peaudure
Notes féministes et culture Queer
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peaudure · 5 years ago
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La plus belle scĂšne de baiser que j’ai vu au cinĂ© 😭
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Matthias & Maxime (2019) dir. Xavier Dolan
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peaudure · 5 years ago
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119 et ensuite ?
J’ai l’impression qu’avec le confinement il y a cet impensĂ© des combats fĂ©ministes qui surgit enfin : les violences faites aux enfants. Sans doute parce que ça dĂ©borde de partout, ce qui est Ă  la fois horrible et absolument sans surprise.
Je ne jette la pierre ni aux fĂ©ministes, ni aux travailleuses et travailleurs sociaux. On est dĂ©jĂ  sur tant de fronts. Et certaines d’entre nous ont Ă©tĂ© maltraitĂ©es durant leur enfance, elles ont bien intĂ©riorisĂ© le tabou. Sur cela nous nous taisons, sur cela nous ne devons pas gĂȘner les consciences.
Il y a deux jours, le Conseil de l’Europe a alertĂ© les diffĂ©rents États. Le collectif Nous Toutes vient Ă©galement de lancer une campagne de sensibilisation numĂ©rique disant : « En France, un enfant est violĂ© chaque heure. Chaque jour 200 sont maltraitĂ©s, 50 subissent des violences sexuelles. » Je ne sais pas oĂč elles sont allĂ©es chercher leurs chiffres qui, bien que terribles, sont tellement en deçà des rĂ©alitĂ©s. Nous Toutes renvoie vers le 119, vers la seule proposition institutionnelle, autrement dit vers notre impuissance.
VoilĂ  oĂč nous en sommes en ce moment : 119, 3919, 114, Pharos/interieur.gouv.fr
On partage ces messages Ă  dĂ©faut de mieux, mais on sait. Et ça ne fait que creuser notre angoisse. Depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie, qui pour les enfants signifie un enfermement dans la cellule intra-familiale, mes traumas ressurgissent. A force de serrer les mĂąchoires, je fissure mes dents durant mon sommeil. Plus je lis de tĂ©moignages, plus je bouffe pour m’apaiser. Je ne cherche mĂȘme pas Ă  mettre un laps de temps acceptable entre les choses que j’ingurgite. Je crois qu’il n’y a pas de remarques plus hypocrites que celles lues sous les articles consacrĂ©s Ă  la maltraitance infantile. Les faits divers exceptionnels, sordides, cristallisent la haine. Sous chaque post on peut apprendre en dĂ©tail la maniĂšre dont les gens tortureraient les pĂ©docriminels, ils se dĂ©douanent de leur propre violence, le monstre est une bonne excuse. Ces mĂȘmes gens ne feront jamais rien contre le grand-pĂšre ou l’oncle de la famille. Ces mĂȘmes gens forceront les gosses au silence pour prĂ©server la cellule familiale patriarcale. On sait Ă  quel point les monstres sont Ă  la marge de tout ceci. On sait aussi Ă  quel point les coups de sang et les dĂ©monstrations de virilitĂ©s sont Ă  l’opposĂ© d’une quelconque piste d’amĂ©lioration.
D’ordinaire, je travaille avec des jeunes, dont certain.e.s sont en grande souffrance. Je les rencontre sur des temps bien trop courts et j’ai beau mettre toute mon Ă©nergie pour affiner mon Ă©coute, je sais que c’est dĂ©risoire. Malheureusement, on compose trop souvent avec le dĂ©risoire concernant l’enfance en danger, alors en ce moment j’essaye au moins de les faire rire. C’est toujours mieux que les mensonges que je suis parfois obligĂ©e de leur dĂ©rouler, quand je leur sers le discours officiel, quand j’affirme « si ça ne va pas, parlez Ă  des adultes de confiances, vos parents, ou d’autres adultes qui s’occupent de vous. C’est leur travail de prendre soin de vous ». Le nombre de fois oĂč j’ai dis ça, certes en les aidants surtout Ă  affĂ»ter leur propres armes, le nombre de fois oĂč j’ai eu envie de chialer dans ma voiture sur le trajet retour. On a tellement de retard sur l’enfance. On a tellement de retard sur le consentement, sur le libertĂ©, sur la bien-traitance des plus jeunes.
Je sais qu’il y a des parents formidables, mon amie d’enfance par exemple est la meilleure des mĂšres. Moi je ne ferais jamais d’enfant, je n’ai pas de conseil Ă  donner. Je note simplement ici des remarques observĂ©es dans mon travail : Les adultes ont peur de parler avec les enfants. Faire un cours, donner des consignes, ordonner, projeter, possĂ©der, ils savent. Mais dialoguer, c’est autre chose. L’échange Ă  Ă©galitĂ©, ça les fait flipper de ouf, je ne sais pas ce qu’ils craignent d’entendre mais il y a une vraie violence dans leur peur. C’est comme s’ils ne pensaient mĂȘme pas que les enfants puissent avoir ce rĂŽle. Comme s’il Ă©tait inimaginable qu’ils et elles soient pris.e.s au sĂ©rieux dans leurs expressions et besoins.
En tant que femmes et fĂ©ministes, il nous est insupportable de : Recevoir des ordres Subir du mansplaining Entendre des injonctions concernant nos vĂȘtements Coller aux attentes de comportements stĂ©rĂ©otypĂ©s Être insultĂ©es Se faire crier dessus Être frappĂ©es Être niĂ©es dans notre consentement Être restreindre dans nos libertĂ©s, dans nos possibilitĂ©s de sorties Être surveillĂ©es concernant ce que l’on mange, ce que l’on aime. Bref, en tant que femmes et fĂ©ministes, nous ne supportons pas de nous faire infantiliser. Et on sait bien ce que le choix des insultes dit du groupe social dĂ©nigrĂ©. Les enfants sont bien la derniĂšre roue du carrosse. Au lieu de ne surtout pas vouloir leur ressembler, ce serait assez urgent de les libĂ©rer avec nous.
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peaudure · 5 years ago
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I don’t care
Je relis doucement, calmement, le sms que je viens de recevoir de cette personne qui m’avait tant bouleversïżœïżœe. « L’uppercut Ă©motionnel de l’annĂ©e », comme je l’avais confiĂ© Ă  mon journal intime et Ă  mes amies les plus proches.
Depuis, un siĂšcle est passĂ© mais boys will be boys, rien n’a changĂ© au pays des hommes. Et l’intimitĂ© que je pensais avoir tissĂ© n’avait de son cĂŽtĂ© qu’un goĂ»t d’opportunisme. Sur le long terme ce n’est pas grave, je sais que j’économise des larmes.
Je repense Ă  cette chanson « Ils sont nombreux Ă  vouloir notre bien, pour finir notre Ă©ducation, Ă©levĂ©s comme des garçons, comme des garçons » et je sais que ce n’est mĂȘme pas de sa faute, qu’il a Ă©tĂ© incitĂ© Ă  se servir sans dire merci. C’est structurel, comme on dit.
Puis il reste le haut du panier, vu qu’on s’est habituĂ©es Ă  dĂ©finir nos attentes par la nĂ©gative. Il reste parmi ceux qui ne frappent qu’avec les mots, parmi ceux qui n’envoient pas de dick-pic non consentie, parmi ceux qui ont les bons Ă©lĂ©ments de langage, aidĂ©s en cela par une famille bourgeoise et un Bac + 5 qui va bien. Mais lĂ  oĂč les femmes chercheront Ă  mettre leurs compĂ©tences au service des autres, il ne faut Ă  aucun moment espĂ©rer que le savoir des hommes puisse ĂȘtre utile Ă  plus d’égalitĂ©. Les connaissances des HSBC ont une portĂ©e principalement Ă©goĂŻste : s’ils se dĂ©construisent c’est pour leur profit, pour qu’on leur fiche la paix et au diable les signaux dĂ©stabilisants. Faudrait quand mĂȘme pas qu’ils soient heurtĂ©s par la violence qu’induit leur posture privilĂ©giĂ©e.
De « personne-bouleversante » mon charmant uppercut est donc passĂ© Ă  ça, un Homme-Straight-Blanc-Cis. C’est drĂŽle, non, comme sous le verni queer il n’y avait qu’un leurre. C’est drĂŽle comme ils arrivent mĂȘme Ă  revĂȘtir les codes subversifs de la marginalitĂ© pour gagner en puissance symbolique.
Tout ce vide me donne le mal de mer.
Alors, on va rĂ©pĂ©ter pour que ça rentre : il n’y a jamais, jamais, rien, Ă  attendre. Jamais, en dehors de rapports superficiels ou conventionnels. Et mĂȘme si, depuis ton enfance, tout a Ă©tĂ© fait pour que tu apprennes Ă  aimer les kinder surprise sans rien Ă  l’intĂ©rieur, mĂȘme si tu es sensĂ©e trouver une rĂ©ponse tendre aux textos Ă©crits Ă  coups de Doc Martens, mĂȘme si tu connais des excuses aux mots servis roulĂ©s dans la mĂ©diocritĂ©, rĂ©siste. Sinon il n’y aura pas de limite. Tu te prendras une gifle et tu l’entendra te rĂ©pondre « mais pas du tout, c’est un cĂąlin ». Tu auras de la lĂąchetĂ© face Ă  toi, mais tu devras trouver d’originaux compliments. Le travail sensible que tu feras devra ĂȘtre discret, sous peine de reproches et d’humiliations. RĂ©siste. Ou tu devras faire tous les efforts, maitriser l’aporie, anĂ©mier ton propre Ă©go, ruiner ton sommeil et ta crĂ©ativitĂ©, passer au second plan de ta propre existence.
Je relis donc doucement ces pauvres mots, si indigents, et je rĂ©siste.  Finalement, l’interrogation surpasse la tristesse et la colĂšre, je ne sombrerais pas. Cela restera un grand mystĂšre, ces boys-clubs oĂč conversent des garçons inconscients de leurs privilĂšges. Qu’ils continuent de tracer bassement leur vie comme ils s’assoient dans les transports en commun, en parlant fort, en crachant et en Ă©cartant bien leurs grandes jambes. Qu’ils se partagent les moins fatigantes des rĂ©parties, les plus usĂ©es, les plus moches. Je ne participe plus au jeu. I don’t care.
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peaudure · 5 years ago
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Des jours et la mémoire des jours
Plus de la moitiĂ© de l’humanitĂ© est confinĂ©e et il y a quelque chose d’irrĂ©el dans cette phrase. A l’endroit du monde oĂč j’écris, c’est un moment historique que nous avons tou.te.s en commun. Dans cette solitude qui n’en est pas une, je ne retiens pas les jours, cela pourrait mĂȘme n’ĂȘtre qu’une seule longue journĂ©e ponctuĂ©e d’appels tĂ©lĂ©phoniques. Mon corps s’habitue plus vite que prĂ©vu Ă  l’incertitude, j’ai la peau dure.
L’une de mes premiĂšres pensĂ©es Ă  l’approche de cet enfermement prolongĂ© a Ă©tĂ© pour les femmes et les enfants battu.es. Depuis, le soulagement de mon existence actuelle est sans cesse interrompu par cette pensĂ©e. Tout ne dit que l’impuissance : le 119 saturĂ©, les enfants signalĂ©s qui ne pourront ĂȘtre pris en charge qu’à la fin du confinement. En vrai paye ta survie, tout le monde s’en fiche des enfants maltraitĂ©s.
Est-ce un hasard si j’ai rĂȘvĂ© d’Incels la nuit qui a suivi cette longue discussion avec mon pĂšre ? Est-ce un hasard si mon sommeil est empli de scĂšnes de guerre ou il faut se protĂ©ger entre adelphes ? C’est trĂšs rĂ©aliste de se cacher sous le lit avec la vibration des pas prĂšs de nos tĂȘtes. C’est trĂšs rĂ©aliste d’attendre le dĂ©part de la bĂȘte. Calme, angoisse, calme, angoisse, les Ă©vĂšnements se superposent et me marquent de l’intĂ©rieur. Tout le monde passe certainement par ces Ă©tats, mais l’universalisme de l’expĂ©rience Ă  ses limites.
Quand j’ai su que les Ă©coles allaient fermer, j’ai retrouvĂ© des flashs trĂšs vifs de mon enfance. J’ai retrouvĂ© la promiscuitĂ©, l’insalubritĂ©, le froid, l’absence de moyens de communication adĂ©quats. J’ai eu la sensation de mon corps d’alors, interdit d’intimitĂ©, interdit de paix.
Pour tellement d’enfants cela n’a rien d’une joie ou d’un air de vacances. J’en ai discutĂ© avec ma mĂšre la derniĂšre fois, elle en pleurait. Si ça avait eu lieu Ă  l’époque, c’est son prĂ©nom Ă  elle que j’aurais pu coller sur un mur.
Alors, que faire de ce mĂ©lange de colĂšre, de pitiĂ©, de honte quand je tiens mon rĂŽle au tĂ©lĂ©phone, des heures durant Ă  laisser vivre ce monologue de patriarche perdant sa langue et ses souvenirs ? Brave fille va, qui ronge son frein en l’entendant rabĂącher, se dĂ©battre avec un vieux rĂŽle pour lequel il n’a plus la carrure. J’ai beau n’écouter que d’une oreille cela me heurte. Je tiens mais je tiens mal, mes cauchemars me rappellent ce que ça coute, la fidĂ©litĂ©. La main mĂ©tallique, bien que tremblante, bien que rouillĂ©e, cherche Ă  maintenir son pouvoir d’emprise. Les centaines de kilomĂštres de distance n’y font rien : c’est impossible d’oublier d’oĂč je viens.
Il y a tellement d’autres personnes auxquelles j’ai pensĂ© aprĂšs. Les emprisonnĂ©.e.s Ă  quatre dans 9 m2. Les familles prĂ©caires dans la panique de la fin de la trĂȘve hivernale. Les sans domicile fixe. Les personnes vulnĂ©rables en hĂŽpital psychiatrique. Les travailleurs et travailleuses du sexe. Les personne ĂągĂ©es dont on ne chiffre par la mort en Ephad. Les rĂ©fugiĂ©.e.s, abandonnĂ©.e.s des discours. Les personnes en dĂ©pression. Celles et ceux qui ont des troubles alimentaires. Les femmes de mĂ©nage. Les Ă©boueurs. Les caissiĂšres. Les aides soignantes.
Un jour, j’espùre que l’on pourra faire quelque chose ensemble de toutes ces rages au ventre.
J’ai envie de toucher la peau de quelqu’un.
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peaudure · 5 years ago
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Pleurire (mon corps est un mille-feuille)
Je n’ai pas de solution et si j’écris ici, ce n’est pas pour romantiser le confinement. Pourtant je reconnais qu’intimement il fait du bien Ă  mes jours. Mes jours, c’est cela l’échelle : ce que barrent les prisonniers impatients, ce qui prouve que la vie s’égraine. Mes jours de confinement n’ont pas de rituel strict, ils n’ont pas l’obligation d’ĂȘtre productifs et, puisque tout est inĂ©dit, ils sont balisĂ©s de quelques nouveautĂ©s comme le lever sans rĂ©veil, le matin doux, l’absence d’amertume Ă  l’idĂ©e d’ĂȘtre libre de famille et d’enfants. Me replier sur moi me fait du bien car cela me protĂšge. Je ne suis pas plus forte que ma classe, que mon genre, que les oppressions subies. Cela ne veut pas dire que politiquement, mes humeurs sont les mĂȘmes. Comme dirait une copine, « on touche le fond et on creuse encore, on fait de la spĂ©lĂ©o ».
Et pourtant. Nous avons aussi besoin de moments de joie. Ce n’est pas ĂȘtre dupe que d’applaudir le personnel soignant, les femmes de mĂ©nage, les Ă©boueurs et les caissiĂšres Ă  20h. Ce n’est pas ĂȘtre dupe que de parler enfin Ă  ses voisins, de se sourire comme des naufragĂ©s. Ce n’est pas ĂȘtre dupe que de regarder les live de gens qu’on admire ou une story mignonne sur insta, entre deux insomnies et le marasme des informations. Ce n’est pas ĂȘtre dupe et surtout la charge mentale et la pluralitĂ© des tĂąches on connait, alors si chacun pouvait un peu arrĂȘter de pointer du doigt le plaisir de l’autre ce serait pas mal.
On n’est pas des prophĂštes de l’insurrection qui vient, on n’est pas une avant-garde Ă©clairĂ©e, on n’a pas besoin de hĂ©ros. On a besoin de collectif et de socialisme mais on est une chair Ă  canon Ă©puisĂ©e alors paix Ă  nos imperfections. On a besoin de souffler, on est pas toutes valides, on se sent pas toutes lĂ©gitimes, on n’est pas toutes hĂ©ritiĂšres, ni de valeurs symboliques ni de patrimoine Ă©conomique. On n’a pas toutes des maisons de famille sur la cĂŽte sauvage avec des livres Ă©crits par nos parents dans la bibliothĂšque. On n’a pas Ă©tĂ© payĂ©es pour Ă©tudier dans le prestige, on n’a pas eu une enfance heureuse et ouverte. Les traumatismes, le validisme, le viol, les coups, les cartes bleues bloquĂ©es, ce ne sont pas que des pancartes pour le 8 mars, c’est aussi la rĂ©alitĂ© de bon nombre de camarades qui prennent moins la parole ou ne maitrisent pas les Ă©lĂ©ments du langage rĂ©volutionnaire sur twitter.
Nos corps sont des mille-feuille, gardez cela en tĂȘte. Nos corps n’ont pas eu la mĂȘme ligne de dĂ©part et le mĂȘme parcours, ils ne peuvent pas avoir les mĂȘmes logiques et les mĂȘmes prioritĂ©s. Pour ne pas ajouter une pincĂ©e de violence interpersonnelle Ă  la couche d’oppressions structurelles, il va vraiment falloir apprendre Ă  coexister dans la lutte. Alors, quand je vois certains de mes contacts d’extrĂȘme gauche n’exprimer que colĂšre et cynisme, je les comprends. Mais je ne peux pas. Et je sais aussi que s’ils n’ont pas besoin de prendre soin d’eux, c’est que d’autres le fond Ă  leur place et de maniĂšre invisible, conjointes, mĂšres, sƓurs, amies.
J’écris ici sans vouloir donner de leçon, j’ai des privilĂšges et des points de vulnĂ©rabilitĂ©, ma situation est banale : un point de vue situĂ© qui comprend mon passif et la maladie, qui reconnait aussi ses avantages. Bien-sur, il y a quelque chose d’inconfortable Ă  admettre qu’on ne dispose pas de la puretĂ© militante mais tant mieux. Fuck la puretĂ© et la gloire. Fuck les insultes Ă  base de mĂ©pris de classe pour les gens qui ont achetĂ© du coca et des chips, fuck les injonctions Ă  repenser sa fĂ©minitĂ©, les critiques envers l’apparence des femmes quelle qu’elle soit, qu’on se maquille ou qu’on ait du poil aux jambes, qu’on zappe le soutif ou qu’on ait peur de prendre 3 kg. Nous ne sommes pas le problĂšme. 
Ce soir, je veux applaudir le personnel soignant Ă  20h et en ĂȘtre Ă©mue aux larmes. Cela n’enlĂšve rien Ă  ma rage contre les politiques de santĂ© public qui ont tout dĂ©truit depuis des annĂ©es et qui vont conduire des milliers d’infirmiĂšres en syndrome de choc post-traumatique. Cela n’a rien Ă  voir avec l’amnĂ©sie. Si je ne laisse pas complĂštement mon corps s’ouvrir Ă  la colĂšre, c’est pour durer sur le long terme (je connais mes limites, comme je connais le froid, la promiscuitĂ©, la peur et l’humiliation). Je dois d’abord me prĂ©server car personne ne le fera pour moi. Je dois d’abord m’assurer que mon corps et mon esprit tiennent, je suis toujours sur le fil, un rien pourrait me faire retomber. Il faut savoir doser le nombre d’heures Ă  scroller sur les fils d’actu pour ne pas ĂȘtre submergĂ©e. il faut savoir doser au risque de vriller complĂštement. J’aurais besoin de ma santĂ© mentale pour affronter le combat qui vient, recomposer mes forces et alimenter la lutte pour l’aprĂšs. Il est inutile de me torturer plus qu’à l’habitude.
Prenez soin de vous.
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peaudure · 5 years ago
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Meilleure version
J’essaye.
Mon voisin tond la pelouse et un parfum de chlorophylle arrive jusqu’à mon balcon. Une femme Ă  l’étage du dessus chante Neverending Story devant Netflix. Merci pour cela. J’essaye de mettre mes actes en adĂ©quation avec l’état du monde. De devenir une meilleure version de moi-mĂȘme dans ce quotidien soudain beaucoup plus conscient.
J’ai en tĂȘte une mĂ©lodie dĂ©suĂšte, Goodbye Marylou. On s’était offert un carnet qu’on s’échangeait, je caressais les pages griffĂ©es de confidences, je chĂ©rissais ce journal intime de notre relation. Puis il y a eu la distance, le rouge baiser de tes mots imprimĂ©s en lumiĂšre bleue sur mon Ă©cran et mes doigts.
Maintenant, c’est sur une page virtuelle que nous Ă©crivons le n’importe quoi de nos pensĂ©es. J’aime dĂ©couvrir les ponctuations que tu ajoutes Ă  mes phrases parce qu’elles leur donnent le souffle court. J’aime surtout ce moment oĂč le curseur vient s’insĂ©rer dans le mot que j’entame, oĂč il vient l’ouvrir pour lui ajouter une syllabe. Sous cette petite bulle perfide qui indique ton action (
 est en train d’écrire), je devine les tensions de tes clavicules et le mouvement de tes mains. EnfermĂ©es par la force des choses, on se crĂ©e des sensualitĂ©s insoupçonnĂ©es.
Le temps s’étire hors-cadre jusqu’à divaguer. Le printemps mord Ă  ma fenĂȘtre, je dois faire un effort pour simplement le contempler. Comment en suis-je arrivĂ©e lĂ  ? Comment me suis-je Ă  ce point pliĂ©e au rythme sans repos de mon travail et de mes activitĂ©s militantes ? Je dois tout rĂ©apprendre loin des chambres d’hĂŽtel, immobilisĂ©e sur ce parquet, entre ces murs, dans les sons de mes voisins que je ne connais pas. En une semaine, nous sommes tous sortis de l’ordinaire. La vie dans ce salon n’est plus au suspens d’une productivitĂ© inutile. Le paradoxe est de redĂ©couvrir ce que ça fait, un tĂȘte Ă  tĂȘte avec soi-mĂȘme. Je me rĂ©pĂšte quelques mantras, comme Ă  chaque fois que je sens le vertige me traverser.  « Ce n’est pas le chemin qui est difficile, mais le difficile qui est le chemin ». « Un jour ou l’autre, on est tous le chien de quelqu’un » « Et avec toi c’est sur, que je m’ennuyais pas »
La lumiùre est belle, elle m’invite à faire le vide. Souffler un peu pour une fois.
Il y aurait eu de la place pour l’amour.
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peaudure · 5 years ago
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La voix humaine
C’est un tĂȘte Ă  tĂȘte tellement Ă©trange, l’écriture. Un ping-pong oĂč la rĂ©plique ne vient que de nous. Et pourtant, on peut quand mĂȘme ĂȘtre surpris. Et puis, avec ce confinement qui dĂ©bute, rester Ă  la maison revient surtout Ă  resserrer les rangs entre soi-mĂȘme et soi. Cette introspection, il va falloir l’étirer vers l’expĂ©rience spirituelle. Ce silence, il va falloir refuser de le rendre insupportable. Il y a quinze jours, au bord de l’épuisement Ă©motionnel, je n’aurais intimement voulu que ça. Dans mes rĂȘves d’à lors, c’est Ă  peine si je sortais une main timide d’une couette molletonnĂ©e. « Laissez moi lĂ , dans cette cabane ouatĂ©e Ă  l’abri du monde ». Il y a quinze jours, j’étais persuadĂ©e que je venais de vivre le pire week-end de l’annĂ©e, je me confinais dans un coin de mon canapĂ© pour pleurer. Le monde cacophonait sous ma fenĂȘtre. Moi, j’étais bien avec mes fantĂŽmes, avec Guillaume Dustan et Jean Cocteau, HervĂ© Guibert, Daniel Darc. Il y a quinze jours, j’ai impulsivement jetĂ© mon tĂ©lĂ©phone au sol, depuis je pianote sur un Ă©cran Ă©brĂ©chĂ© et j’ai les doigts qui saignent.
Ma note iPhone du 1er mars dit « Ne laissons pas le monde nous Ă©triquer l’ñme. » J’ai relu cette phrase aujourd’hui. J’ai ris de moi : cette phrase dit vrai sur un tout autre sujet.
Aujourd’hui, c’est comme si 10 ans, une vie, un siĂšcle, Ă©taient passĂ©s en deux semaines. Cette voix au tĂ©lĂ©phone, par exemple. Je pensais que je ne m’en remettrais pas. Ou qu’elle ne me parviendrait plus. Ou alors juste pour me martyriser sans le vouloir. Mais non. Je me recompose, il le faut. Je me rassemble et je me maintiens droit. Les affects personnels sont soigneusement rangĂ©s dans un tiroir que j’ouvrirais peut-ĂȘtre dans trois mois. Maintenant n’est pas le temps de l’égo : question de dignitĂ© et de prioritĂ©s. Je me diffracte totalement. La voix humaine atteint bien quelque chose lĂ -bas, mais Ă©touffĂ©e par un obstacle, une dĂ©flagration virale qui prend toute la place. La voix, je la comprend Ă  peine. Elle n’est pas mon alliĂ©e, et malgrĂ© tout ce que j’ai pu espĂ©rer, elle n’est pas mon alter. Je me repli sur ma blessure pour l’anesthĂ©sier. Je ne veux ni la voir ni la sentir. Le repli va ĂȘtre long. DĂ©jĂ  je ressens les prĂ©misses de l’abrupte. Abrupte silence dans mon appartement de femme vivant seule, bien que cette solitude soit pleinement choisie. Abruptes la peur et la colĂšre. Les vulnĂ©rables, l’absence de prise en charge dans les squats, dans les prisons. Cette horrible pensĂ©e qui retire le sommeil “pourvu que les mĂ©decins ne soient pas forcĂ©s de trier, pourvu que les mĂ©decins ne soient pas forcĂ©s de trier...” Je n’ai pas le droit de partager ces pensĂ©es avec la voix qui me manque au tĂ©lĂ©phone. Pour trouver du sens et ne pas craquer, il faut communier Ă  un autre endroit. Prendre de la hauteur ensemble, c’est Ă  dire avec des millions de personnes qu’on ne tutoie pas mais qui partagent un moment historique. Je ne dois pas me disperser de ce fil tendu, collectif. Un ami Ă©crivait tout Ă  l’heure « Annuler tout. Payer tout le monde ». Le monde de demain, peut-ĂȘtre, fera cela. Le monde de demain se rappellera que pour sauver des vies, ce sont les travailleuses du care, si souvent humiliĂ©es, qui ont risquĂ© la leur. Et aussi ce soir, je pense Ă  Act-up. Je pense Ă  leurs slogans qui vivaient le Sida comme une guerre. A Gwen Fauchois et Ă  son beau texte « La rĂ©duction des risques et la solidaritĂ©, c’est nous ». Ca veut dire que ce n’est pas toi Ă  20h, non. Toi, tu n’es pas du bon cĂŽtĂ© du combat. Tu arrives juste Ă  mettre ta guerre en miroir d’un espace Schengen anĂ©anti. Toi, tu as participĂ© Ă  la destruction de tout ce qui fonde notre solidaritĂ© collective et ce ne sera jamais ton monde qui prendra soin de nous. La colĂšre que tu amĂšnes, je la garde pour demain et les jours d’aprĂšs.  Pour l’instant, je lis et je refuse de produire. Je regarde les mĂ©sanges bleues par la fenĂȘtre de mon salon. Je m’habitue avec joie Ă  l’absence de travail et je veux bien croire qu’on traversera cela sans perdre notre humanitĂ©, qu’on prendra soin enfin et collectivement de notre classe et de nos communautĂ©s marginalisĂ©es, loin de votre toute puissance incapable. Pour l’instant, il y a cette chanson de Daho qui passe comme un souffle feutrĂ© : Me manquer (Londres en Ă©tĂ©). Et par pudeur je le dis en anglais
 Miss you baby.
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peaudure · 5 years ago
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Matthias & Maxime, portrait de deux jeunes-hommes en feu
« Nous avons parfois le sentiment de ne pas ĂȘtre celui que nous sommes, de jouer un rĂŽle, d’ĂȘtre en marge de notre propre vie, sans y adhĂ©rer, comme si un souffle d’air passait toujours entre le monde et nous, un voile de brouillard qui le rend flou, sans saveur, sans goĂ»t. Ce monde lĂ  n’est pas fait pour nous, nous ne pouvons pas nous en contenter. On ne saurait pas dire pourquoi, on le pressent simplement, on ressent un malaise et une honte Ă  l’idĂ©e de nous fondre dans cette vie. On est agitĂ©, instable, inquiet. On ressent un manque, une insatisfaction, une tension intĂ©rieure s’intensifie d’une maniĂšre si pressante qu’il devient nĂ©cessaire de rompre avec celui qu’on a Ă©tĂ©. » Par heureuse coĂŻncidence, je lisais Rupture(s), de Claire Marin, quand j’ai vu Matthias et Maxime pour la premiĂšre fois. On peut rencontrer un film. Je veux dire, comme on rencontre un ĂȘtre humain qui nous bouleverse. On se fait traverser prĂ©cisĂ©ment Ă  l’endroit de nos doutes et de nos obsessions. Cela fait mal puis trĂšs chaud. On vient de se faire happer, pas uniquement par affinitĂ© esthĂ©tique et thĂ©matique.
Depuis, j’y pense chaque jour. Je veux comprendre. J’en parle comme d’un rendez-vous, je crois que c’en Ă©tait vraiment un. J’ai Ă©normĂ©ment de gratitude pour Xavier Dolan, pour la saveur et la joie que diffusent ses dialogues. Pour la beautĂ© de certains plans Ă  travers une fenĂȘtre ou dans les profondeurs d’un lac, pour les dĂ©tails cachĂ©s en arriĂšre plan comme autant de strates de lecture. J’ai Ă©normĂ©ment de gratitude pour la subtilitĂ© avec laquelle il arrive Ă  jouer un ĂȘtre marquĂ© dans la chair mais sublimĂ© par le stigmate.
Aux cĂŽtĂ©s de Matthias et Maxime, je me suis blottie dans les punchlines de potes, l’humour, les rĂ©fĂ©rences Ă  la pop culture, les chansons fĂ©briles qui composent la b-o. J’ai ri avec tendresse de cette bande d’amis hyper-tactiles et bavards, qui n’arrivent jamais Ă  parler au cƓur des choses. Je me suis sentie en proximitĂ© de ces jeunes trentenaires un peu enfantins et fort heureusement maladroits avec la virilitĂ©. J’ai contemplĂ© les routes du QuĂ©bec, les couleurs chaudes du dĂ©but de l’automne, le sĂ©pia des fins de soirĂ©e. Bougies, lumiĂšre tamisĂ©e, capsules de biĂšres et cendriers pleins en guise de nature morte. J’ai Ă©tĂ© percutĂ©e par les ruptures de ton. Ce long silence qui arrive au tiers du film, qui vient triturer en nous ce qu’il faudrait dĂ©border et crier, mais qu’on ne peut que contenir. 
J’ai passĂ© tout un week-end avec ce film puis, au bout de cinq gĂ©nĂ©riques de fin, j’ai eu besoin de faire un geste. Il fallait quelque chose d’assez ritualisĂ© et sacrĂ©, un tatouage. Logical Family en caractĂšres d’imprimerie sur le bras droit. (Je pense que tu peux comprendre ce truc du tatouage). Une maniĂšre de froisser la photo de famille qui nargue sur le frigo, de laisser l’asphyxie derriĂšre moi.
Je pense que tu peux aussi comprendre ce truc de l’asphyxie, toi qui laisse ton personnage principal se liquĂ©fier et perdre pieds, littĂ©ralement submergĂ© par trop de fulgurance. Alors on suit Matthias qui se perd. Qui se crame. On l’observe vaciller sur un matelas Ă  eau, plonger dans des profondeurs limpides et nager jusqu’à l’épuisement. On partage ses obsessions hallucinĂ©es, ses regards en biais, le prix que lui coute son costume et son masque de jeune avocat en vogue. On l’observe s’éteindre, blĂȘmir, les yeux dans le vague.
On l’entend, l’avocat Ă  la parfaite maitrise du vocabulaire, perdre sa langue, bafouiller, se confondre en lapsus et en incapacitĂ© Ă  prononcer un discours sensible. En incapacitĂ© Ă  dire au revoir.
C’est dans ce dĂ©ni aliĂ©nant que la tension s’installe. Dans l’incapacitĂ© totale de Matthias Ă  rĂ©flĂ©chir ou verbaliser ce qui le hante et l’anime.
Mais la tension c’est aussi le dĂ©sir. Et c’est par Maxime que le dĂ©sir vient.
Maxime, c’est ce personnage second et nĂ©anmoins central, observĂ© Ă  son insu derriĂšre la fenĂȘtre d’une chambre, fantasmĂ© derriĂšre une vitrine, filmĂ© a travers les miroirs qui le blessent. (Je ne montre pas ton visage mais de ton cƓur le dĂ©sir). Une tache de naissance lui balafre la joue et dit beaucoup de ses yeux baissĂ©s, des sweets Ă  capuche qui lui dĂ©vorent le visage, de sa gentillesse et de son trop grand sens du compromis.
C’est l’ami d’enfance que Matthias dessinait Ă  la maternelle, celui qu’il a peut-ĂȘtre embrassĂ© une fois au secondaire, mais bon il ne se souvient plus. C’est le complice du quotidien, celui avec qui il va au sport toutes les semaines, avec qui il a dormir des tas de fois, mais qui, d’un coup, dĂ©clenche des insomnies. C’est surtout celui qui pousse Matthias hors de lui - tellement que ce dernier en viens aux mains et aux insultes - qui le force Ă  muer, Ă  se risquer loin du confort des faux-semblants.
Matthias et Maxime est un film Ă  miroirs, c’est aussi un film en miroir. Comme on souffle le chaud et le froid, il y a le brun et le blond, le bleu et le rouge qui, Ă  l’image de l’affiche du film, se confondent et se complĂštent. Barman la nuit, Maxime est trop occupĂ© par sa mĂšre toxico pour s’offrir le luxe d’une carriĂšre ou d’une vie sentimentale. Il porte comme un fardeau sa loyautĂ© toxique Ă  sa famille, suinte de sang, de larmes et d’écorchures. Matthias, lui, est le gendre idĂ©al aux chemises fraichement repassĂ©es et au sourire figĂ©. Il a un poste Ă  responsabilitĂ©s, une famille aisĂ©e et une relation de couple pourvue d’autant d’aspĂ©ritĂ©s qu’une maison tĂ©moin. Depuis qu’il a embrassĂ© Maxime pour de faux, le monde autour de lui est un larsen permanent.
Il faut parler de ces masculinitĂ©s-lĂ . Celles qui ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©es avec une pĂ©nurie de mots pour les relations intimes, qui sont Ă  la peine mais qui, quand mĂȘme, vont oser un geste pour craquer le systĂšme. Surtout, il faut parler de Maxime. De la violence de classe qu’il endure avec lassitude. De ses yeux fermĂ©s sur l’unique photo de famille qu’il possĂšde. Il ne s’est pas encore vu vraiment.
“Il est temps de prendre soin de soi” l’implore une de ses mĂšres de substitution. Dans quelques jours justement, il va tout plaquer pour partir en Australie, loin du placard sous l’escalier. Peut-ĂȘtre. Il n’a plus qu’à faire une valise. Mais le voyage qui devrait lui rendre sa libertĂ© a aussi un goĂ»t de fuite. Les jours avant le dĂ©part s’égrainent, comme un compte Ă  rebours cruel. Il faudrait qu’il se passe quelque chose.  
Dans Matthias et Maxime, l’asphyxie guette mais ne gagne pas. Dans la buanderie au fond de l’appartement, le dĂ©sir la vainc par KO. Un couloir d’appartement devient le plus beau des jeux de pistes. L’un cherche l’autre et sait qu’il est attendu. Les portes s’ouvrent sur du vide qui exacerbe la tension. Il faut chercher encore. La lumiĂšre vacille. L’alcool fait le souffle court et les mains tremblantes. Un verrou se ferme et Xavier Dolan nous offre un moment de grĂące. Quatre minutes d’extase oĂč Song of Zula se mĂȘle au plus intense, au plus douloureux et au plus nĂ©cessaire des baisers.
Some say love is a burning thing / That it makes a fiery ring. Une pluie battante contre le brasier d’une Ă©treinte. Le portrait de deux jeunes-hommes en feu.
Que peut-on faire aprĂšs ça ? Reprendre son souffle, se recomposer un visage social, se cramer vraiment cette fois ? Vodka ou mĂ©langes rien ne sera assez fort. So honey I am now, some broken thing
 And I'm racing out on the desert plains all night.
ApprĂ©cier la brĂ»lure de la neige sur les larmes. Courir dans MontrĂ©al pour ne plus penser, ou pour trop bien se rappeler ce qu’on fuit. Tourner la page sur ce qui fait battre le cƓur, ou baisser la garde et ĂȘtre Ă  l’heure au rendez-vous.
Choisir de basculer en soi.
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peaudure · 5 years ago
Text
Introduction
Un jour tu te rends compte que tu viens de perdre cinq ans de ta vie. Un jour tu te rends compte que tu as Ă©tĂ© sous emprise, que tu t’es mĂȘme accrochĂ©e Ă  tes cordes : tu ne sais pas ce que c’est d’exister pour soi-mĂȘme. Tu es triste. Ton bourreau te manque. Bah oui, c’est pas si simple. Tu as tellement fait d’efforts. Ce n’étais jamais assez. Tu as tellement encaissĂ©. La rupture a un goĂ»t d’abandon, d’injustice et de trahison. Tu as la rage. Tu ne sais pas encore que c’est la meilleure chose qui pouvait t’arriver.Tu pars t’isoler au bord de la mer avec ta meilleure amie. C’est l’hiver, tu souhaites faire le point mais rien ne sort. Rien sauf la rage. Tes poings se serrent, ta mĂąchoire se crispe Ă  la seule pensĂ©e de ces derniĂšres annĂ©es. Tu ne sais pas comment ton corps va supporter tant de colĂšre Ă  vif. Il va falloir tout dĂ©construire, tout trier, pour recomposer un jour quelque chose de joyeux. Revoir les bases : - Ton fĂ©minisme qui s’est bien fait berner. - Ta proportion Ă  prendre soin des autres au dĂ©ni de tes propres besoins. - Ton dĂ©sir (Ă  toi mĂȘme, Ă  ton corps malmenĂ©, aux autres qui ne sont pas forcĂ©ment des hommes)
Cela va prendre du temps et tu es si fatiguĂ©e. Il te faut 18 mois pour ouvrir ce blog. Tu ne sais pas encore ce que tu vas faire de cette nouvelle partie de vie. Tu sais que tu as barrĂ© les choses imposĂ©es (le couple, le bĂ©bĂ©, la famille, le prĂȘt sur un demi-siĂšcle). Maintenant c’est un jeu.
Tu as 33 ans, tu es féministe, tu ne veux plus survivre. Tu te remets à écrire.
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