troupes
 elle les regarda, l’expression neutre et sans jugement, ouverte Ă  tout ce qu’ils diraient. Que pensez-vous faire ?
Les jumeaux hĂ©sitĂšrent, ne sachant que dire
 d’un cĂŽtĂ©, se rendre Ă  Fhirdiad pouvait leur permettre d’enfin retrouver leurs troupes, ainsi que de se faire bien voir par les rĂ©volutionnaires tout en balayant tout soupçon de loyautĂ© Ă  la couronne
 malgrĂ© les mots de Rodrigue pour FĂ©lix, Dimitri Ă©tait de nouveau dans une position extrĂȘmement dĂ©licate, cela le ferait sans doute Ă©normĂ©ment souffrir de voir son pĂšre traitĂ© ainsi. De plus, les gĂ©nĂ©raux et seigneurs encore fidĂšles aux Blaiddyd en feraient sans doute le porte-Ă©tendard dans leur lutte contre les rĂ©volutionnaires, leur roi par dĂ©faut en attendant de « libĂ©rer » Lambert des griffes de Fhirdiad, et ils n’hĂ©siteraient surement pas Ă  l’arracher aux Charon.
Cependant, d’un autre cĂŽtĂ©, ces derniers ne laisseraient personne toucher au moindre cheveu d’un des leurs. La forteresse de Lokris Ă©tait trĂšs facile Ă  dĂ©fendre mĂȘme avec peu d’homme grĂące aux montagnes l’entourant, et les citoyens charonis restaient soudĂ©s autour de la famille comtale

– AprĂšs tout ce qui s’est passĂ©, il est certain que les Charon ne soutiendront pas Lambert et vont plutĂŽt soutenir les rĂ©volutionnaires s’ils ne les menacent pas. De plus, les seigneurs qui se sont montrĂ©s les plus loyaux Ă  part les Dominic et nos familles depuis la TragĂ©die, ce sont ceux du sud qui agissaient surtout par opportunisme pour rĂ©cupĂ©rer le plus d’influence, de pouvoir et de terres duscuriennes possible aprĂšs la guerre qu’ils espĂ©raient. S’ils n’ont plus rien Ă  gagner Ă  soutenir la famille royale, ils vont trĂšs vite retourner leur veste, comme ils l’ont fait quand ils ont commencĂ© Ă  servir Lambert lors de ce voyage. Ce ne sont des alliĂ©s fiables pour personne mais, cela les rend plus faibles Ă©tant donnĂ© que leurs objectifs changent sans arrĂȘt sans ĂȘtre clair, analysa Rodrigue.
– En plus, mĂȘme si on ne veut pas personnellement retourner Ă  Fhirdiad, cela reste tout de mĂȘme une ville de premiĂšre importance, nous devons composer avec, ajouta Alix. Il faut qu’on ramĂšne nos troupes et qu’on fasse en sorte que les rĂ©volutionnaires ne nous voient pas comme des ennemis pour qu’ils nous laissent tranquilles. La chute de Lambert va surement changer tous les rapports de force dans le Royaume, il faut que nous arrivions Ă  conserver une bonne position pour mettre notre famille et notre fief Ă  l’abri du besoin et des griffes de pouvoirs extĂ©rieurs. On devrait pouvoir jouer sur le fait qu’on a suffisamment de vivre Ă  prĂ©sent dans notre fief alors, nous pouvons en laisser une partie Ă  Fhirdiad, ce qui nous ferait bien voir des rĂ©volutionnaires

– Et Lambert n’est plus roi
 il ne nous fera plus de mal
 plus jamais
 cela n’arrivera plus
 souffla l’ainĂ©, essayant de garder pied sans penser Ă  la derniĂšre fois qu’il avait vu son ancien ami, sa paume allant de nouveau se poser sur son cou malgrĂ© lui.
– Alors, tu vas y aller papa ? Tu es sĂ»r ? Le questionna FĂ©lix en serrant sa main dans les siennes.
– Oui
 il le faut pour continuer Ă  assurer la place de Fraldarius dans le Royaume, et s’assurer de ne pas faire de Fhirdiad notre ennemie. MĂȘme si nous aurions les capacitĂ©s de contrer des attaques, surtout aprĂšs tout ce qu’il y a dĂ» se passer en ville, des fraldariens ont eu un grand rĂŽle dans la chute de Lambert, comme Estelle et Bernard alors, nous devrions plutĂŽt ĂȘtre dans leurs bonnes grĂąces. Cependant  » il se baissa Ă  la hauteur de FĂ©lix, le regardant dans les yeux en posant la main sur ses Ă©paules alors qu’il lui interdisait, « tu ne dois pas venir avec nous, c’est beaucoup trop dangereux. La ville est encore instable. MĂȘme si Estelle et Bernard font partie des chefs de l’émeute et que selon nous, ce Ludovic Hange pourrait ĂȘtre le Ludovic que nous avons connu, on ne sait pas si les rĂ©volutionnaires ne vont pas tout de mĂȘme se mĂ©fier de nous Ă  cause des liens entre notre famille et les Blaiddyd, et on ne sait pas si ces mages Ă©tranges n’y rodent pas encore. C’est beaucoup trop dangereux pour que tu y ailles, mĂȘme si nous sommes avec toi. Il est plus sage que tu restes ici avec LorĂ©a et Cassandra, tu y seras en sĂ©curitĂ©. Tu comprends FĂ©lix ?
Le jeune garçon fit la moue, hĂ©sitant un peu avant d’hocher la tĂȘte. Ce n’était clairement pas de gaietĂ© de cƓur, FĂ©lix aurait prĂ©fĂ©rĂ© que les jumeaux restent ici en sĂ©curitĂ© mais, ils avaient Ă©galement des devoirs et faisaient toujours tout pour le bien de leur fief
 mĂȘme s’il ne voulait pas s’éloigner Ă  nouveau d’eux
 il voulait que son pĂšre reste avec lui et son oncle aussi
 qu’ils restent tous en paix Ă  Egua sous la protection de Fraldarius

« Grand-pĂšre nous a toujours protĂ©gĂ©s ici
 il nous protĂ©gera toujours
 ne partez pas encore aussi loin  »
Il se retient de supplier encore Rodrigue et Alix de rester
 faire des caprices n’avait provoquĂ© que des catastrophes et mettre encore plus sa famille en danger
 mais

– Si vous partez
 finit-il par craquer, serrant les poings, les posant contre la poitrine de son pĂšre en le suppliant finalement Ă  nouveau, ne pouvant s’en empĂȘcher, la peur lui rongeant le cƓur comme la sĂ©cheresse dĂ©truisant tout autour d’elle. Vous reviendrez tous les deux, c’est promis ? Tu ne pars pas si tu ne reviens pas
 t’as pas le droit de partir si tu sais que tu ne reviendras pas
 Alix aussi
 insista-t-il en donnant un petit coup, comme pour ancrer la promesse entre eux. Vous reviendrez tous les deux et on ira au lac, d’accord ?
– Oui FĂ©lix
 Rodrigue embrassa le front de son fils, jurant de tenir parole cette fois tout en priant la DĂ©esse pour qu’elle les entende enfin, sentant un peu de sa magie s’échapper de lui pour entourer son fils comme une couverture protectrice. Nous reviendrons, c’est promis. »
Les fraldariens envoyĂšrent donc une premiĂšre rĂ©ponse savamment rĂ©digĂ©e afin de faire patienter les rĂ©volutionnaires et se donner plus de temps, mĂȘme si le procĂšs de Lambert et Rufus auraient dĂ©jĂ  eu lieu quand ils arriveraient Ă  Fhirdiad, puis une seconde annonçant leur retour en tant que duc de Fraldarius, quelques jours avant que les prĂ©paratifs de leurs voyages soient terminĂ©s, anticipant chaque possibilitĂ© qui pourrait les menacer. Ils se coordonnĂšrent aussi avec les Charon afin d’arriver ensemble, leur donnant plus de poids face Ă  une potentielle hostilitĂ© sous couvert de rĂ©affirmer la bonne entente entre leurs familles. MĂȘme s’ils espĂ©raient de tous leurs cƓurs que cette rencontre se passe bien, ils refusaient de commettre les mĂȘmes erreurs que cet homme
 hors de question de mettre en danger qui que ce soit

Avant de partir et malgrĂ© leur apprĂ©hension, Rodrigue et Alix emmenĂšrent leur fourrure avec eux, se souvenant des messagers quand ils avaient parlĂ© des « loups de cendre »  ils avaient peur, craignaient ce qui pourrait arriver s’ils revĂȘtaient cette fourrure alors qu’ils Ă©taient de nouveau Ă  Fhirdiad, lĂ  oĂč tout avait commencĂ© et oĂč ils avaient tant souffert
 mais ils ne pouvaient pas non plus se passer du moindre atout Ă  leur disposition
 l’enjeu Ă©tait bien trop important

Rodrigue et Alix embrassĂšrent FĂ©lix, le confiant au bon soin de LorĂ©a et la protection de Cassandra, lui jurant encore de revenir
 le petit garçon s’accrocha aux Ă©paules de son pĂšre, se revoyant quelques semaines auparavant Ă  Fhirdiad, hĂ©sitant Ă  lĂącher son pĂšre malgrĂ© la colĂšre, remplacĂ© par l’inquiĂ©tude et la peur

« Ne pars pas
 reste avec moi
 ne va pas lĂ -bas  »
Comme s’il lisait dans ses pensĂ©es, Rodrigue posa Ă  nouveau ses mains sur les Ă©paules de son fils, lui rĂ©pĂ©tant encore, Ă©clairĂ© par la douce lumiĂšre d’Aegis accrochĂ© Ă  sa selle semblant veiller sur eux.
« On reviendra vite, c’est promis

– 
d’accord
 tu m’écriras ?
– Bien sĂ»r, Ă  chaque Ă©tape
 il l’embrassa son front en soufflant, sentant de nouveau sa magie aller entourer son fils, comme Ă  chaque fois qu’il le quittait depuis qu’ils avaient dĂ©cidĂ© de partir pour Fhirdiad. Je t’aime mon louveteau

– Moi aussi papa  »
AprÚs une derniÚre étreinte, Félix accepta de lùcher son pÚre, le laissant partir en lui faisant un dernier signe de man, restant auprÚs de Loréa et Cassandra.
Quand ils disparurent au loin, le petit garçon serra le sachet rempli de perle et de breloque
 avec tous les prĂ©paratifs pour le voyage Ă  Fhirdiad, ils n’avaient pas fini de faire leurs chapelets

« On les finira un jour tous ensemble
 souffla-t-il, chassant de toutes ses forces ses souvenirs de la derniĂšre fois qu’il avait vu quelqu’un partir ainsi au loin. Ils reviendront eux
 ils ne mentiront pas ?
– Non
 LorĂ©a se baissa Ă  sa hauteur et posa son front contre le sien. Ils ont pris bien plus de prĂ©caution, nous avons fait trĂšs attention quand nous avons Ă©crit aux rĂ©volutionnaires. Ils ne semblent pas nous considĂ©rer comme des ennemis, et nous avons des alliĂ©s de confiance parmi eux avec Estelle et Bernard. Ils vont Ă©galement retrouvĂ© les Charon avant d’entrer sur le domaine royal, nos deux armĂ©es savent se coordonner pour contrer des attaques et embuscades en terrain connu.
– En plus, ils se sont prĂ©parĂ©s Ă  pouvoir tenir contre une embuscade et savent par oĂč se replier si cela tourne mal pour eux. C’est votre fief et le domaine royal, les jumeaux le connaissent parfaitement et savent par oĂč ne pas passer, renchĂ©rit Cassandra. Vos vassaux dans cette partie de votre fief doivent tout Ă  Guillaume, AliĂ©nor et aux jumeaux pour la plupart, et les intendants du domaine royal ont sans doute d’autres problĂšmes en ce moment que s’en rajouter en attaquant un convoi bien protĂ©gĂ© au hasard. » Elle Ă©bouriffa ses cheveux en ajoutant. « Ça devrait aller pour eux. Ce n’est pas comme Duscur.
– J’espĂšre  »
Il tourna la tĂȘte vers le lac, voyant l’immense Ă©tendu bleu uni et calme, demandant encore Ă  son grand-pĂšre de veiller sur son pĂšre et son oncle pendant ce voyage.
*
Au bout de quelques jours de voyage, et aprĂšs avoir retrouvĂ© les Charon au leur lieu de rendez-vous prĂ©vu, Fhirdiad fut dĂ©jĂ  en vue. Ils y seraient sans doute dĂšs demain dans la matinĂ©e. DĂ©jà
 Rodrigue avait l’impression que le voyage avait durĂ© Ă  la fois une Ă©ternitĂ© et une seconde, chaque minute se gravant de plus en plus dans son cƓur et son Ăąme
 chaque pas, chaque tour de roue les rapprochait de la capitale, du palais, de cet homme
 du collier et des laisses qui avaient failli les Ă©trangler
 de la museliĂšre qui avait menacĂ© son frĂšre
 rien que d’y penser lui donnait l’impression de suffoquer, d’avoir les poumons et les membres tellement gelĂ©s qu’il en Ă©touffait sous la douleur des brĂ»lures, rĂȘvant juste de faire demi-tour et de rentrer Ă  la maison, l’eau du lac chassant le gel et la glace tentant de les emprisonner dans ses carcans
 mais le duc ne pouvait pas faire marche arriĂšre
 l’enjeu Ă©tait bien trop important

« Rodrigue ! »
Les poils sur sa nuque se hĂ©rissĂšrent d’un coup, sentant presque la prĂ©sence de cet homme derriĂšre lui, remonter doucement son Ă©chine comme un serpent pour s’enrouler autour de sa gorge, devenant Ă  nouveau un collier et une laisse, tirant sur celui qui entourait Ă  prĂ©sent son cou, Ă©touffant ses cris de protestation en le muselant de ses deux mains glaciales
 lui rĂ©pĂ©tant encore et encore de rester auprĂšs de lui malgrĂ© tout
 malgrĂ© toutes les horreurs qu’il avait fait
 qu’ils avaient tous fait
 DĂ©esse, depuis quand juste penser Ă  cet homme lui faisait aussi peur ? Depuis quand il n’arrivait mĂȘme plus Ă  dire son nom ?
Contre son meilleur jugement, Rodrigue sauta presque sur ses affaires, les dĂ©fit comme un possĂ©dĂ©, Ă©parpillant tout autour de lui sans faire attention, cherchant dĂ©sespĂ©rĂ©ment sa peau de loup. Soupirant de soulagement en la retrouvant enfin, il se rĂ©fugia Ă  nouveau Ă  l’intĂ©rieur, se drapant tout entier sous la toison de nuit
 malgrĂ© toute son apprĂ©hension et sa crainte de la transformation, l’étreinte chaleureuse de la fourrure lui semblait moins glaçante que rester ainsi, Ă  la merci du gel de la peur de Fhirdiad
 de cet homme
 comment pouvait-il seulement imaginer lui faire potentiellement face Ă  Fhirdiad si seulement penser Ă  lui l’angoissait Ă  ce point ? Le faisait se rĂ©fugier dans sa fourrure de loup comme un enfant dans la cape de ses parents ? Cela n’avait aucun sens
 mais le duc ne pouvait plus reculer Ă  prĂ©sent, et il refusait de laisser Alix seul face Ă  lui
 hors de question de le laisser affronter leurs bourreaux Ă  tous tout seul

« Je vais de nouveau le contaminer avec mes Ă©motions en plus si je continue

– Ce n’est pas grave
 moi aussi, je te contamine quand je m’énerve contre lui alors, on peut inverser les rĂŽles de temps en temps

Rodrigue sentit alors le contact de son frĂšre, Ă©paule contre Ă©paule de loin, ce dernier le laissant se calmer dans un coin de son esprit, reprenant pied petit Ă  petit avec son aide
 Ă©videmment, il l’avait senti mais en mĂȘme temps, c’était rassurant
 ils Ă©taient toujours l’un Ă  cĂŽtĂ© de l’autre d’une certaine façon

Soufflant un peu, l’homme laissa sa tĂȘte sortir de sa cachette, se focalisant seulement sur la chaleur de l’étreinte et celle de son frĂšre
 cette fois, il n’était pas seul, son frĂšre Ă©tait lĂ , les sƓurs Charon aussi, et Lambert n’était plus roi
 Rufus n’avait plus aucun pouvoir et les rĂ©volutionnaires avaient Ă©cartĂ© Gustave
 aucun d’entre eux ne pourrait plus leur faire du mal

« La meute est forte ensemble  »
Il s’accrocha Ă  cette pensĂ©e en passant ses doigts sur sa fourrure, trouvant du courage et du rĂ©confort Ă  l’intĂ©rieur, priant encore pour retrouver son petit le plus vite possible, voulant juste le revoir. MalgrĂ© la transformation et tout ce que lui rappelait cette fourrure, elle restait rassurante
 elle lui rappelait sa maison
 de vieux souvenirs, l’oubli fondant sous la douce caresse de la toison abondante
 sans s’en rendre compte, il se remit Ă  chanter, pour la premiĂšre fois alors que FĂ©lix n’était pas là
 juste pour lui, les notes l’enveloppant dans une Ă©treinte aussi rassurante que sa fourrure

« Je pars ce matin avec les chants des laudes,
Mes pieds vont d’un cĂŽtĂ©,
Mais mon cƓur reste figĂ©
Il reste ici dans vos petites mains chaudes
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans ĂȘtre meurtri
Je pars Ă  reculons, je pars sans jamais vous oublier
Je pars en ce jour en pensant toujours Ă  vous,
À chaque pas sur ce long chemin, je l’avoue,
Je vous voie derriùre moi et souhaite m’en retourner.
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans ĂȘtre meurtri
Je vous promets de revenir un soir,
Je reviendrais Ă  vous un jour,
Cette promesse de velours
Je ne la laisserais jamais choir,
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans ĂȘtre meurtri
Et quand nous nous serons retrouvés
Ce sera pour ne plus jamais se lùcher. »
« Papa
 se rappela-t-il malgrĂ© le temps ayant Ă©rodĂ© ses souvenirs, sentant la prĂ©sence de ses parents Ă  ses cĂŽtĂ©s. Oui
 toi aussi, tu Ă©tais un loup
 comme maman
 Peut-ĂȘtre que cette fourrure n’est pas qu’une Ă©chappatoire finalement, mais aussi un message destinĂ© Ă  nous rappeler qui est notre famille  »
Le lendemain, aprÚs avoir encore juré avec Alix de ne pas se séparer, ils entrÚrent dans Fhirdiad, drapé de leur sarcelle et de blanc, leur peau de loup drapant fiÚrement leurs épaules. Non pas comme un rappel de leur détresse et de désespoir, mais comme symbole des Fraldarius, la famille du loup.
DĂšs qu’ils apparurent, le silence s’installa dans la rue, la foule se rassemblant autour d’eux, essayant de les voir comme une relique lors des processions, plusieurs levant la main vers eux, comme pour tenter de les toucher sans oser
 tout semblait si calme, comme dans une Ă©glise, avant que des murmures ne commencent Ă  s’élever, bas et discret.
« Regardez
 les Charon et
 et est-ce possible ? »
« Ce sont eux  »
« Les ducs de Fraldarius  »
« Ce sont vraiment eux ? »
« Ils ne sont plus des loups de cendres ? »
« Si ! Regarde ! Sur leurs épaules ! »
« Une fourrure de loup noir géant ! »
« Et ces yeux
 je les ai vus quand les loups ont abandonnĂ© Fhirdiad pour punir Lambert
 c’était exactement les mĂȘmes que les leurs  »
« Des loups noirs aux yeux humains bleus
 c’était bien des loups de cendre  »
« En plus, ils ont des emblĂšmes tous les deux  »
« Et Rodrigue a donnĂ© naissance au premier emblĂšme majeur de Fraldarius depuis des siĂšcles  »
« Ils nous ont aussi toujours protĂ©gĂ©s
 toujours  »
« C’est eux qui ont toujours tout fait pour ramener le roi dans le droit chemin avec les Charon  »
« Contrairement au tyran  »
« Alors que le roi se perdait dans ce qu’il voulait en nous oubliant  »
« Et c’est quand ils sont partis que les choses ont vraiment commencĂ© Ă  aller de mal en pis  »
« C’est aussi quand les Charon ont quittĂ© le service de Lambert que nous avons eu assez de force pour le renverser  »
« Les Charon aussi sont protĂ©gĂ©s par la DĂ©esse
 leur emblĂšme reste toujours majeur malgrĂ© le temps qui passe contrairement aux autres  »
« C’est comme si la DĂ©esse nous avait vraiment abandonnĂ©s quand ils sont tous partis  »
« Pendant que les jumeaux recevaient sa bĂ©nĂ©diction en Ă©tant ses loups de cendre  »
« C’est eux que la DĂ©esse a choisi, pas Lambert, c’est sĂ»r ! »
« C’est eux qui devraient ĂȘtre Ă  sa place ! Par leurs compĂ©tences et de droit divin ! La DĂ©esse a clairement choisi ses favoris ! »
« Les srengs ont raisons ! Mieux vaut des rois clairvoyants plutĂŽt que des rois sans yeux ! MĂȘme s’ils ne sont pas de la famille royale ! »
« Oui ! Le mauvais roi Lambert est déchu ! Longue vie aux rois Rodrigue et Alix ! Longue vie aux rois jumeaux protégés par la Déesse ! »
« Le roi sans yeux est déchu ! Longue vie aux rois clairvoyants ! »
« Longue vie aux rois élus par la Déesse ! »
« Longue vie aux rois loups de cendres ! »
« Longue vie aux rois ! »
Les jumeaux y crurent Ă  peine quand toute la capitale reprit ces mots, se rĂ©pandant comme un Ă©cho tout autour d’eux, hurler en cƓur par tous les fhirdiadais, les acclamant rois sans hĂ©sitĂ© une seule seconde. Ils s’étaient attendus Ă  tout, sauf Ă  ça ! Qu’ils leur fassent confiance Ă  cause de leur attitude quand ils gĂ©raient la crise, les respectent Ă©normĂ©ment Ă  cause de la rumeur qu’ils soient des loups de cendre
 mais pas au point de les acclamer roi seulement en les voyant !
MalgrĂ© leur Ă©tonnement, ils se reprirent vite, ne laissĂšrent rien paraitre et gardĂšrent la tĂȘte haute, fiers et confiants, regardant droit devant eux sans faillir. MĂȘme si n’était qu’une acclamation, cela aurait forcĂ©ment un poids dans les futures nĂ©gociations avec les chefs rĂ©volutionnaires. Ces derniers ne pourraient pas ignorer l’opinion populaire, ni risquer de se mettre une partie des fhirdiadais en traitant mal des personnes vues comme Ă©tant des « élus de la DĂ©esse »  c’était Ă©tonnant mais, cela les avantageait aussi, autant en tirer profit un maximum

Estelle et Bernard vinrent finalement Ă  leur rencontre, entourĂ©s de tous leurs hommes restĂ©s Ă  Fhirdiad ainsi que ceux des Charon. Plusieurs d’entre eux manquaient Ă  l’appel
 devinant facilement la cause de cette absence, les jumeaux se jurĂšrent de leur donner une tombe digne d’eux, digne des personnes ayant eu le courage d’affronter les tyrans pour le bien du Royaume.
« Bonjour à vous VÎtres Grùces ! Les salua la premiÚre Estelle, levant la main dans un geste amicale.
– Bonjour Ă  vous Dame Duchesne, lui rĂ©pondirent Ă  leur tour les jumeaux, s’adressant Ă  elle comme Ă  un Ă©gal.
– Nous sommes heureux de vous revoir sain et sauf aprĂšs toutes ses Ă©preuves, malgrĂ© le fait que certains d’entre vous ne soient plus lĂ , dĂ©clara Rodrigue en posant sa main sur son cƓur. Le Royaume pleura Ă©galement longuement la mort de ceux qui ont tout fait pour le protĂ©ger.
– Ils ont vaillamment combattu les tyrans des Blaiddyd Ă  chaque instant, chaque bataille. Nous sommes fiers d’avoir eu de tels camarades, mĂȘme si leur perte est une tragĂ©die qui n’aurait jamais dĂ» avoir lieu, confirma-t-elle. Tel Ă©tait le prix Ă  payer pour faire chuter les tyrans responsables de tous nos malheurs, mĂȘme s’il restera toujours bien trop Ă©levĂ©. MĂȘme sans ĂȘtre chevalier pour la plupart, ils ont vĂ©cu comme tel et bien plus dignement que nombre de personnes portant ce titre.
– Nous sommes aussi heureux de vous revoir
 ajouta Bernard sur un moins formel, ne cachant rien de sa joie de les voir Ă  nouveau humain. La DĂ©esse soit louĂ©e, vous ĂȘtes de nouveau parmi nous et humain
 la DĂ©esse soit louĂ©e

Descendant de son cheval, l’homme alla vers eux, tendant sa main vers eux. En rĂ©ponse, Rodrigue et Alix descendirent de leurs montures Ă  leur tour pour le serrer contre eux, juste heureux de le voir en vie
 de tant en voir en vie malgrĂ© toutes ses Ă©preuves
 qu’autant soit encore vivant malgrĂ© les terribles combats qu’ils avaient dĂ» mener
 cela tenait du miracle
 la DĂ©esse et les Braves soient louĂ©s pour leur clĂ©mence
 tous leurs fidĂšles vinrent les saluer Ă  leur tour, l’ambiance devenant plus conviviale que formelle entre eux.
– Nous sommes venus pour demander au gouvernement rĂ©volutionnaire de nous laisser vous ramener chez nous, Ă  Fraldarius, dĂ©clara Rodrigue aprĂšs leurs retrouvailles. Ceux qui le souhaitent pourront rester Ă  Fhirdiad, bien entendu mais, nous aimerions pouvoir vous ramener Ă  vos familles, surtout maintenant que nous avons assez de vivre pour nourrir tout le fief jusqu’à la prochaine rĂ©colte.
– A Ă©coutez tout Fhirdiad, ils n’ont pas l’air de vouloir que vous partiez, leur fit remarquer Estelle.
– Nous entendons bien, et cela serait un honneur mais, il s’agit d’une dĂ©cision majeure pour l’avenir de Faerghus, lui rappela Alix. Elle ne doit surtout pas ĂȘtre prise dans la prĂ©cipitation, et il faut Ă©galement prendre garde Ă  ce qu’elle soit acceptĂ©e par tout le Royaume. Mieux vaut Ă©viter les conclusions hĂątives, surtout en des temps aussi incertains.
– Ce sera toujours mieux que Lambert, lui fit remarquer Bernard. D’ailleurs, on est loin d’ĂȘtre les seuls Ă  le penser. On doit vous montrer des parchemins qui vont beaucoup vous intĂ©resser, et vous prĂ©sentez quelqu’un
 mĂȘme si vous le connaissez dĂ©jà

Devinant dĂ©jĂ  de qui le second d’Estelle parlait, les jumeaux acceptĂšrent de les suivre avec les Charon, remontant sur leurs montures alors que la foule rĂ©clamait encore de les voir, criant en chƓur leur dĂ©sir qu’ils soient les nouveaux rois, que les loups de cendres et les bons ducs soient leurs rois
 prudemment, les jumeaux se baissĂšrent, prenant quelques mains qu’on leur tendait tout en faisant attention qu’aucun ne cache une lame.
Les chefs rĂ©volutionnaires les attendaient devant les portes du palais, repeintes aux couleurs de la ville. Certains se signĂšrent en les voyant, d’autres les saluĂšrent poliment. Les jumeaux en reconnurent la plupart, mais leur regard ne put se dĂ©tacher du jeune homme trĂŽnant au milieu d’eux.
Ludovic

Ludovic Ă©tait lĂ , tenant Areadbhar entre ses mains, mĂȘme si elle Ă©tait recouverte d’une protection de tissu, comme en pĂ©riode de paix ou de rĂ©gence, quand le roi ne devait ou ne pouvait pas la manier. MalgrĂ© tout, tous leurs doutes, l’impossibilitĂ© d’un tel miracle, ils surent en voyant son regard si particulier, ses yeux vairons semblant voir Ă  travers les ĂȘtres et l’horizon, voir le futur qu’il dĂ©sirait tant offrir Ă  Faerghus et Ă©cartant d’une Ɠillade sĂ©vĂšre toute personne menaçant son peuple
 ça ne pouvait qu’ĂȘtre que lui

« Veuillez recevoir nos sincĂšres salutations chefs de Fhirdiad, commencĂšrent-ils poliment. Nous sommes venus ici pour discuter des liens entre nos deux territoires, ainsi que pour escorter nos hommes jusqu’à leurs familles. Nous prions pour que nous puissions nous entendre.
– Salutations Ă  vous ducs de Fraldarius, commença une femme qu’ils reconnurent comme la cheffe de la guilde des lainiers de la ville. Nous sommes honorĂ©s que vous ayez acceptĂ© notre invitation, et espĂ©rons autant que vous que ces discussions se passeront bien. La ville semble dĂ©jĂ  vous avoir acceptĂ© dans tous les cas, souligna-t-elle.
– Nous n’avons que pour but de servir notre peuple et celui de tout Faerghus, dĂ©clarĂšrent les jumeaux avec prudence, n’infirmant et ne confirmant rien.
– Nous voyons cela
 dĂ©clara Ludovic, avant de s’avancer vers eux, son tout petit sourire aux lĂšvres, si discret qu’il se voyait Ă  peine. Je suis heureux de vous voir en bonne santĂ© louveteaux.
*
Les Fraldarius et les Charon commencĂšrent par Ă©couter le rĂ©cit de la rĂ©volution, puis se mirent Ă  nĂ©gocier les modalitĂ©s des nouvelles relations entre leur fief et le domaine royal. Une des premiĂšres choses que firent les jumeaux furent de se dĂ©barrasser d’une grande partie du Kyphonis Corpus, utilisant comme argument la fin de l’hĂ©gĂ©monie des Blaiddyd sur le Royaume. Cet ensemble de privilĂšges Ă©tait trĂšs avantageux mais, les enchainaient Ă©galement Ă  la famille royale, justifiant la plupart des chĂątiments plus sĂ©vĂšres Ă  leurs Ă©gards quand leurs « crimes » touchaient au souverain, mĂȘme si cela se rĂ©sumait Ă  ne pas ĂȘtre mort Ă  sa place. Ils perdirent plusieurs privilĂšges mais, savoir que FĂ©lix et leurs descendants n’auraient plus Ă  vivre sous la menace d’ĂȘtre puni de mort pour une simple erreur ou pour servir de bouc-Ă©missaire afin d’épargner le roi les soulagea grandement, le tout en arrivant Ă  garder certaines lois particuliĂšres concernant la terre de leur fief en lui-mĂȘme, notamment leur grande autonomie par rapport au reste de Faerghus, ce qui Ă©tait le principal. Les Charon, toujours reprĂ©sentĂ©es par ThĂšcle et LachĂ©sis, veillĂšrent aussi Ă  ce que Dimitri garde ses droits sur le fief des Blaiddyd en lui-mĂȘme, le revendiquant comme son hĂ©ritage paternel, mĂȘme s’il serait un seigneur comme les autres du royaume. Le jeune garçon n’y perdait pas trop aux changes au final, et nul doute qu’il deviendrait un excellent seigneur sous la houlette de ses tantes.
Une fois tout ceci rĂ©glĂ© et avant de discuter ensemble du sort de Lambert et Rufus aprĂšs leur procĂšs, Ludovic demanda aux visiteurs s’ils pouvaient parler en privĂ© tous ensemble, ce qu’ils acceptĂšrent. S’aidant toujours d’Areadbhar pour marcher et assistĂ© par un jeune homme du nom de Tristan, il les mena jusqu’à une salle qu’affectionnait particuliĂšrement le roi Ludovic : ses murs Ă©taient couverts d’ambre sculptĂ©e, rendant l’atmosphĂšre toute particuliĂšre et l’aidant Ă  respirer correctement, un cadeau de bonne entente entre AlbinĂ©a et Faerghus offert par le roi albinois au dĂ©but de son rĂšgne, ainsi qu’en excuse pour la mort de Guillaume lors de la rencontre diplomatique entre les deux pays. Plusieurs endroits avaient Ă©tĂ© grattĂ©, les plus belles piĂšces retirĂ©es par Rufus afin de les vendre et financer sa guerre
 c’était une perte Ă©norme pour le Royaume, et les albinois n’apprĂ©cieraient surement pas qu’on morcĂšle un de leurs prĂ©sents mais, cet argent serait bien utile pour reconstruire Faerghus
 prĂ©senter ainsi, cela devrait apaiser la colĂšre de leur reine si elle s’en offusquait

« Je crois que je vous dois Ă  tous une trĂšs longue explication
 commença le jeune homme, faisant glisser son regard sur chacun d’entre eux.
Il confirma qu’il Ă©tait bien le roi Ludovic revenu du passĂ©, comment il Ă©tait arrivĂ© dans le prĂ©sent, tout en essayant de rĂ©pondre Ă  leurs questions sur CornĂ©lia. AprĂšs s’ĂȘtre enquis de l’état de santĂ© des jumeaux et celui de Dimitri, il les questionna Ă  leur tour sur l’état des fiefs de l’Est, avant d’avouer.
– Une grande partie des seigneurs occidentaux ont senti le vent tournĂ© et ont pliĂ© le genou devant Fhirdiad en reniant Lambert et Rufus mais, ce n’est surement qu’une question de temps avant qu’ils ne tentent de prendre le pouvoir avec l’appui de l’Église occidentale. Les rĂ©volutionnaires comptent organiser des Ă©lections au plus vite mais, il ne faut pas se voiler la face, il faut attendre que le Royaume retrouve un semblant de stabilitĂ© pour pouvoir les organiser correctement, surtout que cela fait plus de trois cents ans que nous n’en faisons plus, mĂȘme juste pour respecter la forme rituelle de l’élection de Loog. Il faut donc quelqu’un pour diriger le pays temporairement. Cette personne sera extrĂȘmement encadrĂ©e et ses pouvoirs limitĂ©s, comme le roi qui sera Ă©lu mais, le pays a besoin d’une figure sous laquelle se rassembler et s’unir, ainsi qu’assez forte pour repousser les ambitions contre le gouvernement rĂ©volutionnaire afin de devenir le nouveau tyran. Le tout en acceptant de rendre le pouvoir une fois l’élection passĂ©, Ă©videmment.
– Alors, les candidats idĂ©aux pour ce poste sont Ă©vidents pour tout le monde, rĂ©pondit sans hĂ©sitĂ© LachĂ©sis en regardant les jumeaux. Mieux vaudrait Ă©viter que ce soit notre famille. Nous avons trop de pouvoir et d’influence dans l’administration, cela dĂ©sĂ©quilibrait la relation avec le pouvoir lĂ©gislatif, et nous sommes meilleurs dans le domaine judiciaire. De plus, nous avons la tutelle de Dimitri jusqu’à sa majoritĂ© Ă  prĂ©sent, ce qui dĂ©sĂ©quilibre Ă  nouveau la balance en notre faveur.
– C’est vrai ! Vous ĂȘtes acceptĂ©s par l’ensemble de Fhirdiad, vous ĂȘtes respectĂ© de tous et avez prouvĂ© vos compĂ©tences Ă  maintes reprises ! Vous avez bien plus gouvernĂ© correctement le Royaume que Lambert ces derniĂšres annĂ©es, et vous avez assez de puissance pour repousser des seigneurs comme Rowe ou Mateus. Avec ça, l’Église Occidentale hĂ©sitera Ă  s’en prendre Ă  vous Ă©tant donnĂ© que tout le Royaume est persuadĂ© que vous vous ĂȘtes transformĂ©s en loup de cendre. Ils ne pourront pas s’en prendre Ă  vous sans que leurs fidĂšles craignent de s’en prendre directement Ă  des personnes sous protection divine. MĂȘme s’ils apprennent l’existence des berserkir des srengs, les fanatiques de cette secte sont persuadĂ©s que ce sont des faux dieux n’existant pas alors, ils se retrouveront bloquĂ©s.
Ludovic les encouragea Ă©galement d’un signe de tĂȘte, ne cachant pas son accord avec les deux sƓurs.
– Je ne voie pas non plus d’autres figures qui pourraient autant rassembler que vous. Vous ĂȘtes connus et respectĂ© par tout le Royaume. Comme viennent de le soulever LachĂ©sis et ThĂšcle, les Charon concentreraient trop de pouvoir sur elles-mĂȘmes si elles devenaient reine en plus d’ĂȘtre les tutrices de l’hĂ©ritier des Blaiddyd. Les Gautier se sont dĂ©tachĂ©s du Royaume pour se tourner vers les srengs, mĂȘme si le statut de ce territoire reste flou pour le moment. Il faudra attendre de voir comment la situation Ă©volue pour savoir si nous les comptons encore dans le Royaume ou non dans le futur. Rowe et Mateus sont puissants mais, moins que les seigneurs du nord tout en ayant leur nom entachĂ© par leur participation active au voyage en Duscur, puis dans le gouvernement de Rufus. Enfin, les GalatĂ©a ne sont mĂȘmes pas une option, c’est une famille bien trop petite doublĂ©e de fĂ©lons notoires, mĂȘme s’ils se sont apparemment amĂ©liorĂ©s depuis mon Ă©poque

Les jumeaux ne dirent rien, rĂ©flĂ©chissant ensemble
 d’un cĂŽtĂ©, elle n’avait pas tort, ils Ă©taient acceptĂ©s de tous Ă  Fhirdiad et dans le nord, et mĂȘme si Mateus et Rowe risquaient de contester leur pouvoir, dans une pĂ©riode de crise pareille, n’avoir qu’une partie du sud contre eux et pas l’ensemble du pays serait surement la meilleure situation qu’ils pouvaient espĂ©rer pour le moment
 en plus, ils venaient de se faire acclamer par l’ensemble de la ville, cela justifierait qu’on les choisisse eux plutĂŽt que les Charon ou d’autre

Leur objectif restait toujours de pouvoir enfin vivre en paix Ă  Egua avec FĂ©lix mais, ĂȘtre roi assiĂ©rait la force de leur famille et de leur fief, surtout s’ils arrivaient Ă  tirer en partie le Royaume de la crise aprĂšs la TragĂ©die
 gagner le respect de tous de cette maniĂšre leur assurerait que personne n’oserait s’en prendre Ă  eux, que ce soit en visant FĂ©lix ou leur fief
 s’ils arrivaient Ă  tenir correctement le Royaume jusqu’à ce que la crise passe, leur famille et leur fief pourraient ĂȘtre gagnant Ă  tous les niveaux

– C’est une dĂ©cision trĂšs importante qui demande Ă  ĂȘtre murement rĂ©flĂ©chie, surtout que nous ne voulions plus nous Ă©loigner de notre fief suite Ă  ce qui s’est passĂ©. Dame LorĂ©a Terrail a tout notre respect et notre gratitude pour son travail exceptionnel mais, nous avons Ă©galement des devoirs envers notre peuple et notre famille, dĂ©clara prudemment Rodrigue aprĂšs avoir Ă©changĂ© un regard avec Alix qui continua, comme si les deux parlaient d’une mĂȘme voix.
– Mais si c’est pour le bien du Royaume, nous le ferons, tant que nous pouvons continuer Ă  exercer nos fonctions ducales correctement. Nous sommes aprĂšs tous les protecteurs de notre fief depuis toujours, et Kyphon lui-mĂȘme voulait que notre famille se concentre sur son territoire pour ne pas risquer de le nĂ©gliger.
– Bien Ă©videmment, lui jura Ludovic, toujours impassible mais, les jumeaux arrivĂšrent Ă  discerner qu’il Ă©tait soulagĂ© par leurs mots. Merci beaucoup Ă  vous.
Ils Ă©changĂšrent encore un peu, jusqu’à ce qu’on les appelle pour venir partager le repas du gouvernement rĂ©volutionnaire, avant de parler du sort du roi, mĂȘme si Ludovic demanda un instant de plus aux sƓurs Charon.
– Je sais que ce n’est pas une prioritĂ© et qu’il refusera surement, j’ai aidĂ© Ă  dĂ©trĂŽner son pĂšre aprĂšs tout mais, serait-il possible que je me rende en Charon pour rencontrer Dimitri ? S’il accepte et qu’il est suffisamment remis de ses blessures, j’aimerais beaucoup pouvoir le rencontrer avant de repartir dans le passĂ©, surtout si je n’en ai jamais eu l’occasion.
– Bien sĂ»r, vous ĂȘtes la bienvenue. Nous en parlerons avec Dimitri en lui expliquant la situation maintenant qu’il va mieux. On espĂšre simplement que ce ne sera pas trop tard pour vous

– Ne vous en faites pas pour moi, le Royaume passe avant tout. Merci de m’accorder ceci
 souffla-t-il, les yeux remplis d’espoir, mĂȘme s’ils s’assombrirent de nouveau rapidement. Maintenant, il nous reste le sort de Lambert et Rufus Ă  rĂ©gler  »
Les jumeaux s’hĂ©rissĂšrent un peu, la peur de rencontrer Ă  nouveau les deux frĂšres leur gelant l’échine, mĂȘme si Ludovic leur assura qu’étant donnĂ© qu’ils allaient dĂ©battre de leur sentence, les accusĂ©s ne seraient pas prĂ©sents.
« Bien
 soupira l’ainĂ©, un peu rassurĂ©, avant de demander Ă  son tour, portant Ă  nouveau sa main sur sa gorge. Ludovic, j’aurais aussi un service Ă  vous demander  »
*
Lambert marchait lentement jusqu’à l’église du palais, pieds et mains liĂ©s, un capuchon de moine sur la tĂȘte pour qu’on ne le reconnaisse pas. On lui autorisait une sortie par jour sous escorte, mĂȘme aprĂšs son procĂšs
 cela faisait un mois Ă  prĂ©sent mais, le souvenir Ă©tait dĂ©jĂ  flou, comme s’il n’était pas prĂ©sent Ă  son propre jugement
 aprĂšs avoir tentĂ© de s’expliquĂ© avec les juges, il n’avait pratiquement plus rien dit, rĂ©pondant Ă  peine aux questions en comprenant que cela ne servirait Ă  rien, se contentant de baisser la tĂȘte avec honte, fuyant le regard de son pĂšre quand il le sentait sur lui
 l’homme se doutait qu’une partie de l’audience avait attribuĂ© son comportement Ă  de l’arrogance mais, aprĂšs les premiers Ă©changes avec les juges, c’était plutĂŽt qu’il ne savait plus quoi dire, comme si le moindre de ses mots le condamnerait un peu plus
 composĂ©s de tout le gouvernement rĂ©volutionnaire, Ă  l’exception de Ludovic qui Ă©tait restĂ© Ă©trangement en retrait contrairement Ă  ses habitudes, le jury n’étaient clairement pas lĂ  pour tenter de comprendre ce qu’il avait voulu faire, seulement pour dĂ©cider de quelle maniĂšre il allait mourir, rien de plus
 comme le procĂšs de Clovis le Sanglant

Ce dernier n’avait Ă©tĂ© qu’une formalitĂ© avant qu’il n’ait la tĂȘte tranchĂ©e par Ludovic pour Ă©viter d’en faire un martyr mais, le tyran avait transformĂ© son jugement en un dernier affront fait Ă  tout Faerghus
 il avait profitĂ© de cette derniĂšre apparition pour faire Ă©talage de toute son horreur et toute sa cruautĂ©, jurant qu’il reviendrait hanter leurs pires cauchemars depuis l’enfer
 plusieurs de ses bĂątards et proches collaborateurs avaient Ă©galement eu la tĂȘte coupĂ©, afin d’éliminer les possibles concurrents de Ludovic, leur amour du sang servant de prĂ©texte idĂ©al pour les faire tomber pour complicitĂ© et participation active Ă  la tyrannie
 sa propre mĂšre Alcidie avait failli avoir son propre procĂšs pour complicitĂ© de cette horreur, si elle n’avait pas acceptĂ© avec joie de les abandonner pour vivre une vie de sang et de massacre comme mercenaire
 en plus, cela aurait surement Ă©tĂ© plus mal perçu que son ancien mari ne la tue ainsi
 elle Ă©tait moins perçue comme une complice active mais, plus une personne mĂȘlĂ©e Ă  tout cela par hasard Ă  cause du mariage arrangĂ© et de ses parents, de proches collaborateurs du Roi Sanglant, eux-mĂȘmes tuĂ©s pendant le coup d’État
 mais si cela n’avait pas risquĂ© d’en faire une martyre et de salir sa rĂ©putation, Ludovic lui aurait tranchĂ© la tĂȘte, comme Ă  tous les autres

« MĂȘme Rufus et moi, il n’hĂ©sitera pas Ă  nous  »
L’homme n’essaya mĂȘme pas de lutter contre ses pensĂ©es
 son pĂšre n’aimait personne
 Ă  peine de la pitiĂ© pour les jumeaux et ses sujets mais sinon, son Ăąme Ă©tait vide, froide comme de la glace
 il le savait mieux que quiconque pourtant

« J’espĂšre que tu vas bien Rufus
 cela fait si longtemps que je ne t’ai pas vu
 personne ne me dit rien
 je ne sais mĂȘme pas si les jumeaux ont Ă©tĂ© retrouvé  »
En entrant dans l’église quasi vide Ă  part un moine encapuchonnĂ© qui s’était engouffrĂ© dans une alcĂŽve, Lambert remarqua quelqu’un derriĂšre l’autel sans qu’il ne porte l’habit des prĂȘtres, observant attentivement les fresques reprĂ©sentants les Braves autour de la DĂ©esse, mĂȘme si ce n’était un secret pour personne que c’était Loog et ses compagnons qui Ă©taient reprĂ©sentĂ©s, l’église ayant Ă©tĂ© construite peu de temps aprĂšs la fin de la guerre
 une fois plus proche, il reconnut assez vite le visiteur.
« Ludovic ? Mais qu’est-ce que
 qu’est-ce que tu fais ici ?
L’homme du passĂ© se tourna vers lui, toujours aussi impĂ©nĂ©trable et illisible que d’habitude, mĂȘme si Lambert ne l’avait pratiquement jamais vu dans une Ă©glise sauf par obligation ou pour la Toussaint, priant surement pour le salut de l’ñme de Guillaume et pour expier sa faute envers lui.
– J’avais besoin de calme, et j’avoue avoir envie de te parler un peu, rĂ©pondit-il de maniĂšre concise, sans s’étendre. Et toi, es-tu venu prier ? Es-tu croyant ?
– Non, et tu devrais le savoir
 marmonna-t-il, se renfrognant en voyant les yeux vairons vides de son pùre. Sur ce point, je suis comme toi, je ne crois pas beaucoup.
– Tu es un bĂ©bĂ© de six mois Ă  mon Ă©poque. Tu ne sais mĂȘme pas encore parler, tu ne peux pas prier ou mĂȘme comprendre le concept de DĂ©esse, le corrigea-t-il encore, ne sachant faire que ça avec lui. Je dĂ©couvre ta personnalitĂ© Ă  cette Ă©poque. Enfin, je comprends qu’il soit difficile de croire en la DĂ©esse, mĂȘme si cela peut-ĂȘtre un refuge et une bonne confidente. Alors pourquoi es-tu ici ?
– Je voulais prier pour mon fils
 et pour Rufus
 j’espĂšre que tout se passe bien pour eux
 je ne sais pas comment mon propre frĂšre va depuis que vous nous avez sĂ©parĂ©s.
– Ce serait trop dangereux de vous laisser ensemble

– Tu ne penses mĂȘme pas que cela nous fait du mal d’ĂȘtre sĂ©parĂ© alors qu’on est ensemble depuis qu’on est tout petits ? » Ne put s’empĂȘcher de piquer Lambert en le coupant, ne pouvant s’empĂȘcher de passer sa frustration sur lui. Si Lambert voulait bien ĂȘtre le responsable de Duscur, une grande partie de ce qui avait suivi Ă©tait de la faute de Ludovic, et mĂȘme avant. Pas question de le mĂ©nager lui aussi.
« C’est vrai que vous ne vous quittez pas Ă  mon Ă©poque, admit son pĂšre en l’approchant, toujours bien trop calme pour quelqu’un de normal. Et bien sĂ»r que j’y ai pensĂ© mais, si vous complotez pour vous Ă©vader, ce sera plus simple pour vos complices si vous ĂȘtes ensemble, ils n’auront qu’une piĂšce Ă  trouver.
– Je ne compte pas m’évader si c’est ce que tu crains. Tout ce que je veux, c’est que tout ceci s’arrĂȘte et si j’ai de la chance, revoir Dimitri et Rufus, et si j’en ai vraiment, savoir ce qui est arrivĂ© Ă  Rodrigue et Alix mais bon, on ne m’explique mĂȘme pas pourquoi il y a eu ce mouvement de foule l’autre jour alors, pour qu’on me dise comment va ma famille ou mes meilleurs amis, je peux encore rĂȘver
 Vous m’aviez dĂ©jĂ  tous condamnĂ© avant mĂȘme que le procĂšs commence en plus. Vous n’avez mĂȘme pas essayĂ© de m’écouter quand j’essayais de vous expliquer ce que je pensais faire.
Ludovic ne rĂ©agit pas, comme toujours, montrant juste un des bancs aprĂšs une seconde de silence. Acceptant l’invitation non sans faire la moue, Lambert s’assit Ă  cĂŽtĂ© de son pĂšre, regardant la fresque sans un mot avec lui. C’était Ă©trange de se dire que ce jeune homme Ă©tait en rĂ©alitĂ© son pĂšre, que c’était lui Ă  prĂ©sent le plus ĂągĂ© des deux mais, Ludovic faisait plus ancien qu’il ne l’était rĂ©ellement, comme toujours
 avec malgrĂ© tout un pincement de cƓur, Lambert se souvient difficilement des derniers jours de son pĂšre, si maigre et si pale, les joues et les orbites creusĂ©s, son cou semblant sur le point de rompre sous le poids de sa tĂȘte tellement il Ă©tait faible, ressemblant plus Ă  un vieillard qu’à un homme dans la quarantaine
 dire qu’il avait pratiquement le mĂȘme Ăąge que son pĂšre sa mort Ă  prĂ©sent

– Je n’ai aucun pouvoir ici, j’ai tout fait pour ne pas en avoir, commença enfin Ludovic. Un homme du passĂ© n’a pas Ă  dĂ©cider pour le prĂ©sent. Et quand bien mĂȘme, je serais au pouvoir, je n’aurais rien dĂ©cidĂ© autrement. MĂȘme si toi, personnellement, tu ne veux pas t’évader, plusieurs entitĂ©s pourraient te tirer de ta prison car, tu corresponds plus Ă  ce qu’ils attendent d’un roi qu’un autre. Une milice d’une des sectes de l’Église Occidentale s’est fait arrĂȘter il y a quatre jours car, ils ont tentĂ© de t’exfiltrer du palais.
– Je n’ai rien Ă  voir avec eux si c’est ce que tu cherches Ă  savoir, et je ne veux avoir aucun lien avec l’Église Occidentale non plus. Ils veulent juste brĂ»ler tout ceux qu’ils n’aiment pas, soit la moitiĂ© de Fodlan.
– Peut-ĂȘtre mais, il n’empĂȘche que tu sembles plus les intĂ©resser sur le trĂŽne que n’importe qui d’autre sinon, ils auraient surement dĂ©jĂ  proposĂ© leur propre poulain au lieu de tenter de te libĂ©rer. Si j’ai bien compris ce qu’on m’a racontĂ©, j’étais arrivĂ© Ă  les affaiblir pendant mon rĂšgne mais, ils ont repris du poil de la bĂȘte sous le tien, en profitant notamment de plusieurs concessions que tu as faites au sud pour arriver Ă  se rĂ©organiser, surtout qu’en mĂȘme temps, tu en demandais toujours plus au nord et Ă  l’est qui n’arrivait plus Ă  suivre.
– Je ne peux pas empĂȘcher les gens de croire en ce qu’ils veulent, je ne vais pas mettre un garde derriĂšre chaque autel du sud pour contrĂŽler ce qu’il s’y dit. Ils se sont plaint qu’ils ne pouvaient plus s’exprimer complĂštement et correctement Ă  cause de tes lois restrictives alors, j’ai acceptĂ© de leur donner plus de libertĂ© mais, cela touche tout le royaume, rĂ©pliqua-t-il, se souvenant des dĂ©bats qu’il avait eu avec les jumeaux, Rodrigue lui conseillant de repenser sa loi pour en fait ne pas changer grand-chose Ă  la loi de Ludovic au final. Et le nord a toujours bien rĂ©pondu quand je leur demandais de l’aide, alors que le sud
 c’est plus compliqué 
– Une bande de seigneurs ambitieux qui se mangent entre eux et rĂȘvent secrĂštement de manger celui d’au-dessus pour devenir le nouveau tyran, et une secte hĂ©rĂ©tique de fanatiques ne rĂȘvant que de revenir Ă  un ancien temps qu’ils imaginent parfait car, c’était eux qui avaient le pouvoir, rĂ©suma froidement Ludovic. Et tu as eu une bonne idĂ©e sur le papier : il est important que chacun puisse s’exprimer. Mais tu as oubliĂ© que la libertĂ© des uns s’arrĂȘte lĂ  oĂč commence celle des autres. Aucune libertĂ© n’est absolue. Cela ne te viendrait pas Ă  l’idĂ©e de rentrer chez quelqu’un sans autorisation alors que tu es libre de te dĂ©placer lĂ  oĂč tu veux. Les lois que nous avons mises en place visaient Ă  empĂȘcher que les discours de haine puissent ĂȘtre portĂ© en place publique. Oui, j’ai rĂ©duit la libertĂ© d’expression mais, en interdisant qu’on attise la haine des Ă©trangers et des personnes diffĂ©rentes en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, que ce soit par leurs origines, leur genre, leur sexualitĂ©, leur religion, leur santĂ©, leur condition physique, mental
 tout en formant des juges spĂ©cialisĂ©s pour traiter les questions liĂ©es Ă  la libertĂ© d’expression. On parlait de personnes qui en appelait publiquement Ă  brĂ»ler les personnes gays ou transgenre, ainsi que les handicapĂ©s car, ils Ă©taient « dĂ©viants » ou « tarĂ©s », ainsi que frapper du sceau de la honte Ă  vie les bĂątards, les mĂ©tis et ceux qui les ont engendrĂ©s. Si on les Ă©coutait, aucun des compagnons du roi Loog n’aurait pu aller aussi loin, dont Loog lui-mĂȘme
 dĂ©clara-t-il en regardant Ă  nouveau la fresque des « Braves ». Ils Ă©taient tous des bĂątards aprĂšs tout, sauf Amaury Gloucester, Gylfe Gautier et Eudoxie Goneril, ainsi que Pan mais, Amaury Ă©tait complĂštement muet, Gylfe sreng, Eudoxie bien plus almyroise que fodlan Ă  ce moment-lĂ  et on peine Ă  discerner les origines de Pan. Les « opinions » de l’Église Occidentale et des seigneurs qui la soutiennent sont dangereuses, et ne reprĂ©sentent que des flĂ©aux Ă  Ă©radiquer, les condamna-t-il fermement, Lambert le revoyant signer sans hĂ©siter les arrĂȘts de mort les visant.
– Je sais, et je n’ai jamais voulu encouragĂ© de telles choses ! Chacun est libre de penser ce qu’il veut tant qu’il ne fait pas de mal aux autres mais, je ne voulais pas non plus brider mon propre peuple ! Je ne pensais pas que cela permettrait Ă  l’Église Occidentale de prendre autant d’importance ! D’accord, la fratrie Charon m’avait dit que c’était une loi qui pouvait provoquer des dĂ©rives dangereuses, les jumeaux aussi, mais c’est dans leurs habitudes de s’inquiĂ©ter trop pour ça ! C’est comme avec Duscur ! Le but Ă©tait de rĂ©tablir la paix entre nos deux peuples, pas provoquer encore plus de tensions ! S’exclama-t-il, sa voix rĂ©sonnant en Ă©cho dans toute l’église tellement il parlait fort.
– J’en suis conscient. Tu ne penses pas Ă  mal, pratiquement jamais mĂȘme, et c’est ce qui rend ton cas plus difficile. Tu ne veux jamais faire le mal mais, tu blesses aussi les autres autour de toi en refusant de les Ă©couter et en en faisait qu’à ta tĂȘte. Tu tiens aux autres mais, tu as aussi un cĂŽtĂ© destructeur sur lequel tu n’as pas l’air d’avoir tentĂ© de travailler, mĂȘme si cela fait le mal autour de toi. Qu’importe tes attentions au dĂ©part, mĂȘme si elles sont nobles, l’important est ce que tu as rĂ©ellement fait au final et ce que cela a provoquĂ©, soit bien trop de souffrance derniĂšrement, au point que tu es devenu le roi dont voudrait l’Église Occidentale et le Sud le plus fanatique du Royaume car, ils profitent de ton envie d’aider tout le monde de la mĂȘme maniĂšre, le tout en usant toutes les personnes qui tiennent rĂ©ellement Ă  toi sans jamais les Ă©couter une seule seconde car, cela signifierait que tu dois faire des choix plus difficiles que seulement aider tout le monde sans distinction

– Qu’est-ce que tu en sais ?!
Lambert le coupa d’un coup, regardant son pĂšre dans les yeux, faisant cliqueter ses chaines qui le retenaient avec ses mouvements brusques, se fichant Ă©perdument que les gardes ou les moines l’entendent. Il Ă©tait dĂ©jĂ  condamnĂ© de toute façon alors, autant craquer et lui dire tout ce qu’il pensait de son pĂšre depuis des annĂ©es ! MĂȘme s’il se mentait souvent Ă  lui-mĂȘme au sujet de sa capacitĂ© Ă  aimer, en se cachant derriĂšre une histoire rassurante que mĂȘme un homme comme lui pouvait aimer ses enfants, il fallait qu’il regarde la vĂ©ritĂ© en face ! Ils s’étaient dĂ©jĂ  quittĂ©s sur une dispute Ă  la mort de Ludovic de toute façon, son pĂšre lui crachant de nouveau au visage tout ce qu’il pensait de son incompĂ©tence sans vraiment l’aider ! Une dispute de plus ne la ruinerait pas plus qu’elle ne l’était dĂ©jà !
– Qu’est-ce que tu en sais ?! Tu t’es toujours battu contre des personnes que tu hais, que ce soit Clovis, ses sous-fifres ou l’Église Occidentale ! Ce n’est pas compliquĂ© de s’en prendre Ă  des gens qu’on haĂŻt ! Surtout pour toi qui n’aimes personne ! La seule personne que tu aimais, c’était Guillaume sinon, ton cƓur est en glace ! Tu es froid, insensible, distant, inexpressif et calculateur ! Tu ne penses qu’à ce qui avance tes plans et rien d’autre ! Les seules personnes que tu supportes sont celles qui pensent comme toi ou presque ! Je ne suis pas comme toi ! Je ne le serais jamais ! Moi, je veux travailler avec tout le monde pour qu’on avance ! Pas mettre des gens qui ne me plaisent pas de cĂŽtĂ© car juste, je ne peux pas les encadrer ! Ne vient pas me faire la morale sur le fait que je n’écoute personne alors que toi, tu faisais couper la tĂȘte de tes opposants ou de leurs soutiens ! Comme Clovis, plusieurs des GalatĂ©a, des seigneurs du sud et mĂȘme la famille de ta propre femme ! ça n’aurait pas entachĂ© ta rĂ©putation de tuer la mĂšre de tes enfants, tu l’aurais dĂ©capitĂ©e comme tous les autres !
– Je ne suis pas aussi insensible que tu sembles le croire. Oui, je ne montre pas mes Ă©motions, autant parce que je suis fait ainsi que pour survivre mais, cela ne veut pas dire que je n’en ai pas. Je prĂ©fĂšre laisser mes actes parlĂ©s Ă  la place de mon visage et de mes mots. Certes, je ne travaille pas avec tout le monde. Certes, j’ai Ă©cartĂ© Ă©normĂ©ment de personnes du pouvoir mais, c’était principalement des personnes liĂ©es au pouvoir de Clovis et de bien d’autres de nos prĂ©dĂ©cesseurs dignes des empereurs d’Adrestia. Je refuse de donner une once de considĂ©ration Ă  des ĂȘtres que je considĂšre dangereux car, je sais que quand ils auront un premier pouce, ils feront tout pour obtenir tout le bras au dĂ©triment des autres. La TolĂ©rance ne tolĂšre pas l’IntolĂ©rance. Cela ne m’a pas empĂȘcher d’inclure des personnes venant du sud dans mon gouvernement, notamment des roturiers. Et c’est exact, j’ai coupĂ© la tĂȘte de Clovis avant que ses alliĂ©s ne le libĂšrent ou qu’il commence Ă  comploter. Pour les GalatĂ©a, oui, l’un d’entre eux a fini pendu au bout d’une corde
 aprĂšs avoir Ă©tĂ© pris un poignard Ă  la main dans la chambre des deux louveteaux de Fraldarius afin de tuer la descendance de Guillaume, ce qui a Ă©videmment eu des consĂ©quences. Guillaume et AliĂ©nor n’auraient jamais laissĂ© un tueur d’enfant en libertĂ©, mĂȘme s’il a ratĂ© son coup, encore moins quand ils s’en prenaient Ă  leurs petits Ă  eux. Pour les seigneurs du sud, c’était pour la plupart des opportunistes tentant de profiter du chaos instaurĂ© par Clovis pour prendre plus de pouvoir, ainsi que du vide politique pour aider l’Église Occidentale Ă  commettre ses excĂšs. Quant Ă  Alcidie, sa famille et elle Ă©taient les plus proches soutiens de Clovis, ils se rĂȘvaient Ă  la place des Fraldarius sans toutes les responsabilitĂ©s qu’incombent leur position, ne pensant qu’aux privilĂšges qu’ils pourraient obtenir. Alcidie a failli te tuer par nĂ©gligence le jour mĂȘme de ta naissance, et elle a dĂ©jĂ  menacĂ© Rufus d’un couteau pour le faire taire car, il pleurait trop fort Ă  son gout en disant que si tu n’étais pas son assurance pour rester reine auprĂšs de Clovis, elle t’aurait dĂ©jĂ  tuĂ© car, tu l’empĂȘchais de dormir, tout ça parce que tu Ă©tais un bĂ©bĂ© qui avais besoin de soin et avais peur du noir. Ce n’était clairement pas une bonne personne, et elle a Ă©tĂ© la premiĂšre personne ravie par le divorce, elle a pu aller tuer des gens Ă  sa guise sans devoir s’encombrer de vous. Dans ces conditions, hors de question qu’elle vous approche et vous fasse du mal. Je pense au Royaume avant tout, mais je veux aussi vous protĂ©ger, mĂȘme si je dois vous protĂ©ger de la soif de sang de votre propre mĂšre. Je tiens Ă  vous deux, quoi que vous puissiez en penser en vous fiant seulement Ă  mon visage. Cela m’a surement souvent perdu, mais je ne peux laisser mon affection prendre le dessus sur mon sens du devoir. La survie du Royaume et sa stabilitĂ© sont bien trop importantes.
Il eut un long silence, Lambert s’enfermant Ă  l’intĂ©rieur avant de dĂ©clarer, le regard lourd de reproche.
– C’est vrai, le Royaume est plus important que tout pour toi, pour un roi
 je lui ai aussi fait beaucoup de mal sans le vouloir mais, si tu dis qu’il faut toujours le faire passer avant toute chose, tu n’es pas non plus capable de voir quelles Ă©taient mes intentions
 ni que j’ai fait de mon mieux
 comme une grande partie des faerghiens
 mais c’est pour ça que ton cƓur est froid
 tu ne penses qu’à ça et rien d’autre n’a d’importance Ă  tes yeux
 tu penses toujours comme un roi, jamais comme un ĂȘtre humain  »
Sur ses mots, le roi dĂ©chu se releva, disant Ă  ses gardes qu’il en avait fini ici et avec Ludovic, partant sans jeter un seul regard Ă  son pĂšre, mĂȘme s’il sentait le sien sur lui, rejoint par un autre quand Lambert allait passer la grande porte soigneusement sculptĂ©e mais, il l’ignora, devinant qu’il s’agissait du moine de tout Ă  l’heure.
L’homme du passĂ© ne put s’empĂȘcher de soupirer, déçu de ce qu’était devenu son fils et mortifiĂ© par la conclusion de cette conversation, avant de demander.
« Cela répond-t-il à tes questions ?
– Oui, merci
 mĂȘme si je m’excuse de vous avoir entrainĂ© dans cette mascarade Ă  cause de ma propre lĂąchetĂ©.
Rodrigue sortit de l’alcĂŽve, tombant sa capuche. MĂȘme cachĂ© au loin, son audition plus forte que la moyenne lui avait permis de suivre toute la conversation. Il avait voulu voir ce qu’était devenu Lambert, si ces derniĂšres Ă©preuves l’avaient enfin ramenĂ© Ă  la rĂ©alitĂ©, entendre sa dĂ©fense contre les reproches qu’auraient pu lui faire en face mais, l’homme n’y arrivait pas, ayant encore l’image de son ancien ami le poignardant encore et encore avec le sourire sans se rendre compte du mal qu’il lui faisait, la peine et la peur le paralysant Ă  nouveau
 il avait voulu le revoir ainsi, cachĂ© et de maniĂšre informelle pour ne pas risquer que la terreur ne le fige de nouveau sur place, comme lors de leur derniĂšre conversation avant Duscur au sujet de Dimitri

– Ce n’est rien, c’est aussi une discussion que je voulais avoir avec Lambert, lui assura Ludovic en se tournant vers lui, son visage toujours aussi figĂ© mais, Rodrigue arrivait Ă  voir toute sa peine et sa dĂ©ception. Dans tous les cas, j’ai mes rĂ©ponses dĂ©finitives Ă  mes derniers doutes
 il le regarda alors dans les yeux, lui redemandant encore. Et toi ? Quel est ta conclusion ?
– Que j’ai aussi les miennes
 il fit glisser ses doigts sur la marque autour de son cou avant de serrer son chapelet, cherchant du courage Ă  l’intĂ©rieur avant d’enfin annoncer. J’accepte. »
*
« Bordel ?! Qu’est-ce qu’ils peuvent encore nous vouloir ?!
Trois jours aprĂšs sa conversation avec leur pĂšre, Lambert entendait Ă  peine Rufus enrager, frappant Ă  la porte pour tenter d’obtenir une rĂ©ponse Ă  toutes ses questions, mĂȘme si cela faisait des jours qu’ils ne s’étaient pas vus tous les deux
 depuis leur procĂšs mĂȘme
 ils attendaient toujours le verdict, mĂȘme si le roi dĂ©chu ne se faisait guĂšre d’illusion dessus
 Ă  part lorsqu’il avait parlĂ© avec Ludovic, personne ne leur disait jamais rien

« Je me demande s’ils me diraient si Rodrigue avait Ă©tĂ© retrouvé  s’il est enfin revenu  »
Il n’essaya mĂȘme pas de poser la question, seul le silence lui rĂ©pondait toujours depuis qu’il Ă©tait enfermĂ© ici, Ă  part quand le pĂšre avait demandĂ© du papier pour Ă©crire Ă  Dimitri
 enfin, si les deux frĂšres avaient Ă©tĂ© mis ensemble aprĂšs des semaines de sĂ©paration, ça ne devait pas ĂȘtre n’importe qui

– C’est pas vrai ! Ce sale chien de Ludovic veut nous humilier jusqu’au bout ! Rufus se tourna vers lui, furieux. Il faut qu’on te sorte d’ici et qu’on aille droit vers le sud ! J’ai des alliĂ©s lĂ -bas, des seigneurs vraiment fidĂšles Ă  ton nom nous attendent ! Certains de leurs hommes sont ici ! Ils nous aideront ! Si nous arrivons Ă  les rejoindre

– Non
 l’arrĂȘta-t-il tout de suite, ne se faisant plus aucune illusion sur leur situation, en particulier aprĂšs sa discussion avec Ludovic dans l’église palatiale. Le sud est trĂšs divisĂ©, et il ne fera jamais le poids contre tout le nord alliĂ©, surtout si Gautier dĂ©cide de se rallier aux rĂ©volutionnaires et si le domaine royal ne se soulĂšve pas, ce qu’il aurait largement eu le temps de faire depuis le temps qu’on est enfermĂ© ici
 et le sud n’est pas venu nous aider non plus

– C’est parce qu’ils t’attendent pour s’unir ! RĂ©torqua-t-il en s’approchant de lui, dĂ©laissant la porte pour braquer son regard sur son petit frĂšre. Ils ont besoin de quelqu’un pour les unir contre les Ă©meutiers et les traitres Ă  la couronne ! Comme Loog a uni toutes les colĂšres contre l’Empire et l’Empereur Otton l’Apathique ! Tu es le roi ! Le trĂŽne te revient ! Tu ne vas

– Sauf qu’ici, c’est moi Otton l’Apathique pour tout Fhirdiad ! Je n’ai rien Ă  voir avec Loog ! Le coupa-t-il d’un coup, trop conscient de la rĂ©alitĂ© aprĂšs tout ce qui s’était passĂ©. Qu’est-ce que j’ai fait de mon rĂšgne ? Oui, j’ai enfin enrayĂ© la peste mais, c’était un des projets de notre pĂšre avec l’aide de la vraie CornĂ©lia, et la peste a quand mĂȘme eu le temps de tuer HĂ©lĂ©na Ă  cause de moi ! Je me serais aperçu plus tĂŽt qu’elle Ă©tait aussi fatiguĂ©e et mal par ma faute, j’aurais tout fait pour qu’elle puisse se reposer ! Au moins un peu ! Pas la pousser dans les bras de la faucheuse ! J’ai arrĂȘtĂ© l’invasion des rois sans yeux mais, sans Rodrigue, je serais mort Ă  cause de mon imprudence et il a failli y rester par ma faute quand il est venu me sauver ! Puis j’ai mis le Royaume en danger car, j’ai Ă©pousĂ© une ancienne concubine de l’empereur sans penser aux consĂ©quences, son frĂšre a Ă©tĂ© Ă  deux doigts de tuer le fils de mon meilleur ami et on aurait surement eu des berserkirs avant si FĂ©lix Ă©tait mort ! Je n'ai rien Ă©coutĂ©, rien ni personne Ă  part CornĂ©lia, qui s’est rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre une magicienne malĂ©fique, Anselma qui n’a fait qu’imposer ses caprices, et toi en faisant du mal aux jumeaux et Ă  tout le monde, et ça nous a conduit Ă  Duscur oĂč tout le monde est mort ! Et maintenant, le Royaume est en lambeaux, Gautier fait sĂ©cession, mes amis d’enfance courent partout comme des loups, leur petit survivant doit ĂȘtre au plus mal, et c’est la rĂ©volution avec notre pĂšre revenu du passĂ© pour remettre de l’ordre dans le bordel que j’ai moi-mĂȘme mis dans le Royaume de nos ancĂȘtres ! Je n’ai rien d’un Loog ! J’ai fait de mon mieux, personne n’arrive Ă  le comprendre et Ă  le voir mais, regarde le rĂ©sultat ! C’est mĂȘme l’Église Occidentale qui veut me faire Ă©vader maintenant ! L’Église Occidentale ! Et tu voudrais qu’en plus, je rejoigne les seigneurs du sud pour tenter de reprendre le pouvoir par la force ? Non
 hors de question qu’encore plus de faerghiens meurent par ma faute ! J’ai dĂ©jĂ  assez de sang sur les mains !
– Mais alors quoi ?! Tu ne vas pas rester ici Ă  attendre ! Cela ne te ressemble pas de rester les bras croisĂ©s sans agir ! Ludovic a dĂ©capitĂ© lui-mĂȘme son propre pĂšre en place publique ! Il n’hĂ©sitera pas une seule seconde Ă  te faire subir la mĂȘme chose ! Il t’a enchainĂ© avec les mĂȘmes chaines que celles qu’il a mises Ă  son propre pĂšre ! Pense Ă  Dimitri ! Tu ne peux pas le laisser tout seul avec juste les Charon ! Qui sait ce qu’ils pourraient lui faire ?! Ce que Ludovic pourrait lui faire ! Il faut

Lambert le fit taire en se levant, posant les mains sur ses Ă©paules.
– ArrĂȘte de cracher sur notre pĂšre Rufus. Je t’en prie
 juste
 arrĂȘte. Cela ne rĂ©soudra rien
 je sais
 je sais que Ludovic n’aime personne
 son cƓur est froid comme la glace
 la seule personne qu’il devait aimer, c’était Guillaume mais, il n’est pas lĂ , et les jumeaux non plus alors que la ressemblance aurait pu le pousser Ă  les Ă©couter
 mais pour la rĂ©volution, ce n’est pas lui
 c’est seulement moi
 c’est moi qui aie provoquĂ© tout ça en rĂ©gnant en ayant un cƓur Ă  sa diffĂ©rence
 mĂȘme si les gens ne comprennent pas que j’ai tout fait avec les meilleurs intentions du monde, il faut se rendre Ă  l’évidence : c’est moi qui ait provoquĂ© toutes ces catastrophes
 Dimitri ira bien, je le sais. Les Charon prendront soin de lui comme le fils d’HĂ©lĂ©na, et mĂȘme si j’aurais aimĂ© le revoir, je prĂ©fĂšre qu’il soit en sĂ©curitĂ© avec eux plutĂŽt que risquer de le mettre Ă  nouveau en danger
 je lui ait fait suffisamment de mal comme ça
 je vais ĂȘtre juger pour mes actions, je le sais
 il prit son frĂšre contre lui, se sachant surveiller mais ainsi, Ă  mi-voix, il ne pourrait jamais les entendre. Je sais que je pourrais ĂȘtre dĂ©capitĂ© pour tyrannie, et je l’ai acceptĂ©. Je ne compte pas m’enfuir et causer encore plus de mort. Par contre, toi, il faut que tu t’enfuies.
– Quoi ?! Mais qu’est-ce que tu racontes ?! Hors de question que je t’abandonne Ă  la mort ! Je ne vais pas les laisser dĂ©capiter mon petit frĂšre dans ce trou Ă  rat ! Jamais !
– Et moi, je refuse qu’il dĂ©capite mon grand frĂšre ! Le coupa-t-il encore en serrant ses mains sur ses Ă©paules. Tu as coupable des mĂȘmes crimes que moi ! Tu as mĂȘmes renouĂ© avec les horreurs de Clovis le Sanglant ! Tu as rĂ©gnĂ© comme lui ! Et mĂȘme si tu mĂ©rites d’ĂȘtre puni pour tes crimes autant que moi, je suis incapable de te laisser Ă  la mort comme ça ! Mes chaines sont trop solides pour que je les brise, c’est un alliage magique quasi indestructible mais, les tiennes sont en fer ordinaire, je pourrais les casser sans problĂšme ! Je vais juste abimer suffisamment le verrou pour que mĂȘme toi puisse les casser, puis tu fuiras Ă  la premiĂšre occasion ! HĂ©lĂ©na n’approuverait surement pas mais, je refuse de perdre mon grand frĂšre ! J’ai dĂ©jĂ  perdu les jumeaux, HĂ©lĂ©na et Patricia, et je ne reverrais surement plus jamais Dimitri ! Je refuse de te perdre aussi ! MĂȘme si ça veut dire laisser un tyran courir, tu es trop important pour moi !
Rufus se figea, s’éloignant de son petit frĂšre pour le regarder dans les yeux. Non
 non, non
 il ne pouvait pas abandonner
 Lambert ne pouvait pas accepter son sort
 ça devait ĂȘtre ses blessures qui le rendaient dĂ©faitiste comme ça
 il ne pouvait pas
 mais il Ă©tait aussi tĂȘtu
 parti comme c’était parti, mĂȘme lui ne pourrait jamais lui faire changer d’avis
 alors
 alors

– 
 
 
 bien
 finit-il par dire Ă  contre-cƓur. Mais sache que je reviendrais pour te libĂ©rer avec les seigneurs du sud. Je ne t’abandonnerais jamais entre les mains de ce dĂ©mon de Ludovic ou des Ă©meutiers. Je ne te laisserais jamais, tu es bien trop important pour moi aussi
 depuis toujours
 tu es mon petit frĂšre et je t’aime
 je ne t’abandonnerais jamais
 je reviendrais et je te retrouvais avec Dimitri
 je te le promets

– J’espùre surtout que tu reviendras de cette folie

MalgrĂ© l’apprĂ©hension aprĂšs ces derniĂšres paroles, Lambert fragilisa les chaines de son frĂšre, profitant d’une nouvelle Ă©treinte pour briser celles de ses poignets, et appuyant suffisamment avec son pied sur celles de ses chevilles pour pratiquement les arracher, assez pour qu’il puisse les briser au moindre geste brusque, priant pour que Rufus accepte de seulement fuir pour ensuite vivre sa vie loin de tout ceci
 le roi dĂ©chu avait acceptĂ© son sort, savait que seul le glaive du bourreau l’attendait pour ses crimes
 est-ce que Ludovic le manierait comme pour Clovis ? Il semblait si faible mais, ce n’était pas le genre de tĂąche quïżœïżœïżœil laissait Ă  d’autres dans des circonstances pareilles
 ou alors le prochain roi ou un membre du gouvernement rĂ©volutionnaire ? Le nouveau dĂ©capitant l’ancien pour ensuite crier « le roi est mort, vive le roi » comme lors de la mort de Clovis
 ce serait approprié 
« J’aurais juste voulu te revoir une derniĂšre fois Dimitri
 mon fils
 je suis dĂ©solé  mais au moins, je sais qu’ils prendront soin de toi  »
Les portes finirent par grincer, le nouveau chef de la garde palatiale leur aboyant de les suivre en silence. Lambert obĂ©it placidement, pendant que Rufus finit par se rĂ©signer malgrĂ© tout. Il fallait donner le change, trouver la bonne occasion pour trouver ses alliĂ©s, leur donner le signal et filer mais, aucun de ses hommes ne semblaient l’attendre, alors qu’on les emmenait Ă  pied jusqu’à l’hĂŽtel de ville, entourĂ© de garde et sous les injures de la foule.
« Tyrans ! »
« Ordure ! »
« Duscur, c’est ta faute ! »
« Roi sans yeux ! »
« T’as envoyĂ© mes enfants Ă  la mort ! »
« Roi Hresvelg ! »
« Affameurs ! »
« Empereurs ! »
« Otton ! »
« Fils de Clovis ! »
« Ma femme est morte pendue pour avoir tenté de nous nourrir ! »
« Honte de votre pÚre ! »
« À mort ! »
« Oui ! À mort ! »
« Morts aux tyrans ! »
MĂȘme s’il restait droit, Lambert ne pouvait s’empĂȘcher de baisser la tĂȘte, autant pour Ă©viter de se prendre une flĂšche ou un projectile que par honte. C’était donc ainsi que le voyait son peuple
 comme un tyran tuant son propre peuple
 un aussi mauvais roi qu’un Hresvelg
 mĂȘme s’il s’en Ă©tait bien rendu compte lorsqu’il avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© mais, ça faisait toujours mal de se faire insulter ainsi

« Je n’ai jamais rien voulu de tout ceci  »
Rufus quant Ă  lui cherchait toujours un moyen de s’en sortir, repĂ©rant un pont qui pourrait servir Ă  des complices pour les rĂ©cupĂ©rer mais rien
 rien du tout

Ils finirent par arriver devant l’hĂŽtel de ville, oĂč les attendaient Gustave et le peu d’homme qui Ă©taient restĂ©s fidĂšles aux Blaiddyd, faisant face au grand escalier oĂč se trouvait un reprĂ©sentant du gouvernement, rĂ©clamant le silence alors qu’on forçait la faction du roi dĂ©chu Ă  mettre un genou en terre. Rufus vit Ludovic, assis au sommet des escaliers avec Areadbhar Ă  ses cĂŽtĂ©s, mĂȘme pas habillĂ© comme le roi qu’il Ă©tait, en simple chemise et chausses blanche et bleu roi mais, ce n’était pas Ă©tonnant de sa part, observateur distant comme il l’avait Ă©tĂ© pendant le procĂšs de ses fils, toujours aussi impassible alors que le hĂ©raut annonçait Ă  la ville les derniĂšres dĂ©cisions ineptes des Ă©meutiers. DĂ©esse
 il ne devrait pas filer pour libĂ©rer son frĂšre, Rufus se serait dĂ©jĂ  jetĂ© sur lui afin d’en finir enfin avec ce monstre au cƓur de glace ! Ludovic Ă©tait faible et malade, mĂȘme lui pourrait le vaincre sans Areadbhar pour lui prĂȘter main forte ! Que son visage se dĂ©fige enfin devant lui pour une fois dans sa vie !
« Citoyens de Fhirdiad ! Il est temps de vous présenter ceux qui dirigeront notre ville à présent, ainsi que les seigneurs qui ont juré conserver de faire nation avec notre ville et tout Faerghus ! Le roi temporaire annoncera également le chùtiment du roi déchu, son tyran de frÚre et leurs soutiens !
L’homme Ă  la voix forte commença alors une longue Ă©numĂ©ration oĂč Rufus bouillait, cherchant toujours un moyen de s’échapper et ses soutiens quand il se figea en voyant les seigneurs du sud se tenir parmi ceux ayant jurĂ© allĂ©geance Ă  la ville
 mĂȘme les Ă©missaires de Rowe et Mateus se tenaient sagement au bas de cet escalier ! Acceptait d’ĂȘtre plus bas que cette bande de gueux se prĂ©tendant souverain de la plus grande ville de Faerghus ! C’était pas possible ! Cela devait ĂȘtre une manƓuvre pour tromper leur vigilance ! Ce n’était pas possible autrement !
De son cĂŽtĂ©, Lambert ne releva pas la tĂȘte, regardant le sol Ă  part quand on annonça que la sororie Charon aurait la garde de Dimitri jusqu’à sa majoritĂ©, et qu’il serait le seigneur du fief de Fhirdiad quand il serait grand, arrivant mĂȘme Ă  sourire un peu. Bien
 c’était tout ce qu’il voulait
 Dimitri serait en sĂ©curitĂ© avec ses tantes, et son avenir serait assurĂ© en tant que seigneur du domaine r
 du fief des Blaiddyd
 c’était le principal

« C’est Ă©trange
 ils n’ont pas parlĂ© de Fraldarius
 Rodrigue et Alix doivent encore ĂȘtre sous leur forme de loup
 LorĂ©a ne doit pas vouloir s’avancer sans leur accord
 aprĂšs tout, cela reste une trahison de la famille royale et si on reprend un jour le pouvoir pour je ne sais quelle raison, c’est la tĂȘte coupĂ©e pour tous les adultes de la famille
 c’est trop dangereux
 et les jumeaux ne voudraient jamais me  »
Lambert chassa son cauchemar de sa tĂȘte, se rappelant que ce n’était qu’un cauchemar, que les jumeaux n’étaient pas dans leur Ă©tat normal la derniĂšre fois qu’il les avait vus, que ce n’était pas lui qu leur avait volĂ© leurs lettres
 non
 c’était impossible qu’ils le haĂŻssent au point de le
 et de toute façon, c’était des loups Ă  prĂ©sent, ils devaient courir aprĂšs l’odeur de FĂ©lix et celle des liĂšvres dans tout le nord, ils ne pouvaient rien faire

– Quant Ă  notre roi, finit par annoncer le hĂ©raut alors que la nuit tombait, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© qu’à l’instar du roi Loog le Lion et de sa fille Sophie la Sage, il serait Ă©lu par l’ensemble du peuple de Faerghus, en suivant la procĂ©dure Ă©tablie par le roi Ludovic le Prudent, procĂ©dure qui nous a Ă©tĂ© transmis dans son testament rĂ©cemment retrouvé ! En attendant de pouvoir organiser l’élection, suite Ă  l’ovation populaire et leurs nombreux actes pour le Saint-Royaume de Faerghus, la rĂ©gence sera confiĂ©e aux protĂ©gĂ©s de la DĂ©esse et de l’ÉpĂ©iste de l’Onde, Rodrigue Achille et Alix PersĂ©e Fraldarius ! Duc de Fraldarius et loups de cendre de Sothis elle-mĂȘme !
Sous le choc de cette annonce, le roi dĂ©chu releva d’un coup la tĂȘte, incapable de le croire sans le voir par lui-mĂȘme. Non ! Impossible ! Rodrigue ne le trahirait jamais ! Pas lui ! Alix peut-ĂȘtre mais pas lui ! Pas Rodrigue ! Et ils Ă©taient tous les deux encore en loup ! Ils lui auraient dit sinon ! On lui aurait dit ! ça ne pouvait pas ĂȘtre

Cependant, Ă  cette annonce, les vrais jumeaux sortirent de l’hĂŽtel de ville, leurs boucles noires couronnĂ©s des premiers rayons de lune, tous deux drapĂ©s de blanc et de sarcelle claire, une fourrure couleur de nuit sur les Ă©paules. Leur visage Ă©tait impassible comme celui de Ludovic mais aussi ouvert et sĂ©rieux, regardant droit devant eux, embrassant toute la foule des yeux d’un air protecteur et rassurant
 comme toujours, pour les diffĂ©rencier, les cheveux de l’ainĂ© Ă©taient lĂąchĂ©s et son habit plus proche du bleu, Aegis Ă  son bras, pendant que ceux du cadet Ă©taient nouĂ©s Ă  l’arriĂšre de son crĂąne, la sarcelle tirant plus vers le vert, l’épĂ©e de Moralta Ă  la ceinture
 la seule familiaritĂ© aux yeux de Lambert alors qu’il avait l’impression de voir deux Ă©trangers

Rodrigue semblait sortir de son cauchemar 
 Ă  part son amusement cruel, il Ă©tait tel qu’il l’avait vu Ă  l’intĂ©rieur mais, il n’était plus seulement le roi de la forĂȘt
 non
 il Ă©tait
 il venait de devenir
 lui et Alix
 non
 ce n’était pas possible
 ils ne pouvaient pas le

Alors s’approcha l’émissaire des Dominic, leur apportant des gants qu’ils enfilĂšrent aprĂšs un salut respectueux, suivi par une prĂȘtresse qui devait s’occuper d’une petite chapelle Ă  son habit qui agrafa la cape sous leur fourrure avec une grande fibule aux armes de Faerghus, et enfin, une ancienne servante de Patricia et le jeune homme qui avait envoyĂ© Areadbhar Ă  Ludovic pendant l’affrontement contre « CornĂ©lia » s’avancĂšrent, chacun tenant un grand anneau d’argent dans leurs mains. Ils demandĂšrent alors aux jumeaux :
« Jurez-vous de servir le peuple de Faerghus ? De n’avoir Ă  cƓur que ses intĂ©rĂȘts et ses intĂ©rĂȘts seuls ? Jurez-vous de protĂ©ger le peuple en ses temps difficiles et d’assurer la paix entre tous les citoyens ainsi qu’avec nos voisins ?
– Nous le jurons, rĂ©pondirent-ils solennellement avant d’ajouter d’une mĂȘme voix. Et nous jurons de rendre le pouvoir au Royaume une fois que l’élection du vrai nouveau roi aura eu lieu. »
Sur ses mots, ils s’inclinĂšrent profondĂ©ment devant les deux roturiers, qui posĂšrent l’anneau sur leur tĂȘte, avant de s’incliner Ă  leur tour devant eux et de se retirer, laissant les deux frĂšres se relever alors que tout Fhirdiad les acclamait, hurlait leurs noms encore plus fort que tous les autres, assez pour que mĂȘme la DĂ©esse les entende, inondant la place de vƓux de long rĂšgne et de prospĂ©ritĂ© malgrĂ© le fait que leur rĂšgne soit annoncĂ© comme temporaire

MalgrĂ© sa simplicitĂ©, la couronne pesait lourd sur leurs Ă©paules mais, les jumeaux ne vacillĂšrent pas, gardant la tĂȘte haute avec dignitĂ©. Ils avaient Ă©tĂ© acceptĂ©s Ă  l’unanimitĂ© par le gouvernement rĂ©volutionnaire, et avec une telle ovation lors de leur annonce, leur lĂ©gitimitĂ© Ă  Fhirdiad Ă©tait assurĂ©e, mĂȘme s’ils devraient faire le tour des intendants du domaine royale afin d’imposer leur pouvoir, tout en remplaçant les derniers fidĂšles, les corrompus et les incompĂ©tents par leurs propres hommes de confiance ou ceux des Charon avec leurs aides, s’assurer que le Sud restait fidĂšle, rĂ©gulariser la situation en Kleiman en accord avec Duscur
 sans parler des vellĂ©itĂ©s de guerre et de vengeance des seigneurs occidentaux Ă  Ă©teindre, d’apaiser les tensions internes au Royaume, faire la lumiĂšre sur la TragĂ©die et tenter de sauver ce qu’ils pouvaient sauver de leurs relations avec Duscur
 les jumeaux ne pouvaient pas se permettre de cĂ©der maintenant

Pourtant, mĂȘme si la tĂąche Ă©tait immense, se savoir plus libre dans leurs dĂ©cisions, de ne pas toujours devoir composer avec les caprices d’un inconscient et passer derriĂšre lui pour rĂ©parer ses erreurs, tout en retournant dĂšs qu’ils le voulaient Ă  Egua auprĂšs de FĂ©lix les soulageait d’un poids
 ils ne courberaient plus jamais l’échine devant qui que ce soit qui n’était pas digne de leur obĂ©issance, plus aucun collier ni laisse ne les Ă©tranglera jamais plus
 seul la marque de leur transformation entourerait leur cou Ă  prĂ©sent.
Enfin, avant tout ceci, ils devaient régler une derniÚre chose

Baissant les yeux, ils virent Lambert et Rufus, genou en terre, les bras et les jambes couverts de fer Ă  leur tour
 c’était Ă©trange
 quelques jours auparavant, Rodrigue osait Ă  peine dire le nom de son ancien ami, se cachant sous sa fourrure, dĂ©vorĂ© par la peur mais, aprĂšs l’avoir entendu dans l’église palatiale, aprĂšs avoir complĂštement rĂ©alisĂ© quel homme Lambert Ă©tait vraiment, puis maintenant, aux cĂŽtĂ©s de son jumeau, devant l’hĂŽtel de ville de Fhirdiad, entourĂ© de tant d’alliĂ©s de confiance, galvanisĂ© par la foule et avec la responsabilitĂ© de protĂ©ger le Royaume sur ses Ă©paules, il ne tremblait plus. Il se tenait droit et fier face aux deux frĂšres, les regardant comme les tyrans qu’ils Ă©taient, attendant leur jugement
 Lambert les dĂ©visageait, incapable de comprendre ce qui se passait devant lui, Ă  la fois si diffĂ©rent et si semblable Ă  ce qu’il avait montrĂ© de lui dans l’église face Ă  Ludovic, pendant que Rufus bouillonnait de rage, ses yeux les poignardant encore et encore, rĂȘvant surement de les Ă©trangler avec ses propres chaines

« Cela change bien la donne quand c’est les autres qui tiennent votre propre laisse  »
Cependant, Rodrigue chassa toute de suite cette pensĂ©e sombre de sa tĂȘte. La vengeance ne lui apporterait rien. Le Royaume avait besoin de justice, pas d’encore plus d’égoĂŻsme et de colĂšre. Maintenant qu’il connaissait mieux le vrai visage de Lambert, il pouvait l’affronter sans trembler ou se figer. Le vieil ami qu’il pensait connaitre n’existait plus
 peut-ĂȘtre n’avait-il jamais existĂ© mais, il n'avait plus de temps Ă  perdre pour lui
 ni avec l’un ni avec l’autre.
« Lambert Egitte Blaiddyd-Hange, Rufus Adegrin Blaiddyd-Hange, commencĂšrent les jumeaux, parlant ensemble aprĂšs avoir rĂ©pĂ©tĂ© bien des fois ces mots. Vos crimes sont nombreux. Sous votre commandement, le Royaume a subit bien des troubles et des malheurs. Parmi vos crimes se trouvent la tyrannie, entrainer la mort de votre propre peuple, que ce soit en le mettant en danger volontairement, par nĂ©gligence ou en volant sa nourriture pour votre propre gain, provoquer l’instabilitĂ© du Royaume, ce qui a poussĂ© certains territoires Ă  faire sĂ©cession afin d’assurer la survie des leurs
 la liste est si longue que nous pourrions les lister toute la nuit sans jamais arriver au bout. De tels crimes ne mĂ©riteraient que la mort mais, les terres du Saint-Royaume sont dĂ©jĂ  bien assez imbibĂ©es de sang. En rĂ©pandre encore et encore ne rĂ©parera rien, ne ramĂšnera aucun mort, n’aidera personne Ă  faire leur deuil
 c’est pourquoi, en punition de vos actes, vous devrez Ă  prĂ©sent travailler pour le Royaume comme les plus petits scribes de tout Faerghus sous une nouvelle identitĂ©, gagnant votre pitance et le respect des autres par vos accomplissements, afin que vous puissiez rĂ©parer vos crimes par votre travail et votre dĂ©vouement au peuple faerghien. Tel sera votre chĂątiment, le vĂŽtre ainsi que celui de tous vos soutiens encore fidĂšles. Les temps changent, cette nouvelle Ăšre a dĂ©butĂ© avec les faerghiens s’entretuant pour se libĂ©rer du tyran, qu’elle continue dans l’apaisement et la reconstruction.
Lambert resta figĂ©, tout comme Rufus, sans voix. La sanction Ă©tait Ă  la fois douce et cruelle, surtout aprĂšs que le roi dĂ©chu se soit rĂ©signĂ© Ă  mourir. Elle Ă©pargnait leur vie mais, les deux frĂšres n’étaient plus rien Ă  prĂ©sent. Ils passaient de roi et de frĂšre de roi Ă  simples scribes, devant gagner leur pitance eux-mĂȘmes, devant apprendre Ă  tout faire par eux-mĂȘmes, sans que personne ne soit lĂ  pour les aider. À cĂŽtĂ©, peut-ĂȘtre que la mort Ă©tait plus facile
 La chute serait vertigineuse et les briserait peut-ĂȘtre mais, ils ne pouvaient pas se permettre d’ĂȘtre plus clĂ©ments en apparence, les deux frĂšres en avaient bien trop fait. Peut-ĂȘtre apprendraient-ils enfin, mĂȘme si les jumeaux ne se faisaient plus d’illusion Ă  ce sujet

Lambert tremblait, complĂštement incrĂ©dule devant une telle dĂ©cision, essayant vainement de parler. Rodrigue baissa les yeux, les posant dans les siens, s’attendant Ă  tout entendre. Que voulait-il dire ? Implorer leur pitié ? Tenter de leur rappeler leur ancienne amitiĂ© qu’il avait lui-mĂȘme fait brĂ»ler Ă  Duscur avec le sourire ? De les faire culpabiliser pour leur cruautĂ© de ne pas lui permettre de mourir maintenant et de vivre dans la honte ? D’aprĂšs les lettres de Sylvain, Lambert aurait tentĂ© d’utiliser ses sentiments contre lui afin de lui faire oublier ses devoirs envers son peuple, tentant de lui rappeler son amitiĂ© avec Dimitri en argumentant qu’il le connaissait et qu’il ne parlait pas au margrave mais, au jeune homme
 Il aurait mĂȘme tentĂ© d’utiliser le nom de FĂ©lix pour le pousser avouer comment rendre leur forme humaine aux berserkir
 avant le dĂ©but de la TragĂ©die de Duscur, ils n’auraient jamais pu l’imaginer capable d’une telle lĂąchetĂ© de sa part mais, Ă  prĂ©sent, cela ne les avait mĂȘme plus Ă©tonnĂ©s, juste de plus en plus déçus de leur ancien ami

Cependant, aprĂšs encore quelques hĂ©sitations, Lambert finit par baisser la tĂȘte et par demander Ă  mi-voix, Ă  peine audible.
– Puis-je au moins revoir mon fils une derniĂšre fois avant de partir ? C’est ma derniĂšre volontĂ© de condamné 
Les jumeaux Ă©changĂšrent un regard et leurs pensĂ©es. D’un cĂŽtĂ©, si toute la famille royale Ă©tait rĂ©unie au mĂȘme endroit, cela serait aisĂ© pour leurs soutiens de les faire Ă©vader tout en enlevant Dimitri, mĂȘme s’il Ă©tait encore en fauteuil roulant
 mais de l’autre, refuser Ă  un pĂšre de voir une derniĂšre fois son enfant serait vu comme trop cruel de leur part, surtout que Dimitri devait aussi vouloir retrouver son pĂšre Ă  tout prix. Ils avaient besoin d’un solide appui populaire contre la noblesse du sud, ils ne pouvaient se permettre de se mettre Ă  dos l’opinion populaire

Ils finirent par hocher la tĂȘte dans sa direction, dĂ©clarant simplement :
– AccordĂ©. Vous pourrez le retrouver avant votre dĂ©part.
Lambert inclina Ă©galement la tĂȘte, comme pour les remercier d’avoir acceptĂ©. Rufus semblait sur le point de leur sauter dessus, ivre de rage mais, avant qu’il n’ait pu hurler tout ce qu’ils pensaient de ces traitres, se dĂ©faire de ses chaines pour emmener son petit frĂšre au loin, la foule retient son souffle avant de s’exclamer, sans voix.
Sortant de la pointe d’Areadbhar, du givre se mit Ă  recouvrir tout l’hĂŽtel de ville, le recouvrant d’un voile scintillant sous la lune, comme si le Brave lui-mĂȘme l’avait recouvert de diamants gelĂ©s, pendant qu’Aegis brillait de milles Ă©clats sur le bras de Rodrigue, baignant les deux jumeaux de sa lumiĂšre, l’humiditĂ© s’accrochant Ă  leurs cheveux et Ă  leur couronne comme des joyaux liquides, vite rejoints par d’autres de glace.
En voyant ceci, Ludovic se leva difficilement, prenant appui sur leur Relique pour arriver Ă  se tenir droit, dĂ©clarant faiblement mais, le silence Ă©tait si total que toute la foule assemblĂ©e l’entendit.
– Le Flutiste des Glaces et l’ÉpĂ©iste de l’Onde ont parlĂ©. Ils acceptent les dĂ©cisions du nouveau gouvernement, ainsi que la nomination de Rodrigue et Alix Fraldarius, les couronnant eux-mĂȘmes, tout en condamnant les seuls et uniques traitres Ă  Faerghus.
Rufus enragea, se redressant d’un coup en hurlant :
– Évidemment ! Fraldarius est leur ancĂȘtre ! Évidemment qu’il veut que sa famille ait encore plus de pouvoir et nous domine tous ! Et Blaiddyd haĂŻt autant sa famille que toi ! Ils ne pensent jamais aux siens ! Toujours aux Ă©trangers !
– Le Flutiste des Glaces a pourtant soignĂ© son petit-fils Dimitri aprĂšs que son propre pĂšre ait failli provoquer la mort de son propre enfant, pansant patiemment ses blessures puis, a Ă©galement soigner Lambert malgrĂ© tout ce qu’il avait fait, ne le rejetant que quand il fut suffisamment guĂ©ri, lui rappela calmement Rodrigue, baignĂ© par la lumiĂšre de sa Relique, ne tombant pas dans le piĂšge de perdre son calme face Ă  Rufus, cela jouerait contre eux et il n’en valait pas la peine.
– De notre cĂŽtĂ©, nous n’avons jamais rien fait pour que notre AncĂȘtre nous retire sa confiance, ajouta Alix, tout aussi calme et posĂ© que son frĂšre. Nous avons toujours ƓuvrĂ© pour le bien de notre famille, certes, mais jamais sans oublier de faire passer les intĂ©rĂȘts supĂ©rieurs de la nation avant tout car, tel est le devoir des dirigeants. L’intĂ©rĂȘt du plus grand nombre passe avant tout intĂ©rĂȘt personnel, quelque qu’ils soient.
Un silence suivit d’applaudissements approbateurs rĂ©sonnĂšrent sur la place, avant que les gardes n’emmĂšnent dĂ©finitivement les deux frĂšres loin de la place sous bonne garde. En partant, Lambert lança un dernier regard derriĂšre lui, mais n’arriva pas Ă  voir une derniĂšre fois Rodrigue et Alix, la foule se refermant sur eux alors qu’ils les acclamaient de toutes ses forces.
Rufus gronda, voyant a mĂȘme chose que son frĂšre, bouillonnant de rage.
« Traitres
 traitres
 tous des traitres ! Le peuple prĂ©fĂšre encore ces traitres Ă  la Couronne au seul souverain lĂ©gitime ! Mais ce n’est qu’une question de temps ! Une fois sur le pont de tout Ă  l’heure, je pourrais sauter et surement retrouver nos alliĂ©s ! »
Cependant, quand ils le traversĂšrent, Rufus eut beau tirer de toutes ses forces sur ses chaines, impossible de les rompre ! C’était pas vrai ! Ils devraient pourtant ĂȘtre capable de les briser aprĂšs que Lambert les ait quasiment arrachĂ©es ! Comment

Ce n’est qu’à ce moment-lĂ  qu’il fit vĂ©ritablement attention Ă  ses chaines, dĂ©couvrant avec horreur l’épaisse couche de glace les recouvrant les maillons endommagĂ©s, les renforçant de nouveau.
Se croyant en plein cauchemar, Rufus se retourna, hurlant encore et encore, incapable de se contrĂŽler face Ă  cette nouvelle trahison, rĂȘvant de retourner sur la place, d’en finir avec cette mascarade grotesque ! Son frĂšre Ă©tait roi ! Roi ! C’était lui qu’on devrait acclamé ! Pas deux loups enragĂ©s et traitres !
« Blaiddyd ! Fraldarius ! Ludovic ! Rodrigue ! Alix ! Tous ! Soyez maudits ! Soyez tous maudits ! Tous autant que vous ĂȘtes ! Je ne me laisserais pas faire ! Mon frĂšre est le seul et unique roi de Faerghus ! Seul Lambert est roi de Faerghus ! Qu’importe ce que ces barbares de Braves en pensent ! Ludovic ! Je te tuerais ! Je te tuerais aprĂšs avoir Ă©trangler tes favoris devant toi ! La tuberculose ne t’emportera pas en enfer ! Je le ferais avant elle ! Soit maudit ! Que ton foutu devoir et ta lance maudite et toi bruliez en enfer ! Soyez tous maudit ! Et Rodrigue
 Rodrigue ! Toi aussi ! Toi aussi, je te tuerais ! Je te prendrais tout ce Ă  quoi tu tiens ! J’écorcherais vif ton cher louveteau que tu aimes tant, rouerais ton enragĂ© de jumeau, puis brĂ»lerais tout Fraldarius pour rĂ©duire Ă  nĂ©ant tout ce que toi et ta chĂšre famille avez accompli, puis je te tuerais ! TU M’ENTENDS ?! JE TE TUERAIS SALE TRAITRE ! JE VOUS TUERAIS TOUS JUSQU’AU DERNIER JUSQU’À CE QUE LE SANG DE FRALDARIUS SOIT COMPLÈTEMENT TARI JUSQU’À LA DERNIÈRE GOUTTE ! TA TRAHISON T’EMPORTERA TOI ET TA CHÈRE FAMILLE JUSQU’EN ENFER ! TU M’ENTENDS ???!!! RODRIGUE !!! »
MalgrĂ© sa haine, ses hurlements furent tous engloutit par les ovations de joie et les cris de fĂ©licitation de la foule, s’amassant autour des loups de cendre en priant pour que leur bĂ©nĂ©diction bĂ©nisse le Royaume, afin que la fĂ©licitĂ© revienne enfin. Personne Ă  part les garde et Lambert ne l’entendirent vomirent ces abominations sur les nouveaux souverains de Faerghus, couronnĂ©s par le peuple et les Braves, et personne ne prit ses paroles au sĂ©rieux.
« C’est fini Rufus
 songea son frĂšre en le voyant sur le point de se faire bĂąillonner, de nouveau impuissant et incapable de protĂ©ger une personne qu’il aimait. Nous avons perdu  »
« NON ! Hurla Rufus en se dĂ©battant. HORS DE QUESTION QU’ILS TRIOMPHENT TOUS AUTANT QU’ILS SONT ! VOUS NE M’ENFERMEREZ PLUS ! »
Arrivant Ă  se dĂ©faire de la poigne des gardes, Rufus utilisa toute l’énergie qui lui restait pour sauter du pont, se laissant emporter par le courant sous l’indignation des fidĂšles des traitres. Les flots le dĂ©chiraient, les rochers lui fracassaient les os mais, peu importait. Le plus important, c’était qu’il Ă©tait hors des griffes de son pĂšre, des Charon et des Fraldarius ! Une fois hors de Fhirdiad, il pourrait dĂ©truire la gangue de glace de Blaiddyd et ses chaines, puis le prince royal pourrait rĂ©unir ses alliĂ©s et partisans encore fidĂšles, rĂ©cupĂ©rer suffisamment de pouvoir pour marcher sur Fhirdiad, Ă©craser tous ces traitres, faire manger son propre enfant Ă  Rodrigue pour lui apprendre Ă  rester Ă  sa place, puis le tuerait Ă  son tour avec son jumeau, avant de renvoyer son pĂšre dans le passĂ© d’oĂč il venait en l’étripant enfin !
« Vous ne perdez rien pour attendre ! Je me vengerais ! Je nous vengerais tous ! Vous me le paierez ! Profitez du pouvoir pendant que vous le pouvez encore ! Je reviendrais avant que vous ne puissiez me voir arriver ! »
Il finit par Ă©chouer hors de Fhirdiad, la chaine dĂ©fensive servant a arrĂȘtĂ© les navires srengs, pas les corps
 en plus, il Ă©tait surement assez loin pour que l’épidĂ©mie rĂ©volutionnaire ne se soit pas propagĂ©e jusque-là

« Tu me le paieras Ludovic
 vous me le paierez Rodrigue et Alix
 je me vengerais
 je me vengerais
 je me vengerais ! »
Se redressant comme il put avec ses chaines, Rufus avança en gardant les nuages de fumĂ©e en vue, venant surement des cheminĂ©es d’un village voisin. LĂ -bas
 lĂ -bas, il trouverait surement de l’aide pour enlever ses chaines en disant qu’il avait Ă©tĂ© victime de la tyrannie des rĂ©volutionnaires et arrĂȘtĂ© injustement, n’ayant rĂ©ussi Ă  s’enfuir qu’in extremis grĂące Ă  son frĂšre
 les roturiers des villages comme ça Ă©taient naĂŻfs, ils devraient gober tout ce qu’il racontait sans se poser de questions

Cependant, quand le prince arriva, un des habitants le pointa du doigt, criant comme un possĂ©dĂ© alors qu’il reconnaissait une ancienne conquĂȘte travaillant comme servante au palais.
« Là ! C’est Rufus ! C’est lui qui a dĂ©cidĂ© que tous les contrebandiers devaient ĂȘtre pendus ! C’est lui le tyran ! Je le reconnais !
– Quoi ?! Rufus ?!
– L’affameur ?
– Le Tyran ?!
– Il est là !
– Ordure ! »
Avant de comprendre ce qui lui arrivait, quelqu’un le poussa dans le dos, l’envoyant au sol sans difficultĂ©, ses chevilles s’emmĂȘlant dans ses chaines. Un violent coup de pied s’enfonça dans ses cĂŽtes, avant qu’une pierre ne s’écrase sur sa tempe, le faisant hurler de douleur jusqu’à ce qu’une bĂȘche ne lui ouvre les cĂŽtes, suivit de coups de tous les outils du village, labourant son corps comme s’il Ă©tait la terre du champ alors que la douleur le bĂąillonnait plus que ne l’avait jamais fait son pĂšre.
« Non ! Je suis votre prince ! Je suis le frĂšre du seul roi lĂ©gitime ! Le descendant de Loog le Lion lui-mĂȘme ! Vous n’avez pas le droit de me traiter ainsi
 AAAAAARGH !!!!!! »
Une bĂȘche s’enfonça profondĂ©ment dans son dos, creusant un trou bĂ©ant entre ses cĂŽtes. Son corps tomba, devenant aussi froid que l’hiver, alors qu’il maudissait encore et encore son pĂšre pour avoir dĂ©truit leur famille et les jumeaux pour avoir trahi celui qui les considĂ©rait comme ses meilleurs amis, tout ça pour le pouvoir qui ne leur revenait pas

« M
 maudit soyez-vous tous
 maudit sois-tu
 Lud  »
Le lendemain, les paysans ramenĂšrent ce qui restaient de Rufus au palais de Fhirdiad. Les jumeaux, les Charons, le gouvernement rĂ©volutionnaire et Ludovic dĂ©couvrirent un cadavre tordu, le moindre de ses os ayant Ă©tĂ© pulvĂ©risĂ©s par les outils des villageois et les coups. Sa tĂȘte pendait dans un angle Ă©trange, juste rattachĂ© au corps par les quelques vertĂšbres encore entiĂšres et de minces laniĂšres de peau, rendant ses yeux grands ouverts encore plus dĂ©rangeant, ne fixant rien d’autre que le vide devant lui
 l’homme avait Ă©tĂ© lynchĂ© Ă  mort, livrĂ© Ă  la fureur de tous ceux qu’il avait volĂ© pour se venger contre des innocents

Ludovic fut le premier Ă  rĂ©agir, se redressant en tremblant. Il s’approcha du cadavre de son fils, dĂ©clarant avec tristesse devant un tel spectacle macabre
 aucun pĂšre ne devrait voir une chose pareille mais, il Ă©tait Ă©galement conscient de ce qu’avait fait son fils ainĂ©, tout ce qu’il avait fait subir Ă  leur propre peuple pour assouvir sa propre soif de vengeance
 n’ignorait pas que Rufus rĂ©servait le mĂȘme sort Ă  ses ennemis ou aux personnes lui dĂ©plaisant, pouvant mĂȘme ĂȘtre encore plus cruel
 comme son grand-pĂšre qu’il semblait prendre en exemple
 mais malgrĂ© tout

« Personne ne mĂ©rite un tel sort
 souffla-t-il en lui fermant les yeux de son fils. Je suis dĂ©solĂ© Rufus
 je ferais en sorte que tu ne deviennes jamais un tel tyran Ă  mon Ă©poque, je te le promets, mĂȘme si tu vas sans doute d’autant plus me haĂŻr
 mais tant que tu ne finis pas ainsi, lyncher par la foule, se sera dĂ©jĂ  une grande victoire  »
On enterra Rufus discrÚtement, presque en cachette dans la crypte familiale, allongé dans un cercueil de bois simple avec une simple épitaphe portant son nom et sa date de naissance et de mort, sans aucun commentaire
 aprÚs une vie comme la sienne, il était difficile de trouver quoi que ce soit de positif à dire à son sujet

Lambert s’effondra pendant la cĂ©rĂ©monie, pleurant toutes les larmes de son corps, refusant qu’on enterre son grand frĂšre.
« Ce n’est pas possible
 ce n’est pas possible ! Pas toi ! Pas mon frĂšre ! Grand frĂšre ! Revient ! Pourquoi tu m’abandonne toi aussi ?! Rufus ! Reste avec moi ! Grand frĂšre ! Qui m’a pris mon frĂšre ?! Qui est le monstre qui a tuĂ© Rufus ?! Enragea-t-il alors qu’on recouvrait le cercueil de terre, mĂȘme s’il connaissait toute l’histoire et savait que les paysans avaient Ă©tĂ© puni pour avoir lyncher quelqu’un Ă  mort. Qui a fait ça ?! Comment ça a pu arriver ?! Qui a pu oser  »
Du coin de l’Ɠil, il vit Rodrigue et Alix, l’air aussi neutre que Ludovic, mĂȘme si celui-ci semblait lĂ©gĂšrement affectĂ© pour une fois, priant pour le repos de son ainĂ© avec un rosaire dans les mains. De leur cĂŽtĂ©, tenant son chapelet entre les doigts, l’ainĂ© des jumeaux se signa quand le prĂȘtre finit sa priĂšre, restant Ă  peine assez de temps Ă  la fin de la cĂ©rĂ©monie pour dire une seule priĂšre, avant de partir avec son frĂšre
 il avait peut-ĂȘtre perdu un de ses fils, mais il en avait encore un
 et il avait encore son frĂšre
 toujours la personne qui le connaissait le mieux et le comprenait toujours
 il avait encore tout
 rĂ©ussissait tout
 alors que lui

« C’est ta faute
 l’accusa-t-il tout de suite. C’est ta faute
 c’est ta faute et celle de Ludovic
 c’est lui qui a donnĂ© l’idĂ©e Ă  Fhirdiad de faire des coups d’Etat tout le temps et toi, tu en as profitĂ© avec Alix
 s’il ne m’avait pas volĂ© la couronne
 s’il n’avait pas montĂ© tout Fhirdiad contre mon frĂšre et moi comme il en a l’habitude
 s’il ne m’avait pas renversé  si tu n’avais pas Ă©tĂ© lĂ  pour me voler la couronne
 si ça n’avait pas Ă©tĂ© l’un de vous deux qui avait Ă©tĂ© dĂ©signĂ© roi
 si tu avais su protĂ©ger Rufus au lieu de nous exhiber comme des trophĂ©es devant l’hĂŽtel de ville
 si vous n’étiez pas tous les deux les favoris de mon pĂšre
 Rufus serait encore vivant
 Rufus serait toujours là
 et Ă  cause de vous trois
 Ă  cause de toi, mon grand frĂšre est  »
Sa pensĂ©e s’interrompit, dĂ©chiquetĂ© par les larmes de deuil et de rage dĂ©goulinant le long de ses joues alors que le cercueil de son grand frĂšre avait complĂštement disparu, engloutit par la terre aprĂšs avoir Ă©tĂ© consumĂ© par l’ambition de leur propre pĂšre et de ceux que le frĂšre en deuil pensait ĂȘtre ses amis, avant qu’ils ne le trahissent tous
 la haine dĂ©vora son cƓur en les voyant toujours lĂ , toujours ensemble, les deux jumeaux unis par ce lien si fort que Lambert en deuil venait de le perdre, dĂ©chiquetĂ© par les crocs de ces loups enragĂ©s avant d’ĂȘtre gelĂ© dans la mort par la cruautĂ© froide de Ludovic
 eux qui avaient toujours tout eu et lui rien

« Toi aussi
 rend-le moi
 rend-moi mon frĂšre que tu m’as volé  »
*
DĂšs qu’il apprit l’échec de PĂ©riandre, de Bias et la trahison de plusieurs de ses serviteurs, ThalĂšs prit congĂ© du conseil et retourna immĂ©diatement sur ses terres d’Arundel, devant immĂ©diatement repenser toute sa stratĂ©gie. Pour ne rien arranger, les rĂ©voltĂ©s faerghiens avaient Ă©galement retrouvĂ© une partie de sa correspondance avec PĂ©riandre dans son laboratoire et avec la dĂ©fection d’au moins deux de ouvriers, les bĂȘtes pourraient surement les dĂ©crypter et remonter jusqu’à lui ! Ils avaient dĂ©jĂ  prĂ©venu Aegir et le reste du conseil qu’ils avaient trouvĂ© des Ă©lĂ©ments troublants le reliant Ă  plusieurs comploteurs impliquĂ©s dans la TragĂ©die alors, le chancelier avait surement demandĂ© aux Vestra d’envoyer quelques-uns de leurs mouchards enquĂȘter jusque dans ces terres. Tancred Ă©tait connu pour avoir le cƓur bien trop tendre mais, il restait tout de mĂȘme un Vestra, recueillir des informations pour l’empereur faisait partie de ses attributions
 enfin, lĂ , ses propres hommes s’occuperaient d’écraser ses moucherons

De plus, les emblĂšmes jumeaux Ă©taient Ă  prĂ©sent de nouveau humains et mĂȘme sur le trĂŽne de Faerghus, avec l’emblĂšme majeur de Fraldarius qui courrait toujours au lieu d’ĂȘtre dans un tube avec son frĂšre, ce qui voulait surement dire que Myson avait Ă©galement Ă©chouĂ© Ă  les capturer tous les trois ! Comment des bĂȘtes, des infĂ©rieurs Ă  peine capables de rĂ©flexion logique sans ĂȘtre parasitĂ© par leurs Ă©motions, avaient-ils pu mettre en Ă©chec les plus brillants esprits de Shambhala ?! Tout se dĂ©roulait pourtant Ă  la perfection depuis l’opĂ©ration Delta ! MĂȘme la survie de Lambert avait Ă©tĂ© une aubaine ! Cet homme Ă©tait tellement incompĂ©tent et haĂŻ qu’il en devenait un excellent agent du chaos dans son propre pays ! Le Royaume devait sombrer dans le chaos tout en emportant Duscur ! Recouvrir les montagnes du sang des innocents ! CrĂ©er encore plus de haine et de ressentiments ! DĂ©truire toujours plus l’Ɠuvre de Sothis en rappelant que toutes ses crĂ©ations et protĂ©gĂ©s n’étaient que des bĂȘtes infĂąmes tuant sans remords ! Mais maintenant que c’était les emblĂšmes jumelles au pouvoir avec les mĂ©tis au sang de dragon, les choses risquaient de se calmer et s’apaiser avant mĂȘme qu’ils n’aient commencĂ© Ă  anĂ©antir Duscur !
« Enfer ! Tout part en branle ! »
Enfin, ThalĂšs devait rĂ©flĂ©chir Ă  comment reprendre la main. Il devait dĂ©jĂ  commencer par arriver Ă  dĂ©truire le dĂ©but d’apaisement dans le Royaume, ce qui serait assez simple. Maintenant que Lambert Ă©tait tombĂ©, des seigneurs profiteraient de sa faiblesse et de son idiotie supĂ©rieure Ă  la moyenne des bĂȘtes pour tenter de le remettre sur le trĂŽne, ce qui leur permettrait de gagner une influence et un pouvoir considĂ©rable. Le comte de Rowe Ă©tait connu pour son ambition sans limite et s’il ne complotait pas dĂ©jĂ , ce serait facile de le convaincre de passer Ă  l’acte

Et surtout, l’Agastya devait enfin en finir avec les Fraldarius et les Charon. Ces familles apportaient bien trop de stabilitĂ© Ă  tout le Royaume, le tenaient Ă  bout de bras ensemble. Il devait se dĂ©barrasser d’eux au plus vite pour que le chaos rĂšgne
 de plus, les Fraldarius feraient d’excellents sujets d’expĂ©riences comparatives et le sang des Charon Ă©tait toujours trĂšs proche de celui des Enfants de la DĂ©esse. Avec suffisamment de corps et de sang, ils pourraient surement arriver Ă  recrĂ©er des Reliques et utiliser leurs fluides pour crĂ©er des bĂȘtes dĂ©moniaques. Les capturer lui seraient bĂ©nĂ©fiques sur tous les plans.
De toute façon, ThalĂšs ne pourrait plus utiliser l’identitĂ© de Volkard von Arundel pendant trĂšs longtemps
 aprĂšs avoir dĂ©couvert son lien avec « CornĂ©lia » et Kleiman, les Grands Nobles adrestiens se douteraient surement de quelque chose et enquĂȘteraient sur lui afin de comprendre son rĂŽle. Aegir ne pensait qu’à gĂąter sa propre famille mais, il n’était pas non plus complĂštement stupide malgrĂ© sa corruption
 et Vestra ne se priverait surement pas d’une occasion de l’éloigner de son fils Hubert, voyant d’un mauvais Ɠil sa proximitĂ© avec lui. Non, il ne pouvait pas rester ici plus longtemps

« Dans un sens, cela m’arrange
 mes rĂ©seaux sont toujours bien implantĂ©s en Adrestia, et nous avons besoin de nouveaux cobayes. Je pourrais mĂȘme arriver Ă  enfin mettre la main sur l’emblĂšme majeur de Riegan qui nous Ă©chappe depuis si longtemps
 mĂȘme si Ă  cause de l’incompĂ©tence des matricules et des esprits supĂ©rieurs, il a eu le temps de devenir vieux pour une bĂȘte  » Songea-t-il quand il entendit frapper Ă  la porte de son Ă©tude. Il se tourna vers l’esprit supĂ©rieur lui servant d’intermĂ©diaire avec les matricules, lui ordonnant sans quitter ses prĂ©paratifs. « Va ouvrir.
– Bien, Ô Grand Agastya.
L’homme fila quelques secondes avant de revenir, se prosternant devant lui avant de l’informer.
– Ô Grand Agastya, seul maitre lĂ©gitime de la Sphigxi
 un simple matricule vient vous troubler car, un essaim de bĂȘtes frappe Ă  votre porte. Ils prĂ©tendent avoir Ă©tĂ© envoyĂ© par le duc Ludwig von Aegir et la haute-justice d’Adestria, ils ont l’audace de vouloir vous poser des questions et ose vouloir vous emmener Ă  Embarr. De plus, pardonnez-nous de vous troublez avec de telles broutilles mais, les personnes suspectes dans le palais arrivĂ©es peu de temps aprĂšs votre retour salvateurs s’agitent Ă©galement. Ô Grand Agastya, guide de tous les ĂȘtres humains, que devons-nous faire ?
– Des hommes d’Aegir ? Il ne perd vraiment pas de temps
 enfin, il avait Ă©tĂ© trĂšs choquĂ© par le rĂ©sultat de l’opĂ©ration Delta, ce n’était peut-ĂȘtre pas de la comĂ©die finalement. Et les pions de Tancred doivent tenter de leur transmettre tout ce qu’ils ont dĂ©couvert ici
 devina-t-il sans souci, lĂąchant un rictus mĂ©prisant. Les bĂȘtes sont tellement prĂ©visibles
 rassemblez-les tous dans la grande salle du palais. Je m’occuperais d’eux personnellement.
– Bien Grand Agastya, votre volontĂ© est absolue, obĂ©it l’intermĂ©diaire sans aucune hĂ©sitation, comprenant entre les lignes. Ces bĂȘtes ignorent l’honneur que vous leur faites  »
ThalĂšs sourit devant son miroir, faisant craquer sa magie dans ses doigts, les flammes violettes crĂ©ant un espace vide au centre de sa main. Il n’avait pas besoin d’énergie en plus pour vaincre des bĂȘtes, encore moins des descendants des enfants adoptifs de Sothis mais, cela servirait d’avertissement Ă  Aegir et au reste du conseil s’ils tentaient Ă  nouveau de l’arrĂȘter.
L’Agastya laissa les cadavres dans la grande piĂšce de son palais, tous vidĂ©s jusqu’à la derniĂšre goutte d’énergie vitale, laissant des corps comme momifiĂ©s, dessĂ©chĂ©s de vie. Pas la peine de perdre du temps Ă  s’occuper des cadavres, on n’enterrait pas les bĂȘtes de somme, et cela ferait comprendre aux humains qu’il ne devait pas les retrouver sur son chemin.
*
FĂ©lix s’entrainait avec Cassandra, cette derniĂšre corrigeant sa posture par rapport Ă  son bouclier, attendant la lettre de son pĂšre. Cette fois, le courrier passait sans problĂšme, arrivant sans trop de retard mais, la derniĂšre fois qu’ils s’étaient parlĂ©s, Rodrigue et Alix semblaient assez nerveux. Il avait tentĂ© de les rassurer avec sa lettre mais, il espĂ©rait qu’ils allaient mieux Ă  prĂ©sent
 il avait juste hĂąte qu’ils reviennent tous les deux Ă  la maison
 enfin, avec Cassandra, le temps passait plus vite, c’était une trĂšs bonne partenaire d’entrainement et un bon professeur
 juste trĂšs Ă©nervante quand elle se mettait Ă  le taquiner quand elle le battait
 enfin, ce n’était pas si dĂ©sagrĂ©able.
Le jeune garçon arriva Ă  envoyer son Ă©clair tout en restant en sĂ©curitĂ© derriĂšre son bouclier, quand ils entendirent quelqu’un arriver en courant, suivit de la voix de LorĂ©a.
« Félix ? Félix ! Ah ! Tu es bien là !
La femme semblait avoir couru dans toute la ville, une lettre dans les mains. Le magicien se redressa en se tournant vers elle, un peu inquiet de la voir aussi agité.
– Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ? C’est papa et Alix ? C’est une de leurs lettres ? ils vont bien ? Est-ce que
 S’inquiĂ©ta-t-il trĂšs vite aprĂšs tout ce qui s’était passĂ© ces derniers temps.
– Oui et non
 ils vont bien tous les deux
 par les Braves, plus que bien mĂȘme Ă  ce stade
 mais DĂ©esse
 comment t’expliquer
 ils expliquent tout dans leur lettre mais
 mais c’est tellement
 marmonna l’intendante en se baissant Ă  sa hauteur, serrant la lettre entre ses mains.
Elle releva la tĂȘte, cherchant ses mots avant de mettre de prendre ses mains dans les siennes, essayant de rester calme et de trouver le bon ton pour lui annoncer ce que contenait la missive de Rodrigue et Alix.
– Tu sais que Lambert a Ă©tĂ© renversĂ©, tout comme Rufus. Ils sont actuellement en prison avec leurs principaux soutiens, comme Gustave par exemple.
– Oui mais ça, ça fait longtemps et ils ne feront plus rien Ă  papa et Alix en prison ! Ne me dit pas qu’ils sont arrivĂ©s Ă  en sortir ?!
– Non, tout le monde veille Ă  ce qu’ils restent derriĂšre les barreaux, surtout aprĂšs qu’ils aient Ă©tĂ© jugĂ© le mois dernier. Ils ne retourneront jamais sur le trĂŽne, pas sans qu’on ne les y ramĂšne par la force en tout cas, et les derniers soutiens qui leur sont encore fidĂšles ont Ă©galement Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s avant qu’ils ne puissent tenter quoi que ce soit pour les libĂ©rer. Non, ils ont Ă©tĂ© condamnĂ©s par le gouvernement rĂ©volutionnaire aprĂšs leur procĂšs : ils devront payer leurs dettes envers le peuple de Faerghus en travaillant comme des scribes dans l’administration royale sous une toute nouvelle identitĂ© et tout recommencer Ă  zĂ©ro.
– Mais pourquoi tu es aussi nerveuse alors ?! C’est une bonne nouvelle ! Ils ne feront plus jamais de mal Ă  papa, Alix, Dimitri ou qui que ce soit d’autre ! Dimitri sera mieux avec les Charon qu’avait ce crĂ©tin qui l’emmĂšne dans un voyage aussi dangereux ou il a failli se faire tuer, alors que tout le monde lui avait dit que c’était dangereux ! C’est bien les Charon qui vont s’occuper de lui ? Ils ne vont quand mĂȘme pas l’abandonner !
– Oui, les Charon ont obtenu la garde de Dimitri, ne t’en fais pas. Les sƓurs Charon prendront bien soin de lui et il pourra se remettre avec elles jusqu’à sa majoritĂ© oĂč sera le seigneur de l’ancien domaine royal, qui va devenir un fief comme les autres. De plus, Rufus ne pourra plus rien faire Ă  son neveu, aux jumeaux ou Ă  qui que ce soit d’autre, il a Ă©tĂ© lynchĂ© Ă  mort par un village aprĂšs avoir tentĂ© de s’enfuir, ce qui arrange dans un sens Ă©tant donnĂ© que c’était le frĂšre le plus remuant des deux. Ce qui me rend nerveuse, c’est plutĂŽt la suite
 c’est juste
 Ă  la fois prĂ©visible et totalement inattendu aprĂšs ce qui s’est passé  vu ce qu’on vient d’avoir comme roi, on aurait pu imaginer autre chose

– C’est-Ă -dire ? Intervient Cassandra. Mes tantes sont Ă©galement Ă  Fhirdiad et elles m’écrivent aussi, je n’ai rien vu de si alarmant que ça dans leurs lettres. Au contraire, elles travaillaient en bonne intelligence avec les rĂ©volutionnaires, tout comme les jumeaux. Les rĂ©volutionnaires ont pris quoi comme dĂ©cision ? Qu’il n’y aurait plus de roi mais, qu’on serait comme l’Alliance ? Vu ce qui s’est passĂ© car une seule personne tenait les rĂȘnes de tout le Royaume sans trop de contre-pouvoir, ce ne serait pas Ă©tonnant

– HonnĂȘtement, je m’attendais Ă  ça mais
 en gros, les rĂ©volutionnaires se gardent le pouvoir de crĂ©er les loi et les contre-pouvoirs pour freiner celui qui dirigera le pays, la justice est mise complĂštement Ă  part du reste mais, pour ce qui est de faire rĂ©gner les lois et de diriger le Royaume, ils ont dĂ©cidĂ© de garder un roi mais, qui serait Ă©lu comme l’aurait voulu le roi Ludovic, dont on a retrouvĂ© les travaux pendant la prise du palais de Fhirdiad, Rufus a avouĂ© les avoir volĂ© Ă  la mort de son pĂšre pour que son frĂšre monte sur le trĂŽne. Mais en attendant que la situation se calme et qu’ils puissent organiser l’élection correctement, ils ont dĂ©signĂ© des sortes de rĂ©gent qui rendra le pouvoir s’ils ne sont pas Ă©lus. Il leur fallait donc des personnes intĂšgres et de confiance pour mener Ă  bien ce projet, sans qu’ils ne tentent de dĂ©rober le pouvoir ou refusent de le rendre

LorĂ©a posa finalement ses mains sur ses Ă©paules, le regardant droit dans les yeux alors qu’elle lui annonçait, mĂȘme s’il commençait Ă  comprendre sans y croire.
– FĂ©lix, ton pĂšre et ton oncle ont Ă©tĂ© dĂ©signĂ© comme rĂ©gents de Faerghus jusqu’à l’élection du prochain roi. Pour le moment, ce sont eux les rois de Faerghus, et tout Fhirdiad les a acclamĂ©s « rois loups de cendre ».
FĂ©lix se figea, se rendant Ă  peine compte de tout ce que cela reprĂ©sentait. Son pĂšre et son oncle
 les rois
 c’était
 incroyable
 comment
 bon, ils Ă©taient les meilleurs et bien plus compĂ©tents que Lambert donc, ça ne l’étonnait pas trop dans le fond, c’était surement ce qui Ă©tait le mieux pour Faerghus mais alors

– Alors
 ils resteront Ă  Fhirdiad ? Ils ne reviendront plus Ă  la maison ? Et
 et le fief ?! Et
 et moi ? Qu’est-ce qui va se passer LorĂ©a !
– Si, ils reviendront, ne t’en fais pas. Ils ont la position du roi mais, en ayant moins de pouvoir alors, mĂȘme s’ils devront surement aller souvent Ă  Fhirdiad, ce ne sera surement pas plus qu’avant, et ils pourront accomplir la plupart de leurs devoirs Ă  Egua. Ils ont mis comme conditions avant d’accepter ce rĂŽle de pouvoir continuer Ă  se consacrer Ă  leurs devoirs de ducs Ă  Egua. Pour toi, rien ne va changer, tu restes le fils de Fraldarius et l’hĂ©ritier de Rodrigue en tant que duc. Le roi sera choisi par l’élection mais, il sera bien plus contrĂŽlĂ© par les grandes familles et les villes. L’hĂ©ritage n’aura plus d’importance pour sa fonction.
Le jeune garçon hocha la tĂȘte, comprenant la majoritĂ© de ce que racontait LorĂ©a mais, ce qui s’accrocha le plus dans sa tĂȘte, c’était une seule information. Ce n’était pas vital pour le Royaume mais pour lui, c’était le plus important
 c’était tellement important

– S’ils sont rĂ©gent et que Lambert est un scribe maintenant et que Rufus est mort, ça veut dire qu’ils ne les approcheront plus
 Ils n’approcheront plus jamais de papa ni d’Alix, ils ne leur feront plus jamais de mal ! En plus, si tout le monde pense que ce sont des loups de cendre, personne n’osera leur faire du mal ! Plus jamais ! Et si quelqu’un tente de les blesser, je les protĂ©gerais !
– Oui, ils ne leur feront plus jamais de mal. Ils n’ont plus le pouvoir de nuire dĂ©sormais, confirma LorĂ©a avec un sourire, passant sa main sur sa tĂȘte. Et tu les protĂ©geras quand tu seras plus grand. Pour l’instant, tu es encore un enfant que les adultes doivent protĂ©ger.
– Je peux le faire aussi ! Je m’entraine beaucoup ! Bon ! On part quand pour Fhirdiad ? Demanda-t-il d’un coup. Ils ne vont surement pas pouvoir revenir avant un moment, mĂȘme s’ils pourront rentrer Ă  la maison alors, je peux aller les voir !
– Pas avant quinze jours, dĂ©crĂ©ta immĂ©diatement l’intendante sans hĂ©siter une seconde, le temps qu’on prĂ©pare ton escorte et que les jumeaux aient suffisamment installĂ© leur pouvoir, au moins dans la capitale. En plus, ils ont accordĂ© Ă  Lambert un dernier souhait, qu’il puisse revoir Dimitri alors, il sera encore lĂ  pendant deux semaines. Tu partiras quand il sera enfin hors de la capitale et ne pourra plus vous approcher.
– Mais c’est loin ! Et je vais rater Dimitri en plus ! DĂ©jĂ  que Sylvain va avoir moins le temps pour qu’on se voie puisqu’il est margrave maintenant !
– On y sera vite, et Dimitri va surement rester un peu de temps alors, vous pourrez vous croiser. Quinze jours, c’est rien si on est bien occupé ! RĂ©pliqua Cassandra. Si tu veux tant protĂ©ger ton pĂšre, retour Ă  l’entrainement petit !
– Pour la milliĂšme fois, je ne suis pas petit ! RĂ©pliqua-t-il, la faisant rire quand elle le vit « s’hĂ©risser comme un chat mouillĂ© en colĂšre » comme elle le disait, le faisant se maudire tout seul d’avoir foncĂ© sur l’hameçon.
– Et il ne faut pas nĂ©gliger tes Ă©tudes non plus, ajouta LorĂ©a sans le louper, le rappelant tout de suite Ă  l’ordre. Ton niveau est toujours bon en histoire, gĂ©ographie et en mathĂ©matique, tu as bien progressĂ© en gestion de la maison, du trĂ©sor et en latin, et tu es le fils de ta mĂšre – et le neveu d’Ivy malheureusement – pour ce qui est des nĂ©gociations commerciales mais, tu as des progrĂšs Ă  faire en droit et en nĂ©gociation avec les autres seigneurs. Tu as encore beaucoup Ă  apprendre jeune homme. Un bon seigneur est un seigneur avec une tĂȘte trĂšs bien faite. Tu as dĂ©jĂ  de la chance qu’on se soit rĂ©signĂ© Ă  que tu ais la mĂȘme Ă©criture illisible que ton pĂšre. »
FĂ©lix lĂącha un soupir, voyant dĂ©jĂ  l’emploi du temps que lui rĂ©servait LorĂ©a, mĂȘme si elle lui laissait toujours du temps pour se reposer et jouer un peu entre deux cours, surtout ceux qu’il n’aimait pas, tout comme son pĂšre quand il s’occupait de gĂ©rer ses leçons. Le latin, c’était facile, ça pourrait l’aider Ă  mieux comprendre son grand-pĂšre, idem pour l’histoire pour mieux le connaitre ou la gĂ©ographie afin de mieux visualiser les voyages d’Ivy, et c’était facile d’apprendre les maths, il n’y avait pas quinze mille exception, mais le reste
 Ă  part les nĂ©gociations commerciales oĂč ils suffisaient de se battre comme avec une Ă©pĂ©e Ă  la maniĂšre d’Ivy, ça avait tendance Ă  l’ennuyer profondĂ©ment
 mais d’un autre cĂŽtĂ©, ce serait des choses trĂšs importantes Ă  maitriser pour plus tard, quand ce serait lui s’occuperait du fief et des habitants d’Egua
 mĂȘme s’il le savait depuis toujours, aprĂšs tout ce qui s’était passĂ©, ça lui faisait une motivation supplĂ©mentaire

« Je serais un aussi bon seigneur que papa pour Egua, je le jure ! »
Il suivit alors LorĂ©a dans la forteresse, ayant fini son entrainement avec Cassandra pour retourner Ă©tudier, sa promesse lui donnant encore plus d’énergie pour bien apprendre ces foutues lois afin qu’elles ne le piĂšge pas plus tard comme pour ce maudit voyage

« Glenn
 songea-t-il en prenant le sac rempli de perles suspendu Ă  sa ceinture, entendant encore son grand frĂšre lui jurer d’ĂȘtre chevalier Ă  la maison dĂšs qu’il serait libĂ©rĂ© du service du roi. Il faudra qu’on finisse les bracelets quand on sera Ă  la capitale
 j’espĂšre qu’ils auront le temps
 et sinon, pause obligatoire pour papa et Alix, Pierrick leur a dit de ne pas en faire trop pendant encore quelques temps  »
*
Lambert avait l’impression que le temps refusait d’avancer, attendant le retour de Dimitri avec impatience. Normalement, c’était aujourd’hui qu’il devait arriver mais, il Ă©tait dĂ©jĂ  midi et aucune voiture aux armes des Charon n’était encore arrivé ! Il allait finir par croire qu’il faisait tout pour rĂ©duire le peu de temps qu’il aurait pour dire au revoir Ă  son fils !
« AprĂšs ce qu’ils ont fait, les jumeaux en seraient capables
  AprĂšs ce qu’ils ont osĂ© faire Ă  Rufus, la DĂ©esse sait ce qu’ils peuvent me rĂ©server pour me faire souffrir  » Songea-t-il en tournant en rond, faisant sonner les chaines Ă  ses chevilles et ses poignets.
« On vous enlĂšvera celles des bras quand Dimitri sera lĂ , pas avant. Hors de question que vous nous filiez entre les doigts, » l’avait mis en garde Estelle, toujours aussi glaciale avec lui qu’à son habitude.
Il avait hĂ©sitĂ© Ă  rĂ©pondre qu’il ne comptait pas s’échapper mais, se serait comme parler Ă  un mur alors, autant ne rien dire du tout

Le roi dĂ©chu s’était rĂ©signĂ© Ă  lire un peu quand il entendit enfin un bruit de roue et de plusieurs chevaux. Abandonnant son livre, il se jeta Ă  la meurtriĂšre, enfonçant son visage dans le petit espace pour tenter de voir son fils ne serait-ce qu’une seconde de plus. Une grande voiture tirĂ©e par un cheval gĂ©ant en tĂȘte et deux autres plus petits s’arrĂȘta au milieu de la cour, oĂč l’attendait malheureusement les jumeaux. Lambert mettrait sa main au feu que Ludovic aussi n’était pas loin, prĂȘt Ă  pourrir l’esprit de Dimitri ou Ă  le geler sur place
 mais bon, enchainĂ© comme ça, il ne pouvait plus faire grand-chose, mĂȘme pour protĂ©ger son propre enfant, sauf s’il se transformait aussi en animal
 ce ne serait peut-ĂȘtre pas si mal
 ce serait tellement simple de juste le prendre sur son dos et l’emmener loin d’ici
 ils pourraient vivre Ă  nouveau ensemble, comme avant
 si Rodrigue et Alix avaient pu devenir des loups pendant des semaines puis retrouver forme humaine, il devrait bien pouvoir se transformer en lion et redevenir normal aprĂšs avoir mis Dimitri en sĂ©curité 
Un valet ouvrit la porte de la voiture mais avant que qui que ce soit ne descende, il plaça une Ă©paisse planche en bois en travers de la porte, comme pour faire sortir quelque chose en le glissant

Émergea alors un homme en fauteuil roulant qu’il reconnut comme Ă©tant ThĂ©ophylacte Charon qui manƓuvra habilement sa chaise pour sortir, avant que le valet et un autre homme montĂ© de l’autre cĂŽtĂ© ne fasse sortir Dimitri, entourĂ© de Dedue et Sasiama qui semblaient s’ĂȘtre remis. Le cƓur de Lambert se dĂ©chira en le voyant, tout petit au milieu des fourrures et de son grand fauteuil, enveloppĂ© du blanc et du bordeaux des Charon, proches des couleurs des chevaliers de Seiros, une grande couverture bleue et un chat sur ses genoux. Il semblait encore si faible

Pourtant, Dimitri essaya de se lever comme il put en voyant les jumeaux, tendant les bras vers eux alors que Rodrigue et Alix allaient l’enlacer comme si de rien n’était, comme si tout Ă©tait comme avant que les jumeaux ne les trahissent tous et ne deviennent ces loups si froids, dĂ©chiquetant tout sur leur passage si ça pouvait faire avancer leurs intĂ©rĂȘts Ă  eux, mĂȘme leurs plus vieux amis si nĂ©cessaire. L’ainĂ© des deux se baissa au niveau de Dimitri, posant ses mains sur les siennes, essayant d’ĂȘtre celui qu’il Ă©tait avant sa transformation, lui parlant surement tout doucement avec sa voix douçùtre pour enrober ses mensonges tout en dissimulant sa froideur
 aprĂšs tout, il Ă©tait bien le fils de son pĂšre
 les loups attaquaient toujours les individus les plus faciles Ă  chasser

Malheureusement, Dimitri disparut bien vite de son champ de vision en compagnie des jumeaux et de ThĂ©ophylacte, le temps recommençant Ă  passer au ralenti dĂšs qu’il s’évapora, Lambert ne pouvant s’empĂȘcher de penser au pire.
« Les jumeaux vont lui bourrer le crĂąne avec leurs histoires
 ils seraient mĂȘme capable de lui faire avaler que Rufus a mĂ©ritĂ© sa mort horrible
 ou pire, ce sera Ludovic
 non, Dimitri ne le connait pas, il n’aura pas autant d’influence sur lui que Rodrigue et Alix
 eux, il les Ă©coutera et il risque de boire leurs paroles
 si les Charon n’ont pas dĂ©jĂ  commencĂ© le travail  »
Au bout de ce qu’il semblait ĂȘtre des heures, Estelle revient, appelant avec fermetĂ©.
« Lambert Egitte Blaiddyd-Hange, avancez. Il est l’heure.
– Enfin
 ! Comment va

– Avancez en silence. » Se ferma-t-elle tout de suite, Ă©videmment. C’était Estelle aprĂšs tout

Un groupe de garde le conduisit jusqu’à une autre aile du palais, lui faisant faire plusieurs dĂ©tours avant de le faire s’arrĂȘter devant la porte. Comme on lui avait promis, un garde lui retira les chaines de ses bras, mĂȘme s’il le menaça aussi dans un mĂȘme souffle.
« Un geste suspect, et la visite s’arrĂȘte-lĂ . Vous avez jusqu’à ce que le petit veuille s’en aller.
– Bien, et je vous le rĂ©pĂšte, je ne m’enfuirais pas. »
Estelle renifla avant de le laisser entrer, rĂ©vĂ©lant Dimitri qui l’attendait Ă  l’intĂ©rieur, seul, les yeux grands ouverts, bien plus vif que la derniĂšre fois. TrĂ©buchant dans les chaines toujours autour de ses chevilles, Lambert se prĂ©cipita vers lui, ivre de joie d’enfin le revoir aussi prĂšs de lui et en meilleur santĂ©.
« Di
 Dimitri ! Enfin ! Enfin tu es là ! Il le prit contre sa poitrine, faisant juste attention Ă  ne pas le serrer trop fort pour ne pas rouvrir ses blessures. Tu m’as tellement manqué ! Tu as bien meilleure mine que quand tu es parti, quel soulagement !
– Oui, l’air des montagnes m’a fait beaucoup de bien, et LaĂŻs est une trĂšs bonne mĂ©decin. Tout le monde Ă©tait trĂšs gentil avec moi Ă  Charon, surtout ThĂ©o, il m’a beaucoup aidĂ© quand j’ai dĂ» utiliser un fauteuil roulant. Il y avait aussi Cassie, mĂȘme si elle est partie avec FĂ©lix quand il est rentrĂ© Ă  Egua. Elle Ă©tait chargĂ©e de le protĂ©ger mais, ils sont aussi devenus trĂšs proches.
– ThĂ©o et Cassie ?
– Tu sais, ThĂ©ophylacte et Cassandra, les deux ainĂ©s de tante Myrina. ThĂ©o n’aime pas du tout son prĂ©nom, il le trouve trop long alors, on utilise toujours son surnom, et personne ne s’appelle par son prĂ©nom entier chez les Charon, c’est toujours des surnoms. LachĂ©sis et ThĂšcle m’ont mĂȘme dit que le surnom de maman, c’était Nitsa et qu’elle m’appelait tout le temps Mitsos, c’est vrai ?
– Ah oui, c’est vrai qu’ils passent leur temps Ă  utiliser des diminutifs chez eux vu que les noms sont assez longs
 j’avais tendance Ă  m’emmĂȘler les pinceaux quand on les voyait
 HĂ©lĂ©na m’avait fait rĂ©pĂ©ter les noms de toutes ses sƓurs et beaux-frĂšres et sƓurs, pour ĂȘtre sĂ»re que je ne me trompe pas Ă  notre mariage, vu qu’elles Ă©taient onze les unes aprĂšs les autres
 et surement
 ça fait longtemps qu’on n’était pas allĂ© voir sa famille, surtout que ça aurait Ă©tĂ© risquĂ© avec
 tu sais
 souffla-t-il en se souvenant des crises de jalousie de Patricia, elle devenait encore plus colĂ©rique quand les Charon Ă©tait au palais. Mais oui, HĂ©lĂ©na t’appelait tout le temps comme ça, « Mitsos »  elle trouvait que ça sonnait bien..
– Tu ne me l’avais jamais dit pourtant
 et c’est dommage, j’aurais bien aimĂ© voir plus souvent mes cousins et les connaitre avant. Ce n’est pas si difficile de retenir tous les noms et les surnoms tu sais une fois qu’on les connait bien, lui assura-t-il avec un petit sourire, avant de continuer, plus sombre et inquiet. Et toi, comment vas-tu ? J’ai appris ce qui s’est passĂ© Ă  la capitale quand je n’étais pas là
 et j’ai aussi su pour Rodrigue et Alix
 qu’ils se sont transformĂ©s en loup
 FĂ©lix me l’a racontĂ© quand il l’a su aussi
 Ingrid et Sylvain aussi m’ont Ă©crit
 m’ont dit tout ce qui se passait dans leur propre fief
 que c’était la mĂȘme chose qu’à Lokris
 et on m’a aussi dit ce qui s’est passĂ© ici, Ă  la capitale
 ce qui est arrivĂ© Ă  Rufus
 LachĂ©sis et ThĂ©o m’ont Ă©galement expliquĂ© ce qui allaient se passer aprĂšs que le peuple de Fhirdiad ait pris le pouvoir et aprĂšs ton procĂšs
 ce qui va se passer pour Faerghus

– Je vais bien
 mĂȘme si c’est difficile Ă  croire que mĂȘme eux nous aient trahi
 ils ont tellement changé  ce n’est plus les hommes que tu connaissais Dimitri
 eux aussi ont disparu  » marmonna-t-il avec aigreur, mĂȘme s’il ajouta tout de suite en essayant d’ĂȘtre plus confiant, posant ses mains sur les siennes pour l’ancrer Ă  lui. Si c’était la derniĂšre fois qu’il voyait son fils, il voulait au moins le rassurer et sauver l’image que Dimitri avait de lui avant que ses tantes ne la noircissent, ainsi que s’expliquer sur ses actes. « Mais ne t’en fais pas, ça va aller
 on va s’en sortir, comme toujours. On s’en est toujours sorti non ? On s’en sortira toujours tous les deux, et je trouverais un moyen de te retrouver
 les Charon te traiteront bien, tu es le fils de leur sƓur aprĂšs tout mais, elles ne seront pas tendres avec moi pour
 pour bien trop de raisons
 il faut juste que tu te souviennes que quoi qu’elles te racontent Dimitri, tout ce que j’ai fait, c’était en pensant Ă  Faerghus
 pour tous les habitants du Royaume sans exception
 je voulais juste aider les gens, mĂȘme si cela a mal tournĂ© et que je le regrette Ă  prĂ©sent
 j’aurais voulu que ça rĂ©ussisse mais, on ne peut pas tout prĂ©voir

– Mais papa, le coupa faiblement son fils en se crispant, tout le monde t’a prĂ©venu

Lambert sentit alors le regard de Dimitri sur lui, Ă©tonnĂ©, comme s’il venait de vraiment se transformer en lion, avant que son fils ne se reprenne en le remarquant, cachant ses Ă©motions d’une maniĂšre similaire Ă  celle de Ludovic, s’il pouvait avoir des expressions de base

– J’étais lĂ , je l’ai vu. MĂȘme si je te faisais confiance, personne n’en voulait de ce voyage Ă  part les nobles du sud, mais seulement parce qu’il voulait qu’il rate pour pouvoir attaquer Duscur, comme ils l’ont fait. Ils ont foncĂ© pour attaquer les duscuriens
 c’est la premiĂšre chose qu’ils ont fait, attaquer et tuer des gens alors qu’il y avait dĂ©jĂ  eu trop de mort
 Dedue et Sasiama ont eu de la chance qu’on ait Ă©tĂ© lĂ  sinon, ils seraient morts eux aussi, comme leurs parents, alors qu’ils n’ont rien fait de mal Ă  part vivre dans le village le plus proche de ce passage maudit
 et ce sont les mĂȘmes seigneurs du sud qui t’ont poussĂ© Ă  faire ce voyage qui ont soufflĂ© les premiers sur les braises
 et tu n’as pas Ă©coutĂ© les Charon ou les Fraldarius alors qu’eux, ils ont toujours Ă©tĂ© de bons conseils et ont toujours dĂ©fendu les intĂ©rĂȘts du Royaume
 FĂ©lix l’a dit, tu as fait du mal Ă  son pĂšre, mĂȘme avant la TragĂ©die
 LachĂ©sis et ThĂšcle ont mĂȘme dit qu’HĂ©lĂ©na aurait Ă©tĂ© la premiĂšre contre ce voyage car, il Ă©tait mal prĂ©paré  alors pourquoi tu ne les as pas tous Ă©couté ?
– Dimitri
 je pensais qu’ils exagĂ©raient, avoua-t-il honnĂȘtement. Les jumeaux sont toujours trĂšs prudents, surtout avec ce genre de rencontres, encore plus quand elles n’ont pas lieu Ă  Faerghus
 ils ont leurs raisons mais, ils vont souvent trop loin pour ça
 et pour Myrina, je ne me suis jamais trĂšs bien entendu avec elle, personne ne mĂ©ritait sa petite sƓur prĂ©fĂ©rĂ©e Ă  ses yeux, moi en particulier
 toutes les sƓurs et le frĂšre Charon se gardent les uns les autres comme s’ils Ă©taient tous fragiles comme du verre

– C’est normal, elles s’aiment toutes plus que tout. Elles se disputent parfois mais, c’est pas comme toi avec Alix ou Patricia quand ça arrive. Elles finissent toujours par revenir se voir pour discuter ensemble afin de se rĂ©concilier. Et c’est normal que les jumeaux soient prudents, leur pĂšre est mort dans une rencontre diplomatique, et maintenant, Glenn est mort aussi et il
 Dimitri mordit ce qu’il allait dire, secouant la tĂȘte. Et maintenant, regarde ce qui est arrivé  ils avaient tous raisons sur toute la ligne
 tout
 tout le monde est mort
 le pire est arrivĂ© alors que tout le monde t’avait prĂ©venu
 et tout le monde continue de mourir
 alors que tous ceux qui vivaient encore faisaient tout pour sauver le Royaume
 dĂ©clara-t-il sans s’arrĂȘter, ne pouvant s’empĂȘcher de dire tout ce qu’il avait sur le cƓur. MĂȘme si tu voulais bien faire, tout le monde est mort quand mĂȘme car, tu n’as pas Ă©coutĂ© les personnes de bons conseils pour de mauvaises raisons alors qu’ils avaient tous de trĂšs bons arguments
 mĂȘme pendant le voyage, tu aurais pu Ă©couter Myrina et Nicola et prendre un autre chemin alors que la route Ă©tait mauvaise mais, tu t’es encore obstinĂ©, et le pire est arrivé ! Tout le monde est mort et les morts veulent juste qu’on les venge car, ils sont morts Ă  notre place !
Le jeune garçon serra les poings de frustration, se sentant piĂ©ger dans le bois de son fauteuil, enchainĂ© par les brĂ»lures et les bandages. Il voulait pouvoir marcher, il voulait se remettre sur ses pieds pour aller courir en ville avec ses amis et ses cousins, il voulait pouvoir remonter Ă  cheval, essayer de grimper sur le dos de ce gentil gĂ©ant de Gigantes, il voulait revoir FĂ©lix, Sylvain et Ingrid comme avant et surtout, Dimitri voulait que les voix dans sa tĂȘte se taisent enfin et pouvoir fermer les yeux sans se souvenir de cet enfer bien plus rĂ©el et effrayant que toutes les lĂ©gendes. MĂȘme si les mĂ©dicaments de LaĂŻs et ses discussions avec elle, ses tantes et ThĂ©o l’aidaient beaucoup, les morts continuaient, hurlant leurs chagrins, maudissant les mauvais survivants qu’ils Ă©taient pour laisser les seigneurs du sud tuer des innocents et de ne pas avoir trouvĂ© les vrais responsables de leur malheur, ils
 non
 c’était juste son esprit
 LaĂŻs lui avait expliquĂ©, son esprit s’inventait ces « fantĂŽmes » Ă  cause du traumatisme de la TragĂ©die, parce qu’il s’en voulait d’avoir survĂ©cu alors que tant d’autres Ă©taient morts
 son corps n’était pas le seul Ă  ĂȘtre blessĂ©, son esprit aussi en avait souffert

« Et tu es le dernier Ă  plaindre
 cracha Patricia avec haine. Tu as survĂ©cu alors que je le mĂ©ritais bien plus que toi ou ton pĂšre  »
« Je sais
 commença-t-il Ă  s’excuser avant de se reprendre. Non ! Non
 elle n’existe pas
 c’est dans ma tĂȘte  »
« Nous n’existons pas ? C’est pourtant en te protĂ©geant toi que je suis mort ! C’est comme ça qu’on m’a arrachĂ© Ă  ma famille et qu’elle a commencĂ© Ă  exploser ! Et ton chien errant de pĂšre a tellement abusĂ© de mon pĂšre et de mon oncle qu’ils se sont transformĂ©s en loup pour lui Ă©chapper ! »
« Je sais Glenn
 je sais
 si seulement  »
D’habitude, quand il se mettait Ă  ruminer, Dedue, ThĂ©o ou une autre de ses cousines ou une de ses tantes lui demandait ce qui se passait, arrivant Ă  voir quand les illusions tentaient de le perdre
 mais avec son propre pĂšre, tout Ă©tait diffĂ©rent
 il semblait aussi perdu que lui, comme si c’était lui le fantĂŽme, ne sachant quoi rĂ©pondre
 quand il Ă©tait arrivĂ© et qu’il avait demandĂ© aux jumeaux ce qui allait se passer avec Lambert pendant cette entrevue, ils avaient Ă©tĂ© rĂ©ellement honnĂȘte en avouant qu’ils ne savaient pas, que tout pouvait arriver mais, qu’ils seraient tout de mĂȘme surveiller pour ĂȘtre sĂ»r que son pĂšre ne tente rien qui pourrait le mettre en danger, et que Dimitri pouvait arrĂȘter leur rencontre quand il voulait s’il Ă©tait mal Ă  l’aise
 mais il voulait
 il voulait au moins essayer de lui faire comprendre
 c’était son pĂšre et la seule personne qui savait vraiment
 qui connaissait l’horreur de cette nuit jusque dans sa chair
 il devrait pouvoir comprendre tout ça

Cependant, Lambert bĂ©gaya sans comprendre, posant sa main sur son bras comme pour s’ancrer autant que lui.
– Mais
 mais non
 bien sĂ»r que non
 ce n’est pas
 ce n’était clairement pas ce que je voulais et
 et qu’est-ce que c’est que ces histoires avec les morts ? Pourquoi ils voudraient qu’on les venge ? Qu’est-ce
 qu’est-ce que tu racontes ?
Dimitri se referma un peu, se ramassant sur lui-mĂȘme avant d’avouer en redressant un peu la tĂȘte, mĂȘme s’il n’osa pas regarder son pĂšre dans les yeux, mĂȘme s’il vivait surement la mĂȘme chose que lui

– Je voie les morts de la TragĂ©die papa
 tout le temps
 de jour comme de nuit
 partout
 ils hurlent tout le temps qu’ils sont morts
 qu’ils regrettent d’ĂȘtre morts
 qu’ils voulaient vivre
 que personne ne les venge correctement
 et
 et ils me reprochent d’avoir survĂ©cu
 sont furieux qu’on ait tous les deux survĂ©cu alors qu’ils ne voulaient pas ĂȘtre lĂ  ce jour-lĂ , dans ce convoi mais, avec leur famille
 Patricia, Glenn, Nicola, FrĂ©dĂ©rique, Jacques
 tout le monde
 tout le monde me rĂ©clame la tĂȘte de leurs assassins et ils te rĂ©clament aussi rĂ©paration
 d’aprĂšs LaĂŻs, c’est Ă  cause du traumatisme de Duscur
 mon esprit a tellement Ă©tĂ© dĂ©truit par ce que j’ai vĂ©cu qu’il a inventĂ© ces fantĂŽmes
 car je m’en veux d’avoir survĂ©cu et me demande pourquoi moi et pas l’un d’eux
 pourquoi c’est moi qui ai survĂ©cu et pas quelqu’un d’autre alors que tout le monde est mort Ă  part toi
 elle m’a donnĂ© un traitement pour m’aider Ă  rĂ©sister Ă  ces hallucinations, et en parler m’aide mais, cela prendra beaucoup de temps
 surement des annĂ©es
 encore plus que mes jambes
 si je guĂ©ris un jour

– Que
 quoi ? Qu’est-ce que c’est que ces histoires ? Qui t’a mis ça dans la tĂȘte ? C’est tes tantes, c’est ça ? Ou les jumeaux ? Enfer ! ça pourrait mĂȘme ĂȘtre Ludovic ! ça lui ressemblerait bien !
Dimitri se redressa d’un coup, le cƓur brisĂ© en mille morceaux en voyant le regard incrĂ©dule de Lambert sur lui, cherchant la moindre trace de mensonge ou de manipulation sur son visage
 Il ne le croyait pas
 son propre pĂšre ne le croyait pas
 alors que ses tantes l’avaient tout de suite cru
 il pensait qu’on l’avait persuadĂ© que ses fantĂŽmes existaient
 alors qu’il les voyait tout le temps
 personne ne pourrait imaginer tout ce qu’ils lui disaient, dans quel Ă©tat les morts Ă©taient devant ses yeux
 personne
 et Lambert accusait
 ses tantes ? Les jumeaux ? Et ce Ludovic ? Mais qui Ă©tait Ludovic ? Il ne connaissait personne de ce nom-là ! Qu’est-ce que ça voulait dire ?! Lambert avait Ă©tĂ© lĂ  pourtant ! Il devrait pouvoir comprendre mieux que personne ce que s’était d’avoir vu tout le monde mourir alors qu’eux avaient survĂ©cu !
– Mais personne
 personne
 je te dis la vĂ©ritĂ© papa ! Je les voie vraiment ! Ils sont là ! Patricia est là ! Juste derriĂšre toi ! Et Glenn est allĂ© voir Rodrigue et Alix ! Tu devrais pouvoir comprendre pourtant ! Tu ne les voies pas ?! Tu n’y repenses pas ?
– Si, bien sĂ»r, j’en fais aussi des cauchemars mais, c’est juste des cauchemars, rien de plus
 comment Patricia pourrait ĂȘtre derriĂšre moi
 ? Elle est
 Lambert s’arrĂȘta, ne pouvant continuer, secouant la tĂȘte en marmonnant, dĂ©chiquetant encore et encore le cƓur de Dimitri. Ce n’est pas possible
 comment on a pu te faire rentrer dans la tĂȘte que ces cauchemars sont de vrais fantĂŽmes qui

– C’est pas que des cauchemars ! C’est tout le temps ! Et c’est pas les sƓurs de maman qui me l’ont dit ! C’est moi qui les voyais comme ça ! C’est elles qui m’ont dit que ce n’était pas de vrais fantĂŽmes mais, juste une consĂ©quence de la TragĂ©die ! C’est pour ça qu’elles m’aident ! Les jumeaux aussi m’ont cru quand je leur ai raconté ! S’il te plait papa ! Tu dois me croire ! Je ne suis pas un menteur ! Je te dis la vĂ©rité ! Papa !
– Je sais que tu me dis la vĂ©ritĂ©, je te crois Dimitri mais, mĂȘme si tu penses que c’est la vĂ©ritĂ©, ce n’est pas possible
 les morts sont morts
 Ă  part les Braves, on ne peut pas les voir et ils ne peuvent rien nous demander
 souffla-t-il, ne comprenant rien Ă  rien, Ă©crasant encore et encore le cƓur de Dimitri comme il avait dĂ» le faire avec les jumeaux pour leur faire autant de mal, levant la main pour tenter de lui toucher le front. Comment ils ont pu te...
– Ils n’ont rien fait si tu penses Ă  mes tantes, aux jumeaux ou Ă  ce Ludovic, rĂ©pliqua-t-il tout de suite en repoussant sa main, faisant reculer son fauteuil pour s’éloigner de lui avant d’appeler faiblement, ne voulant pas briser encore plus l’image qu’il avait de son pĂšre. Gardes
 garde, j’en ai fini
 je n’ai plus rien Ă  lui dire

– Non ! Dimitri ! Attends

Cependant, le garde arriva bien trop vite, attrapa les poignĂ©es du fauteuil roulant puis poussa le jeune garçon loin de son pĂšre, l’appelant encore et encore, l’air complĂštement dĂ©sespĂ©rĂ© alors qu’il ordonnait qu’on lĂąche son enfant, voulant encore le voir, maudissant les jumeaux, ses tantes et ce Ludovic inconnu
 Dimitri se boucha les oreilles, les cris de son pĂšre vrillant ses tympans comme ceux des morts, le rĂ©clamant encore et encore

Quand il vit ThĂ©o avec Rodrigue et Alix, il ne put s’empĂȘcher de s’effondrer, pleurant toutes les larmes qui lui restaient, toutes celles n’étant pas encore partie en fumĂ©e pendant la TragĂ©die, enterrant son pĂšre Ă  son tour en comprenant que lui aussi Ă©tait mort
 il Ă©tait mort dans la TragĂ©die
 si l’homme qu’il pensait connaitre, si rassurant et gentil, avait dĂ©jĂ  existé  Rodrigue le prit dans ses bras, l’aidant Ă  se calmer alors qu’il pleurait encore et encore
 malgrĂ© tout ce que Lambert avait dit, il Ă©tait toujours lĂ , restant toujours Ă  ses cĂŽtĂ©s, le croyant et le rassurant face aux fantĂŽmes, mĂȘme si Dimitri n’avait pas eu le courage de lui avouer que mĂȘme son propre fils le hantait
 lui au moins, il n’avait pas changé 
« Avec eux, les Charon et mes amis, ça ira
 eux au moins, ils me croient et me soutiendront toujours
 j’en suis sĂ»r  » arriva-t-il Ă  se rassurer alors que les jumeaux et ThĂ©o l’aidaient Ă  faire de l’ordre dans ses pensĂ©es, Ă©loignant les fantĂŽmes se moquant de sa naĂŻvetĂ© en le traitant de mauvais fils. Avec eux Ă  ses cĂŽtĂ©s, peut-ĂȘtre qu’il pourrait ne plus croire le venin des fantĂŽmes

*
Seul dans sa cellule, enfermĂ© dans ses chaines, l’esprit de Lambert le nargua, rejouant la scĂšne en boucle, horrifié  mĂȘme
 mĂȘme son propre fils
 mĂȘme lui

« Dimitri
 Dimitri
 lui aussi, tu me l’as pris
 vous me l’avez tous pris
 vous m’avez pris mon fils
 vous me l’avez volé  tu me l’as volé  je suis sĂ»r que c’est toi
 tu disais que je t’avais tout volĂ© mais, le seul voleur ici, c’est toi
 c’est toi
 c’est toi ! » Enragea-t-il, revoyant la silhouette de son ancien ami se rire de lui, Ă©clatant d’un rire cruel Ă  son oreille avant de se rĂ©fugier dans l’obscuritĂ©, loin des mains de Lambert rĂȘvant de le faire taire pour de bon ! « AprĂšs m’avoir pris mon frĂšre, tu m’as pris mon fils
 ! C’est ta faute s’il m’a rejeté ! C’est toi qu’il a vu en premier ! Tout ça Ă  cause de ces sƓurs infernales, de ton frĂšre, de toi et de Ludovic ! Rufus avait raison, il n’aime personne et ne veut que dĂ©truire notre famille ! Et toi, tu l’aides ! Tout ça pour prendre notre place ! Tout ça par ambition ! Tu es aussi assoiffĂ© de pouvoir que tous les autres ! C’est juste que tu n’assumes rien ! Tu verras
 tu me le paiera
 tu me le paieras ! RODRIGUE !!! »
(suite en reblog)
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deviance-nocturnale · 2 years ago
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2. Ce que cache un masque
Grande vertu du masque vĂ©nitien pour broder des Ă©motions factices, terreur incendiaire sous le blanc dĂ©shumanisĂ©, gueule cassĂ©e dissimulĂ©e ou majestĂ© candide ? D’un coton humide, elle se dĂ©maquille devant sa psychĂ©, le sourire se fane et les rides dĂ©voilĂ©es affaissent les pommettes plus saillantes que pouponnes. Quand l’Ɠil de la camĂ©ra ferme sa pupille de verre, la femme revĂȘt alors un autre masque, dĂ©capant l’ancien au rire figĂ© et aux yeux de paon.  Sa vĂ©ritĂ© nue Ă©clatante sous le fard et les paillettes apparaĂźt aux yeux d’un monde numĂ©rique. Elle ne supporte plus de faire risette Ă  ses internautes. Elle a des crampes dans les joues et les zygomatiques fatiguĂ©s. Elle a trop rĂȘvĂ© d’irrĂ©el.  Tout ça pour vendre le dernier produit dont elle a elle-mĂȘme impulsĂ© la mode. Les rĂ©seaux se chargent du reste. Son nom en lettres capitales lui permet de gonfler ses ventes Ă  coups de likes et de commentaires affublĂ©s de cƓurs et d’emojis flammes. Elle Ă©touffe sous les hashtags sĂ©duisant et leurrant les esprits assoiffĂ©s de beautĂ© hypocrite. S’ils savaient qui habite les coulisses de ce thĂ©Ăątre frivole et dĂ©lĂ©tĂšre. Un filtre sur le visage lambda d’une fausse fille de joie jouant la star sous sa douche. Cette mĂȘme fille qui a tourmentĂ© les autres et aujourd’hui, face au miroir, il ne lui reste qu’un visage pixellisĂ© qui se dĂ©sagrĂšge. Le visage d’une prostituĂ©e que l’on paye en tweets faciles. L’allumeuse aux 18M abonnĂ©s. 18K, elle ne s’en souvient mĂȘme pas. Une Ferrari pour le prix d’une baguette de pain.  La poupĂ©e dĂ©sarticulĂ©e ne parvient plus Ă  se voir en HD, elle n’est plus qu’une basse dĂ©finition, une basse illusion.
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christian-dubuis-santini · 1 year ago
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La politique de la psychanalyse selon Lacan («l’inconscient, c’est la politique») c’est tout le contraire de la pathĂ©tique soumission de l’ECF de Jacques-Alain Miller au discours dominant et sa promotion, au nom du Bien, des identifications sexuelles imaginaires des Gender Studies...
La vĂ©ritable dimension politique de la psychanalyse rĂ©vĂšle son accĂšs dans le SĂ©minaire XX, quand Lacan affirme : «l'objectif de mon enseignement est ... de dissocier a et A ... c'est ici que la scission ou un dĂ©tachement reste Ă  ĂȘtre effectué».
Si cette «séparation» n'a pas lieu (c'est l'étape logique qui vient aprÚs l'aliénation...) l'Autre continue de fonctionner comme un grand Autre non castré, non barré, entier, représentant absolu du domaine de la nécessité, qui contient sa propre raison.
Alors que l'opération qui sépare l'Autre de sa cause, place cette cause à la fois hors de la sphÚre du sujet, et hors de la sphÚre de l'Autre, c'est à dire au point de leur impossible intersection.
Lacan parle de sortie du Discours Capitaliste, ce qui ne signifie pas encore la sortie du capitalisme...
Voilà pourquoi il avance que le psychanalyste, qui doit devenir un "saint", aura dû apprendre à "déchariter"...
«Plus on est de saints, plus on rit, c'est mon principe, voire la sortie du discours capitaliste, — ce qui ne constituera pas un progrĂšs, si c'est seulement pour certains.»
Pour Lacan, la fin d'une analyse se marque donc d’une sĂ©paration, la sĂ©paration de l'objet (a) du Moi (l'identitĂ© imaginaro-symbolique), l'objet se trouvant expulsĂ© hors du circuit signifiant, dans une prise de distance dĂ©cisive avec l’ordre symbolique...
L'équivoque signifiante concernant la notion de «lettre» est ici capitale.
La lettre en tant qu'elle est rĂ©elle n'est pas le message qu'elle contient mais si l’on peut dire "l'ĂȘtre de la lettre" lui-mĂȘme, le reste matĂ©riel qui rĂ©siste Ă  la symbolisation.
La sĂ©paration au sens psychanalytique consiste donc Ă  sĂ©parer le contenu de la lettre, ce qu'il y a Ă  l'intĂ©rieur, son message, de la lettre elle-mĂȘme en tant qu'elle est le support du message, son enveloppe matĂ©rielle, le message n’étant rien d’autre in fine que le mĂ©dium lui-mĂȘme...
Ce reste-dĂ©chet-excrĂ©ment, seul support restant d'identification, est le corrĂ©lĂąt objectif rĂ©el du sujet, sans lequel le sujet lui-mĂȘme disparaĂźtrait irrĂ©vocablement.
Ainsi naĂźt la notion de Sinthome (saint-homme) chez Lacan...
«À la vĂ©ritĂ© le saint ne se croit pas de «mĂ©rites», ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait pas de morale.
Le seul ennui, pour les autres, c’est qu’on ne voit pas oĂč ça le conduit.
Moi je cogite, je cogite Ă©perdument pour qu’il y en ait de nouveaux comme ça.
C’est sans doute de ne pas moi-mĂȘme y atteindre.» (TĂ©lĂ©vision)
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aurevoirmonty · 7 months ago
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Lettre ouverte Ă  la rĂ©daction et aux lecteurs du magazine «Le Point» suite Ă  l’article de Patrick Besson «Pourquoi il faut doter l’Ukraine de l’arme nuclĂ©aire» paru dans le numĂ©ro du 28 juin 2024   C’est avec une grande consternation que nous avons pris connaissance de l’article de Patrick Besson dans lequel il Ă©nonce une idĂ©e outranciĂšre de fournir une bombe atomique au rĂ©gime de Kiev pour frapper Moscou et Saint-PĂ©tersbourg. Ainsi, sur les pages de l’hebdomadaire considĂ©rĂ© rĂ©putĂ©, le journaliste, consciemment ou pas, appelle au dĂ©clenchement d’une guerre nuclĂ©aire pour, comme il le croit, faire la paix. Pourtant, il faut retenir bien que dans cette guerre il n’y aurait jamais de vainqueurs car l’existence mĂȘme de l’humanitĂ© serait mise en question.
D’ailleurs, avant de projeter maladroitement sur le prĂ©sent des rĂ©fĂ©rences douteuses et impertinentes au passĂ© de la Russie des XVIII, XIX et XX siĂšcles, M.Besson ferait mieux de se tourner vers l’histoire de l’Europe occidentale, y compris celle de la France, riche en Ă©vĂšnements d’une extrĂȘme violence qui dĂ©passent largement des clichĂ©s actuelles.
En ce qui concerne la prĂ©sentation superficielle et partielle de Saint-PĂ©tersbourg comme une nouvelle capitale russe «élevĂ©e par Pierre Ier au prix de milliers de travailleurs immigrĂ©s morts» il est Ă  rappeler que cette ville a Ă©tĂ© construite grĂące Ă  l’enthousiasme de son fondateur Pierre le Grand et Ă  l’abnĂ©gation des milliers de russes. Il est Ă  rappeler que parmi les soi-disant «immigrĂ©s», qui ont eu le privilĂšge d’investir leur talent et expĂ©rience dans ce projet pharaonique, figuraient de nombreux architectes français et italiens avec les noms immortels dont Auguste de Montferrand, Jean-François Thomas de Thomon, Domenico Trezzini, Carlo Rossi, Francesco Bartolomeo Rastrelli.
La liberté de parole va de pair avec la responsabilité pour leur sens.
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