#Au revoir partiels
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bienvenueenpharmacie · 1 year ago
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Quand j’ai enfin reçu ma carte CPS.
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lilias42 · 11 months ago
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Acte 6 et épilogue : "Tout ce que je veux, c'est te revoir..."
ET C'EST FINI ! Déesse, j'en voyais plus le bout mais, c'est bon, les dernières péripéties ont eu lieu ! Honnêtement, j'avais pas prévu que ça fasse 659 pages en taille 14 ! ça devait juste faire deux actes max comme ma version d'AM... et le déroulé a tellement changé de ce que ça devait être de base... y a de quoi en faire un billet entier... mais bon, on ne se refait pas...
C'est donc le dernier acte de cette histoire : on reprend juste après la révolution qui a eu à Fhirdiad et on explore les conséquences des actes de tout le monde en refermant les arcs de tout le monde.
Juste une petite précision avant de commencer : Arundel a un rôle dans cette partie, même s'il est absent des autres parties car, je voudrais pouvoir raccrocher ma partie pré-Duscur de CF (oui, je n'ai toujours pas oublié cette histoire) avec cette version du post-Duscur pour en faire une histoire pouvant se lire indépendamment du jeu, afin de pouvoir la faire lire à des proches qui n'y ont pas joué. Si vous avez des questions sur le pourquoi du comment d'Arundel, n'hésitez pas à demander en cas de besoin.
Et aussi, les avertissements habituels : fans de Rufus fuyez, et fans de Lambert, fuyez encore plus (surtout vu comment il tourne ici). Fans de Gustave... il est tellement transparent que pourquoi pas même si bon, si vous arrivez avec l'acte 6 et que vous voulez lire les parties précédentes, ça ne va pas vous faire plaisir...
(suite sous la coupe)
Rodrigue et Alix passaient un peu de temps après leur journée de travail avec Félix, l’aidant à fabriquer ses bracelets. D’après Pierrick, ils pourraient bientôt retourner travailler normalement, même s’ils devraient toujours faire attention à ne pas s’épuiser, étant plus sensible à la fatigue à présent. Rodrigue pourrait même bientôt reprendre la magie à son ancien niveau, même si là aussi, il y aurait une période où ils devraient s’assurer que la transformation ne reviendrait pas avec son entrainement, même partiellement. Enfin, ils étaient sur la bonne voie, c’était le principal… au moins pour ça… politiquement par contre, c’était une autre histoire… ils n’avaient toujours pas annoncé officiellement leur retour à part à leur allié mais, ce n’était qu’une question de temps avant que Lambert, Rufus et Gustave ne l’apprennent par les rumeurs et n’agissent en conséquence pour les faire rentrer dans le rang…
Ils étaient en train de graver une des plaques quand ils entendirent du bruit monté depuis la ville, vite suivi par un domestique qui entra en trombe en hurlant, tout excité.
« Vos Grâces ! Venez vite ! On a des nouvelles de Fhirdiad ! Il n’y a plus de roi ! Lambert a été renversé par la capitale et les nôtres !
– Attendez, quoi ? S’étonnèrent les jumeaux. Est-ce que vous avez des nouvelles d’Estelle et Bernard ainsi que de nos autres hommes là-bas ? Ce sont eux qui ont envoyé ces nouvelles ?
– Venez vite ! Le messager est en ville ! Il a aussi des lettres pour vous de tout le monde !
Échangeant un regard, les jumeaux se levèrent pour le suivre, vite suivit de Félix, voulant tous en savoir plus, même s’ils se cachèrent sous une cape pour qu’on ne les reconnaisse pas, au moins pas les messagers… Trois jeunes gens attiraient toute l’attention sur la place, racontant ce qui s’était passé, du début de la révolte avec la prise du marché noir, la perte du peu de respect que les fhirdiadais avaient encore en leur seigneur, puis le début de la bataille entre les murailles de la capitale quand l’expédition punitive contre Gautier mené par Isidore et Miklan avait tourné à la mutinerie, les deux meneurs ayant même été tués par leurs propres soldats, ainsi que le rôle central d’un certain Ludovic Hange dans la chute des Blaiddyd.
« Vu le nom, c’était limite le destin choisi par la Déesse pour lui ! » S’était exclamé un des messagers.
Ils finirent en expliquant comment s’était organisé la ville et les priorités pour les révoltés, à savoir au moins assurer la survie de tous sans que le Royaume ne se délite trop à cause d’ambitieux.
« Nous avons des lettres diplomatiques à remettre à l’intendante du duché de Fraldarius qui le dirige en l’absence de ses ducs, ainsi qu’une invitation à Fhirdiad pour les ducs jumeaux une fois qu’ils auront été retrouvés. Les chefs du gouvernement voudraient les rencontrer afin de reprendre des relations diplomatiques saines entre nos deux territoires. Voici les documents officiels, » ajouta une seconde en leur montrant des lettres scellées avec un sceau représentant un mouton et une étoile, les symboles de la ville, mais aussi imprégné de l’odeur de leur oncle Ludovic, comme si c’était lui qui les avait écrites, gardant son parfum incrusté dans l’encre et le papier malgré que ce soit impossible… même si… si Alix ne se trompait pas… et aux vues des derniers évènements… ce ne serait pas le plus étrange au final…
Étant elle aussi descendue, Loréa émergea de la foule et prit les lettres en déclarant, jetant juste un regard aux jumeaux pour se mettre d’accord.
« Bien, je les confierais personnellement à nos ducs dès qu’ils seront de nouveau parmi nous. En attendant, je me chargerais personnellement des relations avec Fhirdiad et le nouveau gouvernement.
– Nous vous en remercions, et nous espérons de tout cœur que les loups de cendre reviendront vite auprès de vous et de leur enfant. Nous avons tous besoin d’une protection divine à l’heure actuelle, et nul doute que cela est un signe de la Déesse qu’elle les ait transformés en ses protecteurs. Enfin, maintenant que Lambert n’est plus roi, nous devrions peut-être retrouvé ses faveurs en même temps que celle du Flutiste des Glaces. »
En entendant ceci, les jumeaux réfléchirent un peu plus à cette histoire… Rodrigue et Alix devaient avouer que ces rumeurs de loups de cendre étaient bien le cadet de leurs soucis quand ils avaient retrouvé forme humaine, cherchant plus à comprendre ce qui leur était arrivé et essayant de ne pas rechuter, mais sans les ignorer non plus. Après tout, ils correspondaient à la description de ses créatures mythiques : d’immenses loups noirs ou gris aux yeux bleus et humains, assez grand pour être monter par la Déesse. Même Loréa les avait pris pour ça en les voyant malgré son esprit très terre à terre, d’autres devaient le croire encore plus facilement, surtout vu comment ils s’étaient transformés… Rodrigue était loin d’être le seul magicien à avoir un tel surplus de magie dans son corps tout en étant au proie au désespoir mais, ils ne s’étaient pas tous transformé… d’après Sylvain et Fregn dans les quelques missives diplomatiques qu’ils avaient pu échangé avec eux, ce serait le signe qu’il serait des berserkir selon les croyances srengs… les guerriers d’Odin combattant à ses côtés lors du Ragnarök, ne se révélant que dans le désespoir de la bataille afin d’accomplir leur objectif et survivre… alors si en plus, le Flutiste des Glaces rejetait Lambert, il serait facile de recoller les morceaux de cette histoire pour en faire une intervention divine…
Enfin, s’ils les tournaient correctement, ces rumeurs pourraient jouer en leur faveur… au moins pour enfin pouvoir vivre en paix loin de cet homme… Loréa fit le nécessaire pour que les trois messagers puissent se reposer avant de reprendre la route avec leurs réponses, puis les rejoignit une fois qu’ils furent de retour dans leur forteresse.
Sur le chemin de leur forteresse, alors que toutes les informations qu’il venait d’apprendre infusaient doucement dans son esprit, Rodrigue eut du mal à y croire, se croyant être en train de rêver… Lambert n’était plus roi… il n’était plus roi… il n’avait plus le pouvoir… plus le pouvoir de les forcer à faire quoi que ce soit… plus le pouvoir de tous les mettre en danger… plus le pouvoir de faire le mal autour de lui à cause de son inconscience… plus le pouvoir de faire du mal à sa famille…
Plus aucun pouvoir…
Aucun…
Il sentit Félix lui serrer la main alors qu’ils rentraient à l’intérieur, soufflant en le regardant.
« Il ne te fera plus de mal. À plus personne et surtout pas à toi et à Alix.
– Oui… répondit-il en passant sa main dans ses cheveux, retrouvant pied à ses mots. Il ne nous fera plus jamais de mal.
Les jumeaux prirent alors les lettres officielles destinés à tout le duché, les lisant attentivement pour bien comprendre comment fonctionnait Fhirdiad et quels étaient les objectifs des révoltés, surtout en voyant qu’Estelle et Bernard faisaient partie de leurs chefs, même si les connaissant, cela ne les étonnait guère. Ils n’allaient pas rester les bras croisés vu tout ce qu’osait faire Lambert et Rufus, surtout que les résistants avaient surement bien eu besoin de leurs compétences au combat…
« Ils parlent d’un système d’élection pour désigner le prochain roi… ils ont l’air déterminés à rompre avec l’ancienne manière de faire, histoire de ne pas avoir un autre Clovis ou un autre Lambert… déclara Loréa en parcourant les lettres.
– Ils ont peut-être enfin retrouver le testament de Ludovic… ça ressemble à ce qu’il voulait mettre en place… commenta Alix.
– Mais il va arriver quoi à Dimitri ? Demanda Félix, resté avec eux pour savoir ce qui se passait.
– Visiblement, il resterait l’héritier de Lambert mais, en tant que seigneur ordinaire sur le domaine royal, pas au titre de roi, lui expliqua son père, et sa garde reviendrait aux Charon.
– C’est le plus logique faut dire, ajouta Alix. C’est sa famille la plus proche, vu qu’à part Rufus et les descendants des bâtards de Clovis, il n’a pas d’autres tantes, oncles ou cousins du côté de son père. Et il est hors de question de confier un gosse aussi mal en point que lui à Rufus, encore plus après tout ce qu’il a fait.
– Oui, les Charon sauront prendre soin de lui, comme Héléna l’aurait voulu, assura l’ainé des jumeaux en espérant que Félix comprendrait.
Le jeune garçon réfléchit un peu avant de dire sans hésiter, sûr de lui :
– Eux au moins, ils ne l’enverront pas à la mort comme Lambert, et Cassandra peut le protéger. En plus, ils traitent bien Dedue et Sasiama, ça ira.
– J’en suis sûr… En tout cas, les dispositions autour de lui ressemblent vraiment aux travaux de Ludovic, c’est aussi ce qu’il avait prévu pour Lambert, même s’il voulait imposer plusieurs conseillers et fonctions indépendantes du roi pour mieux le contrôler.
– Qui sait ? Si ma truffe ne s’est pas trompée, c’est peut-être lui qui leur en a parlé directement… proposa le cadet.
– Qui sait… » souffla Rodrigue en prenant les lettres qui leur étaient spécifiquement destinés, sentant autant qu’Alix l’odeur de Ludovic imprégné à l’intérieur… une odeur très fraiche comme la neige en montagne, taché de maladie mais, cette dernière n’arrivait à ne jamais à prendre le dessus sur l’odeur neutre et fraiche…
En l’ouvrant, même si l’auteur prétendait s’appeler Ludovic Hange, la présence de leur oncle suintait à chaque lettre… l’écriture, la manière de s’exprimer, les mots choisis, la manière dont il argumentait, tentant de les convaincre de venir à Fhirdiad même s’il comprendrait aussi si les jumeaux ne voulaient plus s’en approcher, au moins pour assurer les bonnes relations entre eux… seul leur Oncle Ludovic avait pu l’écrire… personne ne pouvait se ressembler autant… Rodrigue et Alix étaient bien placés pour le savoir…
« C’est… c’est vraiment Ludovic… notre Oncle Ludovic… balbutia l’ainé, y croyant à peine malgré tout. Mais… mais comment… est-ce que ces sorciers étranges y seraient pour quelque chose ?
– Ce ne serait pas impossible… après tout, quand il a autopsié les mages qui vont ont attaqué, Pierrick trouvait leurs corps étranges, et leur chef semblait ronger par la magie noire. Qui peut savoir quel sacrilège ils ont pu commettre ? Au moins, on peut espérer que les révolutionnaires les ont également éliminés en même temps qu’ils renversaient Lambert… ils vous proposent également de venir à Fhirdiad, au moins pour récupérer officiellement vos troupes… elle les regarda, l’expression neutre et sans jugement, ouverte à tout ce qu’ils diraient. Que pensez-vous faire ?
Les jumeaux hésitèrent, ne sachant que dire… d’un côté, se rendre à Fhirdiad pouvait leur permettre d’enfin retrouver leurs troupes, ainsi que de se faire bien voir par les révolutionnaires tout en balayant tout soupçon de loyauté à la couronne… malgré les mots de Rodrigue pour Félix, Dimitri était de nouveau dans une position extrêmement délicate, cela le ferait sans doute énormément souffrir de voir son père traité ainsi. De plus, les généraux et seigneurs encore fidèles aux Blaiddyd en feraient sans doute le porte-étendard dans leur lutte contre les révolutionnaires, leur roi par défaut en attendant de « libérer » Lambert des griffes de Fhirdiad, et ils n’hésiteraient surement pas à l’arracher aux Charon.
Cependant, d’un autre côté, ces derniers ne laisseraient personne toucher au moindre cheveu d’un des leurs. La forteresse de Lokris était très facile à défendre même avec peu d’homme grâce aux montagnes l’entourant, et les citoyens charonis restaient soudés autour de la famille comtale…
– Après tout ce qui s’est passé, il est certain que les Charon ne soutiendront pas Lambert et vont plutôt soutenir les révolutionnaires s’ils ne les menacent pas. De plus, les seigneurs qui se sont montrés les plus loyaux à part les Dominic et nos familles depuis la Tragédie, ce sont ceux du sud qui agissaient surtout par opportunisme pour récupérer le plus d’influence, de pouvoir et de terres duscuriennes possible après la guerre qu’ils espéraient. S’ils n’ont plus rien à gagner à soutenir la famille royale, ils vont très vite retourner leur veste, comme ils l’ont fait quand ils ont commencé à servir Lambert lors de ce voyage. Ce ne sont des alliés fiables pour personne mais, cela les rend plus faibles étant donné que leurs objectifs changent sans arrêt sans être clair, analysa Rodrigue.
– En plus, même si on ne veut pas personnellement retourner à Fhirdiad, cela reste tout de même une ville de première importance, nous devons composer avec, ajouta Alix. Il faut qu’on ramène nos troupes et qu’on fasse en sorte que les révolutionnaires ne nous voient pas comme des ennemis pour qu’ils nous laissent tranquilles. La chute de Lambert va surement changer tous les rapports de force dans le Royaume, il faut que nous arrivions à conserver une bonne position pour mettre notre famille et notre fief à l’abri du besoin et des griffes de pouvoirs extérieurs. On devrait pouvoir jouer sur le fait qu’on a suffisamment de vivre à présent dans notre fief alors, nous pouvons en laisser une partie à Fhirdiad, ce qui nous ferait bien voir des révolutionnaires…
– Et Lambert n’est plus roi… il ne nous fera plus de mal… plus jamais… cela n’arrivera plus… souffla l’ainé, essayant de garder pied sans penser à la dernière fois qu’il avait vu son ancien ami, sa paume allant de nouveau se poser sur son cou malgré lui.
– Alors, tu vas y aller papa ? Tu es sûr ? Le questionna Félix en serrant sa main dans les siennes.
– Oui… il le faut pour continuer à assurer la place de Fraldarius dans le Royaume, et s’assurer de ne pas faire de Fhirdiad notre ennemie. Même si nous aurions les capacités de contrer des attaques, surtout après tout ce qu’il y a dû se passer en ville, des fraldariens ont eu un grand rôle dans la chute de Lambert, comme Estelle et Bernard alors, nous devrions plutôt être dans leurs bonnes grâces. Cependant… » il se baissa à la hauteur de Félix, le regardant dans les yeux en posant la main sur ses épaules alors qu’il lui interdisait, « tu ne dois pas venir avec nous, c’est beaucoup trop dangereux. La ville est encore instable. Même si Estelle et Bernard font partie des chefs de l’émeute et que selon nous, ce Ludovic Hange pourrait être le Ludovic que nous avons connu, on ne sait pas si les révolutionnaires ne vont pas tout de même se méfier de nous à cause des liens entre notre famille et les Blaiddyd, et on ne sait pas si ces mages étranges n’y rodent pas encore. C’est beaucoup trop dangereux pour que tu y ailles, même si nous sommes avec toi. Il est plus sage que tu restes ici avec Loréa et Cassandra, tu y seras en sécurité. Tu comprends Félix ?
Le jeune garçon fit la moue, hésitant un peu avant d’hocher la tête. Ce n’était clairement pas de gaieté de cœur, Félix aurait préféré que les jumeaux restent ici en sécurité mais, ils avaient également des devoirs et faisaient toujours tout pour le bien de leur fief… même s’il ne voulait pas s’éloigner à nouveau d’eux… il voulait que son père reste avec lui et son oncle aussi… qu’ils restent tous en paix à Egua sous la protection de Fraldarius…
« Grand-père nous a toujours protégés ici… il nous protégera toujours… ne partez pas encore aussi loin… »
Il se retient de supplier encore Rodrigue et Alix de rester… faire des caprices n’avait provoqué que des catastrophes et mettre encore plus sa famille en danger… mais…
– Si vous partez… finit-il par craquer, serrant les poings, les posant contre la poitrine de son père en le suppliant finalement à nouveau, ne pouvant s’en empêcher, la peur lui rongeant le cœur comme la sécheresse détruisant tout autour d’elle. Vous reviendrez tous les deux, c’est promis ? Tu ne pars pas si tu ne reviens pas… t’as pas le droit de partir si tu sais que tu ne reviendras pas… Alix aussi… insista-t-il en donnant un petit coup, comme pour ancrer la promesse entre eux. Vous reviendrez tous les deux et on ira au lac, d’accord ?
– Oui Félix… Rodrigue embrassa le front de son fils, jurant de tenir parole cette fois tout en priant la Déesse pour qu’elle les entende enfin, sentant un peu de sa magie s’échapper de lui pour entourer son fils comme une couverture protectrice. Nous reviendrons, c’est promis. »
Les fraldariens envoyèrent donc une première réponse savamment rédigée afin de faire patienter les révolutionnaires et se donner plus de temps, même si le procès de Lambert et Rufus auraient déjà eu lieu quand ils arriveraient à Fhirdiad, puis une seconde annonçant leur retour en tant que duc de Fraldarius, quelques jours avant que les préparatifs de leurs voyages soient terminés, anticipant chaque possibilité qui pourrait les menacer. Ils se coordonnèrent aussi avec les Charon afin d’arriver ensemble, leur donnant plus de poids face à une potentielle hostilité sous couvert de réaffirmer la bonne entente entre leurs familles. Même s’ils espéraient de tous leurs cœurs que cette rencontre se passe bien, ils refusaient de commettre les mêmes erreurs que cet homme… hors de question de mettre en danger qui que ce soit…
Avant de partir et malgré leur appréhension, Rodrigue et Alix emmenèrent leur fourrure avec eux, se souvenant des messagers quand ils avaient parlé des « loups de cendre »… ils avaient peur, craignaient ce qui pourrait arriver s’ils revêtaient cette fourrure alors qu’ils étaient de nouveau à Fhirdiad, là où tout avait commencé et où ils avaient tant souffert… mais ils ne pouvaient pas non plus se passer du moindre atout à leur disposition… l’enjeu était bien trop important…
Rodrigue et Alix embrassèrent Félix, le confiant au bon soin de Loréa et la protection de Cassandra, lui jurant encore de revenir… le petit garçon s’accrocha aux épaules de son père, se revoyant quelques semaines auparavant à Fhirdiad, hésitant à lâcher son père malgré la colère, remplacé par l’inquiétude et la peur…
« Ne pars pas… reste avec moi… ne va pas là-bas… »
Comme s’il lisait dans ses pensées, Rodrigue posa à nouveau ses mains sur les épaules de son fils, lui répétant encore, éclairé par la douce lumière d’Aegis accroché à sa selle semblant veiller sur eux.
« On reviendra vite, c’est promis…
– …d’accord… tu m’écriras ?
– Bien sûr, à chaque étape… il l’embrassa son front en soufflant, sentant de nouveau sa magie aller entourer son fils, comme à chaque fois qu’il le quittait depuis qu’ils avaient décidé de partir pour Fhirdiad. Je t’aime mon louveteau…
– Moi aussi papa… »
Après une dernière étreinte, Félix accepta de lâcher son père, le laissant partir en lui faisant un dernier signe de man, restant auprès de Loréa et Cassandra.
Quand ils disparurent au loin, le petit garçon serra le sachet rempli de perle et de breloque… avec tous les préparatifs pour le voyage à Fhirdiad, ils n’avaient pas fini de faire leurs chapelets…
« On les finira un jour tous ensemble… souffla-t-il, chassant de toutes ses forces ses souvenirs de la dernière fois qu’il avait vu quelqu’un partir ainsi au loin. Ils reviendront eux… ils ne mentiront pas ?
– Non… Loréa se baissa à sa hauteur et posa son front contre le sien. Ils ont pris bien plus de précaution, nous avons fait très attention quand nous avons écrit aux révolutionnaires. Ils ne semblent pas nous considérer comme des ennemis, et nous avons des alliés de confiance parmi eux avec Estelle et Bernard. Ils vont également retrouvé les Charon avant d’entrer sur le domaine royal, nos deux armées savent se coordonner pour contrer des attaques et embuscades en terrain connu.
– En plus, ils se sont préparés à pouvoir tenir contre une embuscade et savent par où se replier si cela tourne mal pour eux. C’est votre fief et le domaine royal, les jumeaux le connaissent parfaitement et savent par où ne pas passer, renchérit Cassandra. Vos vassaux dans cette partie de votre fief doivent tout à Guillaume, Aliénor et aux jumeaux pour la plupart, et les intendants du domaine royal ont sans doute d’autres problèmes en ce moment que s’en rajouter en attaquant un convoi bien protégé au hasard. » Elle ébouriffa ses cheveux en ajoutant. « Ça devrait aller pour eux. Ce n’est pas comme Duscur.
– J’espère… »
Il tourna la tête vers le lac, voyant l’immense étendu bleu uni et calme, demandant encore à son grand-père de veiller sur son père et son oncle pendant ce voyage.
*
Au bout de quelques jours de voyage, et après avoir retrouvé les Charon au leur lieu de rendez-vous prévu, Fhirdiad fut déjà en vue. Ils y seraient sans doute dès demain dans la matinée. Déjà… Rodrigue avait l’impression que le voyage avait duré à la fois une éternité et une seconde, chaque minute se gravant de plus en plus dans son cœur et son âme… chaque pas, chaque tour de roue les rapprochait de la capitale, du palais, de cet homme… du collier et des laisses qui avaient failli les étrangler… de la muselière qui avait menacé son frère… rien que d’y penser lui donnait l’impression de suffoquer, d’avoir les poumons et les membres tellement gelés qu’il en étouffait sous la douleur des brûlures, rêvant juste de faire demi-tour et de rentrer à la maison, l’eau du lac chassant le gel et la glace tentant de les emprisonner dans ses carcans… mais le duc ne pouvait pas faire marche arrière… l’enjeu était bien trop important…
« Rodrigue ! »
Les poils sur sa nuque se hérissèrent d’un coup, sentant presque la présence de cet homme derrière lui, remonter doucement son échine comme un serpent pour s’enrouler autour de sa gorge, devenant à nouveau un collier et une laisse, tirant sur celui qui entourait à présent son cou, étouffant ses cris de protestation en le muselant de ses deux mains glaciales… lui répétant encore et encore de rester auprès de lui malgré tout… malgré toutes les horreurs qu’il avait fait… qu’ils avaient tous fait… Déesse, depuis quand juste penser à cet homme lui faisait aussi peur ? Depuis quand il n’arrivait même plus à dire son nom ?
Contre son meilleur jugement, Rodrigue sauta presque sur ses affaires, les défit comme un possédé, éparpillant tout autour de lui sans faire attention, cherchant désespérément sa peau de loup. Soupirant de soulagement en la retrouvant enfin, il se réfugia à nouveau à l’intérieur, se drapant tout entier sous la toison de nuit… malgré toute son appréhension et sa crainte de la transformation, l’étreinte chaleureuse de la fourrure lui semblait moins glaçante que rester ainsi, à la merci du gel de la peur de Fhirdiad… de cet homme… comment pouvait-il seulement imaginer lui faire potentiellement face à Fhirdiad si seulement penser à lui l’angoissait à ce point ? Le faisait se réfugier dans sa fourrure de loup comme un enfant dans la cape de ses parents ? Cela n’avait aucun sens… mais le duc ne pouvait plus reculer à présent, et il refusait de laisser Alix seul face à lui… hors de question de le laisser affronter leurs bourreaux à tous tout seul…
« Je vais de nouveau le contaminer avec mes émotions en plus si je continue…
– Ce n’est pas grave… moi aussi, je te contamine quand je m’énerve contre lui alors, on peut inverser les rôles de temps en temps…
Rodrigue sentit alors le contact de son frère, épaule contre épaule de loin, ce dernier le laissant se calmer dans un coin de son esprit, reprenant pied petit à petit avec son aide… évidemment, il l’avait senti mais en même temps, c’était rassurant… ils étaient toujours l’un à côté de l’autre d’une certaine façon…
Soufflant un peu, l’homme laissa sa tête sortir de sa cachette, se focalisant seulement sur la chaleur de l’étreinte et celle de son frère… cette fois, il n’était pas seul, son frère était là, les sœurs Charon aussi, et Lambert n’était plus roi… Rufus n’avait plus aucun pouvoir et les révolutionnaires avaient écarté Gustave… aucun d’entre eux ne pourrait plus leur faire du mal…
« La meute est forte ensemble… »
Il s’accrocha à cette pensée en passant ses doigts sur sa fourrure, trouvant du courage et du réconfort à l’intérieur, priant encore pour retrouver son petit le plus vite possible, voulant juste le revoir. Malgré la transformation et tout ce que lui rappelait cette fourrure, elle restait rassurante… elle lui rappelait sa maison… de vieux souvenirs, l’oubli fondant sous la douce caresse de la toison abondante… sans s’en rendre compte, il se remit à chanter, pour la première fois alors que Félix n’était pas là… juste pour lui, les notes l’enveloppant dans une étreinte aussi rassurante que sa fourrure…
« Je pars ce matin avec les chants des laudes,
Mes pieds vont d’un côté,
Mais mon cœur reste figé
Il reste ici dans vos petites mains chaudes
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans être meurtri
Je pars à reculons, je pars sans jamais vous oublier
Je pars en ce jour en pensant toujours à vous,
À chaque pas sur ce long chemin, je l’avoue,
Je vous voie derrière moi et souhaite m’en retourner.
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans être meurtri
Je vous promets de revenir un soir,
Je reviendrais à vous un jour,
Cette promesse de velours
Je ne la laisserais jamais choir,
Ne pleurez pas mes tous petits,
Je reviendrais sans être meurtri
Et quand nous nous serons retrouvés
Ce sera pour ne plus jamais se lâcher. »
« Papa… se rappela-t-il malgré le temps ayant érodé ses souvenirs, sentant la présence de ses parents à ses côtés. Oui… toi aussi, tu étais un loup… comme maman… Peut-être que cette fourrure n’est pas qu’une échappatoire finalement, mais aussi un message destiné à nous rappeler qui est notre famille… »
Le lendemain, après avoir encore juré avec Alix de ne pas se séparer, ils entrèrent dans Fhirdiad, drapé de leur sarcelle et de blanc, leur peau de loup drapant fièrement leurs épaules. Non pas comme un rappel de leur détresse et de désespoir, mais comme symbole des Fraldarius, la famille du loup.
Dès qu’ils apparurent, le silence s’installa dans la rue, la foule se rassemblant autour d’eux, essayant de les voir comme une relique lors des processions, plusieurs levant la main vers eux, comme pour tenter de les toucher sans oser… tout semblait si calme, comme dans une église, avant que des murmures ne commencent à s’élever, bas et discret.
« Regardez… les Charon et… et est-ce possible ? »
« Ce sont eux… »
« Les ducs de Fraldarius… »
« Ce sont vraiment eux ? »
« Ils ne sont plus des loups de cendres ? »
« Si ! Regarde ! Sur leurs épaules ! »
« Une fourrure de loup noir géant ! »
« Et ces yeux… je les ai vus quand les loups ont abandonné Fhirdiad pour punir Lambert… c’était exactement les mêmes que les leurs… »
« Des loups noirs aux yeux humains bleus… c’était bien des loups de cendre… »
« En plus, ils ont des emblèmes tous les deux… »
« Et Rodrigue a donné naissance au premier emblème majeur de Fraldarius depuis des siècles… »
« Ils nous ont aussi toujours protégés… toujours… »
« C’est eux qui ont toujours tout fait pour ramener le roi dans le droit chemin avec les Charon… »
« Contrairement au tyran… »
« Alors que le roi se perdait dans ce qu’il voulait en nous oubliant… »
« Et c’est quand ils sont partis que les choses ont vraiment commencé à aller de mal en pis… »
« C’est aussi quand les Charon ont quitté le service de Lambert que nous avons eu assez de force pour le renverser… »
« Les Charon aussi sont protégés par la Déesse… leur emblème reste toujours majeur malgré le temps qui passe contrairement aux autres… »
« C’est comme si la Déesse nous avait vraiment abandonnés quand ils sont tous partis… »
« Pendant que les jumeaux recevaient sa bénédiction en étant ses loups de cendre… »
« C’est eux que la Déesse a choisi, pas Lambert, c’est sûr ! »
« C’est eux qui devraient être à sa place ! Par leurs compétences et de droit divin ! La Déesse a clairement choisi ses favoris ! »
« Les srengs ont raisons ! Mieux vaut des rois clairvoyants plutôt que des rois sans yeux ! Même s’ils ne sont pas de la famille royale ! »
« Oui ! Le mauvais roi Lambert est déchu ! Longue vie aux rois Rodrigue et Alix ! Longue vie aux rois jumeaux protégés par la Déesse ! »
« Le roi sans yeux est déchu ! Longue vie aux rois clairvoyants ! »
« Longue vie aux rois élus par la Déesse ! »
« Longue vie aux rois loups de cendres ! »
« Longue vie aux rois ! »
Les jumeaux y crurent à peine quand toute la capitale reprit ces mots, se répandant comme un écho tout autour d’eux, hurler en cœur par tous les fhirdiadais, les acclamant rois sans hésité une seule seconde. Ils s’étaient attendus à tout, sauf à ça ! Qu’ils leur fassent confiance à cause de leur attitude quand ils géraient la crise, les respectent énormément à cause de la rumeur qu’ils soient des loups de cendre… mais pas au point de les acclamer roi seulement en les voyant !
Malgré leur étonnement, ils se reprirent vite, ne laissèrent rien paraitre et gardèrent la tête haute, fiers et confiants, regardant droit devant eux sans faillir. Même si n’était qu’une acclamation, cela aurait forcément un poids dans les futures négociations avec les chefs révolutionnaires. Ces derniers ne pourraient pas ignorer l’opinion populaire, ni risquer de se mettre une partie des fhirdiadais en traitant mal des personnes vues comme étant des « élus de la Déesse »… c’était étonnant mais, cela les avantageait aussi, autant en tirer profit un maximum…
Estelle et Bernard vinrent finalement à leur rencontre, entourés de tous leurs hommes restés à Fhirdiad ainsi que ceux des Charon. Plusieurs d’entre eux manquaient à l’appel… devinant facilement la cause de cette absence, les jumeaux se jurèrent de leur donner une tombe digne d’eux, digne des personnes ayant eu le courage d’affronter les tyrans pour le bien du Royaume.
« Bonjour à vous Vôtres Grâces ! Les salua la première Estelle, levant la main dans un geste amicale.
– Bonjour à vous Dame Duchesne, lui répondirent à leur tour les jumeaux, s’adressant à elle comme à un égal.
– Nous sommes heureux de vous revoir sain et sauf après toutes ses épreuves, malgré le fait que certains d’entre vous ne soient plus là, déclara Rodrigue en posant sa main sur son cœur. Le Royaume pleura également longuement la mort de ceux qui ont tout fait pour le protéger.
– Ils ont vaillamment combattu les tyrans des Blaiddyd à chaque instant, chaque bataille. Nous sommes fiers d’avoir eu de tels camarades, même si leur perte est une tragédie qui n’aurait jamais dû avoir lieu, confirma-t-elle. Tel était le prix à payer pour faire chuter les tyrans responsables de tous nos malheurs, même s’il restera toujours bien trop élevé. Même sans être chevalier pour la plupart, ils ont vécu comme tel et bien plus dignement que nombre de personnes portant ce titre.
– Nous sommes aussi heureux de vous revoir… ajouta Bernard sur un moins formel, ne cachant rien de sa joie de les voir à nouveau humain. La Déesse soit louée, vous êtes de nouveau parmi nous et humain… la Déesse soit louée…
Descendant de son cheval, l’homme alla vers eux, tendant sa main vers eux. En réponse, Rodrigue et Alix descendirent de leurs montures à leur tour pour le serrer contre eux, juste heureux de le voir en vie… de tant en voir en vie malgré toutes ses épreuves… qu’autant soit encore vivant malgré les terribles combats qu’ils avaient dû mener… cela tenait du miracle… la Déesse et les Braves soient loués pour leur clémence… tous leurs fidèles vinrent les saluer à leur tour, l’ambiance devenant plus conviviale que formelle entre eux.
– Nous sommes venus pour demander au gouvernement révolutionnaire de nous laisser vous ramener chez nous, à Fraldarius, déclara Rodrigue après leurs retrouvailles. Ceux qui le souhaitent pourront rester à Fhirdiad, bien entendu mais, nous aimerions pouvoir vous ramener à vos familles, surtout maintenant que nous avons assez de vivre pour nourrir tout le fief jusqu’à la prochaine récolte.
– A écoutez tout Fhirdiad, ils n’ont pas l’air de vouloir que vous partiez, leur fit remarquer Estelle.
– Nous entendons bien, et cela serait un honneur mais, il s’agit d’une décision majeure pour l’avenir de Faerghus, lui rappela Alix. Elle ne doit surtout pas être prise dans la précipitation, et il faut également prendre garde à ce qu’elle soit acceptée par tout le Royaume. Mieux vaut éviter les conclusions hâtives, surtout en des temps aussi incertains.
– Ce sera toujours mieux que Lambert, lui fit remarquer Bernard. D’ailleurs, on est loin d’être les seuls à le penser. On doit vous montrer des parchemins qui vont beaucoup vous intéresser, et vous présentez quelqu’un… même si vous le connaissez déjà…
Devinant déjà de qui le second d’Estelle parlait, les jumeaux acceptèrent de les suivre avec les Charon, remontant sur leurs montures alors que la foule réclamait encore de les voir, criant en chœur leur désir qu’ils soient les nouveaux rois, que les loups de cendres et les bons ducs soient leurs rois… prudemment, les jumeaux se baissèrent, prenant quelques mains qu’on leur tendait tout en faisant attention qu’aucun ne cache une lame.
Les chefs révolutionnaires les attendaient devant les portes du palais, repeintes aux couleurs de la ville. Certains se signèrent en les voyant, d’autres les saluèrent poliment. Les jumeaux en reconnurent la plupart, mais leur regard ne put se détacher du jeune homme trônant au milieu d’eux.
Ludovic…
Ludovic était là, tenant Areadbhar entre ses mains, même si elle était recouverte d’une protection de tissu, comme en période de paix ou de régence, quand le roi ne devait ou ne pouvait pas la manier. Malgré tout, tous leurs doutes, l’impossibilité d’un tel miracle, ils surent en voyant son regard si particulier, ses yeux vairons semblant voir à travers les êtres et l’horizon, voir le futur qu’il désirait tant offrir à Faerghus et écartant d’une œillade sévère toute personne menaçant son peuple… ça ne pouvait qu’être que lui…
« Veuillez recevoir nos sincères salutations chefs de Fhirdiad, commencèrent-ils poliment. Nous sommes venus ici pour discuter des liens entre nos deux territoires, ainsi que pour escorter nos hommes jusqu’à leurs familles. Nous prions pour que nous puissions nous entendre.
– Salutations à vous ducs de Fraldarius, commença une femme qu’ils reconnurent comme la cheffe de la guilde des lainiers de la ville. Nous sommes honorés que vous ayez accepté notre invitation, et espérons autant que vous que ces discussions se passeront bien. La ville semble déjà vous avoir accepté dans tous les cas, souligna-t-elle.
– Nous n’avons que pour but de servir notre peuple et celui de tout Faerghus, déclarèrent les jumeaux avec prudence, n’infirmant et ne confirmant rien.
– Nous voyons cela… déclara Ludovic, avant de s’avancer vers eux, son tout petit sourire aux lèvres, si discret qu’il se voyait à peine. Je suis heureux de vous voir en bonne santé louveteaux.
*
Les Fraldarius et les Charon commencèrent par écouter le récit de la révolution, puis se mirent à négocier les modalités des nouvelles relations entre leur fief et le domaine royal. Une des premières choses que firent les jumeaux furent de se débarrasser d’une grande partie du Kyphonis Corpus, utilisant comme argument la fin de l’hégémonie des Blaiddyd sur le Royaume. Cet ensemble de privilèges était très avantageux mais, les enchainaient également à la famille royale, justifiant la plupart des châtiments plus sévères à leurs égards quand leurs « crimes » touchaient au souverain, même si cela se résumait à ne pas être mort à sa place. Ils perdirent plusieurs privilèges mais, savoir que Félix et leurs descendants n’auraient plus à vivre sous la menace d’être puni de mort pour une simple erreur ou pour servir de bouc-émissaire afin d’épargner le roi les soulagea grandement, le tout en arrivant à garder certaines lois particulières concernant la terre de leur fief en lui-même, notamment leur grande autonomie par rapport au reste de Faerghus, ce qui était le principal. Les Charon, toujours représentées par Thècle et Lachésis, veillèrent aussi à ce que Dimitri garde ses droits sur le fief des Blaiddyd en lui-même, le revendiquant comme son héritage paternel, même s’il serait un seigneur comme les autres du royaume. Le jeune garçon n’y perdait pas trop aux changes au final, et nul doute qu’il deviendrait un excellent seigneur sous la houlette de ses tantes.
Une fois tout ceci réglé et avant de discuter ensemble du sort de Lambert et Rufus après leur procès, Ludovic demanda aux visiteurs s’ils pouvaient parler en privé tous ensemble, ce qu’ils acceptèrent. S’aidant toujours d’Areadbhar pour marcher et assisté par un jeune homme du nom de Tristan, il les mena jusqu’à une salle qu’affectionnait particulièrement le roi Ludovic : ses murs étaient couverts d’ambre sculptée, rendant l’atmosphère toute particulière et l’aidant à respirer correctement, un cadeau de bonne entente entre Albinéa et Faerghus offert par le roi albinois au début de son règne, ainsi qu’en excuse pour la mort de Guillaume lors de la rencontre diplomatique entre les deux pays. Plusieurs endroits avaient été gratté, les plus belles pièces retirées par Rufus afin de les vendre et financer sa guerre… c’était une perte énorme pour le Royaume, et les albinois n’apprécieraient surement pas qu’on morcèle un de leurs présents mais, cet argent serait bien utile pour reconstruire Faerghus… présenter ainsi, cela devrait apaiser la colère de leur reine si elle s’en offusquait…
« Je crois que je vous dois à tous une très longue explication… commença le jeune homme, faisant glisser son regard sur chacun d’entre eux.
Il confirma qu’il était bien le roi Ludovic revenu du passé, comment il était arrivé dans le présent, tout en essayant de répondre à leurs questions sur Cornélia. Après s’être enquis de l’état de santé des jumeaux et celui de Dimitri, il les questionna à leur tour sur l’état des fiefs de l’Est, avant d’avouer.
– Une grande partie des seigneurs occidentaux ont senti le vent tourné et ont plié le genou devant Fhirdiad en reniant Lambert et Rufus mais, ce n’est surement qu’une question de temps avant qu’ils ne tentent de prendre le pouvoir avec l’appui de l’Église occidentale. Les révolutionnaires comptent organiser des élections au plus vite mais, il ne faut pas se voiler la face, il faut attendre que le Royaume retrouve un semblant de stabilité pour pouvoir les organiser correctement, surtout que cela fait plus de trois cents ans que nous n’en faisons plus, même juste pour respecter la forme rituelle de l’élection de Loog. Il faut donc quelqu’un pour diriger le pays temporairement. Cette personne sera extrêmement encadrée et ses pouvoirs limités, comme le roi qui sera élu mais, le pays a besoin d’une figure sous laquelle se rassembler et s’unir, ainsi qu’assez forte pour repousser les ambitions contre le gouvernement révolutionnaire afin de devenir le nouveau tyran. Le tout en acceptant de rendre le pouvoir une fois l’élection passé, évidemment.
– Alors, les candidats idéaux pour ce poste sont évidents pour tout le monde, répondit sans hésité Lachésis en regardant les jumeaux. Mieux vaudrait éviter que ce soit notre famille. Nous avons trop de pouvoir et d’influence dans l’administration, cela déséquilibrait la relation avec le pouvoir législatif, et nous sommes meilleurs dans le domaine judiciaire. De plus, nous avons la tutelle de Dimitri jusqu’à sa majorité à présent, ce qui déséquilibre à nouveau la balance en notre faveur.
– C’est vrai ! Vous êtes acceptés par l’ensemble de Fhirdiad, vous êtes respecté de tous et avez prouvé vos compétences à maintes reprises ! Vous avez bien plus gouverné correctement le Royaume que Lambert ces dernières années, et vous avez assez de puissance pour repousser des seigneurs comme Rowe ou Mateus. Avec ça, l’Église Occidentale hésitera à s’en prendre à vous étant donné que tout le Royaume est persuadé que vous vous êtes transformés en loup de cendre. Ils ne pourront pas s’en prendre à vous sans que leurs fidèles craignent de s’en prendre directement à des personnes sous protection divine. Même s’ils apprennent l’existence des berserkir des srengs, les fanatiques de cette secte sont persuadés que ce sont des faux dieux n’existant pas alors, ils se retrouveront bloqués.
Ludovic les encouragea également d’un signe de tête, ne cachant pas son accord avec les deux sœurs.
– Je ne voie pas non plus d’autres figures qui pourraient autant rassembler que vous. Vous êtes connus et respecté par tout le Royaume. Comme viennent de le soulever Lachésis et Thècle, les Charon concentreraient trop de pouvoir sur elles-mêmes si elles devenaient reine en plus d’être les tutrices de l’héritier des Blaiddyd. Les Gautier se sont détachés du Royaume pour se tourner vers les srengs, même si le statut de ce territoire reste flou pour le moment. Il faudra attendre de voir comment la situation évolue pour savoir si nous les comptons encore dans le Royaume ou non dans le futur. Rowe et Mateus sont puissants mais, moins que les seigneurs du nord tout en ayant leur nom entaché par leur participation active au voyage en Duscur, puis dans le gouvernement de Rufus. Enfin, les Galatéa ne sont mêmes pas une option, c’est une famille bien trop petite doublée de félons notoires, même s’ils se sont apparemment améliorés depuis mon époque…
Les jumeaux ne dirent rien, réfléchissant ensemble… d’un côté, elle n’avait pas tort, ils étaient acceptés de tous à Fhirdiad et dans le nord, et même si Mateus et Rowe risquaient de contester leur pouvoir, dans une période de crise pareille, n’avoir qu’une partie du sud contre eux et pas l’ensemble du pays serait surement la meilleure situation qu’ils pouvaient espérer pour le moment… en plus, ils venaient de se faire acclamer par l’ensemble de la ville, cela justifierait qu’on les choisisse eux plutôt que les Charon ou d’autre…
Leur objectif restait toujours de pouvoir enfin vivre en paix à Egua avec Félix mais, être roi assiérait la force de leur famille et de leur fief, surtout s’ils arrivaient à tirer en partie le Royaume de la crise après la Tragédie… gagner le respect de tous de cette manière leur assurerait que personne n’oserait s’en prendre à eux, que ce soit en visant Félix ou leur fief… s’ils arrivaient à tenir correctement le Royaume jusqu’à ce que la crise passe, leur famille et leur fief pourraient être gagnant à tous les niveaux…
– C’est une décision très importante qui demande à être murement réfléchie, surtout que nous ne voulions plus nous éloigner de notre fief suite à ce qui s’est passé. Dame Loréa Terrail a tout notre respect et notre gratitude pour son travail exceptionnel mais, nous avons également des devoirs envers notre peuple et notre famille, déclara prudemment Rodrigue après avoir échangé un regard avec Alix qui continua, comme si les deux parlaient d’une même voix.
– Mais si c’est pour le bien du Royaume, nous le ferons, tant que nous pouvons continuer à exercer nos fonctions ducales correctement. Nous sommes après tous les protecteurs de notre fief depuis toujours, et Kyphon lui-même voulait que notre famille se concentre sur son territoire pour ne pas risquer de le négliger.
– Bien évidemment, lui jura Ludovic, toujours impassible mais, les jumeaux arrivèrent à discerner qu’il était soulagé par leurs mots. Merci beaucoup à vous.
Ils échangèrent encore un peu, jusqu’à ce qu’on les appelle pour venir partager le repas du gouvernement révolutionnaire, avant de parler du sort du roi, même si Ludovic demanda un instant de plus aux sœurs Charon.
– Je sais que ce n’est pas une priorité et qu’il refusera surement, j’ai aidé à détrôner son père après tout mais, serait-il possible que je me rende en Charon pour rencontrer Dimitri ? S’il accepte et qu’il est suffisamment remis de ses blessures, j’aimerais beaucoup pouvoir le rencontrer avant de repartir dans le passé, surtout si je n’en ai jamais eu l’occasion.
– Bien sûr, vous êtes la bienvenue. Nous en parlerons avec Dimitri en lui expliquant la situation maintenant qu’il va mieux. On espère simplement que ce ne sera pas trop tard pour vous…
– Ne vous en faites pas pour moi, le Royaume passe avant tout. Merci de m’accorder ceci… souffla-t-il, les yeux remplis d’espoir, même s’ils s’assombrirent de nouveau rapidement. Maintenant, il nous reste le sort de Lambert et Rufus à régler… »
Les jumeaux s’hérissèrent un peu, la peur de rencontrer à nouveau les deux frères leur gelant l’échine, même si Ludovic leur assura qu’étant donné qu’ils allaient débattre de leur sentence, les accusés ne seraient pas présents.
« Bien… soupira l’ainé, un peu rassuré, avant de demander à son tour, portant à nouveau sa main sur sa gorge. Ludovic, j’aurais aussi un service à vous demander… »
*
Lambert marchait lentement jusqu’à l’église du palais, pieds et mains liés, un capuchon de moine sur la tête pour qu’on ne le reconnaisse pas. On lui autorisait une sortie par jour sous escorte, même après son procès… cela faisait un mois à présent mais, le souvenir était d��jà flou, comme s’il n’était pas présent à son propre jugement… après avoir tenté de s’expliqué avec les juges, il n’avait pratiquement plus rien dit, répondant à peine aux questions en comprenant que cela ne servirait à rien, se contentant de baisser la tête avec honte, fuyant le regard de son père quand il le sentait sur lui… l’homme se doutait qu’une partie de l’audience avait attribué son comportement à de l’arrogance mais, après les premiers échanges avec les juges, c’était plutôt qu’il ne savait plus quoi dire, comme si le moindre de ses mots le condamnerait un peu plus… composés de tout le gouvernement révolutionnaire, à l’exception de Ludovic qui était resté étrangement en retrait contrairement à ses habitudes, le jury n’étaient clairement pas là pour tenter de comprendre ce qu’il avait voulu faire, seulement pour décider de quelle manière il allait mourir, rien de plus… comme le procès de Clovis le Sanglant…
Ce dernier n’avait été qu’une formalité avant qu’il n’ait la tête tranchée par Ludovic pour éviter d’en faire un martyr mais, le tyran avait transformé son jugement en un dernier affront fait à tout Faerghus… il avait profité de cette dernière apparition pour faire étalage de toute son horreur et toute sa cruauté, jurant qu’il reviendrait hanter leurs pires cauchemars depuis l’enfer… plusieurs de ses bâtards et proches collaborateurs avaient également eu la tête coupé, afin d’éliminer les possibles concurrents de Ludovic, leur amour du sang servant de prétexte idéal pour les faire tomber pour complicité et participation active à la tyrannie… sa propre mère Alcidie avait failli avoir son propre procès pour complicité de cette horreur, si elle n’avait pas accepté avec joie de les abandonner pour vivre une vie de sang et de massacre comme mercenaire… en plus, cela aurait surement été plus mal perçu que son ancien mari ne la tue ainsi… elle était moins perçue comme une complice active mais, plus une personne mêlée à tout cela par hasard à cause du mariage arrangé et de ses parents, de proches collaborateurs du Roi Sanglant, eux-mêmes tués pendant le coup d’État… mais si cela n’avait pas risqué d’en faire une martyre et de salir sa réputation, Ludovic lui aurait tranché la tête, comme à tous les autres…
« Même Rufus et moi, il n’hésitera pas à nous… »
L’homme n’essaya même pas de lutter contre ses pensées… son père n’aimait personne… à peine de la pitié pour les jumeaux et ses sujets mais sinon, son âme était vide, froide comme de la glace… il le savait mieux que quiconque pourtant…
« J’espère que tu vas bien Rufus… cela fait si longtemps que je ne t’ai pas vu… personne ne me dit rien… je ne sais même pas si les jumeaux ont été retrouvé… »
En entrant dans l’église quasi vide à part un moine encapuchonné qui s’était engouffré dans une alcôve, Lambert remarqua quelqu’un derrière l’autel sans qu’il ne porte l’habit des prêtres, observant attentivement les fresques représentants les Braves autour de la Déesse, même si ce n’était un secret pour personne que c’était Loog et ses compagnons qui étaient représentés, l’église ayant été construite peu de temps après la fin de la guerre… une fois plus proche, il reconnut assez vite le visiteur.
« Ludovic ? Mais qu’est-ce que… qu’est-ce que tu fais ici ?
L’homme du passé se tourna vers lui, toujours aussi impénétrable et illisible que d’habitude, même si Lambert ne l’avait pratiquement jamais vu dans une église sauf par obligation ou pour la Toussaint, priant surement pour le salut de l’âme de Guillaume et pour expier sa faute envers lui.
– J’avais besoin de calme, et j’avoue avoir envie de te parler un peu, répondit-il de manière concise, sans s’étendre. Et toi, es-tu venu prier ? Es-tu croyant ?
– Non, et tu devrais le savoir… marmonna-t-il, se renfrognant en voyant les yeux vairons vides de son père. Sur ce point, je suis comme toi, je ne crois pas beaucoup.
– Tu es un bébé de six mois à mon époque. Tu ne sais même pas encore parler, tu ne peux pas prier ou même comprendre le concept de Déesse, le corrigea-t-il encore, ne sachant faire que ça avec lui. Je découvre ta personnalité à cette époque. Enfin, je comprends qu’il soit difficile de croire en la Déesse, même si cela peut-être un refuge et une bonne confidente. Alors pourquoi es-tu ici ?
– Je voulais prier pour mon fils… et pour Rufus… j’espère que tout se passe bien pour eux… je ne sais pas comment mon propre frère va depuis que vous nous avez séparés.
– Ce serait trop dangereux de vous laisser ensemble…
– Tu ne penses même pas que cela nous fait du mal d’être séparé alors qu’on est ensemble depuis qu’on est tout petits ? » Ne put s’empêcher de piquer Lambert en le coupant, ne pouvant s’empêcher de passer sa frustration sur lui. Si Lambert voulait bien être le responsable de Duscur, une grande partie de ce qui avait suivi était de la faute de Ludovic, et même avant. Pas question de le ménager lui aussi.
« C’est vrai que vous ne vous quittez pas à mon époque, admit son père en l’approchant, toujours bien trop calme pour quelqu’un de normal. Et bien sûr que j’y ai pensé mais, si vous complotez pour vous évader, ce sera plus simple pour vos complices si vous êtes ensemble, ils n’auront qu’une pièce à trouver.
– Je ne compte pas m’évader si c’est ce que tu crains. Tout ce que je veux, c’est que tout ceci s’arrête et si j’ai de la chance, revoir Dimitri et Rufus, et si j’en ai vraiment, savoir ce qui est arrivé à Rodrigue et Alix mais bon, on ne m’explique même pas pourquoi il y a eu ce mouvement de foule l’autre jour alors, pour qu’on me dise comment va ma famille ou mes meilleurs amis, je peux encore rêver… Vous m’aviez déjà tous condamné avant même que le procès commence en plus. Vous n’avez même pas essayé de m’écouter quand j’essayais de vous expliquer ce que je pensais faire.
Ludovic ne réagit pas, comme toujours, montrant juste un des bancs après une seconde de silence. Acceptant l’invitation non sans faire la moue, Lambert s’assit à côté de son père, regardant la fresque sans un mot avec lui. C’était étrange de se dire que ce jeune homme était en réalité son père, que c’était lui à présent le plus âgé des deux mais, Ludovic faisait plus ancien qu’il ne l’était réellement, comme toujours… avec malgré tout un pincement de cœur, Lambert se souvient difficilement des derniers jours de son père, si maigre et si pale, les joues et les orbites creusés, son cou semblant sur le point de rompre sous le poids de sa tête tellement il était faible, ressemblant plus à un vieillard qu’à un homme dans la quarantaine… dire qu’il avait pratiquement le même âge que son père sa mort à présent…
– Je n’ai aucun pouvoir ici, j’ai tout fait pour ne pas en avoir, commença enfin Ludovic. Un homme du passé n’a pas à décider pour le présent. Et quand bien même, je serais au pouvoir, je n’aurais rien décidé autrement. Même si toi, personnellement, tu ne veux pas t’évader, plusieurs entités pourraient te tirer de ta prison car, tu corresponds plus à ce qu’ils attendent d’un roi qu’un autre. Une milice d’une des sectes de l’Église Occidentale s’est fait arrêter il y a quatre jours car, ils ont tenté de t’exfiltrer du palais.
– Je n’ai rien à voir avec eux si c’est ce que tu cherches à savoir, et je ne veux avoir aucun lien avec l’Église Occidentale non plus. Ils veulent juste brûler tout ceux qu’ils n’aiment pas, soit la moitié de Fodlan.
– Peut-être mais, il n’empêche que tu sembles plus les intéresser sur le trône que n’importe qui d’autre sinon, ils auraient surement déjà proposé leur propre poulain au lieu de tenter de te libérer. Si j’ai bien compris ce qu’on m’a raconté, j’étais arrivé à les affaiblir pendant mon règne mais, ils ont repris du poil de la bête sous le tien, en profitant notamment de plusieurs concessions que tu as faites au sud pour arriver à se réorganiser, surtout qu’en même temps, tu en demandais toujours plus au nord et à l’est qui n’arrivait plus à suivre.
– Je ne peux pas empêcher les gens de croire en ce qu’ils veulent, je ne vais pas mettre un garde derrière chaque autel du sud pour contrôler ce qu’il s’y dit. Ils se sont plaint qu’ils ne pouvaient plus s’exprimer complètement et correctement à cause de tes lois restrictives alors, j’ai accepté de leur donner plus de liberté mais, cela touche tout le royaume, répliqua-t-il, se souvenant des débats qu’il avait eu avec les jumeaux, Rodrigue lui conseillant de repenser sa loi pour en fait ne pas changer grand-chose à la loi de Ludovic au final. Et le nord a toujours bien répondu quand je leur demandais de l’aide, alors que le sud… c’est plus compliqué…
– Une bande de seigneurs ambitieux qui se mangent entre eux et rêvent secrètement de manger celui d’au-dessus pour devenir le nouveau tyran, et une secte hérétique de fanatiques ne rêvant que de revenir à un ancien temps qu’ils imaginent parfait car, c’était eux qui avaient le pouvoir, résuma froidement Ludovic. Et tu as eu une bonne idée sur le papier : il est important que chacun puisse s’exprimer. Mais tu as oublié que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Aucune liberté n’est absolue. Cela ne te viendrait pas à l’idée de rentrer chez quelqu’un sans autorisation alors que tu es libre de te déplacer là où tu veux. Les lois que nous avons mises en place visaient à empêcher que les discours de haine puissent être porté en place publique. Oui, j’ai réduit la liberté d’expression mais, en interdisant qu’on attise la haine des étrangers et des personnes différentes en règle générale, que ce soit par leurs origines, leur genre, leur sexualité, leur religion, leur santé, leur condition physique, mental… tout en formant des juges spécialisés pour traiter les questions liées à la liberté d’expression. On parlait de personnes qui en appelait publiquement à brûler les personnes gays ou transgenre, ainsi que les handicapés car, ils étaient « déviants » ou « tarés », ainsi que frapper du sceau de la honte à vie les bâtards, les métis et ceux qui les ont engendrés. Si on les écoutait, aucun des compagnons du roi Loog n’aurait pu aller aussi loin, dont Loog lui-même… déclara-t-il en regardant à nouveau la fresque des « Braves ». Ils étaient tous des bâtards après tout, sauf Amaury Gloucester, Gylfe Gautier et Eudoxie Goneril, ainsi que Pan mais, Amaury était complètement muet, Gylfe sreng, Eudoxie bien plus almyroise que fodlan à ce moment-là et on peine à discerner les origines de Pan. Les « opinions » de l’Église Occidentale et des seigneurs qui la soutiennent sont dangereuses, et ne représentent que des fléaux à éradiquer, les condamna-t-il fermement, Lambert le revoyant signer sans hésiter les arrêts de mort les visant.
– Je sais, et je n’ai jamais voulu encouragé de telles choses ! Chacun est libre de penser ce qu’il veut tant qu’il ne fait pas de mal aux autres mais, je ne voulais pas non plus brider mon propre peuple ! Je ne pensais pas que cela permettrait à l’Église Occidentale de prendre autant d’importance ! D’accord, la fratrie Charon m’avait dit que c’était une loi qui pouvait provoquer des dérives dangereuses, les jumeaux aussi, mais c’est dans leurs habitudes de s’inquiéter trop pour ça ! C’est comme avec Duscur ! Le but était de rétablir la paix entre nos deux peuples, pas provoquer encore plus de tensions ! S’exclama-t-il, sa voix résonnant en écho dans toute l’église tellement il parlait fort.
– J’en suis conscient. Tu ne penses pas à mal, pratiquement jamais même, et c’est ce qui rend ton cas plus difficile. Tu ne veux jamais faire le mal mais, tu blesses aussi les autres autour de toi en refusant de les écouter et en en faisait qu’à ta tête. Tu tiens aux autres mais, tu as aussi un côté destructeur sur lequel tu n’as pas l’air d’avoir tenté de travailler, même si cela fait le mal autour de toi. Qu’importe tes attentions au départ, même si elles sont nobles, l’important est ce que tu as réellement fait au final et ce que cela a provoqué, soit bien trop de souffrance dernièrement, au point que tu es devenu le roi dont voudrait l’Église Occidentale et le Sud le plus fanatique du Royaume car, ils profitent de ton envie d’aider tout le monde de la même manière, le tout en usant toutes les personnes qui tiennent réellement à toi sans jamais les écouter une seule seconde car, cela signifierait que tu dois faire des choix plus difficiles que seulement aider tout le monde sans distinction…
– Qu’est-ce que tu en sais ?!
Lambert le coupa d’un coup, regardant son père dans les yeux, faisant cliqueter ses chaines qui le retenaient avec ses mouvements brusques, se fichant éperdument que les gardes ou les moines l’entendent. Il était déjà condamné de toute façon alors, autant craquer et lui dire tout ce qu’il pensait de son père depuis des années ! Même s’il se mentait souvent à lui-même au sujet de sa capacité à aimer, en se cachant derrière une histoire rassurante que même un homme comme lui pouvait aimer ses enfants, il fallait qu’il regarde la vérité en face ! Ils s’étaient déjà quittés sur une dispute à la mort de Ludovic de toute façon, son père lui crachant de nouveau au visage tout ce qu’il pensait de son incompétence sans vraiment l’aider ! Une dispute de plus ne la ruinerait pas plus qu’elle ne l’était déjà !
– Qu’est-ce que tu en sais ?! Tu t’es toujours battu contre des personnes que tu hais, que ce soit Clovis, ses sous-fifres ou l’Église Occidentale ! Ce n’est pas compliqué de s’en prendre à des gens qu’on haït ! Surtout pour toi qui n’aimes personne ! La seule personne que tu aimais, c’était Guillaume sinon, ton cœur est en glace ! Tu es froid, insensible, distant, inexpressif et calculateur ! Tu ne penses qu’à ce qui avance tes plans et rien d’autre ! Les seules personnes que tu supportes sont celles qui pensent comme toi ou presque ! Je ne suis pas comme toi ! Je ne le serais jamais ! Moi, je veux travailler avec tout le monde pour qu’on avance ! Pas mettre des gens qui ne me plaisent pas de côté car juste, je ne peux pas les encadrer ! Ne vient pas me faire la morale sur le fait que je n’écoute personne alors que toi, tu faisais couper la tête de tes opposants ou de leurs soutiens ! Comme Clovis, plusieurs des Galatéa, des seigneurs du sud et même la famille de ta propre femme ! ça n’aurait pas entaché ta réputation de tuer la mère de tes enfants, tu l’aurais décapitée comme tous les autres !
– Je ne suis pas aussi insensible que tu sembles le croire. Oui, je ne montre pas mes émotions, autant parce que je suis fait ainsi que pour survivre mais, cela ne veut pas dire que je n’en ai pas. Je préfère laisser mes actes parlés à la place de mon visage et de mes mots. Certes, je ne travaille pas avec tout le monde. Certes, j’ai écarté énormément de personnes du pouvoir mais, c’était principalement des personnes liées au pouvoir de Clovis et de bien d’autres de nos prédécesseurs dignes des empereurs d’Adrestia. Je refuse de donner une once de considération à des êtres que je considère dangereux car, je sais que quand ils auront un premier pouce, ils feront tout pour obtenir tout le bras au détriment des autres. La Tolérance ne tolère pas l’Intolérance. Cela ne m’a pas empêcher d’inclure des personnes venant du sud dans mon gouvernement, notamment des roturiers. Et c’est exact, j’ai coupé la tête de Clovis avant que ses alliés ne le libèrent ou qu’il commence à comploter. Pour les Galatéa, oui, l’un d’entre eux a fini pendu au bout d’une corde… après avoir été pris un poignard à la main dans la chambre des deux louveteaux de Fraldarius afin de tuer la descendance de Guillaume, ce qui a évidemment eu des conséquences. Guillaume et Aliénor n’auraient jamais laissé un tueur d’enfant en liberté, même s’il a raté son coup, encore moins quand ils s’en prenaient à leurs petits à eux. Pour les seigneurs du sud, c’était pour la plupart des opportunistes tentant de profiter du chaos instauré par Clovis pour prendre plus de pouvoir, ainsi que du vide politique pour aider l’Église Occidentale à commettre ses excès. Quant à Alcidie, sa famille et elle étaient les plus proches soutiens de Clovis, ils se rêvaient à la place des Fraldarius sans toutes les responsabilités qu’incombent leur position, ne pensant qu’aux privilèges qu’ils pourraient obtenir. Alcidie a failli te tuer par négligence le jour même de ta naissance, et elle a déjà menacé Rufus d’un couteau pour le faire taire car, il pleurait trop fort à son gout en disant que si tu n’étais pas son assurance pour rester reine auprès de Clovis, elle t’aurait déjà tué car, tu l’empêchais de dormir, tout ça parce que tu étais un bébé qui avais besoin de soin et avais peur du noir. Ce n’était clairement pas une bonne personne, et elle a été la première personne ravie par le divorce, elle a pu aller tuer des gens à sa guise sans devoir s’encombrer de vous. Dans ces conditions, hors de question qu’elle vous approche et vous fasse du mal. Je pense au Royaume avant tout, mais je veux aussi vous protéger, même si je dois vous protéger de la soif de sang de votre propre mère. Je tiens à vous deux, quoi que vous puissiez en penser en vous fiant seulement à mon visage. Cela m’a surement souvent perdu, mais je ne peux laisser mon affection prendre le dessus sur mon sens du devoir. La survie du Royaume et sa stabilité sont bien trop importantes.
Il eut un long silence, Lambert s’enfermant à l’intérieur avant de déclarer, le regard lourd de reproche.
– C’est vrai, le Royaume est plus important que tout pour toi, pour un roi… je lui ai aussi fait beaucoup de mal sans le vouloir mais, si tu dis qu’il faut toujours le faire passer avant toute chose, tu n’es pas non plus capable de voir quelles étaient mes intentions… ni que j’ai fait de mon mieux… comme une grande partie des faerghiens… mais c’est pour ça que ton cœur est froid… tu ne penses qu’à ça et rien d’autre n’a d’importance à tes yeux… tu penses toujours comme un roi, jamais comme un être humain… »
Sur ses mots, le roi déchu se releva, disant à ses gardes qu’il en avait fini ici et avec Ludovic, partant sans jeter un seul regard à son père, même s’il sentait le sien sur lui, rejoint par un autre quand Lambert allait passer la grande porte soigneusement sculptée mais, il l’ignora, devinant qu’il s’agissait du moine de tout à l’heure.
L’homme du passé ne put s’empêcher de soupirer, déçu de ce qu’était devenu son fils et mortifié par la conclusion de cette conversation, avant de demander.
« Cela répond-t-il à tes questions ?
– Oui, merci… même si je m’excuse de vous avoir entrainé dans cette mascarade à cause de ma propre lâcheté.
Rodrigue sortit de l’alcôve, tombant sa capuche. Même caché au loin, son audition plus forte que la moyenne lui avait permis de suivre toute la conversation. Il avait voulu voir ce qu’était devenu Lambert, si ces dernières épreuves l’avaient enfin ramené à la réalité, entendre sa défense contre les reproches qu’auraient pu lui faire en face mais, l’homme n’y arrivait pas, ayant encore l’image de son ancien ami le poignardant encore et encore avec le sourire sans se rendre compte du mal qu’il lui faisait, la peine et la peur le paralysant à nouveau… il avait voulu le revoir ainsi, caché et de manière informelle pour ne pas risquer que la terreur ne le fige de nouveau sur place, comme lors de leur dernière conversation avant Duscur au sujet de Dimitri…
– Ce n’est rien, c’est aussi une discussion que je voulais avoir avec Lambert, lui assura Ludovic en se tournant vers lui, son visage toujours aussi figé mais, Rodrigue arrivait à voir toute sa peine et sa déception. Dans tous les cas, j’ai mes réponses définitives à mes derniers doutes… il le regarda alors dans les yeux, lui redemandant encore. Et toi ? Quel est ta conclusion ?
– Que j’ai aussi les miennes… il fit glisser ses doigts sur la marque autour de son cou avant de serrer son chapelet, cherchant du courage à l’intérieur avant d’enfin annoncer. J’accepte. »
*
« Bordel ?! Qu’est-ce qu’ils peuvent encore nous vouloir ?!
Trois jours après sa conversation avec leur père, Lambert entendait à peine Rufus enrager, frappant à la porte pour tenter d’obtenir une réponse à toutes ses questions, même si cela faisait des jours qu’ils ne s’étaient pas vus tous les deux… depuis leur procès même… ils attendaient toujours le verdict, même si le roi déchu ne se faisait guère d’illusion dessus… à part lorsqu’il avait parlé avec Ludovic, personne ne leur disait jamais rien…
« Je me demande s’ils me diraient si Rodrigue avait été retrouvé… s’il est enfin revenu… »
Il n’essaya même pas de poser la question, seul le silence lui répondait toujours depuis qu’il était enfermé ici, à part quand le père avait demandé du papier pour écrire à Dimitri… enfin, si les deux frères avaient été mis ensemble après des semaines de séparation, ça ne devait pas être n’importe qui…
– C’est pas vrai ! Ce sale chien de Ludovic veut nous humilier jusqu’au bout ! Rufus se tourna vers lui, furieux. Il faut qu’on te sorte d’ici et qu’on aille droit vers le sud ! J’ai des alliés là-bas, des seigneurs vraiment fidèles à ton nom nous attendent ! Certains de leurs hommes sont ici ! Ils nous aideront ! Si nous arrivons à les rejoindre…
– Non… l’arrêta-t-il tout de suite, ne se faisant plus aucune illusion sur leur situation, en particulier après sa discussion avec Ludovic dans l’église palatiale. Le sud est très divisé, et il ne fera jamais le poids contre tout le nord allié, surtout si Gautier décide de se rallier aux révolutionnaires et si le domaine royal ne se soulève pas, ce qu’il aurait largement eu le temps de faire depuis le temps qu’on est enfermé ici… et le sud n’est pas venu nous aider non plus…
– C’est parce qu’ils t’attendent pour s’unir ! Rétorqua-t-il en s’approchant de lui, délaissant la porte pour braquer son regard sur son petit frère. Ils ont besoin de quelqu’un pour les unir contre les émeutiers et les traitres à la couronne ! Comme Loog a uni toutes les colères contre l’Empire et l’Empereur Otton l’Apathique ! Tu es le roi ! Le trône te revient ! Tu ne vas…
– Sauf qu’ici, c’est moi Otton l’Apathique pour tout Fhirdiad ! Je n’ai rien à voir avec Loog ! Le coupa-t-il d’un coup, trop conscient de la réalité après tout ce qui s’était passé. Qu’est-ce que j’ai fait de mon règne ? Oui, j’ai enfin enrayé la peste mais, c’était un des projets de notre père avec l’aide de la vraie Cornélia, et la peste a quand même eu le temps de tuer Héléna à cause de moi ! Je me serais aperçu plus tôt qu’elle était aussi fatiguée et mal par ma faute, j’aurais tout fait pour qu’elle puisse se reposer ! Au moins un peu ! Pas la pousser dans les bras de la faucheuse ! J’ai arrêté l’invasion des rois sans yeux mais, sans Rodrigue, je serais mort à cause de mon imprudence et il a failli y rester par ma faute quand il est venu me sauver ! Puis j’ai mis le Royaume en danger car, j’ai épousé une ancienne concubine de l’empereur sans penser aux conséquences, son frère a été à deux doigts de tuer le fils de mon meilleur ami et on aurait surement eu des berserkirs avant si Félix était mort ! Je n'ai rien écouté, rien ni personne à part Cornélia, qui s’est révélé être une magicienne maléfique, Anselma qui n’a fait qu’imposer ses caprices, et toi en faisant du mal aux jumeaux et à tout le monde, et ça nous a conduit à Duscur où tout le monde est mort ! Et maintenant, le Royaume est en lambeaux, Gautier fait sécession, mes amis d’enfance courent partout comme des loups, leur petit survivant doit être au plus mal, et c’est la révolution avec notre père revenu du passé pour remettre de l’ordre dans le bordel que j’ai moi-même mis dans le Royaume de nos ancêtres ! Je n’ai rien d’un Loog ! J’ai fait de mon mieux, personne n’arrive à le comprendre et à le voir mais, regarde le résultat ! C’est même l’Église Occidentale qui veut me faire évader maintenant ! L’Église Occidentale ! Et tu voudrais qu’en plus, je rejoigne les seigneurs du sud pour tenter de reprendre le pouvoir par la force ? Non… hors de question qu’encore plus de faerghiens meurent par ma faute ! J’ai déjà assez de sang sur les mains !
– Mais alors quoi ?! Tu ne vas pas rester ici à attendre ! Cela ne te ressemble pas de rester les bras croisés sans agir ! Ludovic a décapité lui-même son propre père en place publique ! Il n’hésitera pas une seule seconde à te faire subir la même chose ! Il t’a enchainé avec les mêmes chaines que celles qu’il a mises à son propre père ! Pense à Dimitri ! Tu ne peux pas le laisser tout seul avec juste les Charon ! Qui sait ce qu’ils pourraient lui faire ?! Ce que Ludovic pourrait lui faire ! Il faut…
Lambert le fit taire en se levant, posant les mains sur ses épaules.
– Arrête de cracher sur notre père Rufus. Je t’en prie… juste… arrête. Cela ne résoudra rien… je sais… je sais que Ludovic n’aime personne… son cœur est froid comme la glace… la seule personne qu’il devait aimer, c’était Guillaume mais, il n’est pas là, et les jumeaux non plus alors que la ressemblance aurait pu le pousser à les écouter… mais pour la révolution, ce n’est pas lui… c’est seulement moi… c’est moi qui aie provoqué tout ça en régnant en ayant un cœur à sa différence… même si les gens ne comprennent pas que j’ai tout fait avec les meilleurs intentions du monde, il faut se rendre à l’évidence : c’est moi qui ait provoqué toutes ces catastrophes… Dimitri ira bien, je le sais. Les Charon prendront soin de lui comme le fils d’Héléna, et même si j’aurais aimé le revoir, je préfère qu’il soit en sécurité avec eux plutôt que risquer de le mettre à nouveau en danger… je lui ait fait suffisamment de mal comme ça… je vais être juger pour mes actions, je le sais… il prit son frère contre lui, se sachant surveiller mais ainsi, à mi-voix, il ne pourrait jamais les entendre. Je sais que je pourrais être décapité pour tyrannie, et je l’ai accepté. Je ne compte pas m’enfuir et causer encore plus de mort. Par contre, toi, il faut que tu t’enfuies.
– Quoi ?! Mais qu’est-ce que tu racontes ?! Hors de question que je t’abandonne à la mort ! Je ne vais pas les laisser décapiter mon petit frère dans ce trou à rat ! Jamais !
– Et moi, je refuse qu’il décapite mon grand frère ! Le coupa-t-il encore en serrant ses mains sur ses épaules. Tu as coupable des mêmes crimes que moi ! Tu as mêmes renoué avec les horreurs de Clovis le Sanglant ! Tu as régné comme lui ! Et même si tu mérites d’être puni pour tes crimes autant que moi, je suis incapable de te laisser à la mort comme ça ! Mes chaines sont trop solides pour que je les brise, c’est un alliage magique quasi indestructible mais, les tiennes sont en fer ordinaire, je pourrais les casser sans problème ! Je vais juste abimer suffisamment le verrou pour que même toi puisse les casser, puis tu fuiras à la première occasion ! Héléna n’approuverait surement pas mais, je refuse de perdre mon grand frère ! J’ai déjà perdu les jumeaux, Héléna et Patricia, et je ne reverrais surement plus jamais Dimitri ! Je refuse de te perdre aussi ! Même si ça veut dire laisser un tyran courir, tu es trop important pour moi !
Rufus se figea, s’éloignant de son petit frère pour le regarder dans les yeux. Non… non, non… il ne pouvait pas abandonner… Lambert ne pouvait pas accepter son sort… ça devait être ses blessures qui le rendaient défaitiste comme ça… il ne pouvait pas… mais il était aussi têtu… parti comme c’était parti, même lui ne pourrait jamais lui faire changer d’avis… alors… alors…
– … … … bien… finit-il par dire à contre-cœur. Mais sache que je reviendrais pour te libérer avec les seigneurs du sud. Je ne t’abandonnerais jamais entre les mains de ce démon de Ludovic ou des émeutiers. Je ne te laisserais jamais, tu es bien trop important pour moi aussi… depuis toujours… tu es mon petit frère et je t’aime… je ne t’abandonnerais jamais… je reviendrais et je te retrouvais avec Dimitri… je te le promets…
– J’espère surtout que tu reviendras de cette folie…
Malgré l’appréhension après ces dernières paroles, Lambert fragilisa les chaines de son frère, profitant d’une nouvelle étreinte pour briser celles de ses poignets, et appuyant suffisamment avec son pied sur celles de ses chevilles pour pratiquement les arracher, assez pour qu’il puisse les briser au moindre geste brusque, priant pour que Rufus accepte de seulement fuir pour ensuite vivre sa vie loin de tout ceci… le roi déchu avait accepté son sort, savait que seul le glaive du bourreau l’attendait pour ses crimes… est-ce que Ludovic le manierait comme pour Clovis ? Il semblait si faible mais, ce n’était pas le genre de tâche qu’il laissait à d’autres dans des circonstances pareilles… ou alors le prochain roi ou un membre du gouvernement révolutionnaire ? Le nouveau décapitant l’ancien pour ensuite crier « le roi est mort, vive le roi » comme lors de la mort de Clovis… ce serait approprié…
« J’aurais juste voulu te revoir une dernière fois Dimitri… mon fils… je suis désolé… mais au moins, je sais qu’ils prendront soin de toi… »
Les portes finirent par grincer, le nouveau chef de la garde palatiale leur aboyant de les suivre en silence. Lambert obéit placidement, pendant que Rufus finit par se résigner malgré tout. Il fallait donner le change, trouver la bonne occasion pour trouver ses alliés, leur donner le signal et filer mais, aucun de ses hommes ne semblaient l’attendre, alors qu’on les emmenait à pied jusqu’à l’hôtel de ville, entouré de garde et sous les injures de la foule.
« Tyrans ! »
« Ordure ! »
« Duscur, c’est ta faute ! »
« Roi sans yeux ! »
« T’as envoyé mes enfants à la mort ! »
« Roi Hresvelg ! »
« Affameurs ! »
« Empereurs ! »
« Otton ! »
« Fils de Clovis ! »
« Ma femme est morte pendue pour avoir tenté de nous nourrir ! »
« Honte de votre père ! »
« À mort ! »
« Oui ! À mort ! »
« Morts aux tyrans ! »
Même s’il restait droit, Lambert ne pouvait s’empêcher de baisser la tête, autant pour éviter de se prendre une flèche ou un projectile que par honte. C’était donc ainsi que le voyait son peuple… comme un tyran tuant son propre peuple… un aussi mauvais roi qu’un Hresvelg… même s’il s’en était bien rendu compte lorsqu’il avait été arrêté mais, ça faisait toujours mal de se faire insulter ainsi…
« Je n’ai jamais rien voulu de tout ceci… »
Rufus quant à lui cherchait toujours un moyen de s’en sortir, repérant un pont qui pourrait servir à des complices pour les récupérer mais rien… rien du tout…
Ils finirent par arriver devant l’hôtel de ville, où les attendaient Gustave et le peu d’homme qui étaient restés fidèles aux Blaiddyd, faisant face au grand escalier où se trouvait un représentant du gouvernement, réclamant le silence alors qu’on forçait la faction du roi déchu à mettre un genou en terre. Rufus vit Ludovic, assis au sommet des escaliers avec Areadbhar à ses côtés, même pas habillé comme le roi qu’il était, en simple chemise et chausses blanche et bleu roi mais, ce n’était pas étonnant de sa part, observateur distant comme il l’avait été pendant le procès de ses fils, toujours aussi impassible alors que le héraut annonçait à la ville les dernières décisions ineptes des émeutiers. Déesse… il ne devrait pas filer pour libérer son frère, Rufus se serait déjà jeté sur lui afin d’en finir enfin avec ce monstre au cœur de glace ! Ludovic était faible et malade, même lui pourrait le vaincre sans Areadbhar pour lui prêter main forte ! Que son visage se défige enfin devant lui pour une fois dans sa vie !
« Citoyens de Fhirdiad ! Il est temps de vous présenter ceux qui dirigeront notre ville à présent, ainsi que les seigneurs qui ont juré conserver de faire nation avec notre ville et tout Faerghus ! Le roi temporaire annoncera également le châtiment du roi déchu, son tyran de frère et leurs soutiens !
L’homme à la voix forte commença alors une longue énumération où Rufus bouillait, cherchant toujours un moyen de s’échapper et ses soutiens quand il se figea en voyant les seigneurs du sud se tenir parmi ceux ayant juré allégeance à la ville… même les émissaires de Rowe et Mateus se tenaient sagement au bas de cet escalier ! Acceptait d’être plus bas que cette bande de gueux se prétendant souverain de la plus grande ville de Faerghus ! C’était pas possible ! Cela devait être une manœuvre pour tromper leur vigilance ! Ce n’était pas possible autrement !
De son côté, Lambert ne releva pas la tête, regardant le sol à part quand on annonça que la sororie Charon aurait la garde de Dimitri jusqu’à sa majorité, et qu’il serait le seigneur du fief de Fhirdiad quand il serait grand, arrivant même à sourire un peu. Bien… c’était tout ce qu’il voulait… Dimitri serait en sécurité avec ses tantes, et son avenir serait assuré en tant que seigneur du domaine r… du fief des Blaiddyd… c’était le principal…
« C’est étrange… ils n’ont pas parlé de Fraldarius… Rodrigue et Alix doivent encore être sous leur forme de loup… Loréa ne doit pas vouloir s’avancer sans leur accord… après tout, cela reste une trahison de la famille royale et si on reprend un jour le pouvoir pour je ne sais quelle raison, c’est la tête coupée pour tous les adultes de la famille… c’est trop dangereux… et les jumeaux ne voudraient jamais me… »
Lambert chassa son cauchemar de sa tête, se rappelant que ce n’était qu’un cauchemar, que les jumeaux n’étaient pas dans leur état normal la dernière fois qu’il les avait vus, que ce n’était pas lui qu leur avait volé leurs lettres… non… c’était impossible qu’ils le haïssent au point de le… et de toute façon, c’était des loups à présent, ils devaient courir après l’odeur de Félix et celle des lièvres dans tout le nord, ils ne pouvaient rien faire…
– Quant à notre roi, finit par annoncer le héraut alors que la nuit tombait, il a été décidé qu’à l’instar du roi Loog le Lion et de sa fille Sophie la Sage, il serait élu par l’ensemble du peuple de Faerghus, en suivant la procédure établie par le roi Ludovic le Prudent, procédure qui nous a été transmis dans son testament récemment retrouvé ! En attendant de pouvoir organiser l’élection, suite à l’ovation populaire et leurs nombreux actes pour le Saint-Royaume de Faerghus, la régence sera confiée aux protégés de la Déesse et de l’Épéiste de l’Onde, Rodrigue Achille et Alix Persée Fraldarius ! Duc de Fraldarius et loups de cendre de Sothis elle-même !
Sous le choc de cette annonce, le roi déchu releva d’un coup la tête, incapable de le croire sans le voir par lui-même. Non ! Impossible ! Rodrigue ne le trahirait jamais ! Pas lui ! Alix peut-être mais pas lui ! Pas Rodrigue ! Et ils étaient tous les deux encore en loup ! Ils lui auraient dit sinon ! On lui aurait dit ! ça ne pouvait pas être…
Cependant, à cette annonce, les vrais jumeaux sortirent de l’hôtel de ville, leurs boucles noires couronnés des premiers rayons de lune, tous deux drapés de blanc et de sarcelle claire, une fourrure couleur de nuit sur les épaules. Leur visage était impassible comme celui de Ludovic mais aussi ouvert et sérieux, regardant droit devant eux, embrassant toute la foule des yeux d’un air protecteur et rassurant… comme toujours, pour les différencier, les cheveux de l’ainé étaient lâchés et son habit plus proche du bleu, Aegis à son bras, pendant que ceux du cadet étaient noués à l’arrière de son crâne, la sarcelle tirant plus vers le vert, l’épée de Moralta à la ceinture… la seule familiarité aux yeux de Lambert alors qu’il avait l’impression de voir deux étrangers…
Rodrigue semblait sortir de son cauchemar … à part son amusement cruel, il était tel qu’il l’avait vu à l’intérieur mais, il n’était plus seulement le roi de la forêt… non… il était… il venait de devenir… lui et Alix… non… ce n’était pas possible… ils ne pouvaient pas le…
Alors s’approcha l’émissaire des Dominic, leur apportant des gants qu’ils enfilèrent après un salut respectueux, suivi par une prêtresse qui devait s’occuper d’une petite chapelle à son habit qui agrafa la cape sous leur fourrure avec une grande fibule aux armes de Faerghus, et enfin, une ancienne servante de Patricia et le jeune homme qui avait envoyé Areadbhar à Ludovic pendant l’affrontement contre « Cornélia » s’avancèrent, chacun tenant un grand anneau d’argent dans leurs mains. Ils demandèrent alors aux jumeaux :
« Jurez-vous de servir le peuple de Faerghus ? De n’avoir à cœur que ses intérêts et ses intérêts seuls ? Jurez-vous de protéger le peuple en ses temps difficiles et d’assurer la paix entre tous les citoyens ainsi qu’avec nos voisins ?
– Nous le jurons, répondirent-ils solennellement avant d’ajouter d’une même voix. Et nous jurons de rendre le pouvoir au Royaume une fois que l’élection du vrai nouveau roi aura eu lieu. »
Sur ses mots, ils s’inclinèrent profondément devant les deux roturiers, qui posèrent l’anneau sur leur tête, avant de s’incliner à leur tour devant eux et de se retirer, laissant les deux frères se relever alors que tout Fhirdiad les acclamait, hurlait leurs noms encore plus fort que tous les autres, assez pour que même la Déesse les entende, inondant la place de vœux de long règne et de prospérité malgré le fait que leur règne soit annoncé comme temporaire…
Malgré sa simplicité, la couronne pesait lourd sur leurs épaules mais, les jumeaux ne vacillèrent pas, gardant la tête haute avec dignité. Ils avaient été acceptés à l’unanimité par le gouvernement révolutionnaire, et avec une telle ovation lors de leur annonce, leur légitimité à Fhirdiad était assurée, même s’ils devraient faire le tour des intendants du domaine royale afin d’imposer leur pouvoir, tout en remplaçant les derniers fidèles, les corrompus et les incompétents par leurs propres hommes de confiance ou ceux des Charon avec leurs aides, s’assurer que le Sud restait fidèle, régulariser la situation en Kleiman en accord avec Duscur… sans parler des velléités de guerre et de vengeance des seigneurs occidentaux à éteindre, d’apaiser les tensions internes au Royaume, faire la lumière sur la Tragédie et tenter de sauver ce qu’ils pouvaient sauver de leurs relations avec Duscur… les jumeaux ne pouvaient pas se permettre de céder maintenant…
Pourtant, même si la tâche était immense, se savoir plus libre dans leurs décisions, de ne pas toujours devoir composer avec les caprices d’un inconscient et passer derrière lui pour réparer ses erreurs, tout en retournant dès qu’ils le voulaient à Egua auprès de Félix les soulageait d’un poids… ils ne courberaient plus jamais l’échine devant qui que ce soit qui n’était pas digne de leur obéissance, plus aucun collier ni laisse ne les étranglera jamais plus… seul la marque de leur transformation entourerait leur cou à présent.
Enfin, avant tout ceci, ils devaient régler une dernière chose…
Baissant les yeux, ils virent Lambert et Rufus, genou en terre, les bras et les jambes couverts de fer à leur tour… c’était étrange… quelques jours auparavant, Rodrigue osait à peine dire le nom de son ancien ami, se cachant sous sa fourrure, dévoré par la peur mais, après l’avoir entendu dans l’église palatiale, après avoir complètement réalisé quel homme Lambert était vraiment, puis maintenant, aux côtés de son jumeau, devant l’hôtel de ville de Fhirdiad, entouré de tant d’alliés de confiance, galvanisé par la foule et avec la responsabilité de protéger le Royaume sur ses épaules, il ne tremblait plus. Il se tenait droit et fier face aux deux frères, les regardant comme les tyrans qu’ils étaient, attendant leur jugement… Lambert les dévisageait, incapable de comprendre ce qui se passait devant lui, à la fois si différent et si semblable à ce qu’il avait montré de lui dans l’église face à Ludovic, pendant que Rufus bouillonnait de rage, ses yeux les poignardant encore et encore, rêvant surement de les étrangler avec ses propres chaines…
« Cela change bien la donne quand c’est les autres qui tiennent votre propre laisse… »
Cependant, Rodrigue chassa toute de suite cette pensée sombre de sa tête. La vengeance ne lui apporterait rien. Le Royaume avait besoin de justice, pas d’encore plus d’égoïsme et de colère. Maintenant qu’il connaissait mieux le vrai visage de Lambert, il pouvait l’affronter sans trembler ou se figer. Le vieil ami qu’il pensait connaitre n’existait plus… peut-être n’avait-il jamais existé mais, il n'avait plus de temps à perdre pour lui… ni avec l’un ni avec l’autre.
« Lambert Egitte Blaiddyd-Hange, Rufus Adegrin Blaiddyd-Hange, commencèrent les jumeaux, parlant ensemble après avoir répété bien des fois ces mots. Vos crimes sont nombreux. Sous votre commandement, le Royaume a subit bien des troubles et des malheurs. Parmi vos crimes se trouvent la tyrannie, entrainer la mort de votre propre peuple, que ce soit en le mettant en danger volontairement, par négligence ou en volant sa nourriture pour votre propre gain, provoquer l’instabilité du Royaume, ce qui a poussé certains territoires à faire sécession afin d’assurer la survie des leurs… la liste est si longue que nous pourrions les lister toute la nuit sans jamais arriver au bout. De tels crimes ne mériteraient que la mort mais, les terres du Saint-Royaume sont déjà bien assez imbibées de sang. En répandre encore et encore ne réparera rien, ne ramènera aucun mort, n’aidera personne à faire leur deuil… c’est pourquoi, en punition de vos actes, vous devrez à présent travailler pour le Royaume comme les plus petits scribes de tout Faerghus sous une nouvelle identité, gagnant votre pitance et le respect des autres par vos accomplissements, afin que vous puissiez réparer vos crimes par votre travail et votre dévouement au peuple faerghien. Tel sera votre châtiment, le vôtre ainsi que celui de tous vos soutiens encore fidèles. Les temps changent, cette nouvelle ère a débuté avec les faerghiens s’entretuant pour se libérer du tyran, qu’elle continue dans l’apaisement et la reconstruction.
Lambert resta figé, tout comme Rufus, sans voix. La sanction était à la fois douce et cruelle, surtout après que le roi déchu se soit résigné à mourir. Elle épargnait leur vie mais, les deux frères n’étaient plus rien à présent. Ils passaient de roi et de frère de roi à simples scribes, devant gagner leur pitance eux-mêmes, devant apprendre à tout faire par eux-mêmes, sans que personne ne soit là pour les aider. À côté, peut-être que la mort était plus facile… La chute serait vertigineuse et les briserait peut-être mais, ils ne pouvaient pas se permettre d’être plus cléments en apparence, les deux frères en avaient bien trop fait. Peut-être apprendraient-ils enfin, même si les jumeaux ne se faisaient plus d’illusion à ce sujet…
Lambert tremblait, complètement incrédule devant une telle décision, essayant vainement de parler. Rodrigue baissa les yeux, les posant dans les siens, s’attendant à tout entendre. Que voulait-il dire ? Implorer leur pitié ? Tenter de leur rappeler leur ancienne amitié qu’il avait lui-même fait brûler à Duscur avec le sourire ? De les faire culpabiliser pour leur cruauté de ne pas lui permettre de mourir maintenant et de vivre dans la honte ? D’après les lettres de Sylvain, Lambert aurait tenté d’utiliser ses sentiments contre lui afin de lui faire oublier ses devoirs envers son peuple, tentant de lui rappeler son amitié avec Dimitri en argumentant qu’il le connaissait et qu’il ne parlait pas au margrave mais, au jeune homme… Il aurait même tenté d’utiliser le nom de Félix pour le pousser avouer comment rendre leur forme humaine aux berserkir… avant le début de la Tragédie de Duscur, ils n’auraient jamais pu l’imaginer capable d’une telle lâcheté de sa part mais, à présent, cela ne les avait même plus étonnés, juste de plus en plus déçus de leur ancien ami…
Cependant, après encore quelques hésitations, Lambert finit par baisser la tête et par demander à mi-voix, à peine audible.
– Puis-je au moins revoir mon fils une dernière fois avant de partir ? C’est ma dernière volonté de condamné…
Les jumeaux échangèrent un regard et leurs pensées. D’un côté, si toute la famille royale était réunie au même endroit, cela serait aisé pour leurs soutiens de les faire évader tout en enlevant Dimitri, même s’il était encore en fauteuil roulant… mais de l’autre, refuser à un père de voir une dernière fois son enfant serait vu comme trop cruel de leur part, surtout que Dimitri devait aussi vouloir retrouver son père à tout prix. Ils avaient besoin d’un solide appui populaire contre la noblesse du sud, ils ne pouvaient se permettre de se mettre à dos l’opinion populaire…
Ils finirent par hocher la tête dans sa direction, déclarant simplement :
– Accordé. Vous pourrez le retrouver avant votre départ.
Lambert inclina également la tête, comme pour les remercier d’avoir accepté. Rufus semblait sur le point de leur sauter dessus, ivre de rage mais, avant qu’il n’ait pu hurler tout ce qu’ils pensaient de ces traitres, se défaire de ses chaines pour emmener son petit frère au loin, la foule retient son souffle avant de s’exclamer, sans voix.
Sortant de la pointe d’Areadbhar, du givre se mit à recouvrir tout l’hôtel de ville, le recouvrant d’un voile scintillant sous la lune, comme si le Brave lui-même l’avait recouvert de diamants gelés, pendant qu’Aegis brillait de milles éclats sur le bras de Rodrigue, baignant les deux jumeaux de sa lumière, l’humidité s’accrochant à leurs cheveux et à leur couronne comme des joyaux liquides, vite rejoints par d’autres de glace.
En voyant ceci, Ludovic se leva difficilement, prenant appui sur leur Relique pour arriver à se tenir droit, déclarant faiblement mais, le silence était si total que toute la foule assemblée l’entendit.
– Le Flutiste des Glaces et l’Épéiste de l’Onde ont parlé. Ils acceptent les décisions du nouveau gouvernement, ainsi que la nomination de Rodrigue et Alix Fraldarius, les couronnant eux-mêmes, tout en condamnant les seuls et uniques traitres à Faerghus.
Rufus enragea, se redressant d’un coup en hurlant :
– Évidemment ! Fraldarius est leur ancêtre ! Évidemment qu’il veut que sa famille ait encore plus de pouvoir et nous domine tous ! Et Blaiddyd haït autant sa famille que toi ! Ils ne pensent jamais aux siens ! Toujours aux étrangers !
– Le Flutiste des Glaces a pourtant soigné son petit-fils Dimitri après que son propre père ait failli provoquer la mort de son propre enfant, pansant patiemment ses blessures puis, a également soigner Lambert malgré tout ce qu’il avait fait, ne le rejetant que quand il fut suffisamment guéri, lui rappela calmement Rodrigue, baigné par la lumière de sa Relique, ne tombant pas dans le piège de perdre son calme face à Rufus, cela jouerait contre eux et il n’en valait pas la peine.
– De notre côté, nous n’avons jamais rien fait pour que notre Ancêtre nous retire sa confiance, ajouta Alix, tout aussi calme et posé que son frère. Nous avons toujours œuvré pour le bien de notre famille, certes, mais jamais sans oublier de faire passer les intérêts supérieurs de la nation avant tout car, tel est le devoir des dirigeants. L’intérêt du plus grand nombre passe avant tout intérêt personnel, quelque qu’ils soient.
Un silence suivit d’applaudissements approbateurs résonnèrent sur la place, avant que les gardes n’emmènent définitivement les deux frères loin de la place sous bonne garde. En partant, Lambert lança un dernier regard derrière lui, mais n’arriva pas à voir une dernière fois Rodrigue et Alix, la foule se refermant sur eux alors qu’ils les acclamaient de toutes ses forces.
Rufus gronda, voyant a même chose que son frère, bouillonnant de rage.
« Traitres… traitres… tous des traitres ! Le peuple préfère encore ces traitres à la Couronne au seul souverain légitime ! Mais ce n’est qu’une question de temps ! Une fois sur le pont de tout à l’heure, je pourrais sauter et surement retrouver nos alliés ! »
Cependant, quand ils le traversèrent, Rufus eut beau tirer de toutes ses forces sur ses chaines, impossible de les rompre ! C’était pas vrai ! Ils devraient pourtant être capable de les briser après que Lambert les ait quasiment arrachées ! Comment…
Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il fit véritablement attention à ses chaines, découvrant avec horreur l’épaisse couche de glace les recouvrant les maillons endommagés, les renforçant de nouveau.
Se croyant en plein cauchemar, Rufus se retourna, hurlant encore et encore, incapable de se contrôler face à cette nouvelle trahison, rêvant de retourner sur la place, d’en finir avec cette mascarade grotesque ! Son frère était roi ! Roi ! C’était lui qu’on devrait acclamé ! Pas deux loups enragés et traitres !
« Blaiddyd ! Fraldarius ! Ludovic ! Rodrigue ! Alix ! Tous ! Soyez maudits ! Soyez tous maudits ! Tous autant que vous êtes ! Je ne me laisserais pas faire ! Mon frère est le seul et unique roi de Faerghus ! Seul Lambert est roi de Faerghus ! Qu’importe ce que ces barbares de Braves en pensent ! Ludovic ! Je te tuerais ! Je te tuerais après avoir étrangler tes favoris devant toi ! La tuberculose ne t’emportera pas en enfer ! Je le ferais avant elle ! Soit maudit ! Que ton foutu devoir et ta lance maudite et toi bruliez en enfer ! Soyez tous maudit ! Et Rodrigue… Rodrigue ! Toi aussi ! Toi aussi, je te tuerais ! Je te prendrais tout ce à quoi tu tiens ! J’écorcherais vif ton cher louveteau que tu aimes tant, rouerais ton enragé de jumeau, puis brûlerais tout Fraldarius pour réduire à néant tout ce que toi et ta chère famille avez accompli, puis je te tuerais ! TU M’ENTENDS ?! JE TE TUERAIS SALE TRAITRE ! JE VOUS TUERAIS TOUS JUSQU’AU DERNIER JUSQU’À CE QUE LE SANG DE FRALDARIUS SOIT COMPLÈTEMENT TARI JUSQU’À LA DERNIÈRE GOUTTE ! TA TRAHISON T’EMPORTERA TOI ET TA CHÈRE FAMILLE JUSQU’EN ENFER ! TU M’ENTENDS ???!!! RODRIGUE !!! »
Malgré sa haine, ses hurlements furent tous engloutit par les ovations de joie et les cris de félicitation de la foule, s’amassant autour des loups de cendre en priant pour que leur bénédiction bénisse le Royaume, afin que la félicité revienne enfin. Personne à part les garde et Lambert ne l’entendirent vomirent ces abominations sur les nouveaux souverains de Faerghus, couronnés par le peuple et les Braves, et personne ne prit ses paroles au sérieux.
« C’est fini Rufus… songea son frère en le voyant sur le point de se faire bâillonner, de nouveau impuissant et incapable de protéger une personne qu’il aimait. Nous avons perdu… »
« NON ! Hurla Rufus en se débattant. HORS DE QUESTION QU’ILS TRIOMPHENT TOUS AUTANT QU’ILS SONT ! VOUS NE M’ENFERMEREZ PLUS ! »
Arrivant à se défaire de la poigne des gardes, Rufus utilisa toute l’énergie qui lui restait pour sauter du pont, se laissant emporter par le courant sous l’indignation des fidèles des traitres. Les flots le déchiraient, les rochers lui fracassaient les os mais, peu importait. Le plus important, c’était qu’il était hors des griffes de son père, des Charon et des Fraldarius ! Une fois hors de Fhirdiad, il pourrait détruire la gangue de glace de Blaiddyd et ses chaines, puis le prince royal pourrait réunir ses alliés et partisans encore fidèles, récupérer suffisamment de pouvoir pour marcher sur Fhirdiad, écraser tous ces traitres, faire manger son propre enfant à Rodrigue pour lui apprendre à rester à sa place, puis le tuerait à son tour avec son jumeau, avant de renvoyer son père dans le passé d’où il venait en l’étripant enfin !
« Vous ne perdez rien pour attendre ! Je me vengerais ! Je nous vengerais tous ! Vous me le paierez ! Profitez du pouvoir pendant que vous le pouvez encore ! Je reviendrais avant que vous ne puissiez me voir arriver ! »
Il finit par échouer hors de Fhirdiad, la chaine défensive servant a arrêté les navires srengs, pas les corps… en plus, il était surement assez loin pour que l’épidémie révolutionnaire ne se soit pas propagée jusque-là…
« Tu me le paieras Ludovic… vous me le paierez Rodrigue et Alix… je me vengerais… je me vengerais… je me vengerais ! »
Se redressant comme il put avec ses chaines, Rufus avança en gardant les nuages de fumée en vue, venant surement des cheminées d’un village voisin. Là-bas… là-bas, il trouverait surement de l’aide pour enlever ses chaines en disant qu’il avait été victime de la tyrannie des révolutionnaires et arrêté injustement, n’ayant réussi à s’enfuir qu’in extremis grâce à son frère… les roturiers des villages comme ça étaient naïfs, ils devraient gober tout ce qu’il racontait sans se poser de questions…
Cependant, quand le prince arriva, un des habitants le pointa du doigt, criant comme un possédé alors qu’il reconnaissait une ancienne conquête travaillant comme servante au palais.
« Là ! C’est Rufus ! C’est lui qui a décidé que tous les contrebandiers devaient être pendus ! C’est lui le tyran ! Je le reconnais !
– Quoi ?! Rufus ?!
– L’affameur ?
– Le Tyran ?!
– Il est là !
– Ordure ! »
Avant de comprendre ce qui lui arrivait, quelqu’un le poussa dans le dos, l’envoyant au sol sans difficulté, ses chevilles s’emmêlant dans ses chaines. Un violent coup de pied s’enfonça dans ses côtes, avant qu’une pierre ne s’écrase sur sa tempe, le faisant hurler de douleur jusqu’à ce qu’une bêche ne lui ouvre les côtes, suivit de coups de tous les outils du village, labourant son corps comme s’il était la terre du champ alors que la douleur le bâillonnait plus que ne l’avait jamais fait son père.
« Non ! Je suis votre prince ! Je suis le frère du seul roi légitime ! Le descendant de Loog le Lion lui-même ! Vous n’avez pas le droit de me traiter ainsi… AAAAAARGH !!!!!! »
Une bêche s’enfonça profondément dans son dos, creusant un trou béant entre ses côtes. Son corps tomba, devenant aussi froid que l’hiver, alors qu’il maudissait encore et encore son père pour avoir détruit leur famille et les jumeaux pour avoir trahi celui qui les considérait comme ses meilleurs amis, tout ça pour le pouvoir qui ne leur revenait pas…
« M… maudit soyez-vous tous… maudit sois-tu… Lud… »
Le lendemain, les paysans ramenèrent ce qui restaient de Rufus au palais de Fhirdiad. Les jumeaux, les Charons, le gouvernement révolutionnaire et Ludovic découvrirent un cadavre tordu, le moindre de ses os ayant été pulvérisés par les outils des villageois et les coups. Sa tête pendait dans un angle étrange, juste rattaché au corps par les quelques vertèbres encore entières et de minces lanières de peau, rendant ses yeux grands ouverts encore plus dérangeant, ne fixant rien d’autre que le vide devant lui… l’homme avait été lynché à mort, livré à la fureur de tous ceux qu’il avait volé pour se venger contre des innocents…
Ludovic fut le premier à réagir, se redressant en tremblant. Il s’approcha du cadavre de son fils, déclarant avec tristesse devant un tel spectacle macabre… aucun père ne devrait voir une chose pareille mais, il était également conscient de ce qu’avait fait son fils ainé, tout ce qu’il avait fait subir à leur propre peuple pour assouvir sa propre soif de vengeance… n’ignorait pas que Rufus réservait le même sort à ses ennemis ou aux personnes lui déplaisant, pouvant même être encore plus cruel… comme son grand-père qu’il semblait prendre en exemple… mais malgré tout…
« Personne ne mérite un tel sort… souffla-t-il en lui fermant les yeux de son fils. Je suis désolé Rufus… je ferais en sorte que tu ne deviennes jamais un tel tyran à mon époque, je te le promets, même si tu vas sans doute d’autant plus me haïr… mais tant que tu ne finis pas ainsi, lyncher par la foule, se sera déjà une grande victoire… »
On enterra Rufus discrètement, presque en cachette dans la crypte familiale, allongé dans un cercueil de bois simple avec une simple épitaphe portant son nom et sa date de naissance et de mort, sans aucun commentaire… après une vie comme la sienne, il était difficile de trouver quoi que ce soit de positif à dire à son sujet…
Lambert s’effondra pendant la cérémonie, pleurant toutes les larmes de son corps, refusant qu’on enterre son grand frère.
« Ce n’est pas possible… ce n’est pas possible ! Pas toi ! Pas mon frère ! Grand frère ! Revient ! Pourquoi tu m’abandonne toi aussi ?! Rufus ! Reste avec moi ! Grand frère ! Qui m’a pris mon frère ?! Qui est le monstre qui a tué Rufus ?! Enragea-t-il alors qu’on recouvrait le cercueil de terre, même s’il connaissait toute l’histoire et savait que les paysans avaient été puni pour avoir lyncher quelqu’un à mort. Qui a fait ça ?! Comment ça a pu arriver ?! Qui a pu oser… »
Du coin de l’œil, il vit Rodrigue et Alix, l’air aussi neutre que Ludovic, même si celui-ci semblait légèrement affecté pour une fois, priant pour le repos de son ainé avec un rosaire dans les mains. De leur côté, tenant son chapelet entre les doigts, l’ainé des jumeaux se signa quand le prêtre finit sa prière, restant à peine assez de temps à la fin de la cérémonie pour dire une seule prière, avant de partir avec son frère… il avait peut-être perdu un de ses fils, mais il en avait encore un… et il avait encore son frère… toujours la personne qui le connaissait le mieux et le comprenait toujours… il avait encore tout… réussissait tout… alors que lui…
« C’est ta faute… l’accusa-t-il tout de suite. C’est ta faute… c’est ta faute et celle de Ludovic… c’est lui qui a donné l’idée à Fhirdiad de faire des coups d’Etat tout le temps et toi, tu en as profité avec Alix… s’il ne m’avait pas volé la couronne… s’il n’avait pas monté tout Fhirdiad contre mon frère et moi comme il en a l’habitude… s’il ne m’avait pas renversé… si tu n’avais pas été là pour me voler la couronne… si ça n’avait pas été l’un de vous deux qui avait été désigné roi… si tu avais su protéger Rufus au lieu de nous exhiber comme des trophées devant l’hôtel de ville… si vous n’étiez pas tous les deux les favoris de mon père… Rufus serait encore vivant… Rufus serait toujours là… et à cause de vous trois… à cause de toi, mon grand frère est… »
Sa pensée s’interrompit, déchiqueté par les larmes de deuil et de rage dégoulinant le long de ses joues alors que le cercueil de son grand frère avait complètement disparu, engloutit par la terre après avoir été consumé par l’ambition de leur propre père et de ceux que le frère en deuil pensait être ses amis, avant qu’ils ne le trahissent tous… la haine dévora son cœur en les voyant toujours là, toujours ensemble, les deux jumeaux unis par ce lien si fort que Lambert en deuil venait de le perdre, déchiqueté par les crocs de ces loups enragés avant d’être gelé dans la mort par la cruauté froide de Ludovic… eux qui avaient toujours tout eu et lui rien…
« Toi aussi… rend-le moi… rend-moi mon frère que tu m’as volé… »
*
Dès qu’il apprit l’échec de Périandre, de Bias et la trahison de plusieurs de ses serviteurs, Thalès prit congé du conseil et retourna immédiatement sur ses terres d’Arundel, devant immédiatement repenser toute sa stratégie. Pour ne rien arranger, les révoltés faerghiens avaient également retrouvé une partie de sa correspondance avec Périandre dans son laboratoire et avec la défection d’au moins deux de ouvriers, les bêtes pourraient surement les décrypter et remonter jusqu’à lui ! Ils avaient déjà prévenu Aegir et le reste du conseil qu’ils avaient trouvé des éléments troublants le reliant à plusieurs comploteurs impliqués dans la Tragédie alors, le chancelier avait surement demandé aux Vestra d’envoyer quelques-uns de leurs mouchards enquêter jusque dans ces terres. Tancred était connu pour avoir le cœur bien trop tendre mais, il restait tout de même un Vestra, recueillir des informations pour l’empereur faisait partie de ses attributions… enfin, là, ses propres hommes s’occuperaient d’écraser ses moucherons…
De plus, les emblèmes jumeaux étaient à présent de nouveau humains et même sur le trône de Faerghus, avec l’emblème majeur de Fraldarius qui courrait toujours au lieu d’être dans un tube avec son frère, ce qui voulait surement dire que Myson avait également échoué à les capturer tous les trois ! Comment des bêtes, des inférieurs à peine capables de réflexion logique sans être parasité par leurs émotions, avaient-ils pu mettre en échec les plus brillants esprits de Shambhala ?! Tout se déroulait pourtant à la perfection depuis l’opération Delta ! Même la survie de Lambert avait été une aubaine ! Cet homme était tellement incompétent et haï qu’il en devenait un excellent agent du chaos dans son propre pays ! Le Royaume devait sombrer dans le chaos tout en emportant Duscur ! Recouvrir les montagnes du sang des innocents ! Créer encore plus de haine et de ressentiments ! Détruire toujours plus l’œuvre de Sothis en rappelant que toutes ses créations et protégés n’étaient que des bêtes infâmes tuant sans remords ! Mais maintenant que c’était les emblèmes jumelles au pouvoir avec les métis au sang de dragon, les choses risquaient de se calmer et s’apaiser avant même qu’ils n’aient commencé à anéantir Duscur !
« Enfer ! Tout part en branle ! »
Enfin, Thalès devait réfléchir à comment reprendre la main. Il devait déjà commencer par arriver à détruire le début d’apaisement dans le Royaume, ce qui serait assez simple. Maintenant que Lambert était tombé, des seigneurs profiteraient de sa faiblesse et de son idiotie supérieure à la moyenne des bêtes pour tenter de le remettre sur le trône, ce qui leur permettrait de gagner une influence et un pouvoir considérable. Le comte de Rowe était connu pour son ambition sans limite et s’il ne complotait pas déjà, ce serait facile de le convaincre de passer à l’acte…
Et surtout, l’Agastya devait enfin en finir avec les Fraldarius et les Charon. Ces familles apportaient bien trop de stabilité à tout le Royaume, le tenaient à bout de bras ensemble. Il devait se débarrasser d’eux au plus vite pour que le chaos règne… de plus, les Fraldarius feraient d’excellents sujets d’expériences comparatives et le sang des Charon était toujours très proche de celui des Enfants de la Déesse. Avec suffisamment de corps et de sang, ils pourraient surement arriver à recréer des Reliques et utiliser leurs fluides pour créer des bêtes démoniaques. Les capturer lui seraient bénéfiques sur tous les plans.
De toute façon, Thalès ne pourrait plus utiliser l’identité de Volkard von Arundel pendant très longtemps… après avoir découvert son lien avec « Cornélia » et Kleiman, les Grands Nobles adrestiens se douteraient surement de quelque chose et enquêteraient sur lui afin de comprendre son rôle. Aegir ne pensait qu’à gâter sa propre famille mais, il n’était pas non plus complètement stupide malgré sa corruption… et Vestra ne se priverait surement pas d’une occasion de l’éloigner de son fils Hubert, voyant d’un mauvais œil sa proximité avec lui. Non, il ne pouvait pas rester ici plus longtemps…
« Dans un sens, cela m’arrange… mes réseaux sont toujours bien implantés en Adrestia, et nous avons besoin de nouveaux cobayes. Je pourrais même arriver à enfin mettre la main sur l’emblème majeur de Riegan qui nous échappe depuis si longtemps… même si à cause de l’incompétence des matricules et des esprits supérieurs, il a eu le temps de devenir vieux pour une bête… » Songea-t-il quand il entendit frapper à la porte de son étude. Il se tourna vers l’esprit supérieur lui servant d’intermédiaire avec les matricules, lui ordonnant sans quitter ses préparatifs. « Va ouvrir.
– Bien, Ô Grand Agastya.
L’homme fila quelques secondes avant de revenir, se prosternant devant lui avant de l’informer.
– Ô Grand Agastya, seul maitre légitime de la Sphigxi… un simple matricule vient vous troubler car, un essaim de bêtes frappe à votre porte. Ils prétendent avoir été envoyé par le duc Ludwig von Aegir et la haute-justice d’Adestria, ils ont l’audace de vouloir vous poser des questions et ose vouloir vous emmener à Embarr. De plus, pardonnez-nous de vous troublez avec de telles broutilles mais, les personnes suspectes dans le palais arrivées peu de temps après votre retour salvateurs s’agitent également. Ô Grand Agastya, guide de tous les êtres humains, que devons-nous faire ?
– Des hommes d’Aegir ? Il ne perd vraiment pas de temps… enfin, il avait été très choqué par le résultat de l’opération Delta, ce n’était peut-être pas de la comédie finalement. Et les pions de Tancred doivent tenter de leur transmettre tout ce qu’ils ont découvert ici… devina-t-il sans souci, lâchant un rictus méprisant. Les bêtes sont tellement prévisibles… rassemblez-les tous dans la grande salle du palais. Je m’occuperais d’eux personnellement.
– Bien Grand Agastya, votre volonté est absolue, obéit l’intermédiaire sans aucune hésitation, comprenant entre les lignes. Ces bêtes ignorent l’honneur que vous leur faites… »
Thalès sourit devant son miroir, faisant craquer sa magie dans ses doigts, les flammes violettes créant un espace vide au centre de sa main. Il n’avait pas besoin d’énergie en plus pour vaincre des bêtes, encore moins des descendants des enfants adoptifs de Sothis mais, cela servirait d’avertissement à Aegir et au reste du conseil s’ils tentaient à nouveau de l’arrêter.
L’Agastya laissa les cadavres dans la grande pièce de son palais, tous vidés jusqu’à la dernière goutte d’énergie vitale, laissant des corps comme momifiés, desséchés de vie. Pas la peine de perdre du temps à s’occuper des cadavres, on n’enterrait pas les bêtes de somme, et cela ferait comprendre aux humains qu’il ne devait pas les retrouver sur son chemin.
*
Félix s’entrainait avec Cassandra, cette dernière corrigeant sa posture par rapport à son bouclier, attendant la lettre de son père. Cette fois, le courrier passait sans problème, arrivant sans trop de retard mais, la dernière fois qu’ils s’étaient parlés, Rodrigue et Alix semblaient assez nerveux. Il avait tenté de les rassurer avec sa lettre mais, il espérait qu’ils allaient mieux à présent… il avait juste hâte qu’ils reviennent tous les deux à la maison… enfin, avec Cassandra, le temps passait plus vite, c’était une très bonne partenaire d’entrainement et un bon professeur… juste très énervante quand elle se mettait à le taquiner quand elle le battait… enfin, ce n’était pas si désagréable.
Le jeune garçon arriva à envoyer son éclair tout en restant en sécurité derrière son bouclier, quand ils entendirent quelqu’un arriver en courant, suivit de la voix de Loréa.
« Félix ? Félix ! Ah ! Tu es bien là !
La femme semblait avoir couru dans toute la ville, une lettre dans les mains. Le magicien se redressa en se tournant vers elle, un peu inquiet de la voir aussi agité.
– Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ? C’est papa et Alix ? C’est une de leurs lettres ? ils vont bien ? Est-ce que… S’inquiéta-t-il très vite après tout ce qui s’était passé ces derniers temps.
– Oui et non… ils vont bien tous les deux… par les Braves, plus que bien même à ce stade… mais Déesse… comment t’expliquer… ils expliquent tout dans leur lettre mais… mais c’est tellement… marmonna l’intendante en se baissant à sa hauteur, serrant la lettre entre ses mains.
Elle releva la tête, cherchant ses mots avant de mettre de prendre ses mains dans les siennes, essayant de rester calme et de trouver le bon ton pour lui annoncer ce que contenait la missive de Rodrigue et Alix.
– Tu sais que Lambert a été renversé, tout comme Rufus. Ils sont actuellement en prison avec leurs principaux soutiens, comme Gustave par exemple.
– Oui mais ça, ça fait longtemps et ils ne feront plus rien à papa et Alix en prison ! Ne me dit pas qu’ils sont arrivés à en sortir ?!
– Non, tout le monde veille à ce qu’ils restent derrière les barreaux, surtout après qu’ils aient été jugé le mois dernier. Ils ne retourneront jamais sur le trône, pas sans qu’on ne les y ramène par la force en tout cas, et les derniers soutiens qui leur sont encore fidèles ont également été arrêtés avant qu’ils ne puissent tenter quoi que ce soit pour les libérer. Non, ils ont été condamnés par le gouvernement révolutionnaire après leur procès : ils devront payer leurs dettes envers le peuple de Faerghus en travaillant comme des scribes dans l’administration royale sous une toute nouvelle identité et tout recommencer à zéro.
– Mais pourquoi tu es aussi nerveuse alors ?! C’est une bonne nouvelle ! Ils ne feront plus jamais de mal à papa, Alix, Dimitri ou qui que ce soit d’autre ! Dimitri sera mieux avec les Charon qu’avait ce crétin qui l’emmène dans un voyage aussi dangereux ou il a failli se faire tuer, alors que tout le monde lui avait dit que c’était dangereux ! C’est bien les Charon qui vont s’occuper de lui ? Ils ne vont quand même pas l’abandonner !
– Oui, les Charon ont obtenu la garde de Dimitri, ne t’en fais pas. Les sœurs Charon prendront bien soin de lui et il pourra se remettre avec elles jusqu’à sa majorité où sera le seigneur de l’ancien domaine royal, qui va devenir un fief comme les autres. De plus, Rufus ne pourra plus rien faire à son neveu, aux jumeaux ou à qui que ce soit d’autre, il a été lynché à mort par un village après avoir tenté de s’enfuir, ce qui arrange dans un sens étant donné que c’était le frère le plus remuant des deux. Ce qui me rend nerveuse, c’est plutôt la suite… c’est juste… à la fois prévisible et totalement inattendu après ce qui s’est passé… vu ce qu’on vient d’avoir comme roi, on aurait pu imaginer autre chose…
– C’est-à-dire ? Intervient Cassandra. Mes tantes sont également à Fhirdiad et elles m’écrivent aussi, je n’ai rien vu de si alarmant que ça dans leurs lettres. Au contraire, elles travaillaient en bonne intelligence avec les révolutionnaires, tout comme les jumeaux. Les révolutionnaires ont pris quoi comme décision ? Qu’il n’y aurait plus de roi mais, qu’on serait comme l’Alliance ? Vu ce qui s’est passé car une seule personne tenait les rênes de tout le Royaume sans trop de contre-pouvoir, ce ne serait pas étonnant…
– Honnêtement, je m’attendais à ça mais… en gros, les révolutionnaires se gardent le pouvoir de créer les loi et les contre-pouvoirs pour freiner celui qui dirigera le pays, la justice est mise complètement à part du reste mais, pour ce qui est de faire régner les lois et de diriger le Royaume, ils ont décidé de garder un roi mais, qui serait élu comme l’aurait voulu le roi Ludovic, dont on a retrouvé les travaux pendant la prise du palais de Fhirdiad, Rufus a avoué les avoir volé à la mort de son père pour que son frère monte sur le trône. Mais en attendant que la situation se calme et qu’ils puissent organiser l’élection correctement, ils ont désigné des sortes de régent qui rendra le pouvoir s’ils ne sont pas élus. Il leur fallait donc des personnes intègres et de confiance pour mener à bien ce projet, sans qu’ils ne tentent de dérober le pouvoir ou refusent de le rendre…
Loréa posa finalement ses mains sur ses épaules, le regardant droit dans les yeux alors qu’elle lui annonçait, même s’il commençait à comprendre sans y croire.
– Félix, ton père et ton oncle ont été désigné comme régents de Faerghus jusqu’à l’élection du prochain roi. Pour le moment, ce sont eux les rois de Faerghus, et tout Fhirdiad les a acclamés « rois loups de cendre ».
Félix se figea, se rendant à peine compte de tout ce que cela représentait. Son père et son oncle… les rois… c’était… incroyable… comment… bon, ils étaient les meilleurs et bien plus compétents que Lambert donc, ça ne l’étonnait pas trop dans le fond, c’était surement ce qui était le mieux pour Faerghus mais alors…
– Alors… ils resteront à Fhirdiad ? Ils ne reviendront plus à la maison ? Et… et le fief ?! Et… et moi ? Qu’est-ce qui va se passer Loréa !
– Si, ils reviendront, ne t’en fais pas. Ils ont la position du roi mais, en ayant moins de pouvoir alors, même s’ils devront surement aller souvent à Fhirdiad, ce ne sera surement pas plus qu’avant, et ils pourront accomplir la plupart de leurs devoirs à Egua. Ils ont mis comme conditions avant d’accepter ce rôle de pouvoir continuer à se consacrer à leurs devoirs de ducs à Egua. Pour toi, rien ne va changer, tu restes le fils de Fraldarius et l’héritier de Rodrigue en tant que duc. Le roi sera choisi par l’élection mais, il sera bien plus contrôlé par les grandes familles et les villes. L’héritage n’aura plus d’importance pour sa fonction.
Le jeune garçon hocha la tête, comprenant la majorité de ce que racontait Loréa mais, ce qui s’accrocha le plus dans sa tête, c’était une seule information. Ce n’était pas vital pour le Royaume mais pour lui, c’était le plus important… c’était tellement important…
– S’ils sont régent et que Lambert est un scribe maintenant et que Rufus est mort, ça veut dire qu’ils ne les approcheront plus… Ils n’approcheront plus jamais de papa ni d’Alix, ils ne leur feront plus jamais de mal ! En plus, si tout le monde pense que ce sont des loups de cendre, personne n’osera leur faire du mal ! Plus jamais ! Et si quelqu’un tente de les blesser, je les protégerais !
– Oui, ils ne leur feront plus jamais de mal. Ils n’ont plus le pouvoir de nuire désormais, confirma Loréa avec un sourire, passant sa main sur sa tête. Et tu les protégeras quand tu seras plus grand. Pour l’instant, tu es encore un enfant que les adultes doivent protéger.
– Je peux le faire aussi ! Je m’entraine beaucoup ! Bon ! On part quand pour Fhirdiad ? Demanda-t-il d’un coup. Ils ne vont surement pas pouvoir revenir avant un moment, même s’ils pourront rentrer à la maison alors, je peux aller les voir !
– Pas avant quinze jours, décréta immédiatement l’intendante sans hésiter une seconde, le temps qu’on prépare ton escorte et que les jumeaux aient suffisamment installé leur pouvoir, au moins dans la capitale. En plus, ils ont accordé à Lambert un dernier souhait, qu’il puisse revoir Dimitri alors, il sera encore là pendant deux semaines. Tu partiras quand il sera enfin hors de la capitale et ne pourra plus vous approcher.
– Mais c’est loin ! Et je vais rater Dimitri en plus ! Déjà que Sylvain va avoir moins le temps pour qu’on se voie puisqu’il est margrave maintenant !
– On y sera vite, et Dimitri va surement rester un peu de temps alors, vous pourrez vous croiser. Quinze jours, c’est rien si on est bien occupé ! Répliqua Cassandra. Si tu veux tant protéger ton père, retour à l’entrainement petit !
– Pour la millième fois, je ne suis pas petit ! Répliqua-t-il, la faisant rire quand elle le vit « s’hérisser comme un chat mouillé en colère » comme elle le disait, le faisant se maudire tout seul d’avoir foncé sur l’hameçon.
– Et il ne faut pas négliger tes études non plus, ajouta Loréa sans le louper, le rappelant tout de suite à l’ordre. Ton niveau est toujours bon en histoire, géographie et en mathématique, tu as bien progressé en gestion de la maison, du trésor et en latin, et tu es le fils de ta mère – et le neveu d’Ivy malheureusement – pour ce qui est des négociations commerciales mais, tu as des progrès à faire en droit et en négociation avec les autres seigneurs. Tu as encore beaucoup à apprendre jeune homme. Un bon seigneur est un seigneur avec une tête très bien faite. Tu as déjà de la chance qu’on se soit résigné à que tu ais la même écriture illisible que ton père. »
Félix lâcha un soupir, voyant déjà l’emploi du temps que lui réservait Loréa, même si elle lui laissait toujours du temps pour se reposer et jouer un peu entre deux cours, surtout ceux qu’il n’aimait pas, tout comme son père quand il s’occupait de gérer ses leçons. Le latin, c’était facile, ça pourrait l’aider à mieux comprendre son grand-père, idem pour l’histoire pour mieux le connaitre ou la géographie afin de mieux visualiser les voyages d’Ivy, et c’était facile d’apprendre les maths, il n’y avait pas quinze mille exception, mais le reste… à part les négociations commerciales où ils suffisaient de se battre comme avec une épée à la manière d’Ivy, ça avait tendance à l’ennuyer profondément… mais d’un autre côté, ce serait des choses très importantes à maitriser pour plus tard, quand ce serait lui s’occuperait du fief et des habitants d’Egua… même s’il le savait depuis toujours, après tout ce qui s’était passé, ça lui faisait une motivation supplémentaire…
« Je serais un aussi bon seigneur que papa pour Egua, je le jure ! »
Il suivit alors Loréa dans la forteresse, ayant fini son entrainement avec Cassandra pour retourner étudier, sa promesse lui donnant encore plus d’énergie pour bien apprendre ces foutues lois afin qu’elles ne le piège pas plus tard comme pour ce maudit voyage…
« Glenn… songea-t-il en prenant le sac rempli de perles suspendu à sa ceinture, entendant encore son grand frère lui jurer d’être chevalier à la maison dès qu’il serait libéré du service du roi. Il faudra qu’on finisse les bracelets quand on sera à la capitale… j’espère qu’ils auront le temps… et sinon, pause obligatoire pour papa et Alix, Pierrick leur a dit de ne pas en faire trop pendant encore quelques temps… »
*
Lambert avait l’impression que le temps refusait d’avancer, attendant le retour de Dimitri avec impatience. Normalement, c’était aujourd’hui qu’il devait arriver mais, il était déjà midi et aucune voiture aux armes des Charon n’était encore arrivé ! Il allait finir par croire qu’il faisait tout pour réduire le peu de temps qu’il aurait pour dire au revoir à son fils !
« Après ce qu’ils ont fait, les jumeaux en seraient capables…  Après ce qu’ils ont osé faire à Rufus, la Déesse sait ce qu’ils peuvent me réserver pour me faire souffrir… » Songea-t-il en tournant en rond, faisant sonner les chaines à ses chevilles et ses poignets.
« On vous enlèvera celles des bras quand Dimitri sera là, pas avant. Hors de question que vous nous filiez entre les doigts, » l’avait mis en garde Estelle, toujours aussi glaciale avec lui qu’à son habitude.
Il avait hésité à répondre qu’il ne comptait pas s’échapper mais, se serait comme parler à un mur alors, autant ne rien dire du tout…
Le roi déchu s’était résigné à lire un peu quand il entendit enfin un bruit de roue et de plusieurs chevaux. Abandonnant son livre, il se jeta à la meurtrière, enfonçant son visage dans le petit espace pour tenter de voir son fils ne serait-ce qu’une seconde de plus. Une grande voiture tirée par un cheval géant en tête et deux autres plus petits s’arrêta au milieu de la cour, où l’attendait malheureusement les jumeaux. Lambert mettrait sa main au feu que Ludovic aussi n’était pas loin, prêt à pourrir l’esprit de Dimitri ou à le geler sur place… mais bon, enchainé comme ça, il ne pouvait plus faire grand-chose, même pour protéger son propre enfant, sauf s’il se transformait aussi en animal… ce ne serait peut-être pas si mal… ce serait tellement simple de juste le prendre sur son dos et l’emmener loin d’ici… ils pourraient vivre à nouveau ensemble, comme avant… si Rodrigue et Alix avaient pu devenir des loups pendant des semaines puis retrouver forme humaine, il devrait bien pouvoir se transformer en lion et redevenir normal après avoir mis Dimitri en sécurité…
Un valet ouvrit la porte de la voiture mais avant que qui que ce soit ne descende, il plaça une épaisse planche en bois en travers de la porte, comme pour faire sortir quelque chose en le glissant…
Émergea alors un homme en fauteuil roulant qu’il reconnut comme étant Théophylacte Charon qui manœuvra habilement sa chaise pour sortir, avant que le valet et un autre homme monté de l’autre côté ne fasse sortir Dimitri, entouré de Dedue et Sasiama qui semblaient s’être remis. Le cœur de Lambert se déchira en le voyant, tout petit au milieu des fourrures et de son grand fauteuil, enveloppé du blanc et du bordeaux des Charon, proches des couleurs des chevaliers de Seiros, une grande couverture bleue et un chat sur ses genoux. Il semblait encore si faible…
Pourtant, Dimitri essaya de se lever comme il put en voyant les jumeaux, tendant les bras vers eux alors que Rodrigue et Alix allaient l’enlacer comme si de rien n’était, comme si tout était comme avant que les jumeaux ne les trahissent tous et ne deviennent ces loups si froids, déchiquetant tout sur leur passage si ça pouvait faire avancer leurs intérêts à eux, même leurs plus vieux amis si nécessaire. L’ainé des deux se baissa au niveau de Dimitri, posant ses mains sur les siennes, essayant d’être celui qu’il était avant sa transformation, lui parlant surement tout doucement avec sa voix douçâtre pour enrober ses mensonges tout en dissimulant sa froideur… après tout, il était bien le fils de son père… les loups attaquaient toujours les individus les plus faciles à chasser…
Malheureusement, Dimitri disparut bien vite de son champ de vision en compagnie des jumeaux et de Théophylacte, le temps recommençant à passer au ralenti dès qu’il s’évapora, Lambert ne pouvant s’empêcher de penser au pire.
« Les jumeaux vont lui bourrer le crâne avec leurs histoires… ils seraient même capable de lui faire avaler que Rufus a mérité sa mort horrible… ou pire, ce sera Ludovic… non, Dimitri ne le connait pas, il n’aura pas autant d’influence sur lui que Rodrigue et Alix… eux, il les écoutera et il risque de boire leurs paroles… si les Charon n’ont pas déjà commencé le travail… »
Au bout de ce qu’il semblait être des heures, Estelle revient, appelant avec fermeté.
« Lambert Egitte Blaiddyd-Hange, avancez. Il est l’heure.
– Enfin… ! Comment va…
– Avancez en silence. » Se ferma-t-elle tout de suite, évidemment. C’était Estelle après tout…
Un groupe de garde le conduisit jusqu’à une autre aile du palais, lui faisant faire plusieurs détours avant de le faire s’arrêter devant la porte. Comme on lui avait promis, un garde lui retira les chaines de ses bras, même s’il le menaça aussi dans un même souffle.
« Un geste suspect, et la visite s’arrête-là. Vous avez jusqu’à ce que le petit veuille s’en aller.
– Bien, et je vous le répète, je ne m’enfuirais pas. »
Estelle renifla avant de le laisser entrer, révélant Dimitri qui l’attendait à l’intérieur, seul, les yeux grands ouverts, bien plus vif que la dernière fois. Trébuchant dans les chaines toujours autour de ses chevilles, Lambert se précipita vers lui, ivre de joie d’enfin le revoir aussi près de lui et en meilleur santé.
« Di… Dimitri ! Enfin ! Enfin tu es là ! Il le prit contre sa poitrine, faisant juste attention à ne pas le serrer trop fort pour ne pas rouvrir ses blessures. Tu m’as tellement manqué ! Tu as bien meilleure mine que quand tu es parti, quel soulagement !
– Oui, l’air des montagnes m’a fait beaucoup de bien, et Laïs est une très bonne médecin. Tout le monde était très gentil avec moi à Charon, surtout Théo, il m’a beaucoup aidé quand j’ai dû utiliser un fauteuil roulant. Il y avait aussi Cassie, même si elle est partie avec Félix quand il est rentré à Egua. Elle était chargée de le protéger mais, ils sont aussi devenus très proches.
– Théo et Cassie ?
– Tu sais, Théophylacte et Cassandra, les deux ainés de tante Myrina. Théo n’aime pas du tout son prénom, il le trouve trop long alors, on utilise toujours son surnom, et personne ne s’appelle par son prénom entier chez les Charon, c’est toujours des surnoms. Lachésis et Thècle m’ont même dit que le surnom de maman, c’était Nitsa et qu’elle m’appelait tout le temps Mitsos, c’est vrai ?
– Ah oui, c’est vrai qu’ils passent leur temps à utiliser des diminutifs chez eux vu que les noms sont assez longs… j’avais tendance à m’emmêler les pinceaux quand on les voyait… Héléna m’avait fait répéter les noms de toutes ses sœurs et beaux-frères et sœurs, pour être sûre que je ne me trompe pas à notre mariage, vu qu’elles étaient onze les unes après les autres… et surement… ça fait longtemps qu’on n’était pas allé voir sa famille, surtout que ça aurait été risqué avec… tu sais… souffla-t-il en se souvenant des crises de jalousie de Patricia, elle devenait encore plus colérique quand les Charon était au palais. Mais oui, Héléna t’appelait tout le temps comme ça, « Mitsos »… elle trouvait que ça sonnait bien..
– Tu ne me l’avais jamais dit pourtant… et c’est dommage, j’aurais bien aimé voir plus souvent mes cousins et les connaitre avant. Ce n’est pas si difficile de retenir tous les noms et les surnoms tu sais une fois qu’on les connait bien, lui assura-t-il avec un petit sourire, avant de continuer, plus sombre et inquiet. Et toi, comment vas-tu ? J’ai appris ce qui s’est passé à la capitale quand je n’étais pas là… et j’ai aussi su pour Rodrigue et Alix… qu’ils se sont transformés en loup… Félix me l’a raconté quand il l’a su aussi… Ingrid et Sylvain aussi m’ont écrit… m’ont dit tout ce qui se passait dans leur propre fief… que c’était la même chose qu’à Lokris… et on m’a aussi dit ce qui s’est passé ici, à la capitale… ce qui est arrivé à Rufus… Lachésis et Théo m’ont également expliqué ce qui allaient se passer après que le peuple de Fhirdiad ait pris le pouvoir et après ton procès… ce qui va se passer pour Faerghus…
– Je vais bien… même si c’est difficile à croire que même eux nous aient trahi… ils ont tellement changé… ce n’est plus les hommes que tu connaissais Dimitri… eux aussi ont disparu… » marmonna-t-il avec aigreur, même s’il ajouta tout de suite en essayant d’être plus confiant, posant ses mains sur les siennes pour l’ancrer à lui. Si c’était la dernière fois qu’il voyait son fils, il voulait au moins le rassurer et sauver l’image que Dimitri avait de lui avant que ses tantes ne la noircissent, ainsi que s’expliquer sur ses actes. « Mais ne t’en fais pas, ça va aller… on va s’en sortir, comme toujours. On s’en est toujours sorti non ? On s’en sortira toujours tous les deux, et je trouverais un moyen de te retrouver… les Charon te traiteront bien, tu es le fils de leur sœur après tout mais, elles ne seront pas tendres avec moi pour… pour bien trop de raisons… il faut juste que tu te souviennes que quoi qu’elles te racontent Dimitri, tout ce que j’ai fait, c’était en pensant à Faerghus… pour tous les habitants du Royaume sans exception… je voulais juste aider les gens, même si cela a mal tourné et que je le regrette à présent… j’aurais voulu que ça réussisse mais, on ne peut pas tout prévoir…
– Mais papa, le coupa faiblement son fils en se crispant, tout le monde t’a prévenu…
Lambert sentit alors le regard de Dimitri sur lui, étonné, comme s’il venait de vraiment se transformer en lion, avant que son fils ne se reprenne en le remarquant, cachant ses émotions d’une manière similaire à celle de Ludovic, s’il pouvait avoir des expressions de base…
– J���étais là, je l’ai vu. Même si je te faisais confiance, personne n’en voulait de ce voyage à part les nobles du sud, mais seulement parce qu’il voulait qu’il rate pour pouvoir attaquer Duscur, comme ils l’ont fait. Ils ont foncé pour attaquer les duscuriens… c’est la première chose qu’ils ont fait, attaquer et tuer des gens alors qu’il y avait déjà eu trop de mort… Dedue et Sasiama ont eu de la chance qu’on ait été là sinon, ils seraient morts eux aussi, comme leurs parents, alors qu’ils n’ont rien fait de mal à part vivre dans le village le plus proche de ce passage maudit… et ce sont les mêmes seigneurs du sud qui t’ont poussé à faire ce voyage qui ont soufflé les premiers sur les braises… et tu n’as pas écouté les Charon ou les Fraldarius alors qu’eux, ils ont toujours été de bons conseils et ont toujours défendu les intérêts du Royaume… Félix l’a dit, tu as fait du mal à son père, même avant la Tragédie… Lachésis et Thècle ont même dit qu’Héléna aurait été la première contre ce voyage car, il était mal préparé… alors pourquoi tu ne les as pas tous écouté ?
– Dimitri… je pensais qu’ils exagéraient, avoua-t-il honnêtement. Les jumeaux sont toujours très prudents, surtout avec ce genre de rencontres, encore plus quand elles n’ont pas lieu à Faerghus… ils ont leurs raisons mais, ils vont souvent trop loin pour ça… et pour Myrina, je ne me suis jamais très bien entendu avec elle, personne ne méritait sa petite sœur préférée à ses yeux, moi en particulier… toutes les sœurs et le frère Charon se gardent les uns les autres comme s’ils étaient tous fragiles comme du verre…
– C’est normal, elles s’aiment toutes plus que tout. Elles se disputent parfois mais, c’est pas comme toi avec Alix ou Patricia quand ça arrive. Elles finissent toujours par revenir se voir pour discuter ensemble afin de se réconcilier. Et c’est normal que les jumeaux soient prudents, leur père est mort dans une rencontre diplomatique, et maintenant, Glenn est mort aussi et il… Dimitri mordit ce qu’il allait dire, secouant la tête. Et maintenant, regarde ce qui est arrivé… ils avaient tous raisons sur toute la ligne… tout… tout le monde est mort… le pire est arrivé alors que tout le monde t’avait prévenu… et tout le monde continue de mourir… alors que tous ceux qui vivaient encore faisaient tout pour sauver le Royaume… déclara-t-il sans s’arrêter, ne pouvant s’empêcher de dire tout ce qu’il avait sur le cœur. Même si tu voulais bien faire, tout le monde est mort quand même car, tu n’as pas écouté les personnes de bons conseils pour de mauvaises raisons alors qu’ils avaient tous de très bons arguments… même pendant le voyage, tu aurais pu écouter Myrina et Nicola et prendre un autre chemin alors que la route était mauvaise mais, tu t’es encore obstiné, et le pire est arrivé ! Tout le monde est mort et les morts veulent juste qu’on les venge car, ils sont morts à notre place !
Le jeune garçon serra les poings de frustration, se sentant piéger dans le bois de son fauteuil, enchainé par les brûlures et les bandages. Il voulait pouvoir marcher, il voulait se remettre sur ses pieds pour aller courir en ville avec ses amis et ses cousins, il voulait pouvoir remonter à cheval, essayer de grimper sur le dos de ce gentil géant de Gigantes, il voulait revoir Félix, Sylvain et Ingrid comme avant et surtout, Dimitri voulait que les voix dans sa tête se taisent enfin et pouvoir fermer les yeux sans se souvenir de cet enfer bien plus réel et effrayant que toutes les légendes. Même si les médicaments de Laïs et ses discussions avec elle, ses tantes et Théo l’aidaient beaucoup, les morts continuaient, hurlant leurs chagrins, maudissant les mauvais survivants qu’ils étaient pour laisser les seigneurs du sud tuer des innocents et de ne pas avoir trouvé les vrais responsables de leur malheur, ils… non… c’était juste son esprit… Laïs lui avait expliqué, son esprit s’inventait ces « fantômes » à cause du traumatisme de la Tragédie, parce qu’il s’en voulait d’avoir survécu alors que tant d’autres étaient morts… son corps n’était pas le seul à être blessé, son esprit aussi en avait souffert…
« Et tu es le dernier à plaindre… cracha Patricia avec haine. Tu as survécu alors que je le méritais bien plus que toi ou ton père… »
« Je sais… commença-t-il à s’excuser avant de se reprendre. Non ! Non… elle n’existe pas… c’est dans ma tête… »
« Nous n’existons pas ? C’est pourtant en te protégeant toi que je suis mort ! C’est comme ça qu’on m’a arraché à ma famille et qu’elle a commencé à exploser ! Et ton chien errant de père a tellement abusé de mon père et de mon oncle qu’ils se sont transformés en loup pour lui échapper ! »
« Je sais Glenn… je sais… si seulement… »
D’habitude, quand il se mettait à ruminer, Dedue, Théo ou une autre de ses cousines ou une de ses tantes lui demandait ce qui se passait, arrivant à voir quand les illusions tentaient de le perdre… mais avec son propre père, tout était différent… il semblait aussi perdu que lui, comme si c’était lui le fantôme, ne sachant quoi répondre… quand il était arrivé et qu’il avait demandé aux jumeaux ce qui allait se passer avec Lambert pendant cette entrevue, ils avaient été réellement honnête en avouant qu’ils ne savaient pas, que tout pouvait arriver mais, qu’ils seraient tout de même surveiller pour être sûr que son père ne tente rien qui pourrait le mettre en danger, et que Dimitri pouvait arrêter leur rencontre quand il voulait s’il était mal à l’aise… mais il voulait… il voulait au moins essayer de lui faire comprendre… c’était son père et la seule personne qui savait vraiment… qui connaissait l’horreur de cette nuit jusque dans sa chair… il devrait pouvoir comprendre tout ça…
Cependant, Lambert bégaya sans comprendre, posant sa main sur son bras comme pour s’ancrer autant que lui.
– Mais… mais non… bien sûr que non… ce n’est pas… ce n’était clairement pas ce que je voulais et… et qu’est-ce que c’est que ces histoires avec les morts ? Pourquoi ils voudraient qu’on les venge ? Qu’est-ce… qu’est-ce que tu racontes ?
Dimitri se referma un peu, se ramassant sur lui-même avant d’avouer en redressant un peu la tête, même s’il n’osa pas regarder son père dans les yeux, même s’il vivait surement la même chose que lui…
– Je voie les morts de la Tragédie papa… tout le temps… de jour comme de nuit… partout… ils hurlent tout le temps qu’ils sont morts… qu’ils regrettent d’être morts… qu’ils voulaient vivre… que personne ne les venge correctement… et… et ils me reprochent d’avoir survécu… sont furieux qu’on ait tous les deux survécu alors qu’ils ne voulaient pas être là ce jour-là, dans ce convoi mais, avec leur famille… Patricia, Glenn, Nicola, Frédérique, Jacques… tout le monde… tout le monde me réclame la tête de leurs assassins et ils te réclament aussi réparation… d’après Laïs, c’est à cause du traumatisme de Duscur… mon esprit a tellement été détruit par ce que j’ai vécu qu’il a inventé ces fantômes… car je m’en veux d’avoir survécu et me demande pourquoi moi et pas l’un d’eux… pourquoi c’est moi qui ai survécu et pas quelqu’un d’autre alors que tout le monde est mort à part toi… elle m’a donné un traitement pour m’aider à résister à ces hallucinations, et en parler m’aide mais, cela prendra beaucoup de temps… surement des années… encore plus que mes jambes… si je guéris un jour…
– Que… quoi ? Qu’est-ce que c’est que ces histoires ? Qui t’a mis ça dans la tête ? C’est tes tantes, c’est ça ? Ou les jumeaux ? Enfer ! ça pourrait même être Ludovic ! ça lui ressemblerait bien !
Dimitri se redressa d’un coup, le cœur brisé en mille morceaux en voyant le regard incrédule de Lambert sur lui, cherchant la moindre trace de mensonge ou de manipulation sur son visage… Il ne le croyait pas… son propre père ne le croyait pas… alors que ses tantes l’avaient tout de suite cru… il pensait qu’on l’avait persuadé que ses fantômes existaient… alors qu’il les voyait tout le temps… personne ne pourrait imaginer tout ce qu’ils lui disaient, dans quel état les morts étaient devant ses yeux… personne… et Lambert accusait… ses tantes ? Les jumeaux ? Et ce Ludovic ? Mais qui était Ludovic ? Il ne connaissait personne de ce nom-là ! Qu’est-ce que ça voulait dire ?! Lambert avait été là pourtant ! Il devrait pouvoir comprendre mieux que personne ce que s’était d’avoir vu tout le monde mourir alors qu’eux avaient survécu !
– Mais personne… personne… je te dis la vérité papa ! Je les voie vraiment ! Ils sont là ! Patricia est là ! Juste derrière toi ! Et Glenn est allé voir Rodrigue et Alix ! Tu devrais pouvoir comprendre pourtant ! Tu ne les voies pas ?! Tu n’y repenses pas ?
– Si, bien sûr, j’en fais aussi des cauchemars mais, c’est juste des cauchemars, rien de plus… comment Patricia pourrait être derrière moi… ? Elle est… Lambert s’arrêta, ne pouvant continuer, secouant la tête en marmonnant, déchiquetant encore et encore le cœur de Dimitri. Ce n’est pas possible… comment on a pu te faire rentrer dans la tête que ces cauchemars sont de vrais fantômes qui…
– C’est pas que des cauchemars ! C’est tout le temps ! Et c’est pas les sœurs de maman qui me l’ont dit ! C’est moi qui les voyais comme ça ! C’est elles qui m’ont dit que ce n’était pas de vrais fantômes mais, juste une conséquence de la Tragédie ! C’est pour ça qu’elles m’aident ! Les jumeaux aussi m’ont cru quand je leur ai raconté ! S’il te plait papa ! Tu dois me croire ! Je ne suis pas un menteur ! Je te dis la vérité ! Papa !
– Je sais que tu me dis la vérité, je te crois Dimitri mais, même si tu penses que c’est la vérité, ce n’est pas possible… les morts sont morts… à part les Braves, on ne peut pas les voir et ils ne peuvent rien nous demander… souffla-t-il, ne comprenant rien à rien, écrasant encore et encore le cœur de Dimitri comme il avait dû le faire avec les jumeaux pour leur faire autant de mal, levant la main pour tenter de lui toucher le front. Comment ils ont pu te...
– Ils n’ont rien fait si tu penses à mes tantes, aux jumeaux ou à ce Ludovic, répliqua-t-il tout de suite en repoussant sa main, faisant reculer son fauteuil pour s’éloigner de lui avant d’appeler faiblement, ne voulant pas briser encore plus l’image qu’il avait de son père. Gardes… garde, j’en ai fini… je n’ai plus rien à lui dire…
– Non ! Dimitri ! Attends…
Cependant, le garde arriva bien trop vite, attrapa les poignées du fauteuil roulant puis poussa le jeune garçon loin de son père, l’appelant encore et encore, l’air complètement désespéré alors qu’il ordonnait qu’on lâche son enfant, voulant encore le voir, maudissant les jumeaux, ses tantes et ce Ludovic inconnu… Dimitri se boucha les oreilles, les cris de son père vrillant ses tympans comme ceux des morts, le réclamant encore et encore…
Quand il vit Théo avec Rodrigue et Alix, il ne put s’empêcher de s’effondrer, pleurant toutes les larmes qui lui restaient, toutes celles n’étant pas encore partie en fumée pendant la Tragédie, enterrant son père à son tour en comprenant que lui aussi était mort… il était mort dans la Tragédie… si l’homme qu’il pensait connaitre, si rassurant et gentil, avait déjà existé… Rodrigue le prit dans ses bras, l’aidant à se calmer alors qu’il pleurait encore et encore… malgré tout ce que Lambert avait dit, il était toujours là, restant toujours à ses côtés, le croyant et le rassurant face aux fantômes, même si Dimitri n’avait pas eu le courage de lui avouer que même son propre fils le hantait… lui au moins, il n’avait pas changé…
« Avec eux, les Charon et mes amis, ça ira… eux au moins, ils me croient et me soutiendront toujours… j’en suis sûr… » arriva-t-il à se rassurer alors que les jumeaux et Théo l’aidaient à faire de l’ordre dans ses pensées, éloignant les fantômes se moquant de sa naïveté en le traitant de mauvais fils. Avec eux à ses côtés, peut-être qu’il pourrait ne plus croire le venin des fantômes…
*
Seul dans sa cellule, enfermé dans ses chaines, l’esprit de Lambert le nargua, rejouant la scène en boucle, horrifié… même… même son propre fils… même lui…
« Dimitri… Dimitri… lui aussi, tu me l’as pris… vous me l’avez tous pris… vous m’avez pris mon fils… vous me l’avez volé… tu me l’as volé… je suis sûr que c’est toi… tu disais que je t’avais tout volé mais, le seul voleur ici, c’est toi… c’est toi… c’est toi ! » Enragea-t-il, revoyant la silhouette de son ancien ami se rire de lui, éclatant d’un rire cruel à son oreille avant de se réfugier dans l’obscurité, loin des mains de Lambert rêvant de le faire taire pour de bon ! « Après m’avoir pris mon frère, tu m’as pris mon fils… ! C’est ta faute s’il m’a rejeté ! C’est toi qu’il a vu en premier ! Tout ça à cause de ces sœurs infernales, de ton frère, de toi et de Ludovic ! Rufus avait raison, il n’aime personne et ne veut que détruire notre famille ! Et toi, tu l’aides ! Tout ça pour prendre notre place ! Tout ça par ambition ! Tu es aussi assoiffé de pouvoir que tous les autres ! C’est juste que tu n’assumes rien ! Tu verras… tu me le paiera… tu me le paieras ! RODRIGUE !!! »
(suite en reblog)
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benlettres · 29 days ago
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L'amie protectrice
Vous ne croyez pas que je puisse être la vraie patronne dans cette maison ? Vous pensez que le maitre est nécessairement l’homme ou, à défaut, une femme. Eh bien! Venez chez moi. Nous allons revoir votre éducation.
D’accord. Le lieu est assez modeste. On n’est plus à l’époque des châteaux. Il faut être de son temps. Cela dit, nous habitons tout de même une maison ancienne. Sombre et isolée à souhait. Elle est cachée derrière un épais massif d’arbres matures. Les grands arbres nous protègent autant des regards des curieux que du soleil. Ils m’offrent aussi d’excellents postes de guet. De là, ou de la rambarde de la véranda, je veille sur le domaine.  Personne n’entre dans ma maison sans que je le sache.
Légalement, le proprio ici c’est Ténébrius. Ce n’est peut-être pas le nom qu’il a reçu à la naissance, mais c’est comme ça que je l’appelle. Et ça lui va bien. C’est un grand mince qui ne sort que la nuit, toujours vêtu en noir, avec, quelques fois, une tache de rouge sur la poitrine. Moi, j’ai une vraie robe noire naturelle. C’est pour cela que je m’appelle Ténébra. En fait, c’est le nom que je me suis choisi. À tout le moins, c’est à ce nom-là que j’accepte de répondre. Voilà pour les présentations. C’est moi qui ai décidé de nos noms et Ténébrius n’a eu d’autre choix que d’y consentir. C’est comme cela. Vivre avec moi vient avec certaines exigences.
Ténébrius est timide, solitaire et il manque de confiance en lui-même. Avec son allure néogothique, il essaie de se sonner de la prestance. Il répète souvent qu’il est un descendant d’un comte qui fut célèbre en son temps. Mais c’était il y a longtemps. Malheureusement, on doit croire qu’il ne reste plus grand chose des gènes anciens. Mon Ténébrius il n’a rien d’imposant. À peine réussit-il à gagner sa vie grâce à un petit emploi à temps partiel à la Croix-Rouge. Au final, je dois dire qu’il est un peu blême, un peu ennuyant et un peu nigaud. Malgré tout, je l’aime bien. Sa maladresse naturelle m’attendrit.
Ses vêtements noirs ne sont qu’une parure superficielle. Il espère en acquérir la prestance aristocratique de son lointain ancêtre de Transylvanie. On dit que celui-là mariait l’amour, la gloire et l’élégance dans une communion mortelle. C’est l’idéal qu’il voudrait reproduire. Malgré ses laborieux efforts, il ne réussit à afficher ni esthétisme dans la démarche ni majesté dans la posture.
Par contre, il est tellement serviable ! Quand je veux sortir, il ouvre la porte. Quand je suis prête à rentrer, je miaule et il ouvre la porte. Il me sert mes repas et je me sers dans les siens. Il nettoie ma litière, m’achète des jouets, me brosse et ramasse mes poils, me conduit à mes rendez-vous de santé, me caresse si j’en sens le besoin. En fait, c’est mon homme à tout faire.
Encore hier, j’ai attrapé une souris dans la véranda. Je n’avais pas faim alors je l’ai laissée bien en vue au milieu d’un carré éclairé par la lune. Je n’ai eu qu’à appeler et, docilement, mon Ténébrius est venu récupérer la petite carcasse. Pour le service, il n’y a pas mieux.
Par pure générosité à son égard, Je lui prépare une fête pour l’Halloween. Depuis des semaines, je lui réserve une famille de souris qui se croit bien cachée au fond du garde-manger. Je compte aller chercher les bestioles une par une et les disposer dans chaque pièce de la maison. D’abord une dans sa chambre, camouflée au fond de ses pantoufles qu’il garde au pied de son lit. Il ne pourra la manquer. J’en déposerai une autre dans la pièce de rangement. Ça devait être une chambre d’amis, mais mon Ténébrius n’a pas d’amis. Enfin, pas d’autres que moi.
Je mettrai aussi la dépouille d’une des souris dans le salon, je l’étalerai devant le foyer. On dit que c’est l’endroit le plus romantique. Et je garderai la plus dodue pour la cuisine, je la mettrai sur la table, juste devant son assiette. Je vais m’assurer d’attendrir et de réchauffer un peu la chaire car mon pauvre Ténébrius souffre de sensibilité dentaire.
J’imagine son visage quand il réveillera au début de la nuit et qu’il verra la table sous le reflet de la lune. Ténébrius vénère l’astre et sa lumière. Il dit même que la lune est une sorcière. Que, comme lui, elle ne sort que la nuit et garde sa face cachée. Bien sûr, la lune est une sorcière. Et, depuis toujours, elle est ma complice. À deux, nous le contrôlons. C’est notre façon de l’aimer et de le protéger.
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Benoit Bolduc/octobre 2024
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lalisatheackerman · 4 months ago
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Pourquoi la Préparation IELTS en Ligne est la Meilleure Option pour les Étudiants Occupés
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Dans un monde où les étudiants jonglent avec des emplois à temps partiel, des cours intensifs, et des engagements personnels, trouver du temps pour se préparer à un examen comme l'IELTS peut sembler une tâche ardue. L'International English Language Testing System (IELTS) est un test essentiel pour ceux qui aspirent à étudier, travailler, ou immigrer dans des pays anglophones. Pour les étudiants occupés, la préparation IELTS en ligne se présente comme la solution idéale. Cet article explore pourquoi la préparation en ligne est la meilleure option pour ceux qui ont un emploi du temps chargé.
1. Flexibilité Horaires Illimitée
L'un des principaux avantages de la préparation IELTS en ligne est la flexibilité qu'elle offre. Contrairement aux cours traditionnels en présentiel, les cours en ligne vous permettent d'accéder au matériel pédagogique à tout moment, que ce soit tôt le matin, tard le soir, ou même pendant vos pauses déjeuner. Cette flexibilité est particulièrement bénéfique pour les étudiants occupés qui doivent concilier études, travail et autres responsabilités.
Avantage : Vous pouvez suivre votre préparation à votre propre rythme, sans avoir à vous conformer à un emploi du temps rigide. Cela vous permet de maximiser votre temps et d'intégrer vos études dans les moments qui vous conviennent le mieux.
2. Accès Facile à un Large Éventail de Ressources
La préparation IELTS en ligne vous donne accès à une multitude de ressources éducatives, telles que des vidéos explicatives, des tests pratiques, des forums de discussion, et des applications interactives. Ces ressources sont souvent mises à jour pour refléter les dernières tendances et exigences de l'examen.
Avantage : En ayant accès à ces outils variés, vous pouvez adapter votre préparation en fonction de vos besoins spécifiques. Par exemple, si vous avez besoin de renforcer votre compréhension orale, vous pouvez accéder à des podcasts et des vidéos adaptés à ce domaine.
3. Personnalisation de l'Apprentissage
La préparation IELTS en ligne est souvent plus personnalisée que les cours en groupe. De nombreux programmes en ligne utilisent des algorithmes pour évaluer votre niveau actuel et ajuster le contenu en conséquence. Cela signifie que vous pouvez concentrer vos efforts sur les domaines où vous avez le plus besoin de vous améliorer.
Avantage : Au lieu de suivre un programme généraliste, vous bénéficiez d'un plan d'étude personnalisé qui cible vos points faibles. Cela rend votre préparation plus efficace et vous permet de progresser plus rapidement.
4. Économie de Temps et d’Argent
Les cours en ligne éliminent le besoin de se déplacer, ce qui permet d'économiser du temps et de l'argent. De plus, les plateformes en ligne offrent souvent des options de paiement flexibles, voire des ressources gratuites, ce qui les rend plus accessibles financièrement.
Avantage : Vous économisez sur les frais de transport, de logement (si vous deviez vous rendre dans une autre ville pour suivre des cours), et vous pouvez choisir des programmes qui correspondent à votre budget. Cette accessibilité financière est un atout majeur pour les étudiants qui doivent gérer leurs finances de manière stricte.
5. Pratique et Répétition à Volonté
Un autre avantage de la préparation IELTS en ligne est la possibilité de revoir les leçons et de répéter les exercices autant de fois que nécessaire. Cela contraste avec les cours traditionnels, où les étudiants peuvent ne pas avoir l'occasion de revisiter le contenu après la fin de la session.
Avantage : Vous avez la liberté de répéter les tests pratiques et de revoir les vidéos explicatives jusqu'à ce que vous maîtrisiez parfaitement chaque aspect de l'examen. Cette répétition renforce votre confiance et améliore vos chances de réussir.
6. Apprentissage dans un Environnement Confortable
Étudier depuis le confort de votre domicile peut réduire le stress et l'anxiété associés à l'apprentissage. Un environnement familier vous permet de vous concentrer pleinement sur votre préparation sans les distractions d'une salle de classe.
Avantage : Un environnement de travail confortable contribue à une meilleure concentration et à une meilleure rétention des informations. Vous pouvez créer un espace d'étude qui correspond à vos préférences personnelles, que ce soit avec de la musique de fond ou en utilisant des outils spécifiques qui facilitent votre apprentissage.
Conclusion
La préparation IELTS en ligne est sans aucun doute la meilleure option pour les étudiants occupés qui doivent jongler avec plusieurs responsabilités. La flexibilité, la personnalisation, et l'accès à une vaste gamme de ressources sont autant de facteurs qui rendent cette méthode de préparation non seulement pratique, mais aussi efficace. En optant pour une préparation en ligne, vous pouvez vous assurer de maximiser votre temps, d'économiser de l'argent, et de vous préparer de manière optimale pour réussir l'examen IELTS, tout en respectant vos autres engagements.
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tournesolaire · 7 months ago
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Ce matin j'ai eu mon tout dernier cours de civilisation US, ça me fait tout bizarre
Mme Labourot nous a dit au revoir, on ne la reverra plus, c'est même pas elle qui corrigera nos copies de partiels
Ça me fait tout drôle
Je me rends compte que c'est vraiment la fin d'un cycle
Je me revois en L1, avec ma grande bande de copains, je me souviens que j'aimais pas trop Mme Labourot à cause des ragots et parce qu'elle me faisait des remarques quand je prenais le diapo en photo
Au final ça a été une de mes profs préférées, elle m'a beaucoup enrichie, elle a toujours été intéressée et intéressante dans ses cours et ça c'est vraiment trop chouette
J'ai envie d'écrire sur cette idée de "fin de cycle-nouvelle vie" qui me trotte beaucoup dans la tête ces derniers temps
A part ça
Je retrouve doucement de l'inspiration pour peindre
J'ai eu des nouvelles de mamie Loulou, je sais que je devrais pleurer mais j'ai l'impression d'être un monstre sans émotions. Je l'aime très fort, et je veux pas la perdre, je veux pas qu'elle parte, mais j'ai ce côté fataliste en moi qui me force à me détacher
J'aurais aimé la prendre une dernière fois dans mes bras
Lui présenter Fred en sachant qu'elle m'aurait joué des coudes en me disant que j'ai bien choisi et que si elle avait 40 ans de moi elle en aurait fait son quatre heure, parce qu'elle aime toujours les blagues salaces
J'aurais aimé la voir et qu'on se serve des verres de vin et de champagne en cachette parce que "la vie c'est fait pour être vécu" une dernière fois
J'aurais aimé avoir de nouveau 4 ans dans la cuisine de la maison d'enfance, j'aurais aimé me réveiller dans son lit et mettre les dessins animés, prendre un gros petit dej avec elle en pyjama et ensuite regarder les émissions de gags et 30 millions d'amis, j'aurais aimé qu'elle me donne encore des petits Coeurs au goûter
J'aurais aimé faire encore ces très grands repas de famille dans sa grande salle à manger
Elle me manquera
Vraiment
J'espère que ça ira
Je n'ai pas peur pour elle
L'énergie connait le chemin
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celestialstigmas · 1 year ago
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06/11/23
« Aujourd’hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme » Albert Camus, L’étranger.  
Tu es toujours là, et je n’ai pas reçu de télégramme de qui que ce soit.
Tu es toujours là, avec moi, parmi nous.
Mais c’est comme si déjà, tu ne l’étais plus, d’une certaine manière. Une partie de toi est morte à mes yeux, et tu es déjà partiellement partie.
Je ne sais pas quel jour précisément tu as arrêté d’être toi ; ce que je sais est que je viens de le réaliser, que je te considérais déjà presque morte. Car c’est l’événement qui va arriver, pas aujourd’hui, pas demain, et même dans quelques années, peut-être. Mais qui va arriver, et qui a arrêté ta vie telle qu’elle était, et qui a mis fin à toute perspective d’évolution de projets en retraite.
C’est cet événement qui a tout arrêté, qui t’a déjà tuée.
C’est à partir du moment où, couchée dans le canapé, tu ne pouvais plus rien faire. Où tu as dû petit à petit arrêter de travailler pour te rendre à une série d’examens médicaux toujours sans plus de résultats, jusqu’au jour où il a été clair que tu ne pouvais plus continuer de travailler. Le jour où tu as dû, non pas tout mettre entre parenthèse, mais tout arrêter. Car cela ne reviendra pas. Où tu as arrêté de travailler, arrêté tes activités, arrêté de t’occuper de mamie pour t’occuper de toi. Car tu n’avais plus le choix.
Car tu t’étais sûrement oubliée, aussi, dans tout ça.
Mais ce n’est que de la survie, ce n’est qu’un sursis que la vie t’offre, et pourquoi elle ne te laisse plus vivre normalement le reste de tes jours au lieu de t’imposer ce sursis vide et douloureux ? Pourquoi ?
Tu n’as plus d’activité, ta vie se résume à être à la maison, sans pouvoir beaucoup bouger, car y être cela te plaît mais faire des choses encore plus. Pas de perspective de voyage, pas de perspective de partage. Alors quoi ?
Oui, tout s’est arrêté, et c’est déjà la mort qui est là parmi nous.
Tout s’est arrêté, ou presque, mais la mort s’impose déjà à nous, doucement, comme pour nous y préparer, peut-être.
Soudainement, elle m’a pris Papa, sans espoir d’au revoir. Violemment, elle nous a prises.
Cette fois elle se présente à moi doucement, me susurrant peut-être de te dire au revoir, de te dire ce que j’ai à te dire avant que tu partes. De régler mes comptes avec toi. Elle me dit : "Eh, voilà, voilà ce que ça fait quand je préviens. Tu pensais que tu aurais préféré ça, hein ? Quand Papa est mort si brutalement et que tu te l’es pris en pleine face. Tu t’es dit que tu aurais préféré t’y préparer, que tu n’aurais pas agi de la même manière avec lui ? Eh bien voilà, je t’en donne l’occasion. À toi de faire avec, maintenant. " Dit-elle avec nonchalance.
Mais voilà, même si elle est là, ce n’est jamais avec douceur que la mort arrive. Avec lenteur, oui. Avec douleur, aussi. La douceur n’est pas vraiment son amie. Enfin, elle l’a été avec Papa, finalement. Pas pour nous, mais elle l’a pris doucement dans son sommeil paisible, dans une ignorante quiétude, peut-être. Ou bien savait-il ? On ne le saura jamais. Mais avec douceur, oui, tu sembles l’avoir pris, Mort. Merci.
C’est comme si elle s’adressait à moi, comme  ça, directement, comme si je l’entendais presque souffler à mon oreille.
Elle est venue brutalement à moi, en prenant mon père, en le prenant paisiblement - infime réconfort - et elle revient à moi, pour me prendre mon parent restant, lentement cette fois, douloureusement. Elle veut m’apprendre des choses, peut-être. Mort est mon enseignante. Mort a des choses à me transmettre. Ne pouvais-tu pas me laisser en paix un peu plus longtemps ? Laisser mes parents près de moi, pour les emmener dans la vraie paix, plus tardivement ?
C’est comme si elle était un personnage à part entière de l’histoire de ma vie, et même plus que ça; un personnage, lui au moins, parfois s’absente, parfois est en un autre lieu. Elle est une présence silencieuse et permanente, elle est dans l’environnement, dans l’air. Tout se meurt. Toutes mes plantes, d’ailleurs, meurent. Je porte la mort en moi. Elle est en mon esprit, bien trop prégnante.
Tous les espoirs, les joies, tu en fais quoi ? Viens-tu nous annoncer qu’il faut que nous tentions d’en vivre de derniers ?
Pars, s’il te plaît. Laisse-moi, laisse-nous, le temps d’en profiter. Rends ta présence plus distante, avant de revenir le jour où tu l’auras décidé. Pour la fin.
Mais le peux-tu seulement... La chimio, la non-vie, c’est déjà toi, tout ça. Tu es dans tout ça. Tu es en l’essence de tout ce qui entoure notre quotidien maintenant; la chimio, le repos, le lit médicalisé au rez-de-chaussée, trônant dans la pièce de vie, quelle ironie. La douleur, la maigreur, les rides apparaissant avec la perte de poids, le visage tiré et triste, les cheveux sans forme et qui s’éparpillent. La voilà, la tienne, de forme. Toute cette douleur, toute cette laideur, toute cette lenteur, toute cette tristesse et toute cette agonie.
Tout a une fin, qui survient comme ça, quand on ne le veut pas. Certes, on ne le voudra jamais.
Tout a une fin, qui survient, on ne sait quand, il n’y a pas de bon moment.
Tu marques la fin. Sans sens. Sans joie.
Reviens, plus tard.
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latribune · 1 year ago
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carnetcritique · 1 year ago
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Si on s'arrête une minute et que l'on écoute attentivement, on entend au lointain l'écho du chant du cygne des promoteurs immobiliers. Cramponnés à leur bilan de mise en chantier de logement neuf un peu plus catastrophique chaque semestre, nos camarades voient bien que le vieux monde ne veut plus courir derrière eux. Les nuages s'accumulent à l'horizon : finis les années 2000 et les constructions dopées à la défiscalisation. Adieu Périssol ! Au revoir Carrez et Pinel ! Il nous faudrait donc renoncer aux ZAC infinies dont les refends de bétons sentent si bon le matin en descendant du 4x4 électrique ? Certains ne peuvent s’y résoudre, et de rage et de désespoir, tentent leur va-tout pour tenter de contourner la loi ZAN. D'autres, probablement plus meurtris, surveillent les tribunes Linkedin des gens qui oseraient troubler un quotidien pas si rose, pour menacer les pauvres hères qui y laisse un pouce bleu.
Mais on a beau ruer dans les brancards ou ergoter indéfiniment, le fait est campé là, droit devant nous, têtu, scientifique et chiffré : pour résoudre l'équation environnementale, il faut passer par une réduction substantielle de la quantité à construire. La lecture de l'excellent livre de Philippe Bihouix, Sophie Jeantet et Clémence de Selva, intitulé « la ville stationnaire », offre une synthèse passionnante de ces problématiques et nous livre les clés de lecture d'un chemin rude, mais souhaitable : construire moins, pour construire mieux. La ville dense, en fragmentant les écosystèmes, est un facteur majeur de la chute vertigineuse de la biodiversité. L'écoconstruction, dans lequel tous les gens bien coiffés s'engagent aujourd'hui, est un leurre pour imaginer continuer encore un petit peu le businnes as usual, les filières ne sont pas prêtes, et c’est une impasse volumique certaine. Alors tant pis ! Parce que le Pinel avec des cloisons en brique de terre crue, restera malgré tout un "produit investisseur", c'est à dire un logement dans lequel ni les architectes qui le construisent, ni les promoteurs qui le portent, ni les élus qui les permettent, n'habiteront jamais.
Et c'est un défi majeur pour la ville de Montpellier et son aire d'influence : il se dit que le nombre d'adhérents à la fédération des promoteurs immobiliers d'Occitanie et plus élevés qu'en Île-de-France. Derrière cette bulle de béton, il y a des gens, des familles, des enfants. Et toute une partie de l'économie locale, des amitiés de trentes ans, des intérêts économiques croisés. Des drames se profilent, inéluctablement. Alors le rôle de nos élus, plutôt que la mise sous perfusion d'un milieu déjà partiellement condamné, par le biais d'un choc de l'offre aussi surprenant qu'à contrecourant, devrait être plutôt d'accompagner de manière volontaire ce secteur à la transformation massive vers la rénovation, la réhabilitation, la densification de zone sous-densitaire, la conversion de bureaux en logements...
Il faut impérativement donner un cap : l'idée n'est pas de faire "habiter des gens dans des terriers" comme le signalait cyniquement une figure de la promotion locale pendant un débat organisé par la Gazette, mais bel et bien de transformer, d'embellir, d'exploiter l'immense patrimoine déjà bâti, sur tout notre territoire.
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eamjournal · 2 years ago
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Lettre 42
Samedi 18 Mars 2023
Cher Hugo,
Aujourd'hui c'était une journée assez conséquente et plutôt pleine de nouveautés. J'ai commencé par passer mon galop dès le matin. Le prof était là et curieusement tout ne s'est pas déroulé comme à l'habitude. Figure-toi que le prof nous a donné la problématique et le plan de lui même. Nous n'avions meme pas à tergiverser sur la question des parties. Tout ce qu'il voulait, c'était que l'on remplisse son plan avec un maximum d'informations. J'étais un peu ahurie parce que c'est tout à fait inhabituel mais pourquoi pas.. je dois dire que c'était difficile de faire 3 parties super complètes en seulement 3 heures. J'ai trouvé ca assez juste en termes de timing mais j'ai réussi à tout finir avant et même à me relire. Au final je suis assez contente de ce partiel car nous avons tous mis à peu près les mêmes informations, il était difficile de se tromper quand ce qui était attendu était simplement une récitation du cours.
Après ce travail nous étions enfin libérés des galops qui nous avaient pris tant d'énergie ! C'était la folie ! Et comme promis, avec Layz et Lucas nous sommes allés manger une gauffre ainsi qu'un chocolat chaud dans les Docks. C'était suuuper bon et réconfortant, je me suis régalée c'était incroyable. En même temps nous avons pu discuter des problèmes qui s'étaient posés hier par rapport aux tensions dans les groupes d'amis et l'anniversaire. Lucas avait l'air surpris lui aussi, il ne comprenait pas vraiment cet acharnement. Choisir un anniversaire pour déballer que finalement on n'aime pas quelqu'un c'est bizarre et assez mal venu. Dans la foulée on s'est mis à faire un jeu de paris avec un gobelet, c'est alors que Layz et Lucas ont du aller demander pardon à Foulé et Diallo pour les tensions. C'était une blague au début mais ils y sont vraiment allés et ont envoyé un message plutôt correct et sympa. Au final cette initiative s'est mal terminée, elles ont réagi violemment comme des enfants rancuniers, il n'y a aucune place pour le pardon dans leur vie, ce qui me conforte dans l'idée que nous sommes mieux sans elles.
Après ce goûter/déjeuner qui s'est terminé vers 14h, avec Layz nous avons décidé de prendre ma voiture et d'aller à Coty faire quelques magasins. J'avais du maquillage à racheter. Au final nous sommes repartis à 17h et j'ai acheté une bougie, mon maquillage et un livre "The Dark Side of the Mind" que les tueurs en série et leur psychologie. J'étais trop contente de cette trouvaille ! Avec Layz on a déambulé dans le centre commercial pendant plusieurs heures, discutant de tout et faisant plein de magasins. C'était vraiment agréable après toute la pression qu'on s'était mis. J'étais super contente de cette après-midi ! Thibault n'a pas arrêté de suivre ma journée comme d'habitude et j'étais contente de cet investissement.
Le soir venu, j'étais tranquillement chez moi quand Lucas m'a demandé si j'étais partante pour sortir ce soir. Nous en avions discuté l'après-midi autour de nos gauffres mais on ne s'était pas redit. Au final il avait fait son choix et voulait m'embarquer avec lui. Et pour moi, pas question de faire cette sortie sans embarquer Thibault pour le revoir après tout ce temps. Sa réaction était plus amusante et surprenante puisqu'il m'a demandé de le convaincre. Aussitôt dit, aussitôt fait, je l'ai vite menacé de bouger ses fesses où sinon j'allais débarquer chez lui. La conclusion de ce traquenard c'est que nous nous sommes tous retrouvés au vent pour boire et discuter. Thibault était là, on ne s'est pas quitté de la soirée et ça faisait un bien fou. Toujours plein de taquineries et de chamailleries. Et comme d'habitude on a fait la fermeture du bar.
Mais que neni ! Ça ne s'arrête pas là ! Lilli avait faim alors on a tous pris ma voiture : les enfants derrière et Thibault avec moi devant. Direction le Campus pour aller chercher une pauvre barquette de frites. C'était de la grande improvisation mais c'est ce qu'on préfère. Nous avons fait plein de bêtises dans le campus avec Lucas qui disait tout ce qui lui passait par la tête. Il a réussi à dire qu'il y avait une super ambiance dans ce "restaurant" alors qu'on était clairement dans le kebab du quartier. A mourir de rire.
Et la folie continue ! Elle nous a tout droit amené à l'épicerie du coin chercher des flashs avant qu'on aille en after chez moi. Du grand n'importe quoi ce voyage improvisé, ils hurlaient tous par les fenêtres en disant aux gens que l'on croisait de passer une bonne soirée. Thibault à force de boire était toujours plus taquin, on s'échangeait des regards un peu trop expressifs ! C'était plein de défis.
L'after a tenu jusqu'à 7h du matin. De la folie furieuse. Lilli était complètement bourrée et essayait de se déshabiller, tandis que Layz se cachait sous son manteau répétant sans cesse qu'elle avait froid. Lucas était plus mort que Claude François et Thibault était de plus en plus blagueur. Il commençait à faire plein de blagues, à lâcher des "titres" et à venir se chamailler avec moi. A force, un combat continu s'est engagé entre nous, on était toujours en train de se battre gentiment et c'est alors que j'ai pris conscience qu'il était subitement devenu tactile avec moi. Quand j'ai compris ça, j'ai ressenti beaucoup de satisfaction parce que les choses avançaient. Ainsi tout l'after on complétait les phrases de l'autre, on se battait, on se faisait tomber par terre, on se regardait dans les yeux, morts de rire..
Je pense que tout va bien pour toi. En tous cas, je te le souhaite. C'est toujours bizarre de te raconter ce genre de choses alors que nous étions ensemble il y a peu. Mais j'y tiens. Je me le suis promis. Passes une bonne nuit Hugo, je t'aime toujours...
M.
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neiti-phi · 7 years ago
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Quand avec l’arrivée des partiels je perds toute motivation pour travailler
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darth-rainbow · 3 years ago
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Kaamelott Hot Take :
Je pense sincèrement que ni Arthur ni Lancelot ne pourrait vivre en paix en ayant tuer l'autre.
Hear me out:
Il y a un moment où tout ce qu'ils avaient, c'était l'un l'autre pour réellement se comprendre. En outre, ils sont les deux seuls à complètement saisir l'importance de la quête du Graal et à avoir ce lien si particulier avec les dieux. Il étaient meilleurs amis et maintenant, sont meilleurs ennemis. Il y a eu un temps, où Lancelot était prêt à dérouiller n'importe qui osant mal parlé à son Roi. Et Arthur, qu'importe leur passif, a voulu, toujours, sincèrement croire en Lancelot. Arthur, il a cherché le type en noir de Lancelot, et s'est inquiété quand il s'est rendu compte que peut-être, il n'y avait pas de type. Et quand il a eu le choix, Lancelot a sauvé Arthur, qui, en retour, sur ce qu'il croyait être son lit de mort, lui a confié le pays malgré leur passif. Parce que Lancelot, c'était le seul chevalier qui tenait debout, un bras droit capable, un ami fidèle, un frère. C'pour ça que ça a fait si mal quand il est retourné être chevalier solitaire à temps partiel. Et cette discussion qu'ils ont eut à la taverne, toute cette bitterness. Ça vient d'une compréhension profonde de l'un l'autre. Ils savent très bien qui ils sont et ce qu'ils représentent. Et je pense qu'ils s'envient aussi. Arthur, parce ce que Lancelot il est libre d'aller où bon lui semble, quand bon lui semble, et d'être un amoureux qui choisit de tout vivre entièrement. Lancelot, parce ce qu'Arthur représente ce qu'il aurait voulu être, l'élu des dieux, le Roi, le mari. On croit toujours que l'herbe est plus verte yaddi yadda. Maintenant, Lancelot a eu l'expérience du trône. And fucking hell, heavy is the head that wears the crown. On a vu, dans le film combien Lancelot se sentait vide. Et moi je me dis, c'est très possible qu'en partie, Lancelot ait cherché Arthur pour les mêmes raisons qu'Arthur l'a cherché: parce ce qu'il se faisait de la bile et voulait être sur qu'il était pas cané quelque part. C'est pour ça qu'il n'y a aucune effusion de liesse quand il le retrouve. Il est pas excité à l'idée de le zigouiller. Mais il ne peut pas, être heureux. La situation, est merdique. Ça sonne comme une fin plus que comme un début. Parce qu'au fond, Lancelot sait, que ça fait déjà 10 ans qu'il se bat contre un fantôme. S'il le tue, il l'élève au rang de martyr, et c'est l'apothéose pour Arthur. S'il le laisse en vie, c'est un grand risque. Mais dans les deux cas, il est perdant. Dans tous les cas, Lancelot doit vivre avec le fantôme d'un ami, d'un roi qu'il a servi et aimé. Un parallèle avec Arthur qui a dû vivre avec le fantôme de son père, un roi tyrannique mais légendaire, aux antipodes de lui. Et c'est seulement après sa disparition qu'il a été considéré comme un grand roi plutôt qu'un big softie. Ni Arthur, ni Lancelot n'aura été réellement heureux sur le trône. Mais là où Arthur a su transformer son propre désespoir en espoir pour les autres; Lancelot, il a voulu que tout le monde le ressente aussi ce désespoir. Il a fait en sorte que tout le monde soit aussi malheureux que lui tout en se rendant personnellement le plus malheureux possible, et ça l'a laissé tout vide. Parce que, soyons honnête, il sait très bien qu'il est entouré de branquignoles pour lesquels il avait 0 respect avant et dont il se contrefiche toujours de l'opinion. C'est juste que y'a plus grand chose qui le fait ressentir, à part, ironiquement, Arthur. Les mentions de lui, les souvenirs de lui, et Guenièvre. Revoir Arthur, ça l'a réveillé. C'est Arthur qui se fait choqué avec excalibur, mais vraiment, j'pense qu'ils le ressentent tout les deux. Lancelot, il l'attendait. Doucement déjà, il sort de son abattement quand il ouvre le passage secret aux autres, parce qu'il sait. Il connait Arthur si bien, qu'il sait qu'il ne sera pas déçu. Il espérait, Arthur. Et enfin, Arthur vient, mettre fin à sa léthargie intérieure. D'une certaine manière, Arthur qui est venu pour le tuer, l'a sauvé. Tout comme lui, avait sauvé Arthur avant. Et quand Lancelot rit en s'enfuyant, il rit aussi de lui-même. Et de leur incapacité à tout les deux, à mettre fin à leur relation.
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ikaroux · 3 years ago
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Zhongli x Lecteur (F) La danse du dragon. (part 1) (FR)
English version
Aaaah Zhongli, mon doux Zhongli, écrire sur les adeptes est vraiment douloureux en soi étant donné leur longévité... J'suis pas venu ici pour souffrir, okay ! *pleure dans un coin*
Les Ost pour ce chapitre :
Broken Hero Onmyoji
Rabia Honkai impact
Masterlist
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La ville portuaire de Liyue était en liesse avec la fête du nouvel an qui s'y déroulait. Les rues égayées par les rires et les discussions des passants étaient éclairées par des lanternes en papier décorées avec des motifs découpés de dragon, de feuilles d'érable, de hérons et tant d'autres. Diverses fleurs de la région décoraient chaque parcelle de la ville jusqu’aux bassins abritant des carpes dorés. Vous pouviez croiser dans la rue des danseurs pavanant une figurine flexible d'un dragon à l'image du Géo archonte. Les marchands ambulants criaient à pleine gorge, vendant les mérites de leurs biens ou du délice de leurs nourritures. Tout vous paraissait beau et magique.
Vous étiez venu depuis Mondstadt pour passer les fêtes de fin d'année ici, auprès de quelques amis qui résidaient en ville. Ils vous avaient proposé d’aller voir les feu d’artifices qui aurait lieu plus tard dans la soirée, mais votre curiosité vous poussa à parcourir les rues de Liyue seule avant de rejoindre vos amis.
Cette année les organisateurs du festival avaient demandé aux habitants de Liyue et leurs invités de porter un masque qui leur était offert par la ville. Vous saviez que la fête devait être clôturée par une sorte de bal masqué qui aurait lieu un peu partout en ville, des musiciens étaient placés ici et là, parfois dans les couloirs surplombant les rues ou encore dans le port en bord de mer.
Les organisateurs du bal voulaient que chacun puisse profiter d’un moment de joie et de bonheur sans crainte, sans peur du regard des autres.
Vous vous promeniez au bord des quais en bois, votre masque de renard recouvrant partiellement votre visage. Vous contempliez le reflet des lumières de la ville à la surface de l’eau, un sourire aux lèvres. La rue était bondée de monde mais vous adoriez ça, l’ambiance était si semblable à votre ville bien-aimée.
Alors que vous tourniez votre regard pour observer le quai parallèle au vôtre, vous remarquiez la silhouette raffinée d’un homme de grande taille. Sa posture était raffinée et élégante, il se tenait droit, les bras croisés dans le dos, le regard fixé sur l’horizon. Il portait un long manteau qui se mariait parfaitement avec sa carrure, ses cheveux, attachés dans son dos en une simple queue, se balançaient au rythme de la brise marine. Il portait un masque doré à l’effigie d’un dragon.
L’homme sembla remarquer votre regard s’attarder sur lui, tournant son visage vers vous. Les masques ne cachant que la partie supérieure des visages, vous aviez pu voir le doux sourire se dessiner sur ses lèvres. Embarrassé, vous vous êtes sauvé en courant, glissant entre la foule de gens qui profitaient des boutiques installées sur le port.
C’est au moment où vous avez atteint le centre de la ville que le doux sons des instruments typiques de la région résonnèrent dans les rues. Vous pouviez reconnaître le erhu parmi tous les instruments qui jouaient.
Les hommes, les femmes et les enfants se mirent à danser joyeusement, riant pour certains, d’autres se lançant des regards langoureux.
Séduite par l’ambiance chaleureuse et aimante, vos lèvres s’étirèrent dans un large sourire avant de vite disparaître lorsqu’une grande main gantée attrapa la vôtre. Vous vous êtes rapidement retourné pour voir qui vous avait surpris, pensant d’abord que c’était l’un de vos amis qui vous avaient retrouvé. Vous avez ouvert de grands yeux lorsque vous avez reconnu l’homme au masque de dragon.
Il vous attira à lui, plaçant sa main libre sur votre hanche, il commença à danser avec vous, vous guidant parfaitement au rythme de la musique. Vous étiez hypnotisée par ses yeux ambrés qui vous observaient avec attention sous son masque, le doux sourire sur son visage fit chauffer vos joues.
Vous commenciez peu à peu à vous détendre dans ses bras, riant à plein poumon alors qu’il vous faisait tournoyer avant de vous attirer de nouveau contre lui, un rire rauque sortant doucement de sa gorge face à vos adorables réactions. Après plusieurs minutes à danser avec énergie, il remonta sa main dans votre dos, vous rapprochant de lui dans une danse plus lente et sensuelle. Il posa délicatement sa joue sur le sommet de votre tête tandis que votre visage se posait sur sa poitrine, respirant le parfum de lys qui s’échappait de lui. Pendant que vous balanciez doucement sur vos pieds, il attrapa une fleur de soie qui décorait l’une des colonnes qui jonchaient la rue, soutenant les étages supérieurs des habitations. Il plaça le petit bouton rose dans vos cheveux (couleur), admirant à quel point cela vous allait bien.
Votre danse c’était subitement interrompu lorsque le bruit sourd du feu d’artifice s’ajouta à la mélodie des instruments de musique, votre attention se tourna instantanément vers le jeu de lumière dans le ciel. Vos pupilles brillèrent d’un éclat nouveau à la vue du spectacle.
Ébloui par la beauté des feux d’artifice, vous jetiez un œil à votre mystérieux cavalier espérant que le spectacle lui plaisait autant qu’à vous.
Vos joues se colorèrent d’un rouge profond lorsque vous remarquiez que ses yeux étaient fixés sur vous, vos mains toujours liées ensemble. Il approcha son visage de vous, écartant quelques mèches de cheveux de son chemin.
« Merci pour cette soirée. » - murmura-t-il à votre oreille.-
Sans vous laisser le temps de lui répondre, il porta le dos de votre main jusqu’à ses lèvres pour y déposer un tendre baiser. Il vous lâcha à contre cœur avant de reculer, vous jetant un dernier regard avant de disparaître dans la foule.
« Non, attendez… ne partez pas… votre nom… donnez moi votre nom!»
Mais il était désormais hors de votre vue, le regret entachant votre cœur. Pourquoi ne lui aviez-vous pas demandé avant ?
« (V/N) ! »
La voix de Hu Tao vous appelait au loin, vous sortant de vos pensées. Elle était accompagnée de Xiangling, Chongyun et Xinqiu qui vous faisaient de grands signes de mains, leurs visages illuminés par de grands sourires. Jetant un dernier regard vers l’endroit où avait disparu votre mystérieux cavalier, vous avez finalement rejoint vos amis, terminant la soirée avec eux.
Zhongli était assis à la terrasse de son appartement, une tasse de thé encore fumante posée entre ses mains. Son regard était perdu dans la contemplation du liquide dans son récipient.
Il se demandait encore pourquoi il était partie sans vous demander votre nom. Même après avoir vécu plusieurs milliers d’années, il lui arrivait encore de se sentir un peu idiot.
Peut-être aurait-il dû vous inviter à partager une tasse de thé avec lui? Peut-être aurait-il dû enlever son masque et se présenter correctement à vous?
Zhongli avait rarement eu des regrets durant sa longue vie et aujourd’hui était l’un de ces rares moments. Un soupir s’échappa de ses lèvres, dès le moment où il avait croisé votre regard sur les quais du port, vous l’aviez intrigué. Il avait tout de suite remarqué à votre façon d’être que vous n’étiez pas de Liyue. De Mondstadt peut-être ? C’est ce dont vos habits laissaient supposer.
Pour une raison qui lui était inconnue, vous aviez esquivé son regard lorsqu’il avait porté son attention sur vous, fuyant à grande enjambée le quai qui vous séparait de lui.
Curieusement, Zhongli n’avait pas pu s’empêcher de vous suivre, accélérant le pas pour éviter de vous perdre de vue. Il avait fini par vous rattraper, admirant pendant quelques secondes vos yeux émerveillés. Il aurait aimé vous enlever ce masque de renard pour mieux vous admirer, pourquoi? Il n'en savait rien. Ce qui était sûr, c'est qu'à cet instant il souhaitait partager avec vous un moment intime, voulant créer un souvenir paisible et doux avec une inconnue au sourire plus brillant que le plus précieux des diamants.
Zhongli avait ressenti un bonheur intense naitre en lui alors que vous vous détendiez dans ses bras. Il savourait la sensation de votre souffle que vous projetiez sur lui alors que votre tête était posée sur sa poitrine, votre chaleur le réconfortait, votre rire le fascinait, vos yeux (couleur) le captivait. Pourquoi ? Pourquoi était-il parti ? Il n'aurait peut-être plus jamais l'occasion de vous revoir. Zhongli savait, après avoir accumulé 6000 ans de savoirs et de sagesse, ressentir du désir ou de l'attirance pour une mortelle pourrait devenir quelque chose de douloureux pour vous comme pour lui. Zhongli n'était peut-être plus le Géo archonte mais il restait un adepte avec une longue espérance de vie...
Oui il savait... mais savoir n'empêchait pas d'espérer.
Vous aviez eu du mal à vous réveiller, la soirée du nouvel an ayant été assez mouvementé. Après le feu d'artifice, vous aviez tous été chez Xiangling pour boire un dernier verre, sans alcool pour certains, Hu Tao, Xinqiu et Xiangling se chargeant de mettre de l’ambiance à votre petite fête. Vous aviez pu parler avec Chongyun de votre soirée, la magie qu'avait opérée sur vous l'inconnu au masque de dragon continuant de vous hanter. Chongyun vous avait patiemment écouté avant d'émettre l'idée que vous pourriez éventuellement tenter de le chercher en ville demain, même si le masque vous avait empêché de le voir sa prestance demeurait intact dans votre esprit.
Vous aviez donc dormi chez Xiangling. À votre réveil, elle était en train de vous préparer un petit déjeuner avec un grand sourire sur le visage. Xiangling vous avait préparé avec votre repas un remède maison pour la gueule de bois à base de fleur de muguet bleu, de fleur sucrante et d'extrait de jus de pomme.
"Merci Xiang, c'est délicieux."
"Je t'en prie (V/n). Et puis il faut que tu sois en forme pour aujourd'hui!"
"En forme? Pourquoi?"
"Hu Tao ne t'a rien dit? On va te faire visiter la ville aujourd'hui. Et puis..." -Elle s'approcha de vous, sa main couvrant le côté de sa bouche comme pour vous révéler un secret. Vous vous êtes rapprochée d'elle.- "Il faut qu'on trouve ton bel inconnu au masque de dragon !."
Vous vous êtes étouffé avec votre repas.
"Qu-Comment tu...je n'ai pas...!"
"Chongyun m'en a parlé hier soir avant de partir ! Il n'aimait pas te voir si triste alors il a pensé qu'on pourrait chercher ensemble aujourd'hui."
Vous avez soupiré, désespéré. Vous ne pouviez pas en vouloir à Chongyun, après tout vous ne lui aviez pas précisé de garder ça pour lui et puis ce garçon était beaucoup trop adorable pour lui faire la tête.
Après avoir fini de manger vous êtes partie prendre une douche avant de vous changez, vous coiffez et enfin appliquez un léger maquillage sur votre visage. Hu Tao vous a retrouvé en bas de l'appartement de Xiangling, terminant sa discussion avec une dame d'un certain âge qui vous salua d'un bref signe de tête avant de partir.
"Bien ! (V/n) il est temps qu'on s'occupe de ton cas."
"Mon cas hein..."
Hu tao agrippa votre bras, vous entrainant dans les rues peu bondées de Liyue. Elle vous montra quelques boutiques pendant que vous lui décriviez l'apparence de votre partenaire de danse.
"Un homme grand, élégant et poli avec un long manteau tu dis? Eeeeh... Ça me rappelle quelqu'un."
Hu Tao fit une pause pour réfléchir avant d'être interrompu par la voix grave d'un homme qui l'interpellait.
"Hu Tao vous voilà, j'aurais un petit... service..."
Ses yeux ambrés croisèrent vos yeux (couleur), un long silence s'installa entre vous quatre, Hu tao et Xiangling balançant leurs yeux vers vous puis le nouvel arrivant. L'homme ne vous quitta pas des yeux, sa bouche légèrement ouverte. C'était lui, vous en étiez sûr, c'était lui !
Zhongli vous regardait sans rien dire, trop ébahi de vous trouver si facilement alors qu'il venait justement trouver Hu Tao pour lui demander son aide. Il avait reconnu vos yeux dès l'instant où il les avait vu.
Il s'approcha prudemment de vous, oubliant tout ce qui l'entourait. Il saisit votre main dans la sienne, un sourire doux naissant sur les traits délicats de son visage. Vous étiez encore plus belle qu'il ne l'avait imaginé. Il pouvait sentir vos doigts trembler d'émotion dans sa main, la resserrant pour vous apaiser.
"Ah- Je, vous..."
Zhongli ne prêta pas attention aux regards curieux d'Hu Tao et de Xiangling. Il était concentré sur vous, uniquement sur vous. Vous attirant à lui, sa main de nouveau posée sur le bas de votre dos, il commença quelques pas de danse pour vous assurer que c'était bien lui. Vos larmes coulèrent sur vos joues alors qu'un sourire éclaira vos traits. Plusieurs minutes pass��rent avant qu'il ne cesse de vous faire tournoyer au rythme des battements de son coeur.
"Quel est votre nom?"
"(V/n)"
"(V/n), quel beau nom." -Il porta votre main encore enfouie confortablement dans la sienne jusqu'à ses lèvres, déposant le plus délicat des baisers.- "Zhongli. Puis-je vous invitez à boire un thé en ma compagnie?"
"Avec plaisir."
Zhongli savait que forger des liens avec un mortel pouvait être douloureux.
Il savait mais... il prendrait ce risque.
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la-tour-de-babel · 3 years ago
Text
Conversation [Fiction - Pre Canon]
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TW : Relation toxique.
Disclaimer : Voilà un texte qui ne fera probablement pas sens sans connaître un minimum l’univers !
Pairing : Elle / Lui
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« Tu m’as laissé entrer ? »
La voix est masculine. Elle est pleine d’un délice qu’Il ne cherche même pas à brider. Peut-être une pointe de surprise. Il la cache, cette surprise, sous une imposante et agaçante couche de sarcasme narquois.
Elle ne tressaille pas. Ne bouge pas, pour tout dire. Elle savait qu’Il allait venir. Elle l’attendait. Mais Elle admet qu’elle ne s’attendait pas à ce qu’Il trouve le moyen de se matérialiser derrière Elle.
« Partiellement. Ton essence, uniquement. Tu ne pourrais pas me blesser, même si tu essayais. »
« Réciproquement, je présume~ »
Elle se retourne. Il est bien là. Evidemment qu’Il est bien là. Debout, au milieu du Noir. Au creux de Son tronc, à Elle. Un espace de rien, de tout. Le cœur des idées et des pensées de Son monde. Il sourit. Un sourire qui n’a rien de charmant, et qui semble tordu, mauvais, malveillant, sur ce visage qu’il a pourtant, à cet instant, parfaitement humain. Il est comme Elle se souvenait de lui. Même posture, même tenue. C’est l’expression et l’éclat cerise de son regard qui trahit le souvenir.
« C’est vrai. Mais je n’en avais pas l’intention. Je sais que tu finiras par venir, un jour, pour de bon. Alors, je suppose qu’il sera temps pour moi de régler cette question. »
Son sourire se tord un peu plus. Un angle imperceptiblement inhumain. Juste trop large, juste suffisamment courbé pour paraître affreusement inquiétant. Il rajuste, nonchalamment, les pans de son long manteau. Il se met en mouvement. Quelques pas, observant les environs. Le Noir qui s’étend à perte de vue, qui les enveloppe tout deux, qui dérobe le sol sous leurs pieds. Il n’y en a pas, de sol, quand on y réfléchit. Ils flottent dans le Rien. Ils forgent, par leur volonté, la matière sous leurs corps.
Elle sait que Sa volonté, à Elle, prime sur la Sienne. Elle n’est pas inquiète. Ici, Elle est certaine d’avoir la main mise.
« Caresse toi d’illusion tant que tu veux, chérie. Nous savons tout deux très bien qui finira par réduire l’autre en cendre. »
Elle grimace. Elle hait ce surnom. Parce qu’Il n’y laisse plus une once d’affection. Parce qu’Il l’utilise pour se moquer, pour blesser. Il le sait. C’est le but qu’Il cherche à atteindre.
Elle ne sait même plus pourquoi Elle lui a ouvert ce passage. Elle a agi par nostalgie, par douleur, peut-être. Par besoin mélancolique de revoir cet humain qui lui avait un jour volé son cœur. Force est de constater que cet humain n’est plus là. Qu’il n’a peut-être jamais été là.
« Peu importe. Je ne t’ai pas laissé venir pour t’entendre te vanter, te gonfler d’orgueil. »
Il se tourne de nouveau vers Elle. Une pirouette enfantine, qu’Il ponctue de son affreux sourire tordu. Sous ses pieds, le sol qui ne devrait pas exister crépite, brièvement, de rouge.
« Ah oui ? Et pourquoi suis-je ici, alors ? Je te manquais tant que ça ? »
Il ose ponctuer ses trois questions d’un clin d’œil. Elle hait cette attitude. Cette fausse manœuvre de séduction qui semble tenter de lui faire croire qu’il y a toujours quelque chose, entre eux deux. Elle ne bouge toujours pas. Elle le suit simplement du regard, parce qu’Elle doit rester impassible, Elle doit rester neutre, et froide, et sévère. Une seule faille suffirait à le faire entrer, à le laisser s’infiltrer, à le laisser tout pourrir et corrompre comme il sait si bien le faire.
« Je t’ai laissé venir ici pour discuter. Rien de plus. »
« Rien de plus ? »
« Rien de plus. »
Le sourire reste figé quelques secondes de plus. Quelques minutes, peut-être. Ou était-ce un siècle ? Elle ne pourrait le dire. Elle sait simplement qu’il s’effondre, ce sourire, et qu’Il se retrouve, bientôt, aussi impassible qu’Elle l’est. Inexpressif. Figure humaine perdue dans le noir. Les yeux luisant d’écarlate dans la pénombre.
« Je n’ai rien à te dire, vieille branche. »
Le ton aussi s’est fait sec. Parce que ça devient personnel. Elle pense que c’est pour cela. Elle est incapable de le dire. Elle ne sait plus comment le lire. Elle n’a peut-être jamais su.
Ils se fixent. Ils se déchirent du regard. S’éventrent, s’étripent, s’éviscèrent, parce qu’Ils ne peuvent pas le faire à mains nues. Elle sourit, à son tour, pour la première fois. Un minuscule sourire, amer, narquois, et, pourtant, vaguement vainqueur. Il ne réagit pas. Il la décortique du regard, bouche fermée en une fine ligne, mèches ébènes tombant devant les yeux.
« Pourtant, tu es venu. »
Silence. Il cligne des yeux. Comme s’Il est lui-même surpris, en prenant conscience de ce que cela impliquait. Peut-être que c’est le cas. Peut-être que non. Elle ne lui fait plus aucune confiance pour avoir des réactions honnêtes.
Et puis, Il sourit, encore une fois. Un sourire beaucoup trop large, qui semble déchirer les commissures de sa bouche humaine. Il applaudit. Une fois. Deux fois. Trois fois. Un rire grinçant et presque hystérique qui aurait fait frémir la peau de ses bras si Elle avait encore eu une enveloppe corporelle.
« L’occasion était trop belle, déesse. Une porte grande ouverte. J’admet que c’est peut-être à moi, au fond, que tu manques. Qu’en penses-tu ? »
Elle laisse échapper un grincement ; Un grincement qui aurait dû être un rire, mais qui n’était qu’un grondement. Il cesse de rire, Il cesse d’applaudir, mais ne cesse pas ses simagrées. Il reprend sa petite marche, sa petite visite, le pas bondissant, sans plus lui accorder un regard. Comme si la réponse qu’Elle allait lui donner ne lui importait pas.
« J’en pense que tu n’as pas assez d’âme pour cela. »
Surprennament, ça lui arrache Son sourire. Il se tourne vers Elle, avec ce regard aussi vide que plat. Le vide dans l’expression. Comme si son visage était un masque qu’Il attachait à cette hideuse créature écarlate qu’il était devenu. C’est sûrement le cas, quand Elle y pense.
« Parce que toi, tu en as une, d’âme ? »
Elle sert les poings. Ce ne sont pas ceux de son enveloppe corporelle. Ce n’est qu’une simulation. La douleur de ses ongles s’enfonçant dans la paume de ses mains n’est pas réelle, et c’est terriblement évident. Elle sent son sang-froid qui lui échappe. Elle n’a jamais su être composée, face à lui. Face à ce regard impassible qui la scrute, comme un scientifique décortiquant une créature étrange.
« J’en ai une. J’en avais une. Tu me l’as arrachée. »
Elle s’attend à ce qu’Il reprenne son affreux sourire. Il ne le fait pas. Le sol crépite, une nouvelle fois, de rouge. Il lui semble que les particules tentent de l’attaquer. Comme cette fois où elles avaient enflammé sa robe, brûler sa chaire.
« Si seulement. Nous savons tout deux que je n’ai pas ce pouvoir. Pas encore, du moins. »
Il s’approche, de nouveau, d’Elle. Ne s’arrête qu’à quelque pas. Suffisamment près pour qu’Elle puisse, en tendant le bras, effleurer l’illusion de son visage, de sa barbe, de ses cheveux, de ses vêtements. Il l’observe, et Elle pourrait presque croire qu’Il la contemple. Elle sait qu’Il ne l’a pas contemplée depuis des siècles.
« Tu l’avais. Je t’aimais. »
Il détourne le regard. Il émet un petit bruit narquois, une sorte de cliquetis des tréfonds de sa gorge. Elle sait qu’Il se moque d’Elle. De sa naïveté. Il lui semble le savoir, tout du moins. Lorsqu’Il la fixe de nouveau, les iris de ses yeux sont incandescentes. Elles semblent brûler dans ses orbites. Elle ne sait pas ce que cela peut bien signifier.
« Non, tu ne m’aimais pas. »
Elle fronce les sourcils. Pendant quelques secondes, Elle perd les mots dont Elle est constituée ; ça Lui laisse le temps de reprendre, de continuer son absurde accusation, sur un petit geste évasif et dédaigneux de la main gauche.
« Tu aimais l’idée que tu avais de moi. »
Ses poings sont si crispés qu’Elle sait qu’Elle aurait dû en saigner. Elle ne saigne pas. Parce qu’Elle n’est plus aussi vivante qu’avant. Elle voudrait lever la main, le gifler, le griffer, lui arracher les cheveux, ces yeux qu’Il avait autrefois si beaux.
« Tu n’as jamais été une idée. »
« Je le suis, maintenant. »
Et, cette fois, Il sourit. Bien sûr qu’Il sourit. Avec ce sang immortel qui coule dans ses veines, avec ce brouillard vermeil qui le suit comme une ombre, avec ce regard et cette courbe de ses lèvres d’un autre monde. Il repousse l’une de ses mèches derrière son oreille, d’un geste délibérément long, tranquille, dramatique. Il s’avance d’un nouveau pas, et Elle peut sentit la chaleur douloureuse qu’irradie sa présence.
« Je suis l’idée que les humains se font de l’immortalité. Je suis la soif de pouvoir et l’ambition à son paroxysme. Tu as fait de moi une pensée, tu as fait de moi une allégorie, chérie. Un dieu. Et tu le sais. »
Il y a des accents de folie, dans les mots qu’Il prononce. Peut-être n’est-ce que le fruit de l’écho cerise qui double ses propos. Elle ne le sait pas, et Elle ne veut pas le savoir. Son sourire est trop large, même Elle peut voir qu’il est faux. Peut voir qu’il est forcé. Elle ne sait plus si le masque est son visage ou ce sourire qu’Il y plaque.
« Mais ce n’était pas l’idée que tu avais de moi. Non. Je te parle de celle que tu avais, tout au début, petite déesse. L’idée de l’humain, de l’homme. L’idée que tu te faisais… eh bien, justement, comme tu le dis si bien, de l’amour. »
Il dit ça d’un ton qui dégouline de sarcasme, de moquerie. Il y a certainement autre chose, sous toute cette poudre aux yeux. Une rancœur. Peut-être une blessure. Elle s’en moque. Si cette blessure était là, Elle voudrait pouvoir l’ouvrir à coup d’ongle.
L’expression qu’Il aborde est presque désolée, à présent. Moqueusement compatissante. Ses yeux sont larges, ses yeux sont rouges, et Elle refuse de croire qu’ils semblent humides.
« Ce n’est pas contre toi. Je crois que, vous autre, vous ne pouvez appréhender les choses que par l’idée que vous en avez. Tu avais ton idée de l’humain, tu l’as plaquée sur moi. Tu ne me voyais pas, tu me pensais. Jusqu’à ce que cette idée devienne trop aberrante pour le modèle sur lequel tu l’avais placardé. Et là… »
Il se penche en avant. Elle peut sentir son haleine. Elle peut voir la haine qui scintille au fond de ses prunelles. Une haine aussi bouillante que cette insupportable chaleur qui brûle ce sol qui n’existe pas sous ses pieds.
« Tu m’as jeté comme un vieux jouet dont tu te serais lassée. »
Il n’ajoute rien. Il la fixe, près, si près d’Elle, comme s’Il brûlait de la mordre, de l’étrangler, de l’attaquer. Un fauve prêt à fondre sur sa proie. Et Elle tremble. Non pas de peur, mais de colère. De rage, Elle aussi. Ils sont similaires, à ce niveau. Similaires par leur rage.
« Ne te cherche pas d’excuses. Tu m’as menti. Tu t’es joué de moi. Tu t’es servi de moi pour parvenir à tes fins. Tu mérites ce qui t’es arrivé. »
« Le simple fait que j’ai pu me jouer de toi suffit à prouver mon point. Tu es faible, et pitoyable. Une déesse qui se fait flouée par un mortel. »
Ils se toisent, une nouvelle fois. La tension emplie le Noir, comme un océan qui les prend à la gorge, les empêchent de respirer. Les regards crépitent de bleu et de rouge. Les expressions sont mortellement sérieuses.
Et puis, sans qu’Elle n’ait pu faire quoique ce soit pour s’y préparer, il reprend. Il reprend, avec une phrase qu’Elle ne pensait jamais entendre de sa part.
« Moi aussi, j’aimais l’idée que j’avais de toi. »
Il dit ça, et Il se redresse. Il joue avec les manches de son long manteau vieilli par les années. Son vieux manteau d’agriculteur, de paysan. Il la toise, un sourcil haussé, l’air presque pensif. Ça ne suffit pas à atténuer l’éclat malsain de son regard.
« La déesse toute de bleue vêtue, surgie de nulle part dans un tourbillon de poussière azur. La preuve d’un autre monde, d’un autre chose plus grand et plus beau que tout rêve aurait pu l’imaginer. Un endroit où s’épanouirait la pensée, la réflexion, plutôt que le labeur abrutissant et les querelles futiles. Quelle idée ce fut. Et quelle déception que de constater que tu n’étais, sommes toutes, rien de plus qu’une femme naïve qui promettait des choses qu’elle n’était pas capable d’offrir. »
Il y a quelque chose, en Elle, qui s’enflamme, et qui se brise un peu plus.  Etrange ; voilà bien longtemps qu’Elle se croyait totalement détruite. Il tente de se détourner, de reprendre sa ronde ; pour la première fois, Elle s’avance, à son tour, et lui coupe la route.
« J’ai tenue ma promesse. Je t’ai offert ta fichue immortalité. »
Elle lui crache ça au visage. Il s’arrête, penche la tête sur le côté. La considère. Narquoisement. Moqueusement. Pensivement. Douloureusement. Elle ne saurait le dire. Elle est incapable de ce convaincre, cette fois-ci, qu’Elle n’aimerait pas le savoir.
« C’est vrai. »
Le ton est plat. Comme l’acceptation d’un fait qu’Ils connaissaient tout deux. Ils se fixent. Elle attend. Elle refuse d’admettre que son cœur s’est remis à tambouriner, dans sa poitrine, dans l’attente de ce qu’Il allait ajouter. Il n’ajoute rien. Il a l’air d’attendre, lui aussi. Elle finit par le comprendre ; et, du même coup, Elle comprend ce qu4il attend, précisément. Il attend la question. La fatale question qui l’avait tourmentée tous ces siècles, et qu’Elle n’avait jamais vraiment eu l’occasion de lui poser.
« Pourquoi, alors ? »
La lueur qui s’allume au fond de la cerise est indescriptible. Comme un éclat de souffrance, comme une éruption de haine, une explosion de rancœur et de peine. Pendant un instant, il lui semble presque, à Elle, que ces yeux-là ont repris leur véritable teinte. Un étrange chocolat, presque caramel, où surgissaient des pointes de vert.
Et puis, Il lève les bras, et la repousse aussi brutalement que le permettait de faire leur Inconsistance, leur Inexistence.
« Pourquoi ? »
C’est Lui qui crache, maintenant. Plein de fiel et de haine et de rage et de rancœur. C’est venimeux, c’est acide, et ça lui brûle la chaire, ça lui brûle le cœur.
« C’est toi qui m’as rejeté. C’est toi qui m’as éjecté. C’est toi qui m’as renvoyé dans ce monde ridicule de terre et de boue. C’est toi qui m’as jeté dans ce passage si mauvais, absurde, perclus des pensées d’un ignare. C’est toi qui as déchiré ce que j’étais, qui a brisé ce qui restait encore en moi pour t’admirer. Tu n’as même pas cherché à m’écouter, ni même à parler. Ton idée s’est brisée, et tu m’as délaissé sans un regard en arrière. »
Les mots font mal. Il le sait. Il les martèle, comme des coups de marteau, de fouet, de couteau. Il lacère cette peau qu’Elle n’a pas, semble chercher dans ses entrailles à la recherche des cendres de son cœur. Pour les lui arracher, peut-être. Achever de les disperser au vent.
Il essaye de la saisir par les épaules. Comme pour la secouer, ou la broyer sous ses mains. Mais Il n’en a pas vraiment, de mains. Et Elle n’a pas vraiment d’épaules. Ses yeux sont fous, et Elle ne peut pas ignorer qu’Il sanglote, à moitié, sous l’amertume et la rage.
« Nous aurions où gouverner tous les mondes. Toi et moi. Deux dieux supérieurs à tout. Je t’aurais appris la grandeur et l’ambition, tu m’aurais appris l’inconstant et le pensé. Nous aurions pu régner en maîtres, ensemble. Et ça m’aurait convenu. »
Il a l’air sincère. Elle sait qu’Il l’est. Le regard est trop hagard, l’attitude trop effritée. Elle n’est pas sûre que ça puisse y changer quoique ce soit. Elle sait pourquoi Elle a fait le choix qu’Elle a fait. Et Elle sait qu’Elle ne pourra jamais revenir dessus. Parce que c’était la seule chose à faire.
« Non, ça ne t’aurait pas convenu ? Tu es insatiable. Tôt ou tard, tu aurais voulu plus. »
« Alors, tu aurais pu m’apprendre. Me contenir. Tu aurais pu m’aider à faire taire l’ambition. »
« Rien n’aurait pu la faire taire. »
« Comment peux-tu le savoir, si tu n’as jamais essayé ? »
Est-ce une supplique qu’Elle voit, dans ses yeux ? Peut-être. Sans doute. Elle ne veut pas la voir. Ça réveille quelque chose d’étrange, en Elle. Un dégoût. De la compassion. Les deux à la fois. Et Il s’approche, Il cesse d’essayer de saisir ses épaules. Il plante son regard dans le sien, et Il cherche, Il fouille, comme désespéré d’y trouver quelques choses. Sa voix est presque un murmure. Elle se serait noyée dans l’air libre ; ici, dans le Rien, elle résonne, elle hurle presque, parce qu’Il a besoin qu’Elle l’entende.
« Fais taire l’ambition. Je t’en prie. »
La cerise vacille. Une seconde, une demi-seconde. C’est trop. C’est trop peu. Elle tourne la tête. Elle ne veut plus avoir à Le voir, comme ça. Trop humain. C’est plus facile de haïr le monstre qu’Il est devenu. C’est plus facile, lorsqu’Elle ne le voit pas, de rejeter, d’écraser cette stupide petite supplique qu’Il ose poser à ses pieds.
« Tu as tué tant de mes enfants. »
Elle n’a pas besoin de le voir pour savoir qu’Il se referme, qu’Il se renfrogne, qu’Il éclabousse son environnement de cerise. Elle sent et palpe la haine qui resurgit, aussi vite qu’elle était partie. Il bouge, à son tour, pour se planter face à Elle, La forcer à Lui faire face.
« Tes enfants, je les hais, déesse. Ils représentent tout ce qui est faible chez toi. Tout ce que tu as préféré à moi. Ce pouvoir et cette omniprésence que je n’aurais pas. Et je te jure, je te jure sur tout ce qui importe pour moi, si tant est qu’une telle chose puisse exister, que je ne m’arrêterais jamais. Pas avant qu’ils soient tous exterminés. Pas avant qu’il ne reste, dans ce monde qui est le tien et qui tu m’as refusé, qu’un amas de cendre et de flamme semblable à cette clairière que tu aimais tant. Qu’un ramassis de spectres et de morts sur mon chemin. Après quoi, je reviendrais à toi, et je brûlerais la moindre de tes branches, la moindre de tes racines. Je serais le seul dieu de ce monde, de tout les autres. Et tu sauras, dans cette tombe où je t’aurais jeté, dans ce gouffre d’oubli où tu seras tombée, que tout cela sera arrivé parce que tu n’as pas saisi ta chance. »
Il crache, Il fulmine, Il assène, en tout point le monstre qu’Elle sait qu’Il est devenu. Les yeux grands ouverts, l’expression malveillante, la peau couverte d’arabesque qui ne cesse de s’étendre et de déchirer sur leurs passages. Il crépite, Il hurle presque, parce qu’Il veut qu’Elle entende le moindre de ses mots. Il veut que les syllabes La blessent, se plongent en Elle jusqu’à ce qu’elles deviennent une part entière de ce qu’Elle est. Il veut que la menace la marque, comme un bétail promis à l’abattoir. C’est sa vengeance. Les prémices, tout du moins.
Et Il est terrifiant. L’humain dégoulinant du carmin de son sang mortel rendu divin par une langue trop naïve. Il brûle et avale le Rien. Il implose et explose en lui-même. Il est terrifiant. Mais, au fond, il n’est qu’humain.
Et Elle a la main mise.
C’est tout ce qu’il lui faut pour qu’Elle se reprenne. Qu’Elle surpasse l’angoisse, la peur, la peine qui l’enserre et l’empêche de respirer. Tout ce qu’il faut pour qu’Elle referme, sans sommation, la porte qu’Elle lui a ouverte.
Il s’effrite, devant Elle. Petit bout par petit bout. Il rejoint l’immatérialité de l’endroit où Il se trouvait, jusqu’alors. De l’endroit, de l’esprit où Il s’échinait à susurrer ses horreurs. De l’esprit où Il creusait, comme un ver, à la recherche des failles à faire pourrir. Petit bout par petit bout. Le regard qu’il lui lance scintille de trahison, de la frénésie de sa folie. Comme s’Il ne s’était pas attendu à être congédié si facilement. Il aurait dû, s’y attendre. Parce qu’Elle est une idée, Elle est une langue. Et Il n’est qu’un humain. Un pitoyable petit humain, qui s’acharne, qui s’acharne, et qu’Elle a un jour trop aimé. Un jour. Parce qu’Elle se refuse de chercher à comprendre la nature des émotions qui lui enserrent le cœur.
Il n’est plus qu’une tête, plus qu’un regard, lorsqu’enfin, quelques secondes avant sa complète disparition, elle lui répond. Une réponse très froide. Placide. Solennel. Presque une promesse, quand on y pensait.
« Je t’attendrais. »
FIN
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fillesmissiles · 4 years ago
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TU T’EN CRISSES-TU DES VIEUX EN CHSLD? - Lorena B. Mugica
Collecte d’histoires d’une wannabe préposée aux bénéficiaires (juin - août 2020)
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Horaire
07h00 Prendre le rapport, lire son plan de travail et signer le cahier de présence
08h00 Poursuivre les toilettes et les bains
08h10 Distribuer les cabarets dans l’aile C
08h15 Faire manger (249 et aide partielle 2244)
09h30 à 09h45 PAUSE
11h00 Vider les poubelles et les désinfecter avec le virox + remplir les chariots.
12h30 Tournée après le dîner
        1  - Amener à la toilette et sieste selon chaque résident :
             2241, 2243, 2244,   2245, 2246, 2247, 2248, 2249, 2250, 2251, 2252.
       2 - Installé pour la sieste : 2261
       3 - Lever : 2264
13h45 à 14h PAUSE
14h00 Lever résident de leur sieste et passer la collation.
14h15 Réunion d’équipe avec l’infirmière.
14h45 Inscrire les selles et aviser l’inf. si suppositoire pour le lendemain
14h59 DÉPART
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Monsieur B. a un vieux cahier rouge et usé dans lequel il inscrit tous les prénoms des gens qu’il rencontre.
-       Boonnn…jouuur…Votre nom… à vouuuus...c’est… quooo…ooiiiii ?
-       Lorena.
-       Looooo…rrrreee….naaaaaa ! Je…l’ai nooo…té. Queeeel…que part.
Quand je viens porter son dîner, monsieur me dit : « Voootre…nooom à… vouuuus… c’est… quoooiiiii ? »
C’est la première fois que je donne un bain. Il me répète : « Vos…cheee…veux. Ils sont. dooorés. Ils re…flètent… leeee… sooooleil ».
Je lui frotte fort le dos : « Aaaaaah… Ouiii ! ».
Je souris. Je me sens importante, privilégiée d’être là avec lui.
***
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Madame S. a 106 ans et une forme physique plus que surprenante. Elle est complètement sourde. On me prévient qu’elle peut avoir un comportement agressif, «surtout au réveil». Autrement dit, quand on suit l’horaire : on la réveille à 7h30 pour l’asseoir pour le déjeuner qu’on sert à 8h. Je comprends qu’elle soit agressive, elle n’entend pas ce qu’on fait ou ce qu’on dit. C’est normal que tout la prenne par surprise si elle n’a pas de contact visuel ! Sans oublier le port du masque qui l’empêche de lire sur nos lèvres. Quand elle ne nous comprend pas, elle soupire d’exaspération et tourne la tête. Elle a encore de très bons yeux, c’est donc par écrit que je communique avec elle quand les gestes sont incompris.
Mon truc pour la lever du lit le matin c’est de lui flatter un peu les cheveux et de lui faire des petits clins d'œil. On se prend à deux, on lève la tête du lit puis, chacune assise à ses côtés, on lui gratte le dos. Elle adore et elle fait toujours des « Aaah ouui! ». Ça me fait vraiment rire. J’adore la réveiller. Un autre jour, je passe devant la chambre de madame S. Comme à l’habitude, je vois une chaîne de grattage de dos entre madame S. et deux collègues préposées.
Étant sourde, quand elle parle, elle parle fort. Dans la salle commune, alors que tout le monde est réuni pour un meeting de 10 minutes, madame S. crie à sa voisine de fauteuil : « T’AS TU VU ÇA, SA JUPE ? C’EST INDÉCENT ! ».
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Madame I. passe ses journées les yeux fermés. Elle répond à son nom, mais il faut répéter souvent. Quand on dit son nom, elle entrouvre un peu les yeux à chaque fois.
-    Irène ?
-    Quoi ?
Silence.
-       Irène ?
-       Quoi ?
-       Est-ce qu’on a fini ?
-       …
-       Madame ?
-       …
-       Madame ?
-       QUOI ?
 Elle a les yeux grands ouverts et me regarde fixement.
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Jour 1 en CHSLD
Je me sens à ma place.
Première rencontre d’intervention.
J’ai peigné des cheveux.
***
Au moment de lui servir le dîner, une résidente (née en 1932) me dit d’une voix rauque : « C’est pas drôle vieillir… Ça se peux-tu ».
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À la fin de notre première semaine de formation, l’autre préposée et moi allons dire au revoir aux résident-es. Pour madame S., j’écris sur un bout de papier : « À vendredi ».
Elle nous envoie des becs soufflés et nous répète « À vendredi ! ». Madame M., nous dit un timide et rauque « À vendredi… ». Monsieur B. s’exclame « Jeee vouuuus… aiiiiime !!! ».
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Il y a trois ailes : le résident-es permanents-es (A), une aile fermée (B) et celle où je suis attitrée (C), les lits psychosociaux. Ce sont des chambres pour des résident-es de passage en attente d’une place en résidence ou en CHSLD. Lorsqu’il y a des nouveaux et des nouvelles, à cause de la covid, iels doivent faire deux semaines d’isolement, c’est-à-dire sans sortir de leur chambre.
Jour 3 en CHSLD
Madame C. fait des allers-retours avec sa marchette, sacoche sur la poignée. Il ne faut JA-MAIS toucher à la sacoche. Madame C. répète : « C’est y’ousse que j’vais ? ».
Dans sa sacoche, des trésors. Ses trésors. Elle garde précieusement les papiers pliés en quatre. Les papiers, ce sont ceux qui sont déposés sur les cabarets qui indiquent le menu et la consistance des repas. Les papiers en question détaillent les repas, mais le plus important : la texture. Beaucoup sont aphasiques. L’aphasie est un problème de langage dont les conséquences sont multiples et qui affecte la faculté de parler et provoque des problèmes de déglutition (pour essayer de comprendre ce que ça fait, mets une guimauve dans ta bouche et essaye de boire de l’eau). Les résident-es aphasiques ont dans leur cabaret des toasts ou du poulet sauce brune en purée.
Quand madame C. s’assoit, elle déplie les papiers délicatement, les ausculte avec beaucoup d’attention à cinq centimètres de son visage en se grattant le menton.
-       C’est à quelle heure l’heure du dîner ?
-       On a déjà dîné.   
-       Ah bin ! Vous m’avez oubliée, j’ai pas diné moi. Pouvez-vous me dire à quelle heure on mange ?
-       Le souper est vers 4h30-5h.
-       Et là, il est quelle heure ?
-       2h.
-       Mon dieu que le temps passe pas vite… Pis vous la voyez où l’heure ?
-       Sur l’horloge juste ici.
-       Ah ! Bin oui ! On oublie hein, c’est tannant. Excusez-moi. J’ai peur de vous déranger.
Une minute plus tard : « Pouvez-vous me dire yé quelle heure ? ».
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Deuxième semaine en CHSLD
Première rencontre avec madame G. Elle est très petite, genre 4’7’’.
Ses yeux sont énormes, agrandis par les verres de ses lunettes, les pommettes bien rondes et des cheveux blancs au brushing s’allongeant jusqu’au plafond. Son visage minuscule semble magnifié par un dentier qui la rend étrange et superbe à la fois.
Ce jour-là, au moment de faire sa toilette, elle me dit : « J’ai 95 ans moi et mon doux, je souhaite à personne de se rendre à cet âge-là ! ».
Elle rit.
Je ris avec elle.
***
Le cahier des selles c’est la Bible du CHSLD. À chaque quart de travail, on doit inscrire la consistance du caca des résident-es : petite, moyenne, grosse, dure, liquide, p’tites boules… Après deux jours sans caca, c’est le suppositoire.
C’est toujours à ce moment que madame R. vient nous décrire ses selles et explique de long en large ce qui se passe dans ses intestins : « Ce matin, j’suis allée aux toilettes, pis y’a rien qui’a sorti. Mais bon, après le petit déjeuner, par contre, là, j’en ai fait une petite de même ! J’sais pas ce qui se passe, ça fait une journée que j’ai pas fait de la toilette. La dernière fois par contre, c’était une grosse molle … »
Si on ne l’arrête pas, la description continue. Elle n’est pas la seule, ça parle beaucoup et souvent de caca en CHSLD.
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Monsieur E. porte un collier cervical suite à une chute. Je lui fais sa toilette basse (la toilette basse, c’est après un pipi/caca, laver avec une guenille humide et savonneuse puis sécher). Pour essuyer son pénis, je pousse la petite peau vers l’arrière. Avec un pénis mou, c’est pas si facile ! Il me dit en riant : « Arrêtez ça, vous allez le réveiller ! » Monsieur E. a 94 ans.
Comme sujet de conversation, il y a le caca, mais aussi les érections de vieux parce que oui, étant donné leur âge, c’est toujours surprenant !
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***
Aux chaises berçantes à l’intersection des couloirs, madame C. :
« Pouvez-vous bin m’dire POURQUOI BIN, on me lève, pour me laisser ICI, dans le COULOIR ?! Pouvez-vous bin m’dire c’que j’fais ici? C’est pas ma maison ici ! C’est quand est-ce que bin don’ j’vais pouvoir sortir ?
C’est par où qu’on sort ? ».
Alors que madame C. continue à être fâchée et ne pas comprendre ce qu’elle fait ici, l’infirmière répond :
-    À 10h vous allez pouvoir sortir !
-    Bon. Il est quelle heure-là ?
-    C’est bientôt l’heure. Regardez l’horloge est juste là !
-    Ah bon ok. Et mon mari ?
-    Il va venir cet après-midi.
-    Bon. Ok. Merci.
Je vais voir l’infirmière et lui demande :
-       Il va vraiment venir son mari ?
-       Bin non. Il est mort.
Je réalise qu’avec une mémoire d’environ 4 minutes, c’est un mensonge qui ne lui fait pas de mal.
***
Seule avec madame J., normalement souriante dès le réveil, ses petits yeux bleus portent un regard confus et troublé.
-       Bonjour madame, je viens faire votre toilette basse.
-       Ah oui ? Ah bon, ok. Mais, mais… Est-ce que je peux vous poser une question ?
-       Oui ?
-       Bin… C’est que… Pouvez-vous me dire ce que je fais ici ? Je ne comprends pas ce que je fais ici… Je comprends que je ne suis pas ici pour travailler… Pouvez-vous m’expliquer ?
J’ai mal dans mon cœur. J’ai une grosse boule parce que je sais ce que je dois lui répondre, parce que j’ai entendu une autre préposée lui dire.
-       Je suis désolée de vous le dire, mais vous êtes ici parce que vous êtes atteinte de la maladie d’Alzheimer. Vous êtes ici pour qu’on s’occupe de vous.
-       Et ça fait longtemps que je suis ici ?
-       Oui, ça fait quelques mois déjà. On prend soin de vous.
Quelques jours plus tôt, c’est elle-même, madame J. qui m’explique qu’elle est atteinte d’Alzheimer : « C’est que des fois j’oublie. ». Elle comprend sa maladie jusqu’au moment où elle oublie qu’elle oublie. Quand ça arrive, elle devient anxieuse, inquiète, confuse et triste : « C’est ça qui est tannant, c’est que j’sais pu… J’sais pu quoi, qui… ». Lorsque je repasse devant sa chambre, elle discute avec une infirmière. Madame J. sort de sa chambre, les yeux gonflés, renifle. Elle s’excuse. Elle m’explique qu’elle est atteinte d’Alzheimer.
-       Voulez-vous un câlin ?
-       Oui.
On se donne un gros colleux. Elle pleure et moi aussi, j’ai les yeux pleins d’eau. Je lui propose de se mettre belle pour lui remonter le moral. Ensemble, bras dessus, bras dessous, on fait demi-tour vers sa chambre pour se mettre du rouge à lèvre rose.
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Quand on arrive pour la lever du lit, un matin, madame M. nous regarde, couchée, la corde de la cloche d’appel autour du cou. Quand je m’en rends compte, elle tourne lentement la tête vers moi et me regarde de ses yeux tristes. Ça me pince en-dedans. Je me dis que ce n’est certainement pas ici qu’elle va (re)trouver le goût à la vie. Posée dans son fauteuil, devant son mur blanc brillant et vide. Plus tard dans la journée, l’infirmière affirme que madame M. semble avoir renoncé à la vie et qu’il faut la surveiller. On change la cloche d’appel par une clochette comme celle au restaurant.
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Madame I. fait la sieste l’après-midi avec de la musique classique. Elle tape du pied, les yeux fermés et des fois elle fredonne. Alors que je mets la musique lors de sa sieste d’après-midi, une collègue préposée me dit : « Baisse le volume un peu, j'haïs assez ça la musique classique ! ».
Une autre fois, madame I. est assise dans son fauteuil. Dans sa chambre, il y a beaucoup de photos. C’est l’une des rares chambres décorées qui porte les traces d’un passé vivant et rempli d’amour. Il y a quelques photos d’elle et de son mari. Ils ont l’air follement amoureux, ils s’embrassent. Je lui montre et lui demande :
-       Les reconnaissez-vous ?
Elle regarde longuement. Elle ne dit rien, prend la photo dans ses mains et regarde de près. De sa toute petite voix, elle me répond : « Non ».
Et elle ricane. J’ajoute : « Oui sont beaux, hen ? Ils ont l’air amoureux ».
Elle ricane encore, sourit de ses quatre dents et hoche légèrement la tête pour dire oui.
***
Monsieur B., atteint d’Alzheimer, lui qui écrit les prénoms dans son cahier rouge, me dit : « Maaaa… femmmmme. Laaaa maaa…laaaa..diiiie... Ca me faiiit…. de la peiiiii…ine qu’ellllll….e m'aaaa… ouuuuu…bliiiié… quuuue je laaa… retrouuuuveraiiiii… paaaas. ».
À sa dernière journée en résidence, on se dit au revoir : « Ça vaaaa quaaand…. je voooiiis vos yeuuuux. J’aiiiime vos yeuuux, je ne vous ou…blie….rai… jamaiiiiiis! ». 
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Sortir dehors voir les fleurs avec madame S., la madame sourde. On regarde les fleurs dans les pots de l’entrée bétonnée de l’hôpital. On s’émeut ensemble d’une fleur qui est douce comme le velours.
Semaine 3 en CHSLD
Madame R., qui vient me prendre la main pour marcher un peu, me demande : « Il est où Robert ? » pour la énième fois de la journée.
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Dans une chambre, un ballon de fête de 93 ans.
Je pense à voix haute (naïvement) :
-       C’était sa fête récemment ?
-       Ça ? Oh non ! Ça fait longtemps !
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Ma dernière journée en CHSLD
12h44. J’attends l’appel de ma docteure. Le téléphone sonne. Je réponds. Je lui dis que je dois arrêter, que j’ai besoin que quelqu’un me dise d’arrêter parce que je suis épuisée, à bout, faible et que je n’arrive pas à m’arrêter moi-même. Je ne dors plus, je pleure souvent, je bois pour me calmer parce que la vie est too much. Je reçois un diagnostic de trouble anxio-dépressif. La docteure me dit que je suis « en burn out ». Elle me rédige un billet d’arrêt de travail et me prescrit des antidépresseurs. Elle m’explique que mon cerveau est malade et que je dois prendre soin de moi avant de m’occuper des autres.
Je reviens au travail après mon appel. Je tiens à faire de cette dernière journée un beau souvenir. Je décide que je vais mettre du vernis à ongle à ma madame préférée, madame S., la madame sourde de 106 ans. Cette journée-là, elle porte un chandail rouge vif.
Je vais la voir et lui propose avec des gestes de lui mettre du vernis à ongle : « Non, oh non ! Non, non, non… ».
Je reviens avec des vernis. J’ai choisi plusieurs couleurs : bleu, argent et, of course, le rouge. Rouge Noël comme son chandail. J’attends sa réaction. Elle se cache les yeux, tourne la tête. Puis tranquillement, tend le bras et choisit le rouge. Elle me regarde à nouveau, roule les yeux, sourire en coin. Je veux lui faire plaisir, la faire briller, cette femme de 106 ans que je trouve tellement belle. Je veux lui faire sentir qu’elle est spéciale pour moi.
C’est sur mon temps de pause que je lui mets le vernis rouge. Il n’y a presque personne sur l’étage, c’est notre tête à tête. Je lui fais les ongles lentement, elle me regarde les yeux brillants, la bouche entrouverte :
-       Oh mon dieu ! Ça fait tellement longtemps ! Avant, j’en portais tout le temps !
Quand j’ai fini, je m’en mets sur le pouce. Pour elle, pour moi, pour me souvenir.
Je suis partie sans dire bye. Le cœur gros, mais sans regarder derrière, avec le sentiment d’avoir pris les meilleures décisions, autant en commençant, qu’en arrêtant.
Aucun regret, ongle rouge à l’appui.
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alexar60 · 4 years ago
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Hurlements
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Le cri me réveilla brutalement ! Je sortis du lit et ouvris les volets afin de voir ce qui pouvait être à l’origine d’un tel hurlement. Dehors, tout était calme dans la rue déserte jusqu’à ce qu’une porte puis une seconde ne s’ouvrent. Les voisins avaient aussi entendu ce cri terrifiant.
L’un d’eux, apercevant ma présence à la fenêtre, demanda si j’avais vu quelque-chose. Je répondis par un « non, désolé ». Dès lors, je retournai me coucher en m’interrogeant sur ce qui a bien pu hurler comme ça.
Le lendemain, en rentrant du travail, je surpris une discussion entre voisins. Ils m’invitèrent à participer et posèrent des questions sur ce que je savais. En fait, ils en savaient plus que moi. C’était un chien enragé car il tua sauvagement un chevreuil trouvé dans un bosquet à la sortie de la rue. Je n’y croyais pas ! Un chien seul serait capable de faire cela ? La discussion s’anima entre ceux qui y croyaient et ceux qui adhéraient à une autre hypothèse. En fait, tout le monde ne voulait pas accepter une possible réalité : celle d’un loup rodant autour de chez nous.
Même s’ils ont été aperçus à cent kilomètres de notre ville, il était difficile de croire à leur retour parmi nous. Cependant, les sceptiques et les crédules se quittèrent avec un air à la fois interrogateur et effrayé. Pour les uns, le loup ne s’attaquera jamais à l’homme, pour les autres, il est un réel danger. Je rentrai chez moi et comme d’habitude, je m’affalai devant la télévision après avoir préparé un plateau-repas. Je regardai quelques séries animées diffusées sur une chaine payante.
Peu après minuit, un hurlement me fit sursauter. Cette fois-ci, la bête était tout près… Dans le jardin, derrière ou dans celui du voisin. Je levai les volets roulants du salon. Le jardin semblait calme et silencieux. J’avançai la tête, gêné par le reflet de la lumière sur le carreau, j’éteignis. Dès lors, je fus saisi d’effroi en découvrant deux petites lumières jaunes. Au fond du jardin, deux yeux me fixaient. Je n’osai pas bouger bien que je fusse en sécurité dans ma demeure. J’entendis quelques personnes parler dans la rue. Cependant, elles ne voyaient pas le regard de cet animal dans la nuit noire. Les voisins rentrèrent chez eux. Pendant ce temps, les yeux s’avancèrent lentement dans ma direction.
Petit-à-petit, je pus détailler une silhouette de canidé. Il était grand fort aux muscles puissants. Il ressemblait à un berger-allemand si ce n’est une pilosité plus touffue autour de la gueule. De même, ses oreilles étaient plus courtes. Sans faire de jeu de mot, il marcha à pas de loup jusqu’à la vitre. Son pelage noir le camouflait entièrement dans la nuit. Sans me quitter du regard, il fit un tour sur lui-même et s’arrêta net. Je frémis en réalisant qu’il y avait quelque-chose d’effrayant dans son regard, dans la forme de son visage. Il avait un aspect humain.
Le loup resta cinq minutes interminables à me dévisager. Je n’osai pas bouger, espérant qu’il ne m’ait pas vu. Il aurait pu défoncer la porte-fenêtre sans problème. Je restai immobile. Les jambes tremblantes, la respiration retenue, le cœur emballé traversant mes veines comme un tambour. Je n’osai pas déglutir car même si je considérai le loup comme un animal inoffensif, celui-ci me glaçait le sang.
Sans prévenir, il fit demi-tour en courant après avoir humé le vent. Je le vis courir en grognant puis disparaitre dans l’obscurité totale du jardin. Je refermai le volet et pris mon temps avant de me coucher. Deux heures plus tard, j’entendis un grognement dans la rue. Persuadé qu’il revenait pour moi, je me barricadais dans la chambre et attendis le lever du jour pour en ressortir. Je n’avais jamais pensé me retrouver dans cette situation face à un loup. J’imaginai cela plus amical. On garderait nos distances, on s’observerait et puis, il partirait dans son coin et moi dans le mien. Je ne pensais pas en voir dans le quartier encore moins dans mon propre jardin.
Le lendemain, des voisins étaient déjà dehors quand je sortis pour aller travailler. Ils n’avaient pas un comportement habituel. Ils discutaient entre eux, tournant la tête en direction d’une maison. En fait, je compris qu’il s’agissait plutôt de la voiture. Juste derrière, il y avait la moitié d’un chevreuil, les pattes-avant, la tête et un morceau de la colonne vertébrale. Le reste n’était pas là. La pauvre bête tirait la langue. Ses yeux encore ouverts n’avaient rien de la magnifique biche qu’on dépeint tant. Une voiture de gendarmerie se gara. J’eus le temps de donner mon témoignage avant de partir.
Dès qu’il apprit pour le loup, mon cousin appela pour avoir des précisions. Il était journaliste de métier. Ainsi, il m’attendit devant chez moi afin de prendre des photos et mieux voir par où l’animal était passé. La terre étant suffisamment molle, nous pûmes retrouver quelques traces dans le jardin. Ainsi, elles confirmèrent mes dires ; le loup était bien venu jusque sur la terrasse puis il est reparti. Alors, mon cousin fit de même. Il enjamba la clôture et suivit les traces de pas en sens inverse. En découvrant l’une d’elle superbement bien détaillée, il siffla exprimant que le loup devait être immense. Nous continuâmes à remonter la piste.
Soudain, nous nous arrêtâmes perturbés par ce que nous venions de voir. Les traces les plus anciennes se transformaient terriblement. Les pattes de loups laissèrent place à des traces de pieds humains. Il y avait quelque-chose de crispant et d’angoissant à réaliser qu’il pouvait s’agir de la même personne, elles se chevauchaient tellement bien. Malgré la peur, je suivis mon cousin dont la curiosité professionnelle poussait à en savoir plus. Il s’arrêtait de temps en temps afin de bien voir le sol. Il montra à plusieurs reprises des empreintes partielles de pieds puis, il arriva à une barrière qui séparait le champ dans lequel nous étions à une maison.
Je ne connaissais pas les propriétaires. Dès lors, je refusais à mon cousin de continuer. Il persista. Néanmoins, en voyant un homme sortir de la maison et s’approcher de nous, il resta sur place attendant l’approche du quidam pour l’interroger. Ce dernier, après un salut de politesse, demanda ce que nous faisions à côté de chez lui. Mon cousin répondit avoir perdu son chien et les traces amenaient jusqu’ici. Il nous écouta, avoua ne pas avoir remarqué de chien errant puis il accepta de nous laisser entrer. Mon cousin suivit les traces de pieds qui semblaient provenir de la maison. « Peut-être que votre femme  ou vos enfant l’ont vu ? » demanda-t-il. L’homme se montra légèrement méfiant. Il regarda le sol, s’agenouilla collant presque le nez pour renifler la terre. Puis il se leva et affirma ne pas voir de traces. Son comportement inquiétant accentua mon stress. Dès lors, j’obligeai mon cousin à retourner chez moi.
Pendant que nous marchions, je sentis le regard de cet homme dans notre dos. Je me retournai et eus l’impression de faire face au visage humain du loup. Il ne souriait pas, son regard me fixait atrocement. Un frisson parcourut mon corps à l’idée qu’il soit un loup-garou.
La nuit qui suivit, je ne fus pas réveillé par un hurlement mais par des grattements sur la porte de mon salon. Je descendis, inquiet par ses bruits insolites. Toutefois, je restai paralysé en découvrant le volet à moitié broyé. Je n’oublierai jamais ce loup qui dépeçait avec une grande facilité les lattes du volet. Ses pattes griffues et puissantes raclaient tout aussi facilement le carreau de la porte-fenêtre. Soudain, le garou s’arrêta en apercevant ma silhouette dans le salon. Il grogna montrant les dents. Puis, il se mit à hurler si violemment que je sentis mes tympans se transpercer. Le monstre me dévisagea de ses yeux jaunes. Je reconnus le même regard que celui de l’homme rencontré en fin d’après-midi. Il habitait une rue voisine et voulut montrer qu’il savait où me trouver.
Brusquement, il tourna la tête et fuit quittant le jardin en se mêlant à la nuit. Un coup de feu retentit, mon voisin l’avait aperçu. Seulement, en découvrant les dégâts sur le volet, il préféra ne pas le prendre en chasse. Je passais le reste de la nuit à espérer ne plus le revoir. Toutefois, il s’approcha à plusieurs reprises de la maison. J’entendis son grognement, ses hurlements me terrorisèrent. Le lendemain, les gendarmes constatèrent la destruction du volet. Cependant, je ne leur parlai ni de l’homme ni de ses traces de pas et encore moins du petit mot trouvé dans la boite aux lettres et déposés en fin de matinée : « Les secrets sont faits pour être gardés. »
Alex@r60 – octobre 2020
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maluron · 4 years ago
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Zombillenium T.5
C'est sans doute de l'histoire ancienne pour les gens ici mais entre le couvre-feu, le surmenage au boulot, la jungle dans mon voisinage, un arrêt-maladie... ça faisait plusieurs mois que je n'avais plus mis les pieds dans une librairie. Avec ma reprise à temps partiel j'en ai enfin pris le temps ! Et.
Jusqu'ici je considérais la série et le film comme des AUs l'un de l'autre. Le tome 4 me semblait un peu embrouillé. Le développement du 5 ? Holy Shit. Là ça envoie du lourd !
Mais je vais vous avouer, dans le futur tome 6, c'est surtout Rose Von Bloodt que je voudrai revoir, même un tout petit peu. Maintenant je vais aller me mettre en PLS, meugler Les Corons façon cornemuse, et pleurer sur Francis.
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