L'émission des musiques hors cadres de 2012 à 2018 sur Radio Campus Bordeaux. French radio show about out of frame music on Radio Campus Bordeaux from 2012 to 2018. Contact : [email protected]
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Déphasage #169 - 21.06.18
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01/ Cam Deas - Exercise 1 (Times Exercices/The Death Of Rave/Juin 18) 02/ Cam Deas - Exercise 4 (Times Exercices/The Death Of Rave/Juin 18) 03/ Mark Fell - INTRA-8 (INTRA/Boomkat Editions/Juin 18) 04/ Mark Fell - INTRA-3 (INTRA/Boomkat Editions/Juin 18) 05/ Jan Jelinek - Hubert Fichte (Zwischen/Faitiche/Mai 18) 06/ Jan Jelinek - Lady Gaga (Zwischen/Faitiche/Mai 18) 07/ Jan Jelinek - Marcel Duchamp (Zwischen/Faitiche/Mai 18) 08/ Jan Jelinek - Friedericke Mayröcker (Zwischen/Faitiche/Mai 18) 09/ Polyphonies Ari - Weya (Thierry Fournel/Ocora/2002) 10/ Polyphonies Ari - Weyssa (Thierry Fournel/Ocora/2002)
[Thomas]
Cameron Deas s'est avant tout illustré dans la manipulation des douze cordes de sa guitare corpulente, qu'il baladait entre ritournelles impeccables et quêtes de dissonances, toujours couvertes par le champ tonal élargi que permet le doublement du filin en spirale. A moins qu'il ne se soit laissé orienter par les possibilités harmoniques qu'il avait sous les mains, comme peuvent le faire penser son jeu instinctif, ou le titre de son album de 2009 « My guitar is alive and it's singing ». Devenu moins productif depuis quelques années, le ménestrel d'outre-manche a engagé une mue, dont l'accomplissement est entériné par la sortie de son dernier album. Déjà ses « String studies » de 2014 étaient comme un rapport d'étape de la transformation en cours, dans lequel le fameux instrument voyait son chant traité par les modules d'un synthétiseur que l'on imaginait encore en construction. Mais avec « Time exercices », la guitare n'est plus et c'est au tour de la machine émancipée de tirer Cam Deas par l'oreille vers les perspectives sonores qu'elle entend creuser.
L'essaim artificiel de bourdonnements insistants et de tambours belliqueux qui se rue alors sur l'auditeur ne peut que faire songer aux espèces notionnelles de Rashad Becker, source d'inspiration plus qu’évidente pour l'anglais, à l'écoute en particulier du premier « exercice ». D'ailleurs, si donner suite a des « études » avec des « exercices » pourrait relever de l'excès de modestie, Cam Deas semble bien en train de faire ses gammes, avec des morceaux qui connaissent peu de variations et se bornent à nous envoyer leur produit dense et inflammable dans les écoutilles. On comprend alors que la mue du guitariste ne s'est pas faite sans un plongeon dans un acide duquel il aurait émergé tel Jack Japied, décidé à en découdre.
Si les octaves des cordes ne se répondent plus sur Time exercices, les volumineux mouvements électroniques s'entrecroisent sans cesse jusqu'à faire entendre les cris des suppliciés emportés par la Porte de l'Enfer de Rodin. Personnages de sang et de souffle, ils parviennent par l'effet d'une nécromancie inexpliquée à percer sous des situations musicales presque aussi scolaires que leur appellation le laisse entendre. Ces acteurs auront les apparences que l'écoutant voudra bien leur consentir, mais demeureront assurément bousculés, transpercés. Au rang des métaphores de fin de chronique, un rapprochement avec la tauromachie aurait donc été envisageable lui aussi, et finalement assez indiqué vu comme avec cette nouvelle sortie, l'inévitable label The death of rave fait - une fois de plus - un effet bœuf.
[Antoine]
Figure essentielle des musiques déphasées, l’artiste anglais signe son retour deux ans après Focal Music , sortie K7 qui le voyait emprunter un chemin ouvert avec A Pattern for Becoming deux années plus tôt. Il entérine cette voie nouvelle après sa série de travaux uniquement fait de sons électroniques de Multistability à UL8 en passant par Manitutshu. Pour autant il ne quitte pas une approche très personnelle du rythme qu’il a imposée dès 2010, bien avant les Gabor Lazar, Second Woman et consort qu’il a sans aucun doute beaucoup inspiré. Cette manière de ne plus aborder le temps musical comme une découpe mathématique faite de division et multiplication d’un tempo fixe en battements par minute, mais plutôt de façon fluide en pensant chaque déclenchement d’événement sonore à la millisecondes. L’écart entre chacun d’entre eux ainsi que leur intensité est sujet à des fluctuations allant du fixe à l’aléatoire. Cette synthèse de motifs rythmiques qu’il a inventée pour ses albums électroniques, il la réutilise ici, non plus pour contrôler kick de Linndrum, clap et stab de synthé FM mais pour indiquer ce que les percussionnistes doivent jouer.
Pour INTRA, ce sont les membres de l’ensemble portugais Drumming qui interprètent des motifs qu’ils entendent en direct dans le casque qu’il porte chacun. L’aller-retour entre homme-machine électronique-musicien-machine acoustique donne une teneur sonore sans pareille ici. D’autant plus que les instruments joués ont une grande particularité. C’est un ensemble de métallophones créés pour la pièce Pléïades de Xenakis, semblable à un xylophone sauf que chaque lames est accordée de manière microtonale (un écart plus faible qu’un demi-ton des gammes occidentales). Ce partie pris est en résonance avec le choix d’employer des gammes indiennes de la musique Carnatique donnant une organisation des hauteurs fidèles à ce modèle. L’écho entre la vision du rythme de Mark Fell et celle de cette musique ferme la boucle et fait le pont de la plus belle des manières entre ces deux traditions brouillant les pistes historiques.
[Max]
Sans le contexte de cette “der’ des déph”, comme on en vient à tutoyer le panthéon pour cette ultime soirée en notre compagnie dans les studios de Radio Campus Bordeaux, puis comme c’est jour de fête quoi de mieux qu’un bijou de discontinuité À l’occasion de la réédition vinyle des improvisations & edits "tokyo 2001" avec le trio computer soup qui n’était sortis dès lors qu’en CD via le label Sub Rosa, le berlinois Jan Jelinek nous offre simultanément le condensé d’une radiodiffusion sur la "sudwestrundfunk" à Stuttgart titré "zwichen" (entre-deux en français). Cette chose, que l’on pourrait objectivement qualifier de mélasse binaire sous forme d’un assemblage de particules sonores non-sémantiques, s’apparente même à un ferment électronique. Il ferait naître des structures électroacoustiques un nouvel album qui se décompose en douze séquences auto-poétiques, toutes issues d’une fusion entre synthèse modulaire et collages audios. Parmis les silences désarticulés et interstices phonétiques Jan s’emploi scrupuleusement à confronter cette esthétique de la faille avec la supposée éloquence des personnalités interviewés en les mixant dans sa machine abstraite.
[Antoine]
Les Ari sont un peuple du Sud-Ouest de l’Ethiopie, ce sont des agriculteurs sédentaires de tradition animistes. C’est principalement lors de grandes cérémonies rituelles qu’ils se livrent à ce qu’on peut aussi appeler une polyrythmie par hoquet. Le principe est que chaque voix tient une hauteur précise et un motif répétitif sur une certaine durée, c’est le jeu de déphasage entre le déroulement de chaque partie individuelle qui va créer une complexité par le phénomène de masse. Ils chantent des voyelles qu’ils font évoluer au gré du filtrage occasionné par leur appareil phonatoire, donnant une richesse de sons vocaux incroyables. C’est autant les femmes que les hommes et même les enfants qui prennent part à cette tradition permettant de souder la communauté. S’y mêle aussi des flûtes weyssa suivant elles aussi ce principe de polyrythmie, déstabilisant nos oreilles occidentales, incapable de se repérer au bout d’un temps.
Tout comme le travail de Mark Fell avec la musique carnatique indienne, les Ari prouvent qu’en musique la hiérarchie que pourrait imposer l’Histoire de cette discipline avec un grand H, tout comme la notion de modernité n’a aucun cours ni aucune raison d’exister. Pourquoi se priver, quand on peut tout embrasser les oreilles bien ouvertes ?
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Déphasage #168 - 12.04.18
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01/ Clarice Jensen - Cello Constellations (From This Form that Will be Filled/Miasmah/Avril 18) 02/ Park Jiha - Communion (Communion/Tak:til/Mars 18) 03/ Park Jiha - All Souls’ Day (Communion/Tak:til/Mars 18) 04/ Klein - Farewell Sorry (Tommy/Hyperdub/Sept 2017) 05/ Klein - B2K (Tommy/Hyperdub/Sept 2017) 06/ Terekke - Wav1 (Improvisational Loops/Music From Memory/Février 2018) 07/ Terekke - 220g (Improvisational Loops/Music From Memory/Février 2018)
[Antoine]
Ce soir ma sélection sera double et portera sur une même volonté musicale, la déviation d’instruments traditionnels. Ces derniers ont été conçu à une époque où n’existait pas l’enregistrement, les transformations sonores électroniques, le synthétiseur et tous les autres outils que nous avons aujourd’hui. Nombreux ont été les luddites et marketeurs criant à la fin de ces technologies du passé, soit disant dépassées justement par cette ribambelle de nouveautés. Ce qui est toujours le cas de nos jours, avec la bien nommée intelligence artificielle par ailleurs.
Pourtant, la réalité est toujours plus complexe que ce que l’humain est capable de prévoir. En 2018, sont sorti deux créations qui en disent long sur la situation actuelle. Tout d’abord, celle de Clarice Jensen intitulée « From This Form Tha Will Be Filled » paru ce mois-ci sur le label Miasmah. Violoncelliste issue de l’American Contemporary Music Ensemble (ACME), ayant entre autres travaillée avec le défunt Johann Johannsson, dont on trouve une collaboration sur ce disque. Le destin de l’instrument à corde ici est de se mêler à la synthèse sonore en fusionnant son timbre de manière acoustique mais également en usant de traitements électroniques. Il se fond ainsi dans le décor et on comprend mieux pourquoi toute nouvelle invention est complémentaire de la précédente. La musique intègre chaque évolution technologique afin de peaufiner son discours, de le métamorphoser ou bien encore pour le complexifier. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout de transforme.
On continue l’exploration des usages nouveaux des instruments acoustiques avec cette fois la coréenne Park Jiha et son album intitulé « Communion » sorti le mois dernier sur le label Tak:til. Pour cette sortie ce n’est pas le mélange du nouveau et de l’ancien, technologiquement parlant, mais plutôt le mélange des traditions. La compositrice et musicienne, est connue pour son utilisation du piri, un instrument à vent coréen à double anche proche du haut-bois. Sa sonorité particulière, assez nasillarde dans les fortes nuances mais plus douce dans les plus basses, se mêle également au saenghwang. Orgue de bouche, constitué de 17 tubes de bambou possédant chacun une anche. On retrouve également un yanggeum sort de dulcimer.
Park Jiha ne se contente pas d’inscrire sa musique dans la tradition, elle prend appuie sur cette dernière pour l’exalter. Elle n’hésite donc pas à franchir les frontières en ajoutant vibraphone, saxophone et clarinette à son arsenal. Ce mélange qui peut souvent frôler la catastrophe quand le mélange des cultures se fait en méconnaissance de cause. C’est justement la confrontation et l’osmose entre ces instruments, crées à l’origine pour des musiques qui leur sont propre, qui en forme une nouvelle ici. Le renouvellement de contexte de tout son, et surtout pour ceux autant identifié que ceux des instruments de l’orchestre, change aisément la donne et redonne un nouveau souffle. Cet album porte décidément bien son nom.
[Max]
C'est au tour de la vocaliste londonienne Sula Bay alias Klein de venir s'additionner aux archives de Déphasage, avec son étonnante réappropriation du rhythm & blues que nous témoigne son opus Tommy sorti sur Hyperdub et dévoilé en Septembre dernier.
Ce qu'il est intéressant d'observer à l'écoute de cet EP c'est l'approche maximaliste qui y est mise en œuvre en comparaison des matériaux ultra léger avec lesquels il est composé comme piano, guitare et voix.
C'est par le biais de la déconstruction de ces éléments que Klein introduit la dimension de musique concrète dans sa production, le résultat est intégral et ne manquera pas de combler les amoureux du genre pour qui l'originalité n'est pas un frein, pour ma part j'ai été subjugué par ce R&B sous hélium saccadé par de violents cuts jungle, vraiment gros coup de cœur pour celui-ci.
[Max]
On poursuit l'émission avec le dernier album de Terekke sorti sur Music From Memory, label qu'on ne présente plus sur Radio Campus car c'est également sur ce label qu'était sorti la compilation Tower of Silence dédiée à Roberto Musci, l'album de Terekke quant à lui se nomme Improvisational Loops.
Terekke est un producteur Hollandais que j'avais eu le plaisir de découvrir par le biais du label Long Island Electrical System (L.I.E.S) avec des sorties orientées house lo-fi tantôt clubby tantôt dubby. Autant dire que le coup de foudre a été instantané, ici, avec son premier long format l'artiste se renouvelle en offrant une version davantage Ambient/New Age de son travail avec toujours avec une patte lo-fi très caractéristique qui fait le lien avec ses précédentes sorties.
Improvisational Loops est l'expression d'émotions aux contours peu définis, d'où se dégage une douceur indolente caractérisée par l'émanation de vollutes pixellisées. À travers cet album on peut percevoir des paysages sonores comme s'ils étaient codés selon l'approche "Teinte", "Saturation", "Lumière" (HSL en anglais) la simple variation sur chacunes de ses valeurs provoque alors des réactions en chaines aussi merveilleuses que complexes.
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Déphasage #167 - 29.03.18
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01/ Dedekind Cut - MMXIX (Tahoe/Kranky/Avril 18) 02/ Dedekind Cut - De-Civilization (Tahoe/Kranky/Avril 18) 03/ :such: - Email Polychrome (Sélection/Self-released/2014-2017) 04/ :such: - Ethereal (Sélection/Self-released/2014-2017) 05/ :such: - Opaque Fragments (Sélection/Self-released/2014-2017) 06/ Anne Guthrie - Bellona (Brass Orchids/Students of Decay/Mars 18) 07/ Anne Guthrie - Red Wolf (Brass Orchids/Students of Decay/Mars 18)
[Thomas]
Principal éditeur des efforts méditatifs d'artistes tels que Stars of the Lids ou Loscil, le label Kranky accueille depuis février le second album de l'américain Dedekind Cut dans son catalogue. « Tahoe », dont les premières minutes nous rappellent les glorieux noms précédemment cités, est majoritairement composé de frémissements horizontaux dont l'indolence ne cadre pourtant pas tout à fait avec le cahier des charges de l'album ambient conventionnel. Un décalage sensible entre ce qu'est la musique de Tahoe et ce à quoi elle ressemble est immanquablement ressenti après la première écoute du projet, laissant à entendre que les pistes les plus nappeuses et attendues cachent en réalité des forces contenues, qui lorsqu'elles sont lâchées partent dans tous les sens. Les oreilles ayant eu connaissance du prédécesseur de ce disque - nommé « Sucessor », paradoxalement - peuvent les premières prévoir cette distorsion, tant la galette princeps étalait ses idées avec bien moins de retenue. Et les indices remontent plus loin encore dans la carrière de Dedekind Cut, dont la richesse de l'imaginaire se dessine dans la diversité des aventures musicales.
Celui qui exerça un temps sous le nom de Lee Bannon était alors un beatmaker talentueux, affilié au collectif Pro Era qu'il accompagna sur scène en tant que DJ, et alimenta en instrumentales qui servirent avant tout au jeune Joey Badass, figure de proue de cette équipe de backpakers remuants. La scène new-yorkaise, dont Badass représenta un renouveau non négligeable, était la plus acheteuse des productions chaudes et étouffées de ce californien, qui avait toutes les cartes en main pour suivre la voie d'un 9th Wonder et arroser de samples de soul savamment pitchés des générations de rappeurs. Mais c'est davantage le modèle d'un Daniel Lopatin que le camarade Bannon finit par suivre, après un court passage par la case drum and bass lui ayant sans doute servi de sas de décompression.
Difficile en effet de ne pas songer aux moments de bravoure de Oneohtrix Point Never face aux synthétiseurs démaquillés et autres voix ouvertement artificielles lancés impulsivement par Dedekind Cut, de même que les chants gutturaux traditionnels de Mongolie qui s’élèvent à deux reprises au cours de l'album rendent inévitable un rapprochement avec le sommeil du lac Jackson, pour qui a écouté – ou vécu – le Chill Out de The KLF. Les références ont donc évoluées, et avec elles les chemins empruntés pour atteindre l'auditeur. Pourtant Dedekind Cut connaît un invariant décelable dans l’âme infusée à sa musique : couverte d'oripeaux plus froids et moins incarnés que par le passé elle n'en est pas moins le support d'émotions brutes évoquées à demi mot. Ainsi The Jacka, dont la voix plaintive épousa il y a dix ans une production de Lee Bannon, ne dépareillerait pas sur Tahoe malgré les matériaux inhabituels pour le spectre de la Bay Area. C'est d'ailleurs en Californie qu'est situé le lac - encore un – près duquel Dedekind Cut semble vivre, et qui donne son nom à l'album. De ce parrainage ressort un alliage de quiétude naturelle et d'histoires vécues servant de matière première à une musique nuageuse et plastique, qui ne nous épargne pas les sonorités new age et les chants d'oiseaux dispensables, mais les met au service d'une esthétique totale finissant par toucher du doigt la noblesse à laquelle elle ne cesse de prétendre.
[Max]
Ce soir voici venu le temps (non pas des rires et des chants) mais d’entrevoir plusieurs compositions de Marc Parazon alias :such: — un itinéraire que je qualifierai d’un enchevêtrement de figures denses et complexes aux impacts distants et fantomatiques.
Basé à Paris c’est depuis 2009 qu’il s’applique à développer une réflexion artistique interdisciplinaire, qui mêle composition avec arts plastiques, et qui de fait repose sur des supports audio en désuétude de la bande magnétique aux microsillons du vinyle. Son approche s’est construite à partir d’une aversion prononcée pour le support informatique, et d’autre part autour d’une volonté d’investir le champ du sonore par une dimension plastique.
Marc Parazon en tant qu’ingénieur du son et écrivain de la musique à quant à lui de par ses installations (notamment A Tape End), ses collaborations avec le cinéma (dernièrement Escamotage ou Dernier Round) ainsi qu’à travers ses performances scéniques opéré une dichotomie entre l’objet caractérisé par son aspect tangible et ce même objet en tant que vue de l’esprit. Cette abstraction puise ses sources dans l’obsolescence même des sons, des bruits, des résidus, provenant par exemple du craquement d’un disque usager ou autres fruits de la détérioration et qui sont analogues à ceux de la dégénérescence de ce qui n’est pas dématérialisé.
Je vous laisse donc avec ces quelques reliquats qui sont la somme du travail de :such: dans lesquel se dégagent un univers atmosphérique, synergies de nappes synthétiques et de réverbérations vocales.
[Antoine]
Une nouvelle désorientation sonore en provenance d’Anne Guthrie, déjà diffusée dans l’émission avec son précédent opus « Codiaeum variegatum ». Nom savant d’une plante appelée Croton de manière courante. Une fois de plus c’est une plante qui nomme sa musique, l’orchidée de cuivre ici avec Brass Orchids sorti sur le label Students of Decay.
Confrontant sans vergogne des sons multiples ne cohabitant pas forcément entre eux, notre oreille est dans une certaine forme de sidération face à ce donner à entendre. Tel un film de science-fiction qui forge un monde qui prend les apparences du nôtre pour mieux nous fausser. Nous sommes à la fois quelque part et nul part, que cela soit dans l’espace et dans le temps, puisque les sons qui se découvrent proviennent d’une ligne temporelle brisée.
Anne Guthrie s’accapare aussi bien l’extérieur que l’intérieur de cet environnement. Notre ouï habituellement là pour nous informer sur ce dernier se trouve bien dépourvue. L’acousticienne qu’elle est a sûrement du jouer un rôle dans la réalisation de ces 5 titres. Le phénomène sonore n’informe plus rien il déforme notre perception ici. Par notre position de simple auditeur nous sommes contraints d’accepter ce qu’elle nous soumet.
L’idée de fiction citée plus haut n’est pas si étrangère car le titre de cette production vient de celui d’un livre présent dans un autre. Cette imbrication d’histoires est bien propre au type de montage sonore que réalise la compositrice américaine. Plusieurs couches de réalité nous font face entre écoute enfouie et frontière du tympan.
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Déphasage #166 - 15.03.18
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01/ Ordeograph - Carnival (Transparencies/Broken20/Fév 18) 02/ Eva-Maria Houben - Breath for Organ (extrait) (Breath for Organ/Second Editions/Fév 18) 03/ Robert Haigh - Portrait with Shadow (Creatures Of The Deep/Unseen Worlds/Oct 17) 04/ Robert Haigh - From the Mystery (Creatures Of The Deep/Unseen Worlds/Oct 17) 05/ Robert Haigh - Sunken Pavillions (Creatures Of The Deep/Unseen Worlds/Oct 17)
[Thomas]
Occasionnellement mis en vedette lors de nos interventions, les enregistrements de terrain les moins traités structurent des œuvres généralement brutes, qui pourraient bien souvent être reçues comme les produits de démarches instinctives eux-mêmes assez évidents à appréhender. Mais bien qu'essentiellement cousues de fragments du monde matériel immédiatement perceptible, les pièces de field-recording peuvent représenter des objets mystérieux, dont la juste appréciation ne saurait du moins faire l'économie d'un semblant de questionnement.
C'est bien-sûr le cas lorsque nos fournisseurs de curiosités promènent leurs micros directionnels dans des parages exotiques que nous reconnaissons comme étrangers à nos vécus sensoriels. Mais il est aussi possible d'égarer les écoutilles spectatrices en jouant sur la netteté des rendus finaux, comme nous le rappelle l'édition récente des « Transparencies » d'Ordeograph. D'ailleurs, il n'est sans doute pas neutre que ce chasseur de sons ait baptisé son album du nom d'un effet visuel, puisqu'il amène presque à considérer l'enregistrement de terrain comme un art photographique.
Ordeograph grattouille donc les interstices entre le ressenti et le lisible, ce qui passe selon ses propres mots par un « floutage » des événements sonores les plus évidents. Publiant avant toutes choses des projets électroniques forts en synthés arpégifiants (pour lesquels il a délibérément choisi de se faire appeler Megaheadphoneboy), l'artiste visait initialement à collecter de petits field-recordings pour donner de l'épaisseur à ses productions. Transparencies compile ces captations, provenant pour l'essentiel de l'année 2006 et ramassées dans différents décors intérieurs et extérieurs de Londres et sa périphérie. Les enregistrements se retrouvent ainsi transformés en la matière première d'un projet à part, auquel ils fournissent des espaces dont ils témoignent de la grandeur et des ambiances.
Par ses anecdotes sonores propulsées dans leurs résonances et ses secondes vécues toujours plus étirées, Ordeograph propose une musique d'enregistrements décentrée du détail et de l'événement ponctuel. Sa démarche impressionniste s'attache au souffle des lieux et se détourne de l'instant qui ne survit qu'à travers des résidus fiévreux, que sa connotation initiale soit glauque ou festive. Meilleur moment de cet album de plus de deux heures, le morceau « Carnival » part comme son nom l'indique d'un rassemblement plutôt guilleret, qu'il change en un souvenir lointain bien plus nuancé. Où l'on se rend compte que festoyer sur des chars est au moins aussi paradoxal que de s'amuser avec des armes.
[Antoine]
Quand on parle du bruit, il est systématiquement à connotation négative. En tout cas, en France aujourd’hui. Il est agressif, insupportable et forcément en contradiction avec la définition classique de la musique. Pour une majorité d’écoutants, même aujourd’hui, le plus important c’est la note et l’harmonie avec ses congénères. L’ouï, territoire du confort, souhaite être rassurée et assurée de ce qu’elle entend. La musique, sorte d’objet transitionnel, est alors figée.
Tout cela a pourtant été remis en question au XXème siècle, tout comme le capitalisme pendant un temps, qui est devenu aujourd’hui aussi nocif que confortable. Le retour a un certain ordre des choses est inéluctable après une période d’instabilité. On dépasse les limites et on les repousse parfois mais il faut plus qu’un coup pour le réussir.
Dans les musiques qui nous intéresse ici, le bruit, la noise, est également souvent abordée pour son caractère transgressif, brutal et extrême. Une forme de violence sonore qui finalement n’a d’intérêt que dans le rapport physique que l’on peut avoir avec elle. Elle ne dit plus grand chose aujourd’hui, sert à amuser la galerie et à choquer le quidam sans autre but apparent.
Pourtant le bruit, ce reste perceptif, est présent à différents degrés qui dépassent justement notre entendement. Il faut prendre le temps de l’écouter pour qu’il apparaisse. Il n’est pas présent à l’extrémité du spectre mais il est là, entre les notes, pendant les notes et en parallèle. Aucune délimitation claire n’est possible entre les deux si l’on écoute bien. Des nuances entre stabilité et instabilité existe, cela s’appelle l’équilibre. Il n’y a pas un plein bruit, ni une pleine note, il existe les deux à fois.
Ce sont ces zones de seuil, qu’Eva-Maria Houben cherche ici avec son orgue pendant l’heure et quart que dure cette pièce intitulée « Breath for Organ ». Car oui le souffle c’est du bruit, présent à chaque instant de nos paroles. C���est même lui qui la fonde en partie. Doucement l’artiste allemande nous plonge dans la vie sous-jacente de cette machinerie gigantesque. Il faut bien ce temps étendu pour réussir à placer nos oreilles au bon endroit. Pour apprécier la complexité, il faut être attentif et célébrer la lenteur.
[Max]
Venons en à Robert Haigh, véritable légende vivante de la musique électronique quand on voit l’esprit de génie qui caractérise son œuvre, nous a grati é en Octobre dernier de Creatures of the Deep (Créatures des Profondeurs) un album paru sur Unseen Worlds et qui s’additionne à une discographie aussi riche que fournie. Album à la thématique modern classical construit autour de mélodies au piano et qui s’inscrit dans la mouvance de ce qu’il a pu sortir récemment sur Siren Records le label de Daisuke Suzuki (artiste japonnais). Direction qu’il a souhaité donner à sa musique en 2004 en cessant de produire sous le pseudonyme d’Omni Trio.
Robert c’est un gars à part, un parcours atypique qui traverse 3 décennies, entre l’avant-garde industrielle sous l’alias Sema dans la lignée d’Eno, Bowie et son projet Omni Trio fruit d’une collaboration avec Robert Playford sur son mythique label Moving Shadow sur lequel il a été très proli que (6 albums) et qui a donné naissance à l’ambient drum and bass, là vraiment y’a de quoi tirer une révérence. Puis, si cela ne suffit pas, je vous enjoins alors d’écouter ses dernières références, comme celle selectionnée ce soir qui trouve une raison entre solennité et mystère et qui corrobore d’une manière subtile le travail et l’univers de cet artiste d’exception.
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Déphasage #165 - 01.03.18
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01/ Erik Levander - I ögonblickens marginaler (Couesnon/Katuktu Collective/Janv 18) 02/ Mana - Rabbia (Creature EP/Hyperdub/Sept 17) 03/ Mana - Sei Nove (Creature EP/Hyperdub/Sept 17) 04/ Mana - Runningman (Creature EP/Hyperdub/Sept 17) 05/ France Jobin - scène 1 (scène/Line/Nov 17)
[Thomas]
Parmi toutes les chapelles aux cloisons poreuses qui émaillent le champ des arts sonores appelant ici notre intérêt, je confesse sans mal une certaine tendresse pour une en particulier, dont l'orgue surdimensionné laisse échapper quelques nappes emphatiques provoquant des levées de sourcils en série chez certains auditeurs : « ah d'accord, encore un album ambient/drone ».
Les murs d'harmonies gazeuses et subtilement grésillantes propres à un mouvement musical tacite, qui n'est à y réfléchir ni vraiment ambient ni vraiment drone, ont de toute évidence rencontré la sensibilité de quidams de Youtube que l'on peut lire commenter à quel point leur vie fut bouleversée au contact des paysages accidentés de Tim Hecker, des mélodies habitées d'Abul Mogard ou des assauts affectés de Rafael Anton Irissari.
Mais ce pan de la création peut-il encore être considéré comme « hors-cadres » ? Rien n'est moins sûr dans le fond, tant ses codes semblent à la fois dessiner une tradition peu détournée et susciter l'acceptation de nombreux écoutants. Pourtant une étonnante persistance continue à autoriser que l'on considère comme expérimentaux les divers projets labélisés par ce syntagme pas si fourre-tout, que l'on serait presque tenté d'écrire en un seul mot.
On retrouve un disque parfaitement inscrit dans ce mode de composition progressif et emporté au rang des dernières productions du label Katuktu Collective. « Couesnon » d'Erik Levander tient son nom d'un fleuve français principalement connu par les individus éloignés du Nord-Ouest pour longer le Mont St Michel, ou pour être plus exact d'une vielle clarinette appartenant à la famille Levander, qui elle même emprunte son nom au fleuve susdit. Car si le musicien suédois a une carte à jouer dans le grand jeu de « l'ambientdrone », il le doit en grande partie à cet instrument qui insuffle son souffle boisé aux quatre pistes de l'album.
Levander pose ainsi sur la table un carré d'as joliment dessinés qui mis bout à bout nous représentent le trajet houleux et héroïque d'une branche gagnant la Manche en flottant au milieu d'une Normandie esthétisante d'où l'on perçoit un grand soleil froid percer le déluge. Lorsqu'il est n'est pas traité, l'instrument totem du compositeur apparaît dans toute son élégance, et avec lui les images qu'on lui associe, comme celle un peu éculée du chat de « Pierre et le Loup ». Comme le félin de Prokofiev, les productions « ambientdrone » font d'ailleurs partie du décor, et la présence de ces créatures sensibles nous réconforte alors même qu'elles semblent en permanence annoncer un danger imminent.
[Max]
Venons-en à ma selection de ce soir, qui n'est autre qu'un EP sorti en Septembre dernier sur le label Hyperdub, label qu'on ne présente plus dans l'émission car j'en avais fait l'apologie il y a quelque temps de cela lors de la 157e (fraîchement mis à jour sur le tumblr) avec le dernier album du fameux Lee Gamble.
Ce coup-ci franchement pas de grandes surprises on reste bien dans la veine caractéristique du label, si ce n'est que cette fois l'atmosphère se soit semblerait-il un tantinet réchauffée.
Il n'est donc pas question ce soir d'aller péter outre-Manche pour écouter le vrombrissement d'une mécanique froide et vaporeuse mais plutôt d'aller faire quelques pirouettes IDM dans le Piemont italien. Originaire de Turin, Daniele Mana aka. Vaghe Stelle n'en est pas à sa première sortie en effet il accumule les EP dont un sorti en 2016 sur le label de Nicolas Jaar : Other People. Depuis 2011 il fait également parti du trio "One Circle" au côté de Lorenzo Senni et Francesco Fantini.
Cette drôle de créature nous dévoile une affiliation certaine à Arca et Jesse Kanda qui ont notamment collaborés sur le dernier opus de Bjork et parallèlement avec FKA Twigs (genre de pop trafiquée en mode épileptique) et nous permet de faire le lien avec les scandinaves de Posh Isolation pour ce qui est d'une esthétique alliant nostalgie et romance à l'italienne.
[Antoine]
Difficile de ne pas faire parler son ego dans ce qui est communément nommé l’expression artistique. Comme s’il fallait constamment faire sortir quelque chose de nous-même dans l’art. Alors que dans la discipline d’ici, induire une situation sonore qui se déroule d’elle-même semble être une démarche bien plus humble. Où l’on impose rien à l’auditeur, où ce dernier dispose d’un temps vertical d’écoute.
La position de l’artiste est réduite à ce qu’il représente plutôt qu’à ce qu’il provoque. Ce besoin de célébrité et de reconnaissance empêche un questionnement de fond, à quoi sert l’art de nos jours ? Sûrement à davantage faire la promotion de l’innovation, de la beauté, de l’attitude cool, tant de traits qui arrange bien le système en place. Être un faire-valoir aussi pour une marque de luxe ou de boisson énergétique, proposer une belle vitrine pour un contenu des plus désastreux.
Impossible pour le monde artistique d’exister hors contexte de l’environnement qui l’abrite, le poison s’est répandu jusque dans les strates les plus profondes dorénavant. Des territoires que l’on appelait auparavant underground ou encore alternatif, sont devenus des modes de consommation et d’existence comme tous les autres. Plus rien ne peut se réclamer de ces vieilles tendances qui pouvaient exister encore quand il leur était permis de le faire. Beaucoup reprennent les codes de ceux qu’elles pensent combattre, n’en n’ayant plus aucun à défendre.
A l’écoute de France Jobin et de sa dernière sortie sur le label LINE, intitulée « scènes », elle propose à l’auditeur de partager sa place sur cette estrade, qui place de facto l’artiste en position d’attention et de domination. Sa musique dicte peu et laisse libre cours à l’écoute sans prétention aucune. Cet hommage à son ami Mika Vainio qui nous a quitté il y a peu, boucle le lien avec cette autre passeur de sons et de liberté d’ouïr comme on l’entend.
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Déphasage #164 - 15.02.18
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01/ Jóhann Jóhannsson - The Candlelight Vigil (Prisoners OST/Watertower music/2013) 02/ Jóhann Jóhannsson With Hildur Guðnadóttir & Robert Aiki Aubrey Lowe - Part 3 (End of Summer/Sonic Pieces/2015) 03/ Jóhann Jóhannsson - Odi et Amo (Englabörn/Touch/2002) 04/ Jóhann Jóhannsson - Heptapod B (Arrival OST/Deutsche Grammophon/2016) 05/ Christoph de Babalon - Opium (extrait) (If You're Into It, I'm Out Of It/Cross Fade Enter Tainment/1997) 06/ Christoph de Babalon - What You Cal Life (If You're Into It, I'm Out Of It/Cross Fade Enter Tainment/1997) 07/ Christoph de Babalon - High Life (If You're Into It, I'm Out Of It/Cross Fade Enter Tainment/1997) 08/ Paul Lansky - Idle Chatter (More Than Idle Chatter/Bridge Records/1994) 09/ Paul Lansky - The Lesson (More Than Idle Chatter/Bridge Records/1994)
[Antoine]
Jóhann Jóhannsson est artiste islandais, compositeur, producteur et musicien qui nous a quitté cette semaine de manière inattendu car il avait seulement 48 ans.
Ces dernières années, il s’est fait connaitre de manière importante en étant le compositeur désigné pour créer la BO de la suite du célèbre film Blade Runner. Malheureusement remplacé à la fin de la production du film, le réalisateur Denis Villeneuve ne jugeant pas sa musique suffisamment en lien avec ce qu’il voulait faire. Autant dire qu’il n’a pas osé prendre un virage musical qui s’éloigne de la précédente BO faite par Vangelis. Le cinéma à gros budget est encore trop frileux pour s’écarter des standards.
Car la musique de Jóhann Jóhannsson justement, n’y rentre pas, et pourtant cela n’en fait pas une musique difficile d’accès, loin de là. Ce qui fait la qualité de ses compositions, c’est sa capacité à rassembler différentes sensibilités sous une même chapelle musicale. Ce sont ces frottements et ces frôlements entre sonorités venues des quatre coins de l’histoire qui sont au coeur de sa personnalité. Cet esprit de synthèse que peu sont capables de mettre en oeuvre tant la tâche est délicate.
Que cela soit sur la BO du film Prisoners, où il fait appel tant à la violoncelliste Hildur Gudnadottir issue également de sa contrée, qu’à Erik Skodvin du trio de rock massif BBS ou encore Thomas Bloch, musicien spécialiste des Ondes Martenot et du Cristal Baschet. Il a également collaboré avec Robert Aiki Aubry Lowe, le joueur de synthé modulaire, le fondu de field recording BJ Nilsen mais aussi Colin Stetson et bien d’autres. Il fait souvent appel à ces musiciens fétiches sur les BO qu’il compose, et dont il fait les arrangements ainsi qu’une bonne partie de la production et de l’orchestration seul. Ce qui est suffisamment rare pour être mentionné, les grosses productions faisant souvent appel à une armada d’arrangeurs et d’orchestrateurs.
Je vous laisse avec plusieurs extraits de son travail, tout d’abord la bande originale de Prisoners en 2013 où la douceur à son seuil de rupture est à son paroxysme. Puis la BO d’un film intitulé End of Summer en 2015, en collaboration avec sa compatriote Hildur Gudnattotrir ainsi que Robert A. Lowe pour une illustration sonore du continent Arctique dont il était question ici. Un morceau tiré de Englabörn son premier album solo sorti sur le label Touch en 2002. Enfin toujours dans le travail avec l’image, sa création pour l’excellent film Arrival en 2016, où se déroule une rencontre du troisième type.
Les Hommes partent et la musique reste. Bonne écoute.
[Max]
Ce soir j’ai la chance de vous présenter dans Déphasage RCB 88.1, un chef d’œuvre drum & bass néo-noir ambient de la fin des années 90. Toute cette nomenclature alambiquée pour désigner le plus que classique "If you’re into it, i’m out of it" du producteur allemand Christoph de Babalon, person- nalité méconnue et sous-estimée mais pour le moins activiste de la scène rave et hardcore depuis l’ère primaire.
Alors effectivement sous des traits marqués par l’usure et les dommages du temps qui passe et nous échappe, cette vieillerie Breakcore Dark Ambient n’aura jamais été autant en vogue deux décennies après sa sortie initiale, je tiens d’ail- leurs à préciser que la version présentée ici ce soir a été remasterisé par les soins de Rashad Becker sur Cross Fade Entertainment (le label de Christoph) Ce projet qui à la base s’inscrivait en marge d’un mouvement et prenait volontairement à contrepied la contre-culture rave d’alors à peu à peu été oublié, délaissé laissant place à cette frénétique fièvre du Big Beat qui faisait rage ces années là. Pourtant vingt ans plus tard le travail de l’artiste est plus que jamais vigoureux et se révèle être d’une justesse d’avant-garde qui ne subit pas l’emprise du temps.
L’illustre Thom Yorke nous confie même qu’il est le disque le plus menaçant de sa collection. En même temps cela ne fait pas de doutes, l’alliance synergique de drones épiques mélés aux amens cinglants, peuvent en un sens nous terri er au- tant qu’il produisent cette sensation étrangement confortable, ambiance funéraire et autres hantises du genre.
Cet album sonne comme une appropriation du genre UK-rave avec une affiliation Berlin-school duquel se dégage un aspect, il faut l’avouer, davantage expé que ce que faisaient à l’époque nos congénères d’outre manche. Cela s’explique par la longueur de certains tracks (Opium est un cut de plus de 15 minutes) avec l’utilisation de synthés atmosphériques qui reflètent à merveille le délire utopique de l’époque.
Bienvenue au royaume du darkness, le temps est venu pour les portes du chaos de s’ouvrir; desquelles la descente vers les abysses sera vertigineuse...
[Simon]
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Déphasage #163 - 01.02.18
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01/ Laraaji - Hare Jaya Jaya Rama II (Vision Songs/Numero Group/1984) 02/ Laraaji - All Of A Sudden (Vision Songs/Numero Group/1984) 03/ Terre Thaemlitz - Silent Passability (Ride to the Countryside) (Couture Cosmétique/Caipirinha Productions/1997) 04/ Zeitkratzer & Terre Thaemlitz - Hobo (Electronics/Zeitkratzer Records/2008) 05/ Jean-François Laporte - Mantra (Mantra/Metamkine/2000)
[Max]
[Antoine]
En voici un autre qui questionne son champ d’activité, un peu à la manière de Mark Fell, ce ne sera donc pas un hasard de voir que ces deux là gravitent souvent ensemble. Tête pensante de la musique house qu’il a rapidement questionnée pour ce qu’elle était, mais aussi ce qu’elle est devenue. Du côté musical évidemment, mais aussi sociologique, par le prisme du genre. Peut-être a t’on oublié que la House est à ses fondements un phénomène qui rassemble les communautés noires et homosexuelles de Chicago. Car au fur et à mesure la House et autres musiques électroniques, se sont manifestées sous des atours souvent virils, machiste et hétéro. En témoigne par exemple, l’absence importante de femmes mais aussi d’hommes se revendiquant de cette orientation sexuelle, même encore aujourd’hui.
Terre Thaemlitz, explicitement transgenre, revendique sa façon d’être au travers de sa musique, adoptant une multitude d’orientations. La question des choix esthétiques qui définissent souvent un artiste dans un certain marché la préoccupe seulement pour la déconstruire. Egalement connu sous le nom de DJ Sprinkles, faisant une fois de plus un pied de nez aux coutumes gros bras et cool du milieu avec ce patronyme. Sa musique remâche et distord plusieurs terrains musicaux afin de mieux les remettre en perspective. Faussement ambient, ou plutôt finalement véritable ambient dans le sens où elle réutilise l’environnement sonore au sens large pour exister elle-même. Des bribes qui forment une nouvelle entité que l’on écoute depuis un nouveau point de l’espace, et avec différents niveaux d’attention.
Dans « Couture Cosmetique » sorti en 97, Terre travaille le concept d’esthétique musicale, de stéréotypes tournés dans tous les sens. Ce qu’elle réitère en 2008 avec une collaboration faite avec Zeitkratzer pour « Electronics ». Bonne écoute.
[Simon]
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Déphasage #162 - 18.01.18
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01/ Trio Chemirani - Saint Maime I (Trio de zarb/Al Sur/1998) 02/ Arthur Russel - Tree House (World of Echo/Upside Records/1986) 03/ Arthur Russel - See Through (World of Echo/Upside Records/1986) 04/ Arthur Russel - Hiding your present from you (World of Echo/Upside Records/1986) 05/ Arthur Russel - Let’s go Swimming (World of Echo/Upside Records/1986) 06/ Andre Hodeir - Flautando (Jazz et Jazz/Fontana/1960) 07/ Andre Hodeir - Jazz Cantata, Pt.4 (Jazz et Jazz/Fontana/1960) 08/ Andre Hodeir - Le Palais Idéal Pts 1-3 (Jazz et Jazz/Fontana/1960) 09/ Andre Hodeir - Jazz et Jazz (Jazz et Jazz/Fontana/1960)
[Antoine]
Depuis peu retourné dans une période où je me concentre sur des musiques hors des cadres occidentaux, mes oreilles lassées vis-à-vis des créations réalisées dans nos contrées. Je me suis donc dirigé vers l’incontournable label Ocora de Radio France, dédié aux musiques traditionnelles et folkloriques du monde entier. Une webradio existe d’ailleurs désormais, permettant une écoute perpétuelle de leur fine sélection.
Au fil du flux radiophonique apparu alors un courant de grains sonores, s’étirant et se contractant. Les éléments brefs dont il était constitué évoluaient finement créant un balayage harmonique et une résonance infinitésimale formait un halo autour de lui. Les motifs d’apparition de ces différents grains plus ou moins aiguisés avaient une vitesse changeante, s’organisant dans une métrique parfois difficile à suivre pour des oreilles conditionnées au four-to-the-floor.
Entre un Mark Fell pour ses percussions à battements irréguliers et Curtis Roads pour ses nuages de grains texturés, il y avait bien avant Djamchid Chemirani. Joueur de zarb, élément essentiel de la musique persane. Après avoir suivi les enseignements de son maitre Hossein Teherani, instigateur d’un jeu en solo plus élaboré de l’instrument, il quitte l’Iran pour rejoindre la France en 1961. Faisant ainsi découvrir cette percussion à peau tendue sur un cylindre de bois joué entre le bras et sur la cuisse. La peau est frappée non pas avec l’intégralité de la main mais avec les doigts, procurant de multiple chocs donnant ses micros événements. L’endroit où la membrane est excitée joue sur le son déployé, participant à l’individualité de chaque grains.
Finalement, aujourd’hui on invente la roue en musique avec des nouvelles technologies pour se donner l’air avant-gardiste en ses propres contrées. Alors que certains, véhicules d’une musique millénaire, nous invite à un peu plus d’humilité.
Accompagné de ces deux fils, prêt à poursuivre la tradition familiale, il forme ensemble le trio Chemirani en 1988. Popularisant le zarb auprès d’un plus large public et collaborant avec nombre de musiciens issus de cultures différentes. La complexité des mouvements rythmiques et de la facture des grains qu’ils déploient à eux trois est sans pareille. Face à nos haut-parleurs nous sommes face à une matière sonore taillée par la main humaine, une synthèse granulaire persane.
[Thomas]
« World of echo » est le premier album que j'ai eu envie d'écouter en cette jeune année, et sans être bien sûr de savoir pourquoi, il me semble que les raisons de ce choix sont très profondes et intéressantes. Son auteur, Arthur Russell, qui avait tout pour être une star, a bénéficié d'une gloire posthume sans rapport avec le public de niche et les mondanités nocturnes auto-entretenues qu'il pu connaître de son vivant. La presse généraliste nous apprend que l'on prêtait sans sourciller un destin à la Dylan à ce violoncelliste perturbé, dont les chansons sympathiques s'éloignaient du domaine de l’intéressant lorsque leur créateur quittait celui de l’éther. Un morceau comme « See-through » a tout de la ballade innocente, mais l'on voit à travers les fantômes, pas les troubadours, et le Russell de World of echo était de la première catégorie.
Sur ce disque, notre revenant apparaît essentiellement seul avec son instrument fétiche, mais tous deux se voient couverts par les réverbérations et les astuces de studio au point de disparaître complètement. Trois décennies plus tard le procédé reste saisissant : sur des chansons souvent courtes Arthur Russell est partout et absent, et son personnage mis en valeur par sa relégation à l'idée d'idée. Ce sort souvent réservé aux idoles pop disparues, Russell semble se l'être appliqué à l'avance, et il est pour le moins cocasse qu'un tel album soit précisément le seul à être sorti de son vivant. L'exactitude des méthodes échoïques est par ailleurs exposée avec brio dans le numéro 6 de la revue Audimat, sur lequel j'aurais aimé m'appuyer sans vergogne si un départ un peu bâclé ne m'avait fait oublier mon exemplaire à l'autre bout de la France.
Difficile de faire plus convenu qu'une comparaison entre un artiste mort jeune et une comète. Calciné par le feu des excès qu'il ne supportait plus, et aujourd'hui mille fois réédité, notre américain s'apparente pourtant à un météore retrouvée encastré dans le sol par l'homme moderne, et transformé en site touristique pour hipsters. L'album entre – justement – en écho avec une époque chagrine qui ne jure sans le savoir que par « l'hantologie » pensée par Jacques Derrida, et se cache derrière les mèmes Internet les plus stupides pour dire son envie de rejoindre le Vide. Intemporel comme jamais, le monde de l'écho restera sans doute familier au vapeurs incertaines du 1er janvier prochain, puis de bien d'autres à venir.
[Max]
Quoi de mieux pour commencer cette nouvelle année déphasé que de convoquer nos aïeux, ces précurseurs pour qui le travail d'une vie n'aura pas été vain tant l'héritage laissé a influencé les générations à venir.
C'est assurément le cas d'un certain Mr. André Hodeir, de son temps violoniste, compositeur et musicologue qui consacra une grande part de son existence pour le jazz. En intégrant le Conservatoire de Paris il devient l'élève d'Olivier Messiaen et de Nadia Boulanger tout comme le fût l'illustre Pierre Henry, et clotura ses années d'études par l'obtention de trois premiers prix. Ce n'est qu'un peu plus tard, au début des années 50 qu'il contribue au Groupe de musique concrète de la RTF (Radiodiffusion Télévision Française), fondé par Schaeffer ; c’est dans ce studio qu’il réalise cette œuvre singulière qu'est Jazz et Jazz, qui met en scène un piano improvisé sur fond de bande magnétique pré-enregistrée tout en suivant les procédés artificiels de la musique concrète à savoir jeux de filtrage, inversion, accélération, etc.
Cet album réunit des pièces d’esprit et d’intentions très différentes mais qui ont pour point commun de révéler un aspect insoupçonné du jazz ce qui constituait en quelque sorte une innovation à l’époque. La version qui sera diffusée ce soir est la nouvelle version enregistrée en 1960 par Martial Solal au piano dans laquelle on retrouve un aperçu de la problématique musicale chère à ce compositeur.
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Déphasage #161 - 21.12.17
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01/ Giovanni Lami - 10:00 (Hysteresis II/Czaszka Records/Juil 17) 02/ Andrew Pekler - They Long To Be — Misty Blue (Sentimental Favourites/Dekorder/2011) 03/ Andrew Pekler - Samba De Cherbourg (Led Parapluies De Verau) (Sentimental Favourites/Dekorder/2011) 04/ Andrew Pekler - Everybody's Raindrops (Sentimental Favourites/Dekorder/2011) 05/ Andrew Pekler - The Twilight Of Your Smile (Sentimental Favourites/Dekorder/2011) 06/ Alessandro Brivio - Untitled (Associazioni Poro/Senufo Editions/2011) 07/ Alessandro Brivio - Untitled (Associazioni Poro/Senufo Editions/2011) 08/ Pierre Henry - Exercice 2 (Mouvement-Rythme-Etude/Philips/rééd. 2000/1970) 09/ Pierre Henry - Détiré Ecarté (Mouvement-Rythme-Etude/Philips/rééd. 2000/1970) 10/ Pierre Henry - Variance d’Exercice (Mouvement-Rythme-Etude/Philips/rééd. 2000/1970) 11/ Pierre Henry - Valse (Mouvement-Rythme-Etude/Philips/rééd. 2000/1970)
[Thomas]
L'hystérésis est un phénomène mathématique auquel il serait déplacé que votre serviteur fasse semblant de comprendre quoi que ce soit, mais que l'on pourrait vulgariser à la louche comme la réaction d'un objet qu'un événement extérieur fait dévier de sa trajectoire. Toute linéarité impossible, tout prévisible bousculé, semble avoir pour clé explicative cette notion fondamentale.
Bien-sûr dans le domaine des curiosités scientifiques traduisibles en sons, les fractales ont déjà plié la compétition, mais ce n'est pas parce que l'hysteresis fait de moins beaux économiseurs d'écran qu'il ne faut pas se pencher dessus.
Pour l'Homme, le pas de coté le plus discret porte la germe d'une déviance qui, insufflée par microdosage, est l'expression même du libre-arbitre, et qu'elle provienne d'un chambard extérieur ne la rend pas moins précieuse. Mais l'on s'éloigne peut-être ici du domaine du calculable.
Pour la cassette audio en revanche, le mouvement des bobines altérées offre une traduction immédiate des formules hystérétiques, et son application aux bandes magnétiques peut rendre une VHS illisible, comme fournir d'incroyables tapis sonores pour les émissions de musiques expérimentales.
Sortis sur des labels bien différents, mais tous portés sur ce support musical sympathiquement désuet, les quatre volets de « Hystérésis » rappellent à nous le nom de l'astucieux Giovanni Lami, qui sur son superbe album « Bias » n'avait pas lésiné sur la dégradation du matériel. Cette fois-ci il n'est plus question de déterrer les bandes audio comme des coffres au trésor, mais de jouer d'elles en situation extérieure, en enchaînant les utilisations non orthodoxes d'un enregistreur Nagra au centre des attentions. Par delà les trouvailles de textures qui révèlent les aspérités sonores de sa surface lisse, le ruban noir saute et enchaîne les allers et venues impromptus. Lami devient alors maître de ses pendules, et les événements qu'il rencontre ne restent pas répétitifs bien longtemps.
Les durées des morceaux de Hystérésis sont à chaque fois en minutes rondes et identiques sur les deux pistes, comme pour mieux signifier qu'un cadre temporel aussi arbitraire ne dit rien de ce déroulé narratif en constante reconstruction. Il s'agira de s'en rappeler lors de la St Sylvestre.
[Max]
Comme nous en témoigne la plupart de ses enregistrements, la musique d’Andrew Pekler peut se caractériser comme une interprétation résultant de l’investigation à travers genres abandonnés, esthétiques désuettes ou époques révolues. “Sentimental Favourites” sorti sur Dekorder en 2011, semble pour le moins donner raison à cette affirmation.
Le travail d’échantillonage dont il est ici question fait état de fouilles archéologiques à travers l’easy listening des “late-sixties-early-seventies” qui a fondamentalement été une source d’inspiration pour cet album. Pekler y mêle encore et toujours avec brio field recordings, fragments mélodiques et textures électroniques puisant dans la poésie des artistes de jadis pour en distiller une substance à la fois merveilleuse, fabuleuse, inouïe en tout cas inqualifiable. Inutile de rentrer dans les détails, le dénommé “Sad Rockets” qui en est tout de même à sa quatrième apparition dans l’émission et qui fait évidemment partie des all-stars avec bien entendu Mark Fell, Rashad Becker, Giuseppe Ielasi, Jan Jelinek (j’ai dû en oublier certainement), peut se targuer d’avoir une discographie impeccable si on s’en réfère à ses sorties acclamées par la critique et ses contributions sur ces labels incroyables que sont “source”, “~scape”, “kranky”, “senufo”, “entr’acte”, “faitiche” et j’en passe.
Andrew Pekler qui je le rappelle avait fait l’objet d’une chronique l’an dernier à la même période avec ses “Tristes Tropiques” (Faitiche, 2016) a récemment décidé de faire un coup de promo pour son album “Sentimental Favourites” (Dekorder, 2011) directement sur sa page bandcamp en proposant aux internautes un téléchargement gratuit, l’occasion de découvrir ou de redécouvrir cette opus extatique. Il suffit d’une seule écoute, pour se laisser porter par le reflux des vagues et ainsi partir à la dérive dans cette houle sentimentale (qui a soif d’idéal). Dès lors on peut ressentir l’emprise de ce mouvement qui nous imbibe d’émotions impalpables, submergé par une atmosphère mélancolique (thème récurrent dans mes chroniques je dois l’avouer) propice à la divagation à l’idylle et au fantasme.
[Simon]
[Antoine]
S’il devait bien y avoir un événement musical important en 2017, c’est celui du décès d’une figure emblématique qui a laissée son empreinte sur la manière même de faire de la musique. Pierre Henry, qui nous a quitté en juillet dernier, a été en effet l’un des deux pères de la musique concrète. Dès 1948, cette approche nouvelle des sons et de leur écoute combiné aux moyens d’enregistrement et de reproduction novateur pour l’époque, a transcendé toutes nos habitudes. Le souffle de l’impact n’est d’ailleurs toujours pas passé, car même aujourd’hui cette nouvelle musique de la seconde moitié du XXème siècle est loin d’être entré dans les us-et-coutumes de tout à chacun.
Il avait une maitrise de l’écriture du matériau sonore comme aucun autre, c’était un véritable sculpteur de pièces musicales majeures. Loin d’avoir uniquement marqué son temps dans une sphère réduite de connaisseurs, c’est plusieurs générations d’artistes qui le cite comme un exemple aussi bien dans les musiques électroniques dansantes que dans les styles les plus déphasés.
C’est d’ailleurs la danse qui est au centre de ma sélection de ce soir. Bien trop vite bloqué dans les mêmes motifs rythmiques, la musique électronique se réclamant dansante ne fait que paradoxalement trop peu bouger les corps. Enchainé dans des grilles fixes et des horloges statiques, la souplesse n’est pas assez grande pour véritablement nous libérer physiquement et mentalement. Pierre Henry dès 1970 l’avait déjà compris, alors en véritable osmose avec le tout aussi grand Maurice Béjart, ce n’est pas hasard si à eux deux ils ont élaborés de si grands projets artistiques. La musique et la danse étant des arts apparentés.
Sur « Mouvement-Rythme-Etude » créée cette année là seulement pour un concert, mais associé l’année suivante à un ballet de Béjart intitulé « Nijinski, clown de dieu ». Henry ose soumettre le rythme a une libération de la mesure, enfin sorti de ses carcans il peut s’exprimer et nous faire battre du pieds tout autrement. Les percussions, grande redécouverte du XXème siècle, bien connues du compositeur ici puisqu’il a été formé sur cette famille d’instrument. Ces dernières nous oblige a oublier la note, qu’elles ne peuvent pas toute faire, pour se concentrer sur leur existence à un niveau d’écoute supérieur.
Et justement, en posant l’oreille sur ces 21 mouvements on est frappé par la manière avec laquelle Pierre Henry se joue du rythme, tellement novatrice avec sa bonne vingtaines d’années d’avance que l’on se demande comment cela est possible. Pan Sonic et Autechre par exemple qui suivront cette voie creusée davantage ensuite n’était donc que les apôtres du grand Henry.
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Déphasage #160 - 07.12.17
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01/ Curtis Roads - Fluxon (Point Line Cloud/Asphodel/2003) 02/ Curtis Roads - Pictor Alpha (Point Line Cloud/Asphodel/2003) 03/ Curtis Roads - Nanomorphosis (Point Line Cloud/Asphodel/2003) 04/ Elsa Justel - Mats (Mats/Empreintes Digitales/Déc 2007) 05/ Sote - Flux of Sorrow (Sacred Horror in Design/Opal Tapes/Juillet 17) 06/ Sote - Boghze Esfahan (Sacred Horror in Design/Opal Tapes/Juillet 17) 07/ Motion Sickness Of Time Travel - The Center (Motion Sickness Of Time Travel/Spectrum Spools/Mai 2012)
[Simon]
[Antoine]
Selon les premières traces datant du Néolithique, la musique persane se développe donc depuis plusieurs millénaires dans cette région du monde qui constituait alors le croissant fertile. Emprunt de micro-tonalité, c’est à dire qu’elle travaille dans un espace de hauteurs plus petit que notre demi-ton occidental. Sa finesse dans le son désoriente justement nos oreilles d’européens habitués à de plus grands écarts.
Né en Iran et basé à Téhéran, Ata Ebtekar mieux connu sous le nom de Sote, cherche à nourrir ses origines de nouvelles sonorités sans rompre totalement avec ces dernières. Sur « Sacred Horror in Design » sorti en juillet dernier sur Opal Tapes, il fait appel à deux instrumentistes jouant pour l’un du santour, et pour l’autre de la setar (et non cithare). Tout deux à cordes, le premier en possède 72 étendue sur une caisse de résonance en bois et jouées à l’aide de marteaux. Comme un piano ouvert, dont il est l’ancêtre, que l’on jouerait directement sur les cordes. Le second est un instrument de la famille du luth possédant uniquement 4 cordes.
Issu d’un travail audiovisuel en collaboration avec Tarik Barri, cette sortie uniquement sonore est loin d’une malheureuse fusion de style à laquelle on a souvent droit avec ce genre de projet. Ce n’est pas un artiste occidental qui pour une fois donne son point de vue, biaisé forcément, d’une musique qui lui est exotique et éloignée. C’est un iranien qui à l’aide d’une musique née en occident (et encore… voir Halim El-Dabh), l’électronique donc, remodèle sa propre culture. A l’aide de transformations ou même parfois transfiguration des instruments acoustiques mais également de synthèse sonore, mimant parfois ces derniers, il travaille main dans la main avec ses deux musiciens. Ses propre instruments épousent parfaitement les contours du santour et de la setar, donnant une palette cohérente de matériaux coexistant sans mal.
Prouesse difficilement exécutable, tant leurs origines et, leurs natures même, viennent de loin. Pas la peine d’évoquer la musique mixte, électronique ou électroacoustique pour qualifier ce que fait Sote ici, on parlera seulement d’une musique iranienne bien de son temps. Qui cède bien à la mondialisation, américanisation dirons certains, mais pour mieux la prendre à contrepied.
[Max]
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Déphasage #159 - 22.11.17
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01/ SUN ARAW - Campfire (The Saddle Of The Increate/Sun arch records/2017) 02/ SUN ARAW - Slope of Geryon (The Saddle Of The Increate/Sun arch records/2017) 03/ Tomoko Sauvage - Fortune Biscuit (Hydromantique/Shelter Press/Oct 17) 04/ Pierre Bastien - Frantic Motors (live) (The Mecanocentric Worlds of Pierre Bastien/Discrepant/2017) 05/ The Detroit Escalator Co. - Mandala/Toronto (Black Buildings/Peace Frog/2001) 06/ The Detroit Escalator Co. - The Inverted Man (Black Buildings/Peace Frog/2001) 07/ The Detroit Escalator Co. - Terminal (dtw)(Black Buildings/Peace Frog/2001) 08/ The Detroit Escalator Co. - Fractal (in) (Black Buildings/Peace Frog/2001)
[Simon]
[Antoine]
Même si nos oreilles sont habituées à naviguer dans les molécules d’air, l’eau est un milieu dans lequel les ondes sonores s’expriment également. Chacun a fait l’expérience de s’immerger la tête afin de percevoir, sous un tout autre jour, son environnement. Mat et flou seraient deux adjectifs qui pourraient qualifier ce monde aquatique où nos repères aussi bien sonores que visuels sont bousculés.
C’est une fascination pour un instrument de musique d’Inde, le Jalatarangam signifiant « vagues dans l’eau », constitués de bols de porcelaines chacun rempli d’une certaine quantité d’eau, leur donnant ainsi une hauteur propre, qui donna envie à Tomoko Sauvage de poursuivre sa quête sonore dans cette direction. Elle poussa cette dernière plus loin que son influence, en y ajoutant des hydrophones (micros fait pour la prise de son dans l’eau) nous donnant à entendre des facettes inexplorées.
L’artiste japonaise met à profit ce vaste continent inouï en le faisant cohabiter avec la terre. Ces deux éléments se révèlent en termes sonores ici, l’un faisant à la fois vibrer l’autre et vice versa. L’inter-influence, le feedback et la résonance sont des phénomènes que Tomoko Sauvage utilise autant à l’échelle microscopique que macroscopique, jouant avec l’espace réverbérant dans lequel elle se trouve tout comme avec les interstices d’un biscuit de terre cuite. Et pour boucler la boucle, en usant de l’eau comme filtre pour le passage de ses réinjections entre haut-parleurs et hydrophones submergés tout deux.
« Fortune Biscuit » nous emmène au coeur de ce que l’on appelle le biscuit, une faïence cuite mais non glacée, absorbant ainsi l’eau. C’est son infiltration dans plusieurs d’entre elles, ayant chacune une texture différentes, qu’elle a enregistrée. Nous faisant croire a une vie présente dans ces morceaux de terre. Pourtant, difficile que cela soit vraiment le cas, car ces dernières sont cuites aux alentours de 1000 degrés Celsius.
[Max]
Lors de l'avant-dernière émission, Antoine partait de l'exemple des percussions de Christian Wolfarth pour vanter le pouvoir d'une écoute à l'aveugle qui, ne cherchant pas à pallier l'absence de support visuel par l'image imaginée, apprécie les stimuli sonores sans leur accoler de traduction en formes et en couleurs. Si j'appuie le propos de mon camarade, l'effort de détachement m'est parfois rendu difficile par certaines démarches artistiques qui hissent le procédé de réalisation d'une œuvre au rang d’œuvre en soi. Les outils de la création, quand ils interpellent l’œil, peuvent représenter un accessoire au rendu musical, lui apporter un complément de sens, voire carrément lui voler la vedette.
Bâti sur un ensemble hétéroclite et changeant d’engrenages, bitoniaux, moteurs et autres artefacts simples et incroyables, chaque orchestre réalisé par Pierre Bastien est une curiosité qui, une fois vue en fonctionnement via les vidéos publiées par l'artiste, modifie forcément la perception de sa musique. Sans vrais renseignements sur les méthodes de Bastien, on pourrait croire qu'une fausse maladresse minutieuse est à l’œuvre, modelée par les gestes souples d'instrumentistes résolus à battre une mesure incertaine. Ce ne serait d'ailleurs pas incohérent avec le parcours d'un artiste qui s'est autrefois plu à faire jouer ensemble des musiciens d'un jour n'ayant jamais utilisé ce qui se trouvait entre leurs mains.
Mais ce sont bien de purs automates qui frappent où il est prévu qu'ils le fassent, tendent les cordes qu'ils sont censés tendre et actionnent les claviers au gré de la rotation de leurs pointes disposés telles des partitions. Qu'il soit construit avec des pièces de Meccano, des objets du quotidien, ou des vinyls rayés, qu'il s'appelle Mecanium ou « orchestre thermodynamique », le compagnon manufacturé de Pierre Bastien produit des mélodies souvent naïves qui jurent avec la machinerie complexe que l'on perçoit tournoyer en arrière plan, tout en étant étrangement servies par l'imaginaire infantile duquel l'engin semble sortir. Le français reconnaît facilement la dimension comique que peuvent avoir ses réalisations, due selon lui à la simplicité apparente d'objets animés pourtant capables de produire une musique assez sophistiquée. On pourrait amender cette idée en ajoutant que lorsque les sonorités deviennent plus lisibles, c'est l'ingéniosité déployée pour les produire qui prête à rire, et le Mecanium fait alors penser à une invraisemblable machine de Rude Goldgerg sortie d'un épisode de Tom et Jerry dans lequel elle ne sert qu'à lâcher un coffre-fort sur le rongeur pris en chasse.
« The mecanocentric worlds of Pierre Bastien », sorti par Discrepant il y a un mois, est la captation d'un concert qu'il donna l'année passée au siège de l'audiovisuel public serbe. Les machines y donnent tout, et sont accompagnées par leur inventeur, qui assure notamment un jeu de trompette préparée évident et émotif. Auditeurs de l'album, nous sommes privés de toute scénographie automatisée, mais restons destinataires d'une musique fondamentalement touchante, valorisée par la vue de ses sources mais certainement pas dépendante d'elle.
[Thomas]
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Déphasage #158 - 09.11.17
Playlist=
01/ Jean-Luc Guionnet & Miguel A. García - Jollus (Parkustomnie/Moving Furniture/Sept 17) 02/ Strategy - Cans (Pods Of Punishment/Entr’acte/ Mars 15) 03/ Strategy - Mix Radio (Pods Of Punishment/Entr’acte/ Mars 15) 04/ Strategy - Love I Look (Pods Of Punishment/Entr’acte/ Mars 15) 05/ Strategy - Pods Of Punishment (Pods Of Punishment/Entr’acte/ Mars 15) 06/ Jasmine Guffond - Post-Human (Traced/Sonic Pieces/Juin 17) 07/ Jasmine Guffond - GPS Dreaming (Traced/Sonic Pieces/Juin 17)
[Antoine]
Le duo franco-espagnol propose ici une jonction entre l’orgue d’église et l’électronique, association entre l’instrument monumental qui nous surplombe et les électrons qui percutent la membrane des haut-parleurs donnant eux-aussi une injonction d’écoute à l’auditeur.
L’orgue est évidemment relié aux croyances divines et accompagne les chants lors des offices, guidant les âmes vers la rédemption. Jean-Luc Guionnet lui donne une autre voix, tout en ruptures et en contrastes dynamiques, tellement intenses, que l’on passe de l’infiniment petit au grand en un instant. Premier synthétiseur (acoustique certes) avant l’heure, cet instrument qui use de flûtes de géants est ainsi capable d’offrir de lourd graves pesant sur nos corps de mortels. Grande machine à sons mécaniques, chaque rouage et menuiseries se présentent à l’oreille mais malheureusement sont masqués par l’intensité des autres sons produits.
La prouesse de cet enregistrement est de nous faire ressentir, grâce à des positionnements judicieux de micros l’on imagine, toute la complexité de ce qui est audible ou presque. On peut ainsi choisir d’écouter cette sortie à des volumes différents, faible ou fort donneront des perspectives d’écoute différentes sur ce magnifique travail.
Miguel Garcia offre une complémentarité sonore parfaite, se fondant dans la masse ou nous donnant l’impression que l’orgue est capable de sortir de telles identités. Jouant avec le travestissement, l’artiste espagnol nous fait miroiter une virtualité réaliste où les deux sources sonores en présence ne font qu’une.
[Max]
Direction Portland dans l’Oregon, c’est à Cascadia région autonome du Nord-Ouest Pacifique que le musicien, DJ, producteur et patron de label a établi son studio, Pharmacy #3, et mène ses opérations. Pour faire corps avec les bonnes pratiques de la house et la techno quant à l’utilisation d’un alias, Paul à choisi le pseudo de “Startegy” pour représenter ses travaux solo, et ce depuis 1999.
Il n’est donc pas étonnant depuis tout ce temps de le voir apparaître et collaborer avec des maisons de disques telles qu’Endless Flight (Mule Musiq), le titan de l’ambient Kranky ou encore Community Library; son propre imprint. Ceci dit la liste est longue et l’album de ce soir est issu du non moins prestigieux label britannique Entr’acte re-basé en Belgique en 2012.
Baigné dans l’univers du computing depuis l’enfance il a également cotoyé le large spectre des musique traditionnelles et d’avant-garde. C’est donc tout naturellement, élevé par un père adepte du DIY et influencé par la mouvance de Berkeley avec entre autre Pauline Oliveros comme figure de proue, que ce prodige de la musique électronique nous gratifie du puissant Pods Of Punishment, palette générative aux coloris multiples, dont chaque piste peut être symbolisée comme une sorte de créature industrielle autonome nous dévoilant un assemblage ambient techno finement dosé.
Assez peu familier avec ce qui se rapporte au logiciel le son de Strategy est un savant mélange de boite à rythme, Electribe, table de mix à l’anglaise, field recording, pédales à effets. On peut dire que la majorité de son matos a été soit glané bon marché, prêté par un proche ou crafté par ses soins avec leur lot de dysfonctionnement mais c’est ce qui en fait tout le charme. D’ailleurs, Paul y attache une extrême importance et ceci nous emmène à considérer la place de l’imprévue, la chance et l’erreur dans l’improvisation contrairement au conservatisme dont fait preuve la dance de nos jours, et on sait tous bien que l’excès de conservateurs ne fait jamais bon ménage.
[Antoine]
C’est une sonification que nous propose l’artiste australienne ou plutôt musicification, de données issues de systèmes de reconnaissance faciales et de réseaux de surveillance.
Présent hors de notre perception ces dernières prennent corps ici et montre que leur existence est aussi tourmentée que leur objectif. Loin de donner un résultat tout en bruits et en agressions, la subtilité des sons employés nous montre la face accueillante de ces technologies. Ces dernières savent se rendre incontournable et pratique dans notre vie quotidienne. Peu ose s’opposer au progrès, valeur levée comme un bouclier par les libéraux pour justifier leur sombre besogne.
C’est aussi avec sa voix que l’artiste figure ces données, ultime objet sonore qui nous connecte instinctivement entre humains. Aujourd’hui, nos machines adoptent presque une voix qui nous semble réaliste et nous font oublier à quelle maitre elles doivent leur naissance et surtout auquel elles obéissent. Pensés pour agir selon des nécessités marchandes ces objets dits connectés, au-delà de leur face amicale, transmettent dans notre dos toutes nos habitudes et secrets les plus enfouis. Ces traces que nous laissons dans la mémoire numérique ne s’efface jamais véritablement. Jasmine Guffond nous dévoile ici une mise en garde, judicieuse et délicate, d'une problématique majeure de nos sociétés contemporaines.
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Déphasage #157 - 26.10.17
Playlist=
01/ Christian Wolfarth - Sheer 1 (Sheer/Hiddenbell records/2013) 02/ Pauline Lay - 4.28.17 (Alloy/Pulp/Heavy mess/Septembre 2017) 03/ Lee Gamble - You Hedonic (Mnestic Pressure/Hyperdub/Oct. 17) 04/ Lee Gamble - A Tergo Real (Mnestic Pressure/Hyperdub/Oct. 17) 05/ Lee Gamble - Déjà Mode (Mnestic Pressure/Hyperdub/Oct. 17)
[Antoine]
Depuis le XXème siècle les instruments de percussions ont regagnés en popularité que cela soit par Edgar Varèse ou encore John Cage et bien d’autres figures. Injustement considéré comme des marqueurs de temps fort ou de ponctuation musical, ils méritent pourtant une exploration hors des sentiers battus. Christian Wolfarth fait partie de cette génération de batteurs horizontaux qui ne souhaitent plus répondre d’un temps fixe mais plutôt d’un temps fluide, comme il l’est naturellement. Il désosse ce qui est finalement un ensemble de percussions, car le batteur sorte d’homme-orchestre est bien le seul musicien à devoir gérer plusieurs instruments en même temps. Que l’artiste suisse choisisse de ne s’exercer qu’à la pratique des cymbales ici, ne devrait alors pas nous surprendre.
Ce disque métallique, en fonction de son diamètre, son épaisseur, le type d’alliage utilisé et sa courbe peut donner une étendue sonore gigantesque. C’est cette dernière que Christian Wolfarth inspecte scrupuleusement, en usant de différentes méthodes transfigurant notre imaginaire vis-à-vis de cette idiophone. Jamais l’on aurait cru que pouvait surgir depuis de simples cymbales, tout un monde qui pouvait tenir notre écoute sur une durée telle. De sons entretenus qui au fil du temps nous font oublier qu’elle est leur source jusqu’au tremblements métalliques, on trouve des motifs rythmiques et mélodiques enfouis pour peu qu’on les cherche.
A mon sens, ce type de travail du matériau sonore, depuis un instrument acoustique, trouve sa véritable écoute sans la vue du geste du musicien. Il est bien connu que la vue, au sommet de la pyramide des sens, a trop d’influence quand il est question d’arts sonores. Face aux haut-parleurs plus d’excuses, on est contraint de se focaliser sur le son et on peut enfin recevoir ce qui est le coeur du travail de Christian Wolfarth en plein tympan.
[Thomas]
Sans chercher à forcer la réouverture d'interminables questionnements autour des places occupées par la tradition et l'innovation dans la musique, difficile de ne pas observer l'importance de ces sujets dans nos cerveaux cramés. La dialectique entre les deux notions les font s'enrouler sans se toucher, comme le chaînon ADN d'un éternel serpent de mer de l'écoute, puisque rien ne saurait plus prêter à caution qu'un placement un peu trop définitif du curseur de la nouveauté. A l'échelle du groupe, un petit malin sera toujours là pour expliquer que les racines d'une idée ne puisent pas assez profond pour qu'elle puisse être considérée comme vraiment novatrice. Pour autant, dans l'esprit de l'individu qui crée, la sensation de l'inédit qui jaillit peut représenter un déclic indispensable.
Lorsque Pauline Lay a compris qu'elle pouvait se permettre d'interagir avec son violon dans un périmètre plus large que le pur jeu mélodieux occupant une gamme prédéterminée, elle n'a donc pas découvert le feu mais a bien ouvert une voie dans laquelle elle aurait eu tort de ne pas s'engager. Sur sa cassette « Alloy/Pulp », sortie le mois dernier, l'instrument manié au delà de ses cordes s'ouvre comme un délicat patron en papier pour laisser s’échapper d'amples respirations. Les frottements qui lui sont appliqués ne sont pas intéressants par les dissonances qu'ils pourraient induire, mais bien au contraire par les harmonies qu'ils dévoilent. De timides amplifications viennent conforter cette organisation, en aidant la bestiole de bois et de fibres à se plonger dans un sommeil total dès la fin du premier morceau, de sorte que l'on croit entendre une impossible échographie de ses songes dans le second.
Il est toujours épatant de voir comment un instrument bien employé en ce sens peut amener à donner l'illusion d'un étirement artificiel de notes qu'il dégage pourtant en temps réel, comme les dix-huits musiciens du projet Book of air m'avaient déjà donné l'occasion de le pointer lors de l'émission 126. Mais la différence est ici que Pauline Lay est seule à faire ronfler son violon. Le rendu en est plus lisible, plus modeste, et cette humilité ne dépareille pas au sein du label Heavy Mess, qui se définit lui même comme « discret ». Alloy/Pulp, qu'il publie donc, est elle-même une cassette de deux pistes ayant pour noms les dates de leurs compositions, autant dire un produit assez peu marketing. La phase d'endormissement, que nous allons écouter, s'intitule « 4.28.17 » pour « 28 avril 2017 », et au souvenir de l'entre-deux-tours déprimant qui se tenait alors, on se dit qu'une publication plus rapide de cet apaisant morceau n'aurait pas été de refus.
[Max]
L’artiste que j’ai envie de mettre à l’honneur ce soir c’est Lee Gamble, qui vient de sortir pas plus tard que la semaine dernière un nouvel album nommé "Mnestic Pressure". Un long format qui tombe à pic après 3 ans d’attente et qui sort, qui plus est, sur le label Hyperdub. Il nous avait habitué à sortir des objets sonores subaquatiques sur PAN, le label sur lequel sont sortis entre autre les deux albums de Rashad Becker, "Traditional Music of Notional Species vol.1" et 2, du très lourd.
Bref, pour revenir au producteur natif de Birmingham, les deux précedents specimens qu’il nous a délivré que sont "Diversion 1994-1996" et "Koch" sortis respectivement en 2012 et 2014 nous entraînent du côté d’une réalité parallèle, confondue entre rêve et souvenir. On y retrouve les matériaux qui y ont fait sa signature à savoir des beats technoïdes distants, fruit de la déformation des codes de la musique club britannique, tantôt breakée ou garage, et autres paysages vaporeux alimentés par le grondement motorisé.
Si les précédents opus pouvaient quelque fois nous laisser sur notre faim le dernier album marque une césure dans sa discographie. Non seulement et c’est important, car il l’a signé chez Hyperdub, label qui s’efforce de perpétuer le son UK tout en le renouvellant à merveille. Il fait partie d’un roaster prestigieux au côté de Burial, Dj Rashad, Mark Pritchard, Laurel Halo et j’en passe. Mais aussi car l’empreinte sonore de l’album le différencie de ses deux aînés. Lee parle de cet album comme une interprétation, un décodage terrestre de son précédent travail davantage orienté vers un délire céleste et onirique. On appréciera tout autant l’explosivité rythmique que nous témoigne cet LP aussi bien que ses interludes plus en “flottement” dans lesquelles se distinguent un certain effort romantique, quoiqu’il en soit, bienvenue dans un mood sous pression où la sensation d’oisiveté s’est vue interdite.
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Déphasage #156 - 12.10.17
Playlist=
01/ Harry Partch - Verse 4, 5, 10, 11, 12, 13, 15, 17, 22, 23, 30 (And on the Seventh Day Petals Fell in Petaluma/New World Records/2016) 02/ Ross Manning - Braking Formation (Reflex In Waves/Room40/Oct 17) 03/ Ross Manning - Cross A Strings (Reflex In Waves/Room40/Oct 17) 04/ Ellen Arkbro - Three (For Organ and Brass/Subtext/Avril 2017) 05/ Ben Frost - Threshold Of Faith (The Centre Cannot Hold/Mute/Sept 2017) 06/ Ben Frost - Eurydice’s Heel (The Centre Cannot Hold/Mute/Sept 2017)`
[Antoine]
En écho aux envies bruitistes des futuristes italiens qui souhaitaient maitriser les diverses sonorités des machines de l’époque en fabriquant leurs intonarumori. Harry Partch lui, 20 après et de l’autre côté de l’Atlantique, commence à penser une musique qui s’étend dans les espaces qui se trouvent entre les notes. Souhaitant explorer d’autres distances entre chaque hauteur du son, il va inventer une gamme qui ne fonctionne pas en demi-ton comme à l’accoutumé mais en micro-tons. Nous laissant ainsi apprécier 43 tons alors qu’habituellement nous n’en comptons que 12, tout un nouvel éventail de nuances de hauteur que l’oreille occidentale bien trop formatée prend pour un jeu faux. Pour mettre en oeuvre tout cela, impossible de compter sur les instruments de l’orchestre classique. Il fut alors contraint de construire lui-même les siens. Au cours de sa vie pas moins de 27 créations ont vu le jour, du Quadrangularus Reversum, marimba gigantesque aux Cloud chamber bowls, un ensemble de bonbonne de laboratoire en pyrex coupée en deux et suspendues en passant par la guitare adaptée, cet instrumentarium unique est une sacrée prouesse. Sur « And on the Seventh Day Petals Fell in Petaluma » ressorti l’an passé sur New World Records, constitué de 23 duos d’une minute. Il brosse un panorama presque exhaustif de ces machines à sons. Evidemment tourné vers les percussions, redécouverte du XXème siècle oblige, ces dernières donne la fausse impression de se rapprocher parfois d’un minimalisme à la Steve Reich. Mais il n’en est rien tant l’exploration d’une tonalité des interstices qu’il effectue ici est sans commune mesure. Ross Manning, tout comme Harry Partch, a voulu s’échapper des instruments classiques en fabriquant les siens. Contrairement à l’américain qui mettait en exergue la corporalité dans la musique, Ross Manning lui utilise des moteurs pour faire jouer ses machines. Sans vouloir étendre un orchestre classique, il assemble bois et métaux pour créer de véritables. sculptures. Non loin de Harry Bertoia dans l’intention, à écouter dans l’émission 105 sur le blog, il emprunte pourtant un autre chemin, moins berçant pour les oreilles. Fait également de manipulations sur bande magnétique il obscurcit ainsi la source déjà bien particulière qui s’offre à nos oreilles.
[Thomas]
Enfermé dans son bunker avec le gourou rock Steve Albini comme geôlier, Frost a pondu quelques obus épais au sujet desquels les premiers instants du morceau d'ouverture Threshold of faith font taire tout suspens : oui les projectiles ont pour but d'atteindre leurs cibles, nulle balistique n'est conçue pour frôler les visages, de même que le tonnerre peut incidemment frapper deux fois au même endroit. On sent donc le musicien australien concerné par les questions guerrières, lui qui a déjà conçu quelques habillages sonores pour des documentaires consacrés aux armées, et sans doute au moins aussi sensible au vertige de la puissance et de l'impact qu'aux causalités géostratégiques qui font se déclencher le feu.
Retranscrire les inquiétantes sensations du sublime qui emporte tout était aussi la démarche du poète William Butler Yeats lorsqu'il écrivit « The second coming », au sortir de la grande guerre, et décrivait la trajectoire impossible d'un faucon déstabilisé par le monde qui s'effondre autour de lui. C'est au troisième vers de ce texte apocalyptique que Ben Frost emprunte le nom de son disque, « The centre cannot hold », qui à la lecture tournoie sans doute comme une toupie chancelle. L'idée est donc que toute force centrifuge d'apparence immuable peut se voir écrasée par une puissance bien supérieure, et le compositeur se sent autorisé à sortir la Grosse Bertha pour que ce soit bien clair.
Clairement ce trop plein de chocs et de cassures fatigue parfois, et l'on peut être circonspect devant une musique qui assure autant le spectacle et titille à ce points les zones les plus impressionnables de nos cerveaux. Seulement les trouvailles plastiques, les effets de surprise et l'intensité dramatique de toute beauté qui émaillent l'album rattrapent le tout et donnent leur sel à ces secousses. Sans doute les personnes aux manettes pour les visuels de ses concerts ne savent-elles que trop bien ce potentiel spectaculaire des procédés de Ben Frost ; aussi par quelques effets de manches stroboscopiques l'on a pu voir la semaine passée au Trianon un type hirsute en marcel noir, grimé en une sorte de figure christique annonciatrice de la fin des temps. Mais la grosseur des ficelles n'a pas gâché le spectacle, la foudre a rencontré la foule, et un groupe de jeunes gens un peu fatigués a libéré le premier rang du premier balcon aux premières distorsions grandiloquentes - donc assez vite -. Qu'ils en soient ici remerciés.
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Déphasage #155 - 28.09.17
Playlist=
01/ Serenus Zeitblom Oktett - Zweiterteil (Zweiter Teil (Kaleidoskop, Stasis, Null, Stasis #2, Glockenklang) (Erster Teil - Zweiter Teil - Dritter Teil/Hyperdelia/Mars 17) 02/ Iancu Dumitrescu - Gnosis (Ouranos/Edition Modern/1997) 03/ Gintas K - 4 zemu 1 max (2014/Attenuation Circuit/ Août 2017) 04/ Gintas K - norm max (2014/Attenuation Circuit/Août 2017) 05/ Crys Cole & Oren Ambarchi - Pad Phet Gob (Hotel Record/Black Truffle/Sept 17)
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Déphasage #154 - 28.06.17
Playlist best of 2017=
01/ Rashad Becker - Extract (Based On A True Story, Chapter IX/documenta14/Avril 17) 02/ To Rococo Rot - Moto (Veiculo/City Slang/1997) 03/ To Rococo Rot - Leggiero (Veiculo/City Slang/1997) 04/ To Rococo Rot - Fach (Veiculo/City Slang/1997) 05/ To Rococo Rot - Lips (Veiculo/City Slang/1997) 06/ Mica Levi & Oliver Coates - Barok Main (Remain Calm/Slip Imprint/Nov 2016) 07/ Mica Levi & Oliver Coates - New Wren Kitch (Remain Calm/Slip Imprint/Nov 2016) 08/ The Automatics Group - Deadmau5/Mason vs Princess Superstar/Riva Starr/Sash!/Motorcycle/4 Strings/PPK/D.H.T./Tiesto (extract) (Summer Mix/Entr’acte/2011) 09/ Evan Caminiti - Possession (Toxic City Music/Dust Editions/2017) 10/ Anders Brørby - A Sudden Sense of Loss (Mulholland Drive, 1984/Hylé Tapes/Nov 16) 11/ Tsone - Inconsisten Density (Dovetail/Whitelabrecs/2016)
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Déphasage #153 - 21.06.17
Playlist=
01/ Ben Bennett - Your Nose Is Off (Weren't/1980 Records/Mai 16) 02/ Ben Bennett - Kicked Somebody In Half (Weren't/1980 Records/Mai 16) 03/ Ben Bennett - I Was Everything (Weren't/1980 Records/Mai 16) 04/ Suzanne Ciani - Concert At WBAI Free Music Store (Buchla Concerts 1975/Finders Keepers/Avril 16) 05/ Joshua Bonnetta – The bay of broken things (extract) (Low islands/Canti magnetici/Mai 2017) 06/ Count Ossie & The Mystic Revelation Of Rastafari - Wicked Babylon (Tales of Mozambique/Dynamic sounds/1975) 07/ Count Ossie & The Mystic Revelation Of Rastafari - Let Freedom Reign (Tales of Mozambique/Dynamic sounds/1975) 08/ Count Ossie & The Mystic Revelation Of Rastafari - Nigerian Reggae (Tales of Mozambique/Dynamic sounds/1975)
[Timothée]
[Antoine]
Cette sortie est une nouvelle collaboration entre le label anglo-saxon et la fameuse américaine, compositrice et joueuse de Buchla, qui a sorti de son grenier ces deux enregistrements inédits de performance démonstrative de ce nouvel instrument d’alors.
Tirant son nom de son créateur Donald Buchla, disparu cette année, ce synthétiseur inventé en 1965 était unique en son genre. Loin de vouloir recréer un instrument identifiable par le commun des musiciens, comme le Moog et son clavier de piano. Celui-ci souhaitait inventer un tout nouvel idiome par son existence, repenser entièrement l’interface homme/machine pour questionner la pratique musicale du premier et adopter un design novateur pour la seconde. Au-delà du pionnier du Buchla et co-inspirateur de ce dernier, Morton Subotnick et son album Silver Apples on the Moon entièrement réalisé à l’aide du synthétiseur. Un autre nom émergea dans les années 70, Suzanne Ciani, du haut de sa vingtaine d’année, allait rivaliser avec les patriarches de l’électronique et s’imposa rapidement comme employée de l’entreprise Buchla.
Les deux enregistrements disponible sur cette sortie son issus de deux sessions de présentation où la musicienne exerce ses talents hors du commun. Maitrisant la machine comme peu, même aujourd’hui, elle sa targue de ne pas forcément l’utiliser pour rompre avec la tradition musicale préférant la transcender avec ce nouvel instrument. Oscillant entre véritable orchestre jouant des séquences de notes redistribuées à chaque itération et exploration de nouveaux timbres permis par l’instruments. Elle ne se pose pas la question des chapelles musicales et affiche sa propre vision de cette nouvelle musique que l’on nommera électronique.
Suzanne Ciani mérite sa place dans le panthéon de cette dernière, comme une figure réconciliatrice entre les deux mouvements qui commençait doucement leur séparation en cette année 1975.
[Thomas]
Être à l'antenne sur une radio locale afin d'assurer une émission musicale en direct un 21 juin au soir, ce que nous sommes précisément en train de faire, pose fatalement question. Plus que jamais les ondes qui nous portent sont vouées à être couvertes par le fracas du dehors, et qu'elles se fassent l'écho de notre attachement à la musique ne les rend que plus incongrues, à l'heure même où c'est justement celle-ci qui est fêtée dans les rues. Pour autant aucune satisfaction hautaine dans notre démarche, simplement le plaisir esthète d'un déphasage assumé, livré comme une modeste alternative aux objets sonores parfaitement identifiés qui se disputent les emplacements stratégiques des artères bordelaises.
Piocher, à cette occasion, dans ce que Discogs répertorie de façon discutable mais assez drôle comme de la « Non-music » est une coquetterie que l'on serait en tort de se refuser. Les purs enregistrements de terrain, tout montés et retravaillés soient-ils, bénéficient de cet étiquetage, et des bruits les plus quotidiens aux sons les plus exotiques, ils viennent nous rappeler leur omniscience discrète, leur permanence indiscutée : c'est tous les jours la fête de la « non-musique ».
Le sélection qui clôture l'émission est donc extraite de « Low islands », une cassette sortie par Joshua Bonnetta il y a un peu plus d'un mois. Sur ces bandes les paysages se voient moins suggérés qu'imposés, révélant un archipel imaginaire concocté par le canadien, avec de vrais bouts d’îles de la mer Baltique capturés sur quatre ans. L'auditeur y est secoué entre des situations dont l'humidité fait, conjoncturellement, plutôt plaisir. Ces courants et intempéries sont d'une lourdeur gelée qui pourrait en effet fonctionner comme un traitement placebo à l'épisode caniculaire actuel, et mériteraient d'être projetés, fenêtres grandes ouvertes, sur les badauds en sueur venus profiter de la St Jack Lang.
Joshua Bonnetta nous rappelle ainsi les facilités qui sont les siennes pour faire naître des images mentales cadrées comme il l'entend et avec la précision qui s'impose. Lui qui est aussi professeur de cinéma et d'arts sonores délivre un rendu grisâtre et disloqué qui, pour être tout à fait honnête, appelle moins de sérénité que d'incertitudes. Toujours est-il que ce résultat est plastiquement beau et immédiatement fonctionnel, comme les fanfares laissent place aux pluies et les normales de saison chutent.
[Simon]
On s'intéresse aujourd’hui à l’album Tales of Mozambique, la seconde parution long format de Count Ossie et ses musiciens, publiée par Dynamic Sounds un an avant la mort d’Oswald dans un stupide accident de voiture.
Né à Bito dans la campagne jamaïcaine au début du XXème siècle, ses premières expériences musicales se font dans un cadre religieux : il joue du tambour et du fifre dans une fanfare scout, avant de déménager pour son adolescence à Kingston. C’est là bas qu’il rencontrera la communauté rastafari locale, dont le discours spirituel déviant du christianisme dans lequel il est élevé depuis son enfance le séduit rapidement. Il se met à réfléchir à une musique dédiée au culte rastafari, et conçoit à lui tout seul la musique Nyabinghi, inspirée par les tambours cardiaques des anciens de la communauté qu’il fréquente, devenant ainsi l’un des précurseurs de tout un pan de la musique Jamaïcaine du XXème siècle.
L’apogée de sa modeste carrière se trouve sans doute dans le concert qu’il donne avec son groupe en 1966 sur la piste d'atterrissage de Kingston pour l’arrivée de Hailé Sélassié sur l’île, qui fait grand bruit.
Sa musique est enregistrée à la volée dans de petits studio où les musiciens s’entassent. La plupart sont des percussionnistes, frappant des tambours traditionnels de différentes formes et fonction, mais on peut aussi entendre des cuivres, et surtout des voix. Les tambours forment un tapis répétitif qui sert de trame aux morceaux, sur lequel viennent improviser d’autres percussions ou des cuivres, comme autant de personnages indépendants. Les textes ont une portée religieuse, ou au moins spirituelle qu’il est impossible d’effacer. Ils racontent, à la manière des chants religieux, l’histoire du rastafarisme, les louanges d’Hailé, roi des rois, seigneur des seigneurs, lion conquérant de la tribu de Judas, mélangées à des contes traditionnel de Mozambique.
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