#tdb cambrien
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la-tour-de-babel · 2 years ago
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Brodyr - Fiction : Human!AU
DISCLAIMER : Ceci est la première partie d'une série de OS, autour des frères Gibson. A savoir, Cambrien, dit Cormag, Gallois, dit Carwyn, et Cornique, dit Merryn. On est dans une version idéale où les trois frères sont en vie, et sont humains. Basiquement, donc, ce sera juste une série de petites scénettes, pour bien planter le décor, et étudier un peu les personnages de Cormag et Merryn- que je n'ai jamais écrit, ahah. Vous trouverez donc la suite dans les reblogs de ce post, au fur et à mesure. Le dessin que vous avez en début de post est évidemment une œuvre de @mimmixerenard !
PAIRINGS : Pour l'instant, SecretSignes seulement. Ca viendra avec le temps, quand les protagonistes ne seront plus des enfants. On ne shippe pas les enfants.
TRIGGERWARNING : Dans la première scène, description d'une crise d'angoisse, meltdown, shutdown. Harcèlement scolaire sous entendu. Je ne pense pas qu'il y ait de TW pour la deuxième partie, néanmoins.
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C’est le son des rires qui l’attire, d’abord, dans le vestiaire du collège.
Cormag est lui-même d’une nature rieuse. Ses parents, toujours, lorsqu’ils parlent de lui à leurs différents amis, le présentent ainsi : ah ! Cormag ! Mais oui, c’est notre petit soleil. Toujours si souriant… il vous illumine toute une pièce vous savez. Tenez, le voilà. Et puis, immanquablement, on répondait quelque chose du genre, mais c’est vrai qu’il a l’air très sympathique. Quelle bonne tête !
Oui, Cormag est rieur, Cormag est sympathique. Il est de ceux qu’on qualifie aisément de Bon Pote. De ceux à qui on s’attache très vite. Qui est ami avec tout le monde, même les professeurs, qui connaît tout le monde, et qui aide tout le monde. Mais Cormag, aussi, prend de la place. Il est bruyant, souvent. Il parle beaucoup. Il sait écouter, mais il a souvent l’impression que les gens, tant fasciné par son apparence de Bon Pote, n’en ont pas vraiment pris conscience : on ne lui dit jamais rien d’important.
Ce qu’on dit à Cormag, c’est comment s’est passé le dernier week-end. C’est combien notre nouveau chiot est adorable. C’est les notes qu’on a eues, ou pas. C’est quel prof est une tête de con, et quel prof est ultra chill. Ce qu’on ne lui dit pas, c’est les vrais problèmes qu’on a. C’est les secrets Très Importants, pour tout ces enfants de onze à quinze ans. Cormag est un Bon Pote, voir un Très Bon Pote, mais ce n’est pas Le Meilleur Ami. Vous voyez, il parle beaucoup, Cormag, et il connaît tout le monde. Ce n’est pas le genre de personne à qui on veut confier ses Grands Secrets.
Cormag est le Bon Pote de tout le monde, et le Meilleur Ami de personne. Sauf, bien sûr, de ses deux petits frères : mais Carwyn et Merryn sont tout, tout petits, et si Cormag est évidemment flatté de se voir pilier des Très Grands Secrets des p’tits bouts de chou, ce n’est tout de même pas la même chose. Cormag n’est le Meilleur Ami de personne.
Et puis, vient aujourd’hui. Le son des rires, dans les vestiaires du gymnase. En temps normal, Cormag est déjà naturellement attiré par le son d’un rire. Comme un papillon attiré par la chaleur et la positivité. Seulement, voilà : ce ne sont pas des rires gentils. Ce sont des rires moqueurs. De grands éclats, ahahah, qui s’entendent depuis la salle de sport où Cormag, jusqu’ici, discutait tranquillement avec le professeur.
(M. Gimenez venait d’avoir une petite fille. Elle s’appelle Clàudia, et c’est ce qu’il est en train de raconter à Cormag.)
Alors, parce que ce sont des rires, mais surtout parce que ce sont des rires moqueurs, Cormag s’excuse de la conversation, et trottine vers les vestiaires. Il est le Bon Pote de tout le monde, mais il est aussi le premier a reconnaître que certaines personnes sont tout de même de vraies têtes de con. Ce n’est pas pour autant qu’il cesserait de leur parler ; chacun ses défauts, et Mam dit toujours que les enfants de leur âge peuvent toujours changer, avec les bonnes fréquentations.
Cormag croit tout ce que lui dit sa Mam, bien évidemment. Mais tout de même, pense-t-il, en posant les yeux sur le spectacle.
C’est une petite foule de garçon, en cercle, autour d’un autre qui est tombé par terre. La petite foule rit trop fort, ahahah, et la respiration du garçon au milieu du cercle est affreuse. Il prend de grandes, grandes inspirations, comme s’il se noyait, et s’étouffe dessus à chaque fois. Cormag ne le distingue pas très bien, derrière les bras, les torses, les tee-shirts gorgés de sueur, mais il en voit assez pour comprendre qu’il est recroquevillé, et qu’il est couvert de quelque chose de gluant. Ca ressemble à la peinture que cette tête de con d’Alexis a piqué à la prof d’art plastique.
Cormag est trop jeune pour savoir ce qu’est une Crise d’Angoisse. Mais il est assez Grand pour savoir que c’est pas normal de respirer comme ça, et que ça doit faire mal à la poitrine. Et que ça doit pas être très drôle, de pas respirer bien et d’être entouré par une foule de garçon hululant des rires méchants. Alors, Cormag se fraye un chemin dans la petite foule.
C’est pas difficile. Il est grand, plus grand que les autres garçons, et il est large d’épaules. Tu seras rugbyman, mab, disait Dad. Un grand gaillard comme toi. Cormag ne sera bien sûr par rugbyman : il n’a jamais aimé le principe d’une mêlée. Mais la carrure reste là, et ses camarades le constatent bien ; ils le laissent passer, et certains, même, se taisent.
Au milieu du cercle, c’est Simon.
Cormag connaît tout le monde, mais Simon, pas très bien. Il est dans sa classe, ça c’est sûr, et il est très doué en maths. Cormag le sait, parce que le professeur ne cesse de le répéter, à chaque devoir. Et il sait aussi qu’il est très mauvais en français, parce que ça aussi, la professeure le répète. Simon est très discret. Là où Cormag parle beaucoup, et n’a pas souvent l’occasion d’écouter, Simon ne parle jamais, et ne fait qu’écouter. Il reste dans son coin, avec son petit costume trop formel pour un môme d’onze piges, avec ses lunettes carrées de secrétaire austère, et ses petits stickers de Mon Petit Poney partout sur ses stylos, sa règle, sa trousse. Avec son petit chiffon, qu’il utilise pour nettoyer chaque surface avec laquelle il doit rentrer en contact.
Les autres garçons trouvent que Simon est bizarre, et les garçons de cet âge, eh bien ! Ça n’aime pas beaucoup ce qui est bizarre.
C’est sans doute pour ça qu’il est dans cette situation. Respiration de sèche-cheveux en fin de vie, des grands hhhhhh, hhhhhh, hhhhhh. Se balançant d’avant, en arrière, avant, en arrière, les mains plaquées sur ses oreilles pour bloquer le bruit des rires, doigts crispés si fort que les ongles se plantent dans la peau, les yeux fermés très forts pour éviter la lumière aveuglante des vestiaires, grosses larmes coulant malgré tout, la chemise couverte de peinture verte- jusque dans les cheveux, jusqu’au verre des lunettes.
Simon tient beaucoup à la propreté, et a du mal avec certaines textures gluantes- précisément comme la gouache qui le couvre. Cormag ne sait pas ce qu’est un Meltdown, mais il voit bien que ce n’est pas quelque chose dont il faut rire.  Il n’y a rien de drôle, là-dedans.
« Vous êtes des cons, » braille-t-il, une fois passée la première seconde de choc. « Laissez le tranquille ! Barrez-vous ! »
Les rires méchants s’éteignent enfin. Ça bougonne, ça proteste un peu : Alexis, tête de con par excellence, lui décoche un regard dépité. Mais Cormag étant le Bon Pote, celui que Tout Le Monde Kiffe, on l’écoute. La petite foule se disperse ; les garçons récupèrent leurs affaires, se rhabillent, et laissent un peu de place à Simon.
Alors, Cormag se trouve un peu comme un con. Il ne sait pas comment réagir, maintenant : c’est la première fois qu’il voit ça. Simon ne se calme pas. Il se balance, se griffe tout seul, respire pas bien du tout.
« Eh, » dit Cormag, « ça va ? »
C’est bête comme question. Simon ne répond pas, et c’est même à peu près sûr qu’il a juste pas entendu du tout. Cormag s’agenouille à son niveau. Il y a de la gouache jusqu’aux paumes de ses mains : il pense qu’il a dû essayer d’essuyer ses vêtements, sans succès. Hhhh, hhhh, hhhh, fait la respiration du garçon. Les autres, autour d’eux, commencent à quitter la pièce.
Cormag tente de le toucher. Une main sur l’épaule, pour rassurer, comme il le fait toujours avec ce p’tit bout de chou de Carwyn, quand il tombe et s’égratigne le genou. C’est souvent bien suffisant pour sécher les grosses, grosses larmes, comme celles de Simon maintenant ; les grosses larmes qui plissent tout le visage et le rende tout, tout rouge. Ça marche presque toujours avec Carwyn.
Ça marche pas du tout avec Simon. Simon devient tout raide, comme un bout de bois, et avant même qu’il ne puisse vraiment voir ce qu’il lui arrive, Cormag se fait poussé. Fort. C’est à son tour de tomber, cul par terre, sur le sol mouillé du vestiaire. Ça s’infiltre dans son pantalon, et il grimace.
Il ouvre la bouche pour protester, sourcils tout froncés de vexation. Mais il s’arrête tout net, parce que les mains de Simon sont revenues à ses oreilles, et qu’il continue à se balancer, et que cette fois, c’est sa tête qui se secoue. Droite, gauche, droite, gauche, droite gauche. Non. Le message est passé : pas toucher.
« Tu veux que j’aille chercher le prof ? » tente Cormag, toujours sans succès.
Droite, gauche, droite, gauche. Cormag n’est pas sûr que Simon l’ait entendu, mais il n’a pas envie de prendre le risque. Ça reste un non. Il y a toujours des rires, de la part des derniers garçons à quitter le vestiaire. Cormag les ignore, et, finalement, les voilà tout les deux seuls.
Il sera complètement en retard en cours de SVT. Mais c’est pas grave. Il n’aime même pas ça.
Et puis, il lui semble que Simon commence à se calmer. Maintenant que tout le monde est parti, que c’est silencieux, et que quelques-unes des lumières détectrices de mouvements se sont éteintes. Il se balance toujours, mais sa respiration est moins moche. Hhh, elle fait. Hhh. Hhh. Alors, Cormag reste.
Enfin, Simon se calme. Il ne pleure plus beaucoup, et il respire de nouveau comme il faut. Ses ongles arrêtent de griffer la peau, derrière les oreilles. Il se balance, avant, arrière, plus doucement, plus lentement.
Il ne regarde pas Cormag, et il ne dit rien du tout. Mais puisqu’il ne l’a pas poussé de nouveau, et qu’il n’a d’ailleurs rien fait pour lui faire signe de partir, Cormag reste.
« Ça va ? » demande-t-il, encore, toujours aussi bêtement.
Droite, gauche, mais juste une fois. Question bête, réponse simple. Simon évite son regard, et, de la main droite, essaye une nouvelle fois de chasser la peinture de sa chemise. C’est trop tard ; c’est imbibé, et ça a même commencer à sécher.
Il laisse échapper un drôle de bruit. Un gémissement, ou un couinement.
« Tu… » commence Cormag, avant de se taire, et de bien réfléchir. « Ça part à la machine, tu sais. »
Droite, gauche. Non. La main passe, et repasse. Elle tremble beaucoup, et elle est tâchée, elle aussi. Il faut que ça parte, et que ça parte maintenant.
« Je peux te prêter mes vêtements, » continue-t-il. « Je peux rester en jogging, et toi, tu en auras des propres. »
Simon hésite. Ses yeux sautent, de la chemise sale, à ses pieds, à ceux de Cormag qui reste assis devant lui. Il ne le regarde pas dans les yeux, mais Cormag a l’impression que c’est le contact visuel le plus direct que Simon puisse supporter, pour l’instant.
Haut, bas. Oui.
Cormag sourit, tout en dent et en fossette. Enfin, ils arrivent quelque part !
L’opération leur prend quelques temps, bien sûr. Parce que Simon ne veut pas, ou ne peut pas se lever, et qu’il ne veut pas ou ne peut pas être touché, et qu’il est trop crispé et fermé et complètement fatigué pour retirer ses vêtements tout seul. Mais ça finit par se faire. Cormag comprend, au fur et à mesure, que Simon, pour l’instant, ne peut pas parler. Il apprendra plus tard que c’est normal. Que ça arrive. Que parfois, les mots ne veulent plus venir, et qu’ils se perdent et s’oublient. Il comprend aussi que la texture même des vêtements de Cormag, le jean, en particulier, semble être d’un contact insupportable ; il apprendra plus tard que, paradoxalement, c’est dans ses costumes guindé que Simon se sent le plus à l’aise.
Les vêtements sont trop grands, pour Simon, qui a l’air de se noyer dedans. Mais quand, enfin, sa tête passe le trou du hoodie, l’air proprement épuisé comme s’il avait passé le mois à courir sans s’arrêter, le regard darde brièvement vers celui de Cormag. Bref contact visuel, et Cormag comprend que c’est beaucoup d’efforts fournis : ça lui arrache un nouveau sourire, très large.
Il a l’impression que Simon voudrait bien le lui rendre, mais qu’il ne peut pas. Pour l’instant, du moins.
Pour la première fois de sa vie, Cormag sèche les cours. Il reste avec Simon, toute la journée, caché dans les recoins les plus calmes du collège. Il porte le sac du garçon, et le laisse serrer très fort, dans ses bras, une espèce d’énorme peluche d’un des personnages de ce qu’il apprendra plus tard être sa série préférée. Il accompagne Simon, le soir, vers la voiture de son père, tout content de l’entendre articuler quelques monosyllabes, maintenant.
M. Saulter le salut, l’air singulièrement curieux, et Cormag le salut en retour, avec l’aisance des gens qui savent être sociables. Simon, dans la voiture, lève les yeux vers lui- et le voilà, le début de sourire qu’il n’avait pas pu esquisser, ce matin.
La voiture part. Cormag, guilleret, rentre chez lui. Le lendemain, Simon s’assoit à côté de lui en cours.
« Merci, » qu’il dit, très neutre et très solennel, comme un président devant l’Assemblée.
« De rien, » répond Cormag. « Tu captes quelque chose au cours, toi ? »
Alors, la vie reprend, comme auparavant. Cormag n’est plus tellement le Bon Ami de tout le monde ; Alexis, en particulier, ne daigne plus lui adresser un regard. Ce n’est pas grave, parce qu’il a quelque chose de bien mieux : il est le Meilleur Ami de Simon.
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Faut pas croire, mais y’a un code d’honneur chez les pranksters. Un genre de code des pirates, vous savez ; mais plus cool, parce qu’après tout, Paul est un prankster, et non un pirate. La clé, c’est que tout le monde peut être pranké, pas d’problème ; mais si tu teams avec un camarade de la noble maison de la Prank, tu peux pas lui coller un couteau dans le dos. Tu peux pas l’inclure dans la merde, alors qu’il a participé à la rendre bien puante. Ça se fait juste trop pas.
Paul, du haut de ses neuf ans, est excessivement attaché au Code D’Honneur des Pranksters, même s’il vient tout juste de décider qu’il existe. C’est qu’il a jamais subi de trahison, auparavant. Déjà, parce que c’est pas souvent qu’il accepte un complice, et deuxio, parce que quand il le fait, ses complices sont toujours géniaux.
D’abord, y’a Merwyn, son best bro parmis les best bros. Ils se connaissent depuis la couche culotte, pour s’être pouillé dans le bac à sable du parc public quand ils avaient deux ans- et puisque que le daron de Paul peut faire ami-ami avec n’importe quelle personne qui n’est pas Francis Leroy, et bah, ils ont basiquement grandi ensemble. Merwyn, c’est son Gars Sûr, c’est le sang, c’est la sauce, quoi. C’est Merwyn qui l’a accompagné dans son (humblement) hilarante idée d’arracher tout les C, L, et E des petites lettres qui affichent les noms des salles de C.L.A.S.S.E, parce que ça fait A.S.S, et que c’est trop poilant. Est-ce que Merwyn l’a trahi ? L’a dénoncé ? Lui a volé quelques petits C ? Trop pas. Merwyn est son Best Bro. Ils ont partagé le butin, et quand on les a interrogés, ils se sont serrés les coudes.
Ensuite, y’a Simon. Simon est moins un best bro que Merwyn, même s’il est son Vrai Bro, parce qu’il a pas officiellement prêté allégeance à la Grande Maison des Pranksters, et qu’il est donc juste un membre honoraire. Et puis, vu que Simon est le Grand Frère, il a parfois l’impression que ça veut dire qu’il doit être un Mini-Daron : ce qui veut dire qu’il peut contempler le pitch parfaitement hilarant d’une superbe prank de Paul et hausser le Sourcil Du Jugement. Mais c’est quand même Simon qui l’a aidé à poser toute une pièce montée, prévue pour le mariage de Papa et Maman, sur la porte de la salle de fête pile avant que Francis ne la franchisse. Est-ce que Simon l’a poussé dessous, dites ? Est-ce qu’il l’a dénoncé ? Bien sûr que non. Simon l’a entraîné loin, très loin, là où la crème les tâcherait pas, et là où ils verraient quand même la scène. Simon avait assuré à une nuée de gens en costard que c’était complètement un mystère pour lui, cette histoire de pièce montée sur la tête de Francis. Simon est un Vrai Bro.
Après, y’a Papa. C’est un membre convaincu de la Maison des Pranksters, Papa, mais c’est un membre délicat, parce qu’il est supposé Montrer Le Bon Exemple. Ca veut dire qu’il doit faire sembler de froncer très fort les sourcils quand Paul remplace le sucre par le sel et les chocapics par les crottes du lapin de la voisine, et qu’il doit se mordre les lèvres pour ne pas rire. Ca veut aussi dire que Papa est un membre Vraiment Très Expérimenté, et qu’on a tout intérêt à l’avoir en Camarade de Prank, si on veut que ça marche. C’est un peu le mentor de Paul en matière de Gaudriole, même si, apparemment, Paul est vachement plus impliqué que son daron. Du coup, lorsque Paul avait remplacé le mot de la maîtresse, dans son cahier, par une copie très bien calligraphié du poème Con Large Comme un Estuaire, et que la maîtresse, l’ayant vu, s’était offusquée, c’était Papa qui avait assuré, avec un très large sourire, que Oui, Madame, c’est moi qui est écrit ceci, et que Non, Madame, ce n’est pas vulgaire, c’est de la poésie, ou même, encore, Bien sûr que je fais lire cela à mon fils, c’est de l’Apollinaire, quel grand poète, n’est-ce pas ? Papa ne l’avait pas balancé. Papa, lorsqu’ils étaient rentrés, avait lu le poème pour la première fois, parce qu’il ne le connaissait pas, et en avait pleuré de rire derrière le volant de la voiture. Tant que les pranks de Paul font de mal à personne, Papa est complètement on board.
Enfin, y’a Stefan. Ça compte pas de fou non plus, parce que Stefan, son bébé frère, il a deux ans, bavouille plus qu’il ne parle, et participe rarement plus à une conversation qu’en babillant un « kouillon ! » que Paul est très fier de lui avoir appris. Stefan est un Apprenti Prankster, et Paul a bon espoir de lui montrer Le Droit Chemin. Et il apprend vite, le môme. La preuve : quand Paul avait pété la fenêtre du deuxième étage de chez l’Oncle Edward avec un caillou (c’était trop pas de sa faute, il avait vu ça dans un film, et apparemment c’était grave romantique, donc il voulait voir si ça éblouirait Alphonse), c’était Stefan, qui jouait avec le résident de la chambre visée, qui avait planqué les preuves en tentant de bouffer le caillou. Est-ce qu’il l’avait craché ? Oui, mais sans faire exprès, et c’est l’intention qui compte. Stefan, Paul le sait, ne trahira jamais le Code Des Pranksters.
Paul n’a jamais été trahi par l’un de ses camarades de blagues. Alors, il accordait une confiance aveugle à toute personne qui lui donnait le feu vert pour être, globalement, un p’tit merdeux.
Et puis, vient Merryn. Là-dessus, Paul s’est comporté comme un bleu : mais quand même, ça se fait trop pas.
Déjà, il s’était fait avoir, parce que Merryn ça ressemble à Merwyn, et que, du coup, Merryn pouvait qu’être un type vachement bien, puisqu’il était à une lettre du best bro de la life, pas vrai ? En plus, Merwyn a sept ans. C’est deux de moins que Paul. Paul est donc le Grand, le Mentor, et c’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire des grimaces ! Sans compter que le grand frère de Merryn, c’est Cormag, et que Cormag est le best bro de Simon, et que donc, logiquement, c’est un peu comme si Paul est destiné à être le bon bro de Merryn. Et puis, Merryn a v’la les bonnes idées poilantes, contrairement à son jumeau Carwyn, qui, lui, est juste chiant de gentillesse. Merryn est un parfait Membre de La Confrérie des Pranksters, et Paul, naïvement, a cru qu’il respecterait le Code implicite.
Du coup, logique ! Lorsque Merryn, invité pour la première fois à la maison avec son jumeau tout chiant et son grand frère trop cool, lui propose de monter un Prank, Paul est grave hypé. Ils avaient déjà comparé leurs exploits prankesques lorsque Simon l’avait emmené avec lui chez les Gibson, parce que Papa et Maman étaient chez le médecin des bébés avec Stefan, et qu’aucune babysitter voulait jamais gérer Paul. Paul, à ce stade, a déjà décidé que Merryn est Hyper Cool. Paul, donc, a suivi son Nouveau Bro comme un chiot content, et est allé avec lui gonfler toutes les bombes à eau possible.
Le but, c’est ensuite de se percher en haut des escaliers, de là où on surplombe un peu les adultes qui papotent en prenant le thé, et de bombarder, comme les allemands en l’an 40, qu’il dit, Merryn, même si Paul sait pas trop à quoi il fait référence. C’est un super bon plan, parce que Papa est suffisamment loin pour ne pas être touché (Code d’Honneur, Toujours : pas de Pranks envers le Grand Prankster Expérimenté), et que le Papa Gibson est pile à portée de bombe.
C’est un super bon plan. Et ça marche très bien, au début. Le Papa Gibson pousse un piaillement de fillette quand l’eau lui éclate sur le eau du crâne, et la théière se renverse sous la deuxième bombe. Le thé éclabousse la maman de Paul, muette autant par nature que par stupéfaction, et la Maman Gibson, en plein sur sa belle chemise à fleur. Son daron, bien sûr, Membre Expérimenté autant que Vétéran Des Blagues Paulesques, s’est levé dès le premier bombardement, et contemple le carnage d’une œillade qui s’efforce de ne pas être trop amusé. En tout, c’est dix bombes à eau qui sont lâchées, partout sur le tapis et la petite table du goûter : c’est le temps qu’il faut pour que les adultes repèrent les deux criminels, et ne commencent à préparer quelques Sermons Courroucés.
Normalement, là, c’est la parti du plan où on se barre en courant et en gloussant, avec son Camarade, et qu’on se planque jusqu’à ce que les adultes soient calmés. C’est limpide.
Sauf que Merryn est un absolu petit bâtard. Pour la première fois de sa life, Paul se fait honteusement trahir par son Camarade : parce que, quand Papa Gibson gronde « Vous deux ! », Merryn se contente pas de tourner les talons, et de détaler. Non, non. Paul se retourne vers lui, tout prêt à monter les escaliers à sa suite : mais au lieu de voir le dos de son comparse fuyant, il ne voit que le latex bleu du ballon qui se précipite vers sa propre tronche. Et qui s’y éclate, PAF, une explosion d’eau pile dans les yeux, le nez, et la bouche, et qui le détrempe aussi sec. Sous le choc incommensurable, Paul vacille, ébahi, incapable de comprendre cette terrible trahison ; et, à sa grande horreur, se sent tomber en arrière.
Dégringoler les escaliers n’est clairement pas l’expérience la plus sympa de sa vie, clairement. C’est pas la première fois qu’il les dévale, d’ailleurs, et c’est bien pour ça qu’il ne se pète rien en y tombant dos et tête la première : les bords des marches sont tout couvert d’une épaisse moquette, et les coins sont soigneusement rembourrés, parce que Papa et Maman ont eu bien assez d’une crise cardiaque en contemplant Paul, cinq ans, se prendre les pieds dans son jouet camion en essayant de fuir la salle de bain, se bouffer les marches de l’escalier. C’est pas la première fois qu’il les dévale, donc, et ça fait même pas tant mal que ça avec l’énorme moquette, mais c’est la première fois qu’il les dévale mouillé par le fruit de la trahison, et sous le rire d’un Camarade Prankster qu’il aurait dû pouvoir partager. Et c’est pas un truc qui devait arriver. Pas à lui ! Pas à un pro, comme lui ! Ça se faisait trop pas.
Il se retrouve bien vite le cul par terre, tout endolori, pendant qu’en haut résonne les pas fuyant de Merryn. Qui va se planquer, tout seul. Et Paul est un Grand Garçon : il a honte d’avouer que là, en bas des escaliers, mouillé, misérable, et l’épaule en feu pour être mal tombé dessus, il est à deux doigts de chialer comme il a jamais chialé. Jusqu’à sa mort, il niera d’ailleurs l’avoir fait. Aussi bien qu’il niera avoir braillé dans les bras d’un Papa et d’une Maman affolés, sanglotant comme un nourrisson. Il a une dignité, après tout.
Plus de peur que de mal, pour être v’la honnête. Même : la chute spectaculaire a le mérite de distraire très vite les adultes de la blague précédente, et il se fait même pas engueulé pour les bombes à eau. Il passe l’après-midi devant la télé, bien installé sur le canapé, entouré des coussins les plus douillets qui soit, avec un bol de crème glacé dans les paluches. Y’a que Merryn qui se fait engueuler, et c’est pour avoir causé sa chute ; en soit, c’est un moyen efficace pour échapper aux conséquences d’une prank.
Mais Paul est Très En Colère. Il est Furibond. Parce que Merryn, ce p’tit bâtard, a brisé le Code : et Paul est d’une nature très rancunière.
Merryn ne sera pas du tout son Bon Bro. Au contraire. Désormais, il considérera Merryn comme son Pire Ennemi.
A SUIVRE....
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