#parentalité
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Les soins
#comics#diary comic#bande dessinée#vie de parent#vie de couple#parentalité#humour#enfants#drole#haha#marrant#journal comic#relatable comic
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Plume-au-point s'expatrie – Réussir son expatriation aux Etats-Unis. Echanger et s'informer entre parents d'enfant neuro atypique. (wordpress.com)
#expatriation#états unis#parentalité#enfants atypiques#troubles psychiatriques#Troubles du neuro-développement#rédaction de contenus web#orthophoniste
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Voici où me rencontrer, pour venir refaire le monde....
Samedi 4 mars, de 14h à 18h, FNAC de sainte Marie des champs, prés de Yvetot, pour une séance de dédicace.
Exposition, dans le cadre du festival "moi, amateur", à la cité des Arts de Barentin, à la salle Léo Lagrange. Vernissage, à 11h, le samedi 18 mars, l'expo est visible, jusqu'à 18h30.
le lendemain, dimanche, jusqu'à 17h. j'y serait présente, avec mes livres, donc, en dédicace, si demande, ainsi qu'avec mes estampes.
le 2 avril, je serai présente, au salon de printemps, de sainte Austreberthe, dans mon village, qui est consacré, à l'architecture.
Le 8 avril, je serai en dédicace, à l'hyper U de Franqueville saint Pierre.
#FNielAubin#FNAC#éditionsSydneyLaurent#Barentin#Yvetot#sainteAustreberthe#Montville#masculinisme#addictionsprendrelemalàlaracine#parentalité#lapouleauxoeufsnedortquedunoeil#toxicitédeslivressacrés#lautorité#peinture#calligrammes
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Présentation
Bonjour, moi c'est Léa, je fais ce blog pour toutes celles qui se posent des questions sur la grossesse étant moi-même actuellement enceinte car j'aurai aimé trouver plus d'informations sur certains sujets/aspects qu'on évoque pas assez. Ce blog est pour moi-même mais aussi pour toutes celles qui traversent la même chose que moi et qui chercheraient des réponses a certains questionnements. Car quand tout va bien, c'est merveilleux mais qu'en est-il lorsque qu'on nous annonce une grossesse a risque? On se pose beaucoup de questions, mais on nous raconte aussi beaucoup de choses et parfois les médecins ne sont pas les plus rassurants. On ne comprend pas exactement tout ce qui se passe et on se sent impuissants face a la situation. Bien sur que je m'adresse principalement aux mamans mais les papas êtes aussi les bienvenus car les questionnements/ inquiétudes/joies ne concernent pas seulement maman mais papa. Bienvenue dans le monde de la parentalité!
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Filia mea
Et si le jour chancelle Je te tiens par la main Dans tes yeux qui m'appellent Je pourfends les chagrins Toi ma fille, ma belle Aux prunelles d'airain Et d'onyx ou le ciel A versé un jardin Sous l'abri de mes ailes Je te tiens, tu me tiens Tu me tends l'éternel Je te dis ton destin Viens mon ange, ma frêle Je suis là, ne crains rien Contre mon cœur fidèle Je te fais un écrin.
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et la lune s'est moquée de moi
Fandom : Vilebrequin
Pairing : Gaytipla (Sylvain Levy x Pierre Chabrier)
Nombre de mots : 24 000 mots
Avertissement : Mention de dépression post-partum
Résumé : Sylvain Levy était jeune, trop pour être père à son sens. Et puis il était célibataire, alors la paternité était un souci qui ne le concernait pas. Ou presque...
Ainsi, Mélissa est entrée dans sa vie.
Note d’auteurice : J'espère que vous allez aimer cette douceur ! Vous pouvez aller la lire sur Wattpad et AO3 aussi <3
Partie : 1/?
Chanson : J'ai demande à la lune d'Indochine
Sylvain ne s’y était pas attendu : près d’un an après leur rupture, son ex reprenait contact avec lui. Il était passé par plusieurs émotions, l’étonnement, l’incrédulité, l’inquiétude, le stress… Il ne savait pas pourquoi, après autant de temps, elle revenait vers lui.
Au départ, elle n’envoya que quelques messages cryptiques qu’il avait du mal à déchiffrer. Puis il l’eut au téléphone et, au son de sa voix, il comprenait que quelque chose n’allait vraiment pas. Elle demanda à le voir, à ce qu’il vienne chez elle, le pressa, il ne put qu’accepter, comprenant tacitement que l’enjeu le dépassait.
Il ne dit rien à personne, pas même à Pierre. Il ne savait pas trop pourquoi, peut-être à cause du secret que la jeune femme semblait garder, qu’elle allait lui dévoiler, à lui et rien qu’à lui. Alors, par respect, il garda leur rendez-vous pour lui.
Sylvain arriva devant la porte de son appartement stressé comme jamais. Il avait terriblement peur de ce qu’il allait voir de l’autre côté car, de ce qu’il avait compris de leurs échanges, la jeune femme était en détresse psychologique et avait besoin de son aide. L’idée lui fendait le cœur… Il ne l’aimait plus, mais tous deux étaient resté·es en bons termes. Et puis, au-delà de ça, apprendre que quelqu’un dont il avait été si proche n’allait pas bien l’inquiétait.
Il frappa donc, et n’eut pas à attendre longtemps avant que la porte ne s’ouvre. Il reconnut à peine la jeune femme, qui avait perdu du poids, ses cheveux, qui avait de si grandes cernes et semblait vieillie de dix ans. La vision fut un choc, qu’il dissipa en la prenant dans ses bras, sans un mot, un réconfort spontané. Elle fondit en larmes immédiatement.
Puis elle le tira à l’intérieur, pour refermer la porte, et Sylvain s’aperçut alors de l’état de l’appartement. Il était encombré, sale, en désordre, et pourtant il n’avait jamais connu sa propriétaire ainsi… Il se tourna vers elle, une seule question sur les lèvres :
« Qu’est-ce qu’il se passe ? »
Il la fixa un instant, en attendant une réponse qui ne vint pas.
Comme elle ne répondit pas, le jeune homme jeta un nouveau regard à la pièce, avec plus de concentration, observant les détails. Peu à peu, il remarqua des affaires qui n’étaient pas à elle, des affaires de bébé, de nourrisson, et il avait peur de comprendre.
Elle, elle quitta la pièce. Pendant de longues minutes, Sylvain se retrouva seul face à la réalisation de la situation, ne voulant pas y croire. Il dut bien s’y résoudre, pourtant, quand son ex revint dans la pièce avec un bébé dans les bras. Elle avait eu un enfant ? Mais pourtant, la dernière fois qu’il lui avait parlée, il y a six mois, elle n’était pas enceinte… Ou en tout cas, elle n’en avait pas parlé. Et où était son nouveau petit ami, d’ailleurs ?
Sylvain fut sorti de ses pensées par la jeune femme, qui lui tendit l’enfant. Il eut une réaction de panique d’abord, son cerveau n’arrivant pas à intégrer les informations, puis, comme elle allait se mettre à pleurer de nouveau, il accepta et prit maladroitement l’enfant dans ses bras. Il s’assit sur le canapé, de peur de le faire tomber s’il restait debout, observant son visage à peine éveillé.
« Je comprends rien, là, qu’est-ce qu’il se passe ?
-Je suis en dépression, annonça-t-elle. Je peux pas… je peux pas m’occuper d’elle. »
Elle éclata en sanglots à nouveau. La scène était lunaire, aux yeux de Sylvain qui ne comprenait rien.
Mais il n’eut pas le cœur de la presser pour obtenir des explications. Elle semblait vraiment au bout du rouleau, la pauvre… Alors il attendit, en regardant l’enfant qui n’avait pas conscience du drame, pour ne pas voir la douleur de son ancienne petite amie.
Cette dernière s’assit par terre, les genoux relevés, ses bras les encerclant. Elle ravala ses larmes, suffisamment pour parler à nouveau :
« Je vais essayer de tout t’expliquer… Ça fait trois mois que plus rien ne va. Depuis qu’elle est née, en fait. »
Elle renifla, fit une pause pour respirer, comme elle avait du mal. Sylvain leva la tête, étant déjà en train de calculer mentalement.
« Attends… elle a trois mois ? Emma, c’est qui le père ? »
La susnommée marmonna une réponse que son interlocuteur ne put entendre, alors il lui demanda de répéter.
« C’est toi. »
Il se figea.
Comment ça, « c’est toi » ? Comment pouvait-il être le père, si cela faisait plus de dix mois depuis leur séparation ? Mais il avait fait les calculs, il savait que ça concordait, son cerveau ne voulait juste pas l’assimiler. Il court-circuitait.
« C’est pour ça que mon mec s’est barré, ajouta Emma. Avec la putain de voiture ! »
Sylvain fronça les sourcils.
« Attends, il devait bien savoir que t’étais enceinte quand vous vous êtes mis ensemble, si c’est moi le père… »
Silence. Emma commença à se ronger les ongles.
« J’ai fait un déni. »
Nouveau silence. Heureusement que Sylvain s’était assis…
Emma se leva tout à coup et commença à faire les cent pas, se rongeant toujours les ongles. Son ex compagnon s’apaisa, avec quelques respirations profondes, ne cédant ni à la panique, ni à la colère. Il choisit plutôt la compassion et demanda doucement :
« Pourquoi tu ne m’as pas appelé plus tôt ?
-Je sais pas. C’était compliqué, mon frère était tout le temps chez moi pour m’aider. Mais là il a dû repartir et j’ai personne d’autre pour… pour la garder. Si tu la reconnais pas, je dois la placer. »
Encore une fois, ce fut trop d’informations pour que Sylvain réagisse.
Il baissa les yeux vers la petite chose dans ses bras, qui avait les yeux un peu plus ouverts maintenant et semblait l���observer. Il ne put s’empêcher de lui sourire et de jouer avec une de ses mains, se rendant compte alors qu’il ne connaissait pas son prénom.
« Tu l’as appelée comment ? »
Emma se stoppa dans sa marche furieuse à travers la pièce, surprise.
« Mélissa.
-Coucou Mélissa, gazouilla-t-il à l’intention de l’enfant. »
Emma sourit, un peu rassurée. Elle s’agenouilla devant lui, suppliante.
« Dis-moi que tu vas la garder… »
Elle avait les yeux brillants, les joues mouillées de larmes, Sylvain en avait si mal au cœur en la regardant… Il déglutit et baissa le regard vers la petite qui s’agitait dans ses bras.
« Ok. Je vais la garder. Mais… et toi ? Tu veux pas d’aide pour—
-Pas besoin, le coupa-t-elle. Mes amies vont passer pendant que je serais à l’hôpital. Tout est déjà prévu. Ah… tu peux pas savoir comme je suis soulagée. »
Elle se pencha en arrière, assise sur ses talons, la tête levée vers le plafond. Elle ferma les yeux et pleura encore.
C’était une vision étrange, le soulagement chez un être au bord du gouffre. Emma pleurait encore et Sylvain la contemplait, toujours inquiet, ne sachant pas comment réagir. Tout était bizarre : elle, l’enfant, la situation, quoi, il était père maintenant ? il avait une fille ? mais qu’allait-il en faire ?
L’élever, voilà ce qu’il allait faire. Malgré les doutes, il ne voulait pas revenir en arrière, il lui suffisait d’un regard vers le visage d’ange de sa fille pour être sûr de sa décision. Alors, pendant les derniers jours de liberté d’Emma, avec son aide, il prépara la nouvelle vie de Mélissa. La reconnaissance, pour avoir son nom sur son livret de famille, le changement de nom, pour qu’elle prenne celui de son père, l’installation, l’apprentissage où l’assistance de son ex était bien plus limitée, tout son quotidien était chamboulé et personne ne le savait.
Sylvain se retrouva donc à se lever tôt, un dimanche matin, alors qu’il avait pris congé de son activité avec Pierre Chabrier. Il n’avait pas dit pourquoi. Il se disait que c’était encore trop tôt, que lui devait assimiler l’information avant de la partager. Il lui avait juste dit qu’il avait besoin d’une semaine, promis, pas plus, juste une semaine pour se reposer, il était trop fatigué…
Pierre avait été sceptique, bien sûr, mais avait accepté à contre-cœur. Les tournages allaient être reportés, tant pis. Sylvain en prendrait la responsabilité. Mais il ne travaillait pas, là, il pouvait donc entièrement se concentrer sur le petit rayon de soleil qu’était Mélissa.
Il se leva tôt un dimanche matin, donc, pour donner le biberon. Ce n’était pas le premier, mais c’était toujours un moment qu’il appréciait particulièrement. Comme le coucher, ou lorsqu’il jouait avec elle. Bon, tous les moments, en fait. Sauf un… Il avait eu beaucoup de mal à s’y faire, pour changer ses couches. Il avait toujours du mal, d’ailleurs.
Ce n’était pas sa faute : il était maniaque, et l’idée de toucher quelque chose d’aussi sale le dégoûtait. Mais il prenait sur lui, il avait atteint un niveau professionnel pour changer sa fille rapidement et correctement.
Au-delà de ce désagrément, il y avait tous les moments de joie, nombreux. Les rires, les gazouillis, les débuts de sons, mots désarticulés, les cris de joie qu’elle poussait parfois, ses yeux brillants de plus en plus ouverts sur le monde qu’elle découvre, ses mains agrippant tout ce qui passe…
Mélissa ne pleurait pas tant que ça et faisait plutôt bien ses nuits – des deux, Sylvain restait donc le plus insomniaque. Il arrivait parfois qu’elle éclate en sanglots, évidemment. Et son père, comme iels partageaient la chambre, l’entendait aussitôt.
Une nuit, il se leva, il venait de la nourrir, de la changer, elle n’avait besoin de rien, alors il la berça seulement, à demi-allongé dans le lit, la lampe de chevet comme seule source de lumière. Il était fatigué, mais ça ne changeait pas vraiment de d’habitude.
Sylvain la contempla. Il tenait dans ses mains un corps si fragile, plus fragile que le sien, qui s’assoupissait tout en douceur. Mélissa avait les yeux fermés, sa poitrine se levait et s’abaissait régulièrement, elle respirait calmement, elle s’endormait… et son papa, le pauvre, le cœur fendu en deux, trop sensible pour contenir tout son amour qui n’avait fait que grandir, il pleura. Ce n’était que des larmes qui coulaient, pas de sanglot, heureusement, il aurait eu peur de la réveiller sinon.
Encore quelques minutes et il la déposa dans son berceau, avant d’essuyer ses joues avec un mouchoir. Il avait fait le bon choix, mais il ne savait vraiment, vraiment pas comment annoncer ça aux autres, à Pierre surtout, à ses parents, à sa sœur…
Sylvain tenait souvent sa fille dans ses bras, même s’il ne s’occupait pas vraiment d’elle, mais quand il faisait autre chose. Il aimait tout simplement ça, et elle aussi, à en juger par son calme. Elle était un peu plus turbulente quand elle restait trop longtemps dans son berceau… Il voulait juste l’avoir près de lui, lui parlant de temps en temps – bien qu’il ne fût sûr qu’elle veuille en savoir plus sur sa comptabilité ou sur l’écriture d’un prochain Vultech. Eh oui, il travaillait quand même…
Pierre contacta souvent Sylvain, tout au long de la semaine. Pour des raisons professionnelles, souvent, échangeant sur l’organisation de sa reprise, puisqu’ils avaient un tournage le dimanche même, lui partageant quelques informations, et puis parfois pour discuter et prendre des nouvelles, comme il avait invoqué sa fatigue en tant que raison de son retrait.
Et Sylvain ne lui dit rien, pas un mot sur Mélissa. Parce qu’il n’avait vraiment aucune fichue idée, comment pouvait-il bien annoncer à son meilleur ami qu’il était papa ? Quel mot employer ? Que pouvait-il faire ? Juste lui présenter l’enfant, comme l’avait fait Emma ? Vu sa propre réaction, il n’était pas vraiment sûr que ce soit la chose à faire. Alors il se laissait le temps d’y réfléchir.
Le jeune père prévint sa sœur, en revanche, qui décida de venir rencontrer l’enfant. C’était la première visite que Sylvain reçut depuis que Mélissa était arrivée chez lui. Un mercredi après-midi, tout simplement. Sylvain salua chaleureusement sa sœur, qui lui prêta attention un moment avant de se tourner vers l’enfant. Vexé, le père fit remarquer :
« Je vois que t’étais vraiment impatiente de voir ton frère adoré. Non mais je retiens, Marine, je retiens.
-Oh tais-toi, t’as fait pareil quand je t’ai présenté Malo. J’arrive pas à croire qu’il a une cousine ! s’exclama-t-elle toute heureuse.
-Ah non, ton clebs n’est pas le cousin de ma fille ! s’indigna Sylvain. »
Marine éclata de rire alors que Mélissa tenait fermement son doigt et l’observait avec de grands yeux curieux.
« Si tu veux. En tout cas, j’arrive pas à croire que je suis tata. Coucou Mélissa, comment ça va ? T’es contente de voir tata ? Est-ce que papa t’as parlé de moi ? Tu lui as parlé de moi ? demanda-t-elle finalement en se tournant vers son frère, les sourcils froncés, accusatrice. »
Sylvain éclata de rire à son tour et lui assura que, si, si, il avait bien parlé d’elle à Mélissa. Bizarrement, elle n’y croyait pas.
Le reste de la journée, Marine aida le jeune papa, lui donna quelques conseils supplémentaires, bien qu’elle n’avait pas d’expertise, lui promettant de faire plus de recherches pour lui. C’était son petit frère après tout, elle pouvait bien faire ça pour lui.
La grande sœur avait tout de même une expérience en baby-sitting, qu’elle offrit à Sylvain. Il accepta avec joie. Justement, dimanche…
« Toi et ta manie de bosser le dimanche. Pourquoi vous vous obstinez à organiser vos tournages ce jour-là ?
-Bah, parce que les autres jours, ils bossent dans le garage… répliqua Sylvain.
-Ah oui. Pas con. Bon, eh bien, je viendrais dimanche du coup.
-Merci beaucoup, tu me sauves, la remercia-t-il. »
Il l’enlaça avant de lui dire au revoir.
Dimanche arriva trop vite au goût de Sylvain, qui n’avait pas vu la semaine passer. Il avait quand même réussi à ne pas la finir plus fatigué qu’il ne l’avait commencée, ce qui était une victoire en soit. Il était un petit peu blessé, cependant. Trois fois rien, juste trois doigts.
Mélissa avait réussi à déchirer une de ses peluches en jouant avec, la veille, en l’agrippant alors que son papa la tenait devant elle. Il avait dû la recoudre avec ce qu’il avait, un petit nécessaire de couture qu’il n’avait jamais utilisé…
Et les aiguilles, c’est pointu. Il se la planta tellement dans les doigts qu’il faillit arrêter sous la colère et à cause de la douleur. Il était fragile, lui, il n’était pas fait pour travailler avec ses mains. Mais il alla au bout de sa mission, parce que Mélissa pleurait l’absence de sa peluche préférée et il ne pouvait pas lui dire non. De toute façon, il n’était pas sûr qu’elle comprenne ce que ça voulait dire à bientôt quatre mois.
Sauf que voilà, certaines manipulations avaient laissé des entailles plus profondes, et il avait dû panser son pouce, son index et son majeur pour éviter une infection. Ces pansements, Marine les refit le dimanche matin, avant qu’il ne parte en tournage.
« T’es sûr que c’est une seule aiguille qui t’a fait tout ça ? Tu t’es pas raté, bosseigne, le plaignit-elle.
-Oui, mais à ma décharge maman m’a jamais appris à coudre, se défendit-il.
-A moi non plus et je me charcute pas dès qu’on me met une aiguille dans les mains, répliqua Marine. Arrête de bouger. »
Elle tapa un peu fort sa main et il grimaça mais obéit, essayant de stabiliser sa main.
Marine finit le pansement, mais ne lâcha pas la main de son frère pour autant, la caressant doucement, les yeux dans le vague. Elle réfléchissait, Sylvain ne savait pas à quoi. Il resta silencieux, l’observant, attendant qu’elle parle, quand enfin :
« Tu vas le dire quand aux parents ? Ils vont vouloir voir leur petite-fille…
-Je sais pas. J’aimerais le dire à Pierre avant, avoua Sylvain. Et après organiser la rencontre avec les parents. Peut-être que je pourrais les inviter un week-end ? »
Marine soupira et lâcha sa main, se redressant.
Comme Mélissa commençait à gesticuler là où elle était allongée, sa tante la prit dans ses bras et la fit sautiller contre son flanc. Sylvain sourit dès qu’il la vit et caressa sa joue, la chatouillant doucement.
« Et tu comptes le dire quand à Pierre ? reprit-elle avec un ton de reproches.
-La semaine prochaine, soupira Sylvain, abandonnant son sourire. Je peux pas lui cacher ça plus longtemps… On a une réunion à deux chez lui…
-Je garderais pas la petite. Tu la prendras avec toi et comme ça tu lui diras et tu lui présenteras en même temps, hein ? »
Marine n’avait aucun remords à le forcer ainsi, à le brusquer. Elle savait qu’il avait besoin de ça pour continuer à avancer, alors… Sylvain hocha la tête, les yeux rivés sur son enfant qui semblait vouloir mâchonner ses doigts.
Le jeune père regarda l’heure et se leva immédiatement, récupérant sa veste et son sac.
« Allez, je dois y aller, je vais être en retard sinon. Merci de la garder Ririne, je te revaudrais ça !
-Ouais, c’est ça, file, répliqua la susnommée avec un faux air ennuyé, lui adressant quand même un sourire. »
Il embrassa le crâne de sa fille, qui ne comprenait pas grand-chose, et disparut derrière la porte.
Sylvain arriva presque à l’heure au garage. Pierre était déjà à l’intérieur, en train de mettre en place la caméra.
« Eh bah enfin ! s’exclama-t-il, un peu amer, en lui lançant un bref regard. Déjà que monsieur se prend des vacances surprises d’une semaine, en plus il arrive en retard pour sa rentrée !
-T’exagères, je suis pas si en retard que ça. Et c’était pas des vacances, hein. »
Pierre marmonna quelque chose en réponse tandis que Sylvain allait poser ses affaires dans la pièce à côté.
« Je vais me faire un café, signala-t-il. »
Et son collègue ne répondit pas. Super ambiance…
Sylvain récupéra son café et s’approcha de la porte, mais il fut stoppé par Pierre, qui était là.
« Je vais prendre un truc aussi. Assis-toi, lança-t-il avec un peu plus de douceur. »
Il avait l’air frustré, mais pourquoi ? Ce n’était pas la première fois que son ami arrivait en retard, et il avait justifié ses congés.
Sylvain s’assit et Pierre le rejoignit avec une boisson et un soupir. Pendant quelques secondes, aucun mot ne sortit de leurs deux bouches.
« Pourquoi t’as pris ces congés ? se lança enfin Pierre.
-Je t’ai dit, raison familiale.
-Et tu peux pas m’en dire plus ? »
Pierre leva les yeux vers lui et son ami comprit. C’était l’inquiétude qui le rendait si sarcastique. Ah… Sylvain trouvait presque ça mignon. Il sourit doucement.
« On en reparlera pendant notre réunion, ok ? C’est fait pour ça. »
Pierre hocha la tête, pas satisfait pour un sous, mais il ne dit rien de plus.
Son regard glissa vers les mains de Sylvain et il remarqua les bandages. Il fronça les sourcils, les pointant du doigt.
« Qu’est-ce que tu t’es fait encore ? T’as essayé de resouder ton PC ? De réparer ta plomberie ? De décatalyser toi-même ta caisse ? Te connaissant, peut-être les trois, blagua-t-il pour détendre l’atmosphère. »
Et Sylvain rit, un rire un peu fatigué, en levant sa main pour l’observer.
« Non, je me suis coupé en cuisinant, mentit-il.
-Bordel, tu t’es pas raté, le plaignit Pierre, y croyant. »
Son ami hocha la tête en finissant son café.
Quelques minutes après, le tournage était lancé et l’ambiance était redevenue normale entre eux. Ça faisait du bien à Sylvain, de reprendre son activité et de retrouver Pierre. Même si, il devait se l’avouer, Mélissa lui manquait un peu… C’était difficile de ne rien dire à son meilleur ami, mais non, il ne pouvait pas, il avait passé tout le trajet à imaginer un scénario de rencontre entre les deux qui lui convenait, alors il allait s’y tenir.
Les deux hommes se séparèrent dans l’après-midi, après avoir déjeuné ensemble, et Pierre insista sur son désir de savoir ce qui avait tenu l’autre loin de son travail, qu’il ne pourra pas se défiler pendant leur réunion. Sylvain rit, lui assura qu’il saura tout, et partit de son côté rejoindre sa fille.
Marine l’accueillit avec soulagement, son frère le vit dès qu’elle lui ouvrit la porte.
« Ta fille a pas arrêté de pleurer dès que t’es parti, se plaignit-elle immédiatement. Elle s’est seulement calmé quand je lui ai donné sa peluche… Là elle dort, ne va pas la réveiller. »
Elle pointa un doigt accusateur vers le père, qui sourit seulement en retour.
« J’ai dû lui manquer.
-Clairement. Elle est déjà très attachée à toi, fit remarquer Marine. »
Et le sourire de Sylvain s’élargit. C’était réciproque, il était très attaché à Mélissa… Trop attaché, certains diraient, mais il n’en avait rien à faire. Elle était le soleil de sa vie depuis qu’elle était arrivée.
Sylvain remercia sa sœur et la laissa partir pour qu’elle puisse se reposer. Il allait prendre le relais. Enfin, pour l’instant, il allait surtout laisser son bébé dormir, et peut-être qu’il pourrait faire deux-trois parties de Warzone en attendant…
Le jeune papa joua alors en attendant que sa fille se réveille, ce qu’elle fit après cinq parties. Il arrêta donc le jeu et rejoignit la chambre, où elle dormait. Enfin, elle pleurait maintenant, et il grimaça un peu aux sons stridents, mais ça ne l’empêcha pas d’approcher et de la prendre dans ses bras.
« Tu dois avoir faim ma chérie, lui dit-il quand même elle ne comprenait rien, on va te préparer un biberon, hein ? »
La tenant fermement contre son flanc, il l’emmena dans la cuisine, où il prépara le biberon sous les yeux fatigués et à peine ouverts de la gamine qui geignait faiblement.
Avec une seule main, c’était compliqué, mais il s’en sortait. Sylvain le laissa chauffer, puis testa la température sur sa peau. Comme elle était suffisante, il s’installa dans le canapé pour lui donner. Mélissa agrippa le récipient en buvant avec application sous le regard adorateur de son père. Il s’en fichait que ce soit salissant, il s’en fichait que ça puisse être fatiguant, il aimait juste contempler l’enfant apprendre de nouvelles choses et sa simple existence le remplissait de joie maintenant, après trois mois à ignorer son existence.
Une fois que la gamine fut rassasiée, il la garda contre lui, jouant avec elle et lui parlant. Il essayait de garder un registre normal, parce que Marine lui avait dit que c’était mieux, et discutait souvent avec elle. Enfin, il jacassait tout seul, quoi. Mais Mélissa savait très bien écouter !
« Regarde-toi, Pierre pourra pas m’en vouloir quand il te verra. T’es trop mignonne, il va juste tomber en adoration lui aussi. »
Et comme il s’était mis à la chatouiller, elle éclata de rire. Un rire de bébé, un peu dissonant, sans contrôle aucun des cordes vocales, mais terriblement beau et sincère. Sylvain adorait l’entendre, ça et ses babillements récents.
Sylvain passa les jours suivant à travailler de chez lui et à s’occuper de sa fille. Il commençait à tenir un bon rythme, à trouver de nouvelles habitudes dans son quotidien renversé. Ce n’était pas simple, il se sentait beaucoup perdu, très stressé, un peu mauvais, mais Marine venait l’aider un jour sur deux à peu près, après le boulot.
Pierre commençait à se douter de quelque chose, son ami le savait. Oh, il ne comprenait certainement pas à quel point sa vie avait changé en si peu de temps, mais il y avait de nombreux indices d’un quotidien perturbé.
Et l’ultime indice, Sylvain était sur le point de lui donner en la forme d’un bébé de cinq kilos qu’il porterait dans ses bras. Il était maintenant garé devant chez lui, le siège auto juste à côté sur le siège passager, Mélissa à moitié endormie dedans. Il la réveilla avec des caresses sur les joues, jouant avec ses petites mains, essayant surtout de reculer le moment fatidique. Le sourire de l’enfant était si radieux, et la façon qu’elle avait de gesticuler… Il était vraiment sous le charme, Pierre le charrierait s’il le voyait.
En parlant de lui, Pierre se tenait dans l’encadrement de la porte d’entrée, observant la voiture garée devant chez lui, attendant que son propriétaire en sorte… ce qu’il fit. Mais au lieu de le rejoindre directement, il fit le tour de la voiture et ouvrit la portière côté passager, se penchant à l’intérieur. Il était fébrile, ses mains tremblant doucement, mais ça ne l’empêcha pas de saisir Mélissa et de la tenir contre sa poitrine. Il ferma la portière et rejoignit son collègue en évitant soigneusement son regard.
Sylvain passa devant l’autre homme, s’apprêta à rentrer, mais fut arrêté par une main attrapant sa manche. Il se stoppa, déglutit et se retourna au son de la voix de son ami :
« Sylvain ? C’est qui ? »
Il pointa l’enfant, une espèce de panique dans le regard.
« Mélissa, répliqua l’autre. On peut rentrer se poser et je t’explique ? »
Pierre resta bouche bée, les yeux rivés sur la gamine.
Son ami entra et il le suivit précipitamment, refermant la porte en la claquant. Ça ne plut pas le moins du monde à Mélissa qui en fut effrayée et se mit à geindre.
« Merde ! Pardon ! s’excusa Pierre qui ne savait comment réagir.
-C’est pas grave, mais évite les gros mots s’il te plaît, lui demanda poliment Sylvain. »
Il consolait déjà sa fille, avec des mots rassurants et des sautillements pour la bercer. Pierre l’observa faire, abasourdi. Il n’arrivait pas à réfléchir parce que bordel, pourquoi son meilleur ami tenait-il une enfant ?
« Elle est à qui ? demanda-t-il finalement. Tu la gardes pour quelqu’un ? »
Ah, voilà les questions qui fâchaient.
Sylvain ne répondit pas tout de suite. Il s’assit dans le canapé en saluant Oslo, le chien de Pierre, et en l’éloignant du bébé qu’il essayait de saluer avec l’excitation propre aux canidés. Il faisait exprès de se concentrer dessus et pas sur l’autre homme, parce qu’il était complètement paniqué et avait oublié tout ce qu’il avait préparé pour ce moment.
Pierre comprit le message et éloigna son chien, jouant avec pour dépenser son énergie avant de le faire sortir quelques minutes plus tard. Puis il s’assit à côté de Sylvain et observa l’enfant, qui tourna son regard marron vers lui, découvrant cet inconnu pour la première fois.
« Sylvain, elle est à qui ? répéta-t-il en tournant le regard vers son homologue. »
Ce dernier lui jeta enfin un regard en se mordant l’intérieur des joues. Il croisa deux yeux durs, qui réclamaient une réponse rapide, alors il soupira et obéit :
« C’est ma fille… Écoute, attends, je vais t’expliquer, le coupa-t-il avant qu’il n’explose, parce qu’il le sentait venir. C’est mon ex qui a accouché, il y a presque quatre mois. Elle m’avait rien dit parce qu’elle avait refait sa vie mais ça s’est mal passé. Elle pouvait pas la garder, alors elle m’a appelé en dernier recours.
-Sympa de te refiler la patate chaude après te l’avoir cachée pendant des mois, commenta sarcastiquement Pierre. »
Mais il se prit un regard énervé de Sylvain, qui le reprit :
« Je lui en veux pas, elle a fait ce qu’elle a pu, alors ferme-la si t’as envie de l’insulter. C’est mieux que de dire des conneries. »
Sa voix était ferme et n’acceptait aucune contradiction. Son ami l’avait rarement vu ainsi.
Pierre baissa les yeux, peu fier, mais les releva en entendant la voix de Mélissa. Elle tendait une main vers lui. Il la prit tout doucement, avec un petit sourire, en silence, et il laissa l’enfant serrer son index. Elle avait des mains si petites, et déjà si fortes à en juger par la pression qu’elle exerçait sur lui. Il rit doucement, retenant une blague – il sentait toujours l’énervement de Sylvain, ce n’était pas le moment. Il devait plutôt s’excuser.
« Pardon. Je voulais pas l’insulter… mais quand même, de ce que je comprends tu es seul, comment tu fais ? »
Et Sylvain comprit que c’était de l’inquiétude, mal communiquée certes.
Avant de répondre, le jeune papa attira l’attention de sa fille en l’appela et en caressant son visage avec son pouce.
« Emma aussi l’a élevée seule un temps, après s’être fait larguée dans une relation abusive. Elle en a fait une dépression… Elle me l’a confiée pour l’aider. »
L’émotion s’était incrustée au fond de sa voix et avait noué sa gorge. Pierre resta silencieux, toujours plus honteux, en comprenant peu à peu l’histoire. Il laissa son ami vider son sac.
« On a pas mal discuté, pendant qu’on préparait les papiers. J’ai été la reconnaître et changer son nom, pour qu’elle ait le mien. Emma ne veut plus rien avoir à faire avec elle pour l’instant, elle est à l’hôpital. Ça a juste été une très mauvaise expérience pour elle, mais pas à cause de Mélissa. Elle voulait l’épargner justement… »
Pierre hocha la tête et se rapprocha de Sylvain, les yeux toujours fixés sur le bébé qui souriait et riait aux grimaces de son père.
Ça le calmait, le pauvre Sylvain, d’interagir avec sa fille sans prêter attention au monde autour. Tout était tellement stressant et elle, elle était là, juste contente de le voir. Son cœur à lui battait trop fort, ses mains étaient trop moites, ses nerfs trop à vif. Il avait juste envie de pleurer, mais de quelle émotion ? Il n’en était même pas sûr. Tout ça le rendait triste, heureux, frustré et en colère, le dégoûtait et le réjouissait, il aimait Mélissa et détestait ce qui était arrivé à Emma, il avait peur de ne pas réussir comme elle…
« Je peux la prendre ? »
Pierre avait suivi le fil de ses pensées à travers la crispation de ses mains et l’inconfort du bébé, dont le visage se tordait, dont les cordes vocales poussaient de petits sons plaintifs… Sylvain la relâcha en s’en rendant compte et laissa son ami la prendre sur ses genoux, la suivant du regard.
Pierre savait s’y prendre avec les enfants. Il y en avait dans sa famille, qu’il voyait souvent et dont il s’occupait. Sylvain n’avait aucun doute sur ses capacités, non. C’était de lui qu’il doutait, de ses capacités. Il aurait pu blesser Mélissa, à s’aventurer dans ses pensées les moins joyeuses ainsi.
« Je suis désolé de pas avoir ��té là, reprit finalement Pierre, peiné. Mon pauvre, t’as l’air d’avoir accumulé plus de stress qu’autre chose…
-Je suis un peu stressé, ouais, acquiesça son interlocuteur en se rongeant les ongles, recroquevillé maintenant que ses bras étaient libres. »
Il avait l’air si frêle comme ça, se dit Pierre. Comment pouvait-il être papa ? Avoir la force de s’occuper seul de cette terreur sans voler en éclats ? Ça le dépassait et le fascinait tout à la fois. Et plus il regardait cette petite, si angélique, plus il interagissait avec elle, la faisait rire et sourire avec des chatouilles et des jeux, plus il entendait sa voix naissante et ses yeux éveillés, plus la certitude grandissait en lui : il devait aider Sylvain. Il ne pouvait pas le laisser seul dans cette aventure, ça le briserait.
« Tu as de l’aide ? demanda-t-il alors.
-Marine vient m’aider de temps en temps, mais elle pourra pas continuer longtemps. M’enfin, c’est sa nièce, mais ça demande trop de boulot et c’est pas son rôle d’être un co-parent ou je sais pas quoi… »
Et il se recroquevilla un peu plus sur lui-même, croisant les jambes.
Sylvain était tout de même embarrassé de demander autant d’aide à sa sœur, qui n’avait rien demandé et n’habitait pas la porte à côté non plus. Elle avait un foyer, elle aussi, un travail, des obligations, des responsabilités… Il se sentait mal de lui en réclamer autant, même s’il ne l’avait jamais forcée.
« Je vais t’aider, lança Pierre avec un sourire, comme si ce n’était rien. Elle a besoin d’adultes autour d’elle. »
Il souriait parce que Mélissa venait d’attraper sa barbe. Elle faisait cela de plus en plus souvent, attraper tout ce qu’il y avait à sa portée, et apparemment ça faisait rire le porteur de ladite barbe.
Sylvain regarda Pierre tout à coup, étonné. Il se demanda un instant s’il avait bien entendu, si ce n’était pas son cerveau angoissé qui venait de lui jouer un tour, mais non, Pierre était en train de jouer avec sa fille et venait de lui proposer de l’élever avec lui. Enfin, de l’aider à cela. Il ne fallait pas qu’il surinterprète.
« Tu ferais ça ? demanda-t-il d’une petite voix. Enfin, je veux pas t’embêter, t’habites pas à côté de chez moi non plus…
-Vous pourriez venir passer une ou deux nuits chez tonton Pierrot, elle pourra même avoir sa propre chambre ! proposa-t-il avec entrain. »
Et alors Sylvain éclata de rire, parce que c’était absurde, parce que c’était émouvant, parce que ça lui faisait du bien.
Pierre ne comprit pas et lui lança un regard interrogateur alors que son ami riait aux éclats à côté de lui, se tenant le ventre.
« Ecoute toi, « tonton Pierrot », tu viens à peine d’apprendre que j’ai une fille et t’es déjà à fond. »
Ses rires cessèrent peu à peu et il tomba contre le dossier du canapé, avachi. Pierre s’écarta pour pouvoir se tourner vers lui, un sourire coupable sur le visage.
« Oui bah c’est pas ma faute, elle est trop mignonne aussi !
-Je sais, moi non plus j’ai pas pu résister, répliqua-t-il avec un sourire mi-fatigué mi-épanoui. »
Il passait d’une émotion à l’autre à la seconde, ce qui attira l’attention de Pierre et l’inquiéta. Il ne l’avait jamais vu aussi fatigué…
Pierre tourna la question dans sa tête, peu sûr de la formulation, de la manière dont elle sera accueillie, avant de se décider :
« Comment tu tiens le coup, moralement ? »
Sylvain se redressa, surpris, et observa son ami avec des yeux hagards. Puis son regard tomba sur Mélissa, qui jouait avec les lunettes de Pierre, laissant plein de petites traces de doigts sur les verres. Il lui retira de la bouche quand elle essaya de les mâchouiller avec un petit rire.
« Je sais pas, honnêtement, répondit-il finalement. Aucune idée. Marine m’aide mais… je suis un peu d’accord, c’est pas une bonne idée de me laisser l’élever seul. »
Son interlocuteur lui lança un regard peiné, entre inquiétude et tendresse, et posa une main sur son épaule.
« Je vais t’aider. »
C’était une affirmation qui n’appelait aucune contestation. Sylvain n’en avait pas la force de toute façon.
Celui-ci se laissa tomber contre le flanc de son ami, les yeux fixés sur l’enfant toute heureuse d’avoir un nouveau compagnon de jeu. La main de Pierre glissa vers son autre épaule, il l’enlaça en silence, tenant toujours la petite de son autre main.
« Merci, murmura Sylvain au bout d’un moment. Merci beaucoup Pierre. »
Le susnommé caressa son bras doucement, voulant le rassurer. Il pouvait sentir son anxiété paternelle d’ici et il le comprenait. Il n’avait jamais pu se préparer à avoir un enfant dans les bras, il avait été lâché dans la cage aux lions, comme ça, seul, et il ne revenait qu’à lui d’assurer. Plus maintenant. Pierre était entré dans l’arène, prêt à le rejoindre dans la galère.
Plongé dans ses pensées, alors que Mélissa essayait en vain d’attraper son pull, il se mit à réfléchir. Oh, pas à grand-chose, des pensées pragmatiques avant tout à propos du bébé qu’il tenait. Puis il brisa le silence, s’adressant au papa qui somnolait :
« Mais t’as pas de baignoire, chez toi… Comment tu fais pour le bain ? »
Sylvain marmonna quelque chose et se frotta les yeux. Il bâilla, s’étira un peu, prit son temps pour comprendre la question avant de répondre :
« Avec Marine, on a trouvé une bassine. C’est pas l’idéal mais ça aide.
-Si tu veux lui donner le bain dans ma baignoire, y’a pas de soucis, hein. »
Le papa leva la tête vers lui, s’écartant légèrement pour ne pas être trop prêt, un petit sourire sur le visage.
« Merci. »
Pierre ne put s’empêcher de rire, voyant bien sur le visage de son ami l’étendue de sa fatigue. Il ne pouvait pas le laisser comme ça.
Pierre retira son bras des épaules de Sylvain, qui aurait bien voulu que le contact se prolonge pourtant, et redressa Mélissa contre lui. Elle put enfin attraper le tissu tant convoité, et l’agrippa donc de toutes ses forces de bébé.
« Va faire la sieste, je m’occupe d’elle, lança Pierre à son homologue. »
Ce dernier ne réagit pas tout de suite, se frottant encore les yeux. Le coup de barre était terrible pour lui.
« Tu as mis ses affaires où ? insista Pierre avec un sourire en coin.
-Elles sont restées dans la voiture, je crois. J’y vais. »
Réagissant enfin, Sylvain se leva et sortit de la maison. Pierre se retrouva seul avec la petite fille.
Mélissa tenait toujours fermement le pull de l’homme, il le sentit quand il essaya de la changer de position. Elle protesta d’ailleurs avec un petit cri, comme si elle allait se mettre à pleurer, alors il la garda contre sa poitrine, tenant sa nuque et son dos, appliquant des petites caresses du pouce.
« Hey, il faudra que tu me lâches un jour, tu sais. Je vais devoir te rendre à ton papa, quand il aura fini sa sieste… »
Il ne parlait pas très fort, comme s’il allait blesser les oreilles délicates de l’enfant avec sa voix, et joua la déception sur la dernière phrase. Elle lui répondit par un son, sûrement involontaire.
Pas découragé par son début de discussion avec Mélissa, il réessaya de la changer de position, parce qu’elle lui faisait mal comme elle était. Elle geignit encore, moins fort, et il aperçut une grimace sur son visage.
« Hey, ça va aller, y’a pas à pleurer comme ça ! Je vais te laisser me le déformer, mon pull, mais tu pèses sur ma jambe là. Ton papa te nourrit bien. »
Il la cala de nouveau contre lui, contre sa poitrine, et elle s’apaisa. Il souffla, rassuré qu’elle ne se mette pas à pleurer.
Sylvain entra de nouveau, un sac à la main, le siège auto dans l’autre, et posa le tout à côté du canapé. Il regarda Mélissa et Pierre, juste un instant, attendri.
« Je vois que ça se passe bien ici.
-Ouais, plus besoin de toi, répliqua Pierre. Tu peux aller te coucher. »
Il avait gardé un peu de mesquinerie dans sa voix, mais il était sérieux : il voulait qu’il se repose.
« Mais… et la réunion ? demanda le pauvre homme d’une petite voix.
-On la fera quand tu seras capable d’ouvrir les yeux plus de cinq minutes. Prends mon lit, celui de la chambre d’ami n’est pas fait. »
Sylvain resta figé quelques secondes, les yeux plongés dans ceux de Pierre, le temps que l’information monte à son cerveau. Il acquiesça doucement et se pencha pour embrasser le crâne de Mélissa. Celle-ci leva la tête et lâcha enfin le pull de Pierre, claquant sa main contre la joue de son père.
« Doucement Mélou, rit-il doucement en attrapant sa main. »
Il la caressa doucement, ne la lâchant pas du regard avec un grand sourire.
Pierre le laissa faire avant de le repousser doucement, d’une main. Il ne plia pas face à l’expression indignée de son ami.
« Tu m’éloignes de ma fille ?!
-Oui, va te coucher, ordonna-t-il avec un peu plus d’autorité.
-Je savais que t’allais me la voler ! Sal- méchant ! se corrigea-t-il de justesse. »
Ils éclatèrent tous les deux de rire, avant que Pierre ne lui fasse une nouvelle fois signe de partir.
Sylvain obéit enfin, non sans soupirer. Il adressa un dernier au revoir à sa fille – décidemment, il avait du mal à la quitter – puis à Pierre, et sortit de la pièce. Il longea le couloir jusqu’à la chambre de son ami, y entra, retira seulement son jean. Enfin, il put se glisser dans les draps, le cœur battant un peu trop fort. Maintenant qu’il était seul, son cerveau ne pensait qu’à l’acceptation si facile et rapide de Pierre, à sa volonté d’aide, à sa détermination. Il lui en était redevable, ça le rendait plus heureux que jamais, plus serein aussi. Il se sentait mieux et pouvait maintenant dormir sur ses deux oreilles… s’endormir fut rarement aussi simple.
Pierre fit rentrer son chien, qui était allongé près de la baie vitrée, et lui présenta l’enfant maintenant qu’il était plus calme. Il essaye à nouveau de la lécher, ce qui fit bien rire Mélissa, mais le maître le disciplina un peu. Ce n’était pas sa fille, il voulait faire attention…
L’homme se rassit dans le canapé ensuite, au fond, et se mit à jouer avec Mélissa. Oslo grimpa sur le canapé à côté d’elleux et les observa, assis, alerte. Pierre avait rarement vu son chien ainsi. Quand la petite bougeait un peu trop, qu’elle versait d’un côté ou de l’autre, l’animal avait des sursauts ou avancer le museau, sans vraiment la toucher. C’était fascinant à observer pour l’adulte, surtout en sachant son chien jeune et particulièrement énergique.
Après quelques dizaines de minutes de jeu, Mélissa commença à montrer des signes de fatigue. Pierre le comprit facilement et, la tenant allongée dans ses bras, il se leva pour la bercer en faisant les cent pas dans la pièce.
« Eh bien, comme ton papa, hein ? Allez, tu vas faire un gros dodo… »
Il avait une voix douce, un peu plus aiguë qu’habituellement, le même timbre que lorsqu’il parlait à Oslo, mais avec une intonation moins enjouée.
« Bon, faudra m’excuser, j’ai que ton siège auto pour te laisser dormir, monologua-t-il. Mais promis, je vais corriger ça. Tu verras, tu seras super bien dans la deuxième chambre. Et puis t’auras de la place, hein. Oh et puis m- mince, je vais te garder dans le salon pour aujourd’hui. Ton père va me chier une pendule s’il remarque que je t’ai laissée seule, je pense. Puis bon, je veux pas que quoique ce soit t’arrives. Tu vas faire la sieste avec tonton Pierrot, du coup, ça te va ? De toute façon, t’as pas ton mot à dire, comme ça c’est réglé… »
Il sourit à la fin de sa tirade : Mélissa s’était endormie au son de sa voix.
Pierre la déposa donc dans le siège auto, qu’il garda à terre, au pied du canapé. Oslo se déplaça immédiatement, quittant les coussins moelleux pour la dureté du sol, s’allongeant en boule juste à côté de l’enfant. Son maître ne put s’empêcher de sourire en voyant la loyauté de l’animal envers Mélissa. Rien ne pouvait arriver à cette gamine, avec cette protection.
L’homme s’installa devant la télévision et l’allumant, vérifiant brièvement que ça ne réveillait en rien Mélissa. Et pendant que l’appareil fonctionnait, il traina sur son téléphone, pendant une heure environ. Après quoi, il entendit du mouvement à ses pieds et remarqua que le bébé était réveillé et avait déjà la bougeotte.
Pierre sortit la petite de son siège et la tint contre lui à nouveau. Il se leva ensuite, soucieux.
« Je crois qu’il y a un truc à changer, là. Enfin, je le sens, précisa-t-il. »
Il récupéra le sac de Sylvain et se rendit dans la salle de bain pour changer Mélissa. Ce n’était pas la première fois qu’il s’occupait d’un bébé, aussi il n’eut pas besoin d’aide ou de mode d’emploi et l’affaire fut pliée en peu de temps…
Mais Mélissa n’était toujours pas à l’aise, et elle le fit savoir, geignant à nouveau. Ce n’était pas des pleurs et Pierre en était reconnaissant, il ne voulait pas que Sylvain se réveille. Il essaya de la faire sautiller dans ses bras, pour la calmer, se demandant quelle était la raison de son inconfort. Et puis il vit dans le sac un biberon et comprit : elle était sûrement affamée, la pauvre…
Pierre amena le nécessaire dans la cuisine et déposa Mélissa dans son siège le temps de préparer son biberon. Elle ne cessa pas de geindre, même quand Oslo s’approcha curieusement d’elle, penchant la tête sur le côté en l’observant. L’homme essaya de se dépêcher, de préparer le biberon avant que les pleurs n’éclatent – ce qui était stressant, comme une minuterie incontrôlable. Si Sylvain vivait cela au quotidien, pas étonnant qu’il fût aussi crevé.
Enfin, Mélissa put se nourrir, prostrée dans les bras de Pierre, recevant le biberon de sa main. Elle se calma rapidement au contact du liquide et ne voulait plus lâcher la tétine, au grand dam de celui qui s’occupait d’elle et qui voulait éviter un renvoi. Il ne savait pas comment son émétophobie y réagirait, sinon.
Finalement, il n’y eut pas de problème et Pierre put nettoyer ce qu’il avait utilisé avant de récupérer la petite dans ses bras, jouant avec elle, lui souriant, faisant des grimaces… Elle était toute joyeuse et riait, agitant ses petits bras. Oh, comme il aimait s’occuper d’elle…
Peu de temps après, Sylvain émergea enfin du couloir, ayant fini sa sieste. Ses yeux étaient toujours cernés, ses paupières à peine ouvertes, et ses cheveux étaient en bataille. Il n’avait pas l’air d’aller beaucoup mieux qu’avant ses presque deux heures de repos.
Son ami retint un rire en le voyant arriver, remarquant les traces du tissu sur sa peau rougie et son air endormi.
« Eh bien, regarde qui voilà Mélissa ? C’est ton papa qui s’est réveillé ! Enfin, presque… »
Sylvain s’assit à côté d’elleux sur le canapé, frottant ses yeux.
« Pu—rée Pierre, je suis désolé, ça a vachement retardé notre réunion… s’excusa-t-il d’une petite voix. »
Il bâilla et s’étira vers l’avant.
En entendant la voix de son père, Mélissa se tourna vers lui et tendit une de ses mains, cherchant son contact. Il ne le remarqua pas comme il était encore en train de se réveiller, alors Pierre réagit :
« Sylvain, ta gamine veut aller dans tes bras. »
Le susnommé ne put s’empêcher de sourire à l’entente de la phrase avec un peu d’émotion. Il avait décidément du mal à s’y faire. Pas grave, ça le rendait tellement heureux de toute façon…
Sylvain passa ses mains sur celles de Pierre et souleva l’enfant. L’autre homme accompagna le geste, pour la sécurité du bébé, et ne la lâcha que lorsqu’il fut sûr de la poigne du père.
« Elle a mangé et je l’ai changée, l’informa Pierre.
-Oh c’est vrai ? demanda son ami avec étonnement, sa voix partant dans les aigus. Merci Pierrot, t’es le meilleur. T’as pas trop galéré à trouver tout ce qui te fallait ? »
Tout en parlant, Sylvain installa confortablement Mélissa sur ses genoux.
Celle-ci se mit à agripper son visage et jouer avec, rigolant par moment quand il réagissait par des grimaces. Pierre les observa avec tendresse et un petit brin de fierté, de voir son meilleur ami devenir un si bon père.
« Nickel, c’était pas trop compliqué non plus. Je sais fouiller tu sais !
-Ah ouais, ça fouille dans mes affaires persos pendant que je pionce, blagua Sylvain. »
Ils rirent puis son interlocuteur se défendit :
« Ça va, on partage déjà plein de trucs ! Genre un bébé… »
Il pointa Mélissa avec un rire, mais son ami devint plus sérieux tout à coup, un peu pensif.
Pierre s’inquiéta du silence soudain. Est-ce qu’il avait fait une connerie en s’appropriant déjà le gardiennage de Mélissa ? Sylvain venait de lui dire après tout…
« Désolé, c’est toujours ta fille, je suis pas en train de dire que je suis le p—
-Non, c’est pas ça, le coupa Sylvain une fois sorti de ses pensées. Ça me fait juste un peu bizarre de me dire que j’ai une fille, et en même temps je suis pas tout seul. J’ai tellement redouté de te le dire et tu l’as tellement vite acceptée… »
Il eut un sourire humide, comme s’il était prêt à pleurer, alors Pierre l’enlaça pour l’en empêcher – il pourrait bien pleurer aussi. Faire dans le sentimentalisme à son réveil avait été une mauvaise idée, ajouta Pierre dans ses pensées avec une grimace, il était encore plus vulnérable.
Les hommes se quittèrent peu de temps après, parce qu’il faisait nui et tant pis pour cette réunion. Mais la séparation ne fut pas longue : deux jours plus tard, Sylvain revint chez son ami avec tout le nécessaire de bain de Mélissa. Il était vrai que la bassine achetée d’abord devenait trop petite, l’enfant n’était pas confortable dedans, il lui fallait le grand bain…
Pierre les accueillit avec joie, jouant avec Mélissa pendant que son père mettait tout en place dans la salle de bain. Il était debout dans le couloir, face à la petite pièce, Oslo en chien de garde à ses pieds.
« C’est bon. Pas trop chaud, pas trop froid… lança-t-il en secouant sa main qu’il venait de plonger dans l’eau. Tu me l’amènes ? »
Pierre acquiesça en enjamba le chien et déposa l’enfant dans les bras de son père, tout en douceur.
« Voilà, je te la laisse et je vais préparer l’apéro en attendant ! s’exclama Pierre avec un petit sourire en coin. »
Il se doutait que ce genre de choses était étranger au nouveau quotidien de son ami. Mais il avait besoin de se détendre, enfin ! Il quitta donc la pièce, laissant Sylvain donner le bain à Mélissa.
Oslo resta devant la porte de la salle de bain, pleurant pour rentrer – ce à quoi Pierre consentit quand il eut l’aval de l’autre homme. Et il retourna dans sa cuisine préparer cet apéritif promis.
Oslo s’assit derrière Sylvain, l’observant ainsi que Mélissa. Il l’avait déjà déshabillée et il commença à la plonger dans l’eau, pas très haute et un peu mousseuse. La petite gazouillait, toute heureuse de pouvoir toucher la mousse et taper dedans avec de grands gestes imprécis qui éclaboussaient son père.
« Mélou, ma chérie, tu me fous mon t-shirt en l’air là… »
Mais elle ne comprenait rien, la petite Mélou, alors elle continuait tout en riant, et Sylvain ne put s’empêcher de la rejoindre dans son hilarité.
Il se décida à enlever son haut au bout d’un moment. Il était trop mouillé, lui collait à la peau, il n’aimait pas ça… Une fois torse nu, il reprit sa besogne, à savoir laver sa fille qui ne se laissait décidément pas faire. Elle gigotait dans tous les sens, essayait de se déplacer même si elle ne savait pas encore comment faire, attrapait tout ce qui lui passait sous la main…
Le bain fut donc long, très long. Sylvain fut seulement fier d’avoir évité la catastrophe et qu’il n’y ait pas trop d’eau sur le sol. Il sortit Mélissa de la baignoire et l’enroula rapidement dans une serviette qui avait attendu sur le radiateur de la salle de bain, pour qu’elle soit suffisamment chaude. Il avait trop peur qu’elle attrape froid…
Sylvain sécha donc sa fille minutieusement, veillant à ne pas irriter sa peau si douce, la faisant rire de temps en temps juste comme ça, pour entendre les éclats stridents encore une fois. Elle ne contrôlait pas ses cordes vocales, et c’était sûrement le plus adorable dans tout ça… Il s’était assis sur les toilettes dont la lunette était fermée pour cela, gardant l’enfant sur ses cuisses.
Il prit son temps, parce qu’il aimait bien la voir sourire, emmaillotée dans une serviette, avant de lui enfiler son pyjama. Oh, il était bien trop fan de sa propre fille… Mais il n’en avait rien à faire. Elle lui apportait trop de joie pour ne pas l’aimer inconditionnellement.
Le père dut bien habiller l’enfant, au bout d’un moment. Il le vêtit d’un pyjama simple bicolore et la cala contre sa poitrine avant de sortir de la salle de bain. Immédiatement, Oslo les suivit en trottinant.
Quand iels arrivèrent dans le séjour, où se trouvait Pierre, celui-ci se figea, ses yeux rivés sur son ami.
« Elle t’as arraché ton t-shirt ou quoi ? blagua-t-il. »
Sylvain installa Mélissa dans la chaise haute qu’il avait apportée.
« Non, elle l’a trempé en jouant, répliqua-t-il. Elle trouve ça vachement amusant, l’eau qui vole. Surtout quand c’est sur papa, hein ? »
Il toucha le bout du nez de l’intéressée en lui souriant. Pierre rit.
« Si j’avais su que c’était ce qu’il fallait faire… »
Son ami se redressa tout à coup, lui jetant un regard de reproche amusé. Pierre leva les mains avec un air innocent.
« La ferme, toi, l’admonesta-t-il. »
Et Pierre la ferma alors, non sans un nouveau rire.
Mais c’était trop tard. Le cerveau et le cœur de Sylvain avaient déjà réagi au commentaire, une perche tendue pour lui : la chaleur engourdit ses muscles, les battements de son cœur s’accélère un peu, son imagination s’égare. Quand est-ce la dernière fois qu’il avait imaginé un corps contre le sien ? Mais… à quoi pensait-il enfin ?! Pierre venait seulement de lui faire une blague. N’empêche que lui le prenait comme un compliment, parce que ça faisait longtemps, ça lui manquait un peu. Il se laissa tomber sur une chaise, tout pensif, sous le regard de Pierre.
Sylvain se mit à tapoter un drôle de rythme sur la table, du bout des doigts. Il était silencieux, un moment de repos après les efforts lors du bain – il aimait ces moments, mais ça ne voulait pas dire que ce n’était pas fatiguant.
Soucieux, son ami lui présenta le saucisson qu’il avait coupé, laissant la planche à équidistance entre eux deux.
« Tu veux boire quoi ? questionna-t-il pour rompre le silence. Il doit me rester du pastis, je pense.
-Ah non, pas d’alcool, refusa-t-il poliment, levant la main. Mais je veux bien un Coca, ça va peut-être me réveiller… Je sais pas ce que j’ai, mais j’ai un gros coup de bar là… »
Il se frotta les yeux avec un soupir.
Mélissa, laissée sans attention trop longtemps à son goût, comment ça à taper du poing sur sa chaise haute. Son père ne réagissait pas, alors elle frappa plus fort. Il finit par se redresser, lui sourire, et tendre les mains vers elle.
« D’accord, d’accord, princesse, tu vas venir sur mes genoux. »
Il la sortit de sa chaise haute et la cala contre lui.
Pendant ce temps, Pierre était allé cherché une bouteille de Coca-Cola et deux verres, qu’il remplit en reprenant la conversation :
« Alors, ça s’est bien passé le bain ? A part le raz-de-marée sur ton t-shirt.
-Nickel. C’est vrai que c’est vachement plus pratique, merci… »
Sylvain lui lança un regard reconnaissant, bien que fatigué.
« Et Mélou s’est bien amusée, poursuivit-il. Hein, ma chérie ? »
Il baissa la tête vers elle et attrapa sa main pour la secouer, la faisant rire.
« Si t’as besoin d’aide pour le bain, la prochaine fois, n’hésite pas, proposa Pierre. T’as l’air claqué là…
-C’est pu—rée de fatiguant, ouais. »
Sylvain reporta son regard sur son ami avec un sourire.
Pierre attrapa son verre et en but quelques gorgées. Quand il le reposa, il prit quelques tranches de saucisson et les mangea.
« Je suis désolé que ça chamboule autant notre emploi du temps, s’excusa Sylvain après quelques secondes. »
Son ami fronça les sourcils.
« Bah c’est normal, répliqua-t-il avec simplicité. Et puis on a des épisodes d’avance et on n’a pas totalement arrêté non plus. On s’en sortira. C’est important la vie de famille, aussi. »
Disant cela, Pierre étendit le bras vers Mélissa et caressa sa joue, soulignant qu’il parlait d’elle.
Sylvain observa son ami faire avec une drôle d’impression. Oui, il avait raison, la vie de famille était importante. Restait à définir ce qu’était la famille pour lui, Sylvain Levy. Mélissa en faisait partie la première, bien sûr, et ensuite ? Il savait qu’il se mentirait à lui-même s’il disait que ce n’était qu’elleux deux. Non, Pierre était trop présent pour le virer de l’équation. De quoi Sylvain pouvait-il le qualifier, de tonton ? L’intéressé avait lui-même utilisé ce mot, après tout. Mais au fond de lui, l’autre homme savait que c’était encore inexact. Il n’y avait qu’à observer la façon que son ami avait d’interagir et de s’occuper de l’enfant.
Et Sylvain profitait de lui, de sa présence, si réconfortante et nécessaire. Où en serait-il sans lui ? Peut-être dans le même état que la mère… Il avait quelque chose qu’Emma n’avait pas : un soutien indéfectible et quotidien, ce qu’il aurait pu lui donner si les aléas de la vie ne les avaient pas séparés.
Il s’en voulait parfois, regrettait de ne pas être resté avec elle. Elle était sa dernière relation sérieuse. Entre-temps, il n’avait eu que quelques rendez-vous qui n’avaient mené à rien. Depuis que Mélissa était dans sa vie, plus rien. Il aspirait parfois à cette vie de famille stable, pour la petite : Sylvain, Emma, Mélissa. C’était plus simple, mais surtout impossible, il le savait.
Pierre n’avait cessé de jouer avec Mélissa, jusqu’à ce qu’il remarque l’absence de son ami. Il leva les yeux vers lui, exagérément penché sur la chaise qu’il avait déplacée pour se rapprocher.
« A ton avis, ton papa pense à quoi ? demanda-t-il à Mélissa, qui ne comprenait toujours pas. »
Et Sylvain non plus ne sembla pas comprendre. Son homologue passa une main devant ses yeux.
« Allô la terre, est-ce que vous me recevez monsieur Levy ?
-Hein ? »
Sylvain sursauta, clignant plusieurs fois des yeux. Il se redressa et raffermit sa prise sur sa fille. Pierre rit.
« Eh beh, t’étais parti loin. Qu’est-ce qui te préoccupe comme ça ?
-Toi, répliqua son interlocuteur sans trop y réfléchir. »
Ça, c’était une surprise.
Pierre se rassit correctement sur sa chaise, les sourcils froncés. Peut-être son cœur avait-il raté un battement, mais il ne l’avouerait jamais.
« Pardon ? »
Sylvain mit quelques secondes à réaliser et clarifia :
« Ah non mais. Attends, laisse-moi t’expliquer. Je repensais juste à ce que t’as dit, là, profiter de sa famille et tout ça. Et du coup je me suis demandé c’était quoi ma famille. Bien sûr il y a Mélissa, mais vu comment t’es présent, t’en fais partie aussi, et je sais pas trop quel rôle te donner… et puis j’ai repensé à Emma et—
-Est-ce qu’il me faut vraiment un rôle défini ? le coupa Pierre qui ne voulait pas d’un nouveau monologue névrosé. »
Ça lui arrivait trop souvent, ces derniers temps. Il n’y avait pas grand-chose de clair dans sa tête depuis quelques jours.
Sa diversion fut une réussite. Sylvain rit nerveusement et hocha la tête.
« T’as raison, c’est pas important. Tu veux la prendre sur tes genoux ? »
Il souleva l’enfant qui s’agitait et se penchait vers Pierre. Ce dernier la prit dans ses bras alors, l’installant sur son genou.
« Je crois qu’elle me donne pas trop le choix, de toute façon. Elle sait ce qu’elle veut ta gamine, hein ! Comme son père. Tu ressembles à papa, hein ? »
Il avait adressé sa dernière phrase à Mélissa, mais Sylvain l’avait très bien entendue. Son cerveau beugua un instant sur l’absence de possessif, mais il essaya de ne pas trop y réfléchir, observant seulement avec tendresse les deux personnes devant lui.
Sylvain et Mélissa restèrent chez Pierre toute la soirée, dînant là avant de repartir. Et ce genre de soirée se multiplièrent durant le mois qui suivit, pour le plus grand bonheur du jeune père. C’était nécessaire : voir quelqu’un d’autre, être délesté de quelques-unes de ses responsabilités, vider son sac quand il en avait besoin, se sentir aimé et soutenu…
Et pourtant, c’était toujours des visites à sens unique : Sylvain qui allait chez Pierre, jamais le contraire. Alors un jour, ce dernier décida qu’il rendrait visite à la petite famille, plutôt. Il arriva dans la matinée, garant son véhicule comme il le put aux abords de l’immeuble, grimpant les escaliers…
Sylvain lui ouvrit rapidement, Mélissa dans les bras. Il n’avait pas totalement fini de s’habiller, mais personne n’en fit cas. Les deux hommes se saluèrent seulement puis l’invité salua l’enfant, qui semblait à moitié endormie.
« Elle vient de se réveiller, expliqua Sylvain. Laisse-lui cinq minutes et un petit-déjeuner et ça ira mieux, elle sera toute pimpante. Nom de Dieu que je l’envie. »
Pierre éclata de rire à la blague et tendit les mains.
« Donne-la-moi, je vais m’occuper de sa purée, toi tu finis de t’habiller. »
Sylvain le remercia immédiatement avant de vite lui refiler le bébé. Il s’éclipsa ensuite dans la salle de bain.
L’enfant dans les bras, Pierre la nourrit et s’en occupa, assis sur le canapé, tandis qu’elle se réveillait tout doucement. Elle gigotait de plus en plus et vocalisait des sons presque cohérents – mais elle était encore loin de former des mots complets. Il lui parla, un peu, commentant l’état de la pièce dans laquelle il se trouvait – qui était plus en désordre qu’habituellement. Evidemment, Sylvain n’avait sûrement pas eu le temps de ranger dernièrement…
« T’en fais pas Mélou, je vais aider papa à ranger tout ça, tu pourras gambader partout sans te viander après ça. Enfin, gambader, on s’entend hein. A quatre pattes. »
Elle répondit par des syllabes, jouant avec son t-shirt en l’agrippant à pleines mains et tirant dessus. Pierre essayait de l’en empêcher sans être trop ferme, parce qu’il préférait jouer avec elle.
Sylvain réapparut au bout d’une quinzaine de minutes, complètement habillé, frais et dispo. Il récupéra Mélissa pour lui faire un câlin et pour déposer un bisou sur sa joue.
« Merci, Pierre. C’est un peu compliqué de tout géré.
-Je vois ça, répliqua le susnommé avec un léger sarcasme. »
Sylvain jeta un bref regard au bordel.
« Ouais, pardon, c’est pas hyper hospitalier de ma part mais—
-Pas de mais, va, je comprends. Si tu veux, je peux m’en occuper pendant que tu t’occupes d’elle ? proposa-t-il avec un sourire. »
Il éclata à nouveau de rire en voyant le visage de son ami s’illuminer.
« Mais je peux pas te demander ça !
-Bah t’es pas en train de me le demander, alors ça tombe bien. »
Il se leva avec une exclamation d’encouragement.
« Allez, si je m’y prends bien, j’aurais fini avant le déjeuner. Toi, tu fais ce que tu veux, tu te détends, tu t’occupes de Mélou, mais je veux pas te voir travailler. »
Et il se mit à ranger le bordel – le linge sale, en premier.
Sylvain l’observa instant, tenant toujours sa fille. Il était sous le choc, se disait qu’il ne méritait pas cette aide. C’était quelque chose qu’il était censé faire lui-même, non ? Il avait honte, un peu, mais la reconnaissance qu’il avait envers Pierre éclipsait ce sentiment. De bonne humeur, donc, il décida d’emmener la petite en balade, préparant donc la poussette. Il fut arrêté sur le palier par Pierre, qui lui tendait son écharpe.
« Tiens, mets ça, il caille à fond. »
Son ami le remercia un peu timidement en l’enfilant, avant de partir, le saluant plus chaleureusement. »
Seul, Pierre put se concentrer sur son rangement. Il lança une playlist aléatoire sur son téléphone et s’attela à la tâche ô combien immense. Ça ne le décourageait pas, il aimait bien ça, même. Il lança une machine de linge et une autre de vaisselle, dans la cuisine. Il nettoya certaines surfaces sales, rangea les affaires du bébé qui se multipliaient, et celles de Sylvain qu’il n’arrivait pas à garder sous contrôle.
Au final, ce fut très rapide, si bien que Pierre se décida à aller plus loin, entraîné par la musique : il fit les poussières, passa l’aspirateur puis lava le sol et suspendit les vêtements mouillés sortis de la machine sur l’étendoir.
Quand Sylvain rentra, son ami était en train de cuisiner tout en chantonnant les paroles de la chanson qui passait. Il était aux alentours de midi, il fallait bien commencer. Il n’entendit pas les deux autres entrer, cependant, comme il faisait dos à la porte et qu’il était trop concentré.
Sylvain le remarqua. Il se dépouilla de son manteau et de son écharpe, se réchauffant doucement, puis fit de même avec Mélissa qui était toute emmitouflée. Il laissa la poussette dans l’entrée – il la pliera plus tard. En attendant, il préférait observer l’œuvre de son ami, qui était époustouflante dans l’appartement avait changé.
Dans un second temps, Sylvain observa Pierre qui se déhanchait tout en mélangeant quelque chose dans une casserole. Il ne put retenir un rire qui lui fit tourner la tête. Sans se démonter, parce que le ridicule ne tuait pas, Pierre s’approcha de Sylvain et attrapa sa main libre, l’autre tenant Mélissa contre lui, pour le faire tourner. Celui-ci se laissa faire en riant et le rejoignit dans sa danse, comme il remarquait que ça rendait Mélissa heureuse.
« Ça fait combien de temps que t’as pas dansé ? demanda Pierre avec un brin de malice dans le regard.
-Tu sais que je danse jamais, Pierre, répliqua son homologue, la voix empreinte d’un faux ton blasé. »
Les deux hommes se calmèrent un peu, Pierre s’occupant de son repas et Sylvain s’appuyant contre le plan de travail.
« Et c’est bien dommage. Je vais te faire danser, moi ! s’exclama le premier. »
En quelque pas, il rejoignit l’autre homme et l’emporta à nouveau dans une danse sans queue ni tête et fort peu en rythme avec la musique qui passait.
Mais ce n’était pas grave, rien n’était grave, ils étaient juste heureux et ça faisait du bien. Sylvain ne se laissait pas souvent embarquer dans ce genre de bêtises, alors Pierre en profitait. Il y mit fin seulement quand le minuteur le rappela à sa préparation, et même après ça son ami continua à danser avec Mélissa, la petite étant vachement intéressée par la mélodie.
Comme Pierre avait bientôt fini leur déjeuner, Sylvain prépara celui de sa fille et lui donna juste avant de mettre la table. Les deux hommes s’y installèrent ensuite pour déguster le repas.
« Heureusement que tu me fais la cuisine de temps en temps, lança Sylvain. C’est trop bon.
-Oh, tu t’en sors bien aussi, répliqua modestement son ami.
-Ouais mais je fais que deux trucs en boucle. T’apportes de la variété dans mon régime. »
Ils rirent doucement, tous les deux.
« Je pourrais t’apprendre, si tu veux, proposa Pierre.
-Nan, j’aurais plus d’excuses après. »
Nouveau rire complice.
La discussion allait de bon train, comme souvent. Pierre remarquait déjà que le jeune père allait mieux, avec son aide. Oh, il avait toujours l’air crevé au possible, mais il était plus stable et disponible émotionnellement, plus souriant, et il ne pouvait pas s’empêcher d’être fier. A deux, rien ne pouvait les arrêter. Ça sonnait tellement bien dans sa tête… dommage que ce n’était pas exactement vrai. Il était conscient qu’il ne pouvait pas aider son ami partout…
S’il disait la vérité, il dirait qu’il en était absolument capable, de son côté. C’était quelque chose qu’il voulait donner depuis longtemps. Mais Sylvain ne serait jamais capable de le recevoir, il le savait, et Mélissa ne changerait pas cela, qu’importe à quel point ils se rapprochaient l’un de l’autre. Leur amitié faisait partie des choses immuables de ce monde, pour le meilleur comme pour le pire.
La semaine suivante, les deux vidéastes devaient tourner un nouveau Vultech. C’était prévu depuis des semaines, c’était préparé, Sylvain s’était arrangé pour que Marine vienne garder Mélissa… Seulement voilà : le matin même, alors qu’il attendait sa sœur, il reçut un appel de celle-ci.
« Sylve, je suis désolée, je pourrais pas venir, annonça-t-elle immédiatement. »
Un sursaut de panique bouscula le cœur du jeune père, mais il garda son calme.
« Comment ça tu peux pas venir ? demanda-t-il.
-Malo a un gros souci, je dois l’emmener chez le vétérinaire et c’est la grosse galère. Je suis vraiment désolée, j’aurais préféré ne pas te laisser tomber comme ça, mais je peux pas faire autrement. »
Il passa une main sur son visage en soupirant.
Mélissa, assise par terre face à lui, s’impatientait que son papa ne joue plus avec elle. Elle agita les bras en geignant, l’observant. La pauvre n’était pas consciente qu’elle augmentait le stress de son père en faisant cela, elle voulait seulement son attention…
« Ok et je fais quoi, moi, du coup ?
-Je sais pas, tu peux pas appeler une baby-sitter ? proposa Marine avec douceur. »
Elle n’était pas dupe, elle entendait bien la frustration de son frère même à travers le téléphone, et elle savait combien il pouvait avoir du mal à la gérer.
« Un dimanche ? En urgence ? Ouais je suis pas dans la merde… Pardon Mélissa, n’écoute pas. »
Il attrapa sa main pour l’apaiser.
Marine réfléchit un instant, comprenant le désarroi de son frère, puis une illumination lui vint. Elle s’exclama :
« T’as qu’à appeler Pierre, vous trouverez une solution… non ? »
Un silence au bout du fil, puis une réponse simple :
« T’as raison. Je vais te laisser… Tu me donnes des nouvelles pour Malo ?
-Ouais, et toi pour Mélou ? »
Il accepta avant de raccrocher.
Sylvain resta assis là un moment, à observer Mélissa jouer avec ses doigts, essayant de rassembler le courage nécessaire pour appeler Pierre. Il trouva son contact rapidement – de toute façon, il était dans ses favoris – et cliqua sur le bouton pour téléphoner. Une sonnerie. Deux sonneries. Pierre décrocha.
« Salut Levy, tout va bien ? J’allais partir de chez moi, là, l’informa-t-il.
-Marine peut pas garder la petite, je sais pas quoi faire, lança-t-il rapidement, la voix emprunte de stress. »
Pierre ne répondit pas tout de suite. Il réfléchissait, sûrement. Sylvain n’angoissait que plus.
Après quelques secondes, Pierre trancha avec calme, sans animosité aucune, ce qui faisait du bien à son ami :
« Amène-là. Je fais rien derrière la caméra pendant les Vultech. Enfin, j’ai pas grand-chose à faire. Je pourrais la surveiller dans son siège.
-Tu me sauves, merci, souffla Sylvain.
-T’as pas à t’en faire, on aurait trouvé une solution, le rassura son interlocuteur. Bon, ramène toi maintenant, je veux bien que tu ramènes ta gosse mais pas que tu sois en retard, je suis déjà dans ma caisse moi. »
Sylvain rit, parce qu’il savait qu’il n’y avait que de l’affection derrière ces reproches. Il le remercia une dernière fois avant de décrocher.
Le jeune père fut plutôt rapide pour rassembler les affaires nécessaires et tout installer dans sa voiture, lui y compris. Mélissa se trouvait dans son siège, bien en vue, il était prêt à partir. Il démarra et élança son véhicule en direction du garage, espérant ne pas finir en retard – mais cela ne dépendait pas de sa seule conduite.
Sylvain n’arriva presque pas en retard sur le lieu de tournage. Pierre était déjà là, à gérer la technique et à installer le matériel. Quand son ami entra, il se tourna vers lui avec un air moqueur.
« Qu’est-ce que j’avais dit ? lui reprocha-t-il avec un sourire.
-Tais-toi. Je sais, j’ai fait ce que j’ai pu, ça n’arrivera pas la prochaine fois, se justifia le jeune père.
-Comme à chaque fois. »
Mais Pierre ne s’énervait pas. Il le savait, il s’en fichait à force. Et puis devoir gérer un bébé en plus ne devait pas être simple pour lui, alors il le laissa tranquille à ce sujet.
Les deux hommes se saluèrent donc et immédiatement après, Pierre se pencha par-dessus le siège auto pour saluer Mélissa :
« Salut toi, t’es prête à passer un moment avec tonton Pierrot pendant que papa travaille ? »
Sylvain rit en l’entendant, un rire moqueur, mais il ne fit aucun commentaire. En faire serait prendre le risque qu’il arrête et il ne voulait pas ça, pour rien au monde.
Sylvain se plaça donc face à la caméra, prêt à tourner. Son collègue, comme toujours pour ces tournages, se trouvait derrière à ajuster les derniers réglages. Après une introduction des plus chaotiques, il laissa le présentateur de l’émission débiter son texte et vaqua à ses occupations, à savoir surveiller Mélissa.
L’enfant semblait particulièrement intéressée par ce que faisait son père et voulait le rejoindre, se penchant, prête à ramper. Pierre l’en empêcha d’une main, la forçant à se rallonger. Il lui murmura :
« Non, non, non, tu ne vas pas embêter papa et tu vas rester avec moi, d’accord ? Il est en train de travailler, je sais qu’on dirait pas mais c’est un truc très sérieux, alors il faut le laisser faire. Je suis sûr que tu lui manques aussi, allez, rallonge-toi. »
Mais Mélissa ne l’entendait pas de cette oreille. Elle laissa tomber sa tétine et se mit à geindre. Des plaintes faibles d’abord, elles devinrent rapidement plus bruyantes.
Sylvain dut s’arrêter dans son monologue, jetant un regard peiné à sa fille. Bah oui, il aimerait bien s’occuper d’elle, mais il ne pouvait pas…
« T’inquiète pas, le rassura Pierre, je contrôle, attends. »
Il détacha la petite fille de son siège et la prit dans ses bras pour jouer avec elle. La portant, il imita le vol d’un avion pour calmer ses pleurs, ce qui fonctionna.
Sylvain put donc reprendre. Il était à peine à la moitié de son argumentaire qu’il entendit un éclat de rire venant de sa droite, bien plus loin, où Pierre et Mélissa se trouvait. Le premier était assis par terre en tailler, tenant la seconde contre lui, entre ses jambes. Il lui lisait à voix un livre que le père avait ramené parmi d’autres jouets, mais la gamine semblait plus intéressée par la destruction dudit livre que son contenu lu par sa nounou.
« Hey, arrête Mélou, non, pas bien ! Méchant bébé ! »
Sylvain entendait mal la voix de son ami, mais il comprit très bien ce qu’il venait de dire tant il l’avait entendu dirigé vers Oslo. Il éclata de rire.
« Si tu pouvais éviter de traiter ma fille comme ton chien, ce serait sympa, merci, lui cria-t-il.
Pierre se retourna, l’air étonné et innocent, se défendant :
« Oui bah qu’elle ait pas le même comportement qu’Oslo, du coup ! »
Le papa secoua la tête et lui signifia d’un signe de la main qu’il abandonnait. Soit, il avait une vidéo à tourner.
Il approchait de la fin quand il entendit un nouvel éclat de rire venant à la fois de Pierre et de Mélissa, mais il essaya de l’ignorer, se coupant quelques secondes avant de reprendre sa phrase. Cependant, son regard glissa sur sa droite. Il vit alors la petite fille assise sur les épaules de son ami, il la tenait de ses deux mains et semblait lui faire visiter le garage à hauteur d’un mètre quatre-vingt-dix environ. Elle semblait parfaitement heureuse de cela. Il ne put s’empêcher de sourire et de les observer quelques secondes durant lesquelles il oublia même la caméra. Les mains sur les hanches, les mots qu’il voulait prononcer s’envolant de son esprit, il profita simplement de voir son meilleur ami et sa fille s’amuser.
Pierre se tourna vers lui avec un air ahuri et lui demanda comme si de rien n’était :
« Bah… Pourquoi tu t’es arrêté ? T’as déjà fini ?
-Non, bientôt… J’ai été déconcentré. »
Il sourit une dernière fois aux deux énergumènes avant de revenir à son propos, dont il eut du mal à retrouver le fil.
La vidéo bouclée, Sylvain récupéra sa fille d’où elle était perchée – des épaules de Pierre, donc, qui semblait adorer l’avoir là-haut. Son collègue s’occupa de ranger pendant que lui câlinait sa fille et la couvrait de baisers pour la faire rire et sourire, ce qui était de bien plus jolis sons que ses pleurs au début du tournage.
Quand il eut fini, Pierre approcha et s’assit près de son ami avec un soupir, histoire de se poser un peu après le rangement.
« Tu vois, je m’en suis super bien sorti, meilleur baby-sitter. Pas vrai Mélou ? »
Il prit sa main et mima un high-five qui fit rire le père.
« Ah mais je n’en doutais pas monsieur Chabrier. T’as bien remarqué que j’ai pas accouru quand tu l’avais sur tes épaules, fit-il remarquer.
-C’est vrai, acquiesça Pierre. Je m’y attendais pas, en vrai. Peut-être que tu me fais confiance au final. »
Mélou babilla en tendant la main vers lui. Il lui prit et la caressa, lui adressant un sourire.
« Evidemment que je te fais confiance, Pierre, confirma Sylvain d’une voix douce. »
Le susnommé ne répondit pas, malgré le petit sursaut de son cœur. Il ne dit rien et se concentra seulement sur l’enfant, tout comme son homologue. Oui, il valait mieux ne pas faire de commentaire.
Pendant la semaine qui suivit ce tournage, Sylvain apporta un nouveau sac de vêtements lui appartenant ainsi qu’à l’enfant chez son ami qui l’hébergeait. Pierre leur avait fait encore un peu plus de place, laissant à Mélissa tous les rangements de la chambre d’amis – qui était complètement devenue sa chambre – et à Sylvain le tiers de son armoire, jusqu’ici. Ça allait sûrement évoluer à nouveau, étant donné qu’il ramener chaque semaine plus que ce dont il avait besoin…
Bref, il était dix-huit heures et Sylvain était installé dans le canapé, la petite sur les genoux, à regarder la télé sans trop d’intérêt. Pierre se posta devant lui, debout.
« Faut qu’on aille faire les courses, lança-t-il.
-Mais tu peux pas y aller tout seul ? demanda sincèrement le jeune père en se redressant pour lever les yeux vers lui. Comme ça je garde Mélou.
-Non, j’ai presque plus rien dans les placards parce que maintenant, au lieu d’être seul, on est trois genre, 80% du temps, alors la bouffe suit pas, expliqua Pierre. »
Sylvain se leva alors, tenant Mélissa contre lui.
« Et on fait comment pour elle ? questionna-t-il alors que son interlocuteur était déjà parti enfiler ses chaussures.
-Bah on la prend, répliqua-t-il simplement. T’as ramené le porte-bébé, non ? »
L’autre homme hocha la tête en le rejoignant dans l’entrée.
Sylvain mit le bébé dans les bras de son ami pour enfiler ses chaussures à son tour.
« Je l’ai pris, mais il est toujours un peu trop grand pour moi. Apparemment c’est fait pour des gens d’un mètre quatre-vingt ou je sais pas quoi… râla-t-il. »
Pierre hausse les épaules.
« Bah je le mettrai, c’est pas grave. Peut-être il m’ira à moi. »
Et ces bonnes paroles scellèrent la discussion : ils étaient prêts à partir.
Le supermarché n’était pas loin, mais suffisamment pour qu’il soit nécessaire de prendre la voiture – surtout avec un bébé pendant les derniers mois de l’automne. Les deux hommes s’y rendirent donc avec la voiture de Sylvain, qui était plus simple à manœuvrer et contenait déjà le siège auto.
En en sortant, Pierre enfila le porte-bébé sous son manteau et y installa Mélissa, qui était calme pour une fois. Elle devait commençait à fatiguer, la pauvre…
« Et voilà ! s’exclama Pierre en se tournant vers son ami. »
Sylvain lui jeta un regard en souriant.
« Pas trop petit ?
-Non, parfait, sourit Pierre. Et Mélou est super bien installée ! »
Le père rit en entendant son enthousiasme et alla prendre un caddie.
Tous deux se rejoignirent devant la porte d’entrée et pénétrèrent ensemble à l’intérieur. Sylvain n’avait qu’une vague idée de ce qui était nécessaire et ne connaissait pas très bien ce supermarché, alors il se laissa guider à travers les rayons par un Pierre plus que motivé. Le caddie se remplit rapidement.
Mélissa se mettait à geindre parfois et Sylvain était toujours le premier à réagir, interagissant avec elle pour la calmer alors qu’elle était prostrée contre le torse de Pierre. Il remarquait quelques regards indiscrets de la part d’autres clients, mais rien qui ne l’alarmait. Il se demandait simplement pourquoi, car ça l’étonnait qu’autant de cinquantenaires les reconnaissent… Il entendit même l’exclamation chuchotée d’une dame à son mari :
« Ils laissent vraiment tout passer, aujourd’hui ! »
Tout en le fixant d’un œil mauvais. Il ne comprenait pas.
Et puis tout à coup il comprit. Il comprit très bien, même, en jetant un regard à Pierre, et il éclata de rire. L’autre homme, qui n’avait rien remarqué, se retrouva fort étonné par son rire et lui lança un regard interrogateur.
« Y’a quoi de drôle ? Je suis juste en train de chercher une marque de sauce tomate. »
En effet, il tenait un pot dans une de ses mains. Sylvain rit de plus belle, se penchant sur la poignée du caddie, posant son front contre ses bras croisés.
« Les gens te regardent bizarre là, et je les comprends. Pourquoi tu te marres ? réitéra Pierre.
-Il nous regarde pas bizarre parce que je ris, Pierre. Regarde-nous. »
Le susnommé obéit, mais ne voyait pas le problème. Sylvain l’explicita alors, une fois son fou rire calmé :
« On dirait une sortie en famille.
-Et c’est pas le cas ? interrogea Pierre innocemment. »
Son interlocuteur releva la tête, le coude appuyé sur le caddie et la tête contre sa main, un sourire en coin.
« Si, si, une super sortie en famille, ouais.
-J’aime pas ton sarcasme, ajouta Pierre. »
Il posa le pot de sauce dans le chariot et passa à autre chose, regardant d’un air mauvais le petit sourire narquois de son ami.
Alors que la petite famille attendait dans la file d’une caisse, Sylvain croisa le regard de la vieille de toute à l’heure, qui empêcha son mari d’avancer vers eux.
« Viens André, on va changer de caisse, lança-t-elle haut et fort. »
Ledit André fronça les sourcils et bredouilla :
« Mais… c’est la file la plus courte ! Ah non, je n’vais pas faire la queue là-bas.
-On va s’éloigner d’eux mon André, insista la vieille. »
Interpelé, Pierre tourna la tête et la remarqua enfin. Il se pencha vers Sylvain qui lui faisait presque dos et murmura dans son oreille :
« Elle parle de nous là ?
-Ouais, acquiesça l’autre. Parce qu’on dirait une famille, justement. »
Au son de sa voix, on entendait son mépris pour la dame.
Pierre eut une seconde d’absence avant de comprendre, enfin. Il s’exclama alors, peut-être un peu fort :
« Ah mais c’est pour ça ton fou rire de tout à l’heure ? »
Sylvain lui sourit et hocha la tête.
« Pauvre petite ! s’écria plus fort la dame en voyant la main de Pierre caresser les cheveux du bébé. »
L’homme fronça les sourcils et cacha l’enfant presque par réflexe, tournant le dos à l’importune.
Mais Sylvain, lui, avait envie de jouer. Il se redressa de la poignée du caddie sur laquelle il était appuyé et, regardant le vieux couple s’éloigner, il répondit :
« Vous avez raison, on risque de contaminer André, on sait jamais. »
Le susnommé leva la tête – il ne comprenait définitivement rien à ce que sa femme disait, et il comprit encore moins quand Sylvain lui fit un signe de la main, accompagné d’un clin d’œil. Ça dégoutait un peu le jeune homme, mais l’outrage de la vieille en valait la chandelle. Il arborait un sourire fier en se tournant vers Pierre, le voyant rire dans sa barbe.
« C’est un magasin de dépravés ici ! Je ne reviendrai plus.
-Mais on va faire nos courses où Josie ? s’interrogea son mari immédiatement.
-Ailleurs ! »
Il haussa les épaules et soupira. Pierre et Sylvain échangèrent un regard et éclatèrent de rire en même temps, le premier posant sa main sur l’épaule du second.
En sortant du magasin, les courses payées, Mélou tenait la main de tonton Pierre et essayait de la porter à sa bouche. Celui-ci la laissait faire. Il se tourna plutôt vers Sylvain et lança la conversation :
« Je pensais pas qu’on croiserait des homophobes dès notre première sortie à trois. Et je pensais pas que tu lui aurais répondu.
-Elle me faisait trop—elle m’embêtait trop. Fallait que je fasse un truc, c’était trop tentant. »
Il rit doucement en apportant le caddie contre le coffre de la voiture.
Pierre ne répondit rien, mais il n’en pensait pas moins : il avait trouvé ça très drôle et divertissant, bien que personne n’ait réagi autour d’eux. Bordel, Sylvain n’avait honte de rien. C’était ça le plus drôle, sûrement. Il le laissa charger le coffre pendant que lui allait installer l’enfant dans son siège. Elle était en train de s’endormir contre lui et la bouger ne la réveilla pas. Pierre eut un sourire tendre en la voyant assoupie, il la trouvait adorable. Il déposa un bisou sur son front et caressa ses cheveux avant de refermer la portière et de rejoindre son ami pour l’aider.
Tous les trois purent ensuite rentrer à la maison, où Oslo leur fit la fête et Mélissa se réveilla enfin de sa petite sieste.
Pierre s’installa à la cuisine, commençant à découper quelques légumes pour le repas. Sylvain prit sa fille dans ses bras et prévint son ami :
« Je vais lui donner son bain avant de manger, sinon elle va s’endormir pendant. »
Immédiatement, Pierre posa son couteau et se lava les mains.
« Ah bah attends, je vais venir t’aider. Comme ça tu pourras m’aider pour la cuisine après, le taquina-t-il. »
Sylvain soupira, un sourire résigné aux lèvres, pris au piège.
« Ok, je t’aiderais. »
Et l’autre homme le suivit donc dans la salle de bain.
Sylvain s’installa de la même manière que la dernière fois : à genou à côté de la baignoire, penché par-dessus le rebord.
« Tu veux que je m’assoie sur le rebord au bout ? demanda Pierre en pointant l’endroit dont il parlait. »
Sylvain suivit la direction du regard avant de lever les yeux vers lui.
« Mais tu vas faire comment pour ton pantalon ?
-Je l’enlève. A moins que tu veuilles pas, dans ce cas je me mets à côté de toi, proposa Pierre. »
Sylvain considéra la maigre place à côté de lui et secoua la tête.
« Nan, c’est bon, accepta-t-il. Moi je vais enlever mon t-shirt sûrement.
-Oh bah sinon t’iras te changer, avec tes quarante-cinq t-shirts et chemises dans mon armoire, se moqua son interlocuteur. »
L’autre rit également mais ne répondit pas, il préféra se concentrer sur sa fille que de répondre à d’aussi grossières – mais vraies – accusations.
Pierre retira donc son pantalon et ses chaussettes et s’installa sur le rebord de la baignoire. Effectivement, ça ne semblait pas être la première fois qu’il faisait ça. Quand il fut installé, il tint la petite en place pour que Sylvain retire son haut. L’enfant s’agrippa au mollet de l’homme et ce dernier grimaça.
« Ah pu—rée, elle a des ongles la petite, se plaignit-il. Eh, Mélou, rentre tes griffes. »
Le père rit et attrapa les poignets de l’enfant pour la faire lâcher, en vain.
« Allez chérie, lâche tonton Pierre, il a rien fait pour mériter ça. »
Mais Mélissa ne répondit qu’avec une exclamation frustrée, déjà contestataire, et eut le réflexe de tenir Pierre plus fort.
« Ah merde ! Arrête, elle veut pas lâcher, c’est bon, lâcha-t-il avec douleur.
-Merde, ça va ? s’inquiéta Sylvain. Elle t’a griffé ?
-Ouais mais c’est rien, t’inquiète. C’est pas grave, elle va rester accrochée telle une sangsue, rigola l’autre homme. »
Il se prit un regard blasé de la part du père.
« Je te serai gré d’arrêter de comparer ma famille à un animal, et surtout à une sangsue. »
Pierre ne répondit pas, mais rit de plus belle.
Pendant que Sylvain lavait Mélissa, Pierre s’occupait de jouer avec elle, et ils inversèrent quand ce fut au tour de ses cheveux, puisque le second avait une meilleure position pour les laver. Souvent, la gamine s’amuser à les éclabousser et voulait s’éloigner d’eux, partir en vadrouille – au moins la baignoire n’était pas grande pour cela.
Par moment, les deux hommes s’échangeaient des regards complices, faisaient des blagues ou les idiots pour faire rire la petite… Ils prenaient tous deux leurs rôles de gardiens très au sérieux. Et puis pendant qu’il rinçait sa fille, Sylvain lança sur le ton de la discussion :
« Merci vraiment, Pierre. Je sais pas où j’en serais sans toi. »
Le susnommé, qui tenait les mains de Mélissa pour jouer, se figea et se redressa, lançant un regard étonné à Sylvain.
Pierre prit le temps de l’observer un petit moment : ses cheveux trop longs en bataille – d’habitude, il ne les laissait jamais atteindre cette longueur – ses cernes, son teint pâle, ses petits yeux, les muscles de son cou et des épaules tendus, qui le faisaient parfois grimacer, ses soupirs, ses éclats de rire fatigués ou nerveux… Si, en l’aidant, Sylvain ressemblait à cela, alors il ne voulait vraiment pas savoir où il en serait seul, effectivement.
« Te lève pas cette nuit, répliqua-t-il. »
Et comme ça n’avait rien à voir avec ce qu’il venait de dire, l’autre homme ne fit que s’exclamer, confus.
« Si elle pleure, dort. Je m’occuperais d’elle, sourit Pierre. Mais toi, t’as besoin de dormir.
-Toi aussi t’as besoin de dormir, contra le père en haussant les épaules. »
Il se détourna de la baignoire après en avoir vidé l’eau pour récupérer la serviette de Mélissa.
« C’est ma fille, c’est à moi de me lever. »
Il déplia la serviette sans lancer un regard à son ami.
Celui-ci se sentit piqué par la remarque : Sylvain sous-entendait que, comme Mélissa n’était pas sa fille à lui, Pierre, alors il ne devait pas s’en occuper, jusqu’à l’insomnie en tout cas. Ça partait d’une bonne intention, très bonne même, c’était adorable de sa part de toujours vouloir prendre la responsabilité. Mais c’était aussi très con et, vu comment Pierre s’occupait de Mélissa, elle pouvait très bien être sa fille aussi. Mais il ne verbalisa aucune de ses pensées et leva seulement le bébé, pour que Sylvain l’enveloppe de la serviette.
« Et voilà princesse ! s’exclama-t-il en la frottant avec énergie, la faisant rire. »
Pierre resta assis là, à les regarder avec un petit sourire, un peu triste cependant.
Le père s’assit sur les toilettes fermées, sa fille sur les genoux, et tendit une serviette à l’autre homme pour qu’il puisse se sécher les jambes et remettre son pantalon. Pierre s’en saisit en le remerciant et essuya ses mollets et ses pieds. Il remarqua alors quelques gouttes de sang.
« Ah merde ! s’exclama-t-il par réflexe.
-Les insultes, Pierre, le reprit mécaniquement Sylvain sans le regarder – il était trop concentré sur la tâche de sécher sa fille avant de l’habiller. »
Le susnommé s’excusa en se levant. Il attrapa la trousse à pharmacie dans le meuble-vasque et se rassit sur le bord de la baignoire.
Sylvain suivit son geste du regard et s’en inquiéta.
« T’es blessé ? interrogea-t-il.
-Je pense que c’est juste une griffe, mais flemme d’avoir du sang sur mon jean, expliqua Pierre en sortant un pansement de la trousse.
-Attends, fais-moi voir, je vais te le mettre. »
L’homme cala l’enfant contre son torse et tendit une main vers son ami. Il se saisit du pansement pendant que Pierre se retournait, levant sa jambe blessée. Avec une poigne ferme, Sylvain attrapa la cheville de son homologue et posa son pied juste à côté de sa propre jambe, l’obligeant à sautiller pour ne pas perdre l’équilibre à cause de la surprise.
Rapidement, le pansement fut placé et Sylvain se pencha pour embrasser la zone avant de lâcher son ami.
« Et voilà ! »
Pierre éclata de rire en se tournant vers lui.
« C’était quoi, ça ?
-Un bisou qui guérit, répliqua Sylvain comme si ça allait de soi. »
Pierre secoua la tête avant d’attraper ses chaussettes pour les remettre, puis son pantalon.
Une fois rhabillé, il lissa son t-shirt, dont le bas était mouillé malgré tout, et posa ses mains sur ses hanches.
« Allez, le dîner va pas se faire tout seul. »
Il tendit les bras vers l’enfant pour la prendre et laisser Sylvain remettre son haut. Puis les deux hommes déposèrent l’enfant dans son berceau d’appoint, dans le salon, et se dirigèrent vers la cuisine.
Ils pouvaient la voir d’où ils étaient, ce qui rassura Sylvain, qui lui lançait parfois des regards en écoutant vaguement les instructions de son chef de cuisine : Pierre. Lui, petit commis, faisait de son mieux pour suivre ses gestes, mais il fallait dire que ce n’était pas toujours facile. L’autre le remarqua et lâcha ce qu’il faisait pour passer un bras autour des épaules de son apprenti. Il se saisit de ses mains et lui montra le geste ainsi. Seulement, Sylvain eut du mal à l’écouter, figé à cause du contact et de la proximité de son ami. Il fit de son mieux pour reproduire le geste.
« Eh bah voilà ! Tu vois que tu peux le faire, le félicita Pierre. Mais t’as pas un truc pour tes cheveux ? Tu dois voir que dalle avec.
-Il y a un serre-tête dans le sac, répliqua Sylvain sans bouger – non, il devait finir de découper cette carotte.
-Ok, j’ai compris, je vais le chercher, soupira Pierre. »
Il essuya ses mains dans son tablier et alla fouiller dans le sac. Il y trouva un serre-tête noir en dent de scie et l’apporta à son ami, qui ne bougea toujours pas. Il soupira à nouveau et le plaça avec précaution sur son crâne, puis il se pencha pour vérifier qu’il avait bien attrapé toutes les mèches. Il sourit.
« T’es mignon comme ça. »
Puis il reprit son activité de plus tôt comme si de rien n’était, alors que Sylvain bégayait, fier de lui.
Les deux hommes mangèrent à la table de salle à manger, face-à-face, comme ils le faisaient si souvent maintenant. Ils discutaient de tout et de rien pendant ce temps-là, souvent du boulot, presque toujours dans la bonne humeur.
Sylvain n’avait pas retiré le serre-tête, et son ami l’avait bien remarqué. Il lui lançait quelques regards sans rien dire, souriant seulement. Au bout d’un moment, il ne put s’empêcher de faire une remarque :
« Ça te va bien, ton truc.
-Hein ? Quel truc ? demanda l’autre homme, confus.
-Ton serre-tête. »
Sylvain réalisa enfin qu’il l’avait et se dépêcha de le retirer. Pierre fit la moue.
« Bah… je préférais avant… râla-t-il d’une petite voix. Ça te va bien les cheveux en arrière. »
L’autre homme rougit et rit nerveusement. Qu’est-ce que Pierre avait ce soir, à le complimenter comme ça ?
Il passa une main dans ses cheveux, les plaquant en arrière justement. Pierre suivit le mouvement du regard, avant de baisser la tête vers son assiette, comme s’il venait d’être pris sur le fait. Décidément, il avait un comportement étrange…
Après le repas, une fois Mélissa nourrie et couchée, Sylvain et Pierre se retrouvèrent dans la chambre de ce dernier pour se changer. Mais le second avait une idée en tête et arrêta son ami alors qu’ils se trouvaient tous les deux en sous-vêtements – ils avaient appris à se passer de la pudeur. Juste une main sur son épaule, qui le tenait fermement.
« Ça va ? »
Une simple question qui contenait beaucoup d’autres interrogations que Pierre ne voulait pas verbaliser. Mais il n’en avait pas besoin, Sylvain comprenait. Ce dernier se figea, laissa retomber ses bras de chaque côté de son corps, mais il n’était pas détendu pour autant. Son ami le sentait.
Pierre guida l’autre homme vers le lit et le fit asseoir là, face à lui, attendait une réponse, le questionnant du regard.
« Je suis là si tu as aussi besoin de parler, pas juste pour Mélissa, tu sais, insista-t-il. »
Sylvain soupira et se lança :
« J’ai des courbatures. Je sais que je suis trop tendu en ce moment, et que je dors pas assez… enfin, je dors jamais assez. Mais là encore moins, du coup. J’ai peur de—j’ai peur de pas être à la hauteur, si je me repose sur mes lauriers. Et j’ai peur… je sais pas, de me retrouver seul, comme elle ? Parce que je sais que je ne ferais pas mieux. »
Pierre pinça ses lèvres, soucieux, inquiet. Il n’avait pas les mots juste pour aider son ami, il aurait aimé les avoir.
Il ne lui restait qu’une chose : les gestes. Ça, il les avait. Il tendit la main vers Sylvain en demandant :
« Tu veux un massage ? Si ça peut t’aider à te détendre. »
Sylvain rit nerveusement. Il eut l’idée, l’espace d’un instant, de refuser. Heureusement, il se ravisa et se retourna, parce qu’il savait qu’il en avait besoin.
Pierre posa ses mains sur ses épaules et les pressa doucement, testant la douleur et la tension. Elles étaient étonnamment chaudes, ses mains, contrairement aux siennes toujours froides. Le premier contact le fit presque gémir, sa tête dodelinant doucement alors qu’il essayait de relâcher la tension dans ses muscles.
« Eh beh, ça fait combien de temps qu’on t’a pas touché ? se moqua Pierre.
-Des mois, soupira Sylvain. »
Son ami reprit son sérieux pour l’interroger un peu plus :
« Ça te manque tant que ça ?
-Quoi ? lança Sylvain, un peu confus.
-De partager ton intimité avec quelqu’un, expliqua Pierre. Ça te manque beaucoup ? »
L’autre homme resta silencieux un instant, en pleine réflexion. Pierre le laissa réfléchir, le massant toujours, ses mains descendant sur ses omoplates.
Il n’y avait jamais vraiment pensé. En endossant son rôle de père, Sylvain avait consciemment ou non abandonné celui d’amant, qui lui permettait pourtant de recevoir de l’affection. Oh oui, cette affection lui manquait tant, et il n’osait pas la rechercher avec Pierre, qui semblait pourtant prêt à lui offrir. Timidement, il avoua :
« Oui, ça me manque… J’y avais pas trop réfléchi jusqu’ici. Faut dire que j’ai des responsabilités, maintenant. »
Il rit doucement, pour faire passer ça pour une blague.
Les mains de Pierre arrivaient au milieu de son dos et il soupira de nouveau, se courbant légèrement.
« Et tu veux retenter Tinder ? questionna le masseur d’un soir.
-Ça ne m’intéresse plus vraiment, répliqua rapidement Sylvain.
-Mais tu veux faire comment, sinon ? Sortir en boîte ? Attendre que ça te tombe dessus ? »
Il y avait une légère amertume dans la voix de Pierre, de la peur peut-être, de l’appréhension.
Sylvain tourna la tête vers son ami, comme pour le rassurer. Il lui sourit doucement, ses yeux descendirent un peu plus bas que son visage…
« Je ressens pas le besoin de ça, précisément, expliqua-t-il. »
Et, pour appuyer son propos, il se décala vers l’arrière, se rapprochant de Pierre. Celui-ci comprit et laissa ses mains s’égarer sur les hanches de l’autre avec un petit sourire.
« T’es là, continua Sylvain. Je… c’est suffisant, si tu veux bien…
-Ce que tu veux, répliqua son homologue sans le laisser finir, lui arrachant un sourire. »
Le moment n’appartenait qu’à eux. Il était assez tard pour justifier toutes les dérives, même lorsque Sylvain pencha suffisamment sa tête en arrière pour la poser contre l’épaule de son ami, même lorsque Pierre embrassa son épaule et lui murmura :
« Montre-moi. »
Même encore lorsque Sylvain répondit en posant ses mains sur les siennes et en les guidant sur son ventre et sa poitrine. Pendant un bref instant, il voulut lui demander de l’embrasser aussi, avec la même douceur avec laquelle il avait embrassé sa peau, mais il n’en eut pas le courage. Les mots restèrent bloqués dans sa gorge et il les laissa là. Tant pis.
Sylvain avait fermé les yeux. Il ne savait pas depuis combien de temps Pierre touchait son corps, le massant encore parfois, mais il s’en foutait. Il ne voulait pas que ça s’arrête, sans forcément que ça aille plus loin. C’était suffisant, le contact de ces grandes mains chaudes, un peu abîmées, sur sa peau tendre et délicate. Il se sentait fragile entre ses bras, et c’était bon. Il voulait être vulnérable, encore un peu, laisser les responsabilités aux autres, être délesté des siennes, et profiter seulement. Pierre pouvait lui donner ça, et il espérait sincèrement qu’il le voulait aussi. Il ne savait pas ce qu’il adviendrait de lui sinon. Oh, il ne lui dirait pas pour autant, c’était un secret trop honteux à avouer.
Pierre appréciait ce moment intime et tendre, il en profitait de peur qu’il ne se représente pas de nouveau. Sylvain n’était pas intéressé par les rencontres, certes, mais pour combien de temps ? Il se doutait qu’il n’était pas son choix numéro un, sans savoir ce qu’il pensait vraiment. Mais lui non plus n’allait pas en parler : toujours cette histoire de honte et de secret.
« Attends… »
Pierre n’avait presque pas entendu le murmure de son ami. Il se stoppa, soulevant ses mains pour laisser à l’autre le loisir de faire ce qu’il voulait, de partir s’il le souhaitait. Sylvain sembla hésiter un instant, avant de se redresser. Il n’alla pas loin cependant, il se retourna seulement et considéra son homologue, dans la même tenue que lui.
« Merci, chuchota encore Sylvain qui ne voulait décidément pas se faire entendre. »
Il passa ses bras autour du cou de Pierre et embrassa sa joue. Plusieurs fois. Puis sa mâchoire. Et son cou. Son épaule enfin. Des baisers terriblement doux qui délogèrent de sa cage thoracique le cœur de Pierre. Il ne comprenait pas trop ce que son ami était en train de faire, où il voulait aller avec cette étroite embrassade et ces baisers. Sa peau le brûlait, le démangeait…
Dans le doute, ne rien faire. Il répondit à l’étreinte, l’enlaçant par la taille, et se laissa embrasser sans aller plus loin. Les gestes de Sylvain dépassaient toutes les limites qu’ils avaient pu fixer plus ou moins tacitement dans leur amitié, sans que cela ne dérangeât Pierre. C’était tout ce qu’il attendait depuis un moment maintenant, il n’avait pas le cœur à se refuser ça.
Doucement, Pierre tira son ami au fond du lit, et tant pis pour les pyjamas qu’ils mettaient habituellement. Il gardait son corps contre lui en s’allongeant, ajustant l’oreiller sous sa tête d’une main. Sylvain redressa la tête pour croiser son regard. Il avait l’air terriblement fatigué mais surtout terriblement craquant, avec son petit sourire en coin et son air épanoui. Pierre avait du mal à résister, il voulait l’embrasser. Il opta pour sa joue à la place, lui souhaitant bonne nuit. Il éteignit la lampe de chevet avant que Sylvain ne se blottisse contre lui dans ses bras. Il le serra un peu plus fort, un peu plus près de son cœur, se laissant aller à des élans d’amant tendre, sans en avoir le titre – il y prétendant pourtant.
C’était la première fois que les deux hommes dormaient ainsi, dans les bras l’un de l’autre, sans vouloir autre chose que la présence apaisante de l’ami, qui était plus un amant qui taisait son nom. Il fallait les pardonner, il était tard, il faisait nuit et la pleine lune brillait, ils étaient fatigués et n’avaient que l’autre pour comprendre sa peine… Ou peut-être qu’il y avait une autre raison. Les secrets, les hontes, tout ça…
Sylvain dormit rarement aussi bien. La nuit les sépara pourtant : Pierre s’était levé pour aider Mélissa à se rendormir. Le père ne l’avait même pas entendue, mais n’arrivait pas à s’en vouloir vu les remontrances de l’autre homme. Pour une fois, il avait aussi réussi à dormir une nuit complète, Pierre était content, Mélissa allait bien, c’était tout ce qui comptait.
« Il faut qu’on parle. »
Sylvain grimaça avant de finir son verre d’eau. A côté d’eux, Mélissa pleurait, comme souvent ces deux derniers jours, et Pierre venait lui lâcher ça. Il n’était vraiment pas d’humeur.
« Quoi ? répliqua-t-il un peu sèchement, sur la défensive.
-C’est quoi, l’idée, maintenant ? demanda doucement Pierre. T’es presque plus dans ton appart’ et tout le temps ici, je pense qu’il faudra prendre une décision bientôt.
-On peut pas vivre dans mon appart’, il n’y a qu’une chambre. Je vais chercher autre chose, mais vu mon secteur et—
-Hey, je suis pas en train de vous mettre dehors, le coupa Pierre. Au contraire. »
Il lui sourit doucement, voulut prendre sa main, mais l’enfant poussa un cri et Sylvain trembla.
Ce n’était pas un tremblement habituel, non. Pierre avait appris à lire son langage corporel avec le temps, les années passant… Il était frustré, énervé, et essayait de se retenir. L’autre en eut la confirmation quand Sylvain :
« Mais pourquoi elle arrête pas de pleurer ?! On lui a donné tout ce qu’on pouvait !
-Parce qu’elle fait ses dents loulou, ça se fait pas en un jour, essaya de l’apaiser Pierre. »
Mais Sylvain ne l’écoutait pas, il avait du mal à l’entendre par-dessus la voix stridente du bébé, ça l’énervait encore plus et il frappa le plan de travail de la cuisine. Il ignora la douleur, les larmes montant à ses yeux.
Le jeune père lança un regard à sa fille, qui pleurait encore et toujours, sans qu’il puisse y faire quelque chose. Ça le rendait malade, il se sentait incapable, nul, inutile… Qu’importe ses efforts, elle avait toujours mal. C’était injuste. Il amorça un nouveau coup, mais Pierre attrapa sa main avant qu’il ne se blesse à nouveau.
D’un mouvement, Pierre tira son ami contre lui, le tenant fermement, et parla dans son oreille pour qu’il se concentre sur sa voix :
« Prends tes écouteurs, va dans la chambre et repose-toi. Je m’occupe d’elle.
-Mais…
-Pas de mais, tu as besoin de t’éloigner un peu et de te calmer. Je t’appelle si y’a un problème. »
Rassuré par la dernière affirmation, Sylvain hocha la tête et s’éloigna, essuyant les larmes qui coulaient sur ses joues.
Il obéit, s’allongeant dans le lit et lançant de la musique dans ses écouteurs pour penser à autre chose. Il avait tant de mal à ignorer les pleurs, pourtant, tant de mal à oublier qu’à deux pas de lui, sa fille, la chair de sa chair, geignait de douleur. Et lui, son père, ne pouvait rien y faire. Il s’en voulait, même s’il savait que Pierre avait raison.
Pierre, d’ailleurs, entra dans la chambre presque une heure après. Sylvain avait eu le temps de s’assoupir doucement, mais se réveilla en sentant la porte s’ouvrir. D’un signe, son ami lui demanda de retirer ses écouteurs, ce qu’il fit.
« Mélou dort, elle est épuisée, l’informa Pierre. J’espère que ça ira bientôt mieux pour elle… »
Il fit la moue, il était inquiet pour elle, lui aussi. L’autre homme le réalisait, et lui demanda alors :
« Ça va ?
-C’est plutôt à toi qu’il faut demander ça, contra Pierre en avançant vers le lit, les bras ballants, l’air nonchalant. Comment va ta main ? »
Sylvain l’observa : la tranche était rougie et il avait toujours mal. Il plia et déplia ses doigts plusieurs fois.
« Ça va, mentit-il. »
Son interlocuteur ne semblait pas convaincu.
Ce dernier s’agenouilla sur le matelas, à côté de Sylvain, tendant les mains.
« Fais voir ? murmura-t-il. »
Hésitant, l’autre homme posa sa main dans les siennes, le laissant l’observer sous toutes les coutures. Pierre caressait sa peau du bout des doigts, avant de masser la zone endolorie. Le souffle de Sylvain se bloqua dans sa trachée le temps d’une seconde quand son ami porta son bleu à ses lèvres et l’embrassa. Puis il rit nerveusement, se souvenant de ce qu’il avait fait la semaine dernière.
Pierre lâcha sa main et s’installa contre lui, passant un bras autour de ses épaules. Sans poser de question, Sylvain se blottit contre son flanc, posant sa tête contre sa poitrine.
« Et moralement ? Comment ça va ? »
Il hésita sur sa réponse, avant d’ouvrir les vannes :
« J’aurais pas dû être père.
-Ouh là ! s’exclama Pierre, surpris par son honnêteté brute. Qu’est-ce qui te fait raconter des conneries comme ça ? »
Un petit rire, et Sylvain se radoucit, calmé par la présence de son ami.
« J’ai eu envie de lui crier dessus. Mais je sais que ça sert à rien, j’ai juste… atteint ma limite. Mais purée, comment je peux atteindre ma limite alors que c’est elle ? Je sais déjà pas gérer moi-même, qui a pensé que c’était une bonne idée de me donner une gamine ? »
Pierre se mit à caresser son bras, en silence, cherchant ses mots.
Quand il fut prêt à répondre, il embrassa le crâne du jeune père déboussolé et parla à voix basse, mesurée :
« C’est normal d’arriver à ta limite quand t’as une alarme dans les oreilles jour et nuit et que tu peux pas la désactiver. T’es tout le temps en mode alerte parce que ta fille a mal et te le fait savoir comme elle peut, alors ça te fout sur les nerfs. Bah oui, c’est logique. Mais tu t’es retenu et je suis fier de toi. »
Il embrassa sa tempe et lui sourit à nouveau. Le cœur de Sylvain fit un drôle de looping en entendant la dernière phrase et il se blottit un peu plus dans ses bras.
« Mais je suis un gamin. Je peux pas…
-On est deux gamins, le coupa Pierre, et je trouve qu’on s’en sort super bien tous les deux, pour l’élever. Et ta sœur nous aide aussi. »
Sylvain hocha la tête, sans répondre. Les mots se faisaient un chemin dans son esprit, même s’il avait du mal à les accepter.
Le silence s’installa entre eux. Il faisait du bien à Sylvain, qui s’assoupissait à nouveau. Le lendemain, Marine avait accepté de venir tôt pour garder Mélissa pendant que les deux hommes se rendaient à un tournage qui s’annonçait long et éprouvant, et lui était juste épuisé…
Pierre ne le laissa pas dormir malgré tout – à sa décharge, il n’avait pas remarqué qu’il s’endormait. Il recommença la conversation qu’il avait essayé d’avoir plus tôt :
« Il faut prendre une décision, pour ton appart’…
-Je vais arrêter le bail, répliqua Sylvain. »
Il y avait un peu réfléchi, et c’était la seule certitude à laquelle il était parvenu. Pour le reste, il ne se sentait pas le courage de demander à Pierre de rester.
Mais il n’en eut pas besoin : si Pierre avait entamé la conversation à ce sujet, c’est parce qu’il avait une idée en tête, qu’il clarifia enfin pour son ami :
« Installe-toi définitivement ici. Il y a assez de place pour trois, et c’est le plus économique. Puis le plus pratique aussi, pour que je t’aide avec Mélou, au lieu que tu reprennes un autre appart’… Bon, je sais que c’est pas Saint-Denis ici, et ça peut devenir délicat si tu veux rencontrer des filles, mais on pourra aviser… Moi, je voudrais vraiment que tu restes. »
Voilà ce dont Sylvain avait besoin : la détermination de Pierre dans sa voix quand il lui demandait de rester, son espoir aussi. Il ne pouvait pas lui dire non mais, en l’état, il ne pouvait pas lui dire oui non plus. Il était en train de pleurer, en silence, sans le montrer, parce que depuis le premier jour, son ami avait juste été parfait. Comment pouvait-il résister ?
Il acquiesça finalement, et enfin Pierre remarqua ses larmes. Il rit doucement en le serrant plus fort et déposant quelques baisers sur sa peau et dans ses cheveux. Les signes d’affection de ce genre se multipliaient entre eux depuis ce soir où Pierre l’avait massé. C’était doux, c’était bon, ça les faisait se sentir vivant et entier. Pourquoi arrêter ?
Sylvain finit par verbaliser ses pensées, embêté que son ami ait encore une fois mentionné les rencontres. Il lui avait dit, il n’en voulait pas, pas tant que Pierre voulait de lui.
« Je m’en fiche de rencontrer des gens, c’est pas ce que je veux.
-Et qu’est-ce que tu veux ? demanda Pierre d’une voix blanche. »
Son interlocuteur fronça les sourcils. Il entendait de la peur, de l’appréhension dans sa voix, et il ne comprenait pas pourquoi. Il soupira.
« Je sais pas. Que ça continue comme ça ? On est bien, là, non ? »
Il leva le regard vers le visage de Pierre, appuyant sa question.
Leurs regards se croisèrent, longuement. Pierre semblait hésiter, indécis. Finalement, il se pencha, rapprochant encore plus Sylvain de son corps si c’était possible, et embrassa sa joue, mais si proche de ses lèvres que le doute planait quant à sa volonté. Personne ne parla ensuite et Sylvain reprit sa sieste peu de temps après, rassuré, heureux : il avait un toit sur la tête et un meilleur ami qui ne le lâcherait pas, il venait de lui assurer cela. Il n’avait aucun doute à avoir sur l’avenir, alors.
Sylvain se réveilla en début de soirée, seul. Il avait froid, comme il s’était endormi au-dessus des draps, et se recroquevilla par réflexe pour récupérer un peu de chaleur. Comme ça ne fonctionnait pas, il décida de se lever en grognant et fouilla dans l’armoire, attrapant un pull au hasard. Ce ne fut que lorsqu’il l’enfila qu’il remarqua que le vêtement n’était pas à la bonne taille. Il sourit en laissant tomber les trop longues manches sur ses mains et battit un peu des bras, appréciant la sensation du tissu dans l’air.
Après quelques minutes à jouer, il sortit de la chambre, guidé par le son de la voix de Pierre. Il parlait à voix basse, sans chuchoter non plus, la voix calme et posée, le ton doux… Sylvain savait qu’il était en train de parler à Mélou, de lui faire la conversation à sens unique. Pour ne pas les déranger, il s’arrêta au seuil du séjour, les observant avec un sourire.
Pierre était allongé sur le flanc, son coude plié maintenant son buste surélevé, au sol. Mélissa se trouvait devant lui, jouant avec un doudou pendant que l’homme lui expliquait – sans trop de succès – ce qui était prévu pour le tournage du lendemain. Il était dos à Sylvain, qui eut alors tout le loisir de l’écouter choisir ses mots et interpeler Mélou avec des surnoms tous plus adorables les uns que les autres : crevette, chérie, louloute, chat et tout le reste du lexique animalier. C’était attendrissant, le papa ne s’en lassait pas.
Cependant, sa fille brisa sa discrétion en tournant la tête vers lui. Il n’était pas très loin, alors elle reconnut son visage et y réagit avec un sourire, tendant les bras. Pierre regarda donc derrière lui et se redressa d’un coup pour s’asseoir en tailler avec un petit rire.
« Ça fait longtemps que t’es là ? demanda-t-il d’un ton faussement accusateur.
-Suffisamment longtemps, se moqua Sylvain. T’as vraiment la fibre paternelle, hein… »
Pierre haussa les épaules, baissant le regard vers la petite qui, elle, fixait toujours son père. Elle voulait visiblement être dans ses bras.
Sylvain s’assit en face de Pierre, récupérant son enfant pour la poser entre ses jambes en tailleur. Elle essayait déjà de pousser sur ses jambes, pas longtemps, suffisamment pour que son père doive suspendre son geste avant qu’elle n’atteigne le sol.
« Toi aussi tu l’as, répliqua enfin Pierre après un temps de contemplation. Elle t’adore. »
Le papa fier ne put s’empêcher de sourire, alors que sa fille était blottie contre son ventre, tenant toujours son doudou.
« C’est vrai que je m’en sors vraiment mieux que ce que j’imaginais. Grâce à toi, ajouta Sylvain.
-C’est toi qui fais le plus, répliqua son interlocuteur.
-Tu rigoles ?! Tu nous héberges gratuitement, tu t’occupes d’elle quand je peux pas, tu m’aides sur tout plein de trucs… T’es super investi ! »
Pierre en rougit mais ne répondit pas. Sur ce sujet, il laissa le dernier mot à son ami.
A la place, Pierre commença à parler du programme du lendemain : quand Marine viendrait, quand eux partiraient, où, avec qui, comment, quand ils rentreraient aussi, bref, tout un tas de détails techniques dont ils avaient déjà parlé, mais qu’il fallait vérifier et revérifier pour qu’il n’y ait pas de couac. Il avait l’air particulièrement stressé : ça allait être une longue journée, où les deux hommes n’auront pas beaucoup de nouvelles de la petite, et il craignait qu’une urgence survienne. Même s’il avait confiance en Marine, il avait peur, au même titre que Sylvain.
Alors les deux hommes discutèrent longuement, jusqu’à ce que l’heure du dîner sonne. Enfin, ils étaient en avance par rapport à leurs habitudes, mais ils devront se lever vers quatre heures le lendemain alors il fallait bien faire quelques sacrifices.
Mélissa ne sembla pas trop perturbée par le changement d’horaire, au moins pour son repas. Ce fut plus compliqué pour le coucher, qu’importe combien de temps Sylvain la berçait, elle ne voulait pas dormir. Pierre suggéra alors de lui lire une histoire, peut-être que ça l’aiderait, ce à quoi le père répondit avec un sourire moqueur :
« Ouais, ça va surtout nous endormir nous. On est devenu des papis depuis qu’elle est là. »
L’autre homme éclata de rire, hochant la tête en baissant le regard vers ses pieds.
« Ouais, je vois ce que tu veux dire. On peut essayer quand même ?
-Dis-le si tu veux juste lui lire une histoire hein, je vais pas te juger, sourit Sylvain.
-Je vais choisir le livre, répliqua alors Pierre, provoquant le rire de son ami. »
Il s’approcha de l’étagère où une dizaine de livres pour bébés se trouvaient et en saisit un après avoir soigneusement consulté les titres.
Pierre guida ensuite Sylvain jusque la chambre parentale – ils l’appelaient déjà comme ça avec plus ou moins de gêne, évitant soigneusement de dire ‘’conjugale’’. Il le laissa s’installer en ignorant son regard interrogateur.
« Pourquoi tu veux pas lui lire dans sa chambre ? demanda le père.
-Pour qu’on soit à trois, lança Pierre, tout fier de lui. »
Il s’allongea à son tour à côté de son ami, qui déposa l’enfant entre eux. Pierre ouvrit le livre à la première page, commençant à conter.
Sylvain réprima un rire en lui lançant un regard. Il souriait à tel point que ses joues lui faisaient mal, et ses yeux, plissaient, brillaient de reconnaissance. Oh, il savait qu’il jouait à un jeu dangereux, là, allongé avec Pierre dans le lit qu’ils partageaient trop souvent, l’enfant qu’ils élevaient ensemble entre eux. Il le savait très bien. Il le sentait dans la façon qu’avaient ses entrailles de se tordre, dans la chaleur qui chatouillait son ventre, dans le picotement de sa peau qui n’attendait que d’être touchée, dans ses envies, ses désirs, ses rêves, son imagination, tout ce qui avait changé depuis que Pierre avait commencé à s’occuper de Mélissa… Il était en train de tomber amoureux, et il adorait ça. Il se laissait faire, se prélassait dans la douceur d’un nouveau quotidien à deux, avec celui qu’il ne pouvait jamais décevoir même s’il essayait.
Au final, il avait été mauvaise langue. Il ne s’endormit pas, alors que la petite fille tomba de fatigue après vingt minutes. Il fallait dire que la voix de Pierre se prêtait à l’exercice : plus grave que la sienne, il arrivait à lui donner un ton si doux, pas vraiment monotone mais régulier, qu’il en devenait un merveilleux conteur pour l’enfant. Et même si Sylvain avait remarqué que sa fille dormait, il n’en dit rien à Pierre, juste pour l’entendre parler encore un peu, pour profiter…
Alors Pierre finit le livre. Il le referma doucement, vérifiant que Mélissa dormait bien, puis lança un regard vers l’autre homme. Il était un peu plus affalé que Sylvain, alors il dut lever la tête. Il lui adressa un petit sourire qui lui fut rendu.
« Tu me voles mes fringues, maintenant ? murmura-t-il en donnant un coup de tête en direction du pull.
-Je pensais que tu l’avais pas remarqué, avoua Sylvain avec une expression d’enfant pris la main dans le sac. J’adore parce que les manches sont trop longues. »
Il leva un bras et lui fit la démonstration de son jeu favori avec un petit rire. Pierre se redressa suffisamment pour embrasser sa mâchoire, à défaut d’atteindre sa joue.
« Tu peux le garder, t’es mignon dedans, le complimenta-t-il.
-Tu devrais pas me dire ça, tu ne posséderas plus aucun vêtement dans cette maison, le prévint son interlocuteur.
-Je crois que j’ai signé pour ça en te proposant d’emménager, soupira Pierre, faussement blasé. Allez, je vais la coucher. »
Il attrapa l’enfant endormie en douceur et se leva, quittant la pièce.
Sylvain, lui, était figé. Lors de leur discussion antérieure à propos de la maison, il n’avait pas totalement saisi l’implication de ses paroles, de ce qu’il avait accepté. Enfin si, mais l’entendre aussi platement déclaré, comme un fait certain, lui tordait le ventre d’une toute autre façon. Emménager. Oui, il avait bien dit qu’il allait résilier son bail après tout. Oui, Pierre lui avait expliqué qu’il pouvait rester, qu’il en était heureux. Mais emménager, c’était sérieux, ça prenait du temps, ce n’était pas quelque chose à prendre à la légère…
Il tourna son regard vers l’armoire qu’il n’avait pas totalement refermée tout à l’heure, d’où dépassait ses t-shirts, ses pantalons… Il y avait là plus de la moitié de son dressing. Bordel, il avait déjà emménagé. Et Pierre, qui avait démonté le lit de la chambre d’amis, qui avait préparé pour Mélissa une chambre toute à elle, qui leur faisait à manger tous les soirs, ce Pierre-là, trop gentil, l’avait laissé faire. Mais il n’arrivait pas à s’en vouloir, la réalisation le rendait trop heureux, au fond.
Oslo entra dans la chambre et sauta sur le lit, à la place de Pierre, comme il le faisait parfois quand Sylvain s’y trouvait. La ‘’place de Pierre’’, parce que l’autre était réservée à Sylvain, maintenant. Oh, il était vraiment, vraiment dans la merde.
Sylvain jeta un regard au chien et tendit la main pour le caresser, mais Oslo se mit immédiatement à la lécher, faisant rire l’homme qui le laissa faire. Puis après quelques secondes, l’animal se tourna pour offrir son ventre à son humain, que ce dernier caressa donc avec joie.
Quand Pierre revint, il vira rapidement le chien du lit, le faisant sortir de la chambre en silence. Habitué, l’animal obéit et trotta vers son panier.
« Quelle idée de venir me voler ma place tous les soirs, marmonna le maître.
-T’es jaloux ? se moqua Sylvain. »
Son interlocuteur se tourna vers lui avec un sourire, faisant le tour du lit pour s’allonger là où se trouvait le chien plus tôt.
« Peut-être.
-Quoi, tu veux des caresses ? rigola doucement son homologue. »
Pierre s’installa sous le drap et son ami fit de même
« Peut-être, répéta le premier. »
Sylvain le tira alors, si bien que sa tête se retrouva contre le ventre de l’autre, et ses doigts passèrent contre son crâne.
Pierre n’avait pas eu le temps de réagir, mais il appréciait bien trop la nouvelle position pour dire quoi que ce soit. Il retira juste ses lunettes, que Sylvain prit de sa main libre pour les poser sur sa table de chevet, et ferma les yeux en souriant. L’autre homme jouait avec ses mèches courtes, avec la peau sensible derrière son oreille, avec les poils drus de sa barbe… Son pouce passa contre sa lèvre, ce n’était pas de sa faute, il ne voyait pas vraiment ce qu’il faisait comme Pierre se trouvait dos à lui. Pas grave, il continuait ses tendres attentions.
Les doigts de Sylvain effleurèrent le cou de l’autre, avant de remonter dans ses cheveux à nouveau.
« C’est agréable, quand même, remarqua Pierre à voix toute basse. »
Sylvain ne pouvait s’empêcher de penser à la nuit dernière, quand son ami avait caressé son corps à la manière d’un amant. Il voulait ressentir ça de nouveau, il en crevait de désir, il en avait besoin même. C’était plus fort que lui, ça le démangeait, ça bouillonnait dans son ventre…
Alors il obéit à ses tentations, sa main glissant dans le dos de Pierre aussi loin qu’il put, tirant son t-shirt, passant ses doigts dessous pour se poser contre son flanc. L’autre homme se souleva même pour que le haut de son pyjama remonte plus facilement. Visiblement, ils avaient la même envie. Sylvain ne s’arrêta pas. Encouragé, il caressa le ventre de son homologue, osant à peine toucher sa poitrine… Il s’y aventura malgré tout, suivant la traînée de poils qui s’épaississait au niveau des pectoraux.
Après quelques minutes, Pierre souleva de nouveau son corps avec effort. Son ami suspendit son geste pour le laisser faire ce qu’il voulait, sans savoir ce que c’était. Pierre se retourna, levant vers lui un regard brillant. Sa tête se trouvait maintenant sur la poitrine de l’autre, contre son cœur, qu’il entendait battre un peu vite, avec quelques irrégularités. Ça le fit sourire, parce que le sien était dans le même état.
Aucun des deux ne parla. Ils restaient résolument silencieux, même quand Sylvain reprit ses caresses et que Pierre entama les siennes, moins timide que son ami. Il se redressa même, approchant son visage du sien, les yeux posés sur les lèvres de l’autre. Il voulait y posait ses lèvres à la place et était bien parti pour… sans compter sur l’enfant qui, à quelques mètres d’eux, éclata en sanglots.
Sylvain se racla la gorge, donc, et repoussa doucement son homologue pour ne pas le brusquer. Il avait l’air un petit peu mal à l’aise malgré tout, quand il se leva pour aller s’occuper de sa fille, laissant Pierre penché sur du vide.
Ce dernier soupira, retombant contre le matelas, roulant sur le dos. Il passa ses mains sur son visage, jusqu’à ce que le bord de ses paumes se trouvent contre ses yeux.
« Bordel, souffla-t-il. Pierre, t’es trop con. »
Il soupira et se réinstalla normalement dans le lit, à sa place, n’envahissant plus l’espace de Sylvain.
Celui-ci revint rapidement, Mélissa s’était rapidement rendormie après son réveil en sursaut sûrement causé par un cauchemar. Le père se glissa à nouveau sous les draps et, sans demander la permission à son ami, se blottit contre son flanc en passant un bras en travers de son torse, comme il avait l’habitude de le faire. Le geste soulagea quelque peu Pierre, qui avait eu peur d’avoir tout fait foirer. Sylvain ne semblait pas lui tenir rigueur du mouvement qu’il avait amorcé plus tôt… avait-il seulement compris ce qui était en train de se passer ? Voilà une question qui torturerait Pierre durant la nuit. Il espérait qu’elle ne le tienne pas éveillé trop longtemps, tout de même.
Le lendemain, comme prévu, fut une journée compliquée. Les deux hommes étaient fatigués, ce qui transforma le tournage en une succession d’événements chaotiques et de blagues bancales. Ils riaient bien, tous les deux, au moins. Leur équipe leur jetait parfois des regards étranges, mais ils s’en fichaient. Ce n’était pas la première fois qu’ils étaient dans leur monde.
Peut-être que c’était différent, cette fois. Ils ne savaient pas trop, ils passaient trop de temps ensemble maintenant pour s’en rendre compte. Anaëlle leur glissa d’ailleurs quelques remarques pendant la pause déjeuner, Pierre en rit nerveusement, Sylvain sourit poliment en restant silencieux. Bizarre, pensa leur employée.
Après d’innombrables problèmes, blagues plus ou moins bonnes et heures de tournage, la journée se termina enfin. Sylvain était plus qu’épuisé, fixant souvent le vide, faisant peu attention au monde qui l’entourait. Pierre lui attrapa le bras et le prit à part pour lui intimer :
« Va te reposer dans la voiture pendant qu’on remballe.
-Mais faut que je vous aide, je peux pas vous laisser ranger comme un connard, s’indigna le jeune homme.
-T’as l’air à deux doigts de clamser frère, vraiment, va te reposer, contra son interlocuteur. En plus, on devra s’occuper de Mélou quand on rentrera, faut que tu reprennes des forces. »
Sylvain baissa le regard, l’air boudeur. Comme son ami le poussait vers le véhicule, il soupira, défait :
« Ok, ok, j’y vais. Pas besoin de m’y conduire !
-On sait jamais, si tu tombes de fatigue en chemin, se moqua doucement Pierre. »
Mais il lâcha malgré tout son collègue pour le laisser s’installer dans le véhicule.
Arthur s’avança vers Pierre avec un sourire en coin, s’arrêtant face à lui, les mains sur les hanches.
« Vous allez rentrer ensemble ? demanda-t-il en voyant Sylvain s’installer dans la voiture de Pierre. »
Ah, c’est vrai, il ne les avait pas vu arriver ensemble, et l’emménagement de Sylvain n’était pas encore officiel.
« Ouais, vu qu’il dort chez moi, répliqua simplement l’autre homme en glissant ses mains dans ses poches – eh oui, il commençait à faire froid, maintenant que le mois de novembre avait commencé.
-Ah ouais, vous faites soirée pyjama ? blagua Arthur.
-Un peu longue la soirée pyjama, ça fait un mois quand même. »
Pierre sourit, fier de lui face à l’étonnement de son ami. Puis il se prit un coup de coude qui le déstabilisa un peu.
« Ah bah enfin, vous avez passé le pas. »
Ce fut au tour de Pierre d’être étonné. Il rit, baissant la tête, gâchant la pointe de déception qui teintait sa voix :
« Te méprends pas, c’est pour l’aider avec Mélissa. »
Son homologue hocha la tête, pas l’air convaincu pour un sou. Tant pis, il aurait essayé. Il disait la vérité après tout, pas vrai ?
Les deux hommes se décidèrent à aider les autres à ranger, remballant le matériel et nettoyant le lieu avant toute chose. Quelqu’un proposa d’aller boire un verre, comme ça arrivait parfois, mais Pierre refusa. Sylvain était trop fatigué, il voulait juste rentrer et retrouver Mélou. Il laissa donc son équipe là, les saluant et les remerciant chaleureusement, rejoignant la voiture.
Quand il entra dans le véhicule, Sylvain ouvrit les yeux et sortit la tête de la boule qu’il formait sur le siège passager.
« Il t’a dit quoi Arthur ? marmonna-t-il, visiblement à moitié endormi. »
Pierre se mordit la lèvre. Les mots de son ami le travaillaient toujours, et pour cette raison il décida de les partager :
« Il a demandé si on rentrait ensemble, et quand je lui ai répondu que oui, il a dit qu’on avait enfin passé le pas. Comme ça. C’était même pas une question… On ressemble tant que ça à un couple ? »
Il se tourna vers son interlocuteur, un bras sur le volant et l’autre accoudé à son siège. Sylvain lui lança un regard espiègle.
« Faut croire, c’est pas le premier à nous faire la réflexion. Regarde au supermarché, lança-t-il, avec la vieille homophobe.
-Oui mais elle, elle nous connaît pas ! rétorqua Pierre.
-Mais c’est encore pire ! argua son collègue.
-Ah non, je suis pas d’accord ! répliqua l’autre homme avec énergie. Je me pose mille fois plus de questions quand Anaëlle nous lance un regard en coin en disant qu’on est mignons à deux que quand une espèce de connasse nous insulte au Super U ! »
Sylvain se tut, parce que l’autre avait raison. A la place, il éclata de rire. C’était trop bizarre pour ne pas se le permettre… Comment sa vie avait-elle pu basculer autant en trois mois ?
Le retour se déroula dans la bonne humeur, quoique leurs discussions avaient parfois la même énergie que le débat précédent. Ils s’amusaient bien, même si ça ne reposait pas Sylvain, du coup. Il semblait toujours énergisé quand l’autre homme était à ses côtés. La nuit était tombée depuis un moment, il fallait bien combattre la déprime.
Marine fut heureuse de les voir revenir avec le repas du soir : un MacDo pour trois. Elle avait passé la journée à s’occuper de la petite, et bien qu’elle fût plutôt facile à vivre, elle méritait tout de même salaire pour ses longues heures – de six heures du matin à huit heures du soir, quatorze heures !
Après les embrassades avec la sœur, Sylvain se dirigea vers sa fille pour la prendre dans ses bras. Celle-ci le câlina en collant sa tête contre son épaule, ce qui eut pour effet de faire fondre son cœur. Il ne la garda pas longtemps ceci dit, parce qu’il avait faim mais surtout parce que Pierre voulait aussi la prendre dans ses bras, ce qu’il fit quelques minutes, le temps que les deux autres ne déballent le repas.
Puis les trois adultes passèrent à table, la petite se trouvant installée dans sa chaise haute. Alors qu’il avait entamé son sandwich, Sylvain demanda à sa sœur :
« Mar’, tu trouves qu’on ressemble à un couple ? »
Elle mit un temps avant de percuter ce qu’il lui demander. Alors elle rit et répondit honnêtement :
« Avec Pierre ? J’osais pas le dire. ‘Fin, tu m’as quand même demandée ce matin si j’étais libre dans le mois pour t’aider à déménager. Je veux pas dire, mais c’est suspect. Enfin, t’inquiètes pas, si les parents ont bien pris la nouvelle pour Mélissette, je pense qu’il y a aucun souci pour Pierre. Ils l’attendent, même. »
Sylvain éclata de rire à la dernière phrase, tandis que son ami s’obstinait à fixer son repas, silencieux.
« Comment ça, ils l’attendent ?! s’indigna le premier. Mais on est pas ensemble, hein…
-Pour l’instant, ajouta la jeune femme avec un sourire moqueur. Ils parlent toujours de lui en disant ‘’ton grand dadais’’, ils ont pas l’air au courant que vous êtes juste amis, hein. »
Enfin, Pierre explosa à son tour, riant à gorge déployée si bien que Mélissa se tourna vers lui, curieuse.
Sylvain mit rapidement fin à la conversation en réitérant que non, il ne sortait évidemment pas avec Pierre, ils étaient amis et son ami l’aidait simplement à élever sa fille, comme il était père célibataire. Pierre cessa de rire : pourquoi semblait-il si gêné d’un coup ? C’était bien lui qui avait lancé la conversation pourtant, à quoi s’était-il attendu ? Il baissa à nouveau le regard, trouvant ça vachement moins amusant, d’un coup.
Pourtant, Sylvain n’avait pas voulu paraître si rude. Ses pensées étant ce qu’elles aidaient, il s’était mis à réfléchir un peu trop fort à ce que son futur pouvait être. Et il le voulait avec Pierre. Pierre qui lui offrait son hospitalité, qui ne se doutait pas… Ou peut-être que si. Il avait essayé de l’embrasser après tout, non ? Pourtant quelque chose bloquait, Sylvain doutait, méritait-il seulement cette attention ? Décidément, la fatigue était trop forte et jouait avec ses sentiments.
Marine partit rapidement après le repas, pressée de retrouver son chez-elle. Son frère soupira en claquant la porte derrière elle. Pierre, derrière lui, hésita un instant avant de l’enlacer doucement, collant son torse à son dos.
« T’as l’air crevé mon pauvre, remarqua-t-il doucement. »
Sylvain fondit dans l’étreinte, calant son crâne sous le menton de son ami.
« Ouais, souffla-t-il. Je crois que je suis trop fatigué pour penser, ça me rend triste… Je vais prendre une douche. »
Il s’extirpa de l’étreinte et traîna des pieds vers le couloir.
Pierre l’interpella avant qu’il ne quitte la pièce, se rapprochant de lui en quelques enjambées.
« Attends, je vais te couler un bain, ce sera plus sympa non ? »
Son homologue ne put s’empêcher de sourire. Oh, qu’il se sentait chanceux… Oh, qu’il aimait ces petites attentions. Il ne s’en lasserait jamais, probablement. Pierre était plus galant qu’il ne voulait l’admettre.
Sylvain hocha la tête, alors son ami passa devant lui et entra dans la salle de bain d’abord, préparant le bain avec méthode. Il était visiblement habitué. L’autre commença à retirer sa chemise pendant ce temps, puis son pantalon. Cependant, quand Mélissa commença à pleurer, il renfila ce dernier. Pierre l’arrêta en attrapant son bras, le dépassa, s’apprêtant à sortir de la salle de bain pour s’occuper de l’enfant. En passant devant Sylvain, leurs corps se rapprochant, il embrassa son front rapidement et murmura :
« Je vais m’en occuper, t’inquiète pas. »
Avant même que l’autre puisse répondre, il était déjà parti.
Sylvain accepta donc son dur sort et termina de se déshabiller. Il plongea dans l’eau avec un soupir : elle était un poil trop chaude, mais ce n’était pas très dérangeant, sa peau s’adapterait. Elle rougit malgré tout à cause de la différence de température.
Il se prélassa longuement, prenant tout son temps pour se laver les cheveux et le corps, pour détendre ses muscles endoloris par la fatigue, le stress et le froid, pour se reposer. Il ferma les yeux au bout d’un moment, se laissant couler au fond doucement. Son visage resta seul au-dessus de l’eau.
Après plusieurs dizaines de minutes, Pierre frappa à la porte. Son ami sursauta en rouvrant les yeux et se redressa.
« Oui ?
-Mélou est en train de s’endormir, tu veux lui dire bonne nuit ? demanda doucement l’autre homme.
-Attends. »
Sylvain rinça ses cheveux aussi vite qu’il le put puis sortit de la baignoire. Il glissa sur le tapis et se rattrapa maladroitement sur le lavabo, son poignet prenant un drôle d’angle. Il grimaça mais n’y accorda aucune attention, s’enroulant dans une serviette à la place.
Il ouvrit enfin la porte, un poil essoufflé, ce qui poussa Pierre à rire.
« Elle pouvait attendre deux minutes de plus, hein…
-Je voulais pas faire attendre ma princesse. »
Il la prit dans ses bras pour la câliner et l’embrasser un moment, sous le regard attendri et un brin moqueur de Pierre, avant de la remettre dans ses bras comme elle s’endormait définitivement contre lui.
« Bonne nuit Mélou, murmura-t-il, embrassant une dernière fois son crâne. »
Pierre disparut à nouveau, le laissant se sécher correctement et enfiler son pyjama.
Les deux hommes se retrouvèrent dans la chambre. Pierre était déjà allongé, ses lunettes posées sur la table de chevet à côté de lui, attendant son ami. Sylvain se pencha sur le lit, posa sa main pour s’y asseoir… et jura bruyamment. Son poignet le brûla soudainement et il vacilla sur son appui. L’autre homme se redressa, inquiet.
« Ça va ? Tu t’es fait mal ?
-Ouais, j’ai glissé dans la salle de bain et je me suis mal rattrapé, se plaignit Sylvain.
-Attends-moi. »
Pierre se leva et sortit de la chambre, alors son ami n’eut pas d’autre choix.
Il revint à peine une minute après de toute façon, une trousse de soin à la main. Il s’assit face à son homologue sur le lit et tendit la main.
« Fais voir. »
Sylvain obéit, lui présentant son poignet et expliquant sa douleur. Pierre le massa alors, doucement, appuyant quand il le fallait tout en veillant à ne pas en rajouter à sa blessure.
Quand il eut fini, Pierre porta le bras de l’autre homme à ses lèvres et l’embrassa près de la blessure tout en évitant la zone enduite de pommade. Sylvain sourit au geste, qui devenait décidément récurrent entre eux.
« Et voilà, j’espère que ça ira mieux demain.
-J’espère aussi. Merci beaucoup, Pierre, murmura Sylvain. Pour toute la soirée, le tournage, le bain, ça… Merci. »
Il avait les yeux humides, la voix tremblante, le nez retroussé et les lèvres pincées. Pierre savait ce que cela voulait dire, il leva la main pour caresser sa joue, le voyant ferme les yeux et se pencher dans le geste.
« C’est la fatigue qui te rend émotionnel ? questionna-t-il sans reproche. »
Sylvain hocha la tête, ne pouvant retenir les premières larmes qui coulaient déjà.
Comme un réflexe, Pierre passa une main derrière sa nuque et le tira vers lui. Son homologue posa son front contre son épaule en s’accrochant sans grande force à son haut de pyjama. Il lâcha entre deux sanglots, entre deux larmes, d’une voix toute serrée d’enfant épuisé :
« Je sais pas où je serais sans toi…
-Normalement, tu serais encore chez Bosch, blagua Pierre en caressant son dos, lui arrachant un rire mouillé. »
Il le laissa pleurer tout son saoul, s’allongeant au bout de moment pour être plus confortable. Il ne le lâcha pas, au contraire il le serra plus fort contre lui.
Sylvain cacha son visage dans le creux de son cou et emmêla ses jambes aux siennes, retrouvant une respiration lente et régulière après quelques minutes.
« Eteins la lumière s’il te plaît, chuchota Sylvain d’une voix légèrement cassée. »
Pierre obéit et reprit sa position. Il sentait l’autre homme s’assoupir dans ses bras et il le laissa faire, passant une main dans ses cheveux, s’endormant lui aussi. Ils pouvaient enfin se reposer un peu, en espérant que Mélissa ne se réveille pas dans la nuit…
Deux nouveaux mois passèrent ainsi, durant lesquels Sylvain, avec l’aide de sa sœur, de ses ami·es et avant tout de Pierre, déménagea la totalité de ses possessions de son appartement jusqu’à sa nouvelle résidence. Son ami lui avait définitivement laissé la moitié de son armoire pour y ranger ses vêtements, mais aussi de son bureau, de son étagère à DVDs, de son meuble de télévision pour les consoles, du lavabo dans la salle de bain…
Sylvain n’eut aucun mal à trouver ses marques, puisque cela faisait déjà deux mois qu’il y passait la majorité de son temps. Ça avait été plus progressif qu’il ne l’avait imaginé, au final, et Mélissa s’était parfaitement acclimatée à la nouvelle maison. De toute façon, elle y avait déjà passé bien plus de temps qu’à l’appartement.
Les fêtes étaient passées entre temps, séparant les deux amis et surtout Pierre de Mélissa. Il fit donc promettre à Sylvain de lui envoyer régulièrement des nouvelles, ce que l’autre respecta à la lettre avec de nombreuses photos, soigneusement sauvegardées par Pierre. Il fallait dire qu’elle était vraiment adorable, dans sa robe verte, entourée de tous ses jouets. C’était le premier Noël de l’enfant et elle avait été gâtée par la famille de son père et tous ses proches.
L’installation achevée, la stabilité retrouvée, le jeune père eut un meilleur sommeil, toujours passé dans les bras de Pierre, et put enfin se reposer. Il se réveillait plus facilement, du coup, pour le plus grand bonheur de son colocataire qui n’avait plus à subir sa mauvaise humeur matinale.
D’ailleurs, ce matin-là, un matin fatidique de janvier, Sylvain se leva alors que Pierre était déjà dans la salle de bain, en train de se doucher. Il attendit donc son tour avant d’entrer dans la pièce. Il avait besoin de se raser, il arborait déjà une barbe de deux semaines et, même s’il allait mieux, il n’avait pas vraiment les capacités de s’en occuper correctement. La solution était radicale, mais il verrait plus tard pour la garder.
Il s’installa donc face au miroir, déployant le nécessaire sur les bords du lavabo. A peine avait-il commencé que Pierre ouvrit la porte, juste de quelques centimètres, pour lui annoncer :
« Mélou est réveillée !
-Je peux pas m’occuper d’elle là, tu peux le faire ? répondit Sylvain d’une voix absente, concentré sur son rasage.
-Bien sûr ! »
Et la porte se referma, mais ça n’empêche pas le papa d’entendre son ami parler à Mélissa :
« Allez, viens par-là mon chat, c’est tonton Pierrot qui te donne ton petit-déjeuner ce matin ! Papa est en train de se raser pour être tout beau après. »
Sylvain sourit, attendri, sans cesser les gestes répétitifs.
Une dizaine de minutes plus tard, il entendit le cri un peu paniqué, un peu excité de Pierre, qui le pressait de venir. Il ne lui restait pas grand-chose, alors il le fit patienter un petit peu pour finir. Quelques minutes encore, et il put rejoindre les deux autres dans le séjour, sans même avoir prit le temps d’enfiler un t-shirt.
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
Pierre avait les yeux brillants, un peu humides. Le cœur de Sylvain rata un battement : il n’avait pas compris que c’était si urgent…
Pierre était assis sur le canapé, Mélou lui faisant face, assise sur ses genoux. Le papa les rejoignit tandis que son ami demandait à l’enfant :
« Tu peux répéter ce que tu m’as dit ?
-Elle a parlé ?! s’exclama Sylvain, ne voulait pas tirer de conclusion hâtive. »
Mais Pierre ne lui répondit pas et répéta seulement sa question. Alors Mélissa, le fixant de ses grands yeux de bébés, avec son sourire gai, parla :
« Papa ! »
Et le monde s’arrêta pour Sylvain.
Il mit un moment avant de réaliser que ce n’était pas à lui que ce mot était adressé, et Pierre semblait bien embêté par l’affaire. Il s’excusa même :
« Je suis désolé, je sais pas pourquoi elle me le dit à moi… »
Mais la déception passée, Sylvain était juste profondément heureux. Euphorique, même. Il se jeta dans le canapé, à côté de Pierre, et se pencha vers sa fille pour la féliciter abondamment. Elle avait parlé. Elle venait de prononcer son premier mot. Et au final, peu lui importait que ce ‘’papa’’ ait été adressé à Pierre, ou plutôt si, ça lui importait, parce qu’il mérite ce titre plus que celui de tonton, parce qu’il était le meilleur père qu’il aurait pu espérer pour sa fille, parce qu’il faisait ce qu’il pouvait depuis le début.
Oui, Pierre était un père pour Mélissa. Ce n’était pas illogique, en y réfléchissant. Il s’occupait d’elle, lui donnait le bain, le biberon et la cuillère, l’habillait, la changeait, la consolait et la berçait des heures durant, et surtout il l’aimait comme un père. Alors Sylvain ne lui en voulait pas, comment pouvait-il ? Son ami avait simplement rempli toutes les cases.
L’émotion l’étouffait. Il pleurait des grosses larmes de joie tout en riant, interpellant sa fille pour lui parler malgré sa gorge serrée :
« T’es trop forte princesse, tu veux pas le redire pour papa ? Le redire à Pierre ? Pu—rée je suis tellement heureux, t’as pas idée de ce que tu viens de faire Mélou, ma chérie… Mer—Hum, je chiale… »
Pierre le laissait faire, souriant largement devant la scène, pleurant lui aussi. En voyant que l’autre homme ne lui en tenait pas rigueur, il ne pouvait que se sentir fier et heureux, tout comme lui.
Sylvain se redressa et échangea un regard avec Pierre, riant nerveusement. C’était des à-coups par-ci par-là, secouant tout son pauvre corps épuisé par l’adrénaline. Elle retombait peu à peu, tandis qu’il se rapprochait de Pierre, laissant son pauvre cœur reprendre un rythme régulier. Ses yeux continuaient de pleurer pourtant, ils ne pouvaient pas s’arrêter, ils ne pouvaient pas faire autrement.
« J’ai du mal à y croire, murmura Sylvain d’une toute petite voix. »
Et comme il se remettait à pleurer, Pierre l’enlaça d’un bras et le tira vers lui, le laissant se blottir contre sa poitrine.
« Moi non plus, répondit-il doucement, d’une voix plus claire et un peu plus assurée. Je pensais pas… Je pensais pas qu’elle me le dirait à moi, je suis désolé, je… »
Il se mordit la lèvre un instant, se recomposant, avant de reprendre :
« Elle l’a dit comme ça, pendant que je lui parlais, mais j’avais arrêté de lui parler de toi et—enfin, peut-être qu’elle t’appelait. En même temps je t’appelle tout le temps comme ça, je sais pas. J’en sais rien. Tu crois que c’est moi qu’elle a appelé comme ça ? Nom de dieu, tu crois qu’elle m’a appelé papa ?! »
Son exclamation fit sourire son ami, le fit rire même. Oh, qu’il était heureux…
Il passa sa main sur le torse de Pierre, jusqu’à sa poitrine, pour l’aider à se calmer. Il se redressa, prenant appui sur lui, tournant ses yeux vers les siens. Comme l’autre ne le regardait pas, il posa son autre main sur sa joue pour lui faire tourner la tête.
« Tu le mérites, Pierre.
-Hein ? lâcha avec éloquence le susnommé. »
Son regard se baissa un bref instant vers le menton de son interlocuteur, ou plutôt ses lèvres, et celui-ci le comprit. Il sourit tendrement.
« Tu le mérites Pierre, répéta-t-il. Tu es un super papa pour elle. Tu l’aimes tellement, ça crève les yeux, et t’es juste tellement doué avec elle que j’en suis jaloux. Je me demande comment tu fais. T’es le meilleur père qu’elle pouvait avoir. »
Et Sylvain, pour éviter qu’il ne réponde, qu’il ne s’indigne, qu’il ne rit, ou les trois en même temps, l’embrassa. Il en mourait d’envie depuis des semaines, et il savait que c’était aussi le cas de son homologue.
Pierre se figea, juste une fraction de seconde, sous le baiser. Quand son cerveau enregistra ce qui était en train de se passer, il y répondit. Un peu timide, un peu hésitant, c’était Sylvain qui menait et ça lui allait de le laisser faire. C’était seulement une poignée de secondes mais ça leur parut à tous les deux plus longs.
Quand ils se séparèrent, Sylvain se détourna rapidement pour prendre Mélissa dans ses bras et le câliner, dansant avec elle au milieu de la pièce. Pierre, lui, était toujours abasourdi, les observant.
« Tu… tenta-t-il dans sa confusion.
-Tais-toi, ordonna l’autre homme, ferme avec juste un brin de douceur. »
Il ne voulait pas en parler maintenant. Ni ce jour-là ni le lendemain. Il voulait juste profiter et ne pas réfléchir à ce qu’il venait de faire. Et Pierre, pauvre Pierre, si heureux aussi, si étonné, Pierre n’eut pas le cœur de transgresser l’ordre. Il obéit donc, avec un doux sourire et un regard tendre pour celui qu’il aimait et leur fille. Leur fille à eux. Eux deux. Oui, ça sonnait bien. Il pourrait s’y faire…
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!PETIT REPORTER!
Le temps fort Enfantines au Centre de l’illustration du 04 au 25 février. Un regard croisé avec l’Artothèque de Strasbourg.
On vous attend :)
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8 conseils simples sur l’apprentissage de la propreté de votre enfant
Avez-vous essayé l’apprentissage de la propreté de votre enfant et ça ne va pas bien? Certains enfants combattent chaque tentative d’apprentissage de la propreté que vous ferez, tandis que d’autres enfants sont intéressés par l’apprentissage de la propreté. En tant que parent, vous serez en mesure de dire quand votre enfant est prêt à commencer l’apprentissage de la propreté. Deux ou trois ans est l’âge moyen auquel votre enfant commence le processus d’apprentissage de la propreté. Voici quelques méthodes simples pour vous faciliter la tâche, à vous et à votre enfant.
1. Commencez à utiliser les toilettes vers l’âge de deux ans. Sortez et achetez une petite chaise pot ou un siège pot qui s’adapte sur les toilettes de taille normale. Si vous entraînez un garçon à la propreté, faites en sorte qu’il ait un bouclier à l’avant pour qu’il ne fasse pas de dégâts. Apportez le petit pot dans la pièce où votre enfant passe le plus clair de son temps un jour ou un week-end lorsque vous avez du temps libre. Laissez votre enfant courir avec juste une chemise sans sa couche. Si cette nudité vous dérange, demandez à votre fils ou à votre fille de porter des sous-vêtements. Si vous les avez dans une couche, ils n’auront jamais l’idée que lorsqu’ils urineront, cela coulera le long de leurs jambes et fera des dégâts.
2. Effacez votre emploi du temps avant de commencer à entraîner votre enfant à la propreté. Choisissez un moment où vous savez que vous et votre routine familiale sont les moins susceptibles d’être dérangés par des vacances, des invités, un déménagement dans une nouvelle maison, etc. Les longs week-ends de vacances sont le moment idéal pour commencer l’apprentissage de la propreté de votre tout-petit.
3. Décidez quels mots vous utiliserez pour décrire les parties du corps, l’urine et les selles. Essayez de ne pas utiliser de mots comme sale, puant ou méchant. L’utilisation de ces termes négatifs peut rendre votre enfant conscient de lui-même et honteux. Parlez de la miction et des selles d’une manière simple et concrète.
4. Utilisez la figurine ou la poupée préférée de votre enfant sur un faux pot, en expliquant que le bébé va faire pipi dans le pot. Mettez des couches sur leur ours en peluche préféré, puis transformez l’ours en sous-vêtements.
5. Discutez avec votre enfant des avantages d’être propre. Parlez-leur de ne plus avoir d’érythème fessier, de ne pas avoir à s’absenter du jeu pour changer leur couche et de la merveilleuse sensation d’être propre et sec. Aidez-les à comprendre que l’apprentissage de la propreté est une étape importante de la croissance.
6. Utilisez des livres et des vidéos pour aider votre enfant à comprendre le processus d’apprentissage de la propreté et voir d’autres enfants apprendre à utiliser le pot. De nombreux livres et vidéos sont disponibles en ligne ou dans votre librairie locale. Laissez votre enfant regarder son livre préféré assis sur le pot pour faire passer les minutes.
7. Sortez votre calendrier et déclarez un jour pot. C’est le jour où votre enfant aimerait commencer l’apprentissage de la propreté. Utilisez une couleur vive et encerclez cette date. Continuez à leur rappeler que le jour du petit pot est presque là.
8. Votre fils ou votre fille aime-t-il dérouler le papier toilette ? Essayez d’écraser le rouleau pour que le rouleau de carton à l’intérieur ne soit plus rond. De cette façon, il ne se déroulera pas aussi rapidement. De plus, les tout-petits qui s’entraînent à la propreté n’obtiendront pas trop de papier par tirage sur le rouleau.
Habituellement, il faut plusieurs séances d’entraînement pour qu’un enfant comprenne ce qu’il est censé faire et soit totalement propre. N’oubliez pas de continuer à essayer, votre enfant finira par comprendre et réussira.
Outil miracle pour des enfants et parents épanouis Ce guide simple et efficace est destiné à toutes les personnes qui veulent : Comprendre leur enfant- Etre plus efficace dans leur quotidien avec leur enfant- Encourager l’épanouissement de leur
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« Être parent, ce n’est pas une compétition »
Naître et grandir est un site Québécois qui explore la parentalité et explique le développement de l’enfant de la grossesse à 8 ans. Proposé par des experts, ce site est sans publicité et il est conçu dans le but de soutenir les parents dans tous les aspects éducatifs afin de favoriser le développement harmonieux de l’enfant.
Toutes les compétences de l’enfant sont présentées par âge : développement affectif, cognitif, social, motricité, mais toujours nuancées par l’idée que ce sont des informations générales et que chaque enfant se développe à son rythme et de manière non linéaire.
Ces informations sont complétées par une newsletter qui propose chaque semaine du contenu adapté à l’âge de son enfant.
Des approches thématiques sont proposées : Prendre du temps de qualité avec son enfant, Mieux choisir au rayon des jouets, 100 gestes pour vous inspirer, Un temps des fêtes zen ? Mission possible !, Les routines, c’est important !…
Un site particulièrement instructif et très riche à parcourir, avec du contenu vidéo et des podcasts (« balado » au Québec !).
Médiathèque départementale de l'Isère
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Les os de nos enfants : une croissance fragile
Saviez-vous que les os de nos enfants ne cessent de se transformer ?
Pourquoi c'est important de le savoir ? Comprendre comment les os de nos enfants grandissent est essentiel pour prévenir les blessures lors de la pratique sportive. ⚽️
Les os : une construction en plusieurs étapes
Les cartilages de croissance: Ce sont les zones où les os s'allongent. Ils sont très fragiles et peuvent être facilement endommagés.
L'ossification: C'est le processus qui transforme le cartilage en os. Il se fait tout au long de l'enfance et de l'adolescence.
Les risques liés au sport Les micro-traumatismes répétés lors de la pratique sportive peuvent endommager les cartilages de croissance et entraîner des blessures graves. ⚠️
Comment protéger les os de nos enfants ?
Un bon échauffement: Indispensable pour préparer les muscles et les articulations à l'effort.
Un équipement adapté: Pour protéger les zones les plus fragiles.
Une surveillance médicale régulière: Pour détecter d'éventuels problèmes au plus tôt.
Aller plus loin
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Comment organiser la résidence des enfants après un divorce par consentement mutuel
Comment organiser la résidence des enfants après un divorce par consentement mutuel
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La petite souris
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Nouveaux épisodes (97 et +) sur les pères, masculinités
Je mûrissais depuis longtemps des épisodes sur le rapport père / fille (et père/fils dans une moindre mesure), et l’impact que cette relation peut avoir sur les rencontres amoureuses, intimes. Il y a tellement de choses à dire ! J’ai donc décidé de me concentrer sur quelques aspects. 1) aspect psychologique, analytique, avec la psy Catherine Grangeard 2) témoignages de pères Vous retrouverez…
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(via L'alimentation de bébé de 6 à 12 mois) 👶 À tous les parents et futurs parents ! Découvrez les meilleures pratiques pour l'introduction des aliments solides chez bébé dans mon dernier article. De l'importance de la diversité alimentaire aux conseils pratiques sur la progression des textures, vous trouverez tout ce dont vous avez besoin pour rendre cette étape essentielle du développement de bébé sûre et enrichissante. Lisez, partagez et aidez d'autres parents à offrir à leurs petits une alimentation saine dès le plus jeune âge. 💬
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Découvrez les secrets du placenta : atelier unique pour parents curieux
Vous êtes intrigué par les multiples usages du placenta et souhaitez en savoir plus sur ses bénéfices thérapeutiques pour votre bébé et vous-même ? Ne manquez pas notre consultation individuelle sur le thème du placenta, un atelier conçu pour vous guider à travers des pratiques ancestrales et modernes.
Pourquoi participer à notre atelier ?
Rituels et usages thérapeutiques : apprenez comment le placenta peut être utilisé dans divers rituels et pour ses vertus thérapeutiques. Ces connaissances vous permettront d'explorer des traditions enrichissantes et de comprendre leur importance pour la santé et le bien-être.
Bébé lotus : découvrez cette pratique douce et respectueuse où le cordon ombilical n'est pas coupé à la naissance. Nous vous expliquerons ses bienfaits pour le nouveau-né et comment la mettre en œuvre de manière sécurisée et sereine.
Isothérapie placentaire : explorez l'isothérapie placentaire, une méthode où le placenta est utilisé pour créer des remèdes personnalisés. Cette pratique peut offrir des solutions naturelles et efficaces pour diverses affections. Christina, maman de 4 enfants, accompagne les parents à travers ces ateliers depuis 2006. Formée par Signe Avec Moi, Faber et Mazlish (Roseline Roy), Association Française de Portage des Bébés. Créatrice de vêtements et accessoires dédiés à l'hygiène naturelle infantile et la continence des bébés, auteure du Guide HNI, et fondatrice de la marque Ecopitchoun. Elle a pratiqué le bébé lotus et l'isothérapie placentaire.
Rencontre avec l'Expertise de Cornelia Enning
Lors de cette consultation, nous vous présenterons le livre de Cornelia Enning, "Le placenta", publié aux éditions du Hêtre en 2010. Cornelia Enning, sage-femme renommée pour ses accompagnements de naissances aquatiques à domicile depuis 1975, a formé plus de 5000 professionnels de santé à la placentothérapie. Ses ouvrages et articles constituent une mine d'informations précieuses que nous partagerons avec vous.
Échanges et partage
Notre atelier est une occasion unique d'échanger sur ces pratiques fascinantes et d'obtenir des réponses à toutes vos questions. Que vous soyez en attente de votre premier enfant ou déjà parent, cette consultation vous offrira des outils et des connaissances pour enrichir votre expérience parentale.
Ne manquez pas cette opportunité de découvrir tout ce que le placenta peut offrir. Réservez votre consultation individuelle dès aujourd'hui et plongez dans un univers riche en savoirs et traditions bienfaisantes pour votre famille.
Réservez maintenant et embarquez pour un voyage de découvertes autour du placenta !
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