#Carwyn Gibson
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la-tour-de-babel · 2 years ago
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Brodyr - Fiction : Human!AU
DISCLAIMER : Ceci est la première partie d'une série de OS, autour des frères Gibson. A savoir, Cambrien, dit Cormag, Gallois, dit Carwyn, et Cornique, dit Merryn. On est dans une version idéale où les trois frères sont en vie, et sont humains. Basiquement, donc, ce sera juste une série de petites scénettes, pour bien planter le décor, et étudier un peu les personnages de Cormag et Merryn- que je n'ai jamais écrit, ahah. Vous trouverez donc la suite dans les reblogs de ce post, au fur et à mesure. Le dessin que vous avez en début de post est évidemment une œuvre de @mimmixerenard !
PAIRINGS : Pour l'instant, SecretSignes seulement. Ca viendra avec le temps, quand les protagonistes ne seront plus des enfants. On ne shippe pas les enfants.
TRIGGERWARNING : Dans la première scène, description d'une crise d'angoisse, meltdown, shutdown. Harcèlement scolaire sous entendu. Je ne pense pas qu'il y ait de TW pour la deuxième partie, néanmoins.
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C’est le son des rires qui l’attire, d’abord, dans le vestiaire du collège.
Cormag est lui-même d’une nature rieuse. Ses parents, toujours, lorsqu’ils parlent de lui à leurs différents amis, le présentent ainsi : ah ! Cormag ! Mais oui, c’est notre petit soleil. Toujours si souriant… il vous illumine toute une pièce vous savez. Tenez, le voilà. Et puis, immanquablement, on répondait quelque chose du genre, mais c’est vrai qu’il a l’air très sympathique. Quelle bonne tête !
Oui, Cormag est rieur, Cormag est sympathique. Il est de ceux qu’on qualifie aisément de Bon Pote. De ceux à qui on s’attache très vite. Qui est ami avec tout le monde, même les professeurs, qui connaît tout le monde, et qui aide tout le monde. Mais Cormag, aussi, prend de la place. Il est bruyant, souvent. Il parle beaucoup. Il sait écouter, mais il a souvent l’impression que les gens, tant fasciné par son apparence de Bon Pote, n’en ont pas vraiment pris conscience : on ne lui dit jamais rien d’important.
Ce qu’on dit à Cormag, c’est comment s’est passé le dernier week-end. C’est combien notre nouveau chiot est adorable. C’est les notes qu’on a eues, ou pas. C’est quel prof est une tête de con, et quel prof est ultra chill. Ce qu’on ne lui dit pas, c’est les vrais problèmes qu’on a. C’est les secrets Très Importants, pour tout ces enfants de onze à quinze ans. Cormag est un Bon Pote, voir un Très Bon Pote, mais ce n’est pas Le Meilleur Ami. Vous voyez, il parle beaucoup, Cormag, et il connaît tout le monde. Ce n’est pas le genre de personne à qui on veut confier ses Grands Secrets.
Cormag est le Bon Pote de tout le monde, et le Meilleur Ami de personne. Sauf, bien sûr, de ses deux petits frères : mais Carwyn et Merryn sont tout, tout petits, et si Cormag est évidemment flatté de se voir pilier des Très Grands Secrets des p’tits bouts de chou, ce n’est tout de même pas la même chose. Cormag n’est le Meilleur Ami de personne.
Et puis, vient aujourd’hui. Le son des rires, dans les vestiaires du gymnase. En temps normal, Cormag est déjà naturellement attiré par le son d’un rire. Comme un papillon attiré par la chaleur et la positivité. Seulement, voilà : ce ne sont pas des rires gentils. Ce sont des rires moqueurs. De grands éclats, ahahah, qui s’entendent depuis la salle de sport où Cormag, jusqu’ici, discutait tranquillement avec le professeur.
(M. Gimenez venait d’avoir une petite fille. Elle s’appelle Clàudia, et c’est ce qu’il est en train de raconter à Cormag.)
Alors, parce que ce sont des rires, mais surtout parce que ce sont des rires moqueurs, Cormag s’excuse de la conversation, et trottine vers les vestiaires. Il est le Bon Pote de tout le monde, mais il est aussi le premier a reconnaître que certaines personnes sont tout de même de vraies têtes de con. Ce n’est pas pour autant qu’il cesserait de leur parler ; chacun ses défauts, et Mam dit toujours que les enfants de leur âge peuvent toujours changer, avec les bonnes fréquentations.
Cormag croit tout ce que lui dit sa Mam, bien évidemment. Mais tout de même, pense-t-il, en posant les yeux sur le spectacle.
C’est une petite foule de garçon, en cercle, autour d’un autre qui est tombé par terre. La petite foule rit trop fort, ahahah, et la respiration du garçon au milieu du cercle est affreuse. Il prend de grandes, grandes inspirations, comme s’il se noyait, et s’étouffe dessus à chaque fois. Cormag ne le distingue pas très bien, derrière les bras, les torses, les tee-shirts gorgés de sueur, mais il en voit assez pour comprendre qu’il est recroquevillé, et qu’il est couvert de quelque chose de gluant. Ca ressemble à la peinture que cette tête de con d’Alexis a piqué à la prof d’art plastique.
Cormag est trop jeune pour savoir ce qu’est une Crise d’Angoisse. Mais il est assez Grand pour savoir que c’est pas normal de respirer comme ça, et que ça doit faire mal à la poitrine. Et que ça doit pas être très drôle, de pas respirer bien et d’être entouré par une foule de garçon hululant des rires méchants. Alors, Cormag se fraye un chemin dans la petite foule.
C’est pas difficile. Il est grand, plus grand que les autres garçons, et il est large d’épaules. Tu seras rugbyman, mab, disait Dad. Un grand gaillard comme toi. Cormag ne sera bien sûr par rugbyman : il n’a jamais aimé le principe d’une mêlée. Mais la carrure reste là, et ses camarades le constatent bien ; ils le laissent passer, et certains, même, se taisent.
Au milieu du cercle, c’est Simon.
Cormag connaît tout le monde, mais Simon, pas très bien. Il est dans sa classe, ça c’est sûr, et il est très doué en maths. Cormag le sait, parce que le professeur ne cesse de le répéter, à chaque devoir. Et il sait aussi qu’il est très mauvais en français, parce que ça aussi, la professeure le répète. Simon est très discret. Là où Cormag parle beaucoup, et n’a pas souvent l’occasion d’écouter, Simon ne parle jamais, et ne fait qu’écouter. Il reste dans son coin, avec son petit costume trop formel pour un môme d’onze piges, avec ses lunettes carrées de secrétaire austère, et ses petits stickers de Mon Petit Poney partout sur ses stylos, sa règle, sa trousse. Avec son petit chiffon, qu’il utilise pour nettoyer chaque surface avec laquelle il doit rentrer en contact.
Les autres garçons trouvent que Simon est bizarre, et les garçons de cet âge, eh bien ! Ça n’aime pas beaucoup ce qui est bizarre.
C’est sans doute pour ça qu’il est dans cette situation. Respiration de sèche-cheveux en fin de vie, des grands hhhhhh, hhhhhh, hhhhhh. Se balançant d’avant, en arrière, avant, en arrière, les mains plaquées sur ses oreilles pour bloquer le bruit des rires, doigts crispés si fort que les ongles se plantent dans la peau, les yeux fermés très forts pour éviter la lumière aveuglante des vestiaires, grosses larmes coulant malgré tout, la chemise couverte de peinture verte- jusque dans les cheveux, jusqu’au verre des lunettes.
Simon tient beaucoup à la propreté, et a du mal avec certaines textures gluantes- précisément comme la gouache qui le couvre. Cormag ne sait pas ce qu’est un Meltdown, mais il voit bien que ce n’est pas quelque chose dont il faut rire.  Il n’y a rien de drôle, là-dedans.
« Vous êtes des cons, » braille-t-il, une fois passée la première seconde de choc. « Laissez le tranquille ! Barrez-vous ! »
Les rires méchants s’éteignent enfin. Ça bougonne, ça proteste un peu : Alexis, tête de con par excellence, lui décoche un regard dépité. Mais Cormag étant le Bon Pote, celui que Tout Le Monde Kiffe, on l’écoute. La petite foule se disperse ; les garçons récupèrent leurs affaires, se rhabillent, et laissent un peu de place à Simon.
Alors, Cormag se trouve un peu comme un con. Il ne sait pas comment réagir, maintenant : c’est la première fois qu’il voit ça. Simon ne se calme pas. Il se balance, se griffe tout seul, respire pas bien du tout.
« Eh, » dit Cormag, « ça va ? »
C’est bête comme question. Simon ne répond pas, et c’est même à peu près sûr qu’il a juste pas entendu du tout. Cormag s’agenouille à son niveau. Il y a de la gouache jusqu’aux paumes de ses mains : il pense qu’il a dû essayer d’essuyer ses vêtements, sans succès. Hhhh, hhhh, hhhh, fait la respiration du garçon. Les autres, autour d’eux, commencent à quitter la pièce.
Cormag tente de le toucher. Une main sur l’épaule, pour rassurer, comme il le fait toujours avec ce p’tit bout de chou de Carwyn, quand il tombe et s’égratigne le genou. C’est souvent bien suffisant pour sécher les grosses, grosses larmes, comme celles de Simon maintenant ; les grosses larmes qui plissent tout le visage et le rende tout, tout rouge. Ça marche presque toujours avec Carwyn.
Ça marche pas du tout avec Simon. Simon devient tout raide, comme un bout de bois, et avant même qu’il ne puisse vraiment voir ce qu’il lui arrive, Cormag se fait poussé. Fort. C’est à son tour de tomber, cul par terre, sur le sol mouillé du vestiaire. Ça s’infiltre dans son pantalon, et il grimace.
Il ouvre la bouche pour protester, sourcils tout froncés de vexation. Mais il s’arrête tout net, parce que les mains de Simon sont revenues à ses oreilles, et qu’il continue à se balancer, et que cette fois, c’est sa tête qui se secoue. Droite, gauche, droite, gauche, droite gauche. Non. Le message est passé : pas toucher.
« Tu veux que j’aille chercher le prof ? » tente Cormag, toujours sans succès.
Droite, gauche, droite, gauche. Cormag n’est pas sûr que Simon l’ait entendu, mais il n’a pas envie de prendre le risque. Ça reste un non. Il y a toujours des rires, de la part des derniers garçons à quitter le vestiaire. Cormag les ignore, et, finalement, les voilà tout les deux seuls.
Il sera complètement en retard en cours de SVT. Mais c’est pas grave. Il n’aime même pas ça.
Et puis, il lui semble que Simon commence à se calmer. Maintenant que tout le monde est parti, que c’est silencieux, et que quelques-unes des lumières détectrices de mouvements se sont éteintes. Il se balance toujours, mais sa respiration est moins moche. Hhh, elle fait. Hhh. Hhh. Alors, Cormag reste.
Enfin, Simon se calme. Il ne pleure plus beaucoup, et il respire de nouveau comme il faut. Ses ongles arrêtent de griffer la peau, derrière les oreilles. Il se balance, avant, arrière, plus doucement, plus lentement.
Il ne regarde pas Cormag, et il ne dit rien du tout. Mais puisqu’il ne l’a pas poussé de nouveau, et qu’il n’a d’ailleurs rien fait pour lui faire signe de partir, Cormag reste.
« Ça va ? » demande-t-il, encore, toujours aussi bêtement.
Droite, gauche, mais juste une fois. Question bête, réponse simple. Simon évite son regard, et, de la main droite, essaye une nouvelle fois de chasser la peinture de sa chemise. C’est trop tard ; c’est imbibé, et ça a même commencer à sécher.
Il laisse échapper un drôle de bruit. Un gémissement, ou un couinement.
« Tu… » commence Cormag, avant de se taire, et de bien réfléchir. « Ça part à la machine, tu sais. »
Droite, gauche. Non. La main passe, et repasse. Elle tremble beaucoup, et elle est tâchée, elle aussi. Il faut que ça parte, et que ça parte maintenant.
« Je peux te prêter mes vêtements, » continue-t-il. « Je peux rester en jogging, et toi, tu en auras des propres. »
Simon hésite. Ses yeux sautent, de la chemise sale, à ses pieds, à ceux de Cormag qui reste assis devant lui. Il ne le regarde pas dans les yeux, mais Cormag a l’impression que c’est le contact visuel le plus direct que Simon puisse supporter, pour l’instant.
Haut, bas. Oui.
Cormag sourit, tout en dent et en fossette. Enfin, ils arrivent quelque part !
L’opération leur prend quelques temps, bien sûr. Parce que Simon ne veut pas, ou ne peut pas se lever, et qu’il ne veut pas ou ne peut pas être touché, et qu’il est trop crispé et fermé et complètement fatigué pour retirer ses vêtements tout seul. Mais ça finit par se faire. Cormag comprend, au fur et à mesure, que Simon, pour l’instant, ne peut pas parler. Il apprendra plus tard que c’est normal. Que ça arrive. Que parfois, les mots ne veulent plus venir, et qu’ils se perdent et s’oublient. Il comprend aussi que la texture même des vêtements de Cormag, le jean, en particulier, semble être d’un contact insupportable ; il apprendra plus tard que, paradoxalement, c’est dans ses costumes guindé que Simon se sent le plus à l’aise.
Les vêtements sont trop grands, pour Simon, qui a l’air de se noyer dedans. Mais quand, enfin, sa tête passe le trou du hoodie, l’air proprement épuisé comme s’il avait passé le mois à courir sans s’arrêter, le regard darde brièvement vers celui de Cormag. Bref contact visuel, et Cormag comprend que c’est beaucoup d’efforts fournis : ça lui arrache un nouveau sourire, très large.
Il a l’impression que Simon voudrait bien le lui rendre, mais qu’il ne peut pas. Pour l’instant, du moins.
Pour la première fois de sa vie, Cormag sèche les cours. Il reste avec Simon, toute la journée, caché dans les recoins les plus calmes du collège. Il porte le sac du garçon, et le laisse serrer très fort, dans ses bras, une espèce d’énorme peluche d’un des personnages de ce qu’il apprendra plus tard être sa série préférée. Il accompagne Simon, le soir, vers la voiture de son père, tout content de l’entendre articuler quelques monosyllabes, maintenant.
M. Saulter le salut, l’air singulièrement curieux, et Cormag le salut en retour, avec l’aisance des gens qui savent être sociables. Simon, dans la voiture, lève les yeux vers lui- et le voilà, le début de sourire qu’il n’avait pas pu esquisser, ce matin.
La voiture part. Cormag, guilleret, rentre chez lui. Le lendemain, Simon s’assoit à côté de lui en cours.
« Merci, » qu’il dit, très neutre et très solennel, comme un président devant l’Assemblée.
« De rien, » répond Cormag. « Tu captes quelque chose au cours, toi ? »
Alors, la vie reprend, comme auparavant. Cormag n’est plus tellement le Bon Ami de tout le monde ; Alexis, en particulier, ne daigne plus lui adresser un regard. Ce n’est pas grave, parce qu’il a quelque chose de bien mieux : il est le Meilleur Ami de Simon.
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Faut pas croire, mais y’a un code d’honneur chez les pranksters. Un genre de code des pirates, vous savez ; mais plus cool, parce qu’après tout, Paul est un prankster, et non un pirate. La clé, c’est que tout le monde peut être pranké, pas d’problème ; mais si tu teams avec un camarade de la noble maison de la Prank, tu peux pas lui coller un couteau dans le dos. Tu peux pas l’inclure dans la merde, alors qu’il a participé à la rendre bien puante. Ça se fait juste trop pas.
Paul, du haut de ses neuf ans, est excessivement attaché au Code D’Honneur des Pranksters, même s’il vient tout juste de décider qu’il existe. C’est qu’il a jamais subi de trahison, auparavant. Déjà, parce que c’est pas souvent qu’il accepte un complice, et deuxio, parce que quand il le fait, ses complices sont toujours géniaux.
D’abord, y’a Merwyn, son best bro parmis les best bros. Ils se connaissent depuis la couche culotte, pour s’être pouillé dans le bac à sable du parc public quand ils avaient deux ans- et puisque que le daron de Paul peut faire ami-ami avec n’importe quelle personne qui n’est pas Francis Leroy, et bah, ils ont basiquement grandi ensemble. Merwyn, c’est son Gars Sûr, c’est le sang, c’est la sauce, quoi. C’est Merwyn qui l’a accompagné dans son (humblement) hilarante idée d’arracher tout les C, L, et E des petites lettres qui affichent les noms des salles de C.L.A.S.S.E, parce que ça fait A.S.S, et que c’est trop poilant. Est-ce que Merwyn l’a trahi ? L’a dénoncé ? Lui a volé quelques petits C ? Trop pas. Merwyn est son Best Bro. Ils ont partagé le butin, et quand on les a interrogés, ils se sont serrés les coudes.
Ensuite, y’a Simon. Simon est moins un best bro que Merwyn, même s’il est son Vrai Bro, parce qu’il a pas officiellement prêté allégeance à la Grande Maison des Pranksters, et qu’il est donc juste un membre honoraire. Et puis, vu que Simon est le Grand Frère, il a parfois l’impression que ça veut dire qu’il doit être un Mini-Daron : ce qui veut dire qu’il peut contempler le pitch parfaitement hilarant d’une superbe prank de Paul et hausser le Sourcil Du Jugement. Mais c’est quand même Simon qui l’a aidé à poser toute une pièce montée, prévue pour le mariage de Papa et Maman, sur la porte de la salle de fête pile avant que Francis ne la franchisse. Est-ce que Simon l’a poussé dessous, dites ? Est-ce qu’il l’a dénoncé ? Bien sûr que non. Simon l’a entraîné loin, très loin, là où la crème les tâcherait pas, et là où ils verraient quand même la scène. Simon avait assuré à une nuée de gens en costard que c’était complètement un mystère pour lui, cette histoire de pièce montée sur la tête de Francis. Simon est un Vrai Bro.
Après, y’a Papa. C’est un membre convaincu de la Maison des Pranksters, Papa, mais c’est un membre délicat, parce qu’il est supposé Montrer Le Bon Exemple. Ca veut dire qu’il doit faire sembler de froncer très fort les sourcils quand Paul remplace le sucre par le sel et les chocapics par les crottes du lapin de la voisine, et qu’il doit se mordre les lèvres pour ne pas rire. Ca veut aussi dire que Papa est un membre Vraiment Très Expérimenté, et qu’on a tout intérêt à l’avoir en Camarade de Prank, si on veut que ça marche. C’est un peu le mentor de Paul en matière de Gaudriole, même si, apparemment, Paul est vachement plus impliqué que son daron. Du coup, lorsque Paul avait remplacé le mot de la maîtresse, dans son cahier, par une copie très bien calligraphié du poème Con Large Comme un Estuaire, et que la maîtresse, l’ayant vu, s’était offusquée, c’était Papa qui avait assuré, avec un très large sourire, que Oui, Madame, c’est moi qui est écrit ceci, et que Non, Madame, ce n’est pas vulgaire, c’est de la poésie, ou même, encore, Bien sûr que je fais lire cela à mon fils, c’est de l’Apollinaire, quel grand poète, n’est-ce pas ? Papa ne l’avait pas balancé. Papa, lorsqu’ils étaient rentrés, avait lu le poème pour la première fois, parce qu’il ne le connaissait pas, et en avait pleuré de rire derrière le volant de la voiture. Tant que les pranks de Paul font de mal à personne, Papa est complètement on board.
Enfin, y’a Stefan. Ça compte pas de fou non plus, parce que Stefan, son bébé frère, il a deux ans, bavouille plus qu’il ne parle, et participe rarement plus à une conversation qu’en babillant un « kouillon ! » que Paul est très fier de lui avoir appris. Stefan est un Apprenti Prankster, et Paul a bon espoir de lui montrer Le Droit Chemin. Et il apprend vite, le môme. La preuve : quand Paul avait pété la fenêtre du deuxième étage de chez l’Oncle Edward avec un caillou (c’était trop pas de sa faute, il avait vu ça dans un film, et apparemment c’était grave romantique, donc il voulait voir si ça éblouirait Alphonse), c’était Stefan, qui jouait avec le résident de la chambre visée, qui avait planqué les preuves en tentant de bouffer le caillou. Est-ce qu’il l’avait craché ? Oui, mais sans faire exprès, et c’est l’intention qui compte. Stefan, Paul le sait, ne trahira jamais le Code Des Pranksters.
Paul n’a jamais été trahi par l’un de ses camarades de blagues. Alors, il accordait une confiance aveugle à toute personne qui lui donnait le feu vert pour être, globalement, un p’tit merdeux.
Et puis, vient Merryn. Là-dessus, Paul s’est comporté comme un bleu : mais quand même, ça se fait trop pas.
Déjà, il s’était fait avoir, parce que Merryn ça ressemble à Merwyn, et que, du coup, Merryn pouvait qu’être un type vachement bien, puisqu’il était à une lettre du best bro de la life, pas vrai ? En plus, Merwyn a sept ans. C’est deux de moins que Paul. Paul est donc le Grand, le Mentor, et c’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces ! Sans compter que le grand frère de Merryn, c’est Cormag, et que Cormag est le best bro de Simon, et que donc, logiquement, c’est un peu comme si Paul est destiné à être le bon bro de Merryn. Et puis, Merryn a v’la les bonnes idées poilantes, contrairement à son jumeau Carwyn, qui, lui, est juste chiant de gentillesse. Merryn est un parfait Membre de La Confrérie des Pranksters, et Paul, naïvement, a cru qu’il respecterait le Code implicite.
Du coup, logique ! Lorsque Merryn, invité pour la première fois à la maison avec son jumeau tout chiant et son grand frère trop cool, lui propose de monter un Prank, Paul est grave hypé. Ils avaient déjà comparé leurs exploits prankesques lorsque Simon l’avait emmené avec lui chez les Gibson, parce que Papa et Maman étaient chez le médecin des bébés avec Stefan, et qu’aucune babysitter voulait jamais gérer Paul. Paul, à ce stade, a déjà décidé que Merryn est Hyper Cool. Paul, donc, a suivi son Nouveau Bro comme un chiot content, et est allé avec lui gonfler toutes les bombes à eau possible.
Le but, c’est ensuite de se percher en haut des escaliers, de là où on surplombe un peu les adultes qui papotent en prenant le thé, et de bombarder, comme les allemands en l’an 40, qu’il dit, Merryn, même si Paul sait pas trop à quoi il fait référence. C’est un super bon plan, parce que Papa est suffisamment loin pour ne pas être touché (Code d’Honneur, Toujours : pas de Pranks envers le Grand Prankster Expérimenté), et que le Papa Gibson est pile à portée de bombe.
C’est un super bon plan. Et ça marche très bien, au début. Le Papa Gibson pousse un piaillement de fillette quand l’eau lui éclate sur le eau du crâne, et la théière se renverse sous la deuxième bombe. Le thé éclabousse la maman de Paul, muette autant par nature que par stupéfaction, et la Maman Gibson, en plein sur sa belle chemise à fleur. Son daron, bien sûr, Membre Expérimenté autant que Vétéran Des Blagues Paulesques, s’est levé dès le premier bombardement, et contemple le carnage d’une œillade qui s’efforce de ne pas être trop amusé. En tout, c’est dix bombes à eau qui sont lâchées, partout sur le tapis et la petite table du goûter : c’est le temps qu’il faut pour que les adultes repèrent les deux criminels, et ne commencent à préparer quelques Sermons Courroucés.
Normalement, là, c’est la parti du plan où on se barre en courant et en gloussant, avec son Camarade, et qu’on se planque jusqu’à ce que les adultes soient calmés. C’est limpide.
Sauf que Merryn est un absolu petit bâtard. Pour la première fois de sa life, Paul se fait honteusement trahir par son Camarade : parce que, quand Papa Gibson gronde « Vous deux ! », Merryn se contente pas de tourner les talons, et de détaler. Non, non. Paul se retourne vers lui, tout prêt à monter les escaliers à sa suite : mais au lieu de voir le dos de son comparse fuyant, il ne voit que le latex bleu du ballon qui se précipite vers sa propre tronche. Et qui s’y éclate, PAF, une explosion d’eau pile dans les yeux, le nez, et la bouche, et qui le détrempe aussi sec. Sous le choc incommensurable, Paul vacille, ébahi, incapable de comprendre cette terrible trahison ; et, à sa grande horreur, se sent tomber en arrière.
Dégringoler les escaliers n’est clairement pas l’expérience la plus sympa de sa vie, clairement. C’est pas la première fois qu’il les dévale, d’ailleurs, et c’est bien pour ça qu’il ne se pète rien en y tombant dos et tête la première : les bords des marches sont tout couvert d’une épaisse moquette, et les coins sont soigneusement rembourrés, parce que Papa et Maman ont eu bien assez d’une crise cardiaque en contemplant Paul, cinq ans, se prendre les pieds dans son jouet camion en essayant de fuir la salle de bain, se bouffer les marches de l’escalier. C’est pas la première fois qu’il les dévale, donc, et ça fait même pas tant mal que ça avec l’énorme moquette, mais c’est la première fois qu’il les dévale mouillé par le fruit de la trahison, et sous le rire d’un Camarade Prankster qu’il aurait dû pouvoir partager. Et c’est pas un truc qui devait arriver. Pas à lui ! Pas à un pro, comme lui ! Ça se faisait trop pas.
Il se retrouve bien vite le cul par terre, tout endolori, pendant qu’en haut résonne les pas fuyant de Merryn. Qui va se planquer, tout seul. Et Paul est un Grand Garçon : il a honte d’avouer que là, en bas des escaliers, mouillé, misérable, et l’épaule en feu pour être mal tombé dessus, il est à deux doigts de chialer comme il a jamais chialé. Jusqu’à sa mort, il niera d’ailleurs l’avoir fait. Aussi bien qu’il niera avoir braillé dans les bras d’un Papa et d’une Maman affolés, sanglotant comme un nourrisson. Il a une dignité, après tout.
Plus de peur que de mal, pour être v’la honnête. Même : la chute spectaculaire a le mérite de distraire très vite les adultes de la blague précédente, et il se fait même pas engueulé pour les bombes à eau. Il passe l’après-midi devant la télé, bien installé sur le canapé, entouré des coussins les plus douillets qui soit, avec un bol de crème glacé dans les paluches. Y’a que Merryn qui se fait engueuler, et c’est pour avoir causé sa chute ; en soit, c’est un moyen efficace pour échapper aux conséquences d’une prank.
Mais Paul est Très En Colère. Il est Furibond. Parce que Merryn, ce p’tit bâtard, a brisé le Code : et Paul est d’une nature très rancunière.
Merryn ne sera pas du tout son Bon Bro. Au contraire. Désormais, il considérera Merryn comme son Pire Ennemi.
A SUIVRE....
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dailyrugbytoday · 1 year ago
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Scarlets face to against Leinster in Dublin | 2023 Nov 18th
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The Daily Rugby
https://thedailyrugby.com/watch-scarlets-vs-leinster-rugby-online/
Scarlets face to against Leinster in Dublin | 2023 Nov 18th
In the UK and Ireland, the only location to watch every Scarlets vs Leinster rugby match live is on Viaplay Sports, formerly known as Premier Sports. Head coach Leo Cullen has chosen the Leinster Rugby side that will play Scarlets in Round 5 of the BKT United Rugby Championship tomorrow evening at the RDS Arena (KO: 7:35pm, live on TG4 and Premier Sports 1). The team is proudly supported by Bank of Ireland.
Garry Ringrose and James Ryan make their first Leinster debuts of the season after returning from international action to be selected Co-Captains for the 2023–24 campaign last week.
Hugo Keenan, who impressed at the Rugby World Cup, starts at full-back for the first time this season. Ringrose and Jamie Osborne are in the middle, with Jordan Larmour and Jimmy O’Brien on the wings.
Super Rugby Pacific 2024 for Free (Fixtures, where to watch)
For his first Leinster game at the RDS, Sam Prendergast is accompanied in the half-backs by Jamison Gibson-Park.
Thomas Clarkson joins Andrew Porter, Rónan Kelleher, and themselves on the front row.
Ryan stifles Joe McCarthy in the second row, who is fresh off winning Player of the Match in the Dragons’ away victory the previous Saturday. Leinster vs Scarlets 18 Nov, 2023 18:35 Bets
How to Stream Scarlets vs Leinster Rugby
In the UK and Ireland, the only location to watch every Scarlets vs Leinster rugby match live is on Viaplay Sports, formerly known as Premier Sports. Viaplay Sports will broadcast the Leinster vs Scarlets game live, commencing at 4 p.m.
If you have a contract with Sky Sports, you can add Viaplay Sports for £14.99 a month, which is also the same price with Virgin Media. If you sign up once a year, you can save £3. Alternatively, for £11.99 a month, you can directly subscribe to Viaplay Sports and watch Scarlets vs Leinster rugby matches online.
Scarlets, happy to return Johnny Williams traveling to Dublin
Johnny Williams a Wales international is back in the Scarlets lineup for this Saturday’s BKT United Rugby Championship round five encounter in Dublin against Leinster (19:35; S4C).
After overcoming a hamstring problem Williams is starting at inside center in a lineup that has ten different players from the squad that played the Emirates Lions in Llanelli last weekend.
In the back three, Ryan Conbeer replaces Johnny McNicholl at full-back Tomi Lewis makes his URC debut at right wing, and Tom Rogers moves to full-back.
Williams teams up with British & Irish Lion Jonathan Davies in midfield and Davies assumes the captain’s armband.
Scarlets vs Leinster Squad
Leinster: Hugo Keenan; Jordan Larmour, Garry Ringrose (co-capt), Jamie Osborne, Jimmy O’Brien; Sam Prendergast, Jamison Gibson-Park; Andrew Porter, Rónan Kelleher, Thomas Clarkson, Joe McCarthy, James Ryan (co-capt), Max Deegan, Josh van der Flier, Caelan Doris.
Replacements: Dan Sheehan, Jack Boyle, Tadhg Furlong, Ross Molony, Scott Penny, Fintan Gunne, Ross Byrne, Ciarán Frawley.
Scarlets: Tom Rogers; Tomi Lewis, Jonathan Davies (capt), Johnny Williams, Ryan Conbeer; Charlie Titcombe, Kieran Hardy; Wyn Jones, Shaun Evans, Harri O’Connor, Alex Craig, Jac Price, Ben Williams, Teddy Leatherbarrow, Carwyn Tuipulotu.
Replacements: Ryan Elias, Steff Thomas, Sam Wainwright, Morgan Jones, Iwan Shenton, Archie Hughes, Ioan Nicholas, Scott Williams.
0 notes
mimmixe-lo-lecteurix · 2 years ago
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Mozart l'Opéra Rock!AU — Carwyn Gibson as Mozart
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>> À noter toutefois que, dans l'idée que je me fais de l'AU, les noms des personnages à l'origine historique (donc Mozart, Salieri, Constance, Nannerl etc) sont remplacés par ceux du livre. En bref, on se rapproche plus de TdB que de MOR - on en garde principalement le concept (la place qu'occupe les individus par rapport aux uns et aux autres ainsi qu'à la société) et le style (que j'aime très très fort). Du reste, on essaie de faire matcher au mieux les caractères MOR/TdB, mais il faut se dire que, crossover faisant, le "Mozart" de Carwyn ne sera pas le Mozart de MOR, vu qu'il sera surtout lui-même (Carwyn sera Carwyn, mais dans le cadre de Mozart...)— enfin ! Je me comprends ;)
+ BONUS - la petite BD de la rencontre Salieri/Mozart (après Le Bien qui fait Mal) adaptée pour l'AU
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carwyn-gibson · 3 years ago
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Oh la la, je suis tellement excité ! C’est la première fois que je tente quelque chose comme ça *^* C’est une idée de Paul, et je la trouve excellente.
Ce blog n’a pas de but bien précis. J’ai cru voir que Stefan en avait fait un ask-blog, mais je ne vois pas vraiment qui pourrait avoir envie de me demander quoi que ce soit. Ce n’est pas grave ! Je suis quand même vraiment content d’être là ! Je pense que je vais surtout passer mon temps à rebloguer quelques petites choses. Si quelqu’un a envie de parler, je serais ravi de le faire, je n’attend que ça ! :D Et puis, bien sûr, si vous avez des questions, se serait vraiment, vraiment bien.
Pour la petite présentation, je m’appelle Carwyn, et je suis Gallois. D’origine, je veux dire, ahah, je ne vois pas comment je pourrais être Gallois, comme, Gallois la langue, ahah, ce serait vraiment ridicule n’est-ce pas- ehm. Je parlais français, ici, parce que ma langue n’est pas si répandue que cela, et je refuse de parler anglais.
J’ai pas mal de travail à côté de ce petit blog, en plus d’une association dont je suis membre, mais ça ne devrait pas poser problème- ce n’est pas non plus comme si j’avais beaucoup de personnes pour passer du temps avec moi en dehors de ça, ahah. Vous êtes donc libre de faire ce que vous voulez, par ici, tant que vous ne vous montrez pas irrespectueux et cruels avec ceux qui vous entourent :3
Oh et puis pas de NSFW s’il vous plaît- 
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Je vous laisse sur ce magnifique dessin de @mimmixerenard​ ; il s’agit d’Heinrich et moi. Heinrich, c’est une personne formidable. J’espère que vous aurez l’occasion de le rencontrer, un jour. Je me demande bien pourquoi l’artiste nous a pris pour modèle, cependant ! Je ne crois pas que nous nous soyons déjà rencontrés...
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claudia-gimenez · 3 years ago
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:O
Helo Claudia! Doeddwn i ddim yn disgwyl eich gweld chi yma!
- @carwyn-gibson
Hola, Carwyn! :D
Entenc la teva sorpresa... però hauria estat estúpid de mi part no aprofitar aquesta oportunitat per desenvolupar el meu missatge. I aleshores, sempre és més efectiu que les miríades de fulletons!
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heinrich-attinger · 3 years ago
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Qu'est-ce qui court et qui se jette ? :D
- @carwyn-gibson
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not-gomez-addams · 3 years ago
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Bonsoir, ou bonjour, Monsieur Saulter !
Je sais que vous êtes très attaché à l'esthétique des années 1920... du coup, je voulais savoir s'il y avait des films de cette période que vous avez vu, et que vous appréciez particulièrement ! :D Je pensais moi-même m'y pencher...
@carwyn-gibson
Bonsoir, Carwyn !
Je suis navré du temps qu'il m'a fallu pour répondre à cette question, ma foi tout à fait passionnante. Vois-tu, je me suis peut-être laissé emporté... ! Le début du vingtième siècle est très riche en cinéma, comme tu peux t'en douter. En effet, j'ai eu l'occasion de regarder beaucoup de films de cette époque, principalement entre 1910 et 1920. Le Cinéma, à cette époque, est une discipline encore naissante, mais qui recèle déjà de cette qualité artistique que nous lui connaissons. Je pourrais vous parler de Georges Méliès, bien sûr, et l'exemple surprenant de son Cendrillon de 1899, bien moins connu que son Voyage sur la Lune, mais parfaitement remarquable malgré tout. Je pourrais vous parler d'Alice Guy, la toute première réalisatrice de l'histoire du cinéma, qui, par ses reconstitutions de célèbres tableaux, pourrait être tracée comme inauguratrice du genre des péplums. Je pourrais vous parler de Victorin Jasset, Louis Gasnier, Louis Delluc... de beaucoup de personnes, sommes toutes, et peut-être que cela sera le sujet d'un autre poste. Aujourd'hui, pourtant, j'aimerai vous parler d'un réalisateur, et, plus particulièrement, de l'une de ses œuvres.
Laissez moi vous présenter J. Searle Dawley.
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Mr. Dawley était un réalisateur et scénariste américain, qui me semble relativement méconnu. Et l'oeuvre en question, Carwyn, devrait vous être familière, puisque j'ai pu constaté que vous aviez récemment lu le roman duquel elle est adapté : il s'agit de son Frankenstein de 1910. Et vous avez beaucoup de chance : le film, d'une durée de treize minutes environ, se trouve sur YouTube ; je vous en fourni le lien.
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C'est une œuvre que j'affectionne particulièrement, et, si vous m'en permettez l'indulgence, j'aimerai vous faire un petit commentaire dessus ; il n'y a pas que le cinéma moderne qui mérite d'être décortiqué. Il s'agit, en effet, de la toute première adaptation du roman de Mary Shelley, et, s'il diffère à bien des égards du roman, il en retient certains des thèmes les plus passionnants.
L'ubris de Victor Frankenstein.
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Bien sûr, vous n'êtes pas sans savoir que l'un des nœuds principaux du roman réside dans la folie créatrice de son héros, le Docteur Victor Frankenstein ; et par là-même, son ubris, sa volonté à défier les lois naturelles, défier l'ordre des choses, défier Dieu lui-même en se prétendant Le remplacer. C'est un élément que nous retrouvons, par ailleurs, dans toutes les adaptions- l'acte sacrilège de vouloir dépasser la loi des choses, de remplacer la mort par une vie éternelle, voir pire : de créer soit même la vie.
Voyez donc la première apparition de Frankenstein, sur l'image que je vous offre. Vous pouvez remarquer, bien sûr, que la mise en scène est particulièrement parlante dans ce genre d'œuvre ; chaque détail y est millimétré. Le voici présenté sur un trône, entouré de squelettes, jouant avec des crânes : une représentation très baroque, très excessive, et très shakespearienne- la référence à Hamlet ne vous aura certainement pas échappée. Le positionnement du personnage est parlant, également. Sur la gauche de l'image se trouve le squelette, sur la droite, le vivant : l'ordre des choses est bouleversée, la mort se présente avant la vie, ou la vie se propose comme une continuation de la mort. L'atelier du Docteur a tout de celui d'un apprenti sorcier. Le voilà bien jouasse, sur son trône, l'établi couvert de morceau humain, d'une tête grotesque. Voilà donc, bien sûr, le tableau d'un savant fou- et vous remarquerez que le terme "tableau" est toujours particulièrement parlant, à cette époque. J'y reviendrais.
"The most perfect human being that the world as yet to known", déclare le Docteur. Le voici, l'ubris, l'égo créateur : la folle volonté de vouloir dépasser le travail de Dieu. Vous vous doutez bien qu'à l'époque, et plus encore à celle de Mary Shelley, c'était là un bien grave blasphème à avancer. Frankenstein, le Prométhée Moderne, qui joue a créé l'homme de sa propre glaise, est ici parfaitement représenté, selon moi- du moins, dans la première partie de ce film : son rôle créateur, en effet, se construit comme une parodie de celui de Dieu.
Prenez l'exemple du processus de création de la créature, à partir de 2m11. "I shall create into life", nous annonce le panneau. Le terme "into" est particulièrement parlant : il s'agit de faire surgir la vie depuis le néant, une image de la création ex-nihilo observée dans la génèse, et qu'on retrouve, seulement dans cette adaptation, dans la fabrication de la créature. Voyez comme elle se forme, petit à petit, morceau par morceau, sans intervention extérieure, comme sous l'influence d'une forme de magie dénaturée ! Vous pouvez également noté l'omniprésence du rouge, qui n'est que très rarement une couleur positive, et des flammes qui l'entourent (le feu étant évidemment un motif récurrent dans le mythe de Frankenstein : à l'image de Prométhée, c'est celui qui donne la vie, tout en restant destructeur, dangereux, à craindre- le feu étant lui-même craint par la créature, notamment dans l'adaptation de 1931 par James Whales).
Bien sûr, une fois la créature formée, le docteur fuit devant son œuvre macabre, cette parodie de vie ; et, détail intéressant, pour revenir sur cette idée de tableau- voyez comme la mise en scène est, une fois de plus, extrêmement parlante.
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A votre gauche, l'extrait du film, baigné dans sa couleur écarlate ; de l'autre, Le Cauchemar de Füssli, peint au XVIIIème siècle. Nul besoin de longue déclaration pour que la créature apparaisse comme ce qu'elle est : un cauchemar d'un autre monde.
La deuxième partie du film, dès lors, dévie grandement du roman ; mais elle conserve un élément particulièrement important, particulièrement central : le dédoublement du monstre, le renversement entre créateur et créature.
Ambiguïté du monstre : le créateur qui se perd dans sa création.
"Il n'y a pas qu'un seul monstre, dans mon récit, mais deux", écrit Mary Shelley. Je vais m'octroyer une brève, très brève, et très superficielle analyse de ce point précis dans le roman. La construction des rôles de Frankenstein et de sa créature sont similaires, et peut-être l'avez vous remarqué. Leur première apparition, dans le journal de bord du capitaine, est identique : tout deux apparaissent sur leurs traîneaux, apparitions surprenantes et mystérieuses. Nous pouvons également souligner l'aspect même du Docteur, sa dégradation physique qui accompagne la folie de sa fièvre créatrice ; au fur et à mesure que le corps de la créature se forme, le sien se dégrade. Tout deux, également, sont plongés dans la folie, la solitude. Finalement, le créateur se trouve dépassé par sa création. "Vous êtes mon créateur," dira d'ailleurs la créature, "mais je suis votre maître." Une construction en miroir, donc. Et savez vous où nous retrouvons, assez littéralement, un miroir ? :D
Et oui ! Dans l'adaptation de Mr. Dawley !
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Voyez la scène qui commence à 7 minutes 45. Voyez comment s'opère le jeu du miroir. Le monstre, dans un premier temps, est dans la pièce, Frankenstein apparaît dans le miroir ; et puis, inversement ! Le monstre se retrouve dans le miroir, Frankenstein, dans la pièce. La frontière est toujours présente, mais bien mince, puisque les rôles sont interchangeables, tant et si bien que le monstre finit par être, littéralement, le reflet de Frankenstein. Tout le cœur et la morale de ce film réside dans cette ambiguïté là : dans la relation entre l'humain et son double "monstrueux". Ici, la créature n'est plus seulement une création blasphématique et monstrueuse. Elle est la représentation du "mal" caché en l'homme, de son inconscient, de sa difformité. En cela, bien sûr, la fin dévie du roman d'origine.
"The monster is overcomed by love and disappears." La fin, peut-être, peut sembler décevante, en ce qu'elle est bien plus optimiste que celle de Mary Shelley : c'est que le message de l'oeuvre est différent. Ici, l'homme surpasse ses démons, par le biais de valeurs (très chrétiennes, par ailleurs, mais je ne compte pas me lancer plus en avant dans un débat sur le lien qu'entretient le mythe de Frankenstein avec la religion) positives. En treize minutes seulement, donc, ce film de 1910 parvient à raconter une histoire tout à fait passionnante, et sans conteste riche ; pas seulement au travers de ses dialogues -inexistants, sans les panneaux- mais également, et surtout, par le soin apporté à sa mise en scène.
Et... Comme je vous l'avais dit, je me suis laissé emporté ! Il faut dire que le sujet est passionnant, et j'aurais encore beaucoup à dire. J'espère vous avoir fait découvrir quelque chose d'intéressant. N'hésitez pas à me dire si ce genre de post vous intéresse - vous, Carwyn, ou peut-être d'autres personnes. Je vous souhaite en tout cas une excellente soirée ;)
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kouillon-en-chef · 3 years ago
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@heinrich-attinger and @carwyn-gibson lmao xD
sunshiney characters who adore the mean grumpy character, platonically or romantically, but not DESPITE them being mean as if that isn’t who the other “really” is deep down. they love it. they think the other is the funniest cleverest most delightful person alive
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timezfusa · 3 years ago
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When the Lions toppled the All Blacks - 50 years on
When the Lions toppled the All Blacks – 50 years on
A lot is remembered about the historic 1971 British and Irish Lions tour of New Zealand. There is the iconic coach, Carwyn James, John Dawes’ calm captaincy and the on-field brilliance of Barry John, who became known affectionately as ‘the King’. Then there are Lions legends such as Sir Gareth Edwards, Gerald Davies, Willie John McBride, Mervyn Davies and Mike Gibson who lit up the series…
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la-tour-de-babel · 2 years ago
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Incorrect Quotes #11
Gallois : Que faites vous ? Allemand : Haut-Alémanique est en train de piquer une crise. Il refuse d'ouvrir la porte. Gallois : Laissez moi faire. Alsacien : Pas la peine de perdre ton temps. On est là depuis une heure et ce sale con prend même pas la peine de répondre. Gallois, sans même frapper à la porte : Haut-Alémanique ? Haut-Alémanique, ouvrant la porte : Oui ?
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mimmixe-lo-lecteurix · 3 years ago
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Avis à toustes,
Selon vous, qui serait le plus designé pour tenir le rôle de tête d'affiche ? Je ne parle pas uniquement du charisme (sinon je me doute déjà de la réponse), mais bien d'un ensemble — pour être un ... acteur de publicité, en quelque sorte ;)
Voilà, je demande ça pour un ... petit projet que j'ai décidé de débuter aujourd'hui :D
@paul-saulter @stefan-maximilian-saulter @maxime-maelic-schreider @carwyn-gibson @sylvain-saulter @celestin-melies @thanasis-aiskhulos @heinrich-attinger @francis-leroy @edward-short @grand-mere-feuillage @le-mouron-rouge @simon-saulter @claudia-gimenez @sam-yelima
Et bien sûr @la-tour-de-babel , et pourquoi pas @tchatso (puisque tu connais un peu les gens du dessus ;) )
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allsportsdeal-blog · 8 years ago
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Ten Best rugby team ever / All time best rugby teams ever
Considering the performance in rugby and their popularity we have select ten best teams in rugby history.
(1) The  British Lions 1974
The ownership of the book lately revealed on 1974, Lions says it all: “Undefeated”.It was a travel of South Africa that started against Western Transvaal on May 15 in Potchefstroom and finished more than two months and 22  rugby games later on July 27 with the ultimate Test against the Springboks in Johannesburg.Along the way, no-one but no-one was able to get the better of Willie John McBride’s men. Led by previous Ireland prop Syd Millar, they were a rugby team that had the lot – a powerful set-piece, progressive breakaway forward dignified half-backs and a large try-scoring blackmail backward.They were also as hard as nails, men who rejected to take a backward step in the face of any threat as they accepted a one-for-all, all-for-one accession compiled by the eminent “99” call. An at-times cruel test series fetched triumph in Cape Town, Pretoria and Port Elizabeth, with JJ Williams scoring four tries and Phil Bennett glittering at outside-half. They have rejected a whitewash by some questionable refereeing in the final Test but they were not to be rammed, with the Ellis Park meeting finishing in a 14-14 trace.It was fulfilled with a squad  Lions legends -Ian McGeechan, JPR, Mike Gibson, Gareth Edwards, Andy Irvine, Bobby Windsor, Ian McLauchlan, Gordon Brown, Sandy Carmichael, Fran Cotton, Roger Uttley, Mervyn Davies and Fergus Slattery. But more than another rugby team it was a real team, a combined force who were created to give their all for each other and the cause.Forty years on, the acquisition of the Class of ‘74 more than remain the test of time and acquired them top spot in the list of the best international rugby teams the game of rugby has seen.
(2) The New Zealand 1987-1990
A  rugby team advanced of its time, the game was still dabster, but these All Blacks were occupational in all but name in terms of their suitability levels, formulation and physicality.They still hold the record for the longest undefeated streak in international rugby a 23 Test run from 1987 to 1990, when they won 22 matches with one game being drawn.That took in their victory at the opening World Cup on home soil in 1987, when they earned an extraordinary 298 points, including 43 tries in their six tournament matches. Led by scrum-half David Kirk and after the World Cup, by Wayne “Buck” Shelford, they showed off large blackmail right across the park. Up front there were the likes of Whetton brothers, Michael Jones, Steve McDowell, Richard Loe, Mike Brewer and the Sean Fitzpatrick, while there were the strike runners behind in John Gallagher, John Kirwan, Terry Wright, Joe Stanley and Warwick Taylor, with offering Fox on hand to pull the kick and strings the goals.
(3) The 1973 Barbarians against the All Blacks
They played only one game together, but what a performance and what a game. Billed as a rematch of the part who competed the 1971 Lions Test series, the Barbarians had the core of the rugby team that triumphed in New Zealand on responsibility with John Dawes again leading the likes of David Duckham, JPR Williams, Gareth Edwards, Mike Gibson, Derek Quinnell, John Pullin Fergus Slattery and Willie John McBride Derek Quinnell. But there were also uncapped in late call-up Tom David, Phil Bennett and the traditional new faces player, English lock Bob Wilkinson. Becoming together under the leading of Carwyn James, they created a performance that has gone down in rugby legend, with scrum-half Edwards, flanker Slattery, wing John Bevan and JPR scoring tries in a never-to-be-forgotten 23-11 conquest at Cardiff Arms Park.
Conclusion
There are many rugby teams in the western world but, it is difficult to tell which team is the best ever, as far as we tried to make a list top 10 best in the world.
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heinrich-attinger · 3 years ago
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❤❤❤
- @carwyn-gibson
<3
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serpillere-humaine · 3 years ago
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Oh, ça, ça fait mal au cœur... Je suis sûr que tes livres sont dans un monde meilleur, @carwyn-gibson .
Quant à moi... J'ai voulu remplir mes rapports, ce midi, en vue de préparer la réunion de mardi prochain. J'ai laissé ma bouteille d'eau à côté. Je n'ai pas bien refermé le bouchon. La suite, vous la devinez...
Sondage !
Quel est votre plus récent regret ? :D
Perso, c'est d'avoir décidé de mettre du jus de pamplemousse dans mes Miels Pops.
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la-tour-de-babel · 3 years ago
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Lieber Hochalemannisch [Fiction - Canon]
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Disclaimer : Il s’agit d’un texte qui, contrairement à la plupart de ce qui est posté par ici, est complètement canon- et ce, sans qu’il ne soit nécessaire d’avoir lu le livre avant. On quitte les personnages principaux du roman, et on s’attache un peu aux personnages principaux de l’univers étendu : nos dialectes révolutionnaires. Et ce cher Haut-Alémanique, qui est  p a r t o u t. Le texte commence à être un peu vieux, puisqu’il a presque deux ans, maintenant, et si mon style d’écriture a probablement évolué depuis, j’espère qu’il vous plaira tout de même. De même, le dessin est fait par @mimmixerenard​ (on ne change pas une équipe qui gagne !) et s’il y a un nombre phénoménal d’incroyables fanarts qu’iel a fait autour de ces deux personnages, j’ai dû me restreindre à un seul- et j’ai choisi l’un de mes favoris. Enjoie !
Pairings : Heinrich Attinger / Haut-Alémanique x Carwyn Gibson / Gallois (Dumbasses Boyfriends)
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C’est un gamin. Il a l’air de l’être. Son visage ne s’est pas encore débarrassé de la rondeur enfantine qu’on voit chez les tout jeunes adultes. Sa peau est lisse, est tout juste rosée. Son sourire est large, est plein de petites dents bien blanches. Il creuse une fossette dans sa joue droite. Son regard est sombre. Il semble être noir. Il est plissé par des petites rides d’amusement, de celle qu’on voit souvent ourler les yeux des gens qui ont coutumes de beaucoup sourire. Il est empli de petites bulles de lumière. Il est noir, mais ce n’est pas un noir qui semble agressif, ni même tranchant. C’est un noir mélancolique et doux, comme une encre qui se déverse sur une feuille blanche. Il a l’air innocent. Son visage d’enfant est couronné de boucles blondes, tout à fait dorées, sous la lumière ocre du repère de Catalan. Il a un air d’innocence frappant. L’un de ces airs qu’on trouve chez ces vieux poètes romantiques allemands. Qui se promènent dans les bois, foulard autour du cou, et qui contemplent les feuilles qui tombent avec la morgue nostalgie mélancolique d’un homme qui pense à la mort. Il n’a pas de foulard autour du cou, lui. Mais son pull est bien trop grand pour lui. Les mailles, mal tricotés, lui avalent les mains, englobent sa silhouette. Il a l’air jeune, il a l’air innocent. Pourtant, Haut-Alémanique sait qu’il est plus âgé que lui. Qu’il est plus important que lui. Mais il l’a, cet air-là. Cet air angélique.
Cet air d’abruti profond.
Et c’est à lui qu’il sourit, l’abruti profond. Il a, autour de lui, pléthore d’autres dialectes qu’il aurait tout aussi bien pu aller déranger. Il aurait pu décocher son sourire d’angelot ignare à Catalan, qui, visiblement, est ravie de voir cette nouvelle recrue parmi eux. Il aurait pu aller tendre sa main toute lisse, toute fragile, toute délicate, à Sicilien, qui se serait fait un plaisir de la broyer sous sa poigne. Il aurait même pu, vraiment, aller se taper la discute avec sa geignarde de sœur, pour ce qui lui en coûtait.
Mais non. C’est lui qu’il est venu voir. Avec son sourire de con et sa main de fillette. C’est lui qu’il était venu déranger, alors qu’il lisait sur sa caisse, dans son coin, sans rien demander à personne. C’est à lui qu’il avait eu la brillante idée de venir baragouiner ses mots dans sa langue, à lui tout seul, gamin à la tronche d’ange qu’il était. Dans sa langue à lui, oui. Parce que lui était une langue. Haut-Alémanique, non.
« Helo, dwi’n Cymraeg ! Braf cwrdd â chi ! »
Un baragouinage, vraiment. Une suite de syllabe qui ne veut strictement rien dire. Haut-Alémanique prend quelques secondes pour le toiser, tout simplement, du regard. Observant, tour à tour, la main tendue, le sourire, le regard doux sous les boucles blondes. Puis, lentement, prenant grand soin de conserver un regard aussi méprisant qu’impassible, il tourne la tête. Comme prévu, Traducteur Automatique s’est matérialisé, à l’instant même où l’autre abruti avait décidé de lui vomir ses consonnes au visage. Et il a l’immense amabilité de lui brandir, juste sous le nez, un panneau comportant la traduction- à savoir : « Bonjour, je suis Gallois ! Ravi de faire ta connaissance ! »
Mais quel con.
Lorsqu’il reporte, de nouveau, son attention sur le dénommé Gallois, il s’est déjà écoulé plusieurs secondes. Plusieurs secondes de silence complet, pendant lesquelles il sent très bien les regards de tout ces pseudo-révolutionnaires qui se pensent tous malheureux et misérables, alors qu’ils ont, à eux seuls, bien plus de reconnaissance qu’Haut-Alémanique n’en aurait jamais.
Il admet qu’il veut bien reconnaître à la langue intrusive une certaine forme d’abnégation. La main tendue ne vacille même pas ; et son sourire reste vaillant, malgré la tornade qui s’annonce chaque seconde plus violente.
Il voit, du coin de l’œil, Catalan qui a l’air de le supplier du regard. Sois gentil, lui hurle-t-elle mentalement. C’est notre nouvelle recrue. C’est un soutien précieux.
Sa mâchoire se crispe. Le regard de Gallois ne le quitte pas une seconde. Il devine qu’il doit commencer à avoir des crampes. Alors, il prend le temps de se relever. De déposer le livre qu’il lisait sur le bois de cette caisse qui lui sert de trône. De le toiser, encore une seconde ou deux. Il est bien plus grand que la langue. Gallois semble minuscule, à flotter dans son grand pull. Un gosse, en tout point.
« Tu n’as rien à faire ici. Dégage. »
Le sourire ne tombe toujours pas. Agaçante constatation. Maigre consolation, la main s’abaisse enfin. Elle se plante sur la hanche de son vis-à-vis, qui dresse, fièrement, le menton. Haut-Alémanique éprouve, juste un instant, le besoin fugace de lui arracher ce fichu sourire, et de le lui faire bouffer. Lui qui est tellement plus que lui. Et qui, pourtant, ne semble rien avoir d’exceptionnel.
La vue de la gueule souriante l’horripile. Il sent qu’il ne peut la supporter une seconde de plus. Alors, il se détourne, et, sans un mot de plus, il sort de la pièce. Il sent le regard déçu de Catalan qui le suit. Celui, hilare, de Sicilien, qui, comme toujours, se paye sa tête. Il brûle de leur hurler dessus. De les attaquer, peut-être. Qu’ils cessent de le contempler comme une bête nuisible.
« Je crois que je l’aime bien, » fait, soudainement, Gallois, juste au moment où il claque la porte derrière lui.
Mais quel abruti… !
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« Mais tu es complètement con, bordel ! Complètement con ! Tu crois quoi ? tu crois que ton fichu statut de langue te donne le droit de faire les pires conneries possibles et de t’en sortir sans la moindre anicroche ? Merde ! Tu aurais pu tout faire foirer ! Certains d’entre nous ne sont pas juste ici pour se divertir, ou pour se donner bonne conscience ! Certains d’entre nous essaye de prouver leur importance ! De prouver qu’ils ont une place au milieu, peut-être même au-dessus, de tous ces abrutis bouffis ! Alors, pour l’amour d’Elle, cesses de te conduire comme le dernier des abrutis, et agis comme la putain de langue centenaire que tu es supposé être ! »
Il se tait. Il est à bout de souffle. Son coup d’éclat lui a fait monter le rouge aux joues ; il se sent qui halète. Il se sent ridicule, également, maintenant que le sac est vidé et que les griefs sont crachés. Il remonte, fébrilement, les manches de sa chemise, comme pour se donner contenance. Il sent l’une de ses mèches de cheveux qui pend, mollement, sur son front, qui s’est couvert de gouttelette de sueur. Il a presque honte, en fait. Il sait que sa voix avait fini dans un aiguë peu glorieux. Qu’il avait été, sans doute, incompréhensible tout du long de sa diatribe, avec son fichu accent dont même Traducteur Automatique semblait incapable de le débarrasser.
Face à lui, Gallois est muet. Ses yeux sont écarquillés. Il ne bouge pas, il est figé. Et, pendant quelques instants, Haut-Alémanique a la certitude qu’il a, enfin, réussi à le blesser, à le toucher, à l’atteindre. Après toutes ces semaines, tout ces mois, passés à lui cracher à la gueule à la moindre occasion. Pourquoi ? Il n’en était même pas sûr. Parce qu’il avait l’air désespérément stupide ? Parce qu’il était ridiculement bienveillant ? Ou, tout simplement, parce qu’il cherchait, maladroitement, à se prouver qu’un dialecte aussi insignifiant que lui pouvait avoir suffisamment d’importance pour avoir un impact, quel qu’il soit, sur une langue. Et que, les jours passant, et le sourire persistant, il avait fini par nourrir l’amère constatation que ce n’était pas le cas. Qu’il avait fini par sentir grandir en lui une véritable rancœur envers Gallois.
Mais non. Une nouvelle fois, c’est un échec. Le sourire est plus doux, plus timide, mais le sourire est toujours là. Il doit le savoir, pourtant. Gallois. Que l’erreur qu’il avait commise n’est pas si grave. En vérité, ce n’est rien du tout. C’est juste l’accumulation de toute la frustration de Haut-Alémanique qui lui a explosé en pleine figure.
Et pourtant, il sourit. Comme s’il était vraiment en faute, et comme si Haut-Alémanique n’avait rien dit d’autre que la plus pure des vérités.
« Tu as raison, » fait-il, le timbre insupportablement doux. « Je suis désolé. »
C’est au tour du dialecte de ne plus trouver les mots. D’en rester coi, encore haletant, mains sur les hanches, et cheveux en pagaille. Personne ne dit rien, de toute façon. Tout les regards sont fixés sur eux, et il se sent comme une bête acculée. Il aurait certainement montré les crocs, tenté de se défendre, s’il ne venait pas, à l’instant, d’éclater.
« Mais, tu sais, » reprend Gallois, si plein de compassion et d’empathie qu’Haut-Alémanique sent qu’il ne va apprécier ce qui va suivre, « Tu ne pourras établir ton importance que si toi, tu y crois. Et j’ai l’impression que ce n’est pas le cas. »
C’est tellement vrai, tellement profondément vrai, que les mots qu’il aurait pu vouloir prononcer se font ravaler tout net. Il les sent qui s’absorbent dans sa propre gorge, qui se coincent, qui s’effritent et se retiennent, comme s’il s’étouffait, au passage, avec. Il s’efforce de rester impassible. C’est difficile. C’est affreusement difficile.
Et puis, Gallois se hausse sur la pointe de ses pieds, et pose sa main droite sur l’épaule d’Haut-Alémanique. Il n’a pas l’air d’avoir conscience qu’il est le premier membre du groupe à le toucher.
Qu’il est le premier membre du groupe à le regarder, comme ça. Avec ses grands yeux noirs dans lesquels il lui semble se noyer. Comme s’il était son égal. Lui, qui est une langue. Et ce, peu importe ce que pouvait lui dire le dialecte.
« Alors, je sais que ce n’est sans doute pas grand-chose, venant de moi, et que tu pourrais même trouver ça ridicule. Ou, je ne sais pas, méprisant, peut-être. Ou condescendant. Mais je pense que tu es important, Haut-Alémanique. Et que, peu importe ce que peuvent en dire tous ces vieux abrutis bouffis, comme tu dis, tu es déjà une langue. »
Haut-Alémanique ne répond toujours rien. De toute façon, il n’en aurait pas eu le temps. Il y a déjà Breton qui interrompe, tout net, la conversation. Il ne sait pas pourquoi. Sûrement qu’elle a quelque chose à dire à son frère. C’est comme s’il était plongé dans un épais brouillard. Les mots tournent en boucle. Il se dit que c’est rare, que les mots ne fassent pas mal. Que c’est rare, que les mots le fassent se sentir… presque plus léger.
Qu’importe. Breton traîne son petit frère derrière elle. Et celui-ci, pour changer, lui décoche son éblouissant sourire de gosse. Le salut joyeusement de la main, comme s’ils étaient les meilleurs amis du monde.
… Quel abruti.
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« Llanfair­pwll­gwyn­gyll­go­gery­chwyrn­drobwll­llan­tysilio­gogo­goch ! »
Haut-Alémanique s’est raidit, dès les premières syllabes de cette étrange imprécation. Il sent, sur ses épaules, les deux mains fines qui viennent de s’y poser, et qui, manifestement, avait eu pour but de le prendre par surprise. Ça avait été réussi. Il avait sursauté. Reste à savoir s’il s’agissait d’un effet de ce contact impromptu, où s’il s’agissait d’une conséquence directe au borborygme que venait de vomir Gallois.
Une fois absolument certain qu’il a finit de lui cracher toutes ses consonnes à la tronche, il tourne la tête. Croise le regard étrangement malicieux de la langue, dont l’inévitable sourire est, très manifestement, tout à fait fier de lui.
Gallois aurait été toute autre personne, qu’Haut-Alémanique aurait certainement réagit avec la sécheresse sévère qui s’imposait. Peut-être même qu’il se serait autorisé de briser un nez, au passage.
Mais il s’agit de Gallois. Et il ne l’apprécie pas, bien sûr. Il reste une langue. Il reste un être insupportable et plein d’un entrain tout à fait désagréable. Cependant, il doit bien admettre que leur relation s’était quelque peu calmée, ces derniers temps. Et, étrangement, il se sent presque prêt à tenter de faire un effort.
« Est-ce que tu viens de me maudire… ? » articule-t-il, d’un ton qu’il prend grand soin de garder calme, impassible.
Il n’aurait pas cru ça possible. Mais le sourire de Gallois s’étire encore, tant et si bien qu’il est tout bonnement certain qu’il allait jaillir hors de son visage pour prendre sa brillante et complète indépendance. Il a l’outrecuidance de lui administrer une tape sur l’épaule gauche.
« Pas du tout ! » s’exclame-t-il, et c’est qu’il a l’air fier de lui, le couillon. « C’est tout simplement le nom d’une des villes du Pays de Galle ! »
Haut-Alémanique plisse les yeux. Il sait qu’il doit avoir l’air vaguement suspicieux. Et il a beau repasser les quelques syllabes qu’il arrive vaguement à reconstruire dans son esprit, il est incapable de voir en quoi cette incantation maléfique peut s’apparenter, de près ou de loin, à un nom de ville.
Et voilà Gallois qui lui passe un bras autour du cou, et qui s’attribue, d’autorité, une place sur sa caisse. C’est ridicule. Haut-Alémanique le fait savoir en poussant le plus long et le plus profond des soupirs possibles.
« En fait, tu vois, c’est absolument brillant, parce que le nom du village, c’est sa situation géographique, » continue Gallois, comme si Haut-Alémanique en avait quelque chose à taper. « Ça veut dire, « l'église de sainte Marie dans le creux du noisetier blanc près du tourbillon rapide et l'église de saint Tysilio près de la grotte rouge, go go go ! » Tu vois ? Même plus besoin de carte pour s’y retrouver. »
Le regard de complet jugement que lui jette Haut-Alémanique, étonnamment, le faire rire. Il prend conscience que c’est la première fois qu’il fait ça. Rire Gallois. Et il rit comme il sourit. Comme un gosse. Comme quelqu’un qui n’a jamais eu mal de sa vie. Il sait pourtant que c’est faux. Il voit la mélancolie et l’émeraude, derrière le soleil.
Mais il rit. Il est fier de son nom de ville à dormir debout. Il est fier de l’avoir hurlé aux oreilles du dialecte. Il est fier d’être là, sur cette caisse, parce que c’est, sans le moindre doute, une place de privilégié.
Quel abruti.
Pourtant, Haut-Alémanique se sent presque sourire.
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« Eh, Haut-Alémanique ! »
« … Oui, Gallois… ? »
« Quel est le sport le plus silencieux ? »
« … Je ne sais pas, Gallois. »
« Le parachuuuuut ! »
« … »
« Eheh ! »
« Par pitié, ferme ta gueule. »
« Attah, attah ! Que crie un donut sur la plage ? »
« Misère. »
« Je vais me beignet !! »
« Abruti. »
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« Hochalemannisch. »
Des nouveaux borborygmes. C’est une chose complètement habituelle à entendre. Lorsque la nuit commence à tomber, que la réunion s’est étirée, et que Gallois a envie de jouer les imbéciles. C’en est un différent, cette fois, pourtant. Ce n’est pas une exclamation. C’est un murmure. Ce n’est pas une tentative de le surprendre en lui bondissant sur le dos. C’est, simplement, Gallois qui s’est assis à côté de lui, et qui a sorti ça, tout bas, comme s’il avait peur qu’on l’entende.
Et, surtout, ce n’est pas… ce n’est pas Gallois. La langue employée. Ce sont des consonnances différentes. Des consonnances mal articulées, un peu mangées, déformées, par une bouche qui n’avait pas l’habitude de les prononcer. Des consonnances qu’Haut-Alémanique reconnait très bien. Elles sont germaniques.
Et elles le prennent tant par surprise qu’il tourne, immédiatement, la tête vers Gallois, sans même prendre la peine de chercher à se donner un air impassible. Leurs regards se croisent, immédiatement. Gallois a sa petite fossette. Son petit sourire. Son doux regard. Ses boucles blondes. Son pull trop grand. Haut-Alémanique prend conscience que ça faisait bien longtemps qu’il ne l’avait plus trouvé agaçant.
« Was… ? »
Gallois lève immédiatement son index vers ses lèvres, vers son sourire mutin. Le message est très clair- il faut se taire. Ou, tout du moins, se montrer plus discret. Un autre petit signe lui permet très vite de comprendre pourquoi ; Gallois pointe, silencieusement, le doigt vers Traducteur Automatique, qui oscille entre Breton, Catalan, et Sicilien.
Et puis, enfin, il reprend, très lentement, tâtonnant, balbutiant presque les mots qu’il s’efforce de prononcer.
« Wir sollten nicht… auffallen. Hochalemannish. »
Et ça le frappe. Enfin. Gallois est, littéralement… en train de le parler. Lui. Un simple dialecte. Il est une langue, une vraie, une véritable langue… et il articule, comme si cela lui apportait tout le putain de bonheur du monde… des mots qui lui appartenaient, à lui. Et il prononçait son nom. Son vrai nom. Celui qui n’était pas déformé par la traduction. Lui que si peu de locuteurs semblaient adopter. Lui qui semblait n’avoir que si peu d’importance.
Et il en est si fier, Gallois. Et ses yeux en sont si lumineux, si scintillants. Et son sourire en est si large.
Un véritable gamin.
Haut-Alémanique cligne des yeux. Il prend conscience qu’à son insu, rebelles elles-aussi, quelques larmes y ont pointé. C’est ridicule, sans doute. Parce que ces larmes sont là, mais il le sent aussi. Ce sourire qui est venu se poser sur ses lèvres, à lui.
Et c’est la première fois que Gallois parvient à lui en soutirer un. De sourire. Il ne sait pas si c’était le but. Il voit, simplement, l’encre du regard de la langue qui fond. Un lac chocolat. Douceur, mélancolie, anciens voiles émeraudes, et joie pure.
Il ne proteste pas quand il se sent, sans préavis, attiré dans une étreinte qu’il n’aurait sans doute, en temps normal, jamais autorisée.
« Hochalemannisch, » répète Gallois, tout bas, comme un mantra, comme une putain de prière, une fichue révélation, un secret qu’il ne devrait pas partager. « Lieber Hochalemannisch. »
Il n’y a pas besoin de traduction. Il n’y a que les syllabes que la langue s’approprie, comme si elles étaient siennes. Des mots, un nom. Le sien.
C’était ridicule.
Et Gallois est un abruti, un abruti profond.
Pour la première fois, Haut-Alémanique se prend à penser que ce n’est sans doute pas si grave.
FIN
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kouillon-en-chef · 3 years ago
Text
Ça peut le faire, @carwyn-gibson, si tu cours xD
@edward-short , est-ce que tu es déjà sur place ?
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