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La plus belle scĂšne de baiser que jâai vu au cinĂ© đ
Matthias & Maxime (2019) dir. Xavier Dolan
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119 et ensuite ?
Jâai lâimpression quâavec le confinement il y a cet impensĂ© des combats fĂ©ministes qui surgit enfin : les violences faites aux enfants. Sans doute parce que ça dĂ©borde de partout, ce qui est Ă la fois horrible et absolument sans surprise.
Je ne jette la pierre ni aux fĂ©ministes, ni aux travailleuses et travailleurs sociaux. On est dĂ©jĂ sur tant de fronts. Et certaines dâentre nous ont Ă©tĂ© maltraitĂ©es durant leur enfance, elles ont bien intĂ©riorisĂ© le tabou. Sur cela nous nous taisons, sur cela nous ne devons pas gĂȘner les consciences.
Il y a deux jours, le Conseil de lâEurope a alertĂ© les diffĂ©rents Ătats. Le collectif Nous Toutes vient Ă©galement de lancer une campagne de sensibilisation numĂ©rique disant : « En France, un enfant est violĂ© chaque heure. Chaque jour 200 sont maltraitĂ©s, 50 subissent des violences sexuelles. » Je ne sais pas oĂč elles sont allĂ©es chercher leurs chiffres qui, bien que terribles, sont tellement en deçà des rĂ©alitĂ©s. Nous Toutes renvoie vers le 119, vers la seule proposition institutionnelle, autrement dit vers notre impuissance.
VoilĂ oĂč nous en sommes en ce moment : 119, 3919, 114, Pharos/interieur.gouv.fr
On partage ces messages Ă dĂ©faut de mieux, mais on sait. Et ça ne fait que creuser notre angoisse. Depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie, qui pour les enfants signifie un enfermement dans la cellule intra-familiale, mes traumas ressurgissent. A force de serrer les mĂąchoires, je fissure mes dents durant mon sommeil. Plus je lis de tĂ©moignages, plus je bouffe pour mâapaiser. Je ne cherche mĂȘme pas Ă mettre un laps de temps acceptable entre les choses que jâingurgite. Je crois quâil nây a pas de remarques plus hypocrites que celles lues sous les articles consacrĂ©s Ă la maltraitance infantile. Les faits divers exceptionnels, sordides, cristallisent la haine. Sous chaque post on peut apprendre en dĂ©tail la maniĂšre dont les gens tortureraient les pĂ©docriminels, ils se dĂ©douanent de leur propre violence, le monstre est une bonne excuse. Ces mĂȘmes gens ne feront jamais rien contre le grand-pĂšre ou lâoncle de la famille. Ces mĂȘmes gens forceront les gosses au silence pour prĂ©server la cellule familiale patriarcale. On sait Ă quel point les monstres sont Ă la marge de tout ceci. On sait aussi Ă quel point les coups de sang et les dĂ©monstrations de virilitĂ©s sont Ă lâopposĂ© dâune quelconque piste dâamĂ©lioration.
Dâordinaire, je travaille avec des jeunes, dont certain.e.s sont en grande souffrance. Je les rencontre sur des temps bien trop courts et jâai beau mettre toute mon Ă©nergie pour affiner mon Ă©coute, je sais que câest dĂ©risoire. Malheureusement, on compose trop souvent avec le dĂ©risoire concernant lâenfance en danger, alors en ce moment jâessaye au moins de les faire rire. Câest toujours mieux que les mensonges que je suis parfois obligĂ©e de leur dĂ©rouler, quand je leur sers le discours officiel, quand jâaffirme « si ça ne va pas, parlez Ă des adultes de confiances, vos parents, ou dâautres adultes qui sâoccupent de vous. Câest leur travail de prendre soin de vous ». Le nombre de fois oĂč jâai dis ça, certes en les aidants surtout Ă affĂ»ter leur propres armes, le nombre de fois oĂč jâai eu envie de chialer dans ma voiture sur le trajet retour. On a tellement de retard sur lâenfance. On a tellement de retard sur le consentement, sur le libertĂ©, sur la bien-traitance des plus jeunes.
Je sais quâil y a des parents formidables, mon amie dâenfance par exemple est la meilleure des mĂšres. Moi je ne ferais jamais dâenfant, je nâai pas de conseil Ă donner. Je note simplement ici des remarques observĂ©es dans mon travail : Les adultes ont peur de parler avec les enfants. Faire un cours, donner des consignes, ordonner, projeter, possĂ©der, ils savent. Mais dialoguer, câest autre chose. LâĂ©change Ă Ă©galitĂ©, ça les fait flipper de ouf, je ne sais pas ce quâils craignent dâentendre mais il y a une vraie violence dans leur peur. Câest comme sâils ne pensaient mĂȘme pas que les enfants puissent avoir ce rĂŽle. Comme sâil Ă©tait inimaginable quâils et elles soient pris.e.s au sĂ©rieux dans leurs expressions et besoins.
En tant que femmes et fĂ©ministes, il nous est insupportable de : Recevoir des ordres Subir du mansplaining Entendre des injonctions concernant nos vĂȘtements Coller aux attentes de comportements stĂ©rĂ©otypĂ©s Ătre insultĂ©es Se faire crier dessus Ătre frappĂ©es Ătre niĂ©es dans notre consentement Ătre restreindre dans nos libertĂ©s, dans nos possibilitĂ©s de sorties Ătre surveillĂ©es concernant ce que lâon mange, ce que lâon aime. Bref, en tant que femmes et fĂ©ministes, nous ne supportons pas de nous faire infantiliser. Et on sait bien ce que le choix des insultes dit du groupe social dĂ©nigrĂ©. Les enfants sont bien la derniĂšre roue du carrosse. Au lieu de ne surtout pas vouloir leur ressembler, ce serait assez urgent de les libĂ©rer avec nous.
#feminisme#feminism#sexism#sexisme#fightsexism#patriarcat#enfance#enfanceendanger#pandemie#diary#journaldeconfinement#journaldebord
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I donât care
Je relis doucement, calmement, le sms que je viens de recevoir de cette personne qui mâavait tant bouleversïżœïżœe. « Lâuppercut Ă©motionnel de lâannĂ©e », comme je lâavais confiĂ© Ă mon journal intime et Ă mes amies les plus proches.
Depuis, un siĂšcle est passĂ© mais boys will be boys, rien nâa changĂ© au pays des hommes. Et lâintimitĂ© que je pensais avoir tissĂ© nâavait de son cĂŽtĂ© quâun goĂ»t dâopportunisme. Sur le long terme ce nâest pas grave, je sais que jâĂ©conomise des larmes.
Je repense Ă cette chanson « Ils sont nombreux Ă vouloir notre bien, pour finir notre Ă©ducation, Ă©levĂ©s comme des garçons, comme des garçons » et je sais que ce nâest mĂȘme pas de sa faute, quâil a Ă©tĂ© incitĂ© Ă se servir sans dire merci. Câest structurel, comme on dit.
Puis il reste le haut du panier, vu quâon sâest habituĂ©es Ă dĂ©finir nos attentes par la nĂ©gative. Il reste parmi ceux qui ne frappent quâavec les mots, parmi ceux qui nâenvoient pas de dick-pic non consentie, parmi ceux qui ont les bons Ă©lĂ©ments de langage, aidĂ©s en cela par une famille bourgeoise et un Bac + 5 qui va bien. Mais lĂ oĂč les femmes chercheront Ă mettre leurs compĂ©tences au service des autres, il ne faut Ă aucun moment espĂ©rer que le savoir des hommes puisse ĂȘtre utile Ă plus dâĂ©galitĂ©. Les connaissances des HSBC ont une portĂ©e principalement Ă©goĂŻste : sâils se dĂ©construisent câest pour leur profit, pour quâon leur fiche la paix et au diable les signaux dĂ©stabilisants. Faudrait quand mĂȘme pas quâils soient heurtĂ©s par la violence quâinduit leur posture privilĂ©giĂ©e.
De « personne-bouleversante » mon charmant uppercut est donc passĂ© à ça, un Homme-Straight-Blanc-Cis. Câest drĂŽle, non, comme sous le verni queer il nây avait quâun leurre. Câest drĂŽle comme ils arrivent mĂȘme Ă revĂȘtir les codes subversifs de la marginalitĂ© pour gagner en puissance symbolique.
Tout ce vide me donne le mal de mer.
Alors, on va rĂ©pĂ©ter pour que ça rentre : il nây a jamais, jamais, rien, Ă attendre. Jamais, en dehors de rapports superficiels ou conventionnels. Et mĂȘme si, depuis ton enfance, tout a Ă©tĂ© fait pour que tu apprennes Ă aimer les kinder surprise sans rien Ă lâintĂ©rieur, mĂȘme si tu es sensĂ©e trouver une rĂ©ponse tendre aux textos Ă©crits Ă coups de Doc Martens, mĂȘme si tu connais des excuses aux mots servis roulĂ©s dans la mĂ©diocritĂ©, rĂ©siste. Sinon il nây aura pas de limite. Tu te prendras une gifle et tu lâentendra te rĂ©pondre « mais pas du tout, câest un cĂąlin ». Tu auras de la lĂąchetĂ© face Ă toi, mais tu devras trouver dâoriginaux compliments. Le travail sensible que tu feras devra ĂȘtre discret, sous peine de reproches et dâhumiliations. RĂ©siste. Ou tu devras faire tous les efforts, maitriser lâaporie, anĂ©mier ton propre Ă©go, ruiner ton sommeil et ta crĂ©ativitĂ©, passer au second plan de ta propre existence.
Je relis donc doucement ces pauvres mots, si indigents, et je rĂ©siste. Finalement, lâinterrogation surpasse la tristesse et la colĂšre, je ne sombrerais pas. Cela restera un grand mystĂšre, ces boys-clubs oĂč conversent des garçons inconscients de leurs privilĂšges. Quâils continuent de tracer bassement leur vie comme ils sâassoient dans les transports en commun, en parlant fort, en crachant et en Ă©cartant bien leurs grandes jambes. Quâils se partagent les moins fatigantes des rĂ©parties, les plus usĂ©es, les plus moches. Je ne participe plus au jeu. I donât care.
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Des jours et la mémoire des jours
Plus de la moitiĂ© de lâhumanitĂ© est confinĂ©e et il y a quelque chose dâirrĂ©el dans cette phrase. A lâendroit du monde oĂč jâĂ©cris, câest un moment historique que nous avons tou.te.s en commun. Dans cette solitude qui nâen est pas une, je ne retiens pas les jours, cela pourrait mĂȘme nâĂȘtre quâune seule longue journĂ©e ponctuĂ©e dâappels tĂ©lĂ©phoniques. Mon corps sâhabitue plus vite que prĂ©vu Ă lâincertitude, jâai la peau dure.
Lâune de mes premiĂšres pensĂ©es Ă lâapproche de cet enfermement prolongĂ© a Ă©tĂ© pour les femmes et les enfants battu.es. Depuis, le soulagement de mon existence actuelle est sans cesse interrompu par cette pensĂ©e. Tout ne dit que lâimpuissance : le 119 saturĂ©, les enfants signalĂ©s qui ne pourront ĂȘtre pris en charge quâĂ la fin du confinement. En vrai paye ta survie, tout le monde sâen fiche des enfants maltraitĂ©s.
Est-ce un hasard si jâai rĂȘvĂ© dâIncels la nuit qui a suivi cette longue discussion avec mon pĂšre ? Est-ce un hasard si mon sommeil est empli de scĂšnes de guerre ou il faut se protĂ©ger entre adelphes ? Câest trĂšs rĂ©aliste de se cacher sous le lit avec la vibration des pas prĂšs de nos tĂȘtes. Câest trĂšs rĂ©aliste dâattendre le dĂ©part de la bĂȘte. Calme, angoisse, calme, angoisse, les Ă©vĂšnements se superposent et me marquent de lâintĂ©rieur. Tout le monde passe certainement par ces Ă©tats, mais lâuniversalisme de lâexpĂ©rience Ă ses limites.
Quand jâai su que les Ă©coles allaient fermer, jâai retrouvĂ© des flashs trĂšs vifs de mon enfance. Jâai retrouvĂ© la promiscuitĂ©, lâinsalubritĂ©, le froid, lâabsence de moyens de communication adĂ©quats. Jâai eu la sensation de mon corps dâalors, interdit dâintimitĂ©, interdit de paix.
Pour tellement dâenfants cela nâa rien dâune joie ou dâun air de vacances. Jâen ai discutĂ© avec ma mĂšre la derniĂšre fois, elle en pleurait. Si ça avait eu lieu Ă lâĂ©poque, câest son prĂ©nom Ă elle que jâaurais pu coller sur un mur.
Alors, que faire de ce mĂ©lange de colĂšre, de pitiĂ©, de honte quand je tiens mon rĂŽle au tĂ©lĂ©phone, des heures durant Ă laisser vivre ce monologue de patriarche perdant sa langue et ses souvenirs ? Brave fille va, qui ronge son frein en lâentendant rabĂącher, se dĂ©battre avec un vieux rĂŽle pour lequel il nâa plus la carrure. Jâai beau nâĂ©couter que dâune oreille cela me heurte. Je tiens mais je tiens mal, mes cauchemars me rappellent ce que ça coute, la fidĂ©litĂ©. La main mĂ©tallique, bien que tremblante, bien que rouillĂ©e, cherche Ă maintenir son pouvoir dâemprise. Les centaines de kilomĂštres de distance nây font rien : câest impossible dâoublier dâoĂč je viens.
Il y a tellement dâautres personnes auxquelles jâai pensĂ© aprĂšs. Les emprisonnĂ©.e.s Ă quatre dans 9 m2. Les familles prĂ©caires dans la panique de la fin de la trĂȘve hivernale. Les sans domicile fixe. Les personnes vulnĂ©rables en hĂŽpital psychiatrique. Les travailleurs et travailleuses du sexe. Les personne ĂągĂ©es dont on ne chiffre par la mort en Ephad. Les rĂ©fugiĂ©.e.s, abandonnĂ©.e.s des discours. Les personnes en dĂ©pression. Celles et ceux qui ont des troubles alimentaires. Les femmes de mĂ©nage. Les Ă©boueurs. Les caissiĂšres. Les aides soignantes.
Un jour, jâespĂšre que lâon pourra faire quelque chose ensemble de toutes ces rages au ventre.
Jâai envie de toucher la peau de quelquâun.
#confinement#enfanceendanger#femmesbattues#rage#journaldeconfinement#journaldebord#penséespersonnelles#jourdapres
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Pleurire (mon corps est un mille-feuille)
Je nâai pas de solution et si jâĂ©cris ici, ce nâest pas pour romantiser le confinement. Pourtant je reconnais quâintimement il fait du bien Ă mes jours. Mes jours, câest cela lâĂ©chelle : ce que barrent les prisonniers impatients, ce qui prouve que la vie sâĂ©graine. Mes jours de confinement nâont pas de rituel strict, ils nâont pas lâobligation dâĂȘtre productifs et, puisque tout est inĂ©dit, ils sont balisĂ©s de quelques nouveautĂ©s comme le lever sans rĂ©veil, le matin doux, lâabsence dâamertume Ă lâidĂ©e dâĂȘtre libre de famille et dâenfants. Me replier sur moi me fait du bien car cela me protĂšge. Je ne suis pas plus forte que ma classe, que mon genre, que les oppressions subies. Cela ne veut pas dire que politiquement, mes humeurs sont les mĂȘmes. Comme dirait une copine, « on touche le fond et on creuse encore, on fait de la spĂ©lĂ©o ».
Et pourtant. Nous avons aussi besoin de moments de joie. Ce nâest pas ĂȘtre dupe que dâapplaudir le personnel soignant, les femmes de mĂ©nage, les Ă©boueurs et les caissiĂšres Ă 20h. Ce nâest pas ĂȘtre dupe que de parler enfin Ă ses voisins, de se sourire comme des naufragĂ©s. Ce nâest pas ĂȘtre dupe que de regarder les live de gens quâon admire ou une story mignonne sur insta, entre deux insomnies et le marasme des informations. Ce nâest pas ĂȘtre dupe et surtout la charge mentale et la pluralitĂ© des tĂąches on connait, alors si chacun pouvait un peu arrĂȘter de pointer du doigt le plaisir de lâautre ce serait pas mal.
On nâest pas des prophĂštes de lâinsurrection qui vient, on nâest pas une avant-garde Ă©clairĂ©e, on nâa pas besoin de hĂ©ros. On a besoin de collectif et de socialisme mais on est une chair Ă canon Ă©puisĂ©e alors paix Ă nos imperfections. On a besoin de souffler, on est pas toutes valides, on se sent pas toutes lĂ©gitimes, on nâest pas toutes hĂ©ritiĂšres, ni de valeurs symboliques ni de patrimoine Ă©conomique. On nâa pas toutes des maisons de famille sur la cĂŽte sauvage avec des livres Ă©crits par nos parents dans la bibliothĂšque. On nâa pas Ă©tĂ© payĂ©es pour Ă©tudier dans le prestige, on nâa pas eu une enfance heureuse et ouverte. Les traumatismes, le validisme, le viol, les coups, les cartes bleues bloquĂ©es, ce ne sont pas que des pancartes pour le 8 mars, câest aussi la rĂ©alitĂ© de bon nombre de camarades qui prennent moins la parole ou ne maitrisent pas les Ă©lĂ©ments du langage rĂ©volutionnaire sur twitter.
Nos corps sont des mille-feuille, gardez cela en tĂȘte. Nos corps nâont pas eu la mĂȘme ligne de dĂ©part et le mĂȘme parcours, ils ne peuvent pas avoir les mĂȘmes logiques et les mĂȘmes prioritĂ©s. Pour ne pas ajouter une pincĂ©e de violence interpersonnelle Ă la couche dâoppressions structurelles, il va vraiment falloir apprendre Ă coexister dans la lutte. Alors, quand je vois certains de mes contacts dâextrĂȘme gauche nâexprimer que colĂšre et cynisme, je les comprends. Mais je ne peux pas. Et je sais aussi que sâils nâont pas besoin de prendre soin dâeux, câest que dâautres le fond Ă leur place et de maniĂšre invisible, conjointes, mĂšres, sĆurs, amies.
JâĂ©cris ici sans vouloir donner de leçon, jâai des privilĂšges et des points de vulnĂ©rabilitĂ©, ma situation est banale : un point de vue situĂ© qui comprend mon passif et la maladie, qui reconnait aussi ses avantages. Bien-sur, il y a quelque chose dâinconfortable Ă admettre quâon ne dispose pas de la puretĂ© militante mais tant mieux. Fuck la puretĂ© et la gloire. Fuck les insultes Ă base de mĂ©pris de classe pour les gens qui ont achetĂ© du coca et des chips, fuck les injonctions Ă repenser sa fĂ©minitĂ©, les critiques envers lâapparence des femmes quelle quâelle soit, quâon se maquille ou quâon ait du poil aux jambes, quâon zappe le soutif ou quâon ait peur de prendre 3 kg. Nous ne sommes pas le problĂšme.Â
Ce soir, je veux applaudir le personnel soignant Ă 20h et en ĂȘtre Ă©mue aux larmes. Cela nâenlĂšve rien Ă ma rage contre les politiques de santĂ© public qui ont tout dĂ©truit depuis des annĂ©es et qui vont conduire des milliers dâinfirmiĂšres en syndrome de choc post-traumatique. Cela nâa rien Ă voir avec lâamnĂ©sie. Si je ne laisse pas complĂštement mon corps sâouvrir Ă la colĂšre, câest pour durer sur le long terme (je connais mes limites, comme je connais le froid, la promiscuitĂ©, la peur et lâhumiliation). Je dois dâabord me prĂ©server car personne ne le fera pour moi. Je dois dâabord mâassurer que mon corps et mon esprit tiennent, je suis toujours sur le fil, un rien pourrait me faire retomber. Il faut savoir doser le nombre dâheures Ă scroller sur les fils dâactu pour ne pas ĂȘtre submergĂ©e. il faut savoir doser au risque de vriller complĂštement. Jâaurais besoin de ma santĂ© mentale pour affronter le combat qui vient, recomposer mes forces et alimenter la lutte pour lâaprĂšs. Il est inutile de me torturer plus quâĂ lâhabitude.
Prenez soin de vous.
#confinement#chezsoi#luttes#care#feminist#lutte sociale#feminisme#violence#covid19#bien comĂșn#quarantine#social distancing
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Meilleure version
Jâessaye.
Mon voisin tond la pelouse et un parfum de chlorophylle arrive jusquâĂ mon balcon. Une femme Ă lâĂ©tage du dessus chante Neverending Story devant Netflix. Merci pour cela. Jâessaye de mettre mes actes en adĂ©quation avec lâĂ©tat du monde. De devenir une meilleure version de moi-mĂȘme dans ce quotidien soudain beaucoup plus conscient.
Jâai en tĂȘte une mĂ©lodie dĂ©suĂšte, Goodbye Marylou. On sâĂ©tait offert un carnet quâon sâĂ©changeait, je caressais les pages griffĂ©es de confidences, je chĂ©rissais ce journal intime de notre relation. Puis il y a eu la distance, le rouge baiser de tes mots imprimĂ©s en lumiĂšre bleue sur mon Ă©cran et mes doigts.
Maintenant, câest sur une page virtuelle que nous Ă©crivons le nâimporte quoi de nos pensĂ©es. Jâaime dĂ©couvrir les ponctuations que tu ajoutes Ă mes phrases parce quâelles leur donnent le souffle court. Jâaime surtout ce moment oĂč le curseur vient sâinsĂ©rer dans le mot que jâentame, oĂč il vient lâouvrir pour lui ajouter une syllabe. Sous cette petite bulle perfide qui indique ton action (⊠est en train dâĂ©crire), je devine les tensions de tes clavicules et le mouvement de tes mains. EnfermĂ©es par la force des choses, on se crĂ©e des sensualitĂ©s insoupçonnĂ©es.
Le temps sâĂ©tire hors-cadre jusquâĂ divaguer. Le printemps mord Ă ma fenĂȘtre, je dois faire un effort pour simplement le contempler. Comment en suis-je arrivĂ©e lĂ ? Comment me suis-je Ă ce point pliĂ©e au rythme sans repos de mon travail et de mes activitĂ©s militantes ? Je dois tout rĂ©apprendre loin des chambres dâhĂŽtel, immobilisĂ©e sur ce parquet, entre ces murs, dans les sons de mes voisins que je ne connais pas. En une semaine, nous sommes tous sortis de lâordinaire. La vie dans ce salon nâest plus au suspens dâune productivitĂ© inutile. Le paradoxe est de redĂ©couvrir ce que ça fait, un tĂȘte Ă tĂȘte avec soi-mĂȘme. Je me rĂ©pĂšte quelques mantras, comme Ă chaque fois que je sens le vertige me traverser. « Ce nâest pas le chemin qui est difficile, mais le difficile qui est le chemin ». « Un jour ou lâautre, on est tous le chien de quelquâun » « Et avec toi câest sur, que je mâennuyais pas »
La lumiĂšre est belle, elle mâinvite Ă faire le vide. Souffler un peu pour une fois.
Il y aurait eu de la place pour lâamour.
#confinement#journal intime#contemplation#personal diary#pandemie#pastravailler#quarantine#socialdistancing
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La voix humaine
Câest un tĂȘte Ă tĂȘte tellement Ă©trange, lâĂ©criture. Un ping-pong oĂč la rĂ©plique ne vient que de nous. Et pourtant, on peut quand mĂȘme ĂȘtre surpris. Et puis, avec ce confinement qui dĂ©bute, rester Ă la maison revient surtout Ă resserrer les rangs entre soi-mĂȘme et soi. Cette introspection, il va falloir lâĂ©tirer vers lâexpĂ©rience spirituelle. Ce silence, il va falloir refuser de le rendre insupportable. Il y a quinze jours, au bord de lâĂ©puisement Ă©motionnel, je nâaurais intimement voulu que ça. Dans mes rĂȘves dâĂ lors, câest Ă peine si je sortais une main timide dâune couette molletonnĂ©e. « Laissez moi lĂ , dans cette cabane ouatĂ©e Ă lâabri du monde ». Il y a quinze jours, jâĂ©tais persuadĂ©e que je venais de vivre le pire week-end de lâannĂ©e, je me confinais dans un coin de mon canapĂ© pour pleurer. Le monde cacophonait sous ma fenĂȘtre. Moi, jâĂ©tais bien avec mes fantĂŽmes, avec Guillaume Dustan et Jean Cocteau, HervĂ© Guibert, Daniel Darc. Il y a quinze jours, jâai impulsivement jetĂ© mon tĂ©lĂ©phone au sol, depuis je pianote sur un Ă©cran Ă©brĂ©chĂ© et jâai les doigts qui saignent.
Ma note iPhone du 1er mars dit « Ne laissons pas le monde nous Ă©triquer lâĂąme. » Jâai relu cette phrase aujourdâhui. Jâai ris de moi : cette phrase dit vrai sur un tout autre sujet.
Aujourdâhui, câest comme si 10 ans, une vie, un siĂšcle, Ă©taient passĂ©s en deux semaines. Cette voix au tĂ©lĂ©phone, par exemple. Je pensais que je ne mâen remettrais pas. Ou quâelle ne me parviendrait plus. Ou alors juste pour me martyriser sans le vouloir. Mais non. Je me recompose, il le faut. Je me rassemble et je me maintiens droit. Les affects personnels sont soigneusement rangĂ©s dans un tiroir que jâouvrirais peut-ĂȘtre dans trois mois. Maintenant nâest pas le temps de lâĂ©go : question de dignitĂ© et de prioritĂ©s. Je me diffracte totalement. La voix humaine atteint bien quelque chose lĂ -bas, mais Ă©touffĂ©e par un obstacle, une dĂ©flagration virale qui prend toute la place. La voix, je la comprend Ă peine. Elle nâest pas mon alliĂ©e, et malgrĂ© tout ce que jâai pu espĂ©rer, elle nâest pas mon alter. Je me repli sur ma blessure pour lâanesthĂ©sier. Je ne veux ni la voir ni la sentir. Le repli va ĂȘtre long. DĂ©jĂ je ressens les prĂ©misses de lâabrupte. Abrupte silence dans mon appartement de femme vivant seule, bien que cette solitude soit pleinement choisie. Abruptes la peur et la colĂšre. Les vulnĂ©rables, lâabsence de prise en charge dans les squats, dans les prisons. Cette horrible pensĂ©e qui retire le sommeil âpourvu que les mĂ©decins ne soient pas forcĂ©s de trier, pourvu que les mĂ©decins ne soient pas forcĂ©s de trier...â Je nâai pas le droit de partager ces pensĂ©es avec la voix qui me manque au tĂ©lĂ©phone. Pour trouver du sens et ne pas craquer, il faut communier Ă un autre endroit. Prendre de la hauteur ensemble, câest Ă dire avec des millions de personnes quâon ne tutoie pas mais qui partagent un moment historique. Je ne dois pas me disperser de ce fil tendu, collectif. Un ami Ă©crivait tout Ă lâheure « Annuler tout. Payer tout le monde ». Le monde de demain, peut-ĂȘtre, fera cela. Le monde de demain se rappellera que pour sauver des vies, ce sont les travailleuses du care, si souvent humiliĂ©es, qui ont risquĂ© la leur. Et aussi ce soir, je pense Ă Act-up. Je pense Ă leurs slogans qui vivaient le Sida comme une guerre. A Gwen Fauchois et Ă son beau texte « La rĂ©duction des risques et la solidaritĂ©, câest nous ». Ca veut dire que ce nâest pas toi Ă 20h, non. Toi, tu nâes pas du bon cĂŽtĂ© du combat. Tu arrives juste Ă mettre ta guerre en miroir dâun espace Schengen anĂ©anti. Toi, tu as participĂ© Ă la destruction de tout ce qui fonde notre solidaritĂ© collective et ce ne sera jamais ton monde qui prendra soin de nous. La colĂšre que tu amĂšnes, je la garde pour demain et les jours dâaprĂšs. Pour lâinstant, je lis et je refuse de produire. Je regarde les mĂ©sanges bleues par la fenĂȘtre de mon salon. Je mâhabitue avec joie Ă lâabsence de travail et je veux bien croire quâon traversera cela sans perdre notre humanitĂ©, quâon prendra soin enfin et collectivement de notre classe et de nos communautĂ©s marginalisĂ©es, loin de votre toute puissance incapable. Pour lâinstant, il y a cette chanson de Daho qui passe comme un souffle feutrĂ© : Me manquer (Londres en Ă©tĂ©). Et par pudeur je le dis en anglais⊠Miss you baby.
#confinement#communion#daho#cocteau#actup#care#pastravailler#silence#pandemic#coronavirus#quarantine#socialdistancing
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Matthias & Maxime, portrait de deux jeunes-hommes en feu
« Nous avons parfois le sentiment de ne pas ĂȘtre celui que nous sommes, de jouer un rĂŽle, dâĂȘtre en marge de notre propre vie, sans y adhĂ©rer, comme si un souffle dâair passait toujours entre le monde et nous, un voile de brouillard qui le rend flou, sans saveur, sans goĂ»t. Ce monde lĂ nâest pas fait pour nous, nous ne pouvons pas nous en contenter. On ne saurait pas dire pourquoi, on le pressent simplement, on ressent un malaise et une honte Ă lâidĂ©e de nous fondre dans cette vie. On est agitĂ©, instable, inquiet. On ressent un manque, une insatisfaction, une tension intĂ©rieure sâintensifie dâune maniĂšre si pressante quâil devient nĂ©cessaire de rompre avec celui quâon a Ă©tĂ©. » Par heureuse coĂŻncidence, je lisais Rupture(s), de Claire Marin, quand jâai vu Matthias et Maxime pour la premiĂšre fois. On peut rencontrer un film. Je veux dire, comme on rencontre un ĂȘtre humain qui nous bouleverse. On se fait traverser prĂ©cisĂ©ment Ă lâendroit de nos doutes et de nos obsessions. Cela fait mal puis trĂšs chaud. On vient de se faire happer, pas uniquement par affinitĂ© esthĂ©tique et thĂ©matique.
Depuis, jây pense chaque jour. Je veux comprendre. Jâen parle comme dâun rendez-vous, je crois que câen Ă©tait vraiment un. Jâai Ă©normĂ©ment de gratitude pour Xavier Dolan, pour la saveur et la joie que diffusent ses dialogues. Pour la beautĂ© de certains plans Ă travers une fenĂȘtre ou dans les profondeurs dâun lac, pour les dĂ©tails cachĂ©s en arriĂšre plan comme autant de strates de lecture. Jâai Ă©normĂ©ment de gratitude pour la subtilitĂ© avec laquelle il arrive Ă jouer un ĂȘtre marquĂ© dans la chair mais sublimĂ© par le stigmate.
Aux cĂŽtĂ©s de Matthias et Maxime, je me suis blottie dans les punchlines de potes, lâhumour, les rĂ©fĂ©rences Ă la pop culture, les chansons fĂ©briles qui composent la b-o. Jâai ri avec tendresse de cette bande dâamis hyper-tactiles et bavards, qui nâarrivent jamais Ă parler au cĆur des choses. Je me suis sentie en proximitĂ© de ces jeunes trentenaires un peu enfantins et fort heureusement maladroits avec la virilitĂ©. Jâai contemplĂ© les routes du QuĂ©bec, les couleurs chaudes du dĂ©but de lâautomne, le sĂ©pia des fins de soirĂ©e. Bougies, lumiĂšre tamisĂ©e, capsules de biĂšres et cendriers pleins en guise de nature morte. Jâai Ă©tĂ© percutĂ©e par les ruptures de ton. Ce long silence qui arrive au tiers du film, qui vient triturer en nous ce quâil faudrait dĂ©border et crier, mais quâon ne peut que contenir.Â
Jâai passĂ© tout un week-end avec ce film puis, au bout de cinq gĂ©nĂ©riques de fin, jâai eu besoin de faire un geste. Il fallait quelque chose dâassez ritualisĂ© et sacrĂ©, un tatouage. Logical Family en caractĂšres dâimprimerie sur le bras droit. (Je pense que tu peux comprendre ce truc du tatouage). Une maniĂšre de froisser la photo de famille qui nargue sur le frigo, de laisser lâasphyxie derriĂšre moi.
Je pense que tu peux aussi comprendre ce truc de lâasphyxie, toi qui laisse ton personnage principal se liquĂ©fier et perdre pieds, littĂ©ralement submergĂ© par trop de fulgurance. Alors on suit Matthias qui se perd. Qui se crame. On lâobserve vaciller sur un matelas Ă eau, plonger dans des profondeurs limpides et nager jusquâĂ lâĂ©puisement. On partage ses obsessions hallucinĂ©es, ses regards en biais, le prix que lui coute son costume et son masque de jeune avocat en vogue. On lâobserve sâĂ©teindre, blĂȘmir, les yeux dans le vague.
On lâentend, lâavocat Ă la parfaite maitrise du vocabulaire, perdre sa langue, bafouiller, se confondre en lapsus et en incapacitĂ© Ă prononcer un discours sensible. En incapacitĂ© Ă dire au revoir.
Câest dans ce dĂ©ni aliĂ©nant que la tension sâinstalle. Dans lâincapacitĂ© totale de Matthias Ă rĂ©flĂ©chir ou verbaliser ce qui le hante et lâanime.
Mais la tension câest aussi le dĂ©sir. Et câest par Maxime que le dĂ©sir vient.
Maxime, câest ce personnage second et nĂ©anmoins central, observĂ© Ă son insu derriĂšre la fenĂȘtre dâune chambre, fantasmĂ© derriĂšre une vitrine, filmĂ© a travers les miroirs qui le blessent. (Je ne montre pas ton visage mais de ton cĆur le dĂ©sir). Une tache de naissance lui balafre la joue et dit beaucoup de ses yeux baissĂ©s, des sweets Ă capuche qui lui dĂ©vorent le visage, de sa gentillesse et de son trop grand sens du compromis.
Câest lâami dâenfance que Matthias dessinait Ă la maternelle, celui quâil a peut-ĂȘtre embrassĂ© une fois au secondaire, mais bon il ne se souvient plus. Câest le complice du quotidien, celui avec qui il va au sport toutes les semaines, avec qui il a dormir des tas de fois, mais qui, dâun coup, dĂ©clenche des insomnies. Câest surtout celui qui pousse Matthias hors de lui - tellement que ce dernier en viens aux mains et aux insultes - qui le force Ă muer, Ă se risquer loin du confort des faux-semblants.
Matthias et Maxime est un film Ă miroirs, câest aussi un film en miroir. Comme on souffle le chaud et le froid, il y a le brun et le blond, le bleu et le rouge qui, Ă lâimage de lâaffiche du film, se confondent et se complĂštent. Barman la nuit, Maxime est trop occupĂ© par sa mĂšre toxico pour sâoffrir le luxe dâune carriĂšre ou dâune vie sentimentale. Il porte comme un fardeau sa loyautĂ© toxique Ă sa famille, suinte de sang, de larmes et dâĂ©corchures. Matthias, lui, est le gendre idĂ©al aux chemises fraichement repassĂ©es et au sourire figĂ©. Il a un poste Ă responsabilitĂ©s, une famille aisĂ©e et une relation de couple pourvue dâautant dâaspĂ©ritĂ©s quâune maison tĂ©moin. Depuis quâil a embrassĂ© Maxime pour de faux, le monde autour de lui est un larsen permanent.
Il faut parler de ces masculinitĂ©s-lĂ . Celles qui ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©es avec une pĂ©nurie de mots pour les relations intimes, qui sont Ă la peine mais qui, quand mĂȘme, vont oser un geste pour craquer le systĂšme. Surtout, il faut parler de Maxime. De la violence de classe quâil endure avec lassitude. De ses yeux fermĂ©s sur lâunique photo de famille quâil possĂšde. Il ne sâest pas encore vu vraiment.
âIl est temps de prendre soin de soiâ lâimplore une de ses mĂšres de substitution. Dans quelques jours justement, il va tout plaquer pour partir en Australie, loin du placard sous lâescalier. Peut-ĂȘtre. Il nâa plus quâĂ faire une valise. Mais le voyage qui devrait lui rendre sa libertĂ© a aussi un goĂ»t de fuite. Les jours avant le dĂ©part sâĂ©grainent, comme un compte Ă rebours cruel. Il faudrait quâil se passe quelque chose. Â
Dans Matthias et Maxime, lâasphyxie guette mais ne gagne pas. Dans la buanderie au fond de lâappartement, le dĂ©sir la vainc par KO. Un couloir dâappartement devient le plus beau des jeux de pistes. Lâun cherche lâautre et sait quâil est attendu. Les portes sâouvrent sur du vide qui exacerbe la tension. Il faut chercher encore. La lumiĂšre vacille. Lâalcool fait le souffle court et les mains tremblantes. Un verrou se ferme et Xavier Dolan nous offre un moment de grĂące. Quatre minutes dâextase oĂč Song of Zula se mĂȘle au plus intense, au plus douloureux et au plus nĂ©cessaire des baisers.
Some say love is a burning thing / That it makes a fiery ring. Une pluie battante contre le brasier dâune Ă©treinte. Le portrait de deux jeunes-hommes en feu.
Que peut-on faire aprÚs ça ? Reprendre son souffle, se recomposer un visage social, se cramer vraiment cette fois ? Vodka ou mélanges rien ne sera assez fort. So honey I am now, some broken thing⊠And I'm racing out on the desert plains all night.
ApprĂ©cier la brĂ»lure de la neige sur les larmes. Courir dans MontrĂ©al pour ne plus penser, ou pour trop bien se rappeler ce quâon fuit. Tourner la page sur ce qui fait battre le cĆur, ou baisser la garde et ĂȘtre Ă lâheure au rendez-vous.
Choisir de basculer en soi.
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Introduction
Un jour tu te rends compte que tu viens de perdre cinq ans de ta vie. Un jour tu te rends compte que tu as Ă©tĂ© sous emprise, que tu tâes mĂȘme accrochĂ©e Ă tes cordes : tu ne sais pas ce que câest dâexister pour soi-mĂȘme. Tu es triste. Ton bourreau te manque. Bah oui, câest pas si simple. Tu as tellement fait dâefforts. Ce nâĂ©tais jamais assez. Tu as tellement encaissĂ©. La rupture a un goĂ»t dâabandon, dâinjustice et de trahison. Tu as la rage. Tu ne sais pas encore que câest la meilleure chose qui pouvait tâarriver.Tu pars tâisoler au bord de la mer avec ta meilleure amie. Câest lâhiver, tu souhaites faire le point mais rien ne sort. Rien sauf la rage. Tes poings se serrent, ta mĂąchoire se crispe Ă la seule pensĂ©e de ces derniĂšres annĂ©es. Tu ne sais pas comment ton corps va supporter tant de colĂšre Ă vif. Il va falloir tout dĂ©construire, tout trier, pour recomposer un jour quelque chose de joyeux. Revoir les bases : - Ton fĂ©minisme qui sâest bien fait berner. - Ta proportion Ă prendre soin des autres au dĂ©ni de tes propres besoins. - Ton dĂ©sir (Ă toi mĂȘme, Ă ton corps malmenĂ©, aux autres qui ne sont pas forcĂ©ment des hommes)
Cela va prendre du temps et tu es si fatiguĂ©e. Il te faut 18 mois pour ouvrir ce blog. Tu ne sais pas encore ce que tu vas faire de cette nouvelle partie de vie. Tu sais que tu as barrĂ© les choses imposĂ©es (le couple, le bĂ©bĂ©, la famille, le prĂȘt sur un demi-siĂšcle). Maintenant câest un jeu.
Tu as 33 ans, tu es féministe, tu ne veux plus survivre. Tu te remets à écrire.
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