#Thierry Hoquet
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findepartida · 7 years ago
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Cyborg sait que son assemblage est nĂ©cessairement instable et qu'il semble marquĂ© du sceau d'une malĂ©diction : celle de l'impossible greffe de la technique sur l'organisme, de l'organe acquis sur l'organe natif. D'une part, l'acquis, perpĂ©tuellement, se dĂ©tache du natif ; d'autre part, le natif se dĂ©grade et se meurt, si bien qu'Ă  la fin l'acquis se retrouve inutile et caduc. C'est Ă  cette labilitĂ© de Cyborg-assemblage qu'on donne parfois le nom d'Icare. On oppose parfois Icare aux optimistes laudateurs de DĂ©dale. Icare signifie alors le chĂątiment de la faute morale, le prix que doit acquitter quiconque verse dans l'excĂšs (hybris), dans l'orgueil qui dĂ©fie les dieux. Cyborg reconnaĂźt qu'Icare est un flambeur, un cascadeur acrobate et casse-cou, le fou du stunt, le RĂ©my Julienne de la philosophie. Mais Icare signifie aussi la grĂące, le geste magnifique qui s'autorise Ă  aller voir jusqu'oĂč ille peut Ă©lever son stuff, avant que celui-ci ne se fige et ne se fonde. Certes, DĂ©dale est arrivĂ© Ă  bon port ; mais son sort est-il vraiment enviable ? La folie et la grĂące d'Icare nous apprendront peut-ĂȘtre Ă  imaginer Cyborg heureux.
Thierry Hoquet, Cyborg philosophie, “Icare“
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a-room-of-my-own · 5 years ago
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Les termes et identitĂ©s « gender fluid » ou « non binaires » commencent Ă  prendre leur place dans la sociĂ©tĂ© et dĂ©rangent, plusieurs dĂ©cennies aprĂšs l’apparition des Ă©tudes du genre, un ordre « naturel » hĂ©tĂ©ronormĂ©.
EnquĂȘte. Une vague, ou une dĂ©ferlante ? En fĂ©vrier, sous le titre « Mode, beautĂ©, nouvelle identité  l’éclat unisexe », illustrĂ© par une photo de la trĂšs androgyne top-modĂšle Erika Linder, le magazine Vogue Paris consacre un dossier Ă  ce « phĂ©nomĂšne de sociĂ©tĂ© ». Un mois plus tard, dans son numĂ©ro du 27 mars, l’hebdomadaire L’Obs fait sa « une » sur le thĂšme « Ni fille ni garçon ». L’enquĂȘte s’accompagne d’un Ă©ditorial intitulĂ© « 50 nuances de genre », dans lequel Dominique Nora, directrice de la rĂ©daction, souligne que « les “non-binaires” forment l’avant-garde d’un combat sociĂ©tal ». Dans les mĂ©dias, sur les rĂ©seaux sociaux, au dĂ©tour des couloirs des collĂšges et des lycĂ©es, un terme Ă©merge avec insistance : « fluiditĂ© du genre ». Mais de quoi parle-t-on ?
La fluiditĂ© du genre ne dĂ©signe pas les personnes intersexes, nĂ©es avec une ambiguĂŻtĂ© des organes gĂ©nitaux, sur lesquelles le SĂ©nat s’est penchĂ© rĂ©cemment pour s’émouvoir d’opĂ©rations chirurgicales trop prĂ©coces. Pas plus que les gays et lesbiennes, dont l’orientation sexuelle sort du cadre hĂ©tĂ©ronormĂ© dominant. DĂ©rivĂ© de l’anglais gender fluid, le terme englobe en revanche tous ceux qui, dans leur identitĂ© de genre, ne se sentent ni tout Ă  fait homme ni tout Ă  fait femme, ou Ă  la fois homme et femme, ou encore homme nĂ© dans un corps de femme ou inversement, bref, tout ce qui ne correspond pas strictement Ă  notre catĂ©gorisation binaire entre masculin et fĂ©minin.
AprĂšs l’affaire Weinstein, la parole libĂ©rĂ©e
« La question de la fluiditĂ© du genre n’est pas seulement travaillĂ©e par les mĂ©dias, observe MarlĂšne Coulomb-Gully, professeure en sciences de l’information et de la communication Ă  l’universitĂ© Toulouse II-Jean-JaurĂšs. Cela fait trente ans que j’enseigne Ă  l’universitĂ©, quinze ans que ce que j’enseigne est en lien avec le genre, mais cela fait deux ans seulement que des Ă©tudiants viennent me voir pour me faire part de leur impossibilitĂ© ou de leur refus de se voir assignĂ© Ă  un genre. » Comment expliquer cette soudaine libĂ©ration de la parole ? Cette spĂ©cialiste des reprĂ©sentations du genre dans les mĂ©dias y voit notamment une des retombĂ©es de l’affaire Weinstein, qui a largement rendu publique, Ă  travers le harcĂšlement sexuel, la question du genre. Elle souligne Ă©galement que les questions de genre sont maintenant enseignĂ©es au lycĂ©e, voire Ă  l’école primaire. « Cela fait donc un certain nombre d’annĂ©es que les jeunes sont capables de mettre des mots sur les phĂ©nomĂšnes et les ressentis dans ce domaine. »
Masculin, fĂ©minin : si l’assignation Ă  l’un de ces deux genres fait de plus en plus dĂ©bat, si un nombre croissant de personnes rĂ©clament que le « M » ou le « F » puisse ĂȘtre remplacĂ© par un « X » (pour « neutre ») sur leur certificat de naissance, comme l’autorise la ville de New York depuis dĂ©but 2019, cette Ă©volution sort en droite ligne des Ă©tudes de genre.
DĂšs les annĂ©es 1960, le concept de genre est repris par les fĂ©ministes, qui s’en emparent pour interroger la domination masculine et revendiquer l’égalitĂ© des droits entre hommes et femmes
Apparu il y a plusieurs dĂ©cennies, aux Etats-Unis d’abord, en Europe ensuite, ce vaste champ interdisciplinaire, qui regroupe tous les pans des sciences humaines et sociales (histoire, sociologie, gĂ©ographie, anthropologie, Ă©conomie, sciences politiques, etc.), est fondĂ© sur un postulat simple : le sexe biologique ne suffit pas Ă  faire un homme ou une femme, les normes sociales y participent grandement. D’oĂč la diffĂ©rence entre « sexe » et « genre ».
En rĂ©vĂ©lant les codes sociaux qui façonnent le masculin et le fĂ©minin, les Ă©tudes de genre troublent l’ordre « naturel » entre les sexes. Elles dĂ©montrent que l’identitĂ© de genre (la perception d’ĂȘtre masculin ou fĂ©minin) ne se construit pas seulement sur notre sexe biologique, mais aussi en intĂ©grant, souvent de façon implicite, les valeurs et les rĂŽles assignĂ©s par la sociĂ©tĂ© Ă  cette appartenance. En dissociant intellectuellement le culturel et le biologique, le concept de genre interroge les clichĂ©s liĂ©s au sexe. Celui selon lequel, par exemple, les femmes seraient naturellement plus enclines Ă  s’atteler aux tĂąches domestiques que les hommes : il s’agit lĂ , affirment les gender studies, d’une construction sociale et historique, et non pas du fait que la femme est dotĂ©e d’un vagin et d’ovaires.
Le concept de genre apparaĂźt pour la premiĂšre fois dans les annĂ©es 1950, sous la plume du psycho-sexologue amĂ©ricain John Money, qui utilise l’expression « gender role » pour distinguer le statut social de l’homme et de la femme de leur sexe anatomique. Une dizaine d’annĂ©es plus tard, le psychiatre amĂ©ricain Robert Stoller forge quant Ă  lui la notion de « gender identity » pour Ă©tudier les personnes trans, qui ne se reconnaissent pas dans le sexe assignĂ© Ă  leur naissance. DĂšs les annĂ©es 1960, cette idĂ©e neuve est reprise par les fĂ©ministes, qui s’en emparent pour interroger la domination masculine et revendiquer l’égalitĂ© des droits entre hommes et femmes. TrĂšs vite, la question irrigue les sciences sociales amĂ©ricaines, puis europĂ©ennes.
L’émergence de la thĂ©orie « queer »
En s’interrogeant sur la « fabrique » quotidienne du masculin et du fĂ©minin, les Ă©tudes de genre revisitent Ă  nouveaux frais l’apport de l’anthropologue Margaret Mead, qui affirmait, dans l’AmĂ©rique puritaine des annĂ©es 1930, que les caractĂšres des hommes et des femmes Ă©taient conditionnĂ©s par le groupe dans lequel ils Ă©voluaient. Mais aussi les travaux de dĂ©fricheurs comme Simone de Beauvoir (« On ne naĂźt pas femme, on le devient »), Michel Foucault ou Pierre Bourdieu.
Dans les annĂ©es 1990, nouveau tournant : les Ă©tudes fĂ©ministes commencent Ă  fusionner aux Etats-Unis avec les gay et lesbian studies, qui questionnent l’homosexualitĂ©. C’est l’époque oĂč Ă©merge la thĂ©orie queer (bizarre, Ă©trange), portĂ©e par la philosophe Judith Butler. Son ouvrage phare, Gender trouble (1990), traduit en français en 2006 (Trouble dans le genre, La DĂ©couverte), se dĂ©marque du fĂ©minisme traditionnel en remettant en cause la bipolarisation entre homme et femme.
Quoi d’étonnant, dĂšs lors, si les frontiĂšres se brouillent ? En dĂ©construisant les diffĂ©rences de sexe, puis la catĂ©gorisation homme/femme Ă  l’aune de la construction sociale, les Ă©tudes de genre ont ouvert en grand les portes d’un univers inexplorĂ©. L’éternel fĂ©minin en a pris un coup, tout comme la maxime hippocratique tota mulier in utero (« toute la femme est dans son utĂ©rus »), qui l’enfermait dans son corps. A mesure que les modĂšles de la fĂ©minitĂ© se dĂ©multiplient, les canons de la virilitĂ©, Ă  leur tour, se complexifient. Les filles ne sont plus tenues de jouer les midinettes, ni les garçons les fiers-Ă -bras. Les rĂŽles peuvent mĂȘme s’inverser, l’entre-deux s’expĂ©rimenter. Tout peut s’inventer, tout devient possible. Le genre devient fluide.
« Il ne s’agit pas simplement d’une mode, d’un Ă©piphĂ©nomĂšne urbain, estime le philosophe des sciences naturelles Thierry Hoquet. Des Ă©lĂ©ments nouveaux sont apparus rĂ©cemment, qui font que le cadre normatif s’est globalement Ă©largi vis-Ă -vis des questions de genre. Au plan technique, par exemple, la prise d’hormones pour un changement de sexe est plus facile Ă  obtenir qu’auparavant. » Au plan juridique, le contexte s’est Ă©galement assoupli : en mai 2016, un amendement au projet de loi de modernisation de la justice (promulguĂ©e en novembre 2016) a grandement simplifiĂ© le changement d’état civil pour les personnes trans, qui n’ont plus Ă  apporter la preuve « irrĂ©versible et mĂ©dicale d’une transformation physique » pour obtenir une modification de leur sexe Ă  l’état civil.
Pour ce philosophe, auteur de Sexus nullus, ou l’égalitĂ© (iXe, 2015) – un savoureux conte philosophique dans lequel un candidat Ă  l’élection prĂ©sidentielle propose la suppression de toute mention du sexe Ă  l’état civil –, le monde binaire est aujourd’hui travaillĂ© par des « forces Ă©picĂšnes », qui rendent possibles des devenirs diffĂ©rents. Un mot Ă©picĂšne (du grec epĂ­koinos, « possĂ©dĂ© en commun ») est un mot dĂ©signant un ĂȘtre animĂ©, qui peut ĂȘtre employĂ© au masculin et au fĂ©minin sans variation de forme : « Ă©lĂšve » ou « enfant », par exemple. « Ou encore le prĂ©nom Charlie, qui est Ă  la fois celui de ma voisine et celui de mon oncle », illustre Thierry Hoquet. L’épicĂšne, prĂ©cise-t-il, se distingue du neutre. « Quand on entend “neutre”, on pense dĂ©ni ou effacement des sexes. Ce que dit la notion d’épicĂšne, ou de fluiditĂ©, ce n’est pas une nĂ©gation : c’est une richesse de potentialitĂ©s. Il est essentiel de laisser nos enfants s’épanouir dans diffĂ©rentes directions sans les contraindre au nom de la biologie. »
Eddy de Pretto, Chris, Bilal Hassani

Tout le monde, tant s’en faut, n’est pas devenu familier avec la fluiditĂ©. Mais la question, dans les villes plus que dans les campagnes, travaille les jeunes gĂ©nĂ©rations. Selon une Ă©tude YouGov rĂ©alisĂ©e pour L’Obs dĂ©but 2019, 14 % des 18-44 ans se considĂšrent comme « non binaires » (6 % ont rĂ©pondu « oui tout Ă  fait », 8 % « oui plutĂŽt »). Divers phĂ©nomĂšnes de la culture pop – Chris (ex-Christine and the Queens), le chanteur Eddy de Pretto, les acteurs et musiciens Jaden Smith et Ezra Miller – flirtent ouvertement avec le queer : pour Emmanuelle Alt, rĂ©dactrice en chef de Vogue Paris, ils constituent les « Ă©tendards Ă©clatants d’une nouvelle identitĂ© », et sont « dĂ©cidĂ©s Ă  rendre visibles aux yeux des autres leur vĂ©ritĂ©, aussi trouble soit-elle, et leur singularitĂ© ». Les arĂšnes artistiques permettant aux minoritĂ©s de genre de s’exprimer sont de plus en plus visibles, telle la scĂšne drag queen parisienne. Sans parler de Bilal Hassani, candidat français Ă  l’Eurovison 2019, dont la chanson Roi reflĂšte le vĂ©cu – « Je suis le mĂȘme depuis tout petit et malgrĂ© les regards, les avis, je pleure, je sors et je ris (
). Je suis pas dans les codes, ça dĂ©range beaucoup. »
Serait-on entrĂ© dans un nouveau monde oĂč ceux qui souhaitent s’émanciper du genre peuvent prendre la parole et la lumiĂšre ? La rĂ©alitĂ© n’est pas si simple. Car cette Ă©volution suscite en retour une opposition trĂšs forte, comme le montre un peu partout en Europe l’ampleur des campagnes antigenre. « Le principe est newtonien : plus on avance d’un cĂŽtĂ©, plus la rĂ©action est forte de l’autre. Pour l’instant, dans ce domaine, la parole est encore du cĂŽtĂ© des progressistes. Mais jusqu’à quand ? », s’interroge MarlĂšne Coulomb-Gully.
Estimant que l’on touche Ă  « quelque chose d’absolument fondamental en termes d’identitĂ© personnelle », la professeure en sciences de l’information et de la communication craint que la parole libĂ©rĂ©e par « les populismes de tout crin » touche aussi les questions de genre. Si les actes homophobes se multiplient ici et lĂ , si les forces rĂ©actionnaires menacent les droits LGBT dans un nombre croissant de pays, ce n’est Ă©videmment pas un hasard. La binaritĂ© des sexes a longtemps menĂ© le monde, et avec elle, la « norme hĂ©tĂ©rosexuelle ». Leur dĂ©construction Ă©veille donc de profonds fantasmes de peur, sur lesquels le Vatican, qui dĂ©nonce de longue date cette pensĂ©e « relativiste », a beau jeu de s’appuyer.
Mais l’angoisse de la confusion des genres ne touche pas que l’Eglise. « La rĂ©appropriation par chacun de son apparence de genre peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une volontĂ© de s’émanciper de la nature, souligne le philosophe Thierry Hoquet. Pour certains, ces dĂ©cisions individuelles remettent en question quelque chose de fondamental dans la dĂ©finition de notre vivre-ensemble. Elles semblent engager la dĂ©finition de la sociĂ©tĂ© dans laquelle on vit, et plus globalement remettre en question l’hĂ©ritage biologique de l’humain.»
Le genre au risque de la nĂ©gation du corps : c’est ce que dĂ©nonce par exemple le philosophe Jean-François Braunstein, dans La Philosophie devenue folle (Grasset, 2018). « Il faut dĂ©sormais affirmer que le genre doit ĂȘtre totalement dĂ©couplĂ© de l’anatomie », Ă©crit-il, en fustigeant le « nouvel idĂ©al » que serait la fluiditĂ© des genres. « Les corps ne comptent plus, seules comptent les consciences, le sentiment que nous avons d’ĂȘtre ceci ou cela. » Dans son dernier ouvrage, Qui a peur de la thĂ©orie queer ? (Les Presses de Sciences Po, 2018), Bruno Perreau, spĂ©cialiste des questions de genre et professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT, Etats-Unis), analyse l’origine des peurs suscitĂ©es par la dĂ©construction des genres. Il s’attache notamment Ă  dĂ©montrer que l’un de ses moteurs est la crainte de la propagation de l’homosexualitĂ©. « IndiffĂ©rente Ă  la diffĂ©rence des sexes, la “thĂ©orie du genre” fabriquerait une sociĂ©tĂ© transgenre oĂč l’hĂ©tĂ©rosexualitĂ© serait contrainte d’abdiquer son hĂ©gĂ©monie et oĂč l’homosexualitĂ© ne serait plus contenue par rien d’autre qu’elle-mĂȘme », Ă©crit-il, en qualifiant cette crainte de « fable Ă©pistĂ©mologique ».
C’est « parce que toute une frange de la sociĂ©tĂ© craint l’éclatement des formes familiales et parentales qui pourrait dĂ©couler d’une “fluiditĂ©â€ des genres qu’elle s’accroche aux stĂ©rĂ©otypes de sexe », renchĂ©rit la sociologue Marie Duru-Bellat, qui a analysĂ© des dĂ©cennies durant la maniĂšre dont se construisent les inĂ©galitĂ©s hommes-femmes, notamment dans le systĂšme scolaire. Et de souligner, dans La Tyrannie du genre (Presses de Sciences Po, 2017), cet Ă©trange paradoxe : les controverses rĂ©currentes sur le genre ont conduit ces derniĂšres annĂ©es Ă  une cĂ©lĂ©bration croissante des diffĂ©rences entre les hommes et les femmes, construisant, jour aprĂšs jour, de nouvelles formes de domination masculine.
Que dire Ă  ceux qui craignent que ­la marche vers l’égalitĂ© aboutisse Ă  une forme d’indiffĂ©renciation des sexes ? A la confusion des genres ? En conclusion d’un petit livre Ă©crit en 1993 (Les Cinq Sexes, Payot & Rivages), l’AmĂ©ricaine Anne Fausto-Sterling, professeure de biologie et d’études de genre Ă  l’UniversitĂ© Brown, rĂ©pondait ceci : « Il arrive parfois que des gens me demandent, non sans horreur, si je ne milite pas pour un monde couleur pastel, dans lequel l’androgynie serait reine et oĂč hommes et femmes seraient exactement les mĂȘmes. A mes yeux, pastel et couleurs vives cohabitent. Il existe et existera toujours des personnes extrĂȘmement masculines. Simplement, certaines sont des femmes. Et dans mon entourage, certaines personnes des plus fĂ©minines sont bel et bien des hommes. » Cela ne rassurera pas tout le monde.
Catherine Vincent
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David Paternotte : « La dĂ©stabilisation de l’ordre sexuel est un Ă©lĂ©ment fondateur du discours antigenre »
Le sociologue revient sur la naissance d’une prĂ©tendue « idĂ©ologie du genre », concept inventĂ© par les opposants Ă  la libertĂ© de disposer de son corps.
Propos recueillis par Catherine Vincent Publié le 19 juillet 2019
Entretien. David Paternotte, professeur en sociologie Ă  l’universitĂ© libre de Bruxelles, a codirigĂ© l’ouvrage Campagnes antigenre en Europe. Des mobilisations contre l’égalitĂ© (Presses universitaires de Lyon, 2018).
La « fluiditĂ© » du genre et l’« idĂ©ologie » – ou la « thĂ©orie » – du genre, ce n’est pas du tout la mĂȘme chose
 Que dĂ©signe ce dernier terme ?
Le terme d’« idĂ©ologie » du genre a Ă©tĂ© inventĂ© par le Vatican dans les annĂ©es 1990, pour contrer les droits sexuels et reproductifs acquis lors de deux confĂ©rences de l’ONU : l’une sur la population et le dĂ©veloppement (Le Caire, 1994), l’autre sur les droits des femmes (PĂ©kin, 1995). Pour le Saint-SiĂšge, ces droits dĂ©stabilisent un certain ordre sexuel fondĂ© sur la sĂ©paration entre hommes et femmes. C’est Ă  ce moment-lĂ  qu’apparaĂźt le terme d’« idĂ©ologie du genre » ou de « thĂ©orie du genre ». Il ne dĂ©signe pas seulement les Ă©tudes de genre : il laisse entendre qu’il existerait un plan sous-jacent de prise de pouvoir, de transformation de la sociĂ©tĂ©. Deux images illustrent cette dimension de conspiration : celle du sous-marin (qui avance cachĂ©) et celle du cheval de Troie (qui paraĂźt inoffensif mais recĂšle des dangers). Le terme d’« idĂ©ologie du genre » permet d’évacuer toutes les subtilitĂ©s qui existent au sein des Ă©tudes de genre. L’idĂ©e gĂ©nĂ©rale est qu’il s’agit d’un grand complot dans lequel se retrouvent les fĂ©ministes, les universitaires, les militant(e)s LGBT et les responsables des politiques de genre des institutions internationales.
L’ouvrage que vous avez codirigĂ© avec Roman Kuhar, « Campagnes antigenre en Europe », montre que la Manif pour tous, qui a occupĂ© l’espace public en France en 2012-2013, a essaimĂ© dans la plupart des pays europĂ©ens. Quelles similitudes ou disparitĂ©s observe-t-on dans ces mouvements ?
Les grands Ă©lĂ©ments fondateurs du discours sont les mĂȘmes partout : dĂ©stabilisation de l’ordre sexuel et conspiration. Parmi les autres ressemblances figurent les types d’acteurs (anciennes associations anti-avortement, communautĂ©s religieuses, partis ou mouvements populistes), et les formes de mobilisation : les codes couleurs des ballons roses et bleus ainsi que le logo reprĂ©sentant un pĂšre, une mĂšre et deux enfants. A quoi s’ajoute une trĂšs forte prĂ©sence sur les rĂ©seaux sociaux et sur Internet
Au-delĂ  de ces similitudes, la force des campagnes antigenre est de s’appuyer sur un discours extrĂȘmement plastique. L’« idĂ©ologie du genre » sera prĂ©sentĂ©e en Allemagne et en Autriche comme une idĂ©ologie totalitaire et une pratique non dĂ©mocratique, alors qu’en Europe de l’Est, on insistera sur le fait qu’elle constitue une forme d’ingĂ©nierie sociale, un avatar du marxisme. Le ministre italien de l’intĂ©rieur Matteo Salvini, quant Ă  lui, utilise ce concept pour insister sur les racines chrĂ©tiennes de l’Italie – ce qui lui permet d’attaquer les musulmans et les rĂ©fugiĂ©s.
Au-delà de ces stratégies politiques, comment expliquer que cette opposition aux libertés de choix et de disposition de son corps rencontre un tel succÚs ?
Cette opposition joue beaucoup sur les peurs. Sur le site de la Manif pour tous, on lit ceci : « L’idĂ©ologie du genre est destructrice, obscurantiste, antisociale, anti populaire comme elle est anti naturelle. » Cette « idĂ©ologie » menacerait l’avenir des sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes, voire l’humanitĂ© tout entiĂšre, et conduirait Ă  une rĂ©volution anthropologique en niant la diffĂ©rence des sexes et leur complĂ©mentaritĂ©. Or, dans un monde qui change beaucoup, et de façon souvent inquiĂ©tante, il est tentant, comme le souligne le sociologue Eric Fassin, de se raccrocher Ă  ce qui ne change pas : la nature. L’idĂ©e que l’humanitĂ© est naturellement divisĂ©e en deux groupes clairement dĂ©finis donne une impression de stabilitĂ© dans un monde de moins en moins stable.
Quelles conséquences peuvent avoir ces mouvements antigenre ?
Les attaques contre le genre et les droits sexuels peuvent ĂȘtre instrumentalisĂ©s pour consolider le pouvoir des Etats. C’est ce que fait notamment Vladimir Poutine en Russie, qui insiste beaucoup sur les « valeurs traditionnelles ». En Pologne ou en Hongrie, les consĂ©quences se font dĂ©jĂ  sentir avec l’arrĂȘt du financement de certains programmes de recherche et le soutien de nouvelles structures de la sociĂ©tĂ© civile, tels les groupes anti-avortement.
Vous revenez tout juste d’Amsterdam, oĂč se tenait, du 4 au 6 juillet, la confĂ©rence bi-annuelle ECPG (European Conference on Politics & Gender). Ces questions y Ă©taient-elles dĂ©battues ?
Elles Ă©taient extrĂȘmement prĂ©sentes. Ces prĂ©occupations Ă©taient beaucoup moins fortes il y a deux ans, lors de la derniĂšre confĂ©rence ECPG. La prise de conscience a Ă©tĂ© lente, mais elle est dĂ©sormais gĂ©nĂ©ralisĂ©e.
Catherine Vincent
@kurukka et le radclub c'est l'article du monde que j'ai posté en print l'autre jour.
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thomas-querqy · 7 years ago
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Le philosophe Thierry Hoquet interroge la pertinence du projet vĂ©gan qui voudrait que l’humain s’interdise toute consommation animale (...)
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philoinfo · 6 years ago
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Philosopher avec Miyazaki (1/4) : Ponyo sur la falaise, une héroïne japonaise
durĂ©e : 00:59:26 - Les Chemins de la philosophie - par : AdĂšle Van Reeth, GĂ©raldine Mosna-Savoye - Hayao Miyazaki dĂ©veloppe un monde enchanteur qui rend sensible une proximitĂ© Ă  la nature, Ă  l’invisible, Ă  la magie. "Ponyo sur la falaise" raconte la rencontre entre un petit garçon et un poisson Ă  figure humaine. Comment s’articule l’humain au non humain dans le cinĂ©ma de Miyazaki ? - invitĂ©s : Thierry HOQUET - Thierry Hoquet : philosophe, professeur Ă  l'UniversitĂ© Paris Nanterre - rĂ©alisĂ© par : Nicolas Berger, Thomas Beau source https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/philosopher-avec-miyazaki-14-ponyo-sur-la-falaise-une-heroine-japonaise
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dephasage-blog · 6 years ago
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DĂ©phasage #169 - 21.06.18
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01/ Cam Deas - Exercise 1 (Times Exercices/The Death Of Rave/Juin 18) 02/ Cam Deas - Exercise 4 (Times Exercices/The Death Of Rave/Juin 18) 03/ Mark Fell - INTRA-8 (INTRA/Boomkat Editions/Juin 18) 04/ Mark Fell - INTRA-3 (INTRA/Boomkat Editions/Juin 18) 05/ Jan Jelinek - Hubert Fichte (Zwischen/Faitiche/Mai 18) 06/ Jan Jelinek - Lady Gaga (Zwischen/Faitiche/Mai 18) 07/ Jan Jelinek - Marcel Duchamp (Zwischen/Faitiche/Mai 18) 08/ Jan Jelinek -  Friedericke Mayröcker (Zwischen/Faitiche/Mai 18) 09/ Polyphonies Ari - Weya (Thierry Fournel/Ocora/2002) 10/ Polyphonies Ari - Weyssa (Thierry Fournel/Ocora/2002)
[Thomas]
Cameron Deas s'est avant tout illustrĂ© dans la manipulation des douze cordes de sa guitare corpulente, qu'il baladait entre ritournelles impeccables et quĂȘtes de dissonances, toujours couvertes par le champ tonal Ă©largi que permet le doublement du filin en spirale. A moins qu'il ne se soit laissĂ© orienter par les possibilitĂ©s harmoniques qu'il avait sous les mains, comme peuvent le faire penser son jeu instinctif, ou le titre de son album de 2009 « My guitar is alive and it's singing ». Devenu moins productif depuis quelques annĂ©es, le mĂ©nestrel d'outre-manche a engagĂ© une mue, dont l'accomplissement est entĂ©rinĂ© par la sortie de son dernier album. DĂ©jĂ  ses « String studies » de 2014 Ă©taient comme un rapport d'Ă©tape de la transformation en cours, dans lequel le fameux instrument voyait son chant traitĂ© par les modules d'un synthĂ©tiseur que l'on imaginait encore en construction. Mais avec « Time exercices », la guitare n'est plus et c'est au tour de la machine Ă©mancipĂ©e de tirer Cam Deas par l'oreille vers les perspectives sonores qu'elle entend creuser.
L'essaim artificiel de bourdonnements insistants et de tambours belliqueux qui se rue alors sur l'auditeur ne peut que faire songer aux espĂšces notionnelles de Rashad Becker, source d'inspiration plus qu’évidente pour l'anglais, Ă  l'Ă©coute en particulier du premier « exercice ». D'ailleurs, si donner suite a des « études » avec des « exercices » pourrait relever de l'excĂšs de modestie, Cam Deas semble bien en train de faire ses gammes, avec des morceaux qui connaissent peu de variations et se bornent Ă  nous envoyer leur produit dense et inflammable dans les Ă©coutilles. On comprend alors que la mue du guitariste ne s'est pas faite sans un plongeon dans un acide duquel il aurait Ă©mergĂ© tel Jack Japied, dĂ©cidĂ© Ă  en dĂ©coudre.
Si les octaves des cordes ne se rĂ©pondent plus sur Time exercices, les volumineux mouvements Ă©lectroniques s'entrecroisent sans cesse jusqu'Ă  faire entendre les cris des suppliciĂ©s emportĂ©s par la Porte de l'Enfer de Rodin. Personnages de sang et de souffle, ils parviennent par l'effet d'une nĂ©cromancie inexpliquĂ©e Ă  percer sous des situations musicales presque aussi scolaires que leur appellation le laisse entendre. Ces acteurs auront les apparences que l'Ă©coutant voudra bien leur consentir, mais demeureront assurĂ©ment bousculĂ©s, transpercĂ©s. Au rang des mĂ©taphores de fin de chronique, un rapprochement avec la tauromachie aurait donc Ă©tĂ© envisageable lui aussi, et finalement assez indiquĂ© vu comme avec cette nouvelle sortie, l'inĂ©vitable label The death of rave fait - une fois de plus - un effet bƓuf.
[Antoine]
Figure essentielle des musiques dĂ©phasĂ©es, l’artiste anglais signe son retour deux ans aprĂšs Focal Music , sortie K7 qui le voyait emprunter un chemin ouvert avec A Pattern for Becoming deux annĂ©es plus tĂŽt. Il entĂ©rine cette voie nouvelle aprĂšs sa sĂ©rie de travaux uniquement fait de sons Ă©lectroniques de Multistability Ă  UL8 en passant par Manitutshu. Pour autant il ne quitte pas une approche trĂšs personnelle du rythme qu’il a imposĂ©e dĂšs 2010, bien avant les Gabor Lazar, Second Woman et consort qu’il a sans aucun doute beaucoup inspirĂ©. Cette maniĂšre de ne plus aborder le temps musical comme une dĂ©coupe mathĂ©matique faite de division et multiplication d’un tempo fixe en battements par minute, mais plutĂŽt de façon fluide en pensant chaque dĂ©clenchement d’évĂ©nement sonore Ă  la millisecondes. L’écart entre chacun d’entre eux ainsi que leur intensitĂ© est sujet Ă  des fluctuations allant du fixe Ă  l’alĂ©atoire. Cette synthĂšse de motifs rythmiques qu’il a inventĂ©e pour ses albums Ă©lectroniques, il la rĂ©utilise ici, non plus pour contrĂŽler kick de Linndrum, clap et stab de synthĂ© FM mais pour indiquer ce que les percussionnistes doivent jouer.
Pour INTRA, ce sont les membres de l’ensemble portugais Drumming qui interprĂštent des motifs qu’ils entendent en direct dans le casque qu’il porte chacun. L’aller-retour entre homme-machine Ă©lectronique-musicien-machine acoustique donne une teneur sonore sans pareille ici. D’autant plus que les instruments jouĂ©s ont une grande particularitĂ©. C’est un ensemble de mĂ©tallophones  crĂ©Ă©s pour la piĂšce PlĂ©ĂŻades de Xenakis, semblable Ă  un xylophone sauf que chaque lames est accordĂ©e de maniĂšre microtonale (un Ă©cart plus faible qu’un demi-ton des gammes occidentales). Ce partie pris est en rĂ©sonance avec le choix d’employer des gammes indiennes de la musique Carnatique donnant une organisation des hauteurs fidĂšles Ă  ce modĂšle. L’écho entre la vision du rythme de Mark Fell et celle de cette musique ferme la boucle et fait le pont de la plus belle des maniĂšres entre ces deux traditions brouillant les pistes historiques.
[Max]
Sans le contexte de cette “der’ des dĂ©ph”, comme on en vient Ă  tutoyer le panthĂ©on pour cette ultime soirĂ©e en notre compagnie dans les studios de Radio Campus Bordeaux, puis comme c’est jour de fĂȘte quoi de mieux qu’un bijou de discontinuitĂ© À l’occasion de la rĂ©Ă©dition vinyle des improvisations & edits "tokyo 2001" avec le trio computer soup qui n’était sortis dĂšs lors qu’en CD via le label Sub Rosa, le berlinois Jan Jelinek nous offre simultanĂ©ment le condensĂ© d’une radiodiffusion sur la "sudwestrundfunk" Ă  Stuttgart titrĂ© "zwichen" (entre-deux en français). Cette chose, que l’on pourrait objectivement qualifier de mĂ©lasse binaire sous forme d’un assemblage de particules sonores non-sĂ©mantiques, s’apparente mĂȘme Ă  un ferment Ă©lectronique. Il ferait naĂźtre des structures Ă©lectroacoustiques un nouvel album qui se dĂ©compose en douze sĂ©quences auto-poĂ©tiques, toutes issues d’une fusion entre synthĂšse modulaire et collages audios. Parmis les silences dĂ©sarticulĂ©s et interstices phonĂ©tiques Jan s’emploi scrupuleusement Ă  confronter cette esthĂ©tique de la faille avec la supposĂ©e Ă©loquence des personnalitĂ©s interviewĂ©s en les mixant dans sa machine abstraite.
[Antoine]
Les Ari sont un peuple du Sud-Ouest de l’Ethiopie, ce sont des agriculteurs sĂ©dentaires de tradition animistes. C’est principalement lors de grandes cĂ©rĂ©monies rituelles qu’ils se livrent Ă  ce qu’on peut aussi appeler une polyrythmie par hoquet. Le principe est que chaque voix tient une hauteur prĂ©cise et un motif rĂ©pĂ©titif sur une certaine durĂ©e, c’est le jeu de dĂ©phasage entre le dĂ©roulement de chaque partie individuelle qui va crĂ©er une complexitĂ© par le phĂ©nomĂšne de masse. Ils chantent des voyelles qu’ils font Ă©voluer au grĂ© du filtrage occasionnĂ© par leur appareil phonatoire, donnant une richesse de sons vocaux incroyables. C’est autant les femmes que les hommes et mĂȘme les enfants qui prennent part Ă  cette tradition permettant de souder la communautĂ©. S’y mĂȘle aussi des flĂ»tes weyssa suivant elles aussi ce principe de polyrythmie, dĂ©stabilisant nos oreilles occidentales, incapable de se repĂ©rer au bout d’un temps. 
Tout comme le travail de Mark Fell avec la musique carnatique indienne, les Ari prouvent qu’en musique la hiĂ©rarchie que pourrait imposer l’Histoire de cette discipline avec un grand H, tout comme la notion de modernitĂ© n’a aucun cours ni aucune raison d’exister. Pourquoi se priver, quand on peut tout embrasser les oreilles bien ouvertes ?
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citationsfeministes-blog · 8 years ago
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◘ Des sexes innombrables - Thierry Hoquet
« Dans la sociĂ©tĂ© humaine, le sexe n'est jamais pur, il est toujours mĂȘlĂ© de considĂ©rations de genre : c'est-Ă -dire Ă  des reprĂ©sentations sociales portant sur ce que sont ou doivent ĂȘtre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, sur la maniĂšre dont il leur convient de vivre et de se comporter. "On ne naĂźt pas femme, on le devient" : voilĂ  qui retire la femme de la nature, qui introduit un Ă©cart entre les femmes et "La Femme" ; voilĂ  qui met en problĂšme l'Ă©vidence apparente du concept de "femme".» Babelio : http://www.babelio.com/livres/Hoquet-Des-sexes-innombrables/832280
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findepartida · 7 years ago
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Brisant l'envoĂ»tante boĂźte Ă  musique, Cyborg proclame que le conte lui-mĂȘme est la pomme empoisonnĂ©e. Et quand la MarĂątre jette un sort Ă  Aurore, condamnant la Belle au bois dormant, il faut comprendre que, chaque soir, le mĂȘme sort est jetĂ© Ă  des milliers de fillettes par la rĂ©itĂ©ration du conte. Cyborg piĂ©tine la boĂźte Ă  musique oĂč gesticulait en vain la ballerine en tutu de tulle rose, immobile et aux pieds mutilĂ©s. Le poison, c'est le rĂȘve de princesse, qui assigne Ă  la Femme un destin de passivitĂ© et d'attente. C'est, dans sa version teen-movie, le mythe de la cheerleader amĂ©ricaine, la bombasse populaire, sexuellement mĂ»re et en attente d'ĂȘtre cueillie mais qui ne doit surtout pas l'ĂȘtre, entiĂšrement dĂ©diĂ©e Ă  la jouissance des garçons mais dont la seule vertu est de se refuser. Cyborg veut briser cette malĂ©diction en jouant mythe contre mythe.
Thierry Hoquet, Philosophie cyborg, “RĂȘves de princesses“
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findepartida · 7 years ago
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Le monstre rĂ©vĂšle qu'ici on a fautĂ©. Il met au jour ce qui hantera Darwin : que l'EspĂšce n'est garantie par aucun critĂšre naturel susceptible de l'asseoir ou de la garantir ; que l'hybride est toujours possible. L'Un a beau se garder de l'Autre : il n'est jamais donnĂ© seul, il s'affirme toujours sur un sol infestĂ© de contestation et de contamination. Les beau rĂȘves de puretĂ©, Ă  peine formulĂ©s, s'effondrent dĂ©jĂ . Le terme premier ne se donne jamais sans ses formes dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©es, sans la multiplicitĂ© de ses masques, de ses ratages, de ses entrecroisements.
Thierry Hoquet, Philosophie cyborg, “Cyborg en embuscade“
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findepartida · 7 years ago
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Ainsi, il faut se maquiller mais pas trop. Il faut s'exercer, non se livrer au body-building.  [...] Comment définir l'effort juste et la bonne souffrance ? Ce n'est jamais tant la performance qui compte qui le fait qu'elle puisse passer pour naturelle, légÚre et sans pesanteur, autrement dit qu'on puisse continuer à la fétichiser, à l'admirer comme un don de la Providence, à l'adorer comme si nous n'y étions pour rien.
Thierry Hoquet, Philosophie cyborg, “EugĂ©nies“
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findepartida · 7 years ago
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Autrement dit, l'exclu du systĂšme a, tout autant que celui qui en jouit, une claire perception du systĂšme et des potentialitĂ©s qu'il offre. Si bien que tout dĂ©veloppement du systĂšme est une formidable machine Ă  produire du handicap. Par handicap, nous entendons non pas l'Ă©tat d'exception par rapport Ă  un Ă©tat statistiquement "normal" mais la frustration par rapport Ă  un Ă©tat possible. Car tout possible se trouve requis comme devant-avenir, comme simple Ne-pas-ĂȘtre encore (Noch-Nicht-Sein). [...] Chaque mutant qualifie le reste de ses entitĂ©s-soeurs en handicapĂ©es. Selon la logique darwinienne, le monstre n'est pas monstrueux dans l'absolu mais seulement par rapport Ă  une ligne de vie qu'il n'a pas choisie. De mĂȘme, l'aveugle n'est pas en soi aveugle, il ne s'agit pas d'une propriĂ©tĂ© positive : l'aveugle ne se dĂ©couvre telle que par la relation qu'elle entretient avec des voyants.
Thierry Hoquet, Cyborg philosophie
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findepartida · 7 years ago
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Cyborg porte majuscule comme d'autres portent moustache, mouche ou perruque : pour se singulariser. La majuscule trace des voies inattendues à travers l'Histoire. Ainsi Roland Barthes en a-t-il semé en quantité : SorciÚre, Grùce, Jeu, Tabac, Alcool, Roman, Ennui, Rose et Taureau. Cette multiplication a pour effet de dégonfler les majuscules plus ordinaires (France, Robespierre, Femme, Noir), de les troubler et de les marquer, en retour, d'une inquiétante étrangeté. La majuscule est démocratique : elle multiplie les personnages et les voix, elle rend audible l'inouï.
Thierry Hoquet, Cyborg philosophie, “Usage de la majuscule“
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findepartida · 7 years ago
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Entrer dans la philosophie, c'est se soumettre au pouvoir d'un corpus. Par lĂ , la philosophie est devenue un culte rendu aux dwems --dead white European males. Les dwems sont aussi puissants que les anciens djinns et la philosophie est condamnĂ©e Ă  ĂȘtre leur vestale ou leur nonne : vierge stĂ©rile et consacrĂ©e, destinĂ©e Ă  servir.
Thierry Hoquet, Cyborg philosophie, “Le pouvoir des dwems“
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citationsfeministes-blog · 8 years ago
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◘ Des sexes innombrables - Thierry Hoquet
« Les études sur le genre exercent une salutaire vigilance : lorsqu'on parle de biologie, c'est souvent pour faire passer en force des valeurs ; une puissance de contrainte pÚse sur les individus au nom des prétendus "faits" biologiques. Ainsi, loin de proclamer que tout est contingent ou d'inviter à transgresser et subvertir dans la joie, une bonne part des études sur le genre soulignent au contraire les étouffants effets de contrainte exercés au prétexte d'une nécessité dite "biologique" : l'appel à de prétendus "faits biologiques"  a toujours été une terrible arme politique visant à domestiquer les individus et annihiler toute résistance. Ainsi comprises, les études sur le genre sont un instrument de salut public, un outil essentiel de réflexion démocratique sur les effets du discours biologique. »
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citationsfeministes-blog · 8 years ago
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◘ Des sexes innombrables:le genre Ă  l’épreuve de la biologie - Thierry Hoquet
« Comme l'indiquent les auteurs d'un manuel d'Ă©tudes sur le genre, ''nul besoin de nier l'existence de l'anatomnique ou du biologique'' : il s'agit plutĂŽt de considĂ©rer le sexe comme un ''marqueur de la division sociale qui fait exister les femmes et les hommes comme groupes antagonistes'', qui se surimpose Ă  des ''rĂ©alitĂ©s anatomiques en elle-mĂȘmes insignifiantes et ambiguĂ«s'', qui n'exigent ni cet antagonisme ni la dichotomie. Autrement dit, le biologique ne donnerait que la pluralitĂ© Ă©parse alors que le genre produirait la dualitĂ© ordonnĂ©e. Ainsi, il s'agit pour les Ă©tudes sur le genre non pas de nier la rĂ©alitĂ© du physique, mais de distinguer la rĂ©alitĂ© physique considĂ©rĂ©e ''en elle-mĂȘme'' et ''en elle-mĂȘme dĂ©pourvu[e] de sens, comme tous les faits physiques'', et les implications sociales qu'on en tire. La sociĂ©tĂ© opĂ©rerait sur les donnĂ©es biologiques une synecdoque : elle prĂ©lĂšve une partie (la possession d'un sexe mĂąle ou femelle) pour constituer deux groupes, les femmes et les hommes. » Babelio : http://www.babelio.com/livres/Hoquet-Des-sexes-innombrables/832280
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