#ouïr
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les-portes-du-sud · 29 days ago
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Samuel Marshak
Les gens écrivent, mais le temps efface...
Les gens écrivent, mais le temps efface,
Il efface tout ce qu’il peut effacer.
Mais dis-moi, si l'ouïe meurt,
Le son doit-il aussi mourir ?
Cela devient plus terne et plus silencieux,
Il est prêt à se fondre dans le silence.
Et je n'entends pas avec mes oreilles, mais avec mon cœur.
Ce rire, cette voix gutturale.
...
Les mains sont la partie la plus honnête du corps humain. Ils ne peuvent pas mentir comme mentent les yeux et les bouches qui rient.
Maurits Escher.
«Dessiner les mains» (1948).
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outlying-hyppocrate · 2 years ago
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now that luke black knows about fr*nchified sameaux mi sais spavas i am complete. i <12 that so much
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cheminer-poesie-cressant · 1 year ago
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D'amour danse ma délivrance
à la cadence des ailes et des voyelles
.
Au solfège du Rêve mon coeur ruisselle
d'un refrain qui m'improvise
.
Je ne m'appartiens plus
Il me semble ouïr toutes les ruches de l'île
.
de connivence chanter
--------
... Car toute nostalgie n'est que collier de lianes
au cou des chimères de l'âme ...
---------
... ici il n'est fragment qui ne me donne jour
.
Louis-Axel Montlouis Elmin, A l'aquarelle des mers, extraits, édition Aux Cailloux des chemins
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sh0esuke · 1 year ago
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" Lovers From The Past " - NOUVELLE VERSION.
𝗠𝗲𝘁 𝗲𝗻 𝘀𝗰𝗲̀𝗻𝗲 : Luis Serra
𝗥𝗲́𝘀𝘂𝗺𝗲́ : Après des années passées loin de mon village natal, j'y revins pour prendre des nouvelles de mes proches. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, au lieu de retrouver un lieu paisible et accueillant, je fis face à une armée de monstres prête à me dévorer toute crue.
𝗔𝘃𝗲𝗿𝘁𝗶𝘀𝘀𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 : violence (virus, torture, arme à feu, extraction d'un corps étranger), angst mais avec happy ending, je pense n'avoir rien oublié ? dans le cas contraire vous pouvez me le signaler !!
ENG : PLEASE DO NOT STEAL MY WORKS. If you want to translate it, ask me first then we can talk about it. If you want to find me on Wattpad or AO3, my accounts are in my bio, these are the ONLY ONES i have. FR : MERCI DE NE PAS VOLER MES OS. Si vous avez envie de les traduire, merci de me demander la permission avant. Si vous voulez me retrouver sur Wattpad ou AO3, j'ai des liens dans ma bio, ce sont mes SEULS comptes
𝙽𝚘𝚖𝚋𝚛𝚎 𝚍𝚎 𝚖𝚘𝚝𝚜 : 𝟏𝟐,𝟐𝟒𝟓.
Commentaires, likes et reblogues super appréciés. Tout type de soutien l'est, merci beaucoup !! <33
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« Oh⸺ Oh, mon Dieu... »
Ils tambourinaient sur la porte. J'entendais le bois craqueler et gémir, il n'allait pas tarder à céder. Toute la maison en elle-même ne tenait plus debout. C'était à se demander comment elle était restée en un seul morceau depuis tout ce temps. Je ne voyais plus aucune issue. La maison était minuscule, outre deux/trois meubles, une table et des chaises, elle était vide. À l'extérieur, j'étais à apte à les ouïr. Il me suffit de tendre l'oreille et d'entendre leurs bruits de pas faire le tour de la propriété. J'étais encerclée. Du moins, je n'allais pas tarder à l'être, si je ne me dépêchais pas.
Saisissant mon flanc heurté et raffermissant ma prise sur ma hache, je fis le tour de la demeure ⸺c'est-à-dire que je fis le tour sur moi-même⸺. Ce fut à ce moment là que je la vis. Brisée, des bout de bois laissés à choir à ses pieds, la fenêtre était ouverte à l'instar des portes d'un paradis proche. Des rayons solaires s'y infiltraient, ils me montraient la voie.
Je m'en approchai et vérifiai les alentours.
À ma grande surprise, je ne vis personne, des grognements persistaient à m'angoisser mais, pour l'instant, ils n'étaient pas là. Ils restaient plutôt au centre du village, occupés à faire cuire des êtres humains sur le bûcher et à nourrir la volaille. Ils m'avaient sûrement oubliée. Peut-être ? Du plus profond de mon cœur, je l'espérais.
M'appuyant sur le rebord de la fenêtre, je sortis de la maison, je sautai et atterris au sol, forçant mon dos à se coller contre la bâtisse et ma tête à vérifier les alentours.
C'était madame Gonzales qui nourrissait les poulets, elle tenait un vieux seau abîmé dans ses mains. Son mari n'était pas très loin, il tournait en rond auprès du bûcher. Ma poitrine se fit lourde à cette constatation, ça me tuait de les voir ainsi. Qu'est-ce qui avait bien pu leur arriver ?
Je n'étais pas en position de m'attarder sur la question, mon flanc me faisait bien trop mal. C'était de même pour ma vue. Elle se faisait floue depuis bien trop longtemps pour que je continue de l'ignorer. La cause de cela m'était inconnue. Ça ne faisait que quelques jours que j'étais ici, qu'une poignée d'heures que j'étais plongée dans ce cauchemar. Tout m'échappait. Je ne pouvais faire confiance à personne excepté le sentiment de terreur qui broyait mes tripes.
Je priais pour que la ferme soit indemne, ainsi que ses habitants. Après tout, elle était ma destination finale. Ma maison.
Durcissant ma prise sur le manche de ma hache, je me faufilai discrètement sur le chemin menant à la ferme. Il n'était pas très loin, juste devant. Mon arme était dans un bien sale état. Le tranchant de la hache était à deux doigts de se détacher. Il tremblait pendant que je marchais. Cela me provoquait un profond sentiment d'angoisse. Et si elle se brisait ? Si je me retrouvais face à eux sans de quoi me protéger ?
Monsieur Benavente avait un fusil à pompe dans sa maison, j'aurais pu m'en saisir. Sa maison était juste à côté de celle où je m'étais enfermée, le problème était que la porte d'entrée se trouvait devant le centre du village, m'y rendre m'aurait condamnée.
Le petit chemin menant à la ferme était parsemé de maisons sur ses côtés. Elles aussi ne tenaient plus debout, pour dire; elles n'avaient même plus de porte, ni de fenêtres. Elles étaient totalement vidées. C'était comme si du jour au lendemain tout avait disparu. Un cataclysme avait émergé, il avait tout emporté avec lui, laissant sur ses pas mon village et les villageois dans cet état déplorable. J'avançais avec incertitude. Je pressai le tronc de ma hache entre mes seins, reposai mon menton au dessus de la partie métallique rouillée. Cette parcelle du village était plus calme, je n'entendais plus personne grogner, ni ces bruits de pas menaçants grouiller tout autour de moi. Ça me rassurait. Si cet endroit était laissé en paix, ça signifiait que la ferme pouvait être effectivement saine et sauve. Ma famille s'y cachait certainement. Elle attendait les secours, c'était évident.
Une fois devant les deux grandes portes, j'abandonnai ma hache sur un vieux chariot brisé et pressai mes paumes sur celles-ci. Elles n'avaient jamais été faciles à ouvrir ⸺de manière à empêcher le bétail de s'échapper⸺, habituellement, mon père les laissait grandes ouvertes. Les cochons et vaches étaient gérés par notre chien, nous n'avions jamais rien perdu à agir ainsi. Cette fois-ci, en revanche, elles étaient closes.
Je poussai les portes de toutes mes forces. Mes pieds s'enfoncèrent sur le chemin de terre, mon corps glissa en arrière toutefois cela ne me dissuada pas. Je persistai jusqu'à entendre le bois se déchirer, crépiter et les portes finalement s'ouvrir. Je trébuchai en avant.
« Oh ! OH⸺ »
Miraculeusement, mes mains parvinrent à m'aider, je les avais balancé dans tous les sens de manière à retrouver ma balance, ce qui fonctionna. Ma hache rattrapée et les portes refermées, je m'assurai qu'elles soient presque impossible à ouvrir. Je ne voulais pas risquer d'être prise par derrière par les autres villageois. Cela me permit d'aller de l'avant. Je rejoignis l'entrée de la ferme, observant la grange, la petite bâtisse à côté, l'endroit où les animaux étaient gardés et ma maison.
Ma mâchoire se décrocha. Mon cœur se serra.
L'endroit était à peine reconnaissable. J'étais forcée de me pincer le nez tant l'odeur de pourriture me gênait, c'était un mélange entre viande avariée et terre trempée. L'atmosphère aussi, était extrêmement pesante. Une soudaine envie de vomir me secouait. Ça n'était pas ma maison. Ça n'était pas ma ferme. Certainement pas l'endroit où j'avais été élevée... J'en étais persuadée.
Je reconnaissais les moindres recoins, la maison où j'avais dormi, couru, mangé, pleuré, crié et grandi. La grange où j'avais joué et parlé durant des heures avec les vaches, leur contant mes nombreuses péripéties dans le village après avoir embêté mes voisins ou leur avoir apporté du lait bien frais. De même pour la cour. C'était bien elle. Aussi grande et saccagée qu'avant. Tout était identique. Pour autant, je ne la reconnaissais pas. C'était perturbant. Je ne me sentais pas seulement dépaysée. La situation était trop monstrueuse pour que ça ne soit que ça. Une atmosphère bestiale pesait dans l'air. Elle était... Inhumaine. Cela ne m'empêchait tout de même pas d'espérer. Je continuais de croire que ma famille allait bien, je ne pouvais pas faire autrement.
Peut-être que les animaux avaient été touchés, mais, alors, si ma famille s'en était sortie à temps ? Peut-être qu'elle attendait bien sagement dans la maison. Ils devaient être morts de peur...
Cette pensée me réconfortait, elle me donnait le courage de faire un pas, puis un second, et ainsi de suite jusqu'à arriver devant la porte d'entrée. Tout était calme. Outre les animaux qui braillaient non loin de là, je n'entendais rien, c'était à croire que la ferme avait été abandonnée.
La porte d'entrée céda sous moi, elle s'ouvrit. Le bois craquait, le sol gémissait sous mes pas, j'observais l'intérieur de ma maison d'enfance. C'était à l'instar de marcher sur des oeufs, tout faisait du bruit, tout donnait l'impression d'être sur le point de céder et de m'emporter dans le lot. Une silhouette se tenait proche d'ici, assise à table. Je la reconnus.
C'était ma mère.
« Maman ? »
Dans un saut de surprise, je laissai tomber ma arma tranchante au pas de la porte, elle s'effondra à mes pieds dans un bruit sourd, puis je me précipitai jusqu'à elle. Immédiatement, je posai ma main sur son épaule.
« Maman, tout va bien ? Qu'est-ce qui se passe ? Les gens ici sont devenus- »
Sa tête bascula en arrière.
Elle était morte.
Sa langue pendait entre ses lèvres, elle était toute gonflée et blanche. Sans parler de ses yeux globuleux grand ouverts et recouverts d'une étrange substance. Cette vue suffit à me faire pousser un hurlement aiguë. Mon corps entier sursauta.
Elle était morte.
« Ah ! Ah ! Ah ! Oh, mon Dieu ! Aah ! »
Je me reculai.
« Maman, non, maman ! Pitié ! » balbutiai-je.
Ça me dépassait. Qu'est-ce qu'elle faisait ici ? Pourquoi ? Depuis quand était-elle morte ? On avait tué ma mère ! J'étais incapable de retenir mes larmes. Je sanglotais violemment, surprise par de nombreux hoquets. Mes mains tremblaient. Ça m'était impossible de me concentrer sur quoi que ce soit.
Tout me faisait mal.
Je respirais avec angoisse. Mes poumons brûlaient, à chaque inspiration que je prenais, je me sentais fondre de l'intérieur. Où étais-je ? Au sol. Je venais de tomber. Étaient-ce mes jambes qui avaient lâché ou mon esprit ? Désorientée, mes pensées m'échappaient.
Je me saisis de mon visage en coupe. Mes mains tremblaient, elles ne s'arrêtaient pas. Mon coeur me faisait sentir que je tombais d'un immeuble de plusieurs milliers de mètres.
Puis, une voix :
« Preciosa. »
Mon visage s'était redressé.
« Papa ? »
Une fourche dans les mains, mon père avançait jusqu'à moi ⸺deux entrées composaient la maison, une contenant deux portes, menant à la ferme, et l'autre composée d'une seule porte, celle que j'avais empruntée⸺. Je ne le voyais pas clairement. Le fait que je sois étourdie n'aidait pas. Ma tête me faisait mal. Mon flanc me faisait mal. Mon cœur me faisait mal. Je me sentais palpiter de l'intérieur.
« Papa, c-c'est toi ? »
Sa carrure m'était familière.
« Mam-man. » sanglotai-je. « Qu-Qu'est-ce qui s'est passé ? Où sont p-passés tous les aut-tres ? »
Arrivé devant moi, il s'arrêta.
« Je.. je comprends pas. »
Il levait sa fourche dans les airs.
« Papa..? »
Et l'abaissa droit sur moi.
« Papa ! »
J'étais incapable de bouger. J'avais si mal, l'impression que mes forces m'avaient abandonnée se confirma lorsqu'en essayant de rouler sur le côté, je me retrouvais toujours figée sur place. Dans un dernier geste purement instinctif je jetai mes bras devant mon visage. Mes yeux se fermèrent et je crispai mes mains dans une pose animale, mes doigts écartés et mes ongles prêts à attaquer.
C'était là.
C'était maintenant.
C'était la fin.
J'étais morte.
« Je le savais ! »
Un coup de feu retentit tout à coup. Mes épaules en sursautèrent.
« Je reconnaîtrai ce cri entre mille ! C'est bien toi ! »
À mes pieds, je sentis le corps de mon père s'effondrer. Mon cœur se serra. Histoire d'en être sûre, j'avais ouvert un œil, c'était bien lui. Mon propre père, mort, perforé d'une balle entre les deux yeux. Il était allongé sur le ventre, sa joue collée contre mon pied droit. Il ne bougeait plus.
Sa fourche lui avait échappé et elle l'avait pénétré droit dans l'estomac. Ses dents ressortaient de l'autre côté. La vue que j'avais me donnait les larmes aux yeux. Mes pleurs auraient dû m'empêcher davantage de le reconnaître, mais c'était mon père. Je l'aurais reconnu même sans mes propres yeux. Je savais faire la différence entre l'homme qui m'avait aimée, soutenue, éduquée, fait tant de rire, et un parfait inconnu. Même avec les années écoulées. Il avait une odeur différente. Lui aussi sentait le pourris, tout comme maman. C'était à croire qu'ils étaient faits de terre. Ils étaient deux coquilles vides, mes parents étaient morts.
J'étais à présent seule au monde.
« Eh, eh ! Tu m'entends ? »
Mes parents..
Une paire de mains me saisirent par les épaules.
« Il faut qu'on s'en aille d'ici, on manque de temps ! »
« Pa-Papa..! »
Sa tête heurta le sol.
J'avais reculé mon pied avec pour objectif de m'approcher de lui, peut-être que j'avais mal vu ? Mais non. Je revins brusquement à la réalité. Ce fut en cet instant que j'entendis quelqu'un dire mon prénom. Je sentais aussi les mains posées sur mon corps. Chaudes et fermes. Et cette odeur.. Cette odeur masquait celle ignoble qui planait sur la ferme. Elle me rappelait..
« Luis ? »
Seigneur.
Je m'étais tournée afin de m'assurer que c'était bel et bien lui, j'étais persuadée que mon esprit me jouait des tours. Mais c'était lui, Luis. Il était à mes côtés, un pistolet près de lui dont le canon fumant me certifiait qu'il était celui qui venait de tirer sur mon père. Il m'avait sauvée. Je n'étais pas en mesure de comprendre comment il avait atterri ici, ni de pourquoi il avait eu un timing aussi parfait. J'étais dans les vapes. J'étais... Je ne sentais même plus mon corps. Mon esprit voguait au dessus de mon corps. Effectivement, je me trouvais hors de moi-même.
« Merde. »
Je vis Luis poser deux doigts sur ma jugulaire. Il fronça les sourcils.
« Dis-moi, eh. Eh, eh. Regarde moi. »
Ses doigts se saisirent de mon menton, il me fit ainsi cligner des yeux et le questionner du regard.
« On t'a piquée avec quoi que ce soit depuis ton arrivée ? »
« Je.. Non ? Je- Je ne pense pas ? »
Il poussa un soupir.
« Tant mieux. » sourit-il. « Ça doit juste être la fatigue. Viens, je t'emmène en sécurité, accroche toi à moi. »
Luis passa son bras autour de ma taille, ainsi, je pris appui sur lui et me levai.
« L-Luis ? »
Sa main libre se chargeait de sécher mes larmes.
« Tu as dû en baver, hein ? Désolé que tu aies vu ça, je voulais vraiment pas lui tirer dessus. »
« Tu as tué mon père. »
Il s'arrêta.
« Je... »
Luis posa une main affectueuse sur le côté de ma tête, sa paume sur mon oreille et mes cheveux. Ça avait été un peu soudain. Ses yeux me dévisageaient. Il m'analysa l'espace d'un coup d'œil, j'en vus ébranlée.
« Ça n'était plus ton père, tu le sais, ça ? »
« Non. »
Je reniflai.
« Je-Je, je comprends rien. » avouai-je. « Et ton grand-père alors ? Il va b-bien ? »
Luis détourna le regard.
Il rangeait son arme dans son dos et la masquait par sa veste de cuir. Je déglutis. Il faisait chaud. C'était insoutenable. En même temps, je frissonnais. C'était confus. D'ailleurs, je ne savais même pas si il faisait jour où nuit. Le soleil se levait-il ou se couchait-il ?
« Il faut qu'on y aille. Je sais pas combien de temps il leur faudra pour nous rattraper, il vaut mieux partir maintenant. »
Luis jeta un coup d'œil à mes jambes.
« Tu peux marcher ? »
« Je crois. »
Il me sourit.
« Alors c'est parti. »
Il nous dirigea tranquillement en direction des deux portes menant à la cour de la ferme. Ce fut monstrueux. Insoutenable. Luis m'avait forcée à contourner les cadavres de mes parents, il m'avait obligée à conserver mon regard devant moi, à ne pas leur dire au revoir. J'en eus le cœur brisé. Il tenait fermement ma hanche, il appuyait sur mon flanc, ce qui me faisait un mal de chien. Je marchais avec les dents serrées.
« Où est-ce qu'on va, Luis ? »
Il nous emmenait dans la ferme, je ne comprenais pas pourquoi. Qu'est-ce que nous pouvions bien faire avec les animaux ?
« Tu te souviens, quand on était gamins ? » il déclara. « Mon grand-père m'emmenait dans la forêt pour chasser, je connais ces bois comme ma poche, ses moindres recoins, jusqu'aux pierres et troncs d'arbres. »
J'acquiesçai. Mes pieds s'enfonçaient dans la boue, nous nous rapprochions de la petite cabane qui faisait face à la grange réservée des vaches. Ici, les barrières de bois tenaient à peine debout. Je commençais à comprendre.
« Et ceux du village, alors ? Qu'est-ce qui leur est arrivé ? » je m'interrogeai.
« Un virus, Las Plagas. »
« Las Plagas ? »
« Une saleté qui a contaminé tout le monde, y compris tes parents. Tous ceux de nos amis, pareil pour eux. Personne n'y a échappé. »
Luis s'arrêta de marcher. Il me zieuta.
« Sauf toi et moi. »
Me gorge se serra.
« Nous sommes les seuls survivants ? »
Je le voyais se retourner pour bouger deux planches de bois, ainsi, il créa un passage passant de la ferme à la forêt.
« Ouais. Il ne reste que nous. »
J'avançai, suivie par lui. Luis referma le passage sur nos pas. C'était surprenant, ainsi, ça semblait évident, pourtant, lorsqu'il m'avait amenée dans la cour, je ne m'étais absolument pas doutée qu'un passage était présent. Et, refermé, j'aurais presque pu me tromper et ne pas retrouver les deux planches dont il s'était saisis. Quoique, normal. Je restais vaseuse. Mon mal de crâne ne me quittait pas. Et j'avais toujours autant mal au cœur. Il m'était très douloureux.
C'était vrai que tout était horrible. J'étais revenue dans mon village natal quelques jours plus tôt histoire de prendre des nouvelles de mes proches et me ressourcer. Je m'étais enthousiasmée à l'idée de revoir mes parents, mon chien, mes amis. Ils m'avaient tous tant manqué. Luis aussi. Je n'étais même pas au courant qu'il était lui aussi revenu. C'était une sacrée coïncidence. Au final, j'avais été attaquée et traquée. J'avais dû dormir en haut de la tour de mon village et lorsque j'étais descendue le jour suivant, j'avais été poursuivie et battue. Tout était flou. J'avais aussi des images qui apparaissaient dans ma conscience lorsque le stress se faisait omniprésent dans mon esprit. Depuis ce matin, j'étais comme dans un état second, je ne parvenais pas encore bien à comprendre pourquoi. La présence de Luis me faisait un bien fou. C'était une épaule sur laquelle me reposer, un soutien. Un ami. J'appréciais le fait qu'il soit plus renseigné que moi, c'était réconfortant.
Je me sentais moins déboussolée.
« Au fait. »
Le sol était ouvert en un chemin. Sûrement celui que Luis et son grand-père avaient l'habitude de prendre pour chasser.
« Tu ne m'as toujours pas dit où nous allions. »
Mes sourcils se froncèrent.
« Chez toi ? » je supposai.
Il secoua la tête.
« C'est trop dangereux, ils nous retrouveraient. » affirma-t-il. « Je connais un endroit pas très loin d'ici, tu pourras t'y reposer, te changer et même manger. »
« Je.. J'ai pas trop d'appétit en ce moment. »
« Pareil. »
Sa réponse me prenait par surprise. Il avait marmonné dans sa barbe, les yeux rivés droit devant lui. Je l'observai faire.
Luis culpabilisait. Je le voyais par les traits travaillés de son visage, mais aussi je l'entendais dans le son de sa voix. C'était bien la première fois qu'il faisait cette tête. Lui qui d'habitude était si joyeux et charmeur... Ça n'était pas étonnant à bien y réfléchir. Il venait de tuer mon père de sang froid, il n'y avait pas de quoi rire.
Les bois étaient plus accueillants.
Je regardais tout autour de nous, admirant la verdure et les oiseaux, animaux, qui traînaient dans le coin. L'endroit semblait vierge. Il n'avait pas encore été touché par les villageois, de même pour ce virus. Il faisait un peu sombre mais de la lumière parvenait tout de même à s'infiltrer ici et là avec pour objectif de nous guider. C'était très calme aussi. Plus de grognement, de feu qui crépitait ou des hurlements de rage. Le contraste entre le village et les bois me frappa. J'y songeai avec la boule au ventre.
Luis raffermit soudain sa prise sur moi. Il ne me regardait pas, concentré sur notre trajet, toutefois, cela ne l'empêcha pas de parler.
« Qu'est-ce qui t'as amenée à revenir ? »
« Ma famille..? »
Je collai ma tête contre contre bras. Mes paupières se faisaient lourdes.
« Mes.. Mes parents me manquaient. » balbutiai-je. « Je voulais revenir au calme. Rentrer à la maison, me ressourcer. Tu sais, la ville parfois ça peut être de trop, j'étouffais là-bas. »
Je n'étais pas sûre de si Luis en était conscient, mais discuter avec lui m'aidait beaucoup. C'était revigorant. Ça me faisait penser à autre chose, ça aidait les battements de mon cœur à se calmer ⸺même si depuis le temps, ça aurait dû être le cas, non..?⸺. Rien que de marcher à ses côtés dans la forêt de son enfance, de notre enfance. Je ne le remarquais qu'en cet instant : j'avais perdu mon hoquet. Je ne pleurais plus. Cet étrange sentiment après les pleurs, il était là, il me faisait me sentir flottant au dessus d'un nuage. Plus rien autour de moi ne faisait sens. Ça n'était que brouillard et humidité.
« J'ai rien compris en arrivant ici. Tous ces cadavres, cette pourriture... C'est de la folie. »
Ma main libre s'accrocha à son bras. De cette manière je marchais collée à lui sans être secouée dans tous les sens. Luis ne dit rien. Cela ne sembla pas l'importuner, au contraire, puisque je le sentis me serrer un peu plus fort contre lui au même moment.
« Tu m'as manqué. »
Il me regarda. Je l'imitai.
« Je te déteste, je suis fatiguée de te haïr, Luis. Mais rien que de te voir me remplie de colère. »
Il acquiesça.
« J'en suis conscient. Je n'en attendais pas moins de toi, pas après ce que j'ai fait. »
Je replaçai ma tête contre son bras, pour que, ainsi, je puisse regarder de nouveau devant moi, pour ne plus que je me perde dans ses beaux yeux charmeurs. J'en avais assez de sentir mon cœur s'emballer. Son odeur et sa chaleur suffisaient amplement à me rendre nerveuse, je ne voulais pas que son visage s'y mette aussi.
Ça n'était pas le moment pour.
Le revoir m'avait pour autant ébranlée.
Après toutes ces années, tout ce temps... Luis et moi nous retrouvions dans notre village natal, livrés à nous-mêmes et j'étais si soulagée de me tenir à ses côtés. J'avais l'impression que plus rien ne m'arriverait.
« Merci d'être arrivé à temps. »
Le brouillard se faisait plus épais.
« À ton service, ma douce. »
J'esquissai un sourire.
Une branche craqua sous ma botte. Mon sourcil se arqua.
« Eh, attention. »
Luis m'empêcha de tomber en s'accrochant à mon flanc, le contact de sa main sur cette partie de mon corps me fit pousser une grosse plainte. Ça me faisait souffrir le martyr.
« Il faut regar- Merde ! Ça va ? »
Mes jambes lâchèrent, je m'écroulai au sol.
J'entendis Luis crier mon prénom, cela sonna plutôt comme un échos. J'étais... Je ne savais même plus où je me trouvais. Je commençais même à douter de l'existence de ce fameux brouillard. Deux mains se posèrent sur mes joues, un souffle chaud s'échoua sur mon visage. J'étouffais. Mes tempes palpitaient, la sensation était répugnante. J'apportai mes mains à mon visage dans le but de l'arrêter, mais ma jugulaire s'y mettait aussi. Puis mes tympans et mes poignets aussi. Plusieurs parties de mon corps se mirent à palpiter. Le tout d'une intensité cauchemardesque.
Des petits cris m'échappèrent.
« Luis, Luis ! Je-Je t'en prie ! Fais que ça s'arrête ! »
Je me débattais contre lui, il me parlait ⸺ça avait plutôt l'air d'hurlements, mais je n'en étais pas sûre⸺ cependant j'avais trop mal. J'étais torturée par ce supplice.
C'était comme si mon corps s'était mis à agir de son plein gré. Je ne contrôlais plus rien. Quelque chose en moi se réveillait.
Ce fut à ce moment là que je le vis.
Lui, le grand homme au chapeau.
Cette vision me provoqua une immense douleur à la poitrine. Je m'en saisis dans un gémissement aiguë.
« J'ai mal ! J'ai si mal ! Pitié ! »
Ma gorge me picotait. Soudain, je m'en souvins. Luis m'avait demandé, une quarantaine de minutes plus tôt, si j'avais été piquée par quoi que ce soit. J'avais dit non. Je n'en étais pas sûre. Depuis mon arrivée ici, je n'avais été que poursuivie et blessée. Je ne m'étais pas souvenue de lui, du moins, pas jusqu'à maintenant.
Malgré tout, je fus incapable de lui communiquer cette information cruciale. Je tremblais de douleur. Je voulais juste que ça s'arrête. L'on me grattait de l'intérieur. Un feu ardent m'intoxiquait les poumons. J'en pleurais. Mon dos se cambrait et mes mains se plaquèrent violemment contre le torse de Luis. Je m'accrochai à lui. Mes poings se serraient.
« Luis- Luis ! »
Ma conscience m'abandonna soudainement. Mes pensées, je ne les entendais plus, je ne m'entendais plus réfléchir. Ce fut rapidement au tour de mes yeux. Ils roulèrent en arrière.
La seconde suivante, je me réveillais.
« Eh, ma jolie. Tu es enfin debout ? »
Mes paupières s'ouvrirent doucement, je sentais ma bouche pâteuse, elle était toute sèche. C'était étrange. Tout étais confus. Je ne m'étais pas sentie partir. Je me souvenais sans aucun mal de la douleur qui m'avait transpercé, toutefois, je ne me rappelai pas m'être évanouie. Mon corps était tout endoloris, il me donnait une mauvaise impression. J'étais comme prisonnière de mon propre corps. Une chose qui ne me trompa point fut mon nez, une odeur en particulier. La sienne.
« Luis ? Luis, c'est- »
Malgré que je sois déboussolée, je le sentais me porter. Luis me tenait fermement contre son torse, un de ses bras sous mes genoux et l'autre dans mon dos.
« Tu m'as fait une sacrée frayeur, tout à l'heure. »
Il me sourit. Il avait l'air triste.
« J'ai bien cru que je t'avais perdue. »
« J'ai... J'ai mal à la tête. »
Le bruit de ses pas résonnait. L'endroit où nous nous trouvions me paraissait confiné, nous étions en intérieur.
« Je m'en doute. »
Luis me lança un regard bien curieux.
« Pourquoi ne pas m'avoir dit que tu avais été piquée ? J'aurais pu t'aider. »
Oh. Il était en colère.
« Je ne m'en souvenais pas. » avouai-je.
C'était la vérité, du moins, une partie de la vérité. Je me doutais de la raison, mon cœur se faisait lourd. Il me pesait comme le poids des regrets qui me ralentissait depuis bien des années déjà. Je n'étais même plus capable de le regarder dans les yeux. Je n'avais même plus envie de lui parler.
« Tu ne me fais pas confiance. »
Je roulai des yeux.
« Ne dis pas de bêtise. » répondis-je avec difficulté.
« Je le sens bien, pourtant. »
Luis me rapprocha de lui sans pour autant arrêter de marcher. Outre le sujet de notre conversation, être ainsi portée et entourée par tout ce calme me faisait du bien. Cela contrastait avec les jours catastrophiques que j'avais passé en tant que fugitive. Surtout, que je le veuille ou non, je n'étais plus seule.
« Quelque chose s'est brisé entre nous. Depuis... »
Sa gorge se serra, je l'entendis. Luis ne parvint pas à mettre des mots sur son acte.
« Depuis que tu m'as abandonné. »
Alors je m'en étais chargée.
À cela, il détourna le regard, embarrassé.
Luis n'avait jamais désiré s'attarder à la campagne, c'était un être indomptable. Un électron libre. Il avait toujours voulu découvrir le monde et surmonter ses limites, rester ici aurait été contraire à ses principes. À son être tout entier. Alors, quelques temps après avoir eu officiellement dix-huit ans, Luis était parti pour la grande ville. Il avait fait ses bagages, s'était vanté auprès de nos amis, nos familles. Il avait célébré le commencement de sa nouvelle vie, jurant de revenir le plus tôt possible afin de nous donner de ses nouvelles autre que par le biais de lettres. Et il s'en était allé. Il m'avait laissé derrière. Parce que, certes, il avait beau avoir salué nos proches, le jour de son départ, Luis n'était pourtant pas venu à ma rencontre. Il était parti sans un mot. Depuis ce jour, j'avais refusé d'entendre parler de lui.
Je le lui avais bien dit : je le détestais.
Il m'avait brisé le cœur.
« Qu'est-ce que c'est ? »
« Quoi ? »
Une de mes mains s'en alla toucher ma nuque. Je frôlai une partie précise avec mes doigts, je trouvais rapidement la source de mes angoisses. La trace d'une piqûre.
« Cet homme barbu, il m'a.. Il m'a injecté quelque chose un peu plus tôt, je n'ai pas pu m'en souvenir. Qu'est-ce que c'est ? »
Luis resta muet. Sa réaction me fit arquer un de mes sourcils, c'était bien curieux.
« Luis ? Tu me caches quelque chose ? »
Toujours rien.
Mon cœur se serra à cette constatation. Qu'est-ce qu'il avait changé... Presque quinze ans que je ne l'avais pas vu, il était méconnaissable. Moins joueur, charmeur. Le Luis qui me tenait dans ses bras était bien loin du garçon qui m'avait volé mon premier baiser dans la cabane derrière la grange de ma ferme. Il n'était pas le même adolescent qui s'était battu avec son voisin parce qu'il m'avait offert une rose le jour de la Saint-Valentin, ou encore moins le jeune adulte qui m'avait tant de fois entraînée dans les bois pour "m'apprendre à chasser". Repenser à lui de cette manière me choqua. Cette version de Luis me donna des papillons dans le ventre, une délicate sensation qui remplaçait celle qui m'avait torturée lorsque j'eus perdu connaissance.
L'homme qui me serrait contre lui était un être brisé. Ça n'était pas seulement aujourd'hui, pas le simple fait qu'il avait abattu mon père de sang froid ou que notre village natal s'était transformé en un repaire de zombies. Non. Non, c'était bien plus que ça.
Et, honnêtement, j'avais peur de demander.
« Tu avais raison. »
Dans le couloir, nous passâmes devant une pancarte. Laboratoire B, était-il inscrit. Et mes paupières se firent de nouveau lourdes.
« Je ne te fais pas confiance. »
Remarquant mon état, Luis me rapprocha de lui. Il murmura quelque chose. Je fus incapable de déchiffrer ses propos, ils étaient en anglais. Son accent me charma. Un sourire stupide s'en alla fleurir sur mes lèvres, songeant que, sûrement, il m'avait appelée par un de ses surnoms favoris.
« Je t'aimais tellement.. »
Il me regarda.
Nous entrâmes dans une pièce, j'entendis deux grandes portes se refermer sur nos pas, le bruit fit échos dans les recoins de la pièce, tandis que Luis accéléra le pas. Il courait presque, son regard rivé dans le mien, torturé par la surprise et l'effroi.
« Je t'ai toujours aimé. » ris-je avant qu'une quinte de toux ne me surprenne.
« Économise tes force, » il déclara sur un ton paniqué. « Repose toi, on est bientôt arrivés. »
« Tu m'entends, Luis ? Je ne suis pas muette. »
Il secoua vivement la tête. Mes mains étaient tachées de sang.
« Je t'ai entendu, ma douce. »
La pièce et le couloir que nous avions traversé étaient déjà bien loin. À présent, nous nous trouvions dans un laboratoire, une immense pièce frigorifiée dont les faibles lumières blanches me permirent d'observer les alentours avec plus d'attention. En même temps, Luis me précipita au fond de la pièce, en direction d'un fauteuil.
Il y avait des dossiers, des meubles. Tout était... C'était impensable.
L'endroit ne correspondait pas du tout aux conditions de vie de notre village. Tandis que là-bas l'endroit tombait en ruines, tout construit à base de bois, abîmé par le temps et la pauvreté, ici, tout n'était que luxe. Un fauteuil de dentiste se trouvait de profil dans la pièce, au dessus, un immense lampe ronde. Tout autour, il y avait des cabinets blancs, des outils de recherches, des objets chirurgicaux. Même une immense armoire métallique dont la couleur grise reflétait quelques rayons lumineux des lampes posées ici et là de manière à éclairer l'endroit. C'était suffisant. Presque comme pour ne pas attirer l'attention. La lumière était suffisante, elle éclairait de justesse, permettant à Luis de ne pas trébucher, pour autant, énormément de coins de pénombre persistaient dans l'endroit. Ça n'était pas du tout réconfortant. J'avais peur.
« Luis ? Luis.. »
Je m'accrochai à son avant-bras alors qu'il m'allongea sur le fauteuil. Son regard torturé croisa le mien souffrant. Qu'il était doux... Il me frôlait, me cueillait, toujours avec délicatesse, comme par peur de me voir voler en éclats.
« Luis, qu'est-ce qui va m'arriver ? »
La paume de sa main me toucha. Délicatement, il me caressa, j'en souris avec mes forces restantes.
« Je vais te soigner, voilà ce qui va t'arriver. Tout ira bien. »
Ses yeux se balancèrent de mon œil droit à celui de gauche.
« Juste pour cette fois, fais-moi confiance. »
Ma main sur son avant-bras glissa jusqu'à trouver sa propre main. C'était Luis le responsable. En même temps, il s'assit sur un tabouret à roulettes et entremêla nos doigts dans une étreinte serrée.
« Ne t'en fais pas. Tout ça ne sera bientôt qu'un mauvais rêve. »
Je me sentais étourdie. J'étais perplexe.
La lumière au dessus de moi m'aveuglait.
Je remarquai enfin les outils qui me surplombaient, ils étaient étendus au plafond, ou plutôt fixés sur celui-ci. Trois espèce de bras robotiques dont l'extrémité contenait des trous. Ma gorge se noua. Un roc me tomba dans l'estomac. Est-ce que... Est-ce que ça allait m'ouvrir ? Allais-je mourir ? Je me sentais tout de suite moins certaine.
« L-Luis- a-attends. »
Je tirai sur sa main, attirant ainsi son attention.
Lui qui avait le nez collé sur le vieil écran poussiéreux d'un ordinateur, se tourna finalement pour me faire face. Luis me questionna du regard. Il fit rouler le tabouret jusqu'à moi, à ma hauteur, il déposa son autre main sur mon visage. J'avais chaud. Le regard de Luis se perdit sur mes clavicules nues, je n'avais pas besoin de le voir pour le savoir, j'étais moite et brûlante. Je me sentais tressaillir aussi, lorsque je m'y attendais le moins, mon corps était brièvement pris de spasmes.
« Je veux p-pas mourir. »
Mes lèvres tremblaient d'elles-mêmes, je me sentais stupide. Je savais que ce n'était pas par embarras que j'agissais comme ça, c'était mon corps qui mourait. Mais, faire face à Luis dans cet état m'enrageait.
« J'ai peur. »
« Je m'en doute, ma douce. » murmura Luis. « Tu vas tenir le coup, hein ? Bien sûr que tu vas le faire. Tu as toujours été très obéissante et parfaite, il n'y a pas de raison pour que ça change maintenant. »
Un sifflement dans ma poitrine me frappa de plein fouet, mon dos se cambra en réponse.
Je m'accrochai à la main de Luis, la broyant au passage, de l'autre, je m'agrippai à un espèce de bâtonnet intégré dans l'accoudoir du fauteuil. La douleur en mon sein me trancha le cœur en deux. J'en pleurais. Mes jambes étaient secouées dans tous les sens. Luis avait beau essayer de me maintenir en place, de coller son front au mien de manière affectueuse et de me promettre que tout irait bien, la chose présente dans ma poitrine me certifia le contraire. Je comprenais ce que c'était. Las Plagas n'était pas un virus, c'était un parasite. Une créature qui, injectée dans un corps, voyait le jour, elle se frayait un chemin au centre de la poitrine jusqu'au reste du torse et broyait au passage les organes vitaux de l'hôte. C'était ça. C'était ce que je vivais. C'était ce qui était en train de m'arriver.
J'avais un parasite en moi.
J'avais un putain de parasite à l'intérieur de mon corps. Un monstre.
« Je t'en prie.. »
Je soufflai contre les lèvres de Luis. Je n'avais même plus la force d'ouvrir les yeux, à vrai dire, je n'avais plus la force de faire grand chose... Je ne me sentais même plus vivre. J'étais sûrement déjà morte.
« Sauve-moi, Luis. Par pitié. »
« Tiens toi à ma main. »
« Ne la lâche pas. »
« J'y comptais pas. »
Je le vis dans le coin de l'œil me sourire alors que, déjà écarté de moi, il apporta son index à la barre espace du clavier. Mes yeux se plissèrent, pensant mal voir. Il appuya enfin dessus. Les mouvements provenant au dessus de moi me forcèrent à lever la tête, j'aperçus les trois bras s'activer, ils tournèrent sur eux-mêmes, pivotèrent et enfin s'allumèrent. Une vive lumière bleuté m'aveugla.
« Je suis pas- »
Ma poitrine se retrouva déchiquetée en deux. Je ne me tenais pas qu'à la main de Luis, je la réduisais en miettes. La souffrance qui me fut infligée était incomparable, indescriptible.
C'était à l'instar de brûler de l'intérieur, je sentais mes poumons en flamme. Mon corps était pris de spasmes. Je m'étouffais dans ma propre salive, cherchais désespérément à m'extirper de l'emprise des trois bras métallique pour que ça s'arrête. Ils tournaient au dessus de moi. Ils me broyaient de l'intérieur et je continuais de hurler. Je beuglais à m'en blesser la gorge, même mes yeux s'y mettaient, ils pleuraient d'eux-mêmes. Je ne contrôlais plus rien. Je n'étais même plus maîtresse de mes propres pensées. Je ne songeais qu'à une chose : la peine que cette douleur me provoquait.
Je sentais le parasite à l'intérieur de moi s'agiter. De ses pattes, il grattait. Il grattait mes organes, fouillait ma chair et gesticulait. Il rampait tant, je le sentais partout en moi, j'avais l'impression de le sentir sur mes moindres membres.
Qu'il parte. Qu'il disparaisse !
Ma tête se renversa en arrière. Une main saisit mon épaule, tenta de me maintenir plaquée contre le fauteuil, néanmoins, j'étais trop alarmée pour me laisser faire. Je ne m'exprimais qu'à travers mes hurlements. Il n'y avait que ça. Douleur, peine, souffrance, blessures, chagrin. Que j'avais mal... Je me mourais de l'intérieur. Un feu ardent s'embrasait dans ma poitrine et la fumée toxique qui s'en échappait intoxiquait mes poumons jusqu'à me faire mal avaler ma salive. Mon cœur se faisait déchirer en deux. Lentement, violemment, il se fit détruire.
Je perdis une seconde fois connaissance, ma raison s'en alla de nouveau.
Elle eût plié bagages et disparu, me laissant à deux pas de la mort, le doigt pressé sur la sonnette, prête à entrer dans l'autre monde.
Tout était à présent brumeux. Mes pensées, mes souvenirs, mes sentiments. Je n'avais aucune idée d'où je me trouvais. Avais-je les yeux ouverts ? Mon entourage était familier mais je n'étais pas sûre de l'apercevoir, c'était plutôt mes poids qui se hérissaient, mes narines qui étaient titillées par une odeur familière et le creux dans mon estomac qui s'en alla.
Une paire de bras m'enlacèrent. Quelque chose se pressa dans mon dos, un souffle s'échoua sur ma nuque et mon cœur battit plus vite.
Je l'aurais reconnue entre mille.
« Ma fille. »
Ma mère.
Violemment, je fus projetée en arrière. Quelques secondes plus tôt, j'étais dans un tout autre monde, touchant du bout des doigts l'au-delà, auprès de mes défunt proches, les suivantes, je sentais mon dos percuter un meuble. Mes yeux se rouvrirent. Un hoquet étranglé me quitta.
« Maman ! »
Ma main ne la toucha pas, pas même qu'elle n'effleura son image. Mes doigts ne firent que se diriger vers le plafond et m'offrir en conséquence un vide impossible à combler au sein de ma poitrine. Je m'étais réveillée d'un coup. J'happai l'air autour de moi. J'en manquais cruellement. Le corps assit sur cet étrange fauteuil de médecine, je tournais pourtant en rond. J'étais déboussolée, incapable de faire confiance à ma vue tandis que ma cervelle était secouée dans tous les sens.
« Aïe.. »
Apportant ma main à mon front, j'observai la pièce. Je clignai rapidement des yeux.
C'était lui, le laboratoire. Toujours aussi lugubre, décoré d'éléments scientifiques ne correspondant point à l'endroit où nous nous trouvions actuellement. Un coin perdu dans une campagne d'Espagne. Ouvrir la porte et tomber sur un centre-ville aurait fait plus sens, je peinais à croire que nous n'avions pas bougé. Ou peut-être avions nous ? Peut-être que Luis nous avait emmené ici via sa voiture, je n'en étais pas sûre. Tout était flou, rien ne faisait sens. J'étais incapable de ressentir quoi que ce soit, je ne songeais qu'à cette situation cruelle.
Cela me permit de constater que j'étais seule. Assise au milieu de ce laboratoire, un silence cruel m'accompagnait. Il me tenait compagnie. Il titilla aussi ma curiosité. Je ne pus résister à l'envie de me lever, je déposai dès lors mes pieds au sol et m'en allai me dégourdir histoire d'étirer mes muscles à travers une petite balade.
J'eus contemplé machines, fils, seringues tubes, ordinateurs, dossiers top secret.
Luis ne revint qu'une quarantaine de minutes après, les mains vides et la mine aggravée.
« Tout va bien ? »
Je demandai cela en me rasseyant sur le fauteuil, mes jambes étaient épuisées. Luis referma la porte du laboratoire sur lui et m'offrit un léger sourire. Me voir avait fait s'illuminer son visage. Il me rejoignit à coup de grandes enjambées.
« Comment tu te sens ? »
Sa main saisit la mienne. Il l'apportait à sa joue, il l'embrassa délicatement.
« Est-ce que je suis guérie ? Je me sens... Légère. »
« Tu l'es. » il acquiesça. « Le virus a été anéanti, il n'est plus du tout présent dans ton système. Tu es comme neuf. »
Il était si beau. Élégant.
Je me perdais dans ses yeux.
« Luis, merci. Pour tout. »
« Je t'en prie. Je n'allais pas te laisser comme ça, je te le devais bien. »
Oui, c'était vrai.
« Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? »
Il descendit nos mains sur le fauteuil, sans pour autant les séparer.
« Je veux dire, pour le virus, les habitants. Il faut appeler quelqu'un, prévenir les autorités et- »
« Je suis déjà sur le coup, ma douce. N'aie crainte. »
« Vraiment ? »
« Je te conseille juste de fuir, toi, tu n'as plus ta place ici. » déclara Luis. « Tu m'es bien trop précieuse, je ne pourrais plus me supporter si jamais un quelconque malheur devait t'emporter. »
« Arrête... »
Je détournai les yeux.
« Je veux... Je veux savoir ce qui se passe ici. Je veux trouver les responsables et leur faire payer. »
Je veux rester avec toi.
« Je n'ai plus envie de partir. Ne serait-ce que pour ma famille, en leur mémoire. »
Luis caressa mon visage avec sa seconde main. Le contact de son pouce sur ma joue me fit soupirer d'aise, elle était toute chaude et si douce. Il me touchait encore comme ça. Comme si il avait peur que je vole en éclats. Ça me faisait beaucoup d'effet.
« Mon père, il... »
Je déglutis.
« Ça faisait longtemps qu'ils étaient comme ça, mes parents ? »
« D'aussi loin que je me souvienne. » affirma Luis sur un ton songeur. « Ils ont dû être touchés par le virus assez tôt, les porteurs ont la tendance à le répandre vite. »
« Tu crois qu'ils ont souffert ? »
Mon cœur se serra à cette pensée.
J'imaginais ma mère pleurer, submergée par un profond sentiment d'horreur. Mon père s'armer d'un fusil mais rapidement se faire attaquer par une armée de monstres. Ils avaient dû avoir si peur... Ils étaient morts sans que j'aie pu leur dire que je les aimais. La réalité de la situation me frappa. Elle me heurta de plein fouet. Plus jamais, je ne les reverrai. Ils étaient morts. Mes parents étaient morts.
« Non, non. »
Luis apporta avec panique ses mains sur mon visage, il se dépêcha d'essuyer mes larmes de ses pouces. Il récolta mes pleurs et grimaça. Puis, mon prénom quitta sa bouche.
« Focalise toi sur moi. »
Je m'accrochai à ses poignets.
Mes doigts s'enroulaient autour de ceux-ci.
« Je- Je peux pas- »
Pourtant, j'y parvins. Cela se produisit lorsque je remarquais à quel point Luis et moi étions proches, nos nez à deux doigts de se toucher. Cela me calma immédiatement.
« Je suis désolée, je devrais être plus raisonnable, mais- »
« Non.. »
Luis déposa son front sur le mien.
« Tu as vécu beaucoup de choses éprouvantes depuis ton retour. Moi aussi j'ai eu du mal à y croire en voyant tes parents dans cet état, ceux de nos amis d'enfance aussi. C'était à peine croyable. »
Il raffermit sa prise sur mon visage, m'offrant un regard sérieux.
« Ne t'excuse pas d'être peinée, ma douce. Ça te rend plus humaine. »
Ses mots me touchèrent.
« Tu m'as manqué. »
Luis sourit.
« Toi aussi. »
Il se rapprochait de moi. Il était si près de moi, nos lèvres venaient de se frôler. Les poils de sa barbe me chatouillaient, j'en pouffais. Je ne me rappelais cet instant dans notre jeunesse lorsque trois poils avaient commencé à lui pousser sur le torse, Luis s'en était vanté durant des semaines. Tout le village en avait ri. Il s'était auto-proclamé homme. Il était même allé jusqu'à me trouver et...
Tout ça remontait à si loin.
Les traits de son visage restaient familiers. Ça me surprenait pourtant toujours autant de le regarder, Luis était un homme à présent. Un homme dans toute sa grandeur et splendeur. Ça me laissait bouche bée.
Ses épaules étaient plus grandes, plus fermes. Ses bras étaient musclés et les traits autour de ses yeux parsemés de rides. Sa peau était décorée par quelques imperfections, le temps avait laissé son emprunte sur lui, le rendant encore plus beau qu'il ne l'avait été durant ses années de jeunesse. Luis était à présent mature. Je me perdais dans son regard. Il m'était si familier. C'était divin. Lui faisant face de cette manière, j'avais cette impression qu'il ne m'avait jamais abandonnée, qu'il s'était simplement absenté l'espace d'une semaine et qu'il me revenait avec ardeur. Je me mordis l'intérieur de la joue à cette pensée. Le sentiment d'embarras qui me submergea me brûlait jusqu'aux oreilles et à l'estomac.
« Tu as grandi.. »
Luis esquissait un rictus.
« Tu trouves ? »
« Mhh. J'aime beaucoup ta veste. Et tes cheveux aussi, tu les as laissé pousser. »
Je le questionnai du regard lorsqu'en guise de réponse, Luis recula. Ses mains sur les côtés de mon visage firent davantage pression dessus, il masqua mon ouïe et déglutit à ma vue.
« Tu es ravissante, aussi jolie que la dernière fois que je t'ai vue. Aussi magnifique que dans mes souvenirs. »
Ses propos me rendirent toute gênée. Ses yeux se perdirent sur mon faciès, il me contempla avec grande attention, il ne laissait rien lui échapper. Cela me mit mal à l'aise. Je devais être horrible à voir, après tous ces jours à courir, à mourir de faim et après avoir autant pleuré. Luis ne dit cependant rien à ce propos là. Il m'admirait avec un petit sourire et, dans ses yeux, une lueur scintillait. Elle brillait avec force.
« Je.. »
Mes mains tremblaient.
Elles remontèrent sur ses coudes jusqu'à se poser sur ses épaules. Je l'imitai finalement, posant mes paumes sur son visage, l'attrapant en coupe. Mon épiderme se frotta aux poils de sa barbe. Cette partie était chaude. Mes pouces trouvèrent leur place sous ses yeux, je les caressai avec attention. Je bougeai doucement, comme par peur de le briser.
« Je n'ai jamais cessé de penser à toi, tu sais.. »
Luis arqua un sourcil. Il me jetait un coup d'œil rempli de curiosité, un éclat de malice dedans.
« Tien donc.. »
« Je ne sais pas comment, ça fait près de quinze ans qu'on s'est pas vus pourtant. Je suis allée voir ailleurs, ils n'ont jamais su te remplacer. »
J'avais envie de le serrer dans mes bras. J'avais envie de le retrouver, de ne plus jamais le laisser me glisser entre les doigts. Je l'aimais tant... C'était asphyxiant.
Luis était mon premier amour après tout, il était déjà suffisamment dur de l'oublier comme ça, mais après qu'il ait fait chavirer mon cœur, il m'était impossible de faire une croix sur lui. Il faisait battre quelque chose en moi, outre mon cœur. C'était mon âme. Je la sentais vibrer intensément pour lui, elle criait à l'aide, désirant se coller à la sienne et ne faire qu'un. Luis réveillait quelque chose en moi à me regarder de cette façon.
« Toi aussi, mon amour. »
Son pouce caressa ma lèvre inférieure.
« Pas instant ne s'est écoulé sans que je ne regrette de ne pas t'avoir emmenée avec moi. »
« Je t'aurais suivi. »
J'aurais tout laissé derrière moi pour lui, je ne mentais pas. J'avais déjà tant sacrifié auparavant, juste pour ses beaux yeux. Juste pour qu'il continue de me murmurer des choses romantiques ou salaces dans le creux de l'oreille, pour qu'il continue de baiser mon épiderme et de me faire l'amour jusqu'à en perdre ma voix.
« Je sais. »
Luis cessa de me regarder pour observer mes lèvres.
« Je le sais bien, ma douce. »
« Cette.. »
Je déglutis, nerveuse.
« Cette fois, tu ne repartiras pas, n'est-ce pas ? »
Je m'accrochais à lui, anxieuse à l'idée de sa réponse. Luis secoua la tête.
« Pas sans toi, en tout cas. » il me taquina. « Si tu le désires autant que moi. »
« Oui. »
Je me pinçais les lèvres.
« S'il te plaît. » murmurai-je. « Prends moi avec toi, ne pars plus. Ne me laisse plus. »
Luis embrassa la commissure de mes lèvres. Il embrassa ensuite ma lèvre inférieure, il la bécota. Ces deux baisers suffirent à ma peau pour s'embraser, j'en suais, ma peau se fit moite. Mon cœur eut bondi de ma poitrine. Mes mains s'accrochèrent à sa mâchoire. J'étais étourdie de nouveau, cependant, cette fois-ci, pour les bonnes raisons.
« Je t'aime tellement... »
Ma respiration s'accélérait.
Luis scella enfin nos bouches.
Mes yeux roulèrent en arrière en conséquence. Ma confession ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd, j'en étais consciente. À la façon dont Luis m'embrassait et me touchait, je savais qu'il pensait la même chose, que mon aveux lui avait fait effet. Alors, en retour, je l'embrassais. Ce fut délicieux. Nos bouches se mouvant l'une contre l'autre, nos torses se touchant... J'en eus des papillons dans l'estomac. Mon bas ventre s'enflamma. Sa salive tomba dans ma bouche, elle se mêla à la mienne, nos langues se trouvèrent rapidement. Le contact de son muscle rose contre le mien me fit gémir. Je poussai quelques plaintes contre lui. Il était doux et chaud. Mes mains remontèrent et se perdirent dans sa chevelure, j'y pris appui. Luis, quant à lui, n'avait toujours pas bougé la position des siennes. Il me maintenait en place, refusant que j'incline la tête pour mieux me goûter.
Notre échange fut parfait. Un bon mélange entre sensualité, passion et amour. Voilà bien des années que je n'avais pas été embrassée ainsi.
Luis me laissa à bout de souffle lorsqu'il se sépara de moi. Mon front se collait contre son épaule, sa veste de cuir. J'inspirai alors son odeur, remplissant mes poumons de ce doux nectar jusqu'à en avoir le tournis. Luis agrippa mes hanches de ses mains, il écarta mes jambes de manière à se placer entre celles-ci et baisa tendrement ma gorge.
« Je ne vais plus pouvoir me passer de toi maintenant. » me susurra-t-il.
Je l'entendais respirer contre moi.
« Tu me rends fou. »
J'avais terriblement chaud. De même pour mon cœur, il devenait fou, il battait si vite que j'en couinais. C'était inconfortable. Il palpitait contre mes os, forçant mes veines à pomper plus rapidement mon sang. Être aussi proche de Luis n'aidait pas. Il était bouillant. Nos deux corps compressés l'un contre l'autre étaient deux grosses fournaises, elles étaient prêtes à tout exploser, à tout réduire en poussière.
Un seul mot pouvait le décrire en cet instant.
Magnifique.
Luis avait un petit rictus aux coins des lèvres. Il m'admirait. Ses yeux pétillaient, ils brillaient d'un éclat ravissant. Mes doigts touchaient un peu ses cheveux. Quelques mèches s'étaient retrouvées devant son visage, d'autres derrière ses oreilles. Cette coiffure lui allait vraiment bien. Il faisait très mature, très élégant.
« Tu m'as manqué. »
« À ce point ? » m'étonnai-je, penchant la tête sur le côté.
Luis pressa ses paumes sur mes hanches. Il me força à rester assise sur le fauteuil tandis qu'il se rapprocha de moi, faisant se toucher nos fronts.
« Tu n'as pas idée. » il avoua. « Tu es bien mon plus grand regret. »
Ses paroles me faisaient beaucoup d'effet. Enfin, c'était évident, comment de tels mots auraient-il pu me laisser de marbre ? Mais... C'était intense. Notre proximité, son corps et le mien, toute cette chaleur et ce désir. Nous empestions l'amour. C'en était presque répugnant. Sentir ses doigts saisir ma chair, ses pupilles dilatées me détailler. La réalité de la chose me frappait soudainement. Mes yeux s'ouvraient en grand.
C'était un rêve.
Ça n'était pas possible autrement. C'était trop beau pour être vrai.
« Viens, il est temps. »
Luis recula. Il me tendit sa main.
Intriguée, je le dévisageai. Néanmoins, je lui offris ma main en retour et descendis du fauteuil. Le laboratoire n'était-il pas notre destination finale ? Quoique...
« Tu m'avais promis de quoi manger et faire ma toilette, c'est vrai. Je m'en souviens. »
Luis acquiesça.
« C'est ça. »
« On ne va pas à la cabane de ton grand-père, j'imagine ? »
« Non. Ils nous retrouveraient trop facilement. »
Luis ouvrait les grandes portes du laboratoire et nous fit sortir. Droit en direction du couloir menant à.. à l'extérieur ? Je le suivais, confuse, les jambes encore un peu faibles. Mon corps n'était plus très souffrant ⸺quelques blessures ici et là, de quoi bien me réveiller⸺ mais il restait capricieux. Je préférais me coller à Luis. Pour qu'il me supporte, bien sûr.
« J'ai une autre cachette, dans les bois. » m'avouait Luis. « Un endroit dont personne n'a jamais entendu parler, nous y serons en sécurité, je te le promets, ma douce. »
« Tu penses que j'aurais assez de force ? »
« N'aies crainte. Je te porterais si nécessaire. »
Un faible rire me quittait. Je posai ma tête sur son épaule.
« Quel gentleman tu fais, Luis. Merci. »
« C'est le moins que je puisse faire, voyons. » répondit-il d'un ton exagérément charmeur.
Ce Luis là m'était familier. Je n'osais pas regarder dans sa direction, je détournai la tête, observant le couloir, surprise. Cette interaction me ramenait en enfance. Aux années de notre adolescence.
Luis et moi nous promenions beaucoup dans la forêt comme ça, bras dessus, bras dessous. Durant des heures entières, perdus ou connaissants notre chemin. Mes parents n'avaient jamais détesté Luis, il était certes un peu étrange, et notre différence d'âge de deux ans n'aidait pas, mais il avait toujours été respectueux. D'aussi loin que je me souvienne, il n'avait toujours eu d'yeux que pour moi. Que j'aie treize ans, quinze ans, dix-huit, ou maintenant vingt-six, je n'avais pas l'impression que grand chose avait changé. Ou alors peut-être que c'était juste le lieu ? Il était vieillot, tant qu'il nous ramenait dans le passé. Je me revoyais à ses côtés, lors de nos sorties nocturnes ⸺j'avais échappé à mes parents, ceux-ci assoupi⸺ et Luis m'emmenait à un splendide et gigantesque lac sur lequel la lune et ses amies les étoiles scintillaient. Lors des pleines lunes, le paysage était à couper le souffle. Une beauté sur laquelle il aurait été impensable de mettre le prix.
« Ça faisait longtemps. »
Je jetai un coup d'œil à Luis, intriguée.
« De ? »
Ses doigts raffermirent leurs prises sur ma main. Il y fit un signe de la tête.
« Ça. » répliqua-t-il. « Toi, moi, main dans la main. Rien pour nous séparer. »
« Je pensais justement à la même chose. » j'avouai avec amusement.
« Oh ? »
« Je t'assure ! »
Les couloirs s'étaient changés, ils n'étaient à présent plus faits de métal, mais de pierres. De la vieille pierre usée, et des lustres décorés de bougies en guise de source de lumière. Ça m'était étrangement familier. Le silence dominait le moment. Mes bottes touchaient la pierre au sol, le bruit fit un peu échos ⸺tout comme les chaussures de Luis⸺ mais hormis ça, c'était très calme. D'ailleurs, il faisait très froid. La pensée que nous nous trouvions dans un château ⸺puisque ceux-ci n'avaient pas de radiateurs⸺ me fit brièvement pouffer. J'avais beau être vaseuse, encore dans les vapes, ça m'était impensable de concéder que nous nous trouvions dans quelque chose d'aussi majestueux.
De toute façon, nous ne nous attardions pas ici. Luis m'ouvrait la porte boisée sur mes pas, celle-ci laissait soudain place à du vert. Elle. Elle et encore toujours elle. Pour toujours et à jamais.
La forêt de mon village.
« On devrait se dépêcher. » parla mon ami. « Le soleil ne va pas tarder à se coucher. »
Tandis que je descendais les marches de pierre sous moi, je zieutais Luis, dubitative.
« Tu n'as pas de lampe de poche avec toi ? »
« Plus maintenant. » affirma-t-il, tout en me suivant. « J'en volerais une autre, lorsque l'occasion se présentera. » il conclut.
« Tu voles ? »
Il souriait.
« Je suppose qu'on peut me le pardonner, en vue des circonstances. »
Il était... Son sourire...
« Mhh.. »
Je me pinçai rapidement les lèvres.
« J'imagine. »
Luis sauta les deux dernières marches. Il passa son bras autour de mes épaules avec grand enthousiasme et me colla contre lui. Ses gestes furent brusques, ils me prirent de court.
« Allons-y, ma douce ! » s'exclama-t-il. « Je te promets repos et nourriture à volonté ! En avant ! »
Luis me forçait à avancer, j'en riais. Nous nous engouffrâmes dans la forêt, sans un regard en arrière. Je n'osai pas imaginer la grandeur de la structure qui se trouvait derrière nous, et c'était vrai : je n'osai pas. Je ne me retournai pas.
Je suivis Luis jusqu'à sa dite destination. Tendant l'oreille lorsqu'il conta les années qu'il eu passé en tant que scientifique dans le monde extérieur, les amis qu'il s'était fait et à quel point il avait désiré que je sois présente à ses côtés pour vivre tout cela. Nombre de fois, il m'eût présenté ses excuses, embrassée et dévisagée. Le trajet dura longtemps. Si longtemps que nous arrivâmes au curieux endroit juste après que le soleil ne se soit couché.
Depuis l'extérieur, je ne voyais rien. Seulement, Luis nous faisait marcher étrangement assez proche d'une montagne. Sa main libre touchait la roche, il bougeait la verdure qui lui bloquait le passage et marmonnait quelques jurons. Le spectacle était distrayant. Ma main toujours dans la sienne, j'étais dans son dos, mes bottes tachées de boue et un grand sourire sur les lèvres.
« Jackpot. »
Luis ouvrit une porte. Soudain, un jet de lumière nous éclaira.
Luis nous précipita à l'intérieur, il referma la solide porte après s'être assuré que personne ne nous avait suivi en dévisageant le paysage, ainsi que le chemin que nous avions précédemment emprunté. De mon côté, je passais au peigne fin l'endroit. De mes yeux.
La pièce était unique. Il n'y avait pas de portes, pas de couloir, ça n'était que quatre murs assemblés avec assez d'espace pour une poignée de meubles et que moi et Luis puissions tenir debout sans avoir besoin de nous coller l'un contre l'autre. Les meubles étaient antiques, de mauvais état. Il y avait une armoire, une commode, une maigre cuisine, un lit et deux longs barils dans un coin, côte à côte, abandonnés. Il n'y avait pas de fenêtre, mais une source de lumière au plafond légèrement rouge, et une seconde sur la table de nuit proche du lit, nous éclairaient. C'était suffisant. Le parquet sur lequel nous marchions se faisait bruyant. Il grinçait sous mes pas. J'eus même peur qu'il ne s'effondre.
« Qu'est-ce que c'est ? Cet endroit, je veux dire. »
Luis retira son arme, il la déposa sur la table collée contre le mur. Les murs, d'ailleurs. Ils étaient taillés, faits de pierre de la montagne dans laquelle nous avions trouvé refuge.
« J'ai trouvé cet endroit il y a quelques semaines. » m'avoua Luis. « Apparemment, un homme de notre village a été chassé il y a une trentaine d'années. »
« Il s'est installé ici ? »
« C'était un mineur. » m'expliqua-t-il. « Il ne voulait pas quitter la campagne, mais ne pouvait pas revenir. Il s'est caché ici avant de mourir de faim. »
Un carnet reposait sur la commode proche du lit. Sûrement un journal intime. Il y avait aussi un porte-manteau, décoré de deux chapeaux et de vestes. L'armoire boisé devait être encore pleine, je songeais.
« Tu veux manger quelque chose ? »
Je retirai mon surplus de vêtements, abandonnai le tout et jetai un coup d'œil à Luis. Je n'y avais pas fait attention, trop confuse, mais une délicieuse odeur flottait dans l'air. Elle avait été bloquée depuis l'extérieur par l'épaisse porte, mais désormais à l'intérieur, je la sentais avec aise.
« Est-ce que c'est⸺ »
« J'ai volé la recette à tes parents dès que j'ai pu. »
Proche de l'armoire, se trouvait une cheminée, elle était faite de pierre, décorée d'une étagère ornée de photographies. Au dessus du feu, une marmite bouillait. Ça sentait bon le ragoût, avec une grosse touche de salé mais aussi une fine de sucré.
Comme ma mère savait si bien les faire.
« Luis... »
J'apportai mes mains à mes bras. Je frémis.
« J'ai toujours aimé la cuisine de ta mère. » me conta le brun, une spatule de bois à la main. « Est-ce que tu veux goûter ? Je peux te faire autre chose, si ça te dérange. »
Je pris place sur le lit.
« Non, non. Un ragoût me va, ça sera parfait. »
Après tout, c'était le repas idéal afin de regagner des forces. Entre légumes, viandes, et saveurs, ce repas n'avait d'égal que son odeur fantastique, il me ramenait en enfance, au coin du feu, à observer la mixture bouillir, où à table, à frapper le bois de mes couverts tant je criais famine sous l'expression tendre de ma génitrice. Et, comme lorsque j'étais petite, la simple odeur de ce délicieux nectar suffit à me donner l'eau à la bouche.
« Ça ne sera pas aussi bon que celui de ta mère, évidemment. Mais je pense qu'à force de pratique j'ai réussi à faire quelque chose de bon. »
« Je n'en doute pas. » souris-je.
Le lit était de mauvaise qualité, de même pour le matelas. Les draps se contentaient d'une couverture, un vieux plaid parsemé de peluches. Mes cuticules se coinçaient dans le tissu. Je rapprochai mes mains, les déposai sur mes cuisses. À quelques mètres de moi, Luis continuait de touiller dans la marmite, accoudé contre l'étagère de la cheminé, une expression sévère sur le visage, concentrée. J'en profitai.
Luis était grand. Il portait de jolie chaussures de cuir, un jean et une veste marron assez similaire à ses souliers. Son accessoire, posé sur la table, me fit de l'œil. Le meuble étant proche du lit, je fus apte à simplement me pencher pour attraper le pistolet. Certes, je m'étais pliée en deux et avais exagérément étiré mes membres, mais cela me permit de ne pas poser un pied au sol, j'en fus reconnaissante.
L'arme était lourde. Cela m'en coupa le souffle.
Elle était longue aussi, du moins son canon. Le reste était fin. Le pistolet était facile à manier, sûrement tout autant facile à recharger. De part sa splendeur et simplicité, je me retrouvais bientôt dans un état d'émerveillement prenant. Je n'avais jamais été fan d'armes à feu. J'étais consciente de leur existence, peu familière au toucher, mais j'en avais déjà vu. Notamment le fusil de monsieur Benavente, l'homme bizarre et constamment sur ses gardes qui vivait dans la plus grande maison du village. J'étais venue chez lui, enfant, et n'avais pas pu me sortir de la tête son arme, me demandant souvent lorsque je rêvassai, quelle sensation cela procurait de tirer.
Luis devait le savoir.
Le canon était froid.
Cela faisait des heures qu'il s'en était servi pour abattre mon père. Je ne l'avais pas vu faire, cependant je jurais qu'il n'avait pas hésité lorsqu'il avait été question de leur ôter la vie ⸺de sauver la mienne⸺.
La voix de Luis me coupa dans mes pensées.
« Tu t'en es déjà servis ? »
Relevant la tête, je le vis servir un bol boisé sur la table, doré de ce que je songeais être une cuillère de bois à l'intérieur. Luis regardait mes mains. Je tiltais.
« Non, jamais. » confessai-je.
Je me levai, lui rendis son pistolet et pris place à table.
« Je ne savais que toi, tu.. Tu sais. »
Luis rit nerveusement. Il astiqua l'arme aidé par la manche de sa veste de cuir, tâtait le canon nerveusement.
« Il fallait bien. » il déclara. « Avec ces choses, dehors, j'étais contraint de sortir armé, de me protéger. D'apprendre à tirer sur ceux que nous connaissions et aimions autrefois, avant qu'ils ne soient touchés par ce parasite. » argumenta-t-il.
J'hochai la tête, mangeant mon dîner. J'avais l'oreille tendue.
« Le repas te plaît, ma douce ? »
J'acquiesçai.
« C'est délicieux, Luis. »
La viande était un peu trop cuite. Elle ne fondait pas aussi bien sur la langue que lorsque ma mère le faisait, mais le goût était au rendez-vous, plaisant et bien balancé entre le sucré et salé. Surtout : c'était mangeable. En cet instant, c'était ce qui m'importait. J'étais extrêmement reconnaissante de l'effort qu'il avait fait à me faire de quoi souper, mais j'étais aussi heureuse d'avoir quelque chose de bon et nourrissant à me mettre sous la dent. Dans mes souvenirs, Luis n'avait jamais été un grand chef. Il était trop maladroit pour.
Cette pensée me fit sourire.
Les souvenirs du passé me hantaient. Telle une main déposée sur l'épaule, ils me réconfortaient, m'aidaient à me faire à l'idée que tout avait changé. Ils me guidaient. Car, certes, Luis était méconnaissable, mais au fond, tout comme moi, certaines choses restaient les mêmes. Cela fut amplement suffisant afin de me calmer. Cela apaisa mon cœur épuisé.
Je finis mon dîner dans le calme.
Mon bol vide, je le nettoyai, m'en débarrassai ensuite sur l'étagère au dessus de la cheminée. Luis avait éteint le feu, recouvert la marmite d'un couvercle de bois. Le tout se fit dans un silence confortable. Luis était allongé sur le lit, son dos touchant le mur, et un livre dans les paumes de ses mains. Je me reculai de la cheminée, touchant la ceinture autour de ma jupe au passage, soudain un peu gênée par le fait d'être ainsi vêtue.
« Tu crois que je peux me changer ? »
« Il y a une salle de bain juste à côté. » me confia-t-il.
« Où ça ? » je m'étonnai.
Luis ferma son livre et me rejoignit.
« À l'extérieur, dans la même montagne. L'accès depuis l'intérieur a été bloqué, je ne sais pas pourquoi. » développa-t-il, saisissant ma main au passage. « Je vais te montrer. »
Luis et moi sortions de la pièce, revenant à l'extérieur. Luis l'avait fait avec nonchalance tandis que moi, je me retrouvais surprise de constater que, une fois la porte refermée et cachée derrière la verdure de la forêt, il était impossible de se douter que quelqu'un pouvait vivre ici. Le soleil était à présent couché. La lune illuminait le monde haut dans le ciel. En conséquence, il faisait froid. Extrêmement froid.
Luis ouvrit une seconde porte et, l'espace d'une petite heure, j'eus l'opportunité de me décrasser et d'enfin me retrouver. La douche n'avait pas été de grande qualité, l'eau, glacée, et je fus contrainte d'enfiler une chemise à Luis pour éviter de me présenter face à lui dans ma tenue d'Ève. Mes vêtements étaient dans un état inquiétant, boueux, déchirés, puants et couverts de sang, sueur. Mais cela fut amplement suffisant. J'en ressortis revigorée. Accompagnée de mon ami d'enfance, nous rentrions dans la pièce initiale du lieu, ainsi, je m'en allai me réchauffer auprès du feu. Mon linge sale fut abandonné sur la table, de même pour mes chaussures, toutefois, eux trouvèrent leur place au sol.
Le feu crépitait joliment. Orné de rouge, jaune et orange, il se noya dans mon regard, se refléta dans mes yeux. Il était chaud à souhait. Peut-être même un peu trop. Je le sentais brûler la pulpe de mes doigts, la sensation n'était pas particulièrement agréable, mais cela me ramenait sur Terre, me permettait de me sentir vivre. Il me réchauffait surtout, en vue de ma tenue.
Luis s'accroupit à mes côtés. Il m'imita.
« Tu te sens mieux, ma douce ? »
Je lui offris un sourire sincère.
« Beaucoup. »
Étant assise au tailleur au sol, je n'eus aucun mal à me rapprocher de lui. Luis manqua de perdre équilibre, néanmoins, il ne me repoussa pas lorsque je posai ma tête contre son bras. Il me jeta un coup d'œil, prit par surprise. Il n'obtint rien en retour. La splendeur du feu, son élégance, ses moindres mouvements accompagnés de grâce continuaient de s'accaparer mon attention.
J'étais dans l'incapacité de regarder autre chose.
« Merci pour tout, Luis. Je t'ai déjà remercié, non ? Je ne m'en souviens plus. »
« Mhh, pas de problème. »
Une de ses mains se plaqua contre la surface de mon visage qui n'était pas collée contre son bras. Sa paume recouvra cette partie. Il me pressait un peu plus contre lui.
J'aurais voulu le toucher un peu plus. Quelques heures plus tôt, nous avions sauté un grand pas ⸺ou nous étions revenus au point de départ ? De base, nous étions bel et bien amoureux. À présent, nous l'étions à nouveau. Je ne savais plus trop sur quel pied danser avec lui, oser me blottir contre lui et aller trop vite, ou rester dans mon coin et manquer de près la chance de revivre les meilleures années de ma vie. Je ne savais plus quoi lui dire.
Je me sentais toute nerveuse.
Peut-être que, finalement, le feu ne m'intéressait pas tant que ça. Ça n'étaient pas les premiers bouts de bois que je voyais se faire calcinés sous mes yeux, mais c'était bel et bien la première fois que je revoyais Luis. J'étais passée de jeune adolescente passionnée à une jeune femme plus mature et un poil fatiguée. Je n'étais sûrement plus aussi spontanée qu'auparavant. Moins délicieuse, enivrante. En revanche, Luis, lui... Luis était resté le même.
Un peu comme une poupée
Oui c'était ça. C'était tout à fait ça. Je l'avais retrouvé dans notre village, exactement le même, peut-être plus âgé, mais toujours le même Luis dont j'étais tombée amoureuse. Le même Luis qui m'avait brisé le cœur et qui aujourd'hui recollait les morceaux sans même s'en soucier. Il était intact. Parfait. Une perfection à vous en couper le souffle et à bien vous demander si vous n'êtes pas en plein rêve. Ou en pleine folie.
« Tu es bien pensive. »
Luis caressait ma joue du bout de son pouce. Je tournai la tête.
« Désolée, tu disais ? »
« Je te demandais si tu voulais te reposer. »
Sa proposition me tenta. Toutefois, je la déclinai.
« Non, ça ira. J'aimerais rester ici encore un peu, si ça te dérange pas. » répondis-je. « Mais tu peux y aller, toi, si tu veux. »
Luis secoua la tête.
« Moi non plus, je n'ai pas sommeil. »
Son pouce s'approcha de ma lèvre inférieure, il la frôla. Mes yeux, quant à eux, louchèrent sur sa bouche.
« Je peux rester ici aussi, si ça ne t'embête pas, bien sûr. » murmura Luis.
« Non, je t'en prie.. Reste. »
Je posai ma paume sur le dos de sa main posée sur ma joue. Je m'accrochais à lui, de peur de le voir s'en aller, de peur qu'il ne commence à hésiter et à penser que tout cela n'était que pure folie. Ça n'était pas le cas. Je m'étais empressée de le lui faire comprendre.
« Dis-moi. »
Luis pivota de manière à me faire face. Il tomba à genoux et se saisit de mon visage en coupe, me forçant ainsi à me tourner vers lui. De profil à la cheminée, face à face, je ne pus lui échapper.
« Combien d'hommes as-tu embrassé après moi ? »
Mes paupières se faisaient lourdes. À force de le regarder mon corps avait sombré dans la folie, le fait qu'il me touche.. Je flottais sur un nuage.
« Très peu. »
« Mais tu m'as embrassé moi. » insista-t-il. « Pour quelle raison ? »
Mes mains se saisirent de ses poignets, je me penchai dans sa direction. Il m'imita.
« C'est idiot, je t'assure. »
Je souris lorsque nos fronts entrèrent en contact.
« J'en avais juste envie. »
Luis compressa mes joues. Il me toisait avec beaucoup d'intensité, tout comme moi, comme si il peinait à croire que ce qui se déroulait sous ses yeux était la réalité. Cela nous échappait, autant à lui qu'à moi. J'avais le cœur qui tambourinait dans ma poitrine, une horde de papillons dans le bas ventre pour couronner le tout. J'étais... J'étais en extase. Je ne quittais pas mon nuage. Luis avait sauté le pas, il m'avait rejoint dessus, nous étions donc tous les deux sur ce morceau de coton, main dans la main, peau contre peau. Il n'y avait plus que nous.
Il n'y avait jamais eu personne d'autre.
Ça avait toujours été ainsi. Lui et moi.
Adolescents, jeunes adultes, adultes.. C'était à l'instar d'âmes sœurs. Peut-être étions-nous des âmes sœurs ? Au final... Des êtres qui, selon la légende, étaient destinés à se retrouver et s'aimer inlassablement jusqu'à la fin des temps. Dans la vie, la mort, le temps et l'espace. Oui. C'était ce que nous étions. Tout à fait. Il n'y avait plus aucun doute.
« Luis.. »
Mes mains s'accrochaient désespérément à ses poignets, le feu me brûlait la peau, ma respiration saccadée blessait mes poumons. Je.. J'étais⸺
« Luis. »
Son nom quittait mes lèvres tel un chant noué par du désespoir. Que dire ? Que faire ? Ainsi face à lui, mes pupilles rivées dans les siennes, je n'avais plus qu'un seul et unique désir. C'était évident. À présent..
« Embrasse moi, je t'en prie. »
Luis s'humecta les lèvres.
Quelques mèches de ses cheveux titillaient ma peau, d'autres cachaient ses yeux. Je libérai ma main droite afin de remettre de l'ordre dans sa coiffure, frôlant sa pommette, sa joue, sa barbe, sa tempe. Je bougeai doucement. Je ne voulais pas dépêcher les choses. Cependant, alors que je m'apprêtais à caresser son visage, une fois ma tâche conclue, Luis s'était saisi de mon poignet.
Il tira ma main jusqu'à sa chemise entrouverte. Il me glissa dans son vêtement et posa ma paume là où je fus apte à sentir son organe vital palpiter. Son regard n'eut pas quitté le mien tout le long. Pas même lorsque mes yeux s'étaient écarquillés. Son cœur battait vite, il avait sombré dans la folie. Je pouvais presque l'entendre. Il battait à l'unisson avec le mien, dans une délicieuse symphonie.
« Ma douce.. »
Luis frotta son front au mien.
« Permets-moi de te faire mienne. »
Sa main toujours posée sur ma joue s'approcha de mon menton, elle le saisit.
« Afin que plus jamais je ne te fasse l'affront de t'abandonner. Ça n'est pas digne de moi, ni de mes sentiments. »
J'hochai vigoureusement la tête.
« Je t'en prie, Luis. »
Mes ongles s'enracinèrent dans son pectoral.
« J'ai toujours été à toi. »
« De même. »
Il baisa tendrement ma lèvre inférieure.
« Il n'y a toujours eu que toi, mon cœur est tien depuis le début. À jamais. »
Son aveu me fit sourire. Nous étions désormais si proches que, dès que nous nous mettions à parler, nos lèvres se touchaient. Et, finalement, Luis attrapa fermement mes épaules de ses deux mains. Puis, il m'embrassa. Nos bouches se rencontrèrent, bercées par la chaleur du feu nous observant. Ce fut divin. Nous partageâmes un tendre baiser, amants, amis, ennemis, rancune, amour, amertume, tout disparu pour laisser place à un sentiment dont j'avais pourtant pensé perdu.
La sérénité.
Dans cette habitation perdue dans les bois, au cœur de cette pandémie meurtrière, de ce génocide, ce début de fin du monde, Luis et moi trouvâmes refuge dans les vestiges de notre amour.
Et cela fut amplement suffisant pour soigner les blessures du passé. J'en ressortis nouvelle. Comblée. Éprise. J'étais désormais prête à tout pour rester aux côtés du garçon dont j'étais tombée amoureuse depuis si longtemps. Quitte à tout sacrifier, jusqu'à la vie que j'avais battit au cours de ces dernières années. Tout cela ne faisait pas le poids face à la possibilité de tout reconstruire à ses côtés et de revivre les plus charmants instants de mon existence. Remplis d'innocence et d'amour. C'était d'une évidence accablante.
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meinmybaddays · 3 months ago
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Comment exprimer ce gouffre qui me fait ruminer, néant en moi frustré, à jamais mes yeux demeureront prêts à se sceller lorsque le gouffre se présentera de nouveau, disposés à ne jamais plus s'ouvrir, à la merci de la fin qui nous fera déguerpir, moi, âme, raison et esprit nous irons, sur le champ de bataille du soldat invisible. Je suis celui-ci, s'évertuant à faire ouïr de ma vie, hélas de quelle manière peut-on recueillir autant d'injustice. J'en suis même cette dernière, j'en suis emplie, je sabote et reconstruis, soldat invisible dont mon corps est l'ennemi, j'irai moi même me déclarer armistice. Abritée des regards mais habituée à indifférence, c'est en mon intérieur que je livre joute alors c'est mon visage que j'anime, lui fier et heureux, il suffirait de me regarder dans les yeux, mi-clos ou ébahis, ils auraient vu la fin ou l'infini. Mimée à la perfection, c'est joie qu'affiche mon expression, vérifie donc mon regard, au loin il affiche son état initial, il nous trahit, moi, coeur, âme et esprit.
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christophe76460 · 1 year ago
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LE CIEL ET L’ENFER
"Dieu peut-il faire de nous des chrétiens ?
Oui, vous dis-je, et c’est précisément là qu’éclate l’admirable puissance de l’Évangile.
La grâce divine ne sollicite pas le consentement de l’homme, mais elle l’obtient ; elle ne lui demande pas s’il la veut, mais elle lui donne de la vouloir ; elle ne s’impose pas à lui, mais elle transforme tellement sa volonté que, reconnaissant sa valeur, il se prend à soupirer après elle, et la poursuit jusqu’à ce qu’il l’ait atteinte.
Et comment expliquer autrement la conversion de tant d’incrédules, qui avaient dit à une époque de leur vie : “Jamais nous n’aurons rien à faire avec la religion ?“
On raconte qu’un jour un impie déclaré entra dans un lieu de culte pour entendre les chants sacrés, et qu’aussitôt que le ministre prit la parole, il mit les doigts dans ses oreilles, déterminé à ne pas écouter. Mais au bout de quelques instants, voici qu’un petit insecte vient se poser sur son visage, ce qui l’oblige, pour le chasser, à déplacer une de ses mains.
À ce même moment, le ministre prononçait ces paroles : Que celui qui a des oreilles pour ouïr entende.
Surpris, remué dans sa conscience, l’incrédule écoute, et Dieu touche son cœur à salut.
En sortant, il était un nouvel homme. L’impie se retira pour prier ; le railleur alla verser des larmes de contrition. Celui qui était entré dans la maison de Dieu par manière de passe-temps, retourna chez lui, pressé de rechercher la communion de son Créateur.
Le sceptique devint croyant; le pécheur devint un saint. Et la transformation qui s’est produite chez cet homme, peut se produire également chez tous.
La grâce divine, je le répète, n’a pas besoin de votre consentement préalable : elle saura vous donner la volonté et l’exécution selon son bon plaisir.
Du cœur le plus rebelle qui s’écrie dédaigneusement : “Je n’ai que faire de l’Évangile“, elle peut, quand elle le veut, faire surgir cette humble supplication : “Seigneur, sauve-moi, ou je péris !“
Mais peut-être pensez-vous que vous pouvez vous convertir sans que votre âme subisse l’action prévenante de la grâce de Dieu. Erreur, erreur funeste, mes amis.
Supposons qu’en cet instant même Jésus-Christ se présentât au milieu de nous, quel accueil pensez-vous que lui ferait le plus grand nombre ? “Nous le couronnerions roi“, me répondez-vous. Hélas ! je n’en crois rien ; et je suis persuadé, au contraire, que la plupart d’entre vous le crucifieraient de nouveau, s’ils en avaient l’occasion.
Oui, se tînt-il là, devant vous, et vous dît-il : “Me voici, je vous aime“, pas un de vous, abandonné à sa propre volonté, ne répondrait à ses avances.
Fixât-il sur vous un de ces puissants regards capables de dompter les lions eux-mêmes ; vous parlât-il avec cette voix d’où se sont échappés des flots d’une incomparable éloquence, pas un de vous, laissé à lui-même, ne deviendrait son disciple.
Ce qu’il faut, pour fléchir les résistances de notre cœur, c’est la puissance de la grâce, c’est l’influence du Saint-Esprit.
Nul ne peut venir à moi, a dit Jésus-Christ, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire."
Charles Spurgeon
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readingloveswounds · 1 year ago
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i know it's not super courant but i do love ouïr as a verb. for whatever reason it's more fun than entendre.
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valerietheriaultd · 2 years ago
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Oyé, oyé OU oyez, oyez, chers amoureux du français?
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«Oyé oyé est la forme fautive de «oyez, oyez»! En effet, «oyez» vient d'un verbe de l'ancien français, «ouïr», qui signifie 'écouter, entendre'. Il appartient à la même famille que le nom commun «ouïe». Ainsi, lorsqu'on interpellait les gens, on utilisait l'impératif de ce verbe, à la 2e personne du pluriel: «oyez».
De nos jours, on utilise encore l'expression «ouï-dire» pour parler de rumeurs.
Donc, lorsqu'on souhaite utiliser cette expression médiévale, il faut garder la bonne graphie en tête, pardi!
___
Sources: Antidote, Usito et la Vitrine linguistique.
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plumedepoete · 2 years ago
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Vieillir - Michel LO
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Pour chacun, arrive toujours l'instant Ou l'on ne regarde plus vers l'avant Quand on est plus souvent retourné Pour désormais contempler son passé Nous savons que nous allons vieillir Est-ce pour le meilleur ou pour le pire ? Quand au futur on n'a plus d'avenir Arrive alors le temps des souvenirs Lorsque demain devient comme aujourd'hui A part quelques détails que l'on oublie Nous savons tous que nous allons vieillir Même si ce n'est pas ce que l'on désire Alors doucement on perd la mémoire De cette vie devenue sans histoire D'une morne grisaille au quotidien Où l'on ne fait plus attention à rien Nous savons tous que nous allons vieillir Inutile d'en pleurer ou d'en rire On ne sait plus ce que l'on vient de dire Pas plus que ce qu'on a pu ouïr Notre intérêt pour autour se déchire Plus rien n'existe que nos souvenirs Nos pensées ne seront plus que délires Dans nos corps qui ne feront que faiblir Notre compréhension du temps s'effrite Notre présent pâlit et se délite Puis notre esprit retombe dans l'enfance Avant d'abandonner toute conscience Nous savons tous que nous allons mourir Sans vraiment dire où nous irons gésir Read the full article
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jeanmarime · 2 years ago
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Amer Aimé Poème-hommage à voir, ouïr et lire !
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vhscorp · 2 years ago
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TOI QUE J’AI TANT AIMÉE…
Quand arrive l’hiver et ses brumes glacées, j’aime à marcher le long des plages désertées, le vent emporte au loin mes plus sombres pensées et je me sens serein, tranquille et apaisé.
J’écoute la chanson, sans cesse répétée, des vagues qui s’échouent sur le bord du rivage et parfois je crois ouïr la triste mélopée de sirènes oubliées qui gémissent au large.
Nul promeneur ne vient déranger ma quiétude et pour quelques instants, je me sens seul au monde, loin de mon quotidien, rongé par l’habitude, et puis loin de mes pairs et de leur folle ronde.
Alors dans mon esprit, lavé par les embruns, s’imposent ton sourire et ton tendre visage, je sais qu’ils seront là tout au long du chemin, fidèles compagnons de mon pèlerinage.
Tous deux nous aimions tant ainsi nous promener, marchant main dans la main, de longues heures durant, regardant l’horizon s’unir à l’océan et ne nous arrêtant que pour un doux baiser.
Ô comme il semble loin, ce paradis perdu, ces années où nos êtres, unis, ne faisaient qu’un, comment puis-je accepter l’idée que jamais plus ma peau ne goûtera la douceur de tes mains?
Lorsqu’arrive l’hiver et ses longs doigts glacés, je vais voir l’océan qui nous a tant bercés, ensemble nous parlons de ces tendres années où tu vivais jadis, toi que j’ai tant aimée…
V. H. SCORP
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poetiquementvrai · 3 years ago
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Elle pleure à la plage
Toute l’année, elle nous a surpris. Personne ne s’attendait à cette force sans pareille. ”Quelle bravoure”, disions-nous. Mais ce que nous n’avions pas vu, c’est qu’elle allait à la plage, tous les jours, pour évacuer son chagrin. Dans l’océan, personne ne pouvait voir qu’elle pleurait. Avec ce vent, personne ne pouvait ouïr qu’elle suffoquait. 
Mais rassurez-vous, car chaque soir, elle rentrait le cœur un peu plus léger.
- Poétiquement Vrai 
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ochoislas · 3 years ago
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MAÑANA DEL MUNDO
En torno nacen mil ruidos tan preñados de silencio que al oído le parecen el canto de su inocencia.
Todo al contemplarse vive, la intimidad es espejo que todo cruza soñando el retoñar de su tiempo.
Las palmas logran la forma que su goce contrapesa y convocan a las aves para mostrarles sus flecos.
La blanca jaca avizora al hombre que llega paso con la tierra que le ronda el corazón estrellero.
Los ollares estremece y relincha en pleno éter, luego arrollando imposible rompe a galope tendido.
En la calle las mujeres y los niños, como nimbos, se arraciman tras sus almas cruzando sombra y solana.
Mil gallos con sus reclamos van deslindando los campos, pero las olas del piélago fluctúan entre cien playas.
La hora abigarran bogantes, luminiscentes bañistas... tantos que olvidan los astros sus visos en aguas gárrulas.
*
LE MATIN DU MONDE
Alentour naissaient mille bruits Mais si pleins encor de silence Que l’oreille croyait ouïr Le chant de sa propre innocence.
Tout vivait en se regardant, Miroir était le voisinage Où chaque chose allait rêvant À l’éclosion de son âge.
Les palmiers trouvant forme Où balancer leur plaisir pur Appelaient de loin les oiseaux Pour leur montrer leurs dentelures.
Un cheval blanc découvrait l’homme Qui s’avançait à petit bruit, Avec la Terre autour de lui Tournant pour son cœur astrologue.
Le cheval bougeait des naseaux Puis hennissait comme en plein ciel Et tout entouré d’irréel S’abandonnait à son galop.
Dans la rue, des enfants, des femmes, À de beaux nuages pareils, S’assemblaient pour chercher leur âme Et passaient de l’ombre au soleil.
Mille coqs traçaient de leurs chants Les frontières de la campagne Mais les vagues de l’océan Hésitaient entre vingt rivages.
L’heure était si riche en rameurs, En nageuses phosphorescentes Que les étoiles oublièrent Leurs reflets dans les eaux parlantes.
Jules Supervielle
di-versión©ochoislas
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jkpfr · 3 years ago
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Je m’effacerai peut-être De souvenirs inutiles
Mes pensées sans queue ni tête T’assurent cette vie facile
Une jupe rapiécée au fil doré Déchirée et tu lèves le nez au ciel J’applaudis rien que d’y penser - Changeons de couleur, laquelle ?
Au bord du Nil des géants défilent Petits enfants des plus grands Aux dents pointues assurément - Puérils, ils jouent les difficiles…
Grand saint Eloi je te regarde Tu tiens ton sabre de bois Ne te blesse pas, prends garde - Je ne me soucie pas tant de moi…
Exaspérée, tu cours dans l’herbe Mais tu ne fais pas la sourde oreille Sans chapeau il fait trop chaud au soleil - Souhaites-tu à nouveau ouïr mon verbe ?
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eskwander · 4 years ago
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Ce sont prières qu'emporte le vent, Nul n'en écoute et ne veut en ouïr ; D'heure en heure ainsi s'accroît mon tourment. Vivre m'est ennui, et ne sais mourir.
Boccaccio
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williamgregorowicz · 4 years ago
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O Deutschland, bleiche Mutter!
O Deutschland, bleiche Mutter! Wie sitzest du besudelt Unter den Völkern. Unter den Befleckten Fällst du auf.
Von deinen Söhnen der ärmste Liegt erschlagen. Als sein Hunger groß war Haben deine anderen Söhne Die Hand gegen ihn erhoben. Das ist ruchbar geworden. Mit ihren so erhobenen Händen Erhoben gegen ihren Bruder Gehen sie jetzt frech vor dir herum Und lachen in dein Gesicht. Das weiß man. In deinem Hause Wird laut gebrüllt, was Lüge ist Aber die Wahrheit Muß schweigen. Ist es so?
Warum preisen dich ringsum die Unterdrücker, aber Die Unterdrückten beschuldigen dich? Die Ausgebeuteten Zeigen mit Fingern auf dich, aber Die Ausbeuter loben das System Das in deinem Hause ersonnen wurde!
Und dabei sehen dich alle Den Zipfel deines Rockes verbergen, der blutig ist. Vom Blut deines Besten Sohnes.
Hörend die Reden, die aus deinem Hause dringen, lacht man. Aber wer dich sieht, der greift nach dem Messer Wie beim Anblick einer Räuberin.
O Deutschland, bleiche Mutter! Wie haben deine Söhne dich zugerichtet Daß du unter den Völkern sitzest Ein Gespött oder eine Furcht!
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Allemagne, mère blafarde! Tu sièges si flétrie parmi les peuples. Tu fais tache parmi les immondes.
Le plus pauvre de tes fils gît, abattu. Alors qu'il avait grand faim. Sur lui tes autres fils ont levé la main. Cela s'est ébruité.
La main ainsi levée, Levée contre leur frère, Ils rodent, effrontés, devant toi. Et te rient au visage. C'est bien connu.
Dans ta maison, on clame ce qui est mensonge. Mais la vérité doit se taire. En est-il ainsi?
Pourquoi les oppresseurs chantent-ils tes louanges? Mais ces opprimés t'accusent-ils? Les exploités te montrent du doigt, mais les exploiteurs exaltent le système forgé dans ta maison!
Ils te voient dissimuler le pan ensanglanté de ta jupe Rougie du sang Du meilleur de tes fils.
On rit, à ouïr les paroles lâchées de ta maison, Mais qui t'aperçoit, saisit son couteau Comme à la vue d'une scélérate.
Ô Allemagne, mère blafarde! Dans quel état t’ont mise tes fils Pour que tu sièges parmi les peuples. Dérision ou frayeur!
Bertold Brecht, O Deutschland, bleiche Mutter! (1933)
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