#tous les ans c'est pareil
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Quand tu t'es grave motivée à faire enfin toutes tes déclarations et qu'il te manque juste un (1) papier
#donnez-moi mon putain de certificat de précompte bordel#tous les ans c'est pareil#au moins Ircec et impôts c'est fait#j'ai pas tout à fait perdu mon heure de stress#blabla
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"petit tips pour les anonymes, si vous assumez pas suffisamment vos propos pour les poster avec votre compte, c’est probablement que vous devriez les garder pour vous." Non c'est juste que tes potes et toi avez fait une profession du fait de tourner en ridicule et d'aggro les gens qui leur parlent ouvertement, confonds pas tout. C'pas psq les gens veulent pas que vous veniez vous acharner sur eux leurs fo et leurs potes pendant 5 ans qu'ils sont pas en accord avec leur opinion. C'pas psq des gens qui vous connaissent pas veulent pas deal avec vous que c'est eux le problème.
Et si on veut parler en anonyme tu vas faire quoi ? J'viens avec un post anon rien que pour te mettre ça dans la tronche : me semble que des meufs t'ont dit de pas parler sur leur projet et que t'as répondu grosso modo que tu fais ce que tu veux. Donc les anon font ce qu'ils veulent ? :)
Ah et pour ton "ouin ouin violence bouh regardez vous avez deux poids deux mesures" : j'peux pas t'aider comme le tone policing est interdit ! Mince alors. Mais t'es drôle quand tu insistes sur le fait que personne n'a à te dicter comment parler puis que tu sors une quote de comment t'estimes que X aurait dû te répondre avant de reblog Y pour te plaindre de son parler de banlieusarde. C'est pas comme si ça fait 4 ans que 90% des gens qui vous lisent vous disent que vous filez de l'anxiété à tout le monde et que vous êtes agressifs et que vous rendez impersonnelle et malveillante une cause juste, et que vous en aviez rien à taper.
Comme t'as dit t'es une bad bitch qui emmerde tout le monde donc vas-y relève-toi mdrrrrrr t'as soudain oublié ta street cred dans le marécage où tes potes ont laissé leurs neurones quand ils ont ficha qu'un post débat poli était trop long et trop complexe pour eux.
Bon étant donné que tout semble tourner autour du « vous » et du « nous » je vais donc en faire de même. Et vu que vous avez tous pris le temps de lire 5k d’une autre personne, vous prendrez certainement le temps de lire les miens n’est-ce pas?
Vous êtes super rapides à brandir la croix et la bannière pour défendre les gens sur des multitudes de sujets tels que la santé mentale, l’accessibilité, le plagiat et autres, mais quand c’est des personnes racisées qui expriment leur lassitude face à une discrimination qu’ils subissent (et donc un mal-être qu’ils ressentent, parce que c’est bien de ça dont on parle, c’est pas un débat ou l’un a tort et l’autre raison c’est un constat fait par des gens qui partagent leurs plaintes et vous votre réponse à ça c’est de les fustiger encore plus) là y’a plus aucune tentative de compréhension parce que vous êtes visiblement tellement étranglés par votre propre conscience que vous le prenez personnellement.
Vu que vous n'avez à priori pas dotés de suffisamment d'empathie pour parvenir à saisir les nuances d’une situation quand elle ne s’applique pas à votre propre personne : s’offusquer qu’on fasse des généralités (statistiquement correctes, j’insiste encore) sur les membres d’une communauté c’est du même niveau que les hommes qui s’offusquent quand des femmes témoignent de l’oppression qu’elles subissent et dégainent leur #notallmen. Là c’est pareil. On a pas dit qu’absolument toutes les personnes qui jouaient des fcs blancs sur ce forum ou d’autres étaient des racistes, mais si vous n’aviez absolument rien à vous reprocher ça vous serait passé au dessus de la tête et vous auriez pas été violentés au point de faire des amalgames comme si on avait sous entendu que vous étiez des nazis. La preuve étant qu’on a même pas qualifié quiconque de raciste, ce raccourci vous l’avez fait vous même comme des grands ce qui ne fait que prouver davantage que vous êtes au courant de la problématique que cette constatation de sur-représentation blanche représente. Vous êtes en train de vous empaler tout seuls sur votre épée mais vous préférez blâmer le forgeron.
En fait vous êtes tellement aveuglés par votre désir de diabolisation de nos personnages que tous vos arguments se focalisent sur notre façon de parler et/ou de ne pas parler plutôt que sur le message qu’on porte. Vous avez des œillères tellement phénoménales que vous préférez par exemple ignorer que si, on a répondu au long message qui ne comportait que des affabulations et de la réthorique fantasmagorique qui reposait sur de la spéculation totale. Tout ce qu’on dit vous trouvez un moyen de l’interpréter et de le tordre pour concorder au moule de votre vision étriquée de la situation et vu que vous avez l’air d’avoir des soucis d’ordre interpersonnels avec nous vous préférez ne pas chercher à comprendre ce qu’on dit mais plutôt trouver un moyen de nous le renvoyer à la gueule.
La vérité elle est très simple, on est face à une situation où on a constaté un manque de représentation dans les fcs des forums, et la réponse qu’on a reçu c’est « traitez nous pas de nazis vilains harceleurs haineux ». Un grand écart tellement prodigieux qu’il en ferait faire pâlir les plus grands gymnastes de ce monde.
On est tous d’accord je l’espère sur le postulat que le racisme c’est pas bien, donc pourquoi est-ce que vous cherchez à nuancer le propos uniquement quand la responsabilité de son existence vous incombe aussi? Au lieu de saisir l’occasion de vous remettre en question et d���œuvrer positivement pour faire de cette communauté un espace davantage bienveillant comme vous semblez tant le désirer vous préférez sacrifier ça au prix de votre défense. Quel égoïsme et autocentrisme tragique.
En tout cas ne te fais pas de soucis pour nous, on se porte tous très bien mentalement, on notera tout du moins la rapidité avec laquelle tu es venue te réjouir et fanfaronner d’un potentiel mal-être de notre part. L’attention portée au mental des gens c’est à sens unique comme toujours mais heureusement on est solides à ce niveau là parce qu’on est profondément convaincus de la noblesse de nos propos et de ce qu’on défend. Les difficultés de l’un ne l’emportent pas sur celle des autres, vous ne savez à priori pas grand chose non plus de ce qu’on vit ni qui on est, mais étant donné qu’on ne pollue pas nos paroles avec des informations d'ordre de l'intime on n’y prête pas attention. Si vous êtes fragiles mentalement et souffrez d’anxiété, j'en suis désolée pour vous mais ça n'a pas sa place dans la discussion et avant tout ça ne vous dispense pas d’être tenus responsables de vos propos et actions lorsque ceux-ci sont de nature discutable. Si vous proférez des propos virulents et invalidants, on vous répondra avec la même énergie parce que jusqu’à preuve du contraire le droit de se défendre ne vous est pas exclusivement réservé, et soudainement vous vous plaignez en disant que ça vous agresse? J’suis au regret de vous annoncer qu’il fallait pas laisser votre bouche écrire un chèque que votre cul est pas apte à encaisser.
Maintenant que ça c’est fait, je te réponds aux critiques envers moi et moi seule. Par rapport au sujet de ma critique vis à vis de l’anonymat, oui vous faites ce vous voulez, et moi j’ai pareillement le droit d’exprimer mon avis sur la question. C’est ce que j’arrête pas de dire depuis le début mais vu qu’encore une fois vous préférez comprendre ce que vous voulez je vais continuer à radoter.
Mon message avait pas pour but de « chouiner », il avait pour but de retourner le principal argument qui est employé depuis le début de cette histoire pour dévaloriser nos paroles et décrédibiliser l’importance de notre revendication étant : vous êtes violents, et même si on est d’accords on cautionne pas. Le fait étant que là y’a de la violence réelle et tangible qui a été proférée mais j’vois personne en aller de son petit texte et rebloguer en masse pour exprimer oh combien ça le remue de voir de l’agressivité. Étrange phénomène. Ça prouve bien que le problème de notre soit-disant violence il est épidermique et que le cœur de vos reproches envers nous est lui bien viscéral.
La vérité c’est qu’à la fin de la journée c’est chacun avec sa propre conscience et vu la virulence avec laquelle vous défendez et justifiez votre caractère j’ai l’impression que la vôtre est bien bien lourde. J’ai jamais dit que j’étais une bad bitch, jamais mentionné la moindre street cred mais merci pour le compliment, et tu sais quoi pour te remercier c’est ton jour de chance j’emmerde pas tout le monde mais j’vais mettre un point d’honneur à t’emmerder toi tout particulièrement, des bisous.
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Débat Bardella/Attal ou comment comprendre l'abstention.
Arrogance, petites phrases, avalanches de chiffres abstraits et postures faussement dignes qui font ensuite l'objet de montages vidéos condensant les petites piques censées faire office d'estocades sans retour.
La réalité : deux ectoplasmes sans enfant, sans culture, sans véritable expérience professionnelle et sans vécu ni tempérament, tentent de se faire passer pour des hommes d'Etat.
Pour paraphraser De Gaulle à propos d'Albert Lebrun, une chose leur manquait pour qu'ils fissent véritablement "hommes d'Etat" ; qu'ils fussent des hommes tout court.
Comme le chante Brel "ils aimeraient bien avoir l'air, mais n'ont pas l'air du tout".
Regardez-moi ces pauvres types, habillés tout pareil avec leurs couleurs ternes, leurs sourires faux et leurs discours convenus, qui font semblant de savoir ce que nous vivons alors qu'ils ne savent même pas qui nous sommes ni même qui ils sont, et que tout le monde sait qu'ils sont tout juste bons à flagorner auprès d'un mentor dont ils prendraient volontiers la place.
Hélas le plus insupportable des deux fut sûrement Bardella, dont l'arrogance et la manière d'appuyer chaque phrase avec une feinte conviction masque mal le manque d'expérience et d'idées en dehors des fiches : puisse cette légère défaite médiatique contribuer à lui forger un peu le caractère.
D'ici là, chaque fois que j'entendrai "il parle bien", je ne pourrai m'empêcher de penser que tous les gens qui ont détruit notre pays depuis 50 ans "parlaient bien" également, que ça ne veut rien dire et que les putes de luxe allument à merveille : c'est leur métier.
Avaleur de fiche contre débiteur de fiche : si on leur ouvrait le ventre, je ne suis pas certain qu'on trouverait autre choses que des post-its.
N'importe quel militantisme de terrain, engagement associatif, maison joliment retapée ou entreprise bien gérée font plus pour le pays que ces agitations d'Iznogouds en costards.
Réveillez-vous, bordel !
Jean Eudes Gannat
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Le vieux Léonard, avec son regard qui a autant vécu que la pierre des pavés, passe tous les jours dans cette rue, « parce qu’elle a plus d'histoires à raconter que le journal du dimanche. » Il ne lit pas, Léonard. Mais les images, ça, il comprend. « C'est bleu, c'est beau, ça change des gris de mon temps ». Un jour, une gamine du quartier, Lila, du haut de ses dix ans et de sa curiosité insatiable, le tire par la manche. « Pépé, ça veut dire quoi 'Révolution Féministe' ? » Léonard, qui a l'habitude de manier le verbe comme on manie la pétanque, lui rétorque du tac au tac : « Révolution Féministe ? Ça, ma môme, c'est comme un cassoulet : ça mijote longtemps, parfois ça fait du bruit, et ça finit par réchauffer tout le monde. » Lila, les sourcils froncés, essaie de déchiffrer cette énigme à la Léonard. « Mais pépé, pourquoi un cassoulet ? » Le vieux s'assoit sur le rebord d'une fenêtre, invitant Lila à en faire autant. « Écoute, le cassoulet, c'est plein de choses différentes : des haricots, de la saucisse, du confit. Chacun apporte sa saveur. La révolution, c'est pareil. Des gens de tous horizons, chacun avec son histoire, qui se battent pour une cause commune. Comme dans ton cassoulet, y'a des moments doux et d'autres plus épicés. » Lila hoche la tête, l'air de dire qu'elle engrange la leçon. Léonard poursuit, un sourire en coin : « Et puis, ça prend du temps pour bien faire un cassoulet. Faut être patient. Les changements, c'est pareil. Ça n'arrive pas du jour au lendemain. » « Et ça réchauffe tout le monde, tu veux dire que ça aide tout le monde ? » demande Lila, l'œil pétillant. « Exactement, gamine ! Ça aide tout le monde à se sentir mieux, comme un bon plat partagé entre amis. » Lila, avec la fougue de ses dix printemps, rebondit : « Pépé, tu crois que je pourrai faire partie de la révolution féministe ? » Léonard rit. « Toi, tu es déjà en train de mijoter ta propre révolte, ma p'tite dame ! Le monde ne sait pas encore qu'il aura affaire à toi ! » Et dans les yeux du vieux Léonard, une étincelle de fierté s’illumine, voyant en Lila l'aube d'une nouvelle ère.
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c'est quand même un peu facile de tout mettre sur le dos de la méthode. dans le privé, déjà il y a des profs qui ont envie d'être là (pas de parachutage à l'autre bout de la france) (et à mon avis, ça joue sur leur implication!), des elèves en général plus suivis par les parents et moins d'élèves qui viennent de milieu défavorisés (moins de différence de niveau entre élèves)et les elèves à problèmes ou qui sont simplement moins bons qui se font virer vers le public.
quand tu as des élèves qui foutent le feu aux poubelles ou balancent des chaises à travers la classe, même si tu as une bonne méthode d'enseignement, ça va quand même être compliqué.
Les méthodes d’enseignement et de gestion de classe + autorité, discipline, respect des règlements. Si des élèves arrivent au collège en pensant que c’est possible de balancer des chaises c’est que ça a foiré bien avant. Typiquement jusque dans les années 70-80 le privé c’était quelques établissements d’excellence et beaucoup de confessionnel + les cours qui repêchaient ceux qui se faisaient virer du public.
L’inconvénient c’est que maintenant, comme virer les gens c’est vilain, on a inversé la logique de sélection : le privé choisit et le public garde tout le monde. Ce n’était pas comme ça avant le collège unique. Et quand l’école française était l’une des meilleures du monde, les profs étaient tout aussi parachutés, comme tous les fonctionnaires puisque la décentralisation date aussi des années 80. Ça n’a jamais empêché personne de bien faire son travail.
Quand au suivi par les parents, pareil. A une époque où les familles étaient beaucoup plus nombreuses, ça allait aussi, sans pour autant que les parents aient la possibilité ou le temps de suivre quoique ce soit. Dans la famille de ma mère ils vivaient à 5 dans un petit 3 pièces dans une petite cité, avec les 4 gamins dans la même chambre. Mon grand père était ouvrier, ma grand-mère couturière et les 4 sont allés à l’université avec exactement zéro aide parentale. Ma mère dit souvent qu’elle serait née 30 ans plus tard elle n’aurait certainement pas eu les mêmes chances.
Alors oui ça demande de remonter 40 ans en arrière mais l’école d’avant avait moins de moyens, des enseignants moins diplômés et plus jeunes, tout aussi parachutés, des classes souvent très chargées, des élèves de toutes origines sociales, et ça marchait 🥹
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340 follow ?! (pas follower)
mais c'est... complètement con. J'arrive même pas à garder le fil de mes 10 amis vrais et là... les publications... Ca va d'"il y a 4 ans" à "il y a 1 seconde".
-> action ! Si je défollow tous ceux qui publient quand je dors, ça changera rien puisque je les vois forcément pas sauf s'ils m'écrivent. Tout ceux qui ne publient plus. pareil. C'est déjà ça. Je garde juste ceux que je "connais" ? Comment j'ai croisé les autres alors ?
Question métaphysique
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"— Toute la famille de mon père est française, originaire de Solre-le-Château, près de Maubeuge. Au petit cimetière sont enterrés tous les miens. Nous avons été une famille extrêmement nombreuse. Tout cela est inscrit sur notre livre de raison, que je possède encore. On y marquait les naissances, la raison pour laquelle on avait donné tel nom aux enfants, et comment étaient morts les vieux. J'ai eu un ancêtre tué à Austerlitz, et ce jour-là, il lui naissait une fille, et on l'a appelée Souffrance. Une autre, née au moment des guerres de Napoléon, elle aussi, s'est appelée Victoire. Pendant quatre cent ans, des paysans appelés Degrelle ont cultivé le même champ. Dans le livre de raison, on a aussi gardé les lettres d'amour du fiancé à la fiancée. En même temps que de leur amour, ils se donnent des nouvelles du temps, de la récolte, ils disent : le blé, ou le seigle, seront bons cette année. Je pense, voyez-vous, qu'en France, au temps des rois, il y avait des millions de familles qui étaient pareilles à la mienne; et c'est pour cela que la France est un grand pays. [...] Quand on pense à ce qu'on a pu faire dans le passé, quand on pense qu'il y a eu les croisades, ces milliers d'hommes partis pour délivrer le tombeau du Christ, on ne peut plus désespérer des hommes : ils sont capables de tous les efforts."
Il parle avec un tel calme, avec une telle confiance en l'avenir... J'écoute ce jeune homme invisible, qui a appelé à son secours son enfance, son pays, qui m'a parlé avec tant d'émotion de la France, de son passé, de son héroïsme gracieux. Je l'avoue, je m'intéresse d'abord à la figure que forment dans le temps et l'espace les êtres humains. C'est de cela, quel que soit l'avenir, que je me souviendrai.
— Robert Brasillach, Notre avant-guerre
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2h23
C'est difficile de prendre l'habitude d'écrire ici.
J'ai toujours écrit, mais dans des carnets, des pensées, des petits paragraphes. Surtout lorsque les émotions se mélangeaient, me submergeaient.
J'ai envie d'essayer d'être plus régulière et surtout tenter d'écrire sans être emportée par les émotions, le tourbillons de sentiments qui m'envahie très souvent, surtout ces derniers temps.
Cela fait un an que ma mère est décédée. Mais la douleur que je ressens par rapport à ça n'est plus aussi forte. Mais cela fait 1 mois qu'une relation importante pour moi s'est terminée. Ce n'est qu'une relation, ça ne faisait que 10 mois que je connaissais cette personne et pour autant elle m'a détruit.
Comment une relation plus courte, moins construite, peut me faire plus de mal maintenant qu'elle s'est terminée que le décès de ma propre mère ?
Je ne dois pas tournée très rond. Ma psychologue me dit que c'est une question de manipulation, etc. Elle a sûrement raison, je ne suis peut-être pas assez armée contre ce genre de personnes. Elle parle aussi de difficultés affectives, peur de l'abandon, et j'en passe. Et ouais, elle a raison, et je le sais aussi depuis toujours.
Mais je me suis jetée à corps perdue dans cette relation pensant qu'il était la solution à toutes mes questions, mes démons, que lui seul comprendrait mes pensées les plus tordues, les plus inavouables.
Lorsque j'avais 10 ans, dans mon lit, dans cette petite chambre, la nuit à travers le velux je regardais les étoiles et je me demandais s'il existait sur cette Terre une autre personne comme moi, aussi perturbée, à réfléchir autant, à ne pas comprendre l'intérêt de son existence, à ne pas se sentir à sa place.
J'ai toujours voulu faire du théâtre, peut-être parce que j'ai inconsciemment une grande facilité à jouer un rôle dans la vie depuis toujours, depuis toute petite. Paraître normale, comme les autres, même si je ne comprenais rien aux codes sociaux, aux façons de se comporter, j'essayais. Les autres enfants voyaient bien que je ne bitais rien à rien, et je finissais seule dans mon coin, dans mon imaginaire, mes questionnements.
Je ne cherchais plus à exprimer ce que je ressentais vraiment, je voyais bien que personne n'arriverait à répondre à mes interrogations ou même à en discuter avec moi. En même temps, à 5 ans, les enfants ont autre chose à faire que de discuter sur l'existence, les inquiétudes du monde et surtout tenter de comprendre à quoi on sert, à quoi ça sert tout ça et surtout le pourquoi, le fameux pourquoi. Non, à 5 ans, on joue à loup, à cache cache, on court dans la cours, on s'imagine un monde, on sociabilise, bref on évolue dans une micro société dictée par les règles de l'école d'une part, de l'éducation donnée par la sphère familiale d'une autre.
Ouais, je n'ai jamais trop compris ma manière de réfléchir, je la subis plus qu'autre chose.
Mais lorsque je l'ai rencontré, que je lui ai parlé de tout cela, de mes angoisses, mes peurs, ma non envie de continuer, mon côté désabusé, ma misanthropie, ça ne lui a pas fait peur à lui. J'ai même cru voir en lui une certaine fascination et surtout j'ai cru qu'il se retrouvait en moi, en mes démons. J'ai plongé dans cette illusion qu'était sa manière de me voir selon moi, selon ce que j'en avais compris.
Au final, il était pareil que les autres, c'est cette façon que j'avais de le considérer qui lui plaisait. Croire qu'il était différent lui donner ce sentiment de l'être, et qui n'aime pas se sentir différent de tous les autres ? On ne va pas se mentir, nous ne sommes pas si exceptionnel que ça, alors lorsqu'une femme plus âgée vous trouve ce quelque chose que les autres ne voit pas, ouais ça flatte l'égo. Surtout si cette femme plus âgée en a un peu chié dans la vie et qui paraît forte malgré toutes ses failles. C'est sûr que ça peut attirer certains hommes, et pas forcément les plus sains.
Bref, j'essaie d'avancer avec toutes ces douleurs qui se mélangent en moi. La colère. La tristesse. La honte. La peur. Le manque. L'amour. Le regret. Autant nuances de couleurs dans ma palette des émotions qui fusionnent. Je n'y vois plus trop clair.
Les anxiolytiques m'aident à dormir, du moins à me rendre plus molle. Je suis fatiguée, tout le temps. De moi, des autres.
Je lui ai dit au revoir, l'amour c'est surtout des histoires, des menteries comme dirait Gab Bouchard.
Je ne lui ai pas dit au revoir à elle, à ma mère, mais je lui ai écrit une lettre que j'ai glissé dans son cercueil.
J'aurais préféré l'inverse finalement.
Malgré ma bienveillance à son égard, il m'a traité comme si j'étais la pire des personnes qui existent sur Terre. C'est fou comme on peut être la plus belle personne pour quelqu'un et en même temps la pire personne qui n'ait jamais existé.
Les gens peuvent être si méchant, blessant, injuste. La remise en question n'est pas quelque chose d'inné et surtout, j'ai l'impression, ne s'apprend nulle part.
Ouais, je vous écris ma vie, mais je m'en fiche un peu. J'en ai besoin.
Cela fait 20 minutes, que je crache tous ces mots, sans vraiment savoir vers quoi je vais.
J'essaierai de recommencer demain.
Un ami m'a dit que la personne la plus importante c'était moi, que j'étais une personne formidable et donc quelque part que j'avais de la chance d'être seule avec moi, cette fille si formidable.
Il a le don de me faire sourire même lorsque je n'ai qu'une envie c'est de m'endormir pour toujours. Lui, il sait me dire ces mots qui me laisse un jour de sursis. Un jour de plus ici. Un jour de plus à écrire.
Je pleure, encore. Je ne pensais pas avoir autant de réserve de larmes. Lorsque ma mère est décédée, je me retenais de pleurer devant mon père pour ne pas lui montrer que sa fille était aussi effondrée que lui. Il fallait une personne qui garde les yeux le moins embrumés possible pour tout gérer.
Mais pour autant, je me suis surprise à payer les courses à la caisse du carrefour, avec des larmes qui coulaient et tombaient sur le terminal de paiement. Je ne les voyais même plus venir, je ne les ressentais plus. Elles coulaient, juste.
Maintenant, je les sens monter, donc j'arrive plus facilement à les arrêter. C'est déjà un progrès, non ?
Ce même ami, m'a dit que ce n'était pas grave de pleurer, que ça pouvait même faire un grand bien. Il a raison, je crois, mais pourquoi par moment ça m'effraie autant ?
Je n'y arrive plus, à croire en la bienveillance des autres purement. Donc, je réapprend à lire les conseils, à les écouter.
Je suis une femme formidable comme il dit, intelligente, douce, et j'ai une jolie voix. Je vais garder ces mots en tête cette nuit.µ
Possiblement ma nuit sera plus douce grâce à ces mots.
Merci de m'avoir lu, même si ça ne mène à rien.
J'en avais besoin.
A bientôt.
#french#hypersensibilité#pensées#nuit#insomnie#deuil#solitude#douceur#perdu#relationship#rupture#love#peur#depressing life#écrire
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quand j'avais genre 16 ans on s'était inscrits sous un faux nom au PCF à la fête de l'huma avec mon meilleur ami parce qu'on était trop bourrés et que ça nous faisait beaucoup rire, on reçoit toujours les courriers et ça me fait plaisir de voir ce faux nom venu du passé perdurer et tous les souvenirs qui vont avec, alors même que rien n'est plus pareil à commencer par ma relation avec cet ami, je ne sais même pas si j'ai le droit de l'appeler comme ça alors que je ne lui réponds pas depuis deux mois ? bref j'aime bien recevoir des courriers du PCF et me rappeler de ce qu'a pu être notre relation avant qu'on ne grandisse qu'on se voit de moins en moins alors qu'on habite dans la même ville, qu'on fréquente des personnes différentes enfin surtout lui car je ne sais pas nouer de relations aussi facilement qu'il ne peut le faire et puis surtout qu'on n'ait plus aucun ami en commun, généralement quand on se retrouve on se voit plus que tous les deux je lui ramène ses bonbons préférés et on fume du shit pendant des heures comme avant en se racontant notre vie et en se donnant des nouvelles des gens que l'autre ne voit plus, mais on se retrouve plus trop à cause de moi du coup, et j'ai l'impression que le seul lien qu'il nous reste désormais c'est que j'ai plein de dvd à lui depuis trois ans, il faudrait que je les lui rende mais j'ai pas envie après on aura vraiment plus rien en commun et c'est triste, enfin ce qui est surtout lamentable c'est que je ne sais pas entretenir et chérir les relations qui comptent pour moi
#bref j'ai reçu un courrier du PCF#et je me rends compte que “quand j'avais 16 ans” ça commence à vraiment remonter
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Tu sais, ils sont fatigués.
Les patients. On est quoi aujourd'hui, j'ai perdu le compte. Vers le 29? 30 juin ? Ils étudient depuis des semaines en absorbant le stress de leurs parents, de leurs profs. Comme si ces deux semaines déterminaient l'entièreté de leur avenir. Comme si ça disait qui ils sont.
Alors qu'en vrai, il n'y a pas pire que ces deux semaines pour se rendre compte de leurs compétences scolaires. Toute la matière de l'année. Une épreuve côtée tous les jours. Deux semaines sans compter les semaines de révisions.
Tu sais les profs sont à bout, c'est difficile comme travail. C'est beaucoup de responsabilités, c'est beaucoup de pression. Depuis avril, ils voient le programme qui n'avance pas. Ou plutôt qui avance, mais sans leur classe. Parce qu'il y a celui-ci à qui il faut tout expliquer 36 fois. Parce qu'il y a celui-là qui fait le clown pour toute la classe. Il est marrant c'est vrai mais y a le programme, quand même. Parce qu'il y a lui, et lui, et elle, et lui, et ... Cette année la moitié de la classe était difficile.
Et tu sais les parents c'est pareil. C'est une grosse responsabilité d'élever un enfant. C'est beaucoup de pression. On va où cet été ? On doit créer des souvenirs. Il faut un truc chouette, des activités, une piscine, un peu de musée, un peu de balades. Mais si elle a une seconde sess on ne peut pas compter sur cette semaine là. Et il fera quoi comme extrascolaire ? On le met à un truc chaque semaine alors qu'il galère à l'école ? Pfff et le gamin du voisin qui réussit toujours tout.
Ils absorbent, les patients. C'est beaucoup de pression. C'est une énorme responsabilité d'être enfant, d'être ado, et de porter à bout de bras ses propres envies de réussite, et aussi celles des profs et des parents. Et de la psy. Et de la logo. Et de la voisine qui vient parfois aider pour les devoirs. Et quand même ça fait beaucoup.
Alors oui quand les parents décident de m'amener leurs enfants un 30 juin, je suis un peu en colère contre eux, et contre moi parce que ça leur aurait rendu service que je prenne congé dès aujourd'hui.
Quand j'envoie un message "Tu me l'amènes ou tu la laisses se reposer un peu quand même ?" C'est pour te donner la possibilité de la laisser se reposer. Parce que je les vois arriver l'un après l'autre avec le sourire et en même temps la petite mine qui aurait préféré être dans la piscine ou devant la TV ou en balade ou sur son tel ou n'importe où mais pas en logo.
Alors un clin d'oeil plus tard on a choisi des jeux et je leur précise qu'ils ne travaillent absolument rien. Pas une once de lecture, pas un chouïa de calculs. Et je fais le clown un peu. Bon tu diras à tes parents qu'on a fait des jeux qui bossent la concentration et la compréhension de consignes (c'est vrai en plus).
Et puis il y a R.
R. Comme Rayon de soleil. Il va sur 3 ans, il utilise une dizaine de mots. Les autres ne ressemblent pas à des mots. Il arrive avec ses longs cheveux et son sourire jusqu'aux oreilles, il a reconnu le bâtiment, il a dit "aaaaaaah iiiiiiiii" ("iiiiii" c'est moi, c'est la dernière syllabe de mon prénom et ça m'émeut encore, que mon prénom fasse partie de son inventaire de mots), il me fait un câlin incroyable et me regarde avec ses grands yeux, parce qu'il n'a pas les mots mais il a tellement d'expressions faciales et d'intonation qu'on a l'impression de pouvoir le comprendre.
J'ai déjà préparé les figurines d'animaux sur le bureau, on les passe en revue, on dit (je dis) bonjour à chaque animal en scandant son nom avec les mains du petit bonhomme, ça l'amuse, il rit de bon cœur.
Puis petit R. veut s'asseoir sur mes genoux, je fais le clown un peu en faisant semblant de ne pas comprendre où il veut en venir. Je le soulève haut et le dépose de l'autre côté, il hurle de rire et montre mes genoux, je le soulève de nouveau et le remets encore de l'autre côté, il rit encore et dit "laaaa" "mais oùùùù ?" je demande, "les jouuuu" qu'il répond. "Aaah mes genouuux okééé" on trouve les cartes de nourriture et je fais des petites phrases. Le cheval mange une pomme miam miam miam (on s'entraîne au mmmm parce qu'il ne dit pas encore maman, mais je ne pense pas que même avec des m fluides, il le dira de si tôt) etc. etc. Puis quand il a compris l'idée, je le fais terminer ma phrase "La vache mange une carotte, regarde, la vache mange une......" "Radrougou!" Hum, presque. Il n'allait pas dire "carotte", je sais, c'est surtout une séance sur le rythme de parole, pour anticiper le moment où il comprendra le principe de la répétition.
Puis on a fait un loto, il sait parfaitement appairer des images. Puis la demi-heure était finie et son papa n'était pas encore revenu, du coup on a compté jusqu'à trois en se cachant derrière la porte de la salle d'attente pour voir s'il apparaissait miraculeusement. On a fait ça plusieurs fois et il riait encore et encore. Il a le rire si communicatif que les quelques parents qui étaient là ont ri aussi. R est comme ça, il communique mais sans les mots.
R. est une victime du tabagisme et de l'alcool pendant la grossesse. Son cerveau n'est pas très stable, il convulse facilement, il fait aussi des absences épileptiques. C'est un rayon de soleil très fragile qui tente de percer une belle brume automnale.
Après son papa est arrivé, excuse moi hein j'ai voulu faire des courses sans lui mais y a du monde à la caisse alors aloooors t'as vu tous ses progrès !!?
C'était pas vraiment une question, alors j'ai dit oui, bien sûr.
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T'es probablement entrain de dormir (du moins j'espère, même pour toi il est tard lol) mais euhhhh j'ai finis Dites-le avec des fleurs ^^" c'est absolument génial, je crois avoir vu que cette fic t'as converti à kylux and well... moi aussi 😭😭 si t'as d'autres reco pas trop longues (100k ça commence à faire beaucoup pour moi), je suis preneur 🙏🏻
Par contre juste cette fic m'a fait me rendre compte qu'il me manque beaucoup de bases au star wars lore mdr, le gars qui dit "kriff" (je crois que ça s'écrit comme ça), apparement il y a une page fandom entière dédiée à ce mot (wtf). Pareil pour le métal qui fait l'obsession de Hux et que Kylo détruit tous les 4 matins, enchanté 🫡 Il y a du travail à faire avant que je puisse comprendre tout ça sans chercher des definitions en continue (j'ai l'impression d'apprendre une langue entière absbdndn)
En parlant de langue, je n'avais jamais lu de fic en français, ça faisait bizarre, surtout voir de l'anglais sur ao3. À chaque début de chapitre mon cerveau faisait un petit lag de "what is... what's this langua- oh. yeah ok switch. français activé." c'est fatiguantttt. Mais bonne expérience et agréablement surpris, tout ce que je connaissais du monde francophone de la fanfiction c'était les extraits cringe wattpad que des potes me forçait à lire lol
Brrrref j'arrête de bavarder byee
J'étais en train de m'endormir oui je crois, après j'ai pas une sleep schedule de ouf non plus donc bon. Je suis trop contente de t'avoir converti aussi bienvenu au club <3 je pense que je vais faire une reclist de fics en anglais dans le weekend, je suis très très fan de multichaps et de longues fics perso mais y en a pas tant que ça de ce que j'ai vu pour le Kylux donc tu devrais pouvoir trouver ton bonheur aussi.
Ah oui ça on s'y fait super vite mais c'est vrai qu'au début c'est un peu chelou lol. De têre, kriff/kark c'est fuck, transparisteel c'est genre du verre mais renforcé, plasteel c'est du +/- plastique il me semble, flimsi(plast) c'est le papier, caf c'est café, sonic c'est une douche mais sans eau genre juste avec des ondes ou je sais pas trop quoi, et le reste est moins important. Je trouve ça extrêmement charmant perso, comme le faux alphabet que des gens ont inventé, et j'ai tellement l'habitude je fais plus gaffe, mais j'avoue que la page Wookieepedia elle est pas incroyable incroyable haha. Ceci dit en terme de langue, funfact, mais quand ils parlent anglais dans les trucs SW, c'est vraiment la langue qu'ils parlent! C'est pas une traduction genre Tolkien, au niveau watsonien c'est la langue qu'ils parlent, même si ils utilisent l'aurebesh pour écrire et pas l'alphabet latin. Je trouve ça mignon hehe
Ouaaais les fics en français je suis rarement séduite après 5-6 ans de lecture et ça me perturbe grave mais y a des trucs biens dans le tas. Je vais pas pouvoir te convaincre sur du Snarry mais y a genre deux trois masterpieces dans chaque fandom en français. Je les ai lues sur FFnet ces Kylux là mais je préfère linker AO3 parce que FFnet franchement bon. Voilà quoi.
Un plaisir franchement <3
#watsonien c'est opposé à doyliste#c'est genre. y a une explication watsonienne et une explication doyliste aux éléments d'une histoire de sherlock holmes#l'explication doyliste c'est 'conan doyle il a écrit l'histoire comme ça parce que x raison'#l'explication watsonienne c'est 'john watson qui parle de son ami sheelock holmes'#(in universe vs meta si tu préfères)#je sais pas à quel point les gens sont familiers avec les termes donc j'explique au cas ou#je répond à ton autre ask immédiatement <3#wow i have an asks tag now#fandom nerdery
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Mon anniversaire
Aujourd’hui sera un autre anniversaire où je me sentirais vide et seul parce que je le serais.
Je sais que certains penseront à me le souhaiter et ça sera déjà énorme je le sais j'en ai conscience. Mais être constamment seul d'années en années ça me rappelle juste que physiquement j'ai personne. Il serait vraiment temps que j'apprenne à accepter que tout n'est que du vent. Que la solitude est réelle. Que j'ai même pas besoin d'éteindre mon téléphone pour ne pas avoir quelqu'un Que je n'ai qu'à m'exprimer et attendre le néant, encore et encore.. C'est usant.
Tous mes anniversaires, mêmes tout les jours me le prouvent, encore et encore. Et pourtant je capte rien, j'espère tous les ans.
Genre je crois que je vais juste demander à ma famille de faire semblant que je suis jamais née, remarque la plupart c'est ce qu'il aurai voulu, bref que il n'y ai pas d'anniversaire Parce que cette année j'ai pas la force de faire face au vide, à tous ceux qui ne sont pas là et surtout plus là. A ma solitude pesante.
Bref j'aimerais juste que mon anniversaire n'existe pas parce qu'il me rappelle que j'ai personne pour me sourire et venir jusqu'à moi Mon anniversaire c'est rien pour personne, c'est d'ailleurs même rien pour moi. Et tous les ans c'est ça.
J'aimerais dormir et me réveiller le lendemain J'aurais pas à penser que y aura personne pour mon anniversaire.
Cette date personne ne vient la célébrer avec moi
Mon anniversaire est, je sais, qu'un autre jour pour me rappeler que je suis profondément seul'e et que ma seule attache c'est les réseaux sociaux. Je crois qu'il faudrait divorcer des réseaux sociaux.
Et me rendre compte que si demain il n'y a personne, c'est parce que c'est pareil les autres jours.
Il n'y aura jamais personne pour venir jusqu'à moi si j'en avais besoin
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Plus Jamais - Stefan Salvatore
Masterlist
Résumé : Toi et Stefan couchez ensemble depuis quelques mois, mais vous n'avez pas officialisé. Vous voulez plus, mais vous avez peur que votre relation finisse comme celles que vous avez déjà vécues.
Warnings : mention de sexe, mais rien d'explicite, angst, mention de relations passées qui ne sont pas saines, mention de meurtres, dites-moi si j'ai oublié d'autres warnings !
Nombre de mots : 2,2k
Version Wattpad
Version anglaise sur Tumblr
Chanson qui m'a inspiré : Fingers Crossed par Trevor Daniel & Julia Michaels
Vérifiant que Stefan est toujours endormi, tu quittes le lit. Tu fais tout ton possible pour ne pas faire de bruit, te maudissant à chaque fois que tu fais craquer légèrement le plancher. Tu prends mes vêtements et te rhabille en vitesse. Tu réajustes ton tee-shirt alors que tu te diriges vers la porte d'entrée du manoir des Salvatore. Tu es sur le point de tourner la poignée quand une voix te fait sursauter :
- Tu pars encore en douce ?
- Je ne pars pas en douce, je rétorque à Damon. Et puis, qu'est-ce que tu veux dire par "encore" ?
- S'il te plaît, commence-t-il en levant les yeux au ciel. Ça fait deux mois que tu vois mon frère tous les soirs et que tu te tires le matin comme une voleuse. Je pensais que ça deviendrait sérieux à un moment.
- Eh bien, c'est pas le cas. Je dois y aller, les filles m'attendent.
- Passe le bonjour à Elena pour moi.
- Au revoir, Damon, tu t'exclames sans écouter sa dernière phrase.
Tu montes dans ma voiture et roules jusqu'à chez Caroline, tentant de ne pas montrer que la conversation avec Damon t'a troublé. Bien évidemment, tu savais que Stefan et toi, n'étiez pas discrets. Vous êtes des vampires de plus de cent ans alors vous ne vous voyez pas en douce comme des adolescents, mais personne ne sait que vous passez presque toutes vos nuits ensemble. Mais ça ne regarde seulement lui et toi. Vous n'avez de comptes à rendre à personne. Vous savez ce que vous faites. Enfin, tu espères.
En arrivant chez ta meilleure amie, tu réalises que tu es la dernière. Elles ont déjà commencé à manger les snacks. Avec le temps, elles ont appris à ne plus t'attendre. Elles savent que tu es rarement à l'heure. Tu ne leurs en veux pas de démarrer sans toi. Tu ferais pareil. Rapidement, tu te rajoutes à la conversation en mangeant les chocolats présents sur la table.
Tu passes toute mon après-midi avec Caroline, Bonnie et Elena à discuter de tout et de rien, à regarder des films et à faire d'autres activités. Tu les connais que depuis un an et demi, mais Tu t'es vite rapprochée d'elles. Vous avez toute suite accroché à ton plus grand bonheur.
Alors que Caroline raconte un potin de la ville, tu te propose pour faire réchauffer la pizza que vous avez commandé vers les midis. Tu quittes le salon et vas dans la cuisine. Tu mets les parts au micro-onde. Quand elles sont prêtes, tu prends l'assiette en main. Tu n'as pas le temps de mettre un pied en dehors de la cuisine que Caroline court vers toi alors que Bonnie et Elena tentent de l'arrêter. Tu fronces les sourcils ne comprenant pas ce qu'il se passe. C'est quand Caroline te tend mon téléphone affichant un nouveau message de Stefan que tu comprends l'agitation.
- Quand est-ce que t'allais nous le dire ?! s'offusque Caroline alors que tu essayes de paraître détendue.
- Il n'y a rien à dire.
- Tu rigoles, j'espère ! "Tu passes la nuit chez moi ou je viens te voir ?" et t'appelles ça rien ? Tu allais nous le cacher pendant combien de temps ?
- Caroline, elle a le droit à sa vie privée, lui rappelle Bonnie.
- Et toi, tu allais nous le dire quand pour Klaus ? demandes-tu à Caroline, lui faisant ouvrir grand les yeux alors que Bonnie et Elena la regardent, choquées. Oui, il me l'a dit.
- Ne change pas de sujet !
- N'en fait pas tout une affaire, Caroline, proteste Elena.
- Vous n'êtes pas sérieuses ? Vous ne pouvez pas me dire que vous ne voulez pas en savoir plus après ce SMS ?
- Seulement si Y/N le veut, lui répond Bonnie.
- Comme j'ai dit, il n'y a rien à dire. Oui, on se voit quelques fois les soirs. Mais c'est une fois de temps en temps. Rien de sérieux.
- Attends, c'est donc toi ? te demande Elena qui vient d'avoir une illumination. Damon m'a dit qu'une femme n'arrêtait pas de quitter la chambre de Stefan avant le début du jour. Je pensais pas que c'était toi.
- Pas besoin d'en faire tout un plat.
- Eh attends à nouveau, tu nous dis "quelques fois" ? Damon m'a dit que c'était presque tous les soirs ! Sur une semaine, il doit y avoir qu'une nuit où Stefan est vraiment seul, d'après lui.
- Vraiment autant ? rigole Caroline, étonnée.
- Parfois on ne fait que parler, lui réponds-tu avant de regarder tes trois amies. Bon, vous arrêtez de parler de notre vie privée ? Je ne veux pas en discuter plus longtemps !
- Je comprends pas comment ça se fait que vous n'êtes toujours pas passés au stade au-dessus, dit Bonnie alors que tu soupires.
- Peut-être qu'on a pas envie. Honnêtement, ça me va comme on fait. Je ne sais pas si j'ai vraiment envie d'être en couple à nouveau. Et il n'a jamais parlé de rendre ça sérieux.
- Et pourquoi pas ? te questionne Elena.
- Pour ma part, j'ai presque jamais eu de chance en amour. Mon premier petit ami, enfin prétendant comme on disait, je l'ai tué car je venais d'être transformée et j'ai perdu le contrôle. Le deuxième, il a voulu me tuer quand il a appris que j'étais un vampire. Quant au troisième, on était dans une relation toxique. J'ai testé l'amour et ce n'est pas fait pour moi.
- Toi et Stefan, vous êtes faits pour être ensemble, t'assure Bonnie.
- Je ne sais pas...
- Oh, les regards que vous vous lancez ne mentent pas ! Vous devez être ensemble, s'exclame Caroline.
- On verra. Je ne veux pas qu'il se sente forcé et que..., commences-tu doucement et Elena devine la fin de ta phrase.
- Ça gâche tout ?
- En quelque sorte.
- Parlez-en. Ça se trouve il veut être avec toi, aussi.
Ne voulant pas plus en parler, tu fais en sorte de changer de sujet en rappelant que les pizzas ont dû refroidir, encore. Tu as bien vu que Caroline voulait continuer à en parler, mais un regard noir de Bonnie l'a empêché de le faire. Tu l'en remercies mentalement. Toutefois, le reste de votre journée, tu ne cesses de te repasser en boucle leur avis sur la situation. Il est vrai que tu aimerais bien rendre votre "relation" officielle, mais si ce n'était pas réciproque, tu ne saurais pas où te mettre. De plus, tu as peur que ta prochaine malédiction en amour soit toi gâchant la relation. Après ta dernière histoire, tu t'étais dit que jamais tu te remettrais en couple, mais il a fallu que Stefan et toi vous vous embrassez une fois puis que vous couchez ensemble pour remettre cette idée en question.
La nuit tombée, tu rejoins Stefan chez lui. Il vous faut peu de temps pour que la situation bascule. Quand vous avez fini, tu décides de briser un peu la narration en restant jusqu'à ce qu'il se réveille. Tu ne dors pas, réfléchissant à comment tu vas mener la conversation. Plus le temps passe et plus l'angoisse se fait ressentir. Tu essayes de penser aux pires scénarios et tu espère qu'ils ne se produiront jamais. Tu ne le supporterais pas.
Vers les sept heures du matin, tu sens Stefan remuer doucement à côté de toi. Quand il ouvre les yeux, tu le vois froncer les sourcils quand il remarque que tu es encore allongée à côté de lui. Tu tournes la tête et lui souris tendrement, essayant de paraître détendue.
- Tu es là ?
- Je pensais que ça te ferait plaisir, dis-tu en riant nerveusement.
- Désolé, je me suis mal exprimé. Je ne me plains pas, mais je m'attendais à tomber sur une place vide, comme d'habitude.
- J'ai... J'ai décidé de changer ça. Ça ne te dérange pas, j'espère ?
- Pas du tout, t'inquiète, te sourit-il.
- Stefan, je voulais te parler.
- Je t'écoute.
- Est-ce que tu penses qu'un jour on pourrait passer au stade au-dessus ? Pas que ça me dérange ce qu'on fait, loin de là ! Mais on a passé tellement de temps ensemble ces deux derniers mois et on a jamais précisé si... s'il pouvait y avoir une évolution dans notre relation.
- Je ne m'attendais pas à cette question, avoue Stefan en s'adossant contre la tête de lit.
- Ne te sens pas forcé de faire quoique ce soit ! Je veux juste savoir où on en est.
- Oui, c'est compréhensible. Mais, je dois t'avouer que je ne sais pas. J'adore être avec toi, dire le contraire serait un mensonge, mais je ne sais pas si je suis prêt à me lancer dans une nouvelle relation. Katherine m'a manipulé, Elena est tombée amoureuse de mon frère. Je ne dis pas que tu pourrais faire pareil, mais je ne veux pas revire ces situations ou quelque chose de similaire. Je suis désolé si je t'ai donné un espoir qu'on pourrait être ensemble. J'espère que tu comprends.
- Je comprends, ne t'inquiète pas, lui assures-tu d'un air détaché. Je suis... contente que la situation soit clarifiée... Je dois y aller, j'ai quelque chose à faire chez moi.
Tu vois Stefan se retenir de dire quelque chose, mais tu n'y prêtes pas plus attention et quittes le lit. Tu prends tes affaires sur le sol, mais cette fois au lieu de t'habiller discrètement, tu te dépêches, voulant vite partir. Tu savais qu'il y avait un risque qu'il te repousse mais au fond de moi, tu avais un espoir que ça ne soit pas le cas. Apparemment, tu n'as même plus besoin d'être en couple pour avoir cet horrible pincement au cœur quand tu te sens trahie. Il ne te doit rien, tu le sais, mais ça fait mal. Tu le salues rapidement et pars presque en courant du manoir.
Tu t'es isolée toute la journée. Tu as uniquement parlé à Elena par messages. Sinon, tu n'as presque pas jeté un coup d'œil à ton téléphone. Tu as préféré te perdre dans tes livres, te détachant totalement de ta réalité et de tes problèmes.
Vers les dix-neuf heures, tu regardes si tu as reçu des notifications et tu es surprise de voir plusieurs appels manqués de Stefan. Tu les supprime, ne voulant pas vraiment lui parler. Tu sais que ses raisons de te repousser sont valides. Tu le comprends, tu as ces mêmes peurs, mais tu pensais que vous en parleriez au moins un peu plus. Après, il est vrai que tu as vite coupé court à la discussion, ne supportant pas l'idée d'avoir tout ruiné. Tu t'apprêtes à retourner à ta lecture quand on frappe à ta porte. Sans trop de motivation, tu décides d'ouvrir. Tes yeux s'ouvrent en grand quand tu vois Stefan face à toi. Il a l'air d'être nerveux et de... s'en vouloir ? Il demande à entrer, tu l'invites. Quand tu fermes la porte, vous restez devant vous regardant fixement. Vous n'allez pas dans une autre pièce de la maison. Tu es trop embarrassée pour lui proposer de s'assoir sur le canapé, la conversation de ce matin se rejouant encore dans ma tête. Tu as vraiment été bête à écouter les filles ! Maintenant, c'est tendu entre vous, ce que tu ne voulais pas.
- Je m'excuse pour ce matin, commence-t-il.
- Tu n'as pas besoin, Stefan.
- Non, je te dois des excuses. Je veux passer au stade au-dessus aussi. Quand je me suis réveillé et que je t'ai vu à côté de moi, j'ai commencé à réaliser que je veux être avec toi tout comme toi. Elena m'a dit que tu souhaitais plus, même si tu m'as dit que tu voulais juste savoir.
- Ne me prends pas en pitié, s'il te plait, le supplies-tu, encore plus humiliée.
- Ce n'est pas le cas. J'aime être avec toi. J'aime les moments qu'on a passés, surtout les soirs où on a juste parlé et appris à se connaitre. Je n'avais jamais ressenti une aussi grande connexion avec quelqu'un d'autre. Mais...
- Tu ne veux pas avoir le cœur brisé à nouveau, dis-tu devinant la fin de sa phrase. Je comprends. J'ai cette peur aussi. On a pas vraiment été chanceux en amour, on dirait.
- Ouais, rigole-t-il doucement. Mais j'ai envie d'essayer. Je t'ai repoussé par peur, mais le moment où je l'ai fait, je me suis maudit. Inconsciemment, j'attendais que ce moment, mais je n'ai pas su le remarquer.
- Tes peurs ont parlé pour toi, c'est légitime. Ça a été pareil pour moi hier quand les filles m'en ont parlé, le rassures-tu. Mais avec toi, j'ai envie de surmonter ces peurs. Tu es la première personne avec qui j'ai envie de le faire. J'ai pas envie de passer à côté d'une relation qui pourrait être magnifique juste car mes anciennes blessures sont encore un peu présentes.
- Moi non plus. J'ai assez confiance en toi pour laisser mes peurs de côté. Je veux vraiment qu'on soit ensemble.
Ces dernières phrases te font ressentir une joie immense. Sans réfléchir, tu l'embrasses. Contrairement aux baisers que vous avez déjà partagés, celui-ci est rempli d'amour et de tendresse. Stefan te rapproche de lui en mettant ses mains sur tes hanches. Après quelques secondes, vous vous séparez, mais vos fronts restent collés.
- Tu ne t'enfuiras plus le matin ? veut s'assurer Stefan, un sourire au visage que tu lui rends.
- Plus jamais.
Masterlist
{Ceci est mon blog secondaire donc je répondrai aux commentaires sous le pseudo @marie-sworld}
#marie swriting in french#the vampire diaries one shot#the vampire diaries#the vampire diaries imagine#stefan salavatore x reader#stefan salvatore oneshot#stefan salvatore x y/n#stefan salvatore x reader#stefan salvatore#tumblr français#Spotify
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DVDvision - La Collection Épisode 7
L'histoire de DVDvision vol.1 continue ! Et voici l'épisode 7 de la série, quand le magazine a enfin hérité de ses propres locaux et Johnny Rotten l'a baptisé !
Numéro 7 - Novembre 2000 -
100 pages
Editeur : Seven Sept
Directrice de publication : Véronique Poirier
Rédacteur en chef : David Fakrikian
Rédacteurs principaux : Yannick Dahan, Christophe Lemaire, Stéphane Lacombe, Gael Golhen, Benjamin Rozovas, Rafik Djoumi, David Martinez, Sandy Gillet, Leonard Haddad, Nicolas Rioult, Luc Vigoureux.
Sommaire : Fight Club, Stallone vs Schwarzenegger, James Cameron & Van Ling, L'Obscénité et la Fureur, Le Prisonnier.
DVD : Shaft, Festival de Deauville.
Notes : Voici enfin le 7 (porte bonheur ?), celui que je considère être le vrai numéro un du magazine. Tous les astres se sont alignés sur ce numéro-là. Après un an de hauts et bas et rebondissements incessants, nous emménageons dans NOS locaux, un étage en dessus du couloir précédent. Et intégrons une équipe maquette sur place, dirigée par Sandra Abreu. La direction a même fait reproduire les couvertures des numéros précédents en grand, mises sous verre comme galerie pour la décoration. Tout me semble si soudain et surréaliste, après les galères passées, que le premier soir, je reste tout seul dans les locaux vides, ayant du mal à y croire.
Et il faut dire que cela change tout. A partir de ce moment là, DVDvision devient un vrai magazine, au grand désespoir parfois de certains des collaborateurs occasionnels, qui nous reprocherons de moins leur faire appel, ce qui est logique, pour raisons purement créatives et économiques.
"Tu es passé à travers la moulinette, maintenant, il va falloir gérer ton truc jusqu'au bout, et crois moi, cela ne vas pas être si facile", me dit Johnny Rotten-Lydon, en tournée promo sur le nouveau film des Sex Pistols "L'Obscénité et la Fureur". Passionné de DVD, il suit régulièrement le magazine, que je lui envoie depuis le début.
Ayant réalisé le press-book de "L'Obscénité et la Fureur", j'ai le loisir de quitter la rédaction pour partir en tournée des TV avec Johnny Rotten et Julien Temple. Rotten feuillette le nouveau numéro, et apprécie particulièrement le titre de mon papier sur le film, "Le groupe le plus dangereux du monde". "Il n'y a pas eu besoin de lui traduire", me dit Julien Temple en rigolant.
Pour une raison un peu débile, on décide avec Temple qu'on va boire autant de bières que Johnny, en essayant de rester à son niveau. Notre consommation est tellement effrénée, qu'on se retrouve tous les trois à un moment coincés dans un embouteillage, en route pour Canal+, avec besoin d'un urgent arrêt-vessie. Le chauffeur accompli des miracles, et nous déboulons dans le hall d'accueil de Canal+ devant les réceptionnistes héberluées, à qui je demande à tue-tête "Où se trouvent les toilettes ?!"... dans lesquelles nous nous précipitons, les uns derrières les autres en nous bousculant, en oubliant de leur dire bonjour. On se croirait dans un film Carry On ou les 3 Stooges. (Je vous rassure, on s'est soulagés dans des cabines séparées, et on leur a dit bonjour après).
C'est assez impressionant de se promener avec un héros de jeunesse dans Paris. Non pas le fait d'être avec lui en personne (on se parle régulièrement au téléphone depuis quelques années déjà), mais celui de voir les réactions des français, qui sont très nombreux a venir le féliciter pour son travail musical passé, quelque chose qui semble le toucher. Il faut dire que 25 ans auparavant, ces compatriotes cherchaient plutôt à lui casser la gueule pour oser sortir des disques pareils. Les temps changent... Pour la petite histoire, la formule de l'éditorial "Enjoy... or die!" qui est apparue depuis le numéro 5, est une formule trouvée par John Lydon .
Entre autres anecdotes, à un moment, en voiture, Rotten descend la vitre pour cracher dehors à un feu rouge (il a un problème de sinus, qui le force à s'éclaircir la gorge régulièrement), mais au moment ou il crache, une voiture avec une famille entière pile juste devant lui, et se ramasse le glaviot sur la porte !
Rotten se confond en excuses (en anglais), puisque l'intention n'était pas de cracher sur la voiture. Le conducteur descend la fenêtre, et là, se rend compte que c'est Johnny Rotten qui viens de cracher sur sa bagnole. Complètement ébahi, il proteste et dit que c'est OK. La tête de sa famille autour est à mourir de rire. Le feu passe au vert, et le mec repart, galvanisé et fier que Johnny Rotten ait craché sur sa bagnole !
Je suis absolument certain qu'il a dû raconter ça à tous ses potes, et que absolument personne ne l'a cru.
Le plus amusant est que pendant les interviews, je m'occupe de Nora, la femme de Johnny, et qu'on sympathise. Après une heure en loges pendant son interview pour Thierry Ardisson, ou je devine ses réponses à l'avance, ce qui fait rire Nora, Rotten nous retrouve en train de ricaner tous les deux quand il revient, et j'ai droit à l'humour anglais un sourcil levé "Il se passe quoi là ? T'es en train d'essayer de piquer ma femme ?" ;) J'ai ma caméra DV avec moi, et j'ai du accumuler au moins 3h de métrage, dont une partie filmée par Temple lui-même.
L'ouverture alternative du dossier Stallone/Arnold, remplacée en dernière minute par les visages des stars. Finalement, elle était pas mal !
En relisant le numéro aujourd'hui, je m'aperçois qu'il est en quelque sorte un condensé des 6 précédents, reprenant de nombreux sujets déjà abordés (Van Ling, Stallone / Schwarzie), mais avec une approche rédactionnelle enfin aboutie, venant des longues heures passées à discuter angles d'articles, et état du marché DVD. David Martinez nous surprend en étant le premier à écrire et affirmer que Rambo III est meilleur que le surestimé Rambo II (et pourtant, il a raison !). Leonard Haddad commence enfin a écrire des chroniques lui-même, au lieu de passer du temps à réécrire celles des autres. Je dois avouer qu'un sommaire pareil (Fight Club ? Le Prisonnier ? James Cameron ? Sex Pistols ?), reflète plus mes goûts personnels que ceux de la rédaction, mais c'est le principe d'un vrai numéro un. L'équipe va ensuite plus intervenir dans le choix des dossiers, pour un résultat plus homogène et varié, que mes obsessions punk-sixties-destroy-anarchistes. Au moins, ce sommaire est cohérent !
Il y a dans le courrier des lecteurs un mail de Jean-François Halin, concernant le Saturday Night Live. C'est bien l'auteur des Guignols et de OSS 117. Il apparait que les six premiers numéros du magazine ont fait sa réputation, malgré notre insatisfaction, particulièrement dans les milieux urbains, et chez la plupart des artisans de l'audiovisuel.
La citation de ce numéro : "JL - David, j'ai demandé un whisky, il est où ?" "DF - Johnny, il est devant toi depuis 10mn" "JL - Putain, je sucre les fraises !". (Johnny Rotten Lydon et David Fakrikian - octobre 2000)
copyright © David Fakrikian 2006-2008 / DVDvision.fr
#DVDvision#story#DVD#Blu-ray#Sex Pistols#John Lydon#Stallone#Schwarzenegger#Presse#Fight Club#Punk#David Fincher#Le Prisonnier
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Derrière la caisse du supermarché [de votre choix, c'est partout pareil] – « quarante et un ans de grande distribution » – « entend ça tous les jours de la part des clients ». Et elle leur fait inlassablement la même réponse depuis plusieurs mois : « Vous savez, si je pouvais, je baisserais les prix. » Le pouvoir d’achat des Français Québécois ? Leur attitude face à l’inflation ? Ce sont les caissières des grandes surfaces alimentaires qui en parlent le mieux.
De l’autre côté du tapis roulant, ces employées dites « de la deuxième ligne », pendant la crise due au Covid-19,sont aux avant-postes face au raz de marée inflationniste. Les clients se plaignent auprès d’elles de l’augmentation du coût de la vie – « Tout est devenu cher », « L’Ukraine a bon dos » – ou de la disparition de certains produits dans le magasin – « La moutarde, ça ne vient pas d’Ukraine. » Ces derniers mois, partout en France au Québec, les caissières font un même constat : aussi informés soient-ils, les consommateurs n’en croient pas leurs yeux lorsqu’ils entendent le total à payer.
Au Québec, ce sont plus de 670 000 personnes qui ont besoin d’aide alimentaire chaque mois.
Depuis 1988, Les Banques alimentaires du Québec, jouent un rôle clé pour les nourrir. Leurs 32 membres régionaux indépendants desservent plus de 1200 organismes communautaires locaux affiliés, qui répondent mensuellement à plus de 2,2 millions de demandes d’aide alimentaire. Sur le C.A., du personnel de Maxi, Sobey's et Métro. Sala ben ben du bon sens, non ?
Dans La Poisse :
« Bon nombre* de consommateurs soupçonnent les épiceries de profiter de l’inflation pour $’en mettre plein les poch€s. »
*Bon nombre, c'est-tu comme 100%, genre ?
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Un autre UA en cours et qu'on tente de garder sous contrôle : "Tout ce que je veux, c'est te revoir..." (ou Lambert survit), acte 1.
Bon, j'ai un nouveau UA qui est arrivé dans ma tête... donc, le voici. ça fait une petite pause avec CF vu que bon, au bout d'un an, j'avais vraiment besoin d'une pause... et qui finit en moins "et tout le monde crève, pis y a la révolution et les méchants sont fini avec tout le monde qui est heureux dans la réincarnation" , là, même si ça va être un peu long, on a une fin heureuse en moins de dix ans pour la relation principale, et moins de soixante pour la fin heureuse pour tout le monde. Là, c'est moins d'un an pour l'avoir !
Pour que tout le monde s'y retrouve :
-on est dans le même contexte que dans le pré-canon de CF. Comme pour ma voie dorée en AM, je garde les mêmes règles et éléments que dans ma fanon sauf qu'on est à un moment différent.
-Pour le contexte de mon pré-Duscur, il est déjà posté sur ce blog alors, vous pouvez vous référer à ce billet si vous voulez plus de détail.
-ici, on est pile après la Tragédie sauf que contrairement au canon, Lambert survit. Je ne vous donne pas plus de détail, tout est dans ce qui suit.
-deux points de vocabulaires : "bled / bleds" est l'ancienne orthographe du mot "blé" et jusqu'au XIXe siècle, on utilisait ce mot aussi pour parler toutes les céréales panifiables, rien à voir avec le "bled" contemporain, et une "géline" est l'ancien nom des poules, ce qui est également un mot médiéval / moderne (on pouvait par exemple devoir un quart de géline tous les ans à son seigneur alors, on lui ramenait une poule tous les quatre ans). Les personnages vivants dans un univers de fantasy, je trouvais que cela collait d'utiliser des mots de vieux français.
Comme toujours, si vous avez des questions, vous pouvez me les poser sans problème.
Je vais essayer de faire tenir cette histoire en 3 parties (qui s'appelle acte ici car j'avais envie et que ça sonnait bien avec le découpage de l'histoire à mon avis). Je vais essayer de garder ça sous contrôle et ne pas trop exploser les compteurs avec une histoire interminables alors, je vais essayer de me limiter à 3 (ou au pire, je couperais l'acte 2 ou l'acte 3 en deux, même si j'aimerais éviter mas bon, on verra bien).
Donc ! C'est parti pour ce dérivé de CF ! Pour rester dans mes anciens titres qui sont des descriptions, il s'appelle "Lambert qui survit" et sinon, je pense que ce serait "Tout ce que je veux, c'est te revoir..." (si je ne change pas d'avis entre temps).
Et un grand coucou à @ladyniniane ! C'est ce dont je t'avais parlé et merci pour tes conseils !
Avertissement ! Si vous aimez Lambert, passez votre chemin ! Je ne vais pas être tendre avec lui !
+même si c'est plus dans la seconde partie, il y a des situations de dépression et de désespoir avec quelqu'un qui se sent vraiment au plus profond du trou. Ce n'est surement pas aussi fort que pour Dimitri mais, je préfère vous prévenir au cas où vous êtes sensibles à ses sujets.
Acte 1
Rodrigue tenait Félix par les épaules alors qu’ils avançaient difficilement entre les autres familles déjà arrivées, cherchant des nouvelles, des informations, des confirmations de leur inquiétude ou le miracle d’une angoisse infondée même si personne n’en avait, quelque chose… cela faisait une semaine, même moins pour l’arrivée des nouvelles et personne n’arrivait encore à y croire… enfin, à part tous ceux qui savait que cela tournerait mal, l’avait hurlé à corps et à cri, tout fait pour l’empêcher mais, même eux n’auraient pas imaginé un fiasco pareil…
« Rodrigue ! On m’a annoncé votre arrivé ! La Déesse soit louée ! Vous êtes là !
Le père leva la tête et vit Gustave arriver à grands pas vers eux, l’air grave et sombre, visiblement épuisé, un paquet dans ses bras.
– Oui, nous avons sauté sur notre monture dès qu’on a su, Alix s’occupe de Fraldarius et de gérer les émissaires de l’Alliance. Quelles sont les dernières nouvelles ? Le questionna-t-il, mort d’inquiétude. Le messager s’est évanoui de fatigue avant de nous dire quoi que ce soit… et…
– Où est Glenn ? Le devança Félix. Il n’est pas là ? Et où est Nicola ? Et Jacques ?
– Merci pour votre vitesse… il glissa son regard vers le louveteau, hésitant avant de dire quoi que ce soit devant lui. Je préfère vous en parler entres adultes pour les informations plus… sensibles…
– Glenn, c’est pas sensible. Où est mon frère ?! Où est Nicola ? Où est Jacques ? Pourquoi personne du convoi n’est là ? Et Dimitri ?
– Son Altesse est revenue, tout comme Sa Majesté, tenta de le rassurer Gustave. Ils sont gravement blessés mais heureusement, ils ont été rapidement pris en charge par les villageois des environs qui ont été alertés par l’incendie, ce qui leur a surement sauvé la vie. Cependant, Son Altesse a été blessée par nos hommes pour défendre le fils de la maison qui les a recueillis, ils ont cru que cette famille les avait pris en otage. Heureusement, le Flutiste des Glaces soit loué, Areadbhar est arrivée à le maintenir en vie, il va s’en sortir.
Rodrigue eut un petit soupir de soulagement, rassuré de savoir Dimitri en vie même si du peu qu’il savait sur ce qui s’était passé, seulement survivre serait une épreuve très difficile pour lui… pour n’importe qui faisant partie du convoi et qui était revenu d’ailleurs… Glenn, Nicola et Jacques auraient besoin de beaucoup de repos et de soin pour s’en remettre. Il ferait tout pour qu’ils puissent se rétablir en paix à Fraldarius, l’eau du lac les soignerait et les protégerait… … … et se serait plus sûr pour le Royaume d’avoir un roi majeur au lieu d’un régent, encore moins un comme Rufus. Les mois qui venaient s’annonçaient très difficiles, surtout du point de vue diplomatique, il avait besoin de stabilité pour éviter un autre bain de sang…
– Je m’en fiche de Lambert ! S’écria d’un coup Félix, furieux avant que Rodrigue ne puisse ne l’en empêcher, occupé par ses pensées. C’est pas Glenn, Nicola et Jacques ! Pourquoi tu ne dis rien sur eux Gustave ?!
– Félix, calme-toi… le reprit un peu Rodrigue, moins énergique qu’il n’aurait dû l’être normalement mais, il n’en avait ni la force, ni l’envie, avant d’ajouter malgré cela. Gustave. Je comprends que vous soyez débordés et que vous voulez que nous nous mettions au travail, ce que je ferais sans délai aux vues de la situation. Cependant, pour l’instant, ce qui me préoccupe le plus est d’avoir des nouvelles de mon fils, de mon compère, et de tous mes hommes. C’est ce qui m’inquiète le plus, tout comme mon cadet. Je vous le demande de père à père. Dites-nous comment vont-ils, je vous en prie…
Gustave se ferma encore plus, se murant dans le silence, mal à l’aise, avant d’avouer, la voix brisée.
– Ils… ils ne sont pas là… Sa Majesté Lambert et Son Altesse Dimitri sont les seuls à être revenu de Duscur vivants… tous… tous les autres membres du convoi sont morts. Nous avons pu ramener le corps de Jacques mais, pas celui de Nicola… il était bien trop endommagé pour être ramené… et pour Glenn… on ne l’a pas retrouvé. Il fait partie des disparus…
– Alors, il n’est pas mort ! Rétorqua Félix en essayant de sortir de l’étreinte de son père. Il doit être encore quelque part ! Vous n’avez juste pas assez bien cherché ! Il a surement dû tomber épuisé quelque part et d’autres duscuriens l’ont recueilli ! Juste pas ceux de ce village ! Ils ont sauvé Dimitri alors, ils ont dû le faire aussi pour Glenn ! Mon frère ne peut pas être mort ! Pas comme ça ! Pas pour…
– Je suis désolé, le coupa Gustave en leur tendant le petit paquet qu’il tenait. C’est tout ce qu’on a retrouvé de lui pour le moment…
Rodrigue le récupéra, défaisant la corde qui tenait le tout ensemble en tremblant de tous ses os, les mêmes mots que ceux de Félix tournant dans sa tête. Non… non… non… ce n’était pas possible… il devait y avoir une erreur… Glenn ne pouvait pas être mort… pas lui… pas lui aussi… il était si fort… encore plus qu’eux tous… le meilleur des chevaliers de sa génération… il ne pouvait pas… pas pour…
« Il ne peut pas être mort pour Lambert lui aussi ! »
Cependant, le tissu dissimulait le reste d’un plastron explosé par un puissant sort de magie noire, un trou en plein milieu de la poitrine au niveau du cœur, ainsi qu’une épée brisée en mille morceaux, qu’il reconnaitrait entre mille après l’avoir vu brandi des centaines de fois à la maison, pour s’entrainer avec son petit frère… non… pas ça… pas lui… ça ne pouvait pas…
Mais, le père ne pouvait pas nier la réalité de ce qu’il tenait entre les mains… ce… Glenn…
– Glenn est…
– Non ! C’est pas possible ! Il n’est pas mort ! Il n’est pas mort ! Il va revenir ! Il va revenir papa ! Il ne peut pas être mort comme ça ! Il ne peut pas… » S’écria encore Félix, même si ses yeux se teintant de rouge ne pouvaient se détacher du peu qu’il restait de son frère… il ne restait que ça… c’était tout ce qu’il restait de Glenn… son louveteau… son fils… il n’en restait…
« Il n’en reste rien… ! Où est mon fils ?! Tu avais dit que tu ramènerais tout le monde en vie de ta folie ! Ils devaient tous rentrer à la maison ! Et tu rentres tout seul ! »
Rodrigue sentit ses jambes trembler mais, il se força à rester stable alors que Félix fondait en larmes contre lui, s’accrochant à son manteau pour tenir droit. Le père se baissa à sa hauteur, serrant son fils restant dans un de ses bras et les restes de son ainé dans l’autre, contre son cœur alors qu’il pleurait aussi silencieusement, la gorge serrée de chagrin… même eux pourraient s’y noyer… mais il ne devait pas faillir, il ne devait pas tomber maintenant, il devait tenir… il devait tenir pour Félix et le Royaume… même si…
« Glenn… Nicola… je suis désolé… tellement désolé… tout ceci n’aurait jamais dû arriver… si seulement nous avions pu… mais aucun regret ne vous ramènera… je vous en supplie, de là où vous êtes en attendant la réincarnation, protégez-nous… »
*
Félix finit par s’endormir en pleurant, accroché à son père comme toujours. Confiant à regret les restes de Glenn à Gustave, Rodrigue porta son fils dans ses bras vers leur chambre habituelle. Elle était toujours en ordre au cas où il devait se rendre d’urgence à la capitale pour plusieurs jours.
« Nous devons nous mettre le plus rapidement possible au travail. Avec la convalescence de Sa Majesté et la mort d’une grande partie de la tête du Royaume et d’autant de membres de l’administration, Faerghus va surement entrer dans des temps très instable, surtout que ce voyage était très impopulaire. Après tout ce qui s’est passé et autant de mort, la colère sera d’autant plus forte partout et il nous sera difficile de l’apaiser, déclara Gustave. Dans un moment de conscience en revenant, Sa Majesté a juré que…
– Gustave, par pitié, laissez-moi coucher Félix et le confier à quelqu’un de confiance avant de me raconter tout ceci, le reprit Rodrigue en serrant son louveteau contre lui, ce dernier accroché à son cou. Il a toujours entendu dans son sommeil, et il a vécu bien assez de choses horribles pour aujourd’hui… il ajouta à voix plus basse avant que Gustave ne puisse ajouter quoi que ce soit. Je sais… mais laissez-moi le traiter comme l’enfant qu’il est encore, mon fils aussi a besoin de soin.
– Je comprends votre envie de vous occuper de lui dans un moment aussi difficile mais, le Royaume aussi a besoin de vous… et même plus que jamais le temps de la convalescence de Sa Majesté. Il doit passer avant tout pour tout faerghien respectable.
Rodrigue entendait d’ici la remarque d’Alix à ses mots, qui sonnait plus horriblement juste que jamais à présent… même s’il ne devait jamais dire de telles choses à voix haute, encore plus à présent… ce serait bien trop dangereux pour eux… il demanda à une de ses épéistes dont il était sûr de la fidélité en toute circonstance de veiller sur lui puis, alla coucher son petit dans son lit. Cependant, Félix ne le lâcha pas, s’accrochant solidement à son cou. À regret, Rodrigue souffla à son fils, en priant pour que sa voix ne tremble pas.
« Je suis désolé mon louveteau mais, il faut que je te laisse… j’ai beaucoup de travail… je dois faire en sorte que tout tienne… je ne veux pas que tu grandisses dans un chaos encore plus grand que celui va arriver… je te protégerais Félix, je te le promets… je reviens dès que possible… »
Heureusement ou non, Félix le lâcha, le laissant partir. Posant un dernier baiser sur le front de son fils, le père rejoignit Gustave en lui demandant le moindre détail des évènements pour tenter de comprendre ce qui s’était passé et quel scénario ils n’avaient pas anticipé.
Une fois dans un bureau à part où le désordre ambiant signalait un passage important de jour comme de nuit, Gustave trouva un petit espace o�� étaler une carte de Faerghus et Duscur où était représenter les principales routes, les villes, les lieux-dits et les éléments particuliers permettant de s’orienter ou de faire les itinéraires. Gustave pointa une vallée étroite du doigt, sur le chemin des Pèlerins. Il s’agissait d’une voie sacrée de pèlerinage vers la capitale et le Grand Temple de Duscur, ainsi que le chemin le plus court pour s’y rendre… mais aussi un des plus dangereux pour un convoi de la taille du leur… Myrina avait prévenu mille fois qu’un tel chemin serait bien trop risqué, l’idéal pour une embuscade où il serait très difficile de se défendre… comme la grande majorité d’entre eux, dont les jumeaux, ils avaient tous soutenus de passer par la côte… ça aurait été bien plus long mais aussi plus prudent… sauf que Lambert était du parti d’aller au plus vite…
« Le convoi s’est engouffré dans ces gorges mais, il a pris du retard à cause d’une route en mauvaise état. Les chariots s’embourbaient dans des nids de poule et ont retardé l’arrivée à l’étape suivante. Comme le ciel et la nuit était sombre, ils ont levé le camp pour faire une halte et reposer les chevaux, contrairement à ce qui était prévu.
– Une route aussi fréquentée et entretenue en mauvaise état pile au bon moment… gronda Rodrigue, peu dupe de tout ça, le cœur de plus en plus lourd en devinant exactement ce qui s’était passé cette nuit-là.
Il mettrait même sa main au feu que c’était ce qu’avait anticipé Myrina…
– C’est vrai que c’est étrange. Ensuite, du peu que nous savons, des troupes habillées en noir et en rouge sombre les ont encerclés et les ont attaqués par surprise. Le prince a parlé de « corbeaux humanoïdes » alors, on se demande s’ils ne portaient pas des masques, si ce ne sont pas ses blessures et l’horreur de la situation qui l’ont fait cauchemarder tout éveillé. À cause de la fatigue de la marche, de l’obscurité et de l’enclavement de la gorge, la garde a été dans l’impossibilité de s’organiser et s’est retrouvée déborder par des troupes bien supérieures en nombre…
– « …Ils attaqueront aussi surement l’intendance depuis les hauteurs des gorges. Il leur suffira de disposer des archers, des magiciens et des lanceurs de javelots ici… ici… et à cet endroit. Ils pourront ainsi cibler l’intérieur même de nos défenses. Ce passage est un véritable piège et un lieu parfait pour les embuscades. Si vous voulez vraiment passer par ici, il faudrait entrainer nos troupes à se battre spécifiquement dans un environnement pareil et que nous soyons beaucoup plus de militaires que le nombre prévu pour le moment. Il faudrait également beaucoup plus d’unités volantes ou d’homme sachant escalader des pentes abruptes, mes hommes des piémonts ne suffiront pas. Non, traverser ses gorges est une folie […]. Si vous tenez tant que ça à y passer, faites-les nous traverser de jour et allez immédiatement nous barricader dans le village fortifié un peu plus loin. Il ne faut absolument pas que nous y passions de nuit, ce serait comme demander à ce que nous nous fassions exécuter avec le sourire aux lèvres »… … … Rodrigue hésita à finir la déclaration de Myrina, encore parfaitement claire dans son esprit mais, s’y résolut, en écho avec ce qu’il n’avait cessé de répéter. « …et je suis comme tout le monde, je tiens à ma vie et je veux revenir entière chez moi auprès de ma famille… ». C’était une des prévisions des dangers qui arriveraient sur la route. Myrina avait utilisé les cartes et les descriptions du terrain pour tenter d’anticiper les menaces qui pourraient planer sur le convoi. Est-ce bien ce qui s’est passé ? Le questionna-t-il pour être sûr.
Gustave baissa les yeux en hochant la tête, tout aussi conscient de la situation que lui… Rodrigue sentit son poing se serrer, le sang gelé, la morsure glaciale de la colère dévorant son cœur endeuillé.
– Tout ceci aurait pu être facilement éviter avec plus de préparation. C’était évitable. Mais…
Il se força lui-même à se taire, sachant que cela ne résoudrait rien et que cela les mettrait tous en danger, surtout que tout le monde devait chercher des coupables… l’occasion de régler ses comptes avec son voisin et rival était bien trop belle… tous les coups étaient permis dans ces cas-là… l’homme avala donc bon gré mal gré ce qu’il avait envie de cracher, laissant le duc parler et donner une réponse plus convenable.
– Qu’avez-vous commencé à faire ?
– Je vais vous expliquer. Mais nous devons être extrêmement prudent, les murs ont des oreilles. De plus, les grands seigneurs de l’Ouest ont déjà commencé à battre la campagne pour convaincre leurs sujets de lancer une vendetta contre Duscur, avec Kleiman à leur tête qui hurle qu’il faut « purger les hérétiques de cette Terre »… autant dire qu’il n’a jamais ouvert une seule fois les Écritures pour déclarer des choses pareilles.
– Et il n’a pas vu non plus l’état de nos comptes et du trésor… nous sommes en pleine césure, et de la nourriture a déjà été réquisitionner pour le convoi, nous allons surement devoir la rationner et en acheter encore plus à nos voisins… de plus, le voyage a couté très cher, et L… Sa Majesté a utilisé les fonds des réserves de la couronne pour le financer, et une partie des grands seigneurs. On n’avait pas le temps de prélever un impôt exceptionnel en deux lunes, et il aurait rendu le voyage encore plus impopulaire qu’il ne l’était déjà. Si l’instabilité perdure, il sera difficile de lever les impôts et les taxes afin de renflouer les caisses… on va surement devoir faire payer le don gratuit aux églises en fixant le montant nous-mêmes, et une redevance exceptionnelle à la noblesse tellement les caisses sont vides… une opération militaire, même à titre privée serait suicidaire pour tout le royaume… enfin, ils doivent penser que les mines de Duscur constituent une raison suffisante pour saigner encore plus Faerghus à blanc.
– Je le pense aussi, même si je vous conseillerais de vous méfier. Les seigneurs de l’Ouest ne vous portent guère dans leur cœur et risquent de faire barrage à vos actions », déclara Gustave, et Rodrigue nota avec méfiance le fait qu’il ne se soit pas inclus dans la prise de décision. Lui aussi n’était guère aimé des très grands seigneurs de l’Ouest qui le voyaient comme un cadet parvenu, bien que ce soit moins pire que leur mépris pour Nicola. Cela voulait surement dire quelque chose s’il ne s’incluait pas ainsi, mieux valait être prudent. « De plus, même si Sa Majesté vous a confié le Royaume le temps du voyage, maintenant qu’il est terminé, la loi donne le pouvoir à Son Altesse Rufus. Il faudra attendre que Sa Majesté soit réellement en pleine possession de ses moyens, s’il en décide ainsi, pour qu’il lui ôte la charge de régent à son frère et vous la reconfie… surtout que je ne pense pas que le régent vous épargnera… nous savons tous les deux que votre relation avec le frère du roi est… compliqué…
« Si les premiers veulent l’obligation d’envoyer leur enfant à la mort ou c’est la tête coupée collective, le second être orphelin dès l’enfance, et tous autant qu’ils sont avoir une espérance de vie qui dépasse péniblement la trentaine dans leur famille, je leur offre ma place avec joie… comme ça, je rentre chez moi avec mon fils m’occuper de mes terres et de ma famille… »
Rodrigue fit taire cette voix sombre au fond de lui. Penser à des choses pareilles n’aiderait personne, autant lui que le Royaume. Il n’avait pas de temps à perdre en rumination ou avec sa colère, il devait être efficace pour Faerghus. S’il se perdait là-dedans, il ne vaudrait surement pas mieux que ces vengeurs qui semblaient déterminer à achever leur propre pays. De plus, une fois que Lambert aurait retrouvé ses esprits et se serait remis, s’il n’avait pas enfin retenu la leçon après ce qui s’était passé, il essayerait encore de ménager la chèvre et le chou, ce qui rendrait la situation encore plus confuse et explosive qu’elle ne l’était déjà… déjà que l’adhésion du peuple était surement réduit en poussière après ce qui s’était passé… c’était Lambert qui avait tout manigancé pour ce voyage, c’était connu, son peuple ne l’oublierait pas de sitôt et risquait de lui faire sentir… Non… Il devait tout faire pour éviter que le chaos ne s’installe et garder le Royaume en ordre, au moins pour que son fils ne grandisse pas pendant une guerre civile.
Le père pensa à Félix, à la conversation qu’il avait eu avec son ainé ce soir-là… Glenn avait raison quand il disait que les joues de son petit frère étaient encore toutes rondes… il n’avait même pas commencé à muer… il était tout petit... son corps ne se transformait même pas encore pour devenir celui d’un homme… ses réactions et sa manière d’agir… il était si jeune… ce n’était pas encore un adolescent… ce n’était qu’un enfant… son enfant… son louveteau… il refusait de laisser quoi que ce soit le menacer de près ou de loin. Il ferait tout pour le protéger ! Même du roi lui-même si nécessaire !
– Mais ça, je dois le garder pour moi et ne rien dire en toutes circonstances… se souligna le père à lui-même avant d’ajouter en duc du Royaume, prenant son chapelet entre ses doigts pour se calmer. Faisons en sorte d’éviter que la situation ne se dégrade encore plus qu’elle ne l’ait déjà.
*
Quand Alix sut ce qui s’était passé une fois le messager remis sur pied, puis ses informations complétées par la lettre de Rodrigue, il ne put s’empêcher de bouillir de colère. Oui, pour le Royaume, c’était mieux que le roi majeur survive, ça aurait été encore plus un merdier sans nom si on avait eu une régence jusqu’à la majorité de Dimitri, encore plus une de Rufus, et encore bien plus d’arguments raisonnables… mais par la Déesse ! Sur les deux survivants qu’il y avait eu, c’était Dimitri – les Braves en soient loués et remerciés pour l’éternité – et Lambert, et est-ce qu’il devait « remercier » Némésis en personne pour ça ?! C’était lui le responsable de ce fiasco ! Il n’avait tué personne de leur camp lui-même mais, c’était lui qui avait poussé tout le convoi à la mort avec ses conneries ! ça n’aurait pas pu être Glenn ou Nicola ou les deux l’autre survivant ?! Tout le monde mais pas lui ! Pas ce connard ! S’il y avait une seule justice divine dans ce foutu monde, il serait curieux de voir la gueule des juges et des jurés !
Cependant, l’homme fit tout pour se ressaisir immédiatement. La situation était critique, ça allait être un dangereux jeu d’équilibriste et un bras de fer permanent pour maintenir le Royaume en un seul morceau… enfin bon, ils avaient quatorze ans d’expériences sous Lambert, plus dix-neuf sous Ludovic avec Rodrigue, ça valait toujours mieux que zéro à quelques mois maximum comme ce chien idiot. Ça les aiderait à s’en sortir et tant pis s’ils devaient l’abandonner sur le bord de la route au passage.
Bon, le connard était en vie, et quand ils étaient conscients, autant Lambert que Dimitri juraient devant la Déesse que les duscuriens n’y étaient pour rien, d’accord… il fallait faire en sorte de faire tourner cette nouvelle, afin d’étouffer dans l’œuf toute envie de vendetta. Il faudrait encore quelque chose pour concentrer la colère face à ce fiasco mais, le peuple était très conscient que ce voyage était né de la volonté de Lambert seul. S’ils se débrouillaient correctement, le roi pourrait devenir le centre de cette colère et la concentrer sur lui… ce n’était pas l’idéal mais, c’était toujours mieux que la guerre avec Duscur… avec de bons agents qui courraient de ville en ville pour éparpiller les bonnes informations, ça devrait le faire.
Si elle ne finissait pas par péter une amarre pour de bon et par faire le doigt d’honneur que Lambert méritait, Alix pourrait surement demander l’aide de Fregn. Les srengs n’attaquaient pas les gens à terre, sauf les êtres les plus méprisables, et pas de doute que le chien idiot en faisait partie maintenant. Il pourrait s’en servir pour la convaincre de l’aider dans cette tâche, en plus de renouveler leur aide pour éloigner Sylvain de Miklan… même si les srengs n’étaient pas un élément à négliger. Lambert avait surement perdu toute dignité à leurs yeux, et les traités de paix avec les srengs prenaient en compte la respectabilité des deux partis, ils étaient surement tous à refaire maintenant… Thorgil ne laisserait jamais passer une telle occasion, comme tous les autres rois srengs avec deux sous de jugeote. Là aussi, il ne faudrait pas se louper mais, il y réfléchirait à ce moment-là avec Rodrigue et les Charon.
Il faudrait aussi qu’ils se méfient des seigneurs de l’Ouest. Alix voyait d’ici ces chiens errants se lécher les babines, utiliser le deuil et la souffrance de tout le Royaume pour en provoquer encore plus. Les filons duscuriens valaient bien encore plus de sang versé et encore plus de mort… ils devaient les neutraliser au plus vite.
Enfin, et le plus important, son rôle à Egua serait surtout de protéger leur fief, en particulier leur réserve loogienne… lors de la fondation du Royaume, le roi Loog avait accordé à la famille de tous ses compagnons de construire une réserve de nourriture inaliénable, même sur ordre de roi à part si le seigneur régnant en cédait une partie au roi en échange de contrepartie, en remerciement de tous les services rendus pendant la guerre, et parce qu’il ne les considérait pas comme acquis ou de la merde. Normalement, elle était censée être juste pour conserver assez de bled pour nourrir leur capitale un mois mais, il était devenue de coutume de demander d’agrandir la réserve loogienne à chaque fois que le seigneur en cédait une partie à la couronne… à force, la leur était devenue immense, assez pour qu’Egua tienne un an de siège sans ravitaillement… évidemment, les jumeaux n’avaient pas été assez cons pour donner un grain de bled de cette réserve pour le convoi, comme tous les gens avec deux neurones actives. Lambert les avait déjà quasi forcés à lui avancer de l’argent qu’il ne rembourserait jamais, il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin.
Mais bon, Alix voyait déjà les chiens errants venir gratter à sa porte, tout ça pour le supplier de leur donner l’aumône avec des yeux de chiot suppliant… puis japper et de montrer leurs petits crocs en menaçant de le mordiller avec…
« Qu’ils essayent, et je leur montrerais ce que c’est de vraiment mordre. Un chien errant ne fera jamais le poids face à un loup, » gronda-t-il intérieurement, se tendant comme un arc prêt à envoyer une flèche, son regard s’affutant dans le reflet de l’eau de son verre… il voyait presque le portrait effrayant de Guillaume à l’intérieur.
Il la but d’une traite, n’essayant même pas de calmer le torrent furieux en lui. Au contraire, qu’il l’alimente. Cette colère lui donnait de la force, la rage de protéger leur fief et de tout faire pour que ce désastre n’ait pas plus de conséquence sur lui et encore moins sur sa famille, même s’il devait égorger Lambert lui-même pour sa connerie… il n’en avait plus rien à foutre de ce connard à ce stade, même s’il avait intérêt à être discret pour ne pas finir la tête sur le billot le premier.
« Pour l’un ou l’autre… abusez de mon frère et de sa patience, ou que qui que ce soit utilise le louveteau pour le forcer à se tuer au travail, que ce soit Lambert ou Rufus, et je jure que je finis le travail des comploteurs à leur place… »
*
Les nouvelles de Fhirdiad arrivèrent d’abord par les marins à Gautier, puis avec les cadavres de leurs hommes pour les annonces officielles trois semaines après la Tragédie. Sylvain n’en croyait pas ses yeux. Tant… tant de corps et de morts ! Il sentait que c’était la pire idée du siècle comme tout le monde mais, il n’aurait jamais imaginé que ce serait à ce point-là ! Il n’y avait que la famille royale qui avait échappé par miracle à ce massacre ! Dire que Dimitri était là-bas ! Il avait surement tout vu en plus ! Non, il avait tout vu tout court ! C’était impossible qu’il n’ait rien vu… par les dieux d’Asgard, il devait être dans un état !
« Faudra que je négocie pour me rendre à la capitale dès que l’occasion se présentera, songea-t-il, sachant déjà qu’il ne pourrait pas aller à Fraldarius pour la morte saison après tout ceci, les routes étaient bien trop dangereuses, encore plus maintenant qu’il était majeur à Gautier. Dimitri doit être en miette à l’intérieur en plus de l’extérieur… par les Ases et les Vanes, tout ça car Lambert n’a écouté ni Snotra ni Odin ! C’est vraiment un roi sans yeux ! Résultat, il a emmené tout le monde à la mort et traumatisé à vie son propre fils ! Si ses blessures ne le tuent pas aussi ! Dimitri… je t’en supplie, survie… »
« Quel gâchis… grogna son père en lisant la lettre l’informant de ce qui s’était passé. Toutes ses vies perdues pour rien… apparemment, dans un éclair de conscience, Sa Majesté et Son Altesse auraient dit que ce n’étaient pas des duscuriens qui les ont attaqués… Son Altesse parle de corbeau à forme humaine ou d’humain à tête de corbeau…
Il jeta un regard suspect à Fregn, Miklan grognant à leur mère à la suite de leur père.
– C’est bien une attaque de sauvages ce genre d’embuscade, surtout pour des lâches comme les srengs. En plus, les autres magiciens comme ta sœur-là, Huld, couverts de tatouages de la tête au pied, c’est pas une de leur spécialité de se transformer en monstre ? Surtout que vous montez déjà des monstres à tête de corbeaux…
– Si c’était des métamorphes srengs, on ne vous aurait pas attaquer en pleine montagne, ce genre de terrain n’est clairement pas à notre avantage, même avec nos valravens, rétorqua-t-elle sans trembler. On aurait voulu vous attaquer malgré les traités, on aurait juste remonté le fleuve pour piller Fhirdiad puis se tirer ensuite. Ça aurait été bien plus rentable et moins dangereux. De plus, personne n’a intérêt à la mort de votre roi chez nous. Si on veut un bon défi, on va voir les Loups Inséparables ou la Grande Famille. De plus, quand on attaque, on a le courage de le faire chez vous, et aucun souverain raisonnable ne se serait faufiler ainsi en pleine montagne. Là, il n’y avait pas assez de bled pour que le défi en vaille la chandelle, c’est bien trop dangereux pour peu de résultat. Personne à part un roi sans yeux n’y serait allé pour la beauté du geste, et ils ne sont pas assez puissants pour se permettre une telle expédition, ou ils se feraient renverser à la seconde même où ils proposeraient l’idée à leurs concitoyens. »
Isidore fronça le nez à sa réponse, avant de demander à ce que quelqu’un effectue des recherches sur les magies permettant de se métamorphoser, puis donna ses ordres pour qu’on s’occupe des morts. Sylvain resta près de sa mère, l’aidant à poser ce qui restait de leurs armes dans les mains des défunts ou contre leur cœur pour ceux qui n’avaient plus de bras. C’était autant la coutume sreng que celle de Gautier pour les morts au combat après tout, même si les formules différaient.
« Merci pour tout ce que tu as fait, tu as bien mérité de te rendre au Valhalla accompagné des valkyries, soit fier de toi pour ta force et tout ce que tu as apporté à ce monde. Repose en paix jusqu’au Ragnarök… » souffla Fregn à chacun, imité par Sylvain. Isidore était occupé à autre chose qu’eux, et Miklan était déjà parti de l’autre côté de la forteresse, aucun des deux ne l’entendrait utiliser les formules srengs.
Quand ils eurent fini, ils se lavèrent les mains puis, Fregn alla ouvrir un tonneau rempli d’hydromel. Elle en remplit deux grands gobelets puis, deux bassines avant de répandre son contenu entre les morts, pour leur offrir un dernier verre chez les vivants et abreuver les chevaux des valkyries, aidé par son fils. À la fin, ils burent tous les deux leur propre verre en leur compagnie pour leur souhaiter un bon voyage.
« Personne n’est devenu un berserkr pendant les combats on dirait… commenta Fregn en finissant son hydromel.
– Un berserkr ? S’étonna Sylvain en se rappelant de cette légende. Ce sont les guerriers-fauves d’Odin en personne… pourquoi l’un d’entre eux apparaitrait chez les fodlans qui croient en Seiros et Sothis seule ?
– Hum, je ne t’en ai pas parlé ? Enfin, c’est vrai que c’est très rare. Exceptionnellement, des magiciens peuvent devenir des berserkir quand ils sont au plus profond du désespoir, ou quand ils n’ont pas d’autres choix pour survivre. Ils entrent alors en transe et se transforme en bête pour survivre à la menace, même si la plupart d’entre eux restent bloqué sous cette forme. Quand ils meurent en sachant se retransformer ou au combat, Odin les intègre dans son armée de berserkir où là, ils peuvent entrer en transe à volonté. On reconnait le corps d’un berserkr par la présence de fourrure ou d’attribut animal, un peu comme pour le Bavard, même si lui n’était pas un berserkr, bien trop pacifique pour ça. C’est justement en s’inspirant de ces guerriers que nos ancêtres ont mis au point la métamorphose animale. Étant donné la violence des combats, j’ai pensé qu’on pourrait en croiser un, et il aurait fallu une cérémonie funéraire spéciale pour lui alors, je faisais attention à tout signe étrange…
– C’est pas faux. Hum… j’ai vu personne ressembler à ça en tout cas… mais tu en as déjà vu ?
– Non, le dernier berserkr connu était justement le dernier Gautier avant que cette famille ne jure allégeance à Loog et à Fodlan. Gylfe Olofosson Gautier se serait transformé plus d’une fois en un énorme renard pendant qu’il combattait l’Empire, au départ pour empêcher l'annexion de ses terres à Adrestia, étant donné qu'il était du peuple sreng, puis pour le roi Loog qui lui avait prouvé qu’il méritait son dévouement. Les membres de sa famille se faisaient régulièrement exécuter pour rébellion et désespérait souvent mais, c’était le seul qui était aussi un magicien alors, il était parvenu à se transformer alors qu’il était sur le point de se faire capturer et couper la tête, raconta-t-elle.
Sylvain se souvient un peu alors de l’avoir aussi lu dans un livre d’histoire fodlan mais, qui disait que ces transformations n’étaient qu’un ajout de la légende pour embellir ou tâché son histoire selon les auteurs. Déjà qu’il ne fallait pas dire trop fort que Gautier avait été sreng et pas un territoire fodlan autonome toujours dressé contre l’empire, dire qu’en plus qu'un des fidèles compagnons du roi Loog était tellement sreng qu’il était aussi un berserkr des légendes, c’était un peu trop pour plusieurs personnes de Fodlan, Isidore le premier. Fregn but une gorgée d’hydromel avant de reprendre, pensive.
– Hum… j’ai aussi entendu parler de deux jumeaux de la même époque plus au sud qui aurait fait la même chose, l’un magicien, l’autre lancier mais, je suis moins sûr que c’était bien deux berserkir… après tout, il n’y en a qu’un des deux qui était magicien… enfin, on en a pas réentendu parler depuis chez nous… pour dire à quel point c’est rare… enfin, encore heureux étant donné qu’on peut très difficilement revenir en arrière. Pour Gylfe le Berserkr, il fallait plusieurs jours pour se retransformer et ça aurait été très douloureux, et je n’ai pas d’autres informations pour ces jumeaux, surtout que d’autres sources disent qu’ils ne l’étaient pas vraiment. Ça aurait été un frère et une sœur du même père mais, de mères différentes qui seraient nés le même jour et auraient développé un lien fusionnel semblable celui entre des jumeaux.
– On dirait l’histoire de Torf et Poppa Daphnel… se rappela Sylvain. Enfin, c’est surement mieux que ce soit aussi rare si c’est difficile de redevenir humain, encore plus vu comment on peut en devenir un. En plus, les berserkir deviennent des animaux à taille humaine mais, sans un esprit humain alors, ça doit être facile de les prendre pour de vraies bêtes sauvages. Même s’ils sont féroces, ils peuvent toujours être pris pour des cibles par des chasseurs une fois la fureur du combat passé.
– Oui, encore plus s’ils ne se calment pas… encore heureux dans un sens, cela n’est pas arrivé. Ils ont déjà dû tous sombrer au plus profond du désespoir, et aucun n’aurait dû se rendre dans ce convoi digne d’un roi sans yeux, ils ne méritaient pas de finir leur vie comme une bête sans conscience ni âme à part l’idée de survivre…
Sylvain hocha la tête en finissant son verre. Malgré tout ce qui s’était passé, c’était surement mieux qu’aucun berserkr ne soit apparu…
Fregn observa le champ de mort à leurs pieds, pensive. Tout ça pour un roi sans yeux… quel gâchis et quelle honte… c’était des personnes compétentes qui tenaient le gouvernail en ce moment avec les Loups Inséparables et la Grande Fratrie mais, ce n’était surement qu’une question de temps.
« Il faudra que j’essaye ce dont m’a parlé Huld, histoire de parer à toutes éventualités… ce n’est pas garanti que ça marche mais, ce sera toujours mieux d’essayer que rien. »
*
« Tu vas voir avec Ingrid ?
Francis regarda sa femme Diane, accompagné d’Hector et Colin, tous aussi inquiet que lui, tous portant leurs habits de deuils noirs et blancs. Plus de quinze jours après le départ du convoi et à peine une semaine et demie après leur retour sur leurs terres, ils avaient appris ce qui s’était passé lors du voyage… la lettre était arrivé avec le corps de Frédérique et tous leurs hommes. A part le prince et le roi, tout le monde était mort et depuis, Ingrid s’était enfermée dans sa chambre en refusant de sortir ou de prononcer un mot quand elle ne pleurait pas… ça faisait deux semaines maintenant…
– Oui… au moins lui faire dire quelque chose ou manger un peu…
– Et toi papa, tu as mangé ? Lui demanda Hector.
– Et toi maman ? Ajouta Colin. Vous n’étiez pas à table avec nous à midi…
Les deux parents échangèrent un regard mal à l’aise, avant que Diane n’ellipse la question, s’étant mis d’accord pour ne pas dire qu’ils ne mangeaient qu’une fois par jour à présent, pour donner leur nourriture à leurs enfants.
– Oui, ne vous en faites pas, nous sommes simplement débordés. On pourra remanger avec vous quand la situation se sera un peu calmée… on va essayer d’au moins être là à midi.
Elle ne mentait pas complètement, ils étaient débordés et savait à peine où donner de la tête, surtout que leurs caisses étaient presque vides. La santé financière n’était déjà pas très bonne de base – c’était même pour ça que Frédérique avait insisté pour aller en Duscur, parce que la compensation était très intéressante tellement personne ne voulait y aller – mais c’était encore pire maintenant… il avait dû contribuer un peu pour financer ce voyage et ils s’étaient saignés pour bien équiper leur fils ainé, en se disant que son gambison et son bouclier de voyageur pourrait toujours servir ou être revendu. La couronne n’avait surement pas les moyens de leur payer la somme promise, leurs terres étaient pauvres, et tout le Royaume allait surement devoir mettre la main à la poche pour le tenir debout et rembourser ce voyage… et Francis se maudissait de penser directement à tout ceci mais, il pouvait aussi faire une croix sur l’argent promis en dot par les Fraldarius pour le mariage d’Ingrid et Glenn… il savait que c’était la mort de son frère et de son fiancé qui avait poussé sa fille à s’enfermer mais, il devait aussi penser à comment s’occuper de son fief ou même de sa propre famille…
« J’y penserais une fois qu’elle ira mieux, c’est trop tôt… » décida-t-il en reprenant le chemin vers la chambre de sa petite.
La porte était fermée, comme toujours depuis qu’ils avaient su pour… dire qu’avant, Ingrid passait son temps dehors et ne restait dans sa chambre que pour dormir…
Toquant légèrement à la porte, Francis s’annonça, espérant ne pas trop entrer dans son espace mais, elle devait manger un peu.
« Ingrid ? C’est moi, je t’apporte ton repas. C’est de la soupe à l’oignon, tu aimes bien ça… » Pas de réponse. « Elle est bien chaude, tu devrais la manger maintenant, ça te réchauffera aussi un peu… on n’aura surement pas les moyens de se procurer du bois… » Toujours pas de réponse. Il ajouta alors. « J’entre.
Doucement, presque sur la pointe des pieds, le père ouvrit la porte de la chambre. Il trouva sa fille roulée en boule dans sa couverture, cachée dans un coin avec un livre dans les mains. Il le reconnut tout de suite comme le cadeau que lui avait fait Glenn pour son anniversaire, un recueil de légende de chevalerie… elle le lisait en boucle à chaque fois qu’il venait la voir depuis…
Francis l’approcha prudemment, avant de se baisser vers elle en demandant, tâtant le terrain.
– Cette histoire raconte quoi ?
– L’histoire de deux chevaliers… l’un disparait alors, l’autre se transforme en chien pour le retrouver… il n’arrête pas de chercher jusqu’à le retrouver, même s’il doit mourir d’épuisement… à la fin, ils se retrouvent et l’amour du disparu permet à sa fiancée de redevenir humaine… tu crois que ça peut arriver ? Peut-être que si ça arrive, je pourrais… je pourrais peut-être… moi aussi, je… je…
Elle se remit à pleurer, Francis abandonnant le bol sur le sol pour tenir sa fille dans ses bras en essayant de la consoler. Elle appelait Glenn, elle appelait Frédérique, elle appelait tout le monde… elle voulait revoir tout le monde, quitte à devoir s’enfermer dans le corps d’une bête mais, c’était impossible… complètement impossible…
– Je suis désolé… je suis désolé ma chérie… tout ça n’aurait jamais dû arriver… »
Ce fut les seuls mots qu’il trouva à dire, n’ayant aucune idée de ce qui aurait pu dire d’autres dans une telle situation, à part soutenir sa famille et ses enfants dans cette épreuve avec tout ce qu’il avait en lui…
*
Quatre semaines après leur arrivée à Fhirdiad, les funérailles collectives pour tous les morts et autant de nuit pratiquement sans dormir, Rodrigue arriva à prendre quelques minutes pour diner avec Félix. Ils mangèrent leur soupe coupée avec du pain pour la rendre plus consistante en discutant tous les deux, ayant peu d’occasion de le faire sans que le père ne soit épuisé. Il faisait tout le travail des personnes mortes avec les Charon, même si Rufus semblait vouloir faire le ménage dans sa première belle-famille en en éloignant plusieurs ou en les séparant, surement par peur d’une alliance familiale, voir avec les Fraldarius à cause des derniers évènements. Aux vues de l’instabilité qui s’étaient installé à l’Ouest, même si les seigneurs étaient des alliés de Rufus, ce dernier ne devait pas vouloir que l’Est devienne une force d’opposition, même si sa manière de faire les rendait bien moins efficace pour pallier aux difficultés actuelles. Le seul qui pourrait faire quelque chose pour contrer les actions du régent, c’était Lambert mais, si Dimitri se réveillait parfois quelques heures grâce à la protection d’Areadbhar, son père ne l’avait pas encore fait. Le prince ne serait pas aussi fragile, il aurait donné la Relique au roi mais, ce n’était pas le cas. Quand bien même, lors d’un moment de conscience à leur retour, Lambert aurait interdit d’enlever la protection physique de Blaiddyd à son fils, de peur qu’il ne survive pas sans elle. Au moins une chose de raisonnable de sa part…
Rodrigue fit tout pour éloigner ses pensées de lui. Il se ménageait dès que possible quelques minutes à partager avec son louveteau et pour écrire à Alix mais, c’était toujours si peu… il ne voulait pas gâcher ses instants si précieux avec Félix… sa petite forteresse de chaleur dans cette période si sombre…
Leur ordinaire était plus frugal que ce à quoi ils étaient habitués mais, pour économiser la nourriture et mieux la gérer, toute la ville était rationnée depuis le début de la semaine à l’exception des blessés et des malades, même pour les nobles. Ils ne mangeaient même plus de viande, à part le dimanche pour le jour de la Déesse, comme aujourd’hui.
« Tient Félix… Rodrigue lui donna sa part carnée, la posant dans son assiette.
– Et toi papa ? Tu aimes bien la viande aussi…
– Tu en as plus besoin que moi pour grandir correctement. Si tu ne manges pas assez, tu resteras tout petit, lui expliqua-t-il en se souvenant des histoires de Nicola, leur racontant que leur père était très petit car, devant courir dans tout son fief pour échapper à ceux qui voulaient lui voler son héritage et ses terres alors, il n’avait pas forcément accès à une bonne nourriture.
– Oui mais toi, tu es aussi très fatigué, tu travailles beaucoup, et c’est pas grand-chose, alors… il coupa la petite tranche de maigre pour lui en donner la moitié. Tient, pour toi.
– Merci mon louveteau », lui sourit-il.
Ils piquèrent tous les deux leur moitié et n’en firent qu’une bouchée en même temps, se faisant rire un peu tous les deux de leur synchronisation. Rodrigue passa un doigt affectueux sur la joue de son fils, le cœur plus léger d’être avec lui… ces rares petits moments de lumière avec les lettres d’Alix… il ne les échangerait pour rien au monde…
Ils finissaient de nettoyer leur assiette quand un serviteur entra dans l’étude. Rodrigue s’attendit à un nouvel appel à la vengeance contre Duscur mais, l’homme leur annonça à la place :
« Sa Majesté a repris connaissance. Il est encore faible mais, ses jours ne sont plus en danger. On vous demande immédiatement dans ses appartements.
Au lieu d’être soulagé, Rodrigue sentit tout son corps se tendre, comme avant un combat difficile. À part par l’entrebâillement de la porte, il n’avait pas vu et n’était jamais allé au chevet de Lambert, n’ayant tout simplement pas le temps de le faire entre toutes ses obligations et le peu de temps qu’il pouvait accorder à Félix ou pour écrire à Alix. Il avait à peine pensé au moment où Lambert se réveillerait ou si on lui annonçait sa mort… ce qu’il devait faire ou non, comment agir… il n’avait pas envisager que la simple pensée de le voir vivant l’angoisserait autant, pas au point de vouloir refuser… mais il devait bien obéir…
Le père sentit le poing de Félix se serrer sur sa manche, son petit grognant en s’accrochant à lui.
– T’as pas à le voir si t’as pas envie… pas après…
Rodrigue le fit taire en posant sa main sur ses épaules et en lui faisant non de la tête, un avertissement silencieux avec son air grave. Évidemment, son fils avait senti son appréhension… il devait faire plus attention à mieux caché ce qu’il ressentait… de plus, ils devaient faire très attention à ce qu’ils disaient, c’était dangereux. Rufus avait déjà jeté un noble au cachot pour avoir osé dire tout haut que Lambert était indigne de son statut de roi… un roturier aurait eu droit à la corde… il fallait être extrêmement prudent, même ses lettres avec Alix étaient codées quand ils se plaignaient l’un à l’autre de la situation, ce qui était un des rares moments où ils pouvaient vraiment vider leur sac sur cette farce grotesque… le père avait déjà prévenu son fils mais, c’était difficile pour quelqu’un d’aussi jeune de mentir autant sur ce qu’il pensait vraiment, encore plus après ce que Lambert avait fait à leur famille… mieux valait prendre les devants.
– C’est un ordre, je dois y aller. Mais tu peux rester ici si tu veux, tu n’es pas obligé de venir si tu ne veux pas voir Lambert tout de suite. D’accord ?
Félix fit la moue mais, accepta d’un hochement de tête. Rodrigue le remercia en passant sa main sur sa tête, avant de suivre le domestique jusqu’aux appartements de Lambert.
Plus ils se rapprochaient, plus le nœud de ses entrailles se resserra, l’appréhension montant à chaque pas, l’empêchant de plus en plus de respirer, comme si ses poumons avaient gelé… mais ce fut pire quand le père entra dans la chambre de son roi.
Il était là, allongé dans son lit, une de ses épaules complètement bandée à cause d’un coup de hache qui aurait surement pu le décapiter, si le coup avait été plus précis. Des brûlures de magie noire le recouvraient de toutes parts (mais il était encore en vie contrairement à Glenn, dont le torse avait été explosé par un sort), plusieurs de ses os étaient cassés (mais il était encore en vie contrairement à Nicola, dont tous les os avaient été si disloqué qu’on n’avait pas pu le ramener), ainsi que des coupures et une contusion à la tête… …heureusement sans gravité (mais il était encore en vie contrairement à Jacques dont le crâne avait été explosé à coup de masse)… cela ne devrait pas le tuer (contrairement à tous les autres membres du convoi). Il avait l’air hagard, le teint gris, les yeux ternes et cernés mais, il bougeait encore…
Lambert bougeait encore lui…
Rodrigue n’avait rien ressenti de tel quand Dimitri avait entrouvert les yeux. Pour lui, cela n’avait été que du soulagement de le voir bouger, parler un peu, de le voir demander comment allait les jeunes duscuriens dont la famille les avait sauvés, l’ayant accompagné à Fhirdiad, son sourire de voir le frère et la sœur vivants à ses côtés. Cela sonnait parfaitement juste de le consoler quand il s’était excusé que tout le monde soit mort, surtout Glenn qui serait mort à sa place… c’était normal et la vérité de lui dire que ce n’était pas de sa faute… ce n’était pas sa faute, c’était une victime de toute cette histoire lui aussi…
Là, quand Lambert tourna son regard bleu terne vers lui, l’air désolé, perdu, Rodrigue ne ressentit rien de tout cela, juste un vide profond qui transperçait sa poitrine, un torrent furieux rempli de mépris se déversant à l’intérieur. Il savait qu’il n’en restait plus grand-chose, encore plus du côté d’Alix mais, ils avaient été amis tous les trois, ils avaient même grandi ensemble, côte à côte pendant des années… mais là, en le voyant ici, allongé dans ce lit et en vie alors que tant de monde était mort… alors que Glenn, Nicola, Jacques et tellement d’autres de ses proches et sujets étaient morts comme ils l’avaient tous anticipés… quand Lambert les avait tous jeté à la mort sans réfléchir… son esprit ne put penser qu’à une seule chose quand son roi bafouilla, ne pouvant ne rien dire d’autre de toute façon :
« Je suis désolé… »
« Tu es tellement pathétique… tes excuses ne me rendront jamais mon fils et mon compère, ni aucun autre enfants, parents, frères, sœurs, cousins, tantes, oncles, amis et mêmes rivaux et ennemis de personne… tu ne ramèneras jamais personne avec tes excuses, il fallait y penser et écouter ce que tu ne voulais pas entendre avant chien idiot… »
Cependant, Rodrigue se força à dire avec soulagement, même s’il devait en vomir après. Il devait dire ceci, pour le bien de sa famille et pour protéger ce qui lui restait.
« Je suis heureux de vous voir hors de danger Votre Majesté… J’espère que vous vous rétablirez vite… »
Ses mots creux semblèrent contenter Lambert, qui arriva à grimacer un sourire triste et rassuré en le voyant mais, cela ne fit que donner un haut-le-cœur à Rodrigue. Il ne voulait pas ça, il voulait son fils ! Son compère ! Ses sujets dont il avait trahi la confiance en étant obligé de les envoyer à la mort ! Rodrigue sentait la colère d’Alix d’ici, savait exactement à quoi il penserait s’il était à sa place comme s’il était à côté de lui… ils étaient toujours blessés en même temps, même en ne recevant aucun coup… l’autre était l’un et l’un et l’un était l’autre, depuis toujours…
« Mais quel connard… il gobe tout ce qu’on lui raconte sans hésité… comme s’il n’avait pas envoyé tout le monde à la mort lui-même… c’est de sa faute si on est dans la merde jusqu’au cou ! Alors, tu ranges tes excuses, vire Rufus et tu nous laisses gérer avec des gens compétents ! »
Rodrigue savait que ce serait ce à quoi penserait Alix en voyant tout ceci… les jumeaux seraient aussi inconscients que lui, ils lui enverraient surement tous leurs reproches dans la figure avant de le laisser se débrouiller seul… mais pour garder la tête sur les épaules dans tous les sens du terme et pour le bien du Royaume, ils devaient garder le silence…
Le duc échangea alors des banalités avec Lambert, lui demanda comment il se sentait, puis l’informa de l’état de Dimitri et du Royaume, ainsi que les premières actions qu’ils avaient fait avec Gustave, Lachésis et Thècle Charon maintenant qu’elles étaient à la capitale… quand Rufus les laissait travailler en paix et sans détricoter tout ce qu’ils faisaient quand ça ne lui plaisait pas, c’était lui le régent officiel après tout… cependant Gustave l’empêcha de lui en parler, Lambert était trop fatigué pour ça… ils purent discuter que quelques minutes avant que le blessé ne se rendorme…
Quand il ressortit enfin de cette chambre et retourna mécaniquement dans son bureau pour se remettre au travail, Rodrigue avait toujours ce mauvais gout dans sa bouche, sa gorge serré… tellement que le nœud fissurait tout ce qui l’entourait, sa magie réagissant bizarrement à tout ceci… il voudrait tellement qu’Alix soit là…
« Et bien, quelle tête d’enterrement…
Le duc fit tout pour ne pas montrer quoi que ce soit en entendant Rufus l’approcher, le coupant sur le chemin de son étude. Il regarda le… régent l’approcher, la seule personne de tout le palais à peu près en forme et de relative bonne humeur, même s’il agitait les envies de revanches des seigneurs de l’Ouest. À ses joues bien pleine et son énergie, il ne devait pas respecter le rationnement mais bon, c’était le cadet des soucis de Rufus de respecter les règles et il ne s’en cachait pas… si Lambert ne tarderait surement pas à être l’un des hommes les plus détester du Royaume, Rufus l’était déjà aux vues de son comportement et de ses propres prises de position… discrètement, Rodrigue répondit en respectant l’étiquette.
– Veuillez m’excuser, je suis simplement très fatigué, mes devoirs me prennent énormément de temps et d’énergie.
– Bien, on aurait dit que vous étiez déçus de voir mon frère en vie, gronda-t-il avec un sourire qui devait se vouloir menaçant mais, qui n’impressionnerait pas Rodrigue si ce n’était pas le régent, il avait vu largement pire comme adversaire. J’avoue que je trouvais ça suspect après ce qui s’est passé, encore plus quand je vous voie être contre la guerre contre les duscuriens, alors qu’ils sont évidemment coupables.
– Je ne songerais à rien de tout cela envers Sa Majesté, lui assura-t-il en repoussant son malaise de tout à l’heure, ne devant rien montrer à Rufus s’il tenait à sa tête. Et je ne fais qu’écouter les dires de Sa Majesté et de Son Altesse, toutes deux jurent que les duscuriens ne les ont pas attaqués, mais sauver au contraire. Ils doivent surement la vie aux villages voisins, en particulier la famille Molinaro qui se sont occupés d’eux. Son Altesse était dévastée quand il a appris ce qui était arrivé à ce village à qui son père et lui doivent la vie. Si l’enquête prouve la culpabilité des duscuriens, je reverrais mes positions mais pour le moment, nous devons surtout penser au maintien du Royaume dans cette période de césure et de deuil. Les Charon, les Gautier, mon frère et moi-même pensons préférables d’épargner une guerre à nos finances, et d’orienter le maximum de nos fonds vers le maintien des aides aux nécessiteux, l’achat de vivres de première nécessité, de l’administration, la justice, la protection des routes et la lutte contre le brigandage, expliqua-t-il encore en faisant tout pour ne pas se tirer une flèche dans les pieds au passage.
– Hum… bien, même si cela me semble bien lâche et facile. Cependant… », Rufus lui attrapa le bras, serrant comme il pouvait malgré son absence totale d’entrainement, sauf à celui des plaisirs, « …vous n’êtes pas sans ignoré que mon père Ludovic vous portait en haute estime, et même bien trop si vous voulez mon avis. Vous avez intérêts à être à la hauteur des louanges que le vieux vous faisait, me suis-je bien fait comprendre ?
– Bien évidemment, mon seul désir est la survie du Royaume et de son peuple, comme feu Sa Majesté le roi Ludovic l’avait toujours à cœur. Je me dévoue corps et âme à cet objectif de bien commun.
– Tant mieux, cela vaut mieux pour votre tête. Ne vous prenez pas pour plus que vous n’êtes, surtout que vous semblez assez lent à la tâche alors que le pire a été évité. Lambert et Dimitri sont en vie, c’est tout ce qui compte. Vous devriez vous en réjouir.
Rodrigue se mordit la langue, faisant tout pour être aussi impénétrable que possible. Rufus le répétait souvent celle-là…
« Arrêtez d’être triste car, des membres de votre famille et de votre peuple sont morts pour rien dans une boucherie évitable. Soyez plutôt heureux et parfaitement satisfait car, mon frère et son fils sont encore en vie. Si ça va pour la famille royale qui est MA famille, cela va pour tout le monde alors, retournez au travail sans vous plaindre. »
Enfin… c’était comme ça que ça sonnait dans les oreilles de tout le monde. Les sœurs Charon étaient les premières à vouloir l’étrangler pour ça, ayant perdu treize frère, sœur, beaux-frères, belles-sœurs, neveux et nièces dans la Tragédie, comme pratiquement tout le palais et la ville mais, tous savaient que la phrase suivante était l’ordre de se taire sinon, c’était la corde.
Le duc répondit alors, faisant tout pour être parfaitement dans son rôle de subordonné.
– Je remercie tous les jours la Déesse pour la survie de la famille royale. Ma lenteur et celles de mes associés s’expliquent par la surcharge de travail et le manque de mains, plusieurs d’entre nous sont morts pendant la Tragédie. Nous travaillons également à résoudre ce dernier problème avec les sœurs Charon. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser Votre Altesse, je me dois de retourner à mes tâches », déclara-t-il avec une révérence respectueuse et en soulignant le « Votre Altesse » en se montrant le plus soumis possible au régent afin de respecter ses désirs et ne pas s’attirer ses foudres.
Rodrigue s’esquiva pour se rendre dans son bureau après avoir vu le sourire satisfait de Rufus. S’il se montrait suffisamment docile envers lui, il devrait plus facilement pouvoir manœuvrer dans l’administration et refuser des choses à ses fidèles, arguant qu’il n’était pas contre lui mais, juste en désaccord. C’était humiliant de s’aplatir devant un homme tel que Rufus, et ça n’arrangeait pas cette impression de vide interne en lui mais, cela en vaudrait la peine si cela pouvait protéger des vies et le Royaume, en particulier si ça protégeait sa famille.
Le duc travailla jusqu’à tard, cette sensation désagréable ne le quittant pas une seconde jusqu’à ce qu’il arrive à se trainer jusqu’à ses appartements, à bout de force, comme si voir Lambert puis Rufus l’avait vidé de son énergie.
Cependant, quand il entra, il fut accueilli par Félix, encore debout malgré l’heure tardive, un chat tricolore à côté de lui, appelé « Fleuret » à cause de ses tâches ressemblant à des fleurs et en référence à Fleurette. C’était un des errants qui parcouraient le palais, son fils l’avait pratiquement adopté depuis qu’il était ici, il lui tenait compagnie. Les cahiers de Félix étaient entassés sur le bureau, ses mains couvertes d’encre indiquant qu’il avait bien travaillé pendant la journée. Rodrigue faisait attention à ce qu’il ne néglige pas trop ses études, il aurait toujours besoin d’une tête bien faite, encore plus dans une période aussi incertaine qui s’annonçait. Deux assiettes aussi pleines que le rationnement le permettait les attendaient aussi.
Son louveteau sauta du banc quand il le vit rentrer, se précipitant vers lui pour enrouler ses bras autour de sa taille. Il ne dit rien mais, Rodrigue comprit où il voulait en venir. Son inconfort d’avoir revu Lambert s’envola, chassé par son envie de serrer Félix dans ses bras, comme si c’était un miracle de le voir en vie… c’était un miracle qu’il soit en vie, il était né si faible… il était encore si fragile, qu’un enfant… mais il était aussi si fort, ne tombant pas… comme sa mère… comme toujours… Rodrigue ferait tout pour qu’il ne risque rien…
« Je suis un père horrible, je m’appuie plus sur mon fils que l’inverse… je suis désolé Félix… mais merci pour tout… merci d’être là… je t’aime mon louveteau, plus que tout… je te protégerais… »
Ils mangèrent tous les deux avant que Félix n’aille dormir, Fleuret contre sa poitrine. Allumant une petite sphère de feu au-dessus de sa feuille, Rodrigue écrivit à Alix pour raconter tout ce qui s’était passé aujourd’hui, tout en codant leur lettre personnelle, écrivant à l’ammoniac entre les lignes ordinaires. D’habitude, il écrivait leurs codes dans une autre encre invisible qui se révélait à la chaleur, il pourrait feindre que ces mots n’étaient que des grognements entre frères et de la prudence excessive mais là, c’était des états d’âmes plus dangereuses pour eux… mieux valait utilisé une encre sympathique nécessitant un réactif, même s’il devait l’économiser… il voulait juste en parler plus avec Alix que seulement en devinant ce qu’il pensait.
Une fois sa lettre scellée et avoir réciter ses prières pour sa famille, le Royaume et les morts, Rodrigue alla se coucher après avoir vérifié que son fils allait bien, s’enfonçant dans un sommeil agité, sa magie picotant dans ses veines à cause de toutes les émotions de la journée.
*
« Grmph… il ne manque pas de culot celui-là… »
Rufus descendit un verre de vin dans ses appartements, repensant à sa confrontation avec Rodrigue plus tôt. Il savait qu’il mentait, ce type mentait mal et cela se voyait. Il disait se réjouir de la survie de la famille royale et pour Dimitri, le régent voulait bien y croire mais, pour Lambert, il savait que c’était faux, même si rien ne l’indiquait sur son corps quand il parlait, Rufus le sentait ! De quoi il se plaignait ?! Lambert était en vie et Dimitri aussi, le Royaume qu’ils aimaient soi-disant tous allaient survivre, pas la peine de faire des têtes d’enterrement à chaque fois qu’il voyait leur roi ! ça devrait les rassurer au contraire ! Ils cachaient tous quelque chose, c’était sûr ! Tous ! Tous ! Et ce loup enragé le premier ! Mais c’était impossible de le prouver ! Son visage était aussi impénétrable que celui de ce glaçon de Ludovic !
« Foutu loup enragé ! »
Enfin bon, il avait pu voir Rodrigue s’aplatir et ça, Rufus ne pourrait jamais s’en lasser. Voir l’un des favoris évidents et avérés de son père devoir admettre ce qu’il était, qu’un simple vassal dont il pouvait demander et obtenir la mort quand il voulait, c’était satisfaisant.
« La prochaine fois, je le fais s’agenouiller devant moi, qu’il apprenne enfin où est sa vraie place. »
Sortant la clé de sa chemise de corps, Rufus ouvrit doucement sa cassette où il gardait le testament de son père, le lisant encore, se rappelant de ce vieux lion édenté et essoufflé, en train de dépouiller son propre fils de son héritage avec sa stupide idée de monarchie élective, tout ça pour choyer les rejetons de son « grand frère » adoré.
« …ainsi, écrivait la main tremblante de Ludovic, secoué de toux et de crachat de sang tuberculeux, les tâches rendant le parchemin presque illisible à plusieurs endroits à présent mais, Rufus le connaissait par cœur à ce stade, en mon âme et conscience, je me dois de l’admettre et reconnaitre que dans la situation actuelle, si je devais voter pour élire le prochain roi, ma voix irait aux jumeaux Rodrigue Achille Fraldarius et Alix Persée Fraldarius. Selon mon expérience, mon esprit et ma propre réflexion, ainsi que l’observation de leurs parcours et décisions antérieurs, ils sont les plus à même de prendre soin du Royaume pour le mener vers un jour meilleur. … »
Rufus froissa le papier entre ses mains, maudit les noms encore parfaitement visibles malgré le sang qui noircissait de jour en jour, même s’il n’arriva toujours pas à le jeter au feu. Ce vieux lion… il le voyait encore, le teint gris, les joues creuses, les yeux mort… un squelette vivant juste rempli de maladie, vidé de vie et de force mais, qui en trouvait encore assez pour affirmer qu’il ne laisserait jamais Lambert devenir roi, qu’il n’était pas fait pour ça et qu’en substance, il était indigne de cette tâche… il serait encore là, Ludovic s’en donnerait surement à cœur joie pour dire qu’il avait raison… après tout, ce n’était qu’un bloc de glace insensible avec juste le Royaume et la famille de son « grand frère » Guillaume en tête…
« Alors père ? Ils s’en sortent comment tes petits favoris ? Si intelligents, si habile, si compréhensifs des besoins du peuple, si raisonnables et avec la tête sur les épaules ? Et la famille de ta petite créature Héléna qui était – oh ! – bien plus douée que Lambert en politique, tout comme le reste de sa fratrie ? Qui mettrait Lambert sur le droit chemin en étant sa petite femme ? Tu dois te sentir bien con de les voir tous échouer comme ça et d’avoir provoqué toutes ses morts, avec l’aide des duscuriens. Ils auraient préparé ce voyage sérieusement, rien de tout ça ne serait arrivé. Enfin, te connaissant, tu dirais à Lambert qu’il est trop naïf et borné… grogna-t-il tout seul en renfermant les documents volés à double tour dans sa cassette. S’ils sont si forts, je peux bien les titiller un peu, ils s’en sortiront bien… Déesse, j’aimerais tellement voir ta tête ! »
*
« Derdriu ! Derdriu à l’horizon capitaine ! Cria le marin au nid-de-pie.
– Aaaaah ! C’est bon de revenir à la maison !
– Surtout qu’on a fait de bonnes affaires !
Ivy sourit en voyant ses hommes s’agiter tout en travaillant, nouant et dénouant les bons nœuds, veillant aussi à ce que les voiles tiennent correctement le vent. Elle-même tenait la barre, son navire volant sur les vagues alors qu’elle aussi voyait leur port d’amarrage, bien protégé par la mer au fond de sa lagune. Après six mois à commercer en Almyra, ça faisait du bien de retrouver leur Alliance bien-aimé à la plupart d’entre eux, même Ivy avait déjà hâte de reprendre la mer pour se rendre en Faerghus. Ça faisait une éternité qu’elle n’avait pas rendu visite aux jumeaux, Glenn et Félix, elle avait plein de choses à raconter aux garçons ! Elle avait aussi mis la main sur un thé que Félicia aurait surement adoré si elle était encore parmi eux, elle voulait aussi passer lui dire bonjour et le partager avec elle, même si Ivy était bien moins bec sucré qu’elle. Enfin, avant ça, fallait déjà qu’ils passent les bancs de sable recouverts par la marée haute, puis déchargent leurs marchandises… Ivy devait aussi payer ses marins, mettre l’argent dont ils n’avaient pas besoin pour leur prochain voyage à la banque, aller refaire leurs passes-ports et papiers officiels pour cette année car, l’administration adorait les épices… bref, autre chose à faire que rêvasser avant de retourner voguer sur les flots !
– Vous discuterez à terre ! Passons le Croche-Navire et on parlera en descendant notre butin ! Ordonna-t-elle alors que Noce s’envolait de son épaule pour ajouter.
– Passage dangerrrreux ! S’exclama le perroquet gris à la queue rouge en volant tout autour des marins. Tout le monde sur le pont !
– Bien capitaine ! »
Habilement, ils passèrent le banc de sable piégeux puis, arrivèrent à bon port. Une fois les formalités administratives réglés, leurs cargaisons en lieu sûr, les rendez-vous pris et les intermédiaires payés, ils allèrent tous fêter leur retour à leur taverne habituelle, buvant à leur santé une grande chope de bière.
« Et bien Ivy, ça fait un moment qu’on ne vous avait pas vu ! S’exclama la tavernière, une bonne connaissance à eux à force. Vous êtes allés plumer qui cette fois pour ramener un pactole pareil ?
– Almyra pendant six mois et on a fait des affaires complètement légales Tessa, lui assura-t-elle avec un sourire. C’est pas ma faute si les gens sont nuls pour négocier. En tout cas, ressert moi une bonne choppe, ça me changera du jus de fruit !
– À la vitesse où vous videz vos verres, je parie que vous étiez dans la partie où ils n’ont pas le droit de boire de l’alcool, ria la tavernière en devinant déjà qu’elle allait faire une excellente recette ce soir.
– Ouais, loi divine du coin. Ils fument pour se mettre la tête à l’envers eux. J’ai essayé quand je suis allée là-bas la première fois mais, c’est pas à mon gout. Rien ne vaut la bonne bière derdrienne pour nos palais leicesters !
– Tu m’étonnes… et vous ramenez quoi de là-bas ?
– De belles étoffes, des pigments, des épices qui se mangent, des livres de tout et n’importe quoi, de l’encens, de l’ivoire, de l’or… la routine habituelle pour un petit voyage en Almyra orientale… lista-t-elle en prenant une autre gorgée du liquide ambré et rond sur sa langue. Et ah ! Du thé aux aiguilles de pins d’Almyra et du sucre au thé…
– Du sucre au thé ? Répéta Tessa en en croyant pas ses oreilles.
– C’est du thé mais horriblement sucré mais que veux-tu, ma Félicia adorait le sucre alors, quand je rentre, je lui en ramène pour le partager avec elle sur sa tombe et lui raconter mes derniers voyages comme au bon vieux temps. Son mari et ses gosses adorent les trucs avec du piquant par contre alors, je leur ramène du thé aux aiguilles de pin qu’il adore. Je voulais aussi leur ramener un chat avec le nez tout écrasé vu que ce sont des grands amoureux des chats mais, son proprio n’a pas voulu me le vendre, et comme j’avais rien fait d’illégal en six mois, je me suis dit que j’allais pas tenter d’avoir une prime sur ma tête dans un autre port, surtout qu’ils n’auraient pas apprécié… donc bon, pour une prochaine fois… prochaine arrêt : chez eux ! Je me remplierais aussi les poches au passage, c’est un des coins les plus riches du Royaume !
– Euh, ta petite Félicia ? C’est la petite malade des Lebur non ? C’est pas elle qui a épousé un grand noble du Royaume ? La questionna la tavernière, un air sombre passant sur son visage. Je me souviens qu’une fois, des crétins t’ont attaqué ici pour te prendre en otage et la faire chanter…
– « Tenter » de me prendre en otage, corrigea-t-elle sans louper la gravité sur son visage. C’est finalement moi qui aie fait jurer à ses marins de latrine d’être gentils avec les demoiselles, en particulier celles de Faerghus et si je les prenais à piller les côtes de Fraldarius, c’est moi qui allait les envoyer par le fond pour jouer avec les poissons, si c’est pas sa belle-famille qui le faisait en premier. Je suis une Drake, j’ai une réputation à tenir, et Félicia et sa famille sont mes petits protégés, on touche avec les yeux et de loin. Donc oui, c’est ma Félicia, et prochaine destination, le Fort Egua par les voies fluviales. Pourquoi ? Il s’est passé quelque chose ?
– T’es pas au courant ?! Ah non, attend, c’est vrai que vous êtes revenus qu’aujourd’hui et que l’info est arrivée y a trois jours, ça n’a pas eu le temps d’arriver plus loin… marmonna-t-elle avant de lui apprendre. C’était le mois dernier, le roi de Faerghus s’est rendu en catastrophe à Duscur. Mais quand je te dis en catastrophe, c’est vraiment en deux lunes, le voyage a été décidé par le roi puis, ils sont tous partis et ils ont raclé partout où ils pouvaient pour avoir les fournitures nécessaires pour le voyage ! T’as raté un bon marché si tu avais des bleds ou des fèves à vendre d’ailleurs, ils prenaient tout ce qu’il trouvait ! Le convoi s’est fait attaquer sur le chemin et ils se sont fait écraser ! Seuls le roi et le prince s’en sont sortis vivants, tous les autres sont morts sur place !
– Attends… quoi ?! S’étrangla Ivy, l’inquiétude lui serrant la gorge. Tu sais qui était dans ce convoi ?! Et ils sont partis en deux mois pour un voyage pareil ?! Pourquoi ils ont fait ça ? Il s’est passé quoi ?
– Apparemment, y a un des petits chatelains de la frontière qui voulait agrandir son fief en conquérant des terres duscuriennes alors, crise diplomatique et le roi a décidé de se rendre en Duscur en signe de bonne volonté…
– Quoi le roi a décidé ? Il doit se concerter avec les grands pour faire quoi que ce soit normalement, sauf à être un Clovis le Sanglant ou l’empereur d’Adrestia. Le roi de Faerghus doit s’appuyer sur les autres seigneurs pour prendre des décisions pareilles, et je les connais ceux-là. J’ai été à Garreg Mach avec eux et je les ai revus plusieurs fois. Ok, le Lambert, il a clairement pas inventé l’eau tiède et c’est un bel idiot que même Noce pourrait vaincre dans une négociation mais, ses seconds, les jumeaux Fraldarius, ils en ont dans le crâne ! Ils n’auraient jamais laissé faire ça !
– Ah pour le coup, le travail en équipe avec les grands et leur accord, il s’est assis dessus le roi, c’était sa décision seule et tout le monde le sait. C’était le voyage du roi et point, ça la rendu très impopulaire d’ailleurs vu que c’était fait dans une telle précipitation que personne ne voulait y aller. Apparemment, les seigneurs de l’Ouest ont trouvé leur intérêt vu qu’ils étaient tous derrière le roi mais, à l’Est, c’était une véritable levée de bouclier mais bon, ils ne pouvaient pas trop l’ouvrir car sinon… tu sais ? Haute trahison, obéissance au seigneur suzerain, les devoirs du vassal, devoir d’obéissance, tout le monde fait la même chose et y a pas de table ronde pour décider à plusieurs ce qu’on fait, et tous uni ensemble devant l’adversité, tout ça…
– Tous unis devant l’adversité et derrière la connerie oui… grogna Ivy. Les nobles se foutent peut-être sur la gueule quand ils ne sont pas d’accord dans l’Alliance mais, ça lui aurait fait les pieds au Lambert de se prendre une révolte nobiliaire dans la gueule… enfin, en deux mois, ils n’ont pas dû avoir le temps de s’organiser… et tu sais qui était là-bas ? Au moins les bataillons de troupes envoyés ? Insista-t-elle avant de préciser, morte d’inquiétude. La jeune garde princière, elle y était ? Elle est directement affectée à la protection du prince.
– Alors, elle devait y être. Comme personne ne voulait y aller, ils ont dû prendre de gens au hasard alors, s’il pouvait prendre des régiments qui doivent suivre quelqu’un comme des toutous pour la surveiller comme le lait sur le feu, tu penses bien qu’ils n’allaient pas cracher dessus, rétorqua la tavernière avec un air blasé, avant de demander, plus inquiète. Tu connais quelqu’un dedans ?
– Oui, le fils ainé de Félicia fait son service là-dedans…
– Ah… alors… Tessa se tut une seconde, remplit un verre d’eau qu’elle posa sur le bar devant la marchande puis, marmonna, sincère. Je suis désolé… surtout qu’il ne devait pas être bien vieux… si… si t’as besoin de parler, n’hésite pas, je t’écouterais sans problème…
– Ivy… parrrrdon… babilla Noce en prenant une de ses courtes mèches dans son bec.
La marin les remercia d’un regard, passant sa main sur les plumes bien entretenu de son compagnon de toujours, puis en buvant doucement l’eau offerte par Tessa. Ça faisait du bien… et refroidissait un peu ses nerfs… Déesse, fallait pas que ce crétin de Lambert lui tombe dessus ! Enfin, avec un tout petit peu de chance…
– Merci à vous deux… elle finit son verre d’une traite avant de déclarer, déterminée. Raison de plus pour que je me rende à Fraldarius. Va leur falloir des vivres et des fournitures, et ça me permettra d’avoir des infos de première main. Qui sait ? Peut-être que quelques soldats ont survécus dans le lot ? C’est pas possible qu’il ait tué tout le monde jusqu’au dernier mais, qui ait loupé la famille royale alors que c’était surement les plus important à descendre du convoi… j’ai déjà pris mon rendez-vous et payez mes épices à l’administration pour refaire mes papiers. Je les ai, et je file là-bas.
– Comme tu veux, mais méfie-toi un peu, y a le vieux Riegan qui est en train de chercher des navigateurs pour se rendre en Faerghus. T’es une des meilleurs de toute l’Alliance, il risque de te demander de l’accompagner là-bas. En plus, voyager à bord du navire d’une Drake, c’est l’assurance d’avoir une paix royale pendant toute la traversée.
– Merci du compliment, je sais me faire respecter. Et c’est clair, ce vieux cerf est doué pour débarquer avec juste l’argent pour acheter un rouleau de tissu mité, et repartir avec une cargaison de soierie, marmonna Ivy, connaissant – et respectant – la ruse de son grand-duc qui les avait tirés de pas mal de pétrin, et elle préférait ça à un crétin fini.
– Ouais, et il est encore en forme pour son âge. Il a… quoi ? Quatre-vingts ans cette année ? Et pas plus tard qu’y a trois mois, il avait le projet de rendre visite à sa fille mais bon, quand tu pars avec un arc et une épée dans les bagages, les retrouvailles familiales n’allaient pas forcément être des plus chaleureuses, c’est moi qui te le dis. C’est encore le meilleur archer de toute l’Alliance.
– Comme quoi, commencer à régner avec un taré assoiffé de sang comme Clovis juste à côté, ça forge le caractère. Enfin… s’il me laisse mettre les voiles pour Fraldarius, ça vaudrait le coup de jouer les passeuses pour lui. Pour le moment, tout ce que je veux, c’est savoir comment va la famille de Félicia. Je leur en dois plusieurs en plus, je peux bien leur offrir un petit coup de pouce…
– Capitaine… grrrrand cœurrrrr ! Babilla Noce.
– Oh la ferme, faut bien que j’entretienne mes relations commerciales, rétorqua-t-elle alors que son compagnon de toujours se serrait effrontément contre sa tête. Et je tiens quand même un peu à eux…
Ivy se mit à réfléchir à son organisation dans les prochains jours. Avec un peu plus d’épices que nécessaire, elle aurait ses autorisations en deux semaines au lieu d’un gros mois, et encore plus si le grand-duc lui demandait de l’emmener à Faerghus. Non pas qu’elle ait très envie d’être le toutou des nobles mais, ce ne serait que pour une fois, et Geoffrey était également quelqu’un de bien à l’académie, contrairement à sa sœur alors, si ça pouvait arranger le grand-duc et son héritier, ça pouvait l’arranger elle aussi… et lui ouvrir de nouveaux marchés avec de nouveaux clients potentiels à la cour de Derdriu.
« Bref, j’ai plus d’opportunité de me faire du blé pour retourner naviguer comme je veux où je veux, et je peux aller voir les Fraldarius et savoir comment tout le monde va, c’est tout bénèf’ pour moi… faudra juste que je me retienne de baffer Lambert, ça devrait aller comme condition. »
*
« …c’est une honte ! Quel genre de père êtes-vous ?!
– Un qui ne veut pas salir la mémoire de son fils avec du sang d’innocent.
Rodrigue fit tout ce qu’il pouvait pour garder son calme, les mains posées sur son bureau pour qu’elle ne trahisse aucun état d’âme, bien malgré sa fatigue et celle d’Alix. Tout un groupe de nobles se faisant appeler « les vengeurs » venaient de pratiquement défoncer sa porte, l’interrompant alors qu’il rédigeait un ordre d’arrestation pour Kleiman avec Lachésis et Thècle, ce dernier ayant provoqué toute cette situation. Il savait que Rufus allait le casser, comme le procès lancé par Lambert contre lui pour avoir attaqué Duscur sans sommation et tué vingt-et-un d’entre eux. Kleiman avait réussi à se faire très apprécier par le régent, en appelant à la contre-attaque immédiate contre les duscuriens mais, au moins pour la forme et pour les on-dit, ils devaient le faire. Les serviteurs étaient au courant que Lambert et Dimitri n’avaient vu aucun duscurien, ils avaient déjà fait tourner l’information en discutant en ville et même si beaucoup était persuadé du contraire, le doute permettait de juguler l’envie de vengeance de beaucoup. Une fois l’état de choc passé, Lambert serait surement haï et sa parole caduque mais, il devait en profiter tant qu’elle avait encore de la valeur. Ça leur ferait gagner du temps et pour ça, c’était tout ce dont ils avaient besoins. S’ils arrivaient à instiller suffisamment de doute dans la certitude que les duscuriens avaient organisé ce fiasco, ils pourraient peut-être empêcher la guerre… enfin, il priait la Déesse pour que ça marche dans les milieux roturiers.
Par contre, pour les nobles, ce serait mission presque impossible, ils avaient bien trop à gagner dans une guerre avec Duscur, que ce soit en butin ou en possible annexion. Encore, à l’Est où la zone d’influence des Charon et des Fraldarius était forte, ça allait, leurs vassaux et métayers étaient plus remontés contre le roi à force. Gautier était surtout occupé à faire en sorte que les srengs respectent leur tradition de ne pas attaquer un adversaire à terre. Les Galatéa étaient peut-être fous de rage contre les duscuriens et voulaient les faire tous payer jusqu’au dernier, le comté était coincé entre les Charon et les Fraldarius, et il était pratiquement ruiné. Francis ne pouvait pas se permettre de perdre d’argent dans une telle expédition, autant égorger son peuple lui-même, ce serait plus court que les faire mourir de faim.
Mais à l’Ouest, c’était une tout autre paire de manche… à part Rowe qui était une seigneurie assez importante en termes de taille et de puissance, et un peu Mateus derrière, les autres étaient bien plus petites et morcelées. D’un côté, s’était très pratique pour profiter de leurs divisions internes, ils avaient beaucoup de mal à s’organiser entre eux sans se manger le bec les uns des autres, mais de l’autre, beaucoup nourrissaient l’ambition d’agrandir leurs terres ailleurs et d’augmenter leurs revenus et leur influence par tous les moyens possibles, et la guerre était un excellent moyen d’accéder à cet objectif… surtout face aux duscuriens bien plus faibles militairement qu’eux…
Alors, autant les deux sœurs que lui-même se retrouvaient périodiquement avec des représentants des « vengeurs » venant les exhorter de déclarer la guerre aux duscuriens, officiellement pour venger leur mort et leur faire payer leur crime, officieusement pour récupérer des terres. Alix et les autres Charon recevaient également les mêmes demandes mais, ils les repoussaient tous autant qu’ils étaient. Mais ceux qui restaient à la capitale semblait déterminé à les faire plier et accepter. Ils avaient tenté de le convaincre en le traitant de lâche et de mauvais seigneur au début, mais maintenant, ils allaient même jusqu’à fouler aux pieds le cadavre de Glenn pour le pousser à faire une erreur ! Stratégie très grossière mais, la fatigue ne l’aiderait pas à garder son calme… encore plus avec sa magie aussi instable, elle le pompait aussi ses forces… Rodrigue avait trop peu de temps pour s’entrainer alors, elle s’accumulait en lui… le tout ensemble, elle devenait plus difficile à contrôler, même si ce n’était pas dangereux pour les autres…
– Hors de question de leur donner la satisfaction d’arriver à avoir mon parti sur un coup de sang ou la fatigue… se jura Rodrigue avant de continuer. Sa Majesté et Son Altesse jurent toutes deux que l’armée les ayant attaqués portait de l’écarlate et du noir, et que les soldats avaient la peau blanche comme de la craie pour ceux qui avait le visage découvert. Nous ne sommes pas sûr de l’identité de leurs agresseurs, et les duscuriens n’auraient rien à gagner à provoquer une guerre contre nous, à part une guerre qu’ils sont sûrs de perdre. De plus, ce que vous me demandez est de vous aider à lever une armée destinée à ravager Duscur jusqu’au moindre village. Vous me demandez de faire subir à d’autres parents d’enfants innocents de vivre le même cauchemar éveillé que moi. Comme vous le dites, j’ai aussi perdu mon enfant, mais aussi mon compère, plusieurs proches et des personnes dépendant de ma protection. Je connais cette douleur et cette peine tout autant de vous, et je refuse de faire subir un tel sort à quelqu’un d’autre. Les coupables devront être punis à la mesure de leur crime, je suis tout à fait d’accord sur ce point, mais la justice des hommes et de la Déesse nous ordonne de mener l’enquête afin de déterminer qui sont les vrais coupables. Vous invoquiez Glenn, je sais que mon fils ne voudrait pas que des innocents soient tués dans une soif de sang incontrôlé.
– Dites-vous cela par crainte de l’erreur ou par lâcheté ? Piqua l’un des vengeurs. Après tout, vous n’êtes qu’un bouclier et un gratte-papier. Vous passez plus de temps dans cette étude à écrire qu’à vous entrainer pour défendre nos terres et notre honneur ces derniers temps.
– Je préfère être un lâche qui n’a pas tué un innocent, qu’un soi-disant brave massacrant tout sur son passage par vengeance. Je ne ferais que cracher sur tout ce que j’ai appris de mon compère et de mes parents, puis que j’ai transmis à mes fils. Un crime a été commis, laissons la justice faire son office et chercher les coupables. Faire justice nous-mêmes n’amènera qu’à plus de souffrance inutile, ainsi qu’un sentiment d’injustice qui ne fera que se transformer en envie de vengeance à terme. Et en effet, j’écris des lettres à envoyer dans tout le Royaume pour savoir où en sont les différentes mesures locales visant à éviter une disette et que l’anarchie ne s’installe. Vous n’êtes pas sans ignoré nos difficultés monétaires, même la noblesse doit participer alors que nous payons habituellement l’impôt du sang, et nous avons pour la plupart déjà dû contribuer financièrement à ce voyage. Nous engager dans une campagne militaire ne ferait que gaspiller l’argent destiné au peuple, ce qui serait fatale pour une grande partie d’entre eux, ce qui créerait encore plus d’endeuillé faerghiens, et j’ose espérer que cela n’est point votre objectif.
Rodrigue les laissa s’énerver tout seuls face à lui, répondant à leurs arguments ressemblant de plus en plus à des insultes par des remarques calmes, gardant complètement le contrôle de lui-même. Sa mère avait toujours agi ainsi dans la plupart des situations tendues, tout comme son père : gardez son calme et faire en sorte de rester en contrôle, même quand il s’échappait. La façade de contrôle permettait souvent de repousser les chiens errants, déstabilisés en voyant que leurs petits jappements n’avaient pas l’effet escompté.
Comme prévu, ils finirent par jeter l’éponge pour la plupart d’entre eux, même si l’émissaire de Rowe et quelques-uns de ses sous-fifres tentaient encore leur chance. Le duc était sur le point de les faire sortir quand on frappa à la porte, avant que Félix n’entre, un plateau avec leur repas à la main en appelant, Fleuret sur son épaule et avec l’épéiste qui veillait sur lui.
« Papa ! Tu viens manger ?!
– J’arrive Félix, lui sourit-il, heureux de le voir après avoir subi les « vengeurs » toute la matinée. Pars devant. Je les fais sortir et j’arrive…
– Attendez ! Nous n’avons pas… commença un d’entre eux, avant que l’émissaire de Rowe ne l’arrête.
– Non, laisse-le. Nous ne sommes quand même pas au point de l’empêcher de profiter de la famille qui lui reste, glissa-t-il avec un sourire, jetant un œil au père puis au fils, son sourire s’étendant après avoir scruté Félix. Nous sortons.
Rodrigue se tendit à ces mots, méfiant. C’était trop beau et trop facile… et cette expression… elle faisait crépiter le surplus de magie en lui, prêt à tonner au moindre danger menaçant son petit… il les fit sortir en verrouillant sa porte, posant même un sceau sur la serrure au cas où. La libération de magie lui fit du bien… ses veines s’allégeait un peu du surplus… il fallait vraiment qu’il trouve quelques minutes pour s’entrainer… le père allait rejoindre son fils quand l’émissaire le retient une seconde en déclarant, un sourire entendu aux lèvres.
– Votre fils est adorable avec vous, on voie combien il vous aime, et à quel point vous tenez à lui également.
– J’ai toujours été très attaché à ma famille, répondit-il en restant dans ce qui était connu de tous et le plus vague possible, ne devant pas donner trop d’information à cet homme.
Rodrigue voyait bien qu’il tentait de lui tendre un piège, et il ne devait surtout pas tomber dedans.
– Cela se voie et c’est touchant. C’est admirable d’entretenir des liens aussi forts dans une famille, même si c’est surement aussi un héritage pour la vôtre. Après tout, vous ne vivez pas très longtemps chez vous, il est logique que vous profitiez autant que vous risquez de vous perdre les uns les autres à la moindre mission pour le Royaume. Il doit être votre soleil en ses temps difficiles, surtout que c’est un enfant plein de vie et de ressources… malgré toutes ses horreurs, il garde toute sa force et continue à avancer.
– C’est le cas dans la plupart des familles, et Félix a toujours été un battant. Il tient de sa mère, louvoya-t-il encore sans répondre directement à la remarque sur leur courte durée de vie, même s’il sentait les poils de sa nuque s’hérisser, craignant ce que l’émissaire allait dire après avoir planté un tel décor.
– Peut-être pas à ce point… enfin, j’imagine que vous voulez le meilleur pour votre enfant, et c’est également extrêmement louable de votre part. Il serait d’autant regrettable qu’il lui arrive quoi que ce soit, encore plus si peu de temps après que son frère ait perdu la vie. Après tout, nous serons d’accord que tout parent veut le meilleur pour son enfant, en particulier pour sa sécurité. En une période aussi trouble, cela doit beaucoup vous…
L’émissaire se tut d’un coup en sentant le regard acéré de Rodrigue braqué sur lui, dur comme de l’acier alors qu’il exprimait à peine sa méfiance l’instant d’avant. Rien dans son expression ou son attitude n’exprimait la moindre agressivité ou colère mais, son regard était comme des crocs pressés contre sa gorge, prêt à lui arracher s’il commettait la moindre erreur. Le duc n’avait fait que changer légèrement d’expression, redresser légèrement les épaules en les tendant et à relever le menton pour le toiser avec méfiance, un avertissement tacite. Il en semblait même plus grand alors qu’il était de taille moyenne et qu’il avait perdu pas mal de poids en quelques semaines, surement à cause des rationnements de nourriture. Au moins un noble qui le respectait… mais sa face un peu émaciée rendait ses arêtes plus aigües, plus dures, aiguisant encore plus son regard comme des crocs.
« Ça se voie qu’il a étudié la politique avec sa mère… cette maudite Aliénor pouvait menacer quelqu’un d’avoir sa tête d’un regard ! »
– Effectivement, tout parent veut le meilleur pour ses enfants et qu’ils vivent en toute sécurité. Je serais prêt à tout pour protéger Félix et ne pas le perdre lui aussi. Alors, ne vous en faites pas, la moindre personne qui aurait l’audace de lui faire le moindre mal le paiera très cher, déclara le père d’un ton glacial, ses mots coulant le long de l’échine de l’émissaire comme une pluie insidieuse qui glaçait jusqu’aux os, d’une froideur que n’aurait pas renier le roi Ludovic. D’après notre cher Nicola, je ressemble comme deux gouttes à mon père pour ce qui est de ma… détermination à protéger notre famille. Cela est déjà un avertissement en soi.
C’était peu de le dire aux vues du sort que Guillaume avait réservé à ceux qui avaient tenté de lui ravir son héritage, ou de s’en prendre à ses fils, surtout qu’une fois qu’il mordait, il ne lâchait plus. Celui qui avait été le plus proche d’arracher les jumeaux à leurs parents avaient fini sans terre, ni titre, ni noblesse, ni fortune, ni allié, ni rien alors que c’était un noble de premier plan au départ, mais qui avait voulu récupérer de riches terres appartenant à Fraldarius. Dans cette optique avait pensé que c’était une bonne idée de tenter d’enlever les enfants des ducs pour en faire une monnaie d’échange sûre. Les parents des jumeaux l’avaient complètement détruit, arraché à coup de crocs tout ce qu’il avait morceau par morceau. Cette affaire leur servit d’avertissement à tous leurs ennemis, et la Déesse savait que Guillaume en avait beaucoup : le moindre ennemi qui s’approchait de leur tanière et de leur portée serait déchiqueté sans la moindre pitié.
L’émissaire ne put empêcher un frisson d’agiter tout son corps. Il savait qu’Alix était le portrait de son père mais, il ignorait que Rodrigue pouvait être aussi impitoyable, ou au moins menacé de l’être de manière aussi convaincante. Il était plus apprivoisé que son frère en apparence mais, il était tout aussi sauvage que lui finalement… il sentait presque la magie crépitée dans les veines du duc, prête à le balayer comme une pauvre branche dans des rapides s’il s’approchait un tant soit peu de son fils. Son maitre devait être bien plus prudent qu’il ne le pensait de base avec lui !
– Je comprends parfaitement, et je prie pour que cela n’arrive jamais. Sinon, vous pourrez compter notre soutien pour obtenir justice. Nous cherchons la même chose.
– Bien, je vous saurai gré de faire passer ce message, afin de prévenir tout intention malveillante de la part de vos camarades. Je ne doute pas de votre bonne foi mais, qui sait s’il n’y a pas parmi vous quelques âmes perdues ou corrompues qui serait prête à employer de telles méthodes. Toutes nos forces doivent être entièrement tournées vers le maintien du Royaume, surtout que les récoltes s’annoncent mauvaises cette année. Je suis sûr que vous avez également à cœur que le pays où vit votre famille ne sombre pas, n’est-ce pas ?
– Cela va de soi. Si vous voulez bien m’excusez Votre Grâce…
L’émissaire fit une petite révérence en guise de salut avant de s’enfuir, ne voulant pas rester aussi proche d’une bête qui risquait de le mordre. Tant pis pour l’accès au marché noir, il ne voulait pas risquer de se faire égorger par un loup enragé ! Son maitre devrait se montrer prudent avec lui s’il ne voulait pas finir comme un lièvre broyé sous ses crocs !
« Cependant, il avait l’air… étrange… il est fatigué et il perd du poids, c’est évident et en plus, il n’a pas l’air de pouvoir beaucoup s’entrainer… pour un magicien aussi expérimenté que lui, ça pourrait s’avérer dangereux pour sa santé… cela intéressera surement le Seigneur Rowe… »
Rodrigue se frotta la main en voyant l’homme partir, mal à l’aise en rejoignant Félix qui l’attendait à l’angle du couloir. Heureusement, il était loin et du côté de son dos quand il parlait à l’émissaire… aux vues de son visage, son expression devait être monstrueuse et il ne voulait pas montrer ça à son fils.
Sa magie s’agitait dans tous les sens dans son corps, tapant contre les parois de ses veines. Sa colère avait dû la rendre plus instable, prête à être utiliser même s’il n’en avait pas l’intention. Il fallait vraiment qu’il se trouve un moment pour s’entrainer un peu et l’utiliser, le père allait encore plus se ruiner la santé qu’il ne le faisait déjà en dormant aussi peu… au moins, l’avertissement était passé… même s’il n’aimait vraiment pas être aussi agressif, il n’avait pas pu s’en empêcher… ce n’était peut-être que l’émissaire et le comte Rowe l’affirmerait surement s’il le confrontait mais, les vengeurs étaient prêts à tout pour commencer cette guerre, même aux manœuvres les plus basses…
« Papa ? L’appela Félix en lui prenant la main, le plateau appuyé sur sa hanche. Tout va bien ?
– … oui, ne t’en fais pas. Les vengeurs viennent souvent réclamer beaucoup de choses à mon étude. Je leur refuse tout ou presque car, c’est dangereux pour le Royaume, même si Rufus est avec eux. Il faut simplement que je fasse attention quand je choisis mes mots…
– Rufus est un crétin, il sait rien faire à part râler. Mais j’ai entendu qu’il parlait de moi… et tu t’es figé quand le type de Rowe te l’a dit avant qu’il n’ait l’air d’avoir peur…
– Ta langue Félix et…
Rodrigue hésita, ne sachant pas s’il devait lui dire ou non. Il faisait tout pour épargner autant d’horreur et difficulté que possible, même si son louveteau en était très conscient, c’était impossible de tout lui épargner. Il ne voulait pas dire à Félix que l’émissaire venait de le menacer pour faire plier son père mais d’un autre côté, il devait également le prévenir des dangers qui planaient autour de sa tête. Lui mettre des œillères ne le préparerait pas à affronter les difficultés non plus… après ce qu’il venait d’entendre, Rodrigue devait redoubler de prudence… les vengeurs ne reculerait devant rien…
– Je t’en parlerais quand on sera dans nos appartements, déclara-t-il alors en le débarrassant du plateau de nourriture. D’accord ? »
Félix dut sentir la gravité dans sa voix car, il accepta d’un hochement de tête sans discuter, prenant Fleuret dans ses bras. Ils traversèrent le palais en silence puis, une fois seuls, ils s’assirent côte à côte sur le banc, le père reprenant là où il s’était arrêté.
« Tu sais que beaucoup de seigneurs de l’Ouest veulent provoquer une guerre avec Duscur pour se venger officiellement.
– Oui, je l’ai entendu mais, Dimitri et le chien idiot ont encore dit que c’était pas leur faute ! Rétorqua Félix. Dimitri dit que c’était des gens avec une peau blafarde qui faisait beaucoup de magie avec leur main ! Alors que chez les duscuriens, leur magie est dans des objets ! C’est pas eux !
– Je sais, et eux aussi certainement. En réalité, il est fort probable que leur principale motivation soit de récupérer des terres et les mines duscuriennes afin de s’enrichir, quitte à utiliser la Tragédie à leur avantage mais, pour cela, ils doivent normalement obtenir l’aval du roi. Ni Rufus, ni les Charon, ni moi ne pouvons provoquer une guerre tant que Lambert est en vie, c’est lui seul qui a ce pouvoir… cependant les vengeurs ne reculeront devant rien pour provoquer une vendetta sanglante, notamment en recevant le plus de soutien possible. Ils sont prêts à tout pour ça, surtout que Rufus est de leur côté, même s’il n’a pas réussi à convaincre son frère de commencer une guerre, la Déesse soit louée… Étant donné qu’ils pensent que j’ai beaucoup d’influence sur Lambert, ils essayent de me pousser à les soutenir afin de le faire plier. C’était ce que tentaient de faire ces émissaires quand tu es arrivé.
– Sauf que c’est pas le cas sinon, tout le monde serait encore là… gronda Félix avec un regard noir, serrant un peu Fleuret dans ses bras. Les chiens idiots, ça n’écoute personne… mais pourquoi il te parlait de moi alors ?
– … ils cherchent un moyen de pression sur moi et… et il y a des chances qu’ils s’en prennent à toi afin de me forcer à faire tout ce qu’ils veulent.
– Quoi ?! Hoqueta Félix avant de montrer les dents. N’ai pas peur papa ! Je ne me laisserais pas faire ! Je me défendrais ! Et Zoé est avec moi ! Ils ne m’auront jamais !
– J’en suis sûr, tu es très fort mais, je m’inquiète quand même pour ta sécurité. S’ils décident de te faire du mal ou de t’enlever, ils viendront bien plus nombreux que tu ne pourras pas les repousser malgré ta force, même avec Zoé. Je te l’ai dit, ils ne reculeront devant rien pour déclencher une guerre… Rodrigue fit une pause avant de souffler. Cela devient beaucoup trop dangereux pour toi… il vaudrait mieux que tu rentres à la maison…
– Ah non ! Je rentre pas ! Refusa-t-il d’un coup sans hésiter une seconde. Tu resterais tout seul ici avec les chiens idiots sinon ! Je te laisse pas tout seul ! Je reste avec toi ! Tu sais pas rester tout seul en plus ! Laisse-moi rester encore un peu papa !
Les mots de son fils furent comme une couverture qu’il serrait sur son cœur, autant un réconfort qu’une attache infernale l’empêchant de faire ce qu’il devrait faire. Rodrigue le serra alors dans ses bras, ne sachant pas comment lui refuser cela après ses mots… il voulait juste garder son fils à ses côtés malgré tout…
– Comment je suis censé être raisonnable après des arguments pareils ? Je suis désolé Félix…
– T’excuse pas, tu l’es tout le temps toi. Tu peux ne pas l’être de temps en temps…
– Je ne peux pas vraiment me le permettre… souffla-t-il avant d’accepter. D’accord, tu peux rester encore un peu mais, si tu es en danger ou que les choses s’aggravent encore, tu rentreras à la maison. Ce sera moins dangereux pour toi dans notre fief, d’accord ?
– …D’accord… mais si ça arrive, tu rentres à la maison pour voir Alix et la tombe de Glenn. Tu ne t’arrêtes pas depuis des semaines… toi aussi tu dois te reposer…
– Tu es aussi dur en affaire que ta mère, arriva à sourire Rodrigue avant d’hocher la tête en priant pour que cela soit possible. C’est d’accord, on fera ça… mais soit prudent Félix.
– Promis papa ! »
Rodrigue lui embrassa le front en priant, la magie brûlant ses veines devenant légèrement moins douloureuse quand il était avec son fils.
« Déesse, Mère de toute vie, toi qui connais la douleur des parents perdant un enfant quand les tiens te rejoignent, protège mon fils du mal, je t’en supplie… »
*
« Estelle ! Bernard !
Les deux soldats levèrent la tête en entendant l’appel d’Alix, leur deuxième duc arrivant vers eux. Il avait l’air encore plus mal que d’habitude, plus agité, et cela se confirma quand il déclara.
– Rodrigue a des problèmes à la capitale. J’aimerais que vous vous rendiez à ses côtés pour l’épauler et l’aider à se défendre. Ma main au feu que ce sont des chiens errants qui tentent de profiter du deuil de tout le monde pour se remplir les poches. Je m’inquiète pour lui et Félix, ces vautours seraient capables d’enlever le louveteau pour arriver à leurs fins.
– Bien sûr, répondit sans hésiter Estelle après avoir consulté son second d’un regard, ce dernier acceptant aussi d’un hochement de tête. Vous avez reçu une lettre ?
– Non mais, j’ai senti qu’il se tendait et s’énervait vraiment. Je sais qu’il lui ait arrivé quelque chose ou qu’il a été menacé, je le sens d’ici et aux vues de ses dernières lettres, c’est surement ces chiens errants de vengeurs qui sont revenus gratter à sa porte. En plus, le connaissant, il ne s’inquiète pas pour lui alors, ça doit être pour le louveteau, et ça pue encore plus. Alors, je préfère prendre des précautions.
– On ne vous a jamais dit que vous étiez des vrais jumeaux jusqu’au bout tous les deux ? Lâcha Bernard, s’étonnant toujours de ce genre de chose malgré l’habitude. Enfin, c’est normal que vous vous inquiéter pour lui vu la situation.
– Il est moi et je suis lui, ça ne change pas. Il a le flanc ouvert en pleine tempête pendant la compagne sreng, je le retrouve dans le blizzard, c’est pratique. Je m’inquiète surtout que les deux connards n’abusent encore plus de lui en plus des vengeurs. Rufus ne change pas ses bonnes habitudes de lui laisser faire tout le boulot sans qu’il puisse dire trop non car bon, on ne refuse rien à la famille royale, et même si Lambert était en état, j’ai pas envie que le Royaume subisse encore ses décisions connes.
– On comprend, et nous aussi, on voudrait que le pays continue à tourner, surtout que de ce qu’on a compris, Rufus passe son temps à lui mettre des bâtons dans les roues alors, du renfort ne sera jamais de refus, déclara Estelle sans hésiter.
– Merci beaucoup, les remercia Alix avec soulagement.
– Par contre, vous devriez vous reposer un peu, fit remarquer Bernard. Vous êtes blafard avec des cernes de dix cordées de long, et vous avez maigri avec ça. Je sais que vous êtes débordé au point de ne plus avoir beaucoup de temps pour vous entrainer, mais ça n’aurait pas dû vous faire perdre autant de poids en si peu de temps…
– J’ai pas vraiment le temps pour ça… heureusement, dans notre fief, c’est Lambert qui a cristallisé la colère autour de la Tragédie et pas les duscuriens mais, y a quand même beaucoup de paysans qui ont dû finir la césure en volant… c’est chez nous que les marchands de Leicester arrivent, il faut que les routes soient sûres…
– Oui mais, si vous tombez, vous ne pourrez pas continuer à travailler. En plus, vu que vous sentez ce qui arrive au seigneur Rodrigue, il doit aussi sentir votre état, et il doit aussi s’inquiéter en sentant votre fatigue. Si ce n’est pas pour vous, faites-le au moins pour lui… je suis sûr qu’au moins cinq minutes de sieste le rassureraient beaucoup !
Alix fit la moue mais, finit par grogner.
– Bon, d’accord mais, cinq minutes et pas une de plus, et parce que je sais que si je le fais, Rodrigue sera un peu moins inquiet.
– D’accord, c’est déjà ça ! Sourit l’adjudant.
Le second duc marmonna dans sa barbe avant de repartir, la fatigue se lisant dans chacun de ses mouvements. Après avoir préparé ce foutu voyage en deux mois à peine, puis ces dernières semaines à travailler d’arrache-pied pour que leur fief ne meure pas de faim, ce n’était guère étonnant, encore plus séparé de son frère.
« Allez, vient, allons faire nos bagages. Le Seigneur Rodrigue doit être dans le même état que lui, lui ordonna à moitié Estelle en se redressant.
– Faut qu’on trouve une idée en chemin pour réunir toute la famille, ils ne vont pas bien du tout loin les uns des autres, même si ça va être compliqué… ce n’est pas le roi qui va nous tirer de ce bourbier, c’est plutôt nos ducs et les Charon…
– J’ai aussi plus confiance en eux. Et le Lambert, il nous a poussés dans ce merdier en souriant que tout se passerait bien, grogna Estelle avant d’ajouter, serrant le poing autour de la poignée de son poignard. On a pas un roi, juste un chien. Il pourra dire ce qu’il veut, les ordres des seigneurs Alix et Rodrigue passeront en premier pour moi. Eux au moins, ils ont tout fait pour empêcher ce fiasco. Et toi ?
– Idem honnêtement, répondit sans hésiter Bernard, imitant le geste de sa supérieure en serrant le manche de sa masse. J’ai déjà deux ducs, pas besoin d’un roi.
*
« …donc, pour la levée de l’impôt extraordinaire, nous devrions faire appel à des agents du Royaume directement plutôt que des intermédiaires qui avancent l’argent et se rembourse après, proposa Thècle après avoir calculé le montant dont ils avaient besoin pour le restant de l’année, plus élevé que prévu à la base.
– Je suis d’accord, la soutient Lachésis. Ces agents sont largement détestés et ne s’encombrent pas de scrupule. Ils ne feraient que jeter encore plus d’huile sur le feu, on en a clairement pas besoin, sauf si on veut anéantir ce qu’il reste de respect envers le roi.
– Nous sommes donc tous du même avis, conclut Rodrigue en finissant de noter ses calculs. Nous risquons de manquer de bras par contre alors, il faudra soit faire appel à des agents de nos fiefs ou en recruter… cela serait peut-être à jouer, marmonna-t-il pour lui-même. Même si ce sont des dépenses en plus, si les brassiers trouvent un moyen d’avoir une paie régulière, ils n’auront pas à recourir au brigandage pour se nourrir, ce qui réduira la dangerosité des routes pour les marchands. Par contre, il faudrait des personnes avec un minimum d’éducation, on n’a pas vraiment le temps de les former au calcul…
– Nous pourrions alors faire appel à des gens de nos fiefs respectifs. Autant les vôtres que les nôtres sont tous passé par l’école, et ils seront plus fiables que des personnes venant d’autres fiefs, fit observer Lachésis.
Rodrigue hocha la tête, pensif. Des bras supplémentaires ne seraient pas de refus, ils n’étaient clairement pas assez nombreux. À eux trois, ils effectuaient au moins le travail d’une dizaine de personnes, une bonne partie des responsables étaient morts à Duscur… en plus, comme l’avait fait remarqué l’ainée des Charon, ils seraient bien plus fiables et fidèles à leur nom directement, ce serait toujours utile pour mieux contrôler l’administration et s’assurer que tout se passe bien. Les seigneurs de l’Ouest tenteraient également de mettre leurs propres sujets à ses postes mais, ils ne devaient surtout pas gagner encore plus d’influence et de pouvoir qu’ils n’en avaient déjà. Ils s’emparaient de l’administration, la guerre était assurée, autant avec Duscur qu’interne, les « vengeurs » n’auraient aucun scrupule à récupérer les fonds pour leur « vengeance » directement sur les cadavres des paysans molester pour leur prendre leurs dernières pièces… et ça, c’était si l’Église Occidentale n’envoyait pas ses clercs lettrés par « solidarité confessionnelle »… non, les seigneurs de l’Ouest qui n’étaient pas de confiance ne devaient jamais mettre le moindre pied dans l’administration, c’était une question de vie ou de mort à ce stade ! Par contre…
– Sa Majesté risque de les croire quand les vengeurs diront qu’ils veulent aider… et le régent va vouloir placer ses propres proches, leur fit remarquer Rodrigue.
– Oui, il va falloir les prendre de vitesse tous les deux, et l’église occidentale au passage. Je leur opposerais bien l’ordonnance contre les sectes et le fanatisme mais bon, est-ce qu’il reste quelque chose du roi Ludovic que Lambert n’a pas massacré, je vous le demande… grogna Thècle.
– C’est bon pour celle-ci, elle est à peu près sauve, on pourra leur mettre sous le nez pour faire barrage, leur rappela Lachésis avant d’ajouter avec dépit, même si Rufus s’assiéra surement dessus. Quand il s’agit de son père, il se comporte encore plus comme un adolescent attardé. Cependant, pour le moment, les vengeurs et lui semblent surtout se concentrer à se faire un réseau et ne pensent pas trop aux petites mains. C’est l’occasion de renforcer nos positions avant qu’ils ne s’en rendent compte et ne puissent riposter.
– Vous n’avez pas tort… j’ai déjà plusieurs personnes en tête, même si elles risquent de ne pas venir pour le roi mais, seulement par fidélité envers ma famille… les prévient Rodrigue. Enfin, après ce qui s’est passé, ça va être compliqué de rallier les gens autour du nom de Lambert une fois l’état de choc passé.
– Ne vous en faites pas, on comprend et de toute façon, cela risque d’être la même chose de notre côté. Enfin, l’important, c’est qu’ils arrivent à travailler ensemble. La question de leur hommage importe peu pour le moment…
Lachésis laissa la fin de sa phrase en suspens, tous sachant parfaitement ce à quoi elle pensait : « si cet hommage est envers nous, cela nous arrange, mais nous devons nous montrer fins et discrets pour que cela marche. » Elle n’avait pas tort… ce n’était pas très respectueux pour la famille royale mais pour le moment, ils devaient avant tout consolider leur propre position pour tenir face à Rufus. À eux trois pour le moment, ils tenaient toutes l’administration, une partie de la justice et le pouvoir officieux qui les accompagnaient, mais c’était assez faible face aux pouvoirs d’action du régent, officiel et plus coercitif. Eux pouvaient agir dans tout le Royaume grâce à leur place au conseil, mais elle était révocable à tout moment sur le moindre mot de Lambert, ou s’ils en étaient écartés petit à petit par Rufus pour placer ses proches, et lui ne perdrait jamais sa place dans la famille royale… non… les trois conseillers marchaient sur des œufs… la prudence devait rester leur mot d’ordre…
– Alors, même si nous devons agir vite, faisons-les arriver petit à petit… proposa Rodrigue. Une armée qui se déplace se voie et les défenseurs s’adaptent pour les repousser. Des petites incursions régulières devraient être plus efficaces et passer inaperçues. Une fois qu’ils seront assez nombreux, nous pourrons peut-être avoir l’occasion d’en faire venir plus sous couvert de l’efficacité des premiers, et pour que les différents services s’entendent bien entre eux pour travailler.
– Comme les srengs, fit remarquer Thècle sans louper l’ironie. On envoie les éclaireurs, puis les espions, puis les saboteurs, on soudoie les gens qu’on ne peut pas tuer tout de suite ou on les égorge, puis le gros de l’armée débarque en un éclair quand la cible est déstabilisée. Enfin, on est en guerre contre les vengeurs pour éviter un vrai bain de sang alors, ce n’est pas inapproprié.
– D’ailleurs, Fregn est bien silencieuse ses derniers temps… honnêtement, je pensais qu’on verrait ses sœurs débarquées dans le dernier mois à Fhirdiad, afin de renégocier les traités de paix, avec leur flotte et leur hache si nécessaire… ils ne conviennent surement plus à Lambert vu ce qu’il a fait… apparemment, elle est toujours dans le nord mais, nous devions nous méfier, cette femme est comme une ombre qui se glisse n’importe où… pensa à voix haute Lachésis avant de se tourner vers Rodrigue. Vous avez des nouvelles d’elle de votre côté avec Alix ?
– A part qu’étant donné les évènements, elle comprend pourquoi nous ne pourrons pas accueillir Sylvain pendant la morte saison, surtout qu’Isidore y était réticent de base étant donné qu’il est majeur à présent, pas grand-chose. Elle ne laisse rien paraitre et ne lâchera surement rien… pas officiellement en tout cas… hum… Rodrigue fouilla dans ses souvenirs des lettres, même si les mots se mélangeaient dans sa tête à cause de la fatigue et un fond de migraine qui ne le quittait pas depuis sa confrontation avec l’émissaire Rowe, quand il se souvient d’un détail. Cependant… peut-être qu’elle est plus de notre côté… mais sans être de celui de Lambert ou de Faerghus… même si ce n’est surement pas une bonne nouvelle pour nous vis-à-vis de la famille royale…
– C’est-à-dire ? Explique-toi ? Le poussa à continuer Thècle.
– Les srengs ont beaucoup de mal à comprendre notre monarchie héréditaire, ainsi que la vassalité. Ils raisonnent plus en clans, en peuples et en alliances occasionnelles, et surtout par respect qui suit un code de l’honneur assez strict, tout en jouant les arbitres les uns pour les autres. Ça n’a aucun sens pour eux d’obéir à quelqu’un simplement parce qu’il est né dans la bonne famille, ni que nous lui devions nos terres et notre pouvoir dans la loi. Nous vivons sur ses terres, ses terres nous appartiennent, et nous n’avons pas à écouter quelqu’un qui n’est pas à notre hauteur, ce n’est qu’une insulte fait à soi-même. Fregn l’a bien exprimée lorsque nous avons appris pour ce voyage : « Respecter des personnes irrespectables revient à s’insulter soi-même. Cela signifie que vous considérez comme égale ou supérieure une personne inférieure à vous. Je refuse de me rabaisser car, il a une couronne dans les veines ».
– Hum… ce n’est pas faux, surtout qu’elle était particulièrement bavarde ce jour-là, même si je comprends d’où ça vient. Mais justement, Lambert n’a pour le moment que son sang pour faire respecter son autorité, ce que les srengs méprisent. Raison de plus pour venir renégocier ses traités en vitesse, fit observer Lachésis avant d’ajouter avec pessimisme, sauf si elle est en train de rassembler toute la péninsule pour lancer une attaque sur Fhirdiad. Ils n’attaquent pas les gens à terre mais, Lambert n’est pas assez digne de respect pour qu’ils appliquent cette règle.
– C’est justement là où on entre en scène. Dans les lettres que nous a écrites Fregn, elle fait souvent référence à nos yeux, que ce soit les nôtres ou ceux de votre famille mais, jamais avec Lambert ou Rufus. Elle utilise plutôt des phrases ou des métaphores pour dire qu’ils n’y voient rien, qu’ils sont « sans yeux ».
Lachésis se redressa en entendant ce détail, comprenant aussi ce que cela voulait dire.
– Les srengs appellent leur mauvais roi « les rois sans yeux ». Le vrai mot est intraduisible mais, ils utilisent ce genre d’expression pour expliquer leurs pensées. Pour elle et surement pour ses sœurs et confrères, Lambert est un roi sans yeux et Rufus ne vaut pas mieux mais, s’ils parlent de nous en désignant nos yeux, c’est que nous sommes assez dignes de respect pour que les traités tiennent.
– C’est de la manière dont j’interprète les choses en tout cas, confirma Rodrigue. Pour elle, tant que nous sommes en bonne position pour agir et de décider pour l’ensemble du Royaume, Fregn considère qu’elle ne s’insulte pas en nous respectant. Cependant, elle ne fera surement pas la même chose avec Lambert et Rufus. Si elle les décrit comme des rois sans yeux, elle ne s’abaissera pas à leur obéir, et les autres srengs aussi.
– Et bien, on n’est pas dans le sable jusqu’au cou… c’est bien gentil qu’elle nous respecte, ça nous fait une alliée relativement fiable, même si je suis sûre qu’elle a quelques oreilles à gauche à droite dans la capitale, elle ou ses sœurs. En plus, si vous arrivez à l’aider à protéger son fils, elle vous sera surement redevable. Cependant, nous, on est aussi les plus instables au conseil. Nous, on peut nous renvoyer, Lambert et Rufus, non. Si on est renvoyés, la « gentillesse » des srengs part avec nous, et ils ne vont pas se gêner de rappeler un roi sans yeux à l’ordre. C’est comme ça qu’ils font, un roi méprisable ne mérite que de se faire renverser ou plumer.
Les trois se regardèrent, mal à l’aise avec cette information. Cela les arrangeait, évidemment que cela les arrangeait que les srengs se tiennent tranquilles s’ils étaient là. Ça pourrait même leur donner un peu plus de pouvoir contre Rufus mais bon, ils agitaient cette menace, c’était leur tête qui tombait… le régent n’était pas assez bête pour leur laisser un pouvoir aussi important, même si ça voulait dire que les srengs viendraient frapper à leur porte le lendemain, ainsi que leur famille… ils devaient être très prudents et faire avec ce qu’ils avaient…
Ils discutaient d’une tournée des deux sœurs dans le domaine royal pour assurer la cohésion interne, ainsi que se trouver des alliés en interne du cœur du Royaume, quand une petite fille entra en trombe dans la pièce en criant. Rodrigue reconnut tout de suite la petite sœur duscurienne qui avait suivi Dimitri avec son frère, la petite Sasiama qui vient tout de suite lui tirer la manche, complètement affolée en débitant dans sa langue, répétant en boucle pour bien se faire comprendre.
« Dmitrios ! Dmitrios ! … … … … mal ! Dmitrios ! … … … le… … … mauvais ! Aidez-le ! Aidez-le ! Dmitrios !
– Dimitri ?! Il va mal ?! S’alarma tout de suite Rodrigue en comprenant les bouts de phrases. J’y vais !
– On va chercher les médecins ! » S’exclamèrent les deux sœurs.
L’homme suivit en courant la petite fille dans les couloirs du palais jusqu’à la chambre du prince. Il le trouva allongé sur le côté, tenu par Dedue et Félix alors qu’ils le faisaient vomir, son fils utilisant sa magie sur lui pour l’aider. Il le rejoignit pour l’aider en demandant, comprenant ce qui se passait.
« Qu’est-ce qui s’est passé ?
– Il a mangé sa soupe et il n’y avait pas de problème mais, il a eu mal au ventre et à la poitrine juste après alors, on le fait vomir ! J’ai utilisé Soin pour l’aider à tenir !
– Vous avez bien fait, lui assura-t-il en tentant de garder son calme pour ne pas les affoler encore plus, devinant ce qui avait provoqué ses symptômes d’un coup. On va à utiliser Vitalis et s’il s’affaiblit, on utilisera Reconstitution. Il a toujours Areadbhar ?
– Oui, j’y ai fait très attention !
– C’est très bien Félix. On reprend un autre Vitalis ensemble à trois. Un… deux… trois !
Ils envoyèrent une nouvelle vague de magie de foi en Dimitri qui purgea les dernières gouttes de poison, le prince finissant de rendre son repas, l’estomac vide. Les Fraldarius se mirent alors à utiliser un « soin » pour lui rendre un peu de force et l’aider à retrouver ses sens, alors qu’il hacha difficilement après s’être rincé la bouche sans rien avaler, histoire de ne pas dilué ce qui lui restait de suc gastrique.
– R…Rodrigue… Félix… Dedue… Sasiama…
La petite fille tenue par son frère pépia en pleurant quelque chose que le père et le fils ne comprirent pas, mais le blond essaya de sourire en assurant dans sa langue, avant de traduire.
– Elle est très inquiète, elle a eu très peur en me voyant comme ça… mais… mais qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai mangé et d’un coup, j’ai eu mal au ventre, à la gorge et à la poitrine… ça m’a donné envie de vomir…
Dedue dit aussi quelque chose en montrant sa bouche, déclarant avec des mots simples à comprendre pour mieux expliquer ce qu’il voulait dire sans savoir le dire en fodlan.
– Beaucoup… … beaucoup d’eau blanche… … … … pas normal alors, demander à Sasiama courir au… au… [aide ? Médecin ?]
– Tu as bien fait Dedue, lui assura-t-il avant de chercher comment le traduire en duscurien, parlant assez basiquement cette langue alors, il lui dit simplement pour ne pas faire d’impair. Merci beaucoup… pour… votre aide de… à tous les deux. Et de beaucoup salive ? Hum…
Rodrigue regarda les vomissures au sol, verdâtres avec quelques gouttes de sang, les yeux tous rouges de Dimitri. Et il s’était senti mal dès qu’il avait avalé son repas sans temps de latence… Cela ressemblait à un empoisonnement à l’arsenic… mais il ne pouvait pas en être sûr…
Quand la médecin arriva enfin avec Thècle et Lachésis, même si cette dernière repartit assez vite en voyant la scène, comprenant ce qui se passait. Elle ausculta et donna un antidote au prince puis, souffla aux adultes qu’ils devaient parler, laissant le prince avec ses amis qui s’occupaient de lui. La femme lui confirma alors.
– Il présente tous les symptômes d’un empoisonnement à l’arsenic. Heureusement qu’ils l’ont fait vomir tout de suite et utiliser la magie de guérison pour le faire tenir avec sa Relique, puis que vous ayez eu recours à Vitalis, cela lui a surement sauvé la vie. Quelqu’un a dû le mélanger à sa nourriture… mais c’est aussi un poison virulent qui agit très vite, son gouteur aurait dû avoir les mêmes symptômes que lui dès qu’il a avalé le bouillon…
– C’est le cas, mais il n’a pas eu autant de chance que Son Altesse, il est mort.
Lachésis revient vers eux avec un autre domestique, horrifié par ce qu’il venait de se passer alors qu’elle expliquait.
– Voici Florien Seite, le collègue de travail de Didier Lonfain, le gouteur de Son Altesse. Ils ont apporté son repas à Dimitri ensemble. Ils n’ont pas encore monté le repas de Sa Majesté alors, ils sont en train de vérifier en cuisine si sa nourriture n’est pas empoisonnée.
– D’accord, merci beaucoup Lachésis, la remercia Rodrigue, avant de se tourner vers le domestique, essayant de rester calme malgré la situation. Je suis désolé pour votre collègue, surtout que nous avons tous perdu bien trop de monde en trop peu de temps.
– M… merci beaucoup Votre Grâce… je… ô Déesse… ça faisait cinq ans que je travaillais avec lui ! Il était comme tout le monde Didier, il adorait le petit prince ! M… que cela reste entre nous, moins le roi depuis ce foutu voyage mais, le petit prince ? Déesse toute puissante ! Il l’aimait beaucoup ! Qui ne pourrait pas aimer un gamin aussi adorable ?! Je… je ne comprends pas ce qui a pu se passer !
– Je comprends votre trouble, surtout si vous le connaissiez depuis très longtemps, c’est une lourde perte. Cependant, nous devons vous poser quelques questions sur ce que vous avez vu, afin de mieux comprendre ce qui s’est passé. Pouvez-vous répondre maintenant, ou préfériez-vous attendre un peu pour vous calmez ?
– Je… je préfère répondre maintenant… ça doit être important… rien que pour aider le petit prince…
– D’accord, merci beaucoup à vous, n’hésitez pas à nous dire si cela devient trop pour vous et que vous voulez faire une pause. Pour commencer, pouvez-vous nous raconter ce que vous avez fait aujourd’hui ?
– On… comme tous les jours, on a monté le bol de soupe de Son Altesse dans sa chambre, vu qu’il ne peut pas quitter son lit… Didier a gouté le repas de Son Altesse devant lui comme d’habitude, n’a rien senti de bizarre, puis on est retourné en cuisine pour prendre notre repas à nous mais, il s’est senti mal, puis il s’est mis à vomir… le… le temps que je trouve quelqu’un pour le surveiller, il était déjà mort !
– Vous êtes retournés en cuisine ? Il s’est senti mal quand ? Après combien de temps après avoir gouté le plat ? Le questionna la médecin.
– Je… je sais pas trop ! Dix minutes, peut-être ? Le temps de redescendre les étages, d’aller en cuisine et de mettre nos couverts sur la table avec les autres… il demanda au médecin en la voyant froncer les sourcils. Qu’est-ce qu’il y a ? Il y a un problème ?
– Plutôt… l’arsenic est un poison foudroyant, il aurait dû ressentir les symptômes dès qu’il a avalé la nourriture empoisonnée, sauf s’il avait pris un antidote ou qu’il était protégé par un sort qui, pour une raison quelconque, a arrêté de fonctionner, ce qui a surement provoqué sa mort. Votre collègue est de quel corpulence à peu près ? Il est mince, commune, enveloppée ? Cela pourrait peut-être expliquer la lenteur du poison. En plus, étant donné qu’il est gouteur, il doit être assez résistant, même si contre l’arsenic, aucun être vivant ne tient très longtemps.
– Un peu enveloppé mais bon, il a toujours été très gourmand et il gouttait tous les plats de Son Altesse… on l’a même traité de fou plus d’une fois aux cuisines car, il adorait dépenser tout son salaire pour de la nourriture bizarre, il était toujours en train de courir après l’argent… il se plaignait aussi du rationnement, il disait qu’il ne devrait pas se priver comme ça… mais je vous jure ! À part sa gourmandise et que l’argent lui brûlait les doigts, c’était quelqu’un de bien ! Il n’a jamais rien fait de mal à personne ! Pourquoi il voudrait faire du mal au petit prince ?
Rodrigue et les deux sœurs échangèrent un regard en écoutant la discussion. Il tenait peut-être le mobile, ou au moins ce qui avait permis de pousser le gouteur à cacher que la soupe de Dimitri était empoisonnée… Florien avait raison, son collègue n’avait aucune raison de vouloir la mort du prince plutôt que celle du roi mais, si des comploteurs voulaient achever ce qu’ils avaient commencé à Duscur avec du poison, il devait impérativement mettre le gouteur de leur côté, même s’ils devaient s’en débarrasser après… l’épée n’avait pas fonctionné et ils étaient tous plus méfiant depuis la Tragédie alors, il passait à plus discret…
– D’accord, reprit la médecin. Merci beaucoup pour votre franchise. Je vais devoir inspecter le corps pour confirmer nos soupçons mais avant ça, il faut que quelqu’un surveille le prince, au cas où il ferait une rechute. Le poison a dû l’affaiblir à nouveau, mieux vaut être vigilant. Il ne doit pas non plus s’éloigner d’Areadbhar. Elle lui donne de sa force, même s’il n’en aura surement plus besoin dans peu de temps. Et appelez aussi quelqu’un pour nettoyer mais, qu’elle soit prudente, le poison est surement encore virulent. Il ou elle devra porter des gants, faire tout brûler avec un torchon le visage puis bien se laver les mains, les bras et la face après sa besogne, et l’eau qu’elle a utilisée devra être jeter en-dehors de la ville. Les risques sont faibles mais, nous ne sommes jamais trop prudents en ce moment.
– Da… d’accord… ce sera fait selon vos ordres…
– Je vais trouver quelqu’un de confiance pour le surveiller, assura Thècle.
– De mon côté, je vais aller prévenir Gustave de ce qui s’est passé, au cas où un accident similaire aurait déjà eu lieu pour quelqu’un d’autre, continua Lachésis. Nous devons explorer toutes les possibilités.
– Oui, surtout qu’ils ont l’air de ne pas être à leur coup d’essai si la mort de Didier n’est pas accidentelle, ajouta Rodrigue. Je m’occupe des enfants, ils risquent d’avoir aussi été en contact avec le poison. »
Ils se séparèrent sur ses mots, chacun prenant sa tâche. La servante chargée de nettoyer arriva vite. Rodrigue porta Dimitri avec Areadbhar le temps qu’elle change les draps maculés, ce dernier tremblant un peu avant de se stabiliser. Il remerciait la grande lance de ne pas le geler, même si son poids le faisait trembler un peu, il fallait bien la force des Blaiddyd pour la manier…
« Rodrigue ? C’est toujours toi ? Demanda le blessé, à peine conscient.
– Oui Dimitri, je suis là, lui confirma-t-il. Tu es hors de danger maintenant mais, il faut que tu te reposes.
– Tu sais Rodrigue… il y a quelqu’un dans Areadbhar… il est très grand… avec une très longue tresse blonde… avec un œil comme ceux de papa, et l’autre est bleu comme le tien, d’Alix et celui de Glenn… et une peau noire… et des morceaux de glace partout… il me tient sur ses genoux… et quand j’ai peur, il… il joue de la flute… tu… tu crois que c’est Blaiddyd ?
– Oui, j’en suis sûr. Le Flutiste des Glaces est très attaché à sa famille, comme tous les Braves. Il doit vouloir te protéger plus que tout au monde, autant toi que ton père, même s’il ne peut le montrer que si tu touches son arme.
– Tu es sûr ? Le questionna-t-il en se recroquevillant un peu, dévoilant ses cicatrices de glace, trace du miracle de son ancêtre, alors que Félix s’approchait d’eux.
– Bien sûr. Ne t’en fais pas, Blaiddyd veille sur toi et sur ton père, lui promit-il pour le rassurer.
– T’en fais pas, les Braves, ils ne te lâchent jamais. En plus, c’était l’ami de Fraldarius et de Dominic non ? Si c’était l’ami de grand-père, c’était quelqu’un de bien, assura Félix.
Dimitri hocha la tête avant de se blottir contre Rodrigue en soufflant.
– Je veux voir mon père…
– Bientôt Dimitri, quand vous serez tous les deux en état de bouger un peu plus, lui assura-t-il alors que le prince se rendormait.
Le duc laissa le blessé sous la garde d’une épéiste de confiance, puis emmena Félix, Dedue et Sasiama à la pièce d’eau pour qu’ils se lavent, avec des habits propres au cas où. La lavandière était devenue amie avec plusieurs de ses hommes alors, si Rodrigue lui demandait, elle devrait accepter de s’occuper du frère et la sœur duscurienne.
Dedue s’occupa de sa sœur afin de bien enlever tout le poison, pendant que Rodrigue faisait de même avec son fils dans le même but. Après un début en silence quand il lui récurait le visage, il lui demanda, inquiet. Il avait failli voir son ami mourir après tout…
« Comment te sens-tu ?
– Ça va… Pourquoi ils ont fait du mal à Dimitri ? Gronda-t-il. Il n’a rien fait de mal !
– Hum… il vise la famille royale, surement pour prendre leur place. C’est pour ça qu’ils s’en prennent à lui.
– Et y a pas moyen de les empêcher ?
– Nous devons être très vigilants afin de le protéger et étouffer tout ce qui pourrait le menacer, même si c’est difficile d’avoir des yeux et des oreilles partout. La zone d’ombre est toujours présente, même quand on essaye de la réduire au maximum… souffla-t-il en chassant de mauvais souvenirs de son esprit. Heureusement que vous étiez là. Vous l’avez bien protégé.
– D’accord… en tout cas, ils ne lui feront rien, je te le promets ! Lui jura-t-il sans hésiter.
– J’en suis sûr mais, n’en fait pas trop. Tu es encore un enfant, tu n’as pas à te mettre en danger comme ça. On va trouver des personnes de confiance pour le protéger…
– Et si c’est comme tout à l’heure et qu’ils n’y arrivent pas ? En plus, pourquoi c’est toi qui t’en occupes ? ça ne devrait pas être Rufus ? C’est son neveu et il tient à lui alors, pourquoi il ne le protège pas autant que toi ?
Rodrigue ne sut pas quoi répondre à cette question, il se posait la même… pourquoi Rufus n’agissait pas ? Il montrait qu’il s’inquiétait pour sa famille, ce qui était surement sincère d’ailleurs mais, au lieu de la protéger, il voulait à tout prix se venger, même s’il devait jeter son propre peuple à la mort… et Rufus ne lui dirait surement rien, la meilleure stratégie qu’il avait trouvée pour avancer était d’affecter la soumission, il devait trouver le bon angle pour arriver à obtenir quoi que ce soit dans les domaines que Rufus contrôlait… il semblait attendre d’eux une soumission total et ambitionnait d’avoir un pouvoir tout aussi grand…
« Alors pourquoi ne t’en sers tu pas pour vraiment protéger ceux qui te sont chers ? »
– Je ne sais pas… hacha-t-il honnêtement. Je ne sais vraiment pas…
– … C’est qu’un chien idiot… » gronda Félix.
Rodrigue répondit en passant une main dans ses cheveux, avant de poser un doigt devant sa bouche pour lui rappeler qu’il devait rester silencieux à ce sujet. Son fils bouda un peu mais, il ne dit rien de plus.
Une fois sûr que plus aucune trace de poison n’était sur les enfants, chacun retourna à ses tâches, même si Gustave vient voir le duc et les deux sœurs avant qu’ils ne retournent à leur étude. Il n’avait pas connaissance d’autres assassinats suivant ce mode opératoire mais, ses hommes chercheraient plus rigoureusement dès qu’ils en auraient l’occasion. Il leur avait aussi conseillé de ne pas parler de tout ceci au roi, pour ne pas encore plus le fatiguer d’inquiétude pour son fils. Lambert était encore très faible, et toute émotion forte était à proscrire pour ne pas aggraver son état. Quand le chef de la garde leur avait dit ça, Rodrigue entendit parfaitement ce à quoi penserait Alix à ses mots, tout comme son ton cassant et ironique.
« Il avait l’air de vachement s’inquiéter pour son gosse quand il l’a emmené dans un piège évident, alors que tout le monde lui hurlait que c’était un piège évident. »
Il n’en dit rien à personne, même si aux commentaires de Lachésis et Thècle une fois Gustave parti, elles pensaient la même chose qu’eux… enfin bon, mieux valait éviter de donner un bâton à Rufus pour les battre avec, même s’il tirait ses excuses de quelqu’un d’autre.
Rodrigue s’attaquait à une demande d’arbitrage assez complexe d’un petit fief de l’Ouest, quand un serviteur vient le chercher pour le mener à Lambert. Le roi voulait souvent le voir quand il était suffisamment conscient pour parler. Il mettait beaucoup de temps à se remettre mais, ce n’était pas très étonnant après tout ce qu’il avait enduré…
« Dommage que la famille royale n’ait pas d’arme sacrée comme nous avec Moralta, ce serait bien utile dans cette situation… songea-t-il sur le chemin, même si sa migraine s’aggravait. Enfin, c’est ainsi, il faut faire avec… et c’est peut-être mieux s’il met du temps à se remettre, les mécontents viendront peut-être moins vite lui demander des comptes personnellement… »
« Ah… Rodrigue… je suis content de te voir…
Lambert avait à peine repris des couleurs ses dernières semaines, toujours aussi vidé de ses forces. D’après Cornélia et les autres médecins du palais, c’était dû au choc physique bien sûr, mais aussi psychologique de la Tragédie. Dimitri tenait légèrement mieux uniquement grâce à Areadbhar, bien qu’il soit dans le même état que son père… enfin, si la Déesse le voulait bien, il serait bientôt suffisamment remis pour pouvoir se passer de sa Relique et il pourrait la donner au roi.
Cependant, d’après les serviteurs qui le veillait, le visage de ce dernier s’animait toujours un peu plus quand Rodrigue venait le voir, bien plus que quand c’était Gustave ou Rufus. Cela lui faisait toujours plaisir de le voir… lui parlait toujours comme avant… comme si rien ne s’était passé… que tout était encore normal…
« Mieux vaut que je garde pour moi ce que je ressens vraiment… »
– Bonjour Lambert… lui répondit-il sur un ton de conversation normal. Comment te sens-tu ?
– Comme toujours, un peu cassé mais, je n’ai pas à me plaindre… comment va Dimitri ? Je ne l’ai pas vu depuis que nous sommes au palais…
Rodrigue repensa à ce qui s’était passé aujourd’hui, ce qui risquait d’arriver, au corps meurtri du petit garçon qui tremblait dans ses bras à cause du poison, alors qu’il peinait déjà à se remettre de la Tragédie, les cicatrices gelés recouvrant tout son corps… mais il ne pouvait toujours pas être honnête…
– Il se remet lentement malgré tout… d’après la médecin Hersend, les blessures sont profondes et il lui faudra encore plusieurs lunes pour se remettre, surtout qu’il a respiré beaucoup de fumée. Cependant, il ne devrait plus avoir besoin d’Areadbhar pour tenir dans peu de temps.
– D’accord… tant mieux, ça veut dire qu’il sera bientôt guéri… même si… rrhaaa… l’air de Fhirdiad ne doit pas aider pour ses poumons… il a toujours été… mauvais et humide… même si Cornélia a beaucoup aidé… c’est pas… c’est pas un air pour un petit garçon… il a même affaibli… Héléna… sans lui… elle… elle ne serait pas…
Il se tut, se refermant un peu. Rodrigue resta le plus vague possible en réponse, mordant de toutes ses forces ce qu’il voulait vraiment dire… fit disparaitre les souvenirs de la femme épuisée, éreintée d’angoisse et de tension à force de devoir toujours passer derrière son mari, afin de le raisonner quand il s’entêtait par péché d’optimisme et de naïveté… ça l’avait même empêché de tomber enceinte pendant longtemps, jusqu’à ce que Félicia prenne soin d’elle et l’aide à se détendre… enfin, ce n’était pas le moment de trop critiquer le roi…
– Peut-être… l’air n’est jamais très bon en ville. Il voulait te voir aussi, tu lui manques.
– Je le comprend… j’ai hâte aussi de le revoir, il me manque… pre… kof ! Première chose que je fais en me levant… je vais l’embrasser… mais… peut-être que ce serait mieux si… s’il allait loin de la capitale… l’air de la campagne est… est bon…
Rodrigue crut rêver quand il entendit ses mots. Rufus ne les laisserait jamais faire sans l’aval de Lambert mais Déesse, ce serait l’idéal ! Il serait loin de la capitale et protéger en cas de révolte. Entre les morts, les impôts, les restrictions et le rationnement, Fhirdiad se transformait petit à petit en une véritable poudrière prête à exploser. Plus Dimitri serait loin, mieux ce serait.
– Ce serait une très bonne idée, répondit-il honnêtement à Lambert pour la première fois depuis la Tragédie. Hum… pas à Fraldarius étant donné qu’Alix est déjà débordé et que beaucoup de nos hommes sont ici, et Rufus refuserait de nous confier Dimitri. Par contre, les Charon sont assez nombreux pour s’occuper de lui. Leur fief semble assez calme, est loin des troubles de l’Ouest, et leur forteresse Lokris est située dans le piémont de la montagne de Garreg Mach, l’air y est très sain. De plus, je suis sûre que la famille d’Héléna sera plus rassurée de savoir leur neveu loin de l’agitation de la capitale.
– Surement… même s’il sera… tout seul là-bas… sans ses amis…
– Peut-être mais, il sera aussi entouré par ses cousins, plusieurs ont son âge. Je sais qu’il les connait beaucoup moins que Félix, Ingrid et Sylvain mais, ce serait bien le diable Némésis s’il ne s’entendait pas avec au moins un d’entre eux. De plus, je pense que Dedue et Sasiama le suivront tous les deux, ils sont déjà très amis tous les trois.
Lambert n’avait pas l’air très convaincu par son affirmation, jetant son regard au plafond alors qu’il marmonnait.
– Ils ne seraient encore que trois… tu peux et écrire à Ingrid et Sylvain et demander à Félix s’ils… s’ils peuvent l’accompagner en Charon s’il te plait ? Ce serait… mieux pour lui si… rhaaaa… ces amis étaient avec lui…
C’était un ordre malgré le ton alors, l’homme n’avait pas d’autre choix que d’accepter, même s’ils connaissaient déjà les réponses : Ingrid s’était enfermée et ne sortait plus à cause de la mort de Glenn, et Sylvain ne pourrait pas quitter Gautier, les routes étaient trop dangereuses et maintenant qu’il était majeur, Isidore n’hésiterait pas à l’emmener sur le champ de bataille. Et Félix… Rodrigue avait honte mais, il ne voulait pas le laisser partir… même maintenant qu’Estelle et Bernard étaient arrivé à la capitale avec des renforts, qu’il avait toute confiance en les Charon, et que c’était peut-être mieux pour Dimitri, le père ne voulait pas voir son fils loin de lui… son louveteau qui lui donnait tant de force… il ne pourrait le confier qu’à Alix mais, seulement parce que son frère était lui et qu’il était son frère et que c’était la personne en qui il avait le plus confiance au monde…
– Ce sera fait, répondit-il tout de même.
Lambert sourit à sa réponse avant de souffler en tournant à nouveau son regard vers lui, plein de reconnaissance.
– Merci beaucoup de t’en occuper… je ne sais pas ce que je ferais sans toi en ce moment… et que tu sois toujours à mes côtés… je ne pourrais jamais assez te remercier Rodrigue…
L’homme aux cheveux noirs retient une grimace quand sa migraine s’intensifia d’un coup, lui faisant souhaiter n’importe quoi. Il répondit de manière plus raisonnablement, étouffant comme il pouvait cette pensée sombre.
– Je ne fais que mon devoir envers le Royaume et la famille royale.
« Alors, rend-moi Glenn et Nicola… rends-les moi… rends-moi tout le monde. »
Il étrangla cette pensée folle qui hurlait encore plus fort en débitant d’autres horreurs ensuite, alors que Lambert sourit à nouveau.
– Merci pour tout mon ami… je sais que je peux te faire confiance pour tout…
« C’est bien pour ça que je te hais chien idiot. »
*
Il faisait froid… tellement froid… si froid… il n’avait pourtant pas froid comme d’habitude… pas au corps… il avait froid au cœur… si froid… il faisait glacial… tellement qu’il sentait à peine ses membres… avait du mal à respirer… avait mal partout… mais il ne tremblait pas, il ne devait pas…
La seule source de chaleur était dans ses bras… son trésor serré contre son cœur… son petit soleil… sa seule lumière dans cette tempête…
« Ne t’en fais pas… je vais te sortir de là… ça va aller… ça va aller… je te protégerais… je vais te protéger… ça va aller… je t’en supplie mon petit, tiens bon… »
Son visage était couvert de glace, comme un grand masque tordu, figeant ses traits mais, il s’en fichait… tant que son soleil restait en sécurité, à l’abri de cette tempête de neige… tant que sa fourrure restait toujours aussi chaude… tant que son petit était en sécurité, rien d’autre ne comptait… il pouvait tout endurer tant qu’il allait bien… il serait prêt à tout pour le protéger !
« Ça va aller… ça va aller… ça va aller… on est bientôt arriver… »
Cependant, alors qu’ils arrivaient près de la présence aqueuse toute semblable à la sienne devant eux, son pied se prit d… non, quelque chose le prit… quelque chose venait de lui attraper la jambe ! Le tirait sous la neige ! Non ! Non ! Laissez-moi ! Il ne voulait pas ! Là aussi, cela brillait dans la tempête mais, au lieu d’éclairer les lieux, tout devenait plus sombre et flou dans son sillage, le masque s’enfonçant dans sa chair et la neige tranchant tout son corps.
« Je ne veux pas ! Lâche-moi ! Laisse-moi partir ! »
Il serra son petit encore plus fort, fit tout pour le protéger de cette lumière sombre en cherchant un endroit où le mettre loin d’elle mais, tout était exposé à la tempête ! Et son soleil qui devenait de plus en plus froid ! Non ! Non ! Pas ça !
« Non… non ! Par pitié ! Pas ça ! Pas toi ! Par pitié ! Ne meurs… »
« Papa ! Réveille-toi ! Papa ! »
Rodrigue se redressa d’un coup à l’appel, tremblant et en sueur. Déesse, quel cauchemar ! Cela faisait des années qu’il n’avait pas fait de pareil… depuis la mort de son père il dirait… surement à cause de ses migraines… mais ce n’était pas important.
Félix était à côté de lui, les mains en l’air après l’avoir remué dans tous les sens pour le réveiller, le clair de lune dévoilant l’inquiétude qui creusait ses traits. Oh, non, non, non… il n’avait pas voulu ça ! Il fit tout ce qu’il put pour retrouver son calme et contrôler son souffle avant de dire, espérant ne pas aggraver les choses.
« Félix… je… je suis désolé de t’avoir réveillé…
– T’excuse pas, c’est pas ta faute. Tu faisais un cauchemar ?
– Oui, même si c’est rare que ça m’arrive… merci beaucoup de m’avoir réveillé. Enfin, ne t’en fais pas pour moi, ça va aller… tu devrais aller te recoucher, il est tard…
– J’allais pas te laisser comme ça ! Et d’accord ! Mais pour que tu ne fasses plus de cauchemars… humf !
Il attrapa d’un coup son oreiller sans réveiller Fleuret, puis monta sans hésiter sur le lit de Rodrigue, avant de se pelotonner sous sa couette en marmonnant.
– Comme ça, si tu refais un cauchemar, je te réveille d’un coup de pied.
Vaincu par la fatigue de la journée, Rodrigue se contenta de le reprendre sur ses mots sans le chasser, sentant son mal de tête s’apaiser un peu.
– Ta langue Félix, on ne frappe pas les autres… il laissa échapper un rire en se souvenant. Tu fais comme quand tu étais petit… mais dans ses moments-là, c’était quand toi tu faisais un cauchemar, tu venais toujours finir ta nuit avec moi dans ses moments-là…
– Car c’est toi maintenant qui fait un cauchemar… marmonna-t-il, les paupières de plus en plus lourde. Bonne nuit…
Son louveteau se rendormit tout de suite, vaincu par la fatigue et l’heure tardive. Rodrigue eut un sourire, puis lui caressa les cheveux en soufflant quelques notes, sa voix n’étant heureusement pas trop enrouée à force de ne plus chanter.
« Dors, dors, mon tout petit,
Quand le jour se change en nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Quand dans le ciel, la lune luit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je veillerais sur toi toute la nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je jure, de toute ma longue vie…
Tu es mon plus grand trésor,
Alors mon tout petit, dors. »
Il se rendormit aussi assez vite, tombant dans un sommeil profond et sans rêve, à son grand soulagement… Félix rentrouvrit les yeux, sentant son père plus calme… c’était déjà ça…
« C’est bizarre… il a le cœur qui bat à peine… comme pour… … … ça doit être la fatigue… »
Il mordit son envie d’aller taper Rufus jusqu’à ce qu’il arrête d’exploiter Rodrigue, pour le forcer son travail à sa place, en se rendormant à ses côtés.
*
« Quoi ?! Qu’est-ce que tu dis Lambert ? Tu veux envoyer Dimitri à Charon ?! Mais tu t’es pris un autre coup sur la tête ?
– De mémoire, pas plus que ceux que j’ai déjà pris… mais ce sera mieux… l’air de la montagne lui fera du bien… et c’est la… la famille d’Héléna… ils prendront bien soin de lui… Rodrigue pense que c’est une bonne idée… et… et Lachésis et Thècle sont d’accord… ils… ils sont habitu��s à être nombreux… et en bateau sur le fleuve, le… le voyage sera… rhhaaa… sera calme et rapide… surtout maintenant que… qu’il peut se passer d’Areadbhar…
Rufus se frappa le front devant la décision de son frère. Ouais, le bon air de la montagne… c’était surtout l’occasion pour les Charon de récupérer un argument de poids pour faire pression sur eux… et évidemment, Rodrigue était d’accord… encore ce loup enragé… il était docile face à lui, mais avec son petit frère, il remontrait ses crocs… et il n’hésitait pas à profiter de son état de faiblesse l’animal, comme ses deux comparses de sœurs Charon… sa main au feu qu’il avait agité Héléna en plus… malgré le fait qu’il ne l’aimait pas autant que Patricia, la simple mention de la petite créature de Ludovic suffisait parfois à le faire changer d’avis en ce moment… il fallait vraiment qu’il trouve une idée pour leur rappeler qui était le vrai régent à ces trois-là…
– Je comprends que tu veuilles le meilleur pour Dimitri mais, je doute que ce soit une bonne idée de l’envoyer aussi loin de toi. Imagine ce qui pourrait arriver pendant le voyage ? Il serait bien mieux qu’il reste ici avec nous, ça le fatiguera moins.
– C’est pour ça que j’ai… demandé à… rrhhaa… Rodrigue, Lachésis et Thècle de tout organiser… ils savent s’y faire… surtout que c’est… c’est une route fluviale très fréquenté…
– Tu parles, ils n’ont même pas été fichu de bien organiser le voyage à Duscur ! Ils n’ont fait aucun effort et voilà le résultat !
Son frère détourna les yeux en l’entendant, marmonnant avec honte.
– C’est… c’est plutôt moi qui aurais dû… les écouter… ils avaient dit que ce serait très dangereux… ils l’ont dit… même Areadbhar l’a dit… si je les avais écoutés… alors…
– Alors rien, tu as fait ce que tu devais faire et c’est eux qui n’ont pas été à la hauteur de tes ordres. T’es le roi, c’est normal que ce soit toi qui prennes les décisions, et tes conseillers sont tes serviteurs qui doivent exécuter tes ordres.
– Ludovic ne faisait pas ça…
– Car le vieux détestait la monarchie… et il te méprisait assez pour vouloir mettre ses favoris sur le trône à ta place, alors qu’il te revient de droit, quoi qu’il dise pour se justifier. Tu te préoccupes trop de ce qu’il pense. Il est mort ce salopard, oublie-le, c’est tout ce qu’il mérite. T’as juste fait un voyage qui a mal tourné car, l’administration et tes conseillers étaient incompétents. Lui, il a fait un coup d’État, où lui et tous ses complices auraient eu la tête coupée s’il avait raté son coup. T’es plus prudent que lui, quoi que les gens en pensent.
–… je me le demande…
– Oublie, c’est pas le moment de réfléchir à ça alors que tu es encore en train de te remettre. Repose-toi petit frère, tu mérites bien après tout ce qui t’es arrivé… »
Malheureusement, Lambert n’avait pas l’air très convaincu mais, il se rendormit vite, trop fatigué pour rester éveiller plus de quelques minutes à chaque fois. Il avait déjà dû y laisser toutes ses forces en parlant autant…
« Repose-toi bien et reste avec nous Lambert… je ne veux pas te perdre… »
Il embrassa son petit frère et le reborda avant de s’en aller, même s’il laissa exploser sa colère une fois seule. Maudit Rodrigue, Lachésis et Thècle ! Ils poussaient encore Lambert à faire n’importe quoi ! Et Lambert semblait s’être mis en tête qu’ils avaient raison en plus ! L’épuisement et les blessures le rendaient plus manipulable que d’habitude… encore plus quand ça venait de son « meilleur ami » à sens unique… lui qui était toujours si déterminé à faire ce qu’il avait à faire, voilà que trois mots suffisaient à le convaincre de faire quelque chose de stupide !
« S’ils ne lui ont rien fait… après tout, c’est des magiciens, tous autant qu’ils sont… faudrait que je demande à… »
« Votre Altesse ? Puis-je me joindre à vous ?
Cornélia se tenait sur le pas de la porte, une bouteille de vin à la main… il ne l’aurait pas imaginé être du genre à aller au marché noir mais bon, la connaissant, elle pouvait aussi l’avoir tiré de sa réserve… Rufus s’en fichait en fait, cela avait l’air d’être du bon vin et il avait envie d’avoir quelqu’un à qui se plaindre.
– Entre, à condition que tu me laisses la moitié de la bouteille.
– Merci et telle était mon intention, sourit-elle en refermant la porte derrière elle, pendant que Rufus sortait deux verres.
Cornélia les remplit en gazouillant, toute contente et presque pimpante. Ça faisait longtemps qu’il ne l’avait pas vu aussi guillerette, depuis son accident dans les escaliers en fait… il avait toujours mis ça sur le compte du coup à la tête, elle s’était enfoncé le crâne et avait survécu de peu.
– Quel bonheur de voir Son Altesse retrouver peu à peu la santé ! Je suis sûre que ce sera bientôt la même chose pour Sa Majesté dans quelques temps !
– Enfin quelqu’un d’autre de raisonnable en plus de Gustave… oui, Dimitri se sent bien mieux, grâce à tes soins surtout. Cette maudite lance n’y a pas fait grand-chose… tout ce qu’elle lui a fait, c’est le transformer en abomination en le couvrant de givre, et lui faire voir un soi-disant Blaiddyd mais bon, ça se voie qu’il a reçu quelques coups sur le crâne. Imagine, il rêve que Blaiddyd en personne était noir comme un duscurien ! On n’a jamais entendu une absurdité pareille ! Enfin, c’est pas le seul qui s’est pris des coups sur la tête…
– Hum… vous semblez bien troublé… puis-je vous prêter oreille ? Lui proposa la guérisseuse avec attention. Cela vous fera sans doute beaucoup de bien de vous confier à quelqu’un.
Rufus réfléchit une seconde, puis finit par accepter de parler. Après tout, Cornélia n’avait jamais trahi Lambert, même quand Areadbhar avait commencé à lui geler les doigts et à le rejeter, alors que ça pouvait être interprété comme une défaveur divine… comme le vieux l’avait fait avec Clovis d’ailleurs pour dire qu’il avait bien fait de comploter contre lui… elle était de confiance.
– L’état de Lambert m’inquiète… il va mieux mais d’un autre côté, il se met tout le blâme de la Tragédie sur ses épaules… et il écoute de plus en plus Rodrigue, Lachésis et Thècle… alors que ce sont les mêmes qui sont à l’origine de ce fiasco… un autre Charon ou Alix arrive, et il va finir par leur lécher les bottes comme un toutou… je sais que Lambert tient beaucoup aux jumeaux mais, à ce stade, ce serait lui rendre service de les dégager de son entourage ! Ils profitent tous de sa faiblesse pour lui faire faire n’importe quoi, comme cette idée stupide d’envoyer Dimitri en Charon car, l’air est meilleure et que c’est la famille de cette créature d’Héléna. Le gosse serait bien mieux ici, mais non ! Parce que ces trois-là et surtout Rodrigue ont dit que c’était une bonne idée, faut le faire ! Il est trop faible pour s’opposer à eux !
– Hum… je comprends, vous avez peur qu’il se fassent manipuler par ses « proches », devina Cornélia.
– C’est pas que j’ai peur, c’est le cas ! Rétorqua-t-il sans hésiter. Et je ne peux même pas les chasser avec ça ! Même si c’est évident qu’ils le manipulent, ils se sont soumis assez vite à mes volontés et font tout leur travail. C’est brouillon et bâclé mais, je ne peux pas trop me passer de leurs connaissances, même si bon, si j’avais la bonne occasion, je le ferais et mettrais mes hommes à leur place… En plus, ça me permet de les avoir à l’œil, plutôt qu’ils complotent tranquillement dans leur fief avec le restant de leur famille et leurs fidèles. J’ose même pas imaginer ce que sont en train de combiner le reste de la fratrie ou les fraldariens en ce moment, encore plus s’ils étaient au complet… je peux même pas les faire exécuter… j’ai pas de preuve qu’ils tentent de manipuler Lambert, ils font leur boulot, et je le fais, leurs petits moutons de sujets vont se révolter car, le vieux était assez con pour laisser des seigneurs fidéliser autant leurs sujets et leurs vassaux.
– C’est vrai que la situation est épineuse… souffla la magicienne, pensive et prudente. Je ne veux pas m’immiscer dans ce qui ne me regarde pas, je ne suis pas faerghienne mais une simple roturière adrestienne après tout mais, le nœud des problèmes semble être le duc de Fraldarius et les sœurs de feu la reine Héléna, ai-je tort ? Et bien, même s’il est vrai que cela est risqué de les laisser rentrer chez eux, ils peuvent aussi y retourner sans avoir la possibilité de faire quoi que ce soit ?
– Comment ? Avec la tête sous le bras ? C’est pas que je n’ai pas envie de mettre la tête des putains de fils préférés de Ludovic sur sa tombe, pareil pour ses petites créatures mais, je fais ça, j’ai tout le duché de Fraldarius et le comté de Charon qui vont marcher sur la capitale… et vu qu’entres bêtes, soit on s’entre-dévore, soit on s’entend, cette sauvage de Fregn serait capable de sortir du bois avec toute sa famille pour nous plumer, vu qu’elle s’entend bien avec les jumeaux.
– Non, c’est clair que cela ne ferait que mettre de l’huile sur le feu. Cependant, il y a d’autres façons de les rendre inoffensifs…
– C’est-à-dire ?
– Et bien, même si c’est surement une idée assez faible, je les épuiserais petit à petit, afin de les pousser lentement dans leurs derniers retranchements et les rendre inoffensifs à cause de la fatigue. Cela serait vu comme la conséquence logique de l’envergure de leur tâche, mais aussi qu’ils n’en sont pas dignes s’ils n’arrivent pas en venir à bout malgré leur statut. De plus, quelques humiliations et rappels à leur rang de subordonné devrait user leurs nerfs plus vite mais, submergé par la tâche, ils ne devraient pas avoir le temps de penser à prendre leur revanche à cause de la surcharge de travail. Il faudrait y aller progressivement mais, cela devrait fonctionner.
Périandre cacha son sourire satisfait en voyant la joie de Rufus devant son plan. Après l’idée stupide d’empoisonnement d’un de ses anciens collaborateurs, tout le palais était sur ses gardes, elle devait rester sur ses gardes pour ne pas se faire prendre. Non pas qu’elle n’avait pas essayé de lui inoculer petit à petit un poison de sa fabrication indétectable par ses inférieurs mais, ce maudit rejeton était résistant et protéger par son ancêtre Simplex… alors un poison humain, même pas la peine d’y penser, même à forte dose. Elle règlerait le sort de cette vermine après. Pour le moment, l’important était de se concentrer sur la déstabilisation du Royaume. Ce pays se transformait petit à petit en véritable poudrière prête à exploser mais, les quelques grands seigneurs compétents encore en vie l’étaient trop et limitaient bien trop le chaos… c’était eux dont elle devait obtenir la peau ou la démission, pas celle de Lambert finalement. Lui, il semblait même devenir le centre de la détestation au fil des jours… non, s’ils voulaient ruiner la création de Sothis pour replonger Sphigxi dans le chaos originel, mieux valait le garder en vie, histoire de provoquer une guerre civile ou exciter les ambitions de toutes parts.
Par contre, Périandre devait se concentrer sur l’élimination de deux familles-clés pour atteindre son objectif dans le Royaume : les Charon et les Fraldarius. Ces deux familles constituaient la colonne vertébrale de Faerghus ces dernières années, avec la famille royale quand un roi à peu près compétent était sur le trône. Si elle voulait le briser en mille morceaux, elle devait impérativement éliminer ces deux colonies de parasites.
« Autant commencer par les Fraldarius… ils sont les moins nombreux, et ceux qui semblent tenir la mort loin de la famille royale. Glenn a tout de même réussi à tuer plusieurs des nôtres à lui tout seul et à sauver la vie de Dimitri même si c’était au prix de la sienne – il faudra que je pense à dire à Myson de me garder son corps de côté pour quand je rentrerais, je veux aussi voir de moi-même comment il a fait pour être aussi résistant pour un insecte sans emblème ! – Félix est toujours sur les talons du prince et est capable de le soigner, Alix arrive à maintenir les relations commerciales avec l’Alliance et tient les vassaux de tout l’Est en respect, et Rodrigue fait le travail du régent sans l’être, tout en semblant redonner de l’énergie à Lambert à chaque fois qu’il le voie… en plus, même s’ils meurent jeunes dans cette famille, ils ont aussi la vie chevillée au corps, ils sont aussi difficiles à écraser que ce sauvage de Pertinax… son obstination est jusque dans son sang visiblement… mais bon, c’est aussi leur point faible… »
Elle proposa alors, toute innocente comme la vraie Cornélia l’aurait été avec sa trop grande modestie.
– Si vous voulez vous débarrasser de Rodrigue en l’épuisant, je pense qu’il a déjà fait une bonne partie du travail seul en ne pouvant plus s’entrainer. Sa magie a dû s’accumuler en lui et l’affaiblir. Toutefois, je vous conseillerais aussi de briser en mille morceaux ce qui le tient entier…
– A quoi pense-tu exactement ? » Demanda-t-il, même si Périandre savait qu’il lui demandait surtout pour se faire une joie de l’entendre. Rufus semblait toujours se faire une joie de détruire tout ce que son père chérissait et pour le coup, cela l’arrangeait.
« C’est bien simple, volez-lui ce à quoi il tient le plus au monde : son fils. »
*
Quelques semaines plus tard, Dimitri fut assez remis pour pouvoir se rendre à Charon, afin de se reposer en paix. Comme il l’avait anticipé, Ingrid et Sylvain ne pourraient pas venir, il n’avait même pas eu de réponse de Gautier, et Félix avait refusé de partir de Fhirdiad alors, il serait juste accompagné de Dedue et Sasiama. Ce serait sans doute mieux pour eux deux aussi, il y aurait peut-être moins de vengeurs prêts à les passer à tabac dès qu’ils étaient isolés… Rodrigue, Lachésis et Thècle finissaient de boucler les derniers préparatifs pour le voyage du lendemain, quand un serviteur vient les chercher. Apparemment, Rufus les réclamait dans la cour centrale.
« Qu’est-ce que ce s… que souhaite nous dire le régent ? Demanda Lachésis, sa petite nuit de la veille ne l’aidant pas à être patiente. Nous sommes encore plus débordés que d’habitude, Sa Majesté nous a chargés personnellement de tout organiser, afin d’être certain que le voyage soit sûr, et le grand-duc Riegan doit nous rendre visite dans peu de temps. On n’a pas de temps à perdre.
– Si c’est par rapport au fait que Son Altesse aille se soigner chez nous, le régent s’est déjà expliqué avec son petit frère. Nous ne faisons qu’obéir à la volonté royale, rétorqua Thècle.
– Il a dit que cela avait un rapport mais, il n’a pas exprimé précisément sa pensée… il veut juste que vous veniez dans la Cour Centrale afin de vous donner quelque chose… déclara-t-il à mi-voix avant d’ajouter de lui-même, mort de peur lui aussi de ce qu’il allait arriver s’il n’obéissait pas et épuisé. S’il vous plait…
Rodrigue ne put qu’avoir de l’empathie pour lui, Rufus usait tout le monde jusqu’à la corde depuis qu’il était régent, en particulier quand il était de mauvais humeur… il tendit alors un gobelet rempli d’eau au serviteur pour qu’il se pose une seconde, puis ils le suivirent tous les trois jusqu’au régent et ses alliés. Cela sentait mauvais… Rodrigue passa ses doigts derrière lui, sentit son poignard à sa ceinture, sur ses gardes, tout comme les deux sœurs qui firent de même… mieux valait qu’il l’utilise avant sa magie, il avait très peur qu’elle explose s’il en utilisait trop d’un coup tellement elle s’était accumulée dans ses veines ces dernières semaines… l’homme n’avait aucune idée de ce qui les attendait alors, mieux valait être prudent.
Quand ils arrivèrent dans la cour centrale, Rufus bavardait avec ses principaux partisans, soit des vengeurs dans la très grande majorité et des membres intégristes de l’Église Occidentale…
« Si le roi Ludovic voyait tout ceci… songea tristement Rodrigue. Lui qui a tout fait pour endiguer les sectes de l’Église Occidentale… voilà que son fils les encourage maintenant…
– …et ça ne m’étonnerait même pas qu’il fasse ça juste pour faire chier son père, » poursuivrait surement Alix.
« Nous voici Votre Altesse, s’annonça Lachésis. Que souhaitez-vous nous annoncer ? Nous aimerions pouvoir rapidement regagner nos études, afin de finir d’organiser le voyage de son Altesse vers Lokris.
– Ne vous en faites pas, ce ne sera pas long, leur sourit-il à pleines dents, ses partisans gloussant comme des gélines derrière lui. On attend plus qu’une seule personne et tout le monde sera là…
Rodrigue se mit d’autant plus sur ses gardes, gardant prudemment ses doigts vers l’endroit où était son poignard, tout comme les deux sœurs qui gardaient leur main sur leur hanche. Ils étaient loin de la chambre de Lambert et dans son état, quoi qu’il se passe, il n’entendrait rien… Déesse, qu’est-ce que Rufus pouvait bien leur vouloir ? Surtout pour rire comme ça ? Si c’était une humiliation, ce serait le moins grave, sa fierté pouvait le supporter… ce serait même presque la meilleure option plutôt qu’il n’impose une autre de ses décisions brillantes… il ne voyait pas Gustave, il devait être occupé à vérifier que le bateau du prince était en parfait état. De plus, il faisait tout pour préserver Lambert des conséquences de Duscur et de ses actes, trop mort de honte et de culpabilité pour dire quoi que ce soit au roi. Rufus devait le voir comme un allié… son absence annonçait d’encore plus mauvaises choses…
Cependant, il arrêta d’y penser quand il entendit des éclats de voix puis vit Félix et Zoé être emmenés dans la cour, son fils allant tout de suite vers lui alors qu’il demandait ce qui se passait. Rufus le prit de vitesse en souriant, Rodrigue se mettant par réflexe entre lui et son louveteau pour le protéger.
– Un peu de patience, vous le saurez bientôt.
– Votre Altesse, allez-vous enfin nous dire à quoi rime tout ceci ? Demanda Thècle, à bout de patience.
– Bon, bon, puisque vous êtes si pressé… voyez-vous, Sa Majesté est revenue très affaiblie de Duscur, et il est aisé de le manipuler. Les temps sont durs, je dois tout faire pour préserver mon petit frère et mon neveu des mauvaises influences. Alors, afin que tous ici compreniez bien que je ne ferais pas de quartier avec les ambitions mal placées… il lança un sourire grotesque dans la direction du trio, essayant sans doute d’être menaçant et échouait mais, l’appréhension de ce qu’il allait faire les gelait tous. Autant faire un exemple…
– Un exemple ? Répétèrent-ils avec appréhension, alors que des éclats de voix leur parvenaient.
Rodrigue eut le réflexe de prendre Félix contre lui, entourant sa tête avec sa cape pour lui épargner quoi qu’il puisse arriver, les mains sur ses oreilles quand les éclats se transformaient en suppliques. Deux des gardes du corps de Rufus arrivèrent en maintenant un homme qui se débattait, mort de peur, habillé comme un condamné à mort dont on n’avait pas encore fait la toilette, suivit d’un bourreau qui semblait assez jeune, tenant sa hache à deux mains, surement inexpérimenté s’il se fiait aux tremblements qui l’agitait et saoul à l’odeur de vin qui le suivait. Ils reconnurent le captif comme un noble qui avait été arrêté peu de temps après la Tragédie, au motif d’avoir dit trop fort que Lambert avait envoyé le convoi à la mort, Rufus l’avait immédiatement fait incarcérer. Comprenant tout de suite ce qu’il allait se passer, Lachésis intervient, gardant sa colère cachée en elle alors qu’elle déclarait sur un ton professionnel.
– Que pensez-vous faire à cet homme ? De ce que nous savons, sont seul tort est d’avoir exprimé son opinion, ce qui est permis par la liberté d’expression. Cette opinion peut entrer dans le cadre du délit de calomnie mais, il n’est pas puni de la peine de mort dans le domaine royal, lieu où le crime a été commis. De plus, pour toute peine et en particulier la peine capitale, il doit passer devant un tribunal pour déterminer sa peine. Si cela a été fait, est-ce que vous avez les minutes du procès et le procès-verbal de la séance ? Le questionna-t-elle, Rodrigue voyant l’espoir briller dans les yeux du pauvre homme. J’aimerais le consulter afin de vérifier si toute la procédure a été respectée, afin que la peine soit appliquée dans les règles fixés par la loi et ne pas risquer des représailles et autres procédures pour déni de justice.
– Un procès est inutile et ce n’est pas de la diffamation. Il s’agit de trahison. Cet homme a osé critiqué le roi et ses décisions en pleine période de crise, c’est une menace à l’unité nationale. En ces temps difficiles, cela revient à trahir Sa Majesté mon frère, et donc tout le Saint-Royaume de Faerghus. Dans le cadre du droit de justice seigneurial et surtout royale, j’ai donc décidé de faire un exemple de cet homme et de le faire exécuter pour trahison.
– Sauf que cela, c’était la loi avant la Grande Ordonnance de Justice, le roi Ludovic III votre père a interdit qu’une personne seule décide de la vie ou la mort d’un condamné, quel qu’il soit et qu’importe la position de la personne décisionnaire, lui rappela Thècle malgré l’appréhension d’évoquer Ludovic en la présence de Rufus. Vous devez impérativement passer devant un conseil composé de juges et de jurés afin de valider cette décision.
– Je n’ai que faire des décisions de mon père. Il n’a fait qu’affaiblir le pouvoir de la famille royale dans la folie causée par la tuberculose, et il ne pouvait pas savoir que nous allons finir dans une situation bien pire que tout ce qu’il a pu connaitre. Il a eu un règne assez tranquille après tout, il ne pouvait pas se douter que l’incompétence de son conseil nous mènerait à un tel fiasco. Ne vous souciez plus de toutes ses ordonnances mais, seulement celle de mon frère et celles des rois précédant mon père.
Les trois conseillers échangèrent un regard tendu. Les ordonnances précédant Ludovic… avec ce qu’il allait faire, autant dire tout de suite qu’il allait suivre la politique de Clovis, il s’était octroyé les pleins pouvoirs et l’impunité la plus complète tout au long de son règne, jusqu’à ce que Ludovic ne casse toutes ses décisions qui les avaient fait régresser au niveau de l’Empire. Et ils ne pouvaient même pas lui remarquer à cause des mêmes lois qu’ils appliquaient, dire quoi que ce soit en sa présence pourrait être utiliser pour les condamner au même sort que cet homme dans les bonnes conditions…
– Papa… marmonna Félix, la voix étouffée dans le manteau de son père, Rodrigue le tenant toujours contre lui pour lui cacher ce qu’il allait arriver. Papa ? Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi Rufus va le faire t…
– Chuuut Félix… il ne faut rien dire, il en profiterait, lui murmura son père en priant pour que personne d’autre ne l’entende, avant de se redresser pour demander. Pourquoi faire venir mon fils ? C’est encore un enfant, il n’a rien à faire dans une exécution publique. Laisse-le partir.
– Au contraire, cela lui rappellera où est sa place et ce qu’il risque s’il parle en mal de la royauté, ce qu’il a tendance à trop oublier. Et le fifils à son papa a-t-il peur du sang ? Ce serait plutôt un agneau tout faiblard qu’un louveteau, les nargua Rufus, faisant glousser ses partisans. C’est pas comme si les exécutions publics n’étaient pas ouvertes à tous, et il devra se battre quand il sera grand – sauf si ça devient un gratte-papier comme ma charmante belle-famille car, tu trouves que ton fils chéri est fragile comme du verre – autant qu’il s’habitue tout de suite.
Déesse, ça se voyait qu’il n’avait jamais mis les pieds sur un champ de bataille ! Quel rapport entre une exécution et une guerre ? Surtout une exécution pareille complètement illégale ?! Était-il hors sol ou comme Clovis à ce point ?! Cependant, aller contre lui ne lui donnerait que plus de grain à moudre pour obtenir sa tête. Alors, Rodrigue répondit simplement, sur la défensive alors que Félix serrait les poings dans son manteau, fou de rage à ses mots.
– Je ne pense pas que lui faire vivre de telles choses soient bon pour lui. Comme vous le dites, je tiens à lui alors, je veux le protéger aussi longtemps que possible des horreurs de la mort, surtout après une Tragédie aussi atroce qui nous a arraché son grand frère et son grand-compère. Y être confronté ainsi aussi jeune est très mauvais pour un enfant, je parle d’expérience. Alors, Votre Altesse, je vous demande de le laisser partir et retourner à ses études.
Rufus ne répondit pas tout de suite, même si c’était évident à son visage que ce n’était qu’une manœuvre pour le faire espérer en vain mais, cela permit à plusieurs partisans du régent de murmurer leur léger accord avec Rodrigue : une place d’exécution n’était pas un endroit pour un enfant aussi jeune. Les Braves en soient remerciés, il y avait des personnes raisonnables dans le lot, ou alors d’autres parents… Rufus céda donc à moitié en marmonnant.
– Il reste ici mais, tu peux le garder emmailloter comme un nourrisson dans ta cape.
– Merci, souffla Rodrigue, avant de se tourner à nouveau vers son fils en soufflant, espérant que cela le protégerait un peu. Il faut que tu te bouches les oreilles… je suis désolé de t’imposer cela…
– C’est pas ta faute à toi… Pourquoi il fait ça ?
Le père le serra un peu plus dans ses bras en restant muet, ne devant surtout pas montrer ce qu’il ressentait. Montrer à Rufus que son plan pour les terrifier fonctionnait ne ferait que l’encourager à recommencer et aggraverait la situation.
En les voyant tous se taire, le régent eut un sourire trop semblable à ceux de Clovis dans les chroniques, puis se tourna vers le condamné en déclarant.
– Tu sais maintenant ce qui t’attend sieur… quel est ton nom déjà ? Ah oui, Acace Adenet Dadvisard, es-tu prêt à mourir pour expier ton crime ?
– Non ! S’écria-t-il, mort de peur en cherchant de l’aide dans l’assistance du regard, désespéré. Pitié ! Je jure que je regrette ! Je veux bien faire n’importe quoi pour me repentir ! Tout ce que vous voulez mais par pitié ! Je ne veux pas mourir !
– Tu as pourtant osé dire que le roi était en partie responsable de la Tragédie, alors qu’il n’y ait pour rien. C’est la plus grande victime de toute cette histoire avec le prince. Et toi, tu as osé le transformer en coupable !
– C’était un instant de faiblesse ! Un simple égarement ! J’étais mort de chagrin ! Comprenez-moi ! Plusieurs de mes proches sont morts dans ce convoi ! Tenta de se justifier l’homme, mort de peur devant la mort qui arrivait. Je me suis trompé ! J’aurais dû dire que c’était ces diables de païens duscuriens qui étaient les vrais coupables ! Ils méritent de tous mourir jusqu’au dernier pour leur crime ! J’en suis sûr ! Ce serait même récompensé par la Déesse et c’est ce que Blaiddyd, Brave de la justice, réclame haut et fort ! À mort les duscuriens ! Je vous aiderais ! Je mettrais mon bras vengeur à votre service ! Je ferais tout ! Je vous en supplie…
– Et bien, l’offre est alléchante mais, c’est bien trop tard, rétorqua Rufus. Mais ne t’en fais pas, tu vas me servir. Après avoir vu ce qu’ils risquent, beaucoup de traitres et de comploteurs comprendront qu’il n’est que folie de s’en prendre à la famille royale. Tu devrais être fier de servir le Royaume ainsi.
Acace en devient muet d’horreur, tétanisé jusqu’à ce que les gardes de Rufus commencent à lui raser le crâne, afin de ne pas gêner le passage de la hache du bourreau, puis à trancher le col de sa chemise dans le même but. Il se mit alors à se débattre comme il pouvait, recriant sa repentance et en appelant à la pitié royale, hurlant à quel point il ne voulait pas mourir.
« Pitié ! Pitié ! Par pitié ! Votre Majesté ! Votre Majesté Lambert ! Je vous en supplie ! Aidez-moi ! » Finit-il par hurler mais, d’ici, le roi ne pourrait jamais l’entendre.
Rodrigue, Lachésis et Thècle serrèrent les poings, se retenant de toutes leurs forces d’intervenir. Tout ce qui se passait ici était illégal, c’était une violation du droit royal et des idéaux de Roi des Lion Loog mais, tant que Rufus était régent et se donnait le pouvoir d’être la loi, ils ne pouvaient rien faire à part regarder impuissants, sinon…
Les gardes du régent finirent par ligoter Acace sur le billot pour l’empêcher de se débattre, même s’il semblait s’être résigné, pleurant ses dernières suppliques alors que le bourreau se mettait en place.
« Pitié… pitié… je n’ai rien fait… c’est injuste… je suis désolé… tellement désolé… ayez pitié… ma famille… elle m’attend… elle s’inquiète… je vous en supplie… pitié… je… je ne veux pas mourir… »
Félix se serra encore plus contre son père. Il n’entendait presque plus rien des cris de cet Acace, juste des éclats de voix, des gémissements, et des pleurs. Il ne comprenait rien à ce qui se passait… qu’est-ce que ça apportait à Rufus d’agir comme ça à part de faire comme les traitres qui avait tué Glenn ?! Il enfonça sa tête dans le ventre de Rodrigue, serrant les poings de rage autour de ses oreilles. Il voulait juste sortir de là et tirer ce pauvre homme de ce foutu billot où il n’avait rien à y faire ! Mais, son père le tenait trop fort et il lui avait dit de ne pas bouger…
« Papa tremble aussi… » Sentit-il, prenant Rodrigue dans ses bras pour l’aider à tenir aussi plutôt que de tout faire pour ne rien entendre.
Le petit garçon sursauta quand un nouveau cri se fit entendre, Rodrigue le serrant encore plus contre lui, les mains sur ses oreilles, même s’il lui souffla, Félix arrivant à entendre toute son inquiétude dans sa voix.
« Il faut que tu te les bouches, je t’en prie. Ne t’en fais pas pour moi, je ne veux pas que tu entendes ça. »
Félix obéit à contre-cœur, mettant ses mains sous les paumes de son père, même s’il perçut le cri horrible à travers, suivit de plusieurs autres de plus en plus faible avant de complètement disparaitre mais, l’immobilité de son père lui apprit avec horreur que ce n’était pas fini. Par les Braves ! Combien de fois cet incompétent de bourreau allait devoir s’y reprendre ?! Il sentait son père se crisper un peu à chaque cri alors, s’il se fiait à ça, il avait fallu onze coups pour que le condamné ait la tête tranchée… onze… c’était énorme…
Enfin, après trop de temps, Félix entendit la voix étouffée de Rufus mais, il perçut malgré tout à quel point il était satisfait… comment pouvait-il être content de ça ?! Il avait agi comme un vrai monstre assoiffé de sang !
« C’est même plus un chien errant à ce stade ! C’est qu’une bête ! Et il a tous les pouvoirs en plus ! Si jamais… ses mains se crispèrent en devinant ce qui allait se passer si son père faisait la moindre chose qui ne plairait pas à la bête. Oh non… non… non… pas ça ! Papa ! »
Il sentit les mains de Rodrigue se desserrer un peu de sa tête, même s’il garda sa cape tout autour de sa tête, lui soufflant doucement malgré sa voix tremblante.
« Partons… mais ne sors pas de là… il ne faut surtout pas que tu voies ça… » souffla-t-il, Félix devait avoir deviné ce qui s’était passé aux vues du temps qui s’était écoulé…
L’exécution avait été une vraie boucherie… après la passe pour mesurer s’il avait le bon angle, le bourreau avait touché plusieurs fois le crâne et les épaules au lieu de la nuque, avant d’enfin l’atteindre mais là aussi, il avait fallu plusieurs coups avant que la tête ne tombe… quelle mort horrible… le bourreau semblait complètement inexpérimenté, il avait dû boire pour se donner du courage mais, cela avait fini en vrai massacre de ce pauvre homme… Félix ne devait surtout pas voir cela… Déesse… il ne devait surtout pas voir une horreur pareille !
« Et ça risque de se reproduire… devina sans problème Rodrigue, sa magie palpitant encore plus fort dans ses veines comme si elle voulait en déborder, son emblème se déversant dans ses veines avec cette résolution. Je dois mettre Félix en sécurité. Il faut qu’il parte, il faut qu’il quitte la capitale ! Il faut qu’il quitte ce coupe-gorge ! Il faut qu’il s’éloigne à tout prix de Rufus et ses partisans ! »
Après s’être mis d’accord pour se donner une heure afin de faire le point tous les trois, les deux sœurs Charon retournèrent dans leurs propres appartements, murmurant entre elles quelques choses. Elles devaient également s’adapter. Rodrigue tient Félix au plus près, gardant juste sa main dominante libre au cas où, terrifié à l’idée de croiser un partisan trop zélé du régent, avant de ne vraiment pouvoir souffler qu’une fois dans leur chambre, la porte fermée à clé et dans un endroit où ils ne pourraient pas être épiés par les murs.
Il allait demander à son fils comment il allait, quand Félix se précipita sur lui pour le serrer dans ses bras. C’était prévisible mais, cela lui faisait toujours mal, le persuadait encore plus de mettre son louveteau en sécurité.
« Félix… je suis désolé que tu ais dû assister à ça…
– Arrête de t’excuser quand c’est pas ta faute. Rufus est complètement fou ! Il n’a pas le droit de faire ça ! C’est juste une bête !
– Oui mais, il s’est accordé les pleins pouvoirs en s’appuyant sur les textes de Clovis, ce qui nous empêche de dire quoi que ce soit. Nous allons devoir être encore plus prudent… alors…
– Alors, tu rentres à la maison ! S’écria tout de suite son fils. Rufus te déteste ! Dès qu’il pourra, c’est toi qu’il tuera papa ! Je veux pas que ça arrive ! Il faut qu’on rentre à la maison ! Il ne pourra rien te faire là-bas et il se débrouillera tout seul pour une fois ! Il te fait déjà beaucoup de mal en te donnant tout son travail ! Dimitri va en Charon en plus, y a plus personne qui te mérite ici à part Thècle et Lachésis ! Il faut qu’on parte !
Félix était mort de peur pour lui… il n’avait même pas peur pour lui-même mais, juste pour Rodrigue… il ne pouvait que comprendre sa terreur. Il savait aussi bien que lui que Rufus lui ferait couper la tête dès qu’il en aurait l’occasion, ou au moins l’éloigner en l’épuisant… c’était surement une partie de sa stratégie étant donné qu’il profitait du moindre prétexte pour lui donner des tâches en plus… cependant…
– C’est impossible… je dois rester à Fhirdiad…
– Quoi ?! Mais pourquoi ?! Rufus te traite mal comme tout le Royaume et Lambert, c’est pas mieux ! Tu risques d’y rester pour toujours ! Je ne veux pas te perdre ! S’exclama-t-il en lui donnant des petits coups frustrés sur sa poitrine avant de répéter. Je ne veux pas te perdre ! Pas comme Glenn ! Je veux pas que tu meures ! Alix doit vouloir te revoir en plus ! Toi aussi tu veux le revoir ! Ne mens pas, t’es pas doué pour ça !
– Je sais que c’est dur mais, c’est justement parce que Rufus traite mal le Royaume que je ne peux pas partir, tout comme Lachésis et Thècle, tenta-t-il de lui expliquer en lui prenant les mains pour tenter de le calmer. Si nous partons, plus personne ne dirigera le Royaume et il sera laissé à l’abandon par Rufus. Il ne pense qu’à se venger des duscuriens, et les seigneurs de l’Ouest l’encouragent dans cette voie car, ils ont des intérêts à annexer Duscur. C’est pour cela que nous devons rester tous les trois, pour protéger le Royaume et faire en sorte qu’il ne s’effondre pas. Il s’agit même d’une disposition du Kyphonis Corpus, nous sommes obligés de nous y tenir. C’est mon devoir de veiller sur lui…
– Merde au devoir ! Et merde au Kyphonis Corpus !
– Félix ! Le reprit-t-il même si son fils ne le laissa pas continuer.
– C’est ce que Glenn dirait ! Tu restes plus longtemps, Rufus va te tuer ! Alors que tu peux partir ! Rufus se débrouillera tout seul, se prendra le mur et c’est tout ce qu’il mérite pour avoir encouragé ce voyage et vous avoir tous traité comme ça ! Il a même tué quelqu’un qui n’a rien fait de mal car sa tête ne lui revenait pas alors, tu es le prochain sur sa liste ! Il te déteste car t’es plus compétent que lui ! Même Lambert s’en fiche du Royaume ! Il s’en fiche si Dimitri devient orphelin alors, il ne doit pas se préoccuper de grand monde à part lui ! Même Glenn en a eu marre des conneries de ces deux chiens errants et idiots et voulait partir ! Il serait parti dès qu’il aurait pu s’il n’avait pas été obligé de rester ici ! Tout ça à cause de son foutu service et devoir envers le pire crétin de Faerghus à cause de foutus règles du Kyphonis Corpus ! Et à cause de ça, il est… rha ! Pourquoi c’est plus important de respecter ce devoir et de travailler pour un chien idiot que de rester en vie ?!
– Je comprends que ce soit dur à accepter mais, cela ne concerne pas que moi. Le mur dont tu parles, c’est Faerghus tout entier et si Rufus est au pouvoir seul avec ses sbires, il va le considérer que comme un moyen de faire un nouveau bain de sang. Cela touchera aussi notre fief… je refuse que tu vives dans un pays encore plus dévasté qu’il ne l’ait déjà… moi aussi, je ne veux pas te perdre, pas après Glenn… même si tu n’as pas tort, cela devient beaucoup trop dangereux, admit-il avant de balayer les espoirs de Félix que son père entende enfin raison. Il faut que tu rentres à la maison, tu seras bien plus en sécurité là-bas…
– Alors tu rentres aussi à la maison ! Lui rappela-t-il alors sans hésiter. C’est ce que tu m’avais dit ! Tu avais dit que si je rentrais, tu rentrerais aussi avec moi et que tu te reposerais un peu ! Surtout vu ta tête ! Même Alix ne te reconnaitrait pas ! Donc, je rentre et toi aussi et Rufus ne te tuera pas à la hache ou en t’exploitant !
Rodrigue baissa alors les yeux avec honte, Félix devinant que là aussi, son père serait trop idiot pour partir deux secondes de la capitale car, ils avaient des chiens idiots comme roi et régent ! Il le savait pourtant, il le savait ! Tout ça à cause de fichus mots sur des bouts de parchemins vieux de quatre cents ans ! Et à cause de ça, Glenn avait été obligé de suivre ce crétin de Lambert et maintenant, c’était son père qui restait à cause de ces foutus devoirs ! Alors qu’à cause de ses devoirs, presque personne n’avait de cheveu gris dans la galerie des portraits, tandis que chez les rois, ils avaient presque tous des cheveux blancs ! À cause de ça, sa famille… son grand frère était… son père allait… et pourtant, pourtant, ils… !
Félix se dégagea de l’étreinte de son père en criant. Il ne laissa même pas le temps à Rodrigue de répondre, il se détourna et s’enfuit sans demander son reste.
– T’es qu’un idiot et un menteur ! Menteur ! Je te déteste ! Reste-là à mourir pour ses chiens errants si c’est si bien de te faire écraser chien idiot ! »
Il courut dans les couloirs en essayant de croiser personne sans trop réfléchir où il allait, à part qu’il ne voulait pas aller ni chez les copains de Rufus, encore moins près des deux frères stupides, ni retourner dans sa chambre… il ne voulait pas voir le futur cadavre… si c’était si bien de se tuer au travail pour des crétins comme un petit toutou, qu’il le fasse tout seul.
« Pourquoi il s’en fiche de mourir pour ce crétin alors qu’il pourrait être à la maison avec Alix ?! Il veut déjà m’y envoyer alors, pourquoi pas lui aussi ?! C’est lui le plus en danger ! » N’arrêtait-il de se demander en déambulant dans les cours.
« Miaou ! »
Félix se tourna en entendant miauler, puis vit Fleuret trotter vers lui avant de se frotter contre ses jambes.
« Fleuret… il le prit dans ses bras, pressant la boule de fourrure toute chaude contre lui, content d’y trouver une cachette pour ses yeux qui piquaient depuis tout à l’heure. Toi aussi, t’as pas envie d’être avec cet idiot, hein ? »
Le chat répondit en ronronnant, avant de se draper comme un foulard sur ses épaules… Écharpe faisait toujours ça avec Glenn… il adorait le mordiller mais, il avait aussi déprimé quand il était à Garreg Mach, comme ses frères et sœurs… Lunaire, Glaïeul, Bouclier et Écharpe adoraient Glenn, c’était vraiment avec lui qu’ils restaient. Pour eux aussi, ce serait dur…
Il étrangla un sanglot en pensant à son frère souriant, incapable de bouger sous ces énormes chats comme celui de leur mère sur ses genoux… le très vieux souvenir de son père avec Fleurette et lui sur les genoux, parlant surement de Félicia…
Félix fit tout pour chasser ses souvenirs de sa tête, et se rappeler que son vieux était juste un crétin qui voulait juste se faire écraser…
Il déambula sans faire attention où il allait, jusqu’à arriver dans la chapelle du palais. Avant, son père s’y rendait presque tous les jours pour y chantait des hymnes à la Déesse, et ses amis et lui se glissaient dans un coin pour l’écouter… Rodrigue avait une si belle voix…
« Sauf maintenant qu’il cire les bottes de chiens idiots avec sa langue… » Cracha-t-il dans sa tête, ignorant le souvenir de la dernière fois qu’il avait entendu son père chanter, la berceuse toute douce malgré le voile de tristesse au fond de sa voix usée de fatigue, repoussant l’inquiétude de sentir son cœur aussi lent. « De toute façon, c’était qu’un ramassis de mensonge… si c’était vrai, il resterait avec moi et rentrerais à la maison… et ça doit pas être si grave que ça… s’il continue à travailler pour ces cons, ça ne doit pas être assez grave pour qu’il s’arrête deux secondes… »
La chapelle était pratiquement vide, seuls des personnes trop vieilles pour aider au palais priant avec ferveur pour les âmes des morts, la paix dans le Royaume et avec ses voisins, ainsi que pour la miséricorde divine… comme si ce n’était pas à cause de Lambert au départ si tout allait mal maintenant et que la seule grâce divine qu’il aurait, ce serait le sang et l’épuisement de son père, de son oncle et des Charon… il aurait fallu que ce ne soit pas le roi dès le départ, point.
« Si la Déesse est si forte que ça, pourquoi elle nous a collé un abruti pareil ?! »
Il n’y avait pas de vengeur ici à première vue, ils n’aimaient pas aller ici, même le dimanche. Le prêtre de la chapelle ne voulait pas la guerre avec les « païens », pour ceux qui allait prier tout court… et après, ça se disait suivre la volonté de la Déesse… au moins, il n’aurait pas à les supporter.
Le garçon marcha le long des murs sans se faire remarquer, ne voulant de toute façon personne, glissant à côté bas-reliefs racontant les exploits des Braves et des Saints. Au fond de la chapelle, de chaque côté du transept, il y avait à gauche une sculpture représentant tous les Braves réunis, et de l’autre les Saints et les Apôtres entourant la Déesse, toutes deux précédés des statues à l’effigie de chacun d’entre eux. S’engouffrant du côté des Braves, Félix s’avança jusqu’à celle représentant Fraldarius, tout au fond au côté de Dominic et face à Blaiddyd. Son ancêtre était représenté assis, son épée sur ses genoux, son bouclier posé à côté de lui, alors que son visage semblait chanter, légèrement penché vers ceux qui le regardaient. Cela ne ressemblait pas du tout à son vrai visage, grand-père le Brave étaient couverts d’écailles des pieds à la tête, avaient des branchies sur la gorge, des iris blanches, un chignon tressé interminable, des mains palmées, des dents de poissons, et il était minuscule. Pour la statue, ses traits auraient été recopiés sur ceux de Kyphon alors, ils ne risquaient pas de se ressembler tous les deux mais, les yeux restaient les mêmes… ils les avaient tous des yeux en forme d’amende ou d’œil de chat dans la famille, bleu d’eau en général à part de rares exceptions comme lui…
Fraldarius-Kyphon semblait le regarder, alors que le souvenir des notes s’échappait de la bouche de pierre, entrouverte pour laisser s’envoler la mélodie, figée dans une expression douce, heureux de pouvoir chanter… comme son p… son vieux quand il fredonnait pour eux tous… Face à lui, Blaiddyd jouait de la flute pendant que Dominic dansait… certains disaient que quand leurs Reliques étaient toutes réunies dans la chapelle, on pouvait les entendre à nouveau s’adonner à leur passion pour la musique tous ensemble…
Cependant, même si aucune de leurs armes à part Areadbhar n’était présente à la capitale, une berceuse se rejouait à nouveau dans les souvenirs de Félix… il n’en comprenait pas un mot, ne parlait pas du tout latin à part pour le lire un peu dans les vieux traités, encore moins à l’oral mais, le sens était difficile à ignorer…
« Tu chantais pour que je survive et pour me rassurer… »
Même s’il ne croyait pas beaucoup en la Déesse, il croyait en leurs ancêtres. Il avait vu le sien dans ses rêves et il lui avait sauvé la vie après tout… alors, le cadet de sa famille posa sa main sur la base de pierre froide, la voix tremblante alors qu’il demandait, la voix plus brisée qu’il ne l’aurait voulu…
« Dites… autant l’un que l’autre… ils étaient comme ça avant ? Est-ce que Blaiddyd et Loog étaient aussi idiots ? Est-ce qu’ils vous prenaient tout aussi ? Est-ce qu’ils vous considéraient tellement comme acquis qu’ils vous traitaient comme ça ? Est-ce qu’ils vous épuisaient comme ça ? … si c’était le cas, pourquoi vous êtes avec eux ? Vous étiez aussi bête que mon vieux qui va se tuer pour ce chien idiot ? Et si c’était des personnes de confiance, pourquoi on doit faire tout ça pour leurs descendants car, il y en avait quelques-uns qui en valaient la peine ? Pourquoi t’as accepté ces privilèges et obligations Kyphon ? Et pourquoi on doit tous mourir comme ça ? Pourquoi chez nous, on meure presque tout le temps avant quarante ans d’un coup de poignard pris pour le roi alors que de leur côté, ils meurent de vieillesse ? Pourquoi tu ne peux pas toujours nous protéger comme tu l’as fait avec moi Fraldarius… ? Pourquoi on doit constamment passé derrière eux… et pourquoi… il commença à renifler alors que son poing se serrait contre le granit. Pourquoi mon père doit… pourquoi il doit encore travaillé pour Lambert alors qu’il a provoqué la mort de mon frère ? Pourquoi il fait ça ? … Pourquoi il fait ça alors que… tout le monde voie bien… à quel point ça le fait souffrir… et que Rufus veut le tuer… pourquoi il s’inflige tout ça… ?
Il sentit alors que des larmes inondaient ses yeux, dévalant ses joues à toute vitesse comme des rapides alors que ses reniflements faisaient trembler ses épaules. Fleuret se serra un peu plus contre lui, un gros ronronnement résonnant dans ses oreilles. Félix le prit alors dans ses bras, l’enlaçant pour tenter de retrouver un peu de calme… non… il ne devrait pas pleurer comme ça… il ne tiendrait pas aussi bien que Glenn s’il pleurait comme un bébé tout le temps ! Pas en public en tout cas… il grimpa alors sur la statue, puis se glissa dans l’interstice entre le bouclier et la hanche de Fraldarius, étant encore assez petit pour le faire… on ne pouvait pas le voir depuis l’allée centrale, personne ne le trouverait bien caché ici… il se ferait gronder d’avoir grimpé comme ça sur une statue vieille de quatre cents ans mais, il voulait juste un endroit où personne ne le trouverait…
La pierre était glaciale contre lui, bien différente de la présence de son grand-père… de Fraldarius. Elle était comme l’eau du lac, aqueuse, vive et insaisissable mais, aussi toujours chaleureuse, même quand l’onde était sur le point de geler…
« Comme celle de… »
Félix se força à ne pas penser à la fin de cette phrase, ne voulant pas en entendre plus alors qu’il cherchait de la chaleur dans la fourrure de Fleuret, restant lové dans ses bras, tout sage et ronronnant… il ne devait pas y penser, il ne devait même pas penser à cet idiot qui se mettait en danger tout seul et refusait de se mettre à l’abri. Tout ça parce qu’il était un… un…
« Pourquoi je n’arrive plus à l’appeler « chien idiot » ? Je viens de le faire ! S’il se met en danger comme ça, c’est qu’il… qu’il est… »
Là encore, le garçon n’arriva pas à finir sa phrase, grognant de frustration et d’incompréhension… les notes s’imposant à la place des reproches.
« Dors, dors, mon tout petit,
Quand le jour se change en nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Quand dans le ciel, la lune luit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je veillerais sur toi toute la nuit,
Dors, dors, mon tout petit,
Je jure, de toute ma longue vie…
Tu es mon plus grand trésor,
Alors mon tout petit, dors. »
« Alors pourquoi tu ne restes pas avec moi et ne rentres pas à la maison ? »
Il continua à tremper la fourrure de Fleuret, les notes le rassurant et le poignardant en même temps de frustration et de rage. Pourquoi son père pouvait dire ça et ne pas le faire pour lui-même après ? Pourquoi lui, il ne pouvait pas le faire aussi ? Pourquoi Rodrigue devait rester ici et lui pouvait rentrer ? Félix avait presque l’impression d’être chassé alors qu’il voulait juste rester ici ! C’était pas juste ! Et en plus…
« Ça sert à rien… c’est un idiot qui fait des trucs idiots… idiot, idiot, idiot… »
« Eh ! Qu’est-ce que tu fais là-dedans ?! Sors de là tout de suite !
Félix se résigna à obéir en entendant Gustave commencer à le gronder, se trainant hors de sa cachette pour voir le maitre d’arme au pied de la statue. Son expression passa de la colère à la peine en voyant son visage. Le petit garçon devinait qu’il avait surement ses yeux tout rouges d’avoir autant pleuré mais, quand il tendit la main pour essuyer ses larmes, Félix le repoussa. Lui, c’était pire qu’un chien idiot, c’était un vrai tapis qui faisait tout pour dorloter Lambert et lui cacher à quel point tout le monde le détestait maintenant, il obéissait presque tout le temps à Rufus, et empêchait souvent les sœurs Charon et Rodrigue d’informer l’idiot des méfaits de son frère sous prétexte de ne pas l’épuiser. Comme si le travail de son pèr… de son vieux n’était pas assez pénible comme ça !
– Félix, qu’est-ce que tu fais là ? Lui demanda la carpette. Rodrigue sait que tu étais ici ?
– Ça ne te regarde pas, grommela-t-il en évitant ses yeux, gardant toujours Fleuret entre lui et Gustave.
– Hum… je ferais mieux de te ramener à ton père, il se fait tard et après ce qui s’est passé aujourd’hui… mieux vaut que tu sois avec lui, déclara-t-il, mal à l’aise.
– Quoi ? T’étais au courant qu’il allait massacrer quelqu’un et t’as rien fait ?! Mais t’es vraiment un tapis ou quoi ?! Et après, ça se prétend chevalier alors que tu laisses R… grah ! Vous valez pas mieux l’un que l’autre ! Mordit-il tout de suite, même s’il ravala la fin de sa phrase, ne voulant pas lui dire à lui. Tu ne mérites pas mon père et tu ne lui arrives même pas à la cheville ! Aide-le au lieu d’aider Rufus !
– Non, je ne savais pas ce qui allait se passer, et même si je l’avais su, je n’aurais pas eu le pouvoir de l’en empêcher. Rufus est le régent, et moi qu’un fils de baron secondaire qui a monté en grade grâce à ses efforts. Je suis peut-être leur maitre d’arme et le chef de la garde mais, je n’ai guère plus de pouvoir que celui d’être un proche et je n’ai pas de gros appui…
– Tu aurais pu en parler à Lambert, l’engueuler, lui dire que c’était un monstre, interdire à tes hommes de l’aider, libérer cet homme, soutenir mon père, taper du poing sur la table… c’est juste que t’es aussi lâche que Rufus est feignant. Sauf que contrairement à lui, tu sais faire des efforts quand ça t’arrange ! Là, ça t’arrange pas car, ça blesserait le chien idiot qui a tué mon frère de savoir que son grand frère massacre des gens pour lui et ça, tu ne veux pas que ça arrive car, t’es un gros lâche !
– Félix, ça suffit, je ne tolérerais pas que tu me parles sur ce ton ! Le gronda-t-il tout de suite. Je sais que tu parles comme le faisait Glenn mais…
– Ne parle pas de Glenn ! T’as pas le droit ! Pas quand tu aides autant celui qui l’a envoyé à la mort !
– Je ne fais que mon devoir Félix, comme ton père.
– Alors, vous êtes deux idiots.
Gustave se contenta de froncer les sourcils avant de l’entrainer vers la sortie sans rien dire pendant un moment, Félix non plus. Il ne voulait pas en entendre plus de sa part. Bon, il n’avait pas envie de voir Rodrigue se faire du mal tout seul, c’était à peine mieux que rester avec Gustave le tapis…
– Je préférerais voir Dimitri… finit-il par marmonner pour lui-même.
– C’est vrai que tu ne pourras plus le voir à partir de demain, souffla Gustave en tentant d’être compréhensif. Il ne va pas revenir avant longtemps de Lokris.
– … je pourrais aller avec lui alors… il ajouta en voyant le regard étonné de Gustave. Penses pas que je le fais parce que Lambert le veut, c’est juste pour ne pas laisser Dimitri presque tout seul et parce que je veux rester avec lui.
Le visage du tapis passa de l’étonnement au soulagement, alors qu’il déclarait, comme si Félix venait de lui enlever un gros poids des épaules.
– On devrait trouver une place pour toi et ton chat sans souci, surtout que ce n’est pas la première fois que tu voyages en bateau. Merci beaucoup, Sa Majesté était vraiment inquiète à l’idée qu’il n’ait aucun de ses amis de longue date à ses côtés, étant donné qu’il est rarement allé aussi longtemps dans sa famille maternelle…
– Je te l’ai dit, je ne le fais pas pour ce chien idiot, juste pour Dimitri. Pas pour lui, répéta-t-il en se fermant complètement autour de Fleuret, chassant le souvenir de la dernière fois qu’il avait vu quelqu’un soulagé.
« Papa ? Qu’est-ce que tu écris ?
Félix regarda au-dessus des mains de son père, assis à son bureau dans leur appartement. Il grattait encore du papier alors que le soleil était couché depuis longtemps mais, pas dans son étude contrairement à d’habitude, et ça ne ressemblait pas à ses lettres pour Alix. Rodrigue leva le nez de son travail, lui expliquant.
– J’écris à Francis et à Fregn et Isidore… enfin Sylvain maintenant qu’il est majeur. Lambert voudrait que Dimitri aille à Lokris pour se reposer, l’air y sera bien plus sain en montagne que dans la capitale et il y sera plus tranquille…
Le fils vit qu’il ne disait pas tout, devinant qu’il essayait de ne pas l’inquiéter, même si Félix n’était pas aveugle. Il savait que tout le monde était mécontent en ville, surtout contre Lambert alors, cela pouvait être dangereux pour la famille royale. Encore, il se fichait du sort du roi, mais il ne voulait pas que Dimitri subisse encore plus la connerie de son père… ni que son propre père ou les personnes de son fief soit en danger…
– Mais alors, pourquoi tu écris à Fregn et Francis ? Demanda-t-il.
– Il y irait avec Dedue et Sasiama mais, Lambert voudrait qu’Ingrid, Sylvain et toi l’accompagnent si possible. Je dois alors écrire des lettres pour leur demander. Je ne pense pas qu’ils acceptent, surtout que Sylvain surement devoir aider ses parents avec la frontière mais, c’est noté que je l’ai fait… il hésita un peu avant de demander, un peu nerveux, il était encore plus facile à lire à cause de sa fatigue. Et toi ? Tu voudrais accompagner Dimitri à Charon ?
– Hum… j’aime bien Dimitri mais non, je ne vais pas te laisser tout seul ici.
Rodrigue avait souri à sa réponse, le « merci » sortit presque par accident au lieu d’un « d’accord » dans sa fatigue… il avait l’air tellement soulagé de l’entendre dire qu’il resterait avec lui et qu’il ne partirait pas avec Dimitri. Il faisait confiance aux Charon mais, son père ne voulait pas le voir loin de lui…
« Ça va lui faire de la peine quand je lui dirais que finalement, je pars… »
Félix se força à chasser cette culpabilité de sa tête, ne voulant rien ressentir de tout ça et se persuadant tout seul qu’il prenait la bonne décision. Il ne voulait pas le voir encore plus s’écraser devant Lambert et Rufus, il ne le verrait pas faire s’il était loin en Charon, et il serait avec Dimitri. Il n’avait même pas envie de rentrer pour voir Alix s’angoisser pour son frère… non, ce serait mieux de partir loin.
Le garçon sentit sa marque réagir dans son dos, le picoter comme pour lui dire quelque chose qu’il traduisit sans problème… elle ne semblait même pas en colère, juste réprobatrice et lui conseillant de rester auprès de sa famille, déversant l’énergie de son grand-père et de son emblème dans ses veines… là aussi, Félix nia encore et encore, rejetant les mots silencieux de Fraldarius comme il ne l’avait jamais fait auparavant…
« Je ne veux pas le voir devenir le toutou de deux chiens idiots ! Pas question de le voir s’abaisser comme ça ! Si t’es pas content, dit-le à lui et pas à moi ! … mais par contre, ne le marque pas comme ça, ça voudrait dire que tu as fait un miracle… »
Félix détestait à quel point cette énergie dans son dos était familière, s’entêtant de toutes ses forces alors qu’il marchait dans le palais, refusant de changer d’avis ou de voir son père dans cet état plus longtemps…
*
« Place ! Place ! Voici le courrier de Fhirdiad !
– Ah ! Enfin ! Vous avez une semaine de retard !
– Les routes sont encore plus mauvaise que d’habitude, la neige est retombée, c’est difficile de circuler, répondit le messager en se laissant tomber de sa selle.
Sylvain tendit l’oreille depuis l’autre côté de la cour, allant retrouver sa mère pour l’aider dans ses tâches une fois ses études terminées. Fregn sortit également de la forteresse en entendant l’appel du messager, des petites plaquettes de bois entre les doigts, un message venant de Sreng arrivé quelques heures plus tôt. Isidore comprenait à peine la langue de sa femme, encore moins les termes spécifiques à sa culture ou les runes alors, elle avait dû tout lui traduire pour qu’il puisse savoir ce que le grand thing lui voulait. Le jeune homme regarda l’épaule gauche de sa mère, rassuré de la voir bouger avec moins de peine que ses derniers jours. Elle avait glissé et percuté un meuble avec elle peu de temps après le rapatriement des corps alors, elle avait eu un peu de mal à l’utiliser. Heureusement, elle guérissait petit à petit.
Le margrave prit la pile de lettre, tria rapidement, puis appela.
« Sylvain. Ici. »
Obéissant, le jeune homme rejoignit son père qui lui tendit deux lettres avec un cachet de cire sarcelle sans le regarder, continuant de feuilleter le tas de missives. Reconnaissant l’écriture de Félix et l’emblème des Fraldarius, il fit sauter le sceau de celle qui semblait la plus officielle et la lut en vitesse. Fregn s’approcha, silencieuse comme une ombre pour voir de quoi cela parlait.
« C’est Félix, lui indiqua-t-il en sreng par réflexe avec elle. Il m’explique que Dimitri part demain pour Charon afin de se reposer dans la famille de sa mère, l’air y sera meilleur pour ses poumons brûlés, et il y sera plus en sécurité qu’à Fhirdiad. Il y va avec les duscuriens qui l’ont suivi après la Tragédie, Dedue et Sasiama mais, Lambert voulait qu’on l’accompagne tous les trois aussi, même si on n’est pas obligé. Félix a écrit cette lettre à la place de Rodrigue pour l’aider. L’autre est personnelle à mon avis.
– Il a bien d’étranges priorités ce roi sans yeux, grogna Fregn dans sa langue maternelle, personne ne la comprenant dans les environs. Qu’il se préoccupe de son fils est tout à son honneur mais, c’est un peu tard, et le loup sage a certainement d’autres occupations en ce moment. Il est tellement occupé que son petit doit l’aider…
– Sylvain, je t’ai déjà dit de ne pas parler sreng sauf si cela est vraiment nécessaire, tu n’en es pas un. Toi aussi Fregn, gronda Isidore en parcourant une missive qui, à la cire, arrivait de l’administration royale directement. Qu’est-ce que cela dit ?
« Peut-être que si tu me parlais plus pour me faire autre chose que des reproches, ce ne serait pas la langue qui vient plus naturellement, » songea Sylvain mais, il affecta la soumission, c’était le mieux à faire avec le margrave. Il lui expliqua alors de quoi il en retournait, son père décrétant un « non » catégorique avant même qu’il n’ait eu fini. Sylvain s’en doutait, mais même s’il aurait pu lui dire qu’il était majeur à présent et donc, il pourrait décider de quand même aller auprès de Dimitri, il était du même avis qu’Isidore pour une fois. Il était bien plus utile ici, surtout avec les srengs qui commençaient à s’agiter et avait déjà mis au point leur marche à suivre, que ce soit dans leur coin ou pendant le thing.
Son père fronçait de plus en plus les sourcils au fur et à mesure qu’il lisait sa propre lettre, soupirant en la refermant. Il regarda Fregn de travers en ordonnant, méfiant.
« Fregn, va ailleurs, et toi Sylvain, ne t’avise pas de raconter quoi que ce soit de cela à ta mère. »
Ça ne sentait pas bon. Sa mère obéit tout de même, retournant de là où elle venait, avant que Sylvain n’accepte à moitié, bien qu’il ne jurât pas. Il verrait selon le contenu de la missive.
« C’est une lettre écrite sur ordre du régent. Il nous demande de mettre une partie de nos réserves loogiennes de côté pour la capitale en cas de besoin, mais aussi de leurs envoyer des soldats et de l’argent. Les fhirdiadais sont très agités ces derniers temps, et il a peur d’une révolte contre l’autorité royale. Il est sûr de la fidélité de nos troupes alors, il nous demande de leur envoyer un bataillon complet de renfort avec les vivres et l’équipement nécessaire.
– Un bataillon complet ?! Mais ça fait plus… ! Se rendit-il compte à mi-voix Sylvain, même s’il baissa encore plus le ton, sachant qu’il n’était pas seul. Père, on ne peut pas envoyer les gardes-frontières alors, nous devrons prendre des soldats gardant la ville. Eux aussi sont en colère après avoir perdu des proches et des camarades à Duscur, ils ne sont peut-être pas les plus sûrs pour cette mission, lui fit-il remarquer. De plus, si nous devons leur fournir des vivres et de l’équipement, nous risquons de ne pas en avoir assez pour finir la soudure ou en cas de mauvaises récoltes, surtout si nous leur prêtons encore de l’argent. On pourrait ne pas avoir les moyens d’acheter des compléments à Leicester ou Almyra. C’est vraiment risqué de nous priver de nos vivres comme ça.
– Peut-être mais, cela reste un ordre royal, il est de mon devoir d’y répondre au mieux. Dans chaque ville de notre fief, vingt soldats devront être choisis pour se rendre à la capitale, avec leurs vivres et équipement. Pour ce qui est de la réserve loogienne, nous allons voir ce que nous pouvons mettre de côté pour Fhirdiad, commanda Isidore à voix haute, sachant que Fregn n’entendrait rien de là où elle était, puis il ajouta plus durement à l’attention de son fils. Nous devons envoyer ce que nous demande le roi. Les descendants de Loog sont les seuls souverains légitimes de Faerghus et nous nous devons l’obéissance en tant que vassal, ne l’oublie pas.
– J’obéis sans problème au(x) digne(s) héritier(s) du Roi des Lions », rétorqua-t-il en louvoyant un peu, évitant de dire à qui il pensait précisément. Aux yeux de son père, il se comportait déjà comme un sreng à part entière, mieux valait éviter de l’énerver en faisant le difficile sur qui il reconnaissait comme roi avec ou sans yeux. Pour le coup, le fodlan était pratique pour ne pas prononcer les pluriels.
« Bien, ne commence pas à penser comme ta mère que la fidélité doit être sur commande. Il s’agit de la famille royale, nous nous devons de lui rester fidèle et de veiller au maintien de la frontière. La défense du Royaume par le nord est entre nos mains, c’est un devoir qui demande le plus grand zèle et une fidélité sans faille, il ajouta en voyant son fils hocher la tête. Maintenant, voyons ce que les srengs préparent encore.
Ils allèrent ensemble dans l’étude de Fregn, cette dernière relisant sa traduction en les attendant. Elle donna la lettre originale à Sylvain pour qu’il puisse la lire lui-même, la traduite à Isidore, puis expliqua pour être sûr que son mari comprenne.
« Il s’agit d’une lettre de Thorgil le Kaenn, qui nous a écrit en tant que reine et non en tant que sœur, belle-sœur et tante. Le Grand Thing s’est tenu à la première pleine lune après la Tragédie, sous le regard de Tyr et d’Odin.
– Oui, l’assemblée des notables de votre ville, marmonna Isidore.
– Pour Gautier, c’est l’assemblée des notables d’une ville, et ça c’est le thing normal. Chez nous, c’est l’assemblée de tous les membres de la communauté pour prendre une décision importante, que ce soit pour l’élection du roi ou pour négocier avec un royaume voisin. Ici, il s’agit du Grand Thing, qui réunit des représentants et les rois de tous les Royaumes Srengs. Il ne se réunit que lors des grandes crises. Par exemple, la coalition que vous avez affrontée il y a quelques années, s’était formée lors d’un Grand Thing, même s’il n'avait pas été suivi par les grands Royaumes. La situation après la Tragédie était tellement exceptionnelle que plusieurs rois ont voulu qu’ils se réunissent, afin de se mettre d’accord ensemble sur la marche à suivre vis-à-vis des traités, dont Thorgil le Kaenn.
– Bien, et qu’est-ce que ta sœur a décidé avec ses comparses ?
– Les rois pensent que les faerghiens sont à terre alors, ils n’attaqueront pas. Cependant, ils considèrent que les traités doivent être modifiés pour s’adapter à la nouvelle situation. Pour citer le Kaenn et d’autres rois et reines, « les différentes dispositions du traité ne conviennent plus au roi Lambert Egitte Ludovicosson Blaiddyd. »
– Les corbeaux se précipitent déjà sur les restes des morts.
– Votre roi serait mort, nous n’aurions rien fait, il ne serait resté que des victimes à terre et aucun décideur. Cependant, la décision d’aller en Duscur lui revient à lui et à lui seul, nous ne pouvons que changer notre appréciation après tout ce que cette décision à provoquer. Pour faire montre de leur bonne volonté, ils demandent que deux rencontres aient lieu : une avec un représentant de Gautier pour décider de mesures plus locales et voir ce que Faerghus a encore à proposer, puis avec Fhirdiad directement. Leur niveau d’exigence avec la capitale dépendra du défi que nous nous leur opposerons pendant la première rencontre. Thorgil le Kaenn nous conseille que ce soit un membre de notre famille qui soit envoyé à la première réunion, et me demande de l’accompagner pour éviter les impairs. Si l’émissaire est doué et compétent, ils seront dans de meilleurs dispositions pour encore nous considérer comme digne de respect. Dans le cas contraire, ils ne s’encombreront pas de manière avec nous.
– Hum… toujours deux allures avec vous, gronda Isidore en analysant sa femme du regard. Je m’y rendrais, afin qu’ils ne pensent pas que tout est permis à présent.
– C’est toujours mieux qu’une ou rien. Et je ne pense pas que ce soit une très bonne idée que ce soit toi qui t’y rendes, le contredit Fregn.
Le margrave fronça les sourcils, mécontent de la contradiction. C’était rare qu’elle s’oppose aussi directement à lui mais, Sylvain se tut, sachant que sa mère agissait ainsi pour une bonne raison. Elle expliqua alors, calme et froide, comme toujours dans ce genre de discussion.
– Tu ne parles pas un traitre mot de vrai sreng, la langue du commerce et le langage militaire ne suffiront pas dans les discussions qui seront toutes en sreng. Tout le monde ne parle pas fodlan et nous serons entre srengs. Il y aura probablement des duels oratoires pendant les séances de discussions, et les différents reines et rois vont surement faire appel à des concepts typiquement srengs, surtout que nous parlons souvent par périphrase pour désigner certains dieux et concepts. Si c’était toi qui venais, il te faudrait que je te serve d’interprète et te traduise tout, ce qui rallongerait et hacherait les discussions. Vous trouviez que nous allions très vite et que nous dégainons nos arguments et positions à la même vitesse pendant les négociations après le conflit frontaliers, nous allons encore plus vite dans notre langue maternelle. Il arrive même que nous nous défions à des combats oratoires et physiques, où on doit se combattre à l’arme blanche tout en argumentant sur notre position, afin de montrer notre habilité dans les deux domaines. Il faut impérativement quelqu’un qui parle couramment sreng et connait très bien nos coutumes. C’est le minimum à respecter pour ces négociations.
– Alors, je peux y aller.
Isidore tourna son regard froid vers Sylvain, ce dernier continuant en espérant ne pas avoir commis un impair.
– Je parle couramment sreng, Mère m’a appris les différents pans de sa culture, je maitrise les figures de styles, et vous m’avez autant appris à négocier qu’à me battre tous les deux. Je devrais convenir un minimum à leurs attentes. De plus, je suis adulte à présent, je me dois d’en faire encore plus pour aider notre marche et le Royaume. Tu me disais l’autre jour de me préparer à faire mes preuves au combat. Même si ce n’est pas un combat physique, je dois aussi être capable d’affronter des adversaires dans un duel verbal. Je sais que ce serait ma première mission officielle, et qu’elle est de la plus haute importance mais, je ferais tout pour défendre les intérêts de Gautier et Faerghus.
Isidore le jaugea du regard, avant de marmonner, impénétrable.
– Je vais y réfléchir…
Il s’en alla sans rien dire de plus, les laissant seuls. Fregn attendit qu’il soit parti pour souffler, sûre d’elle.
– Ce sera toi qui iras là-bas. Il ne peut pas y aller car il ne parle pas sreng, Miklan non plus et l’un ou l’autre s’y rend, c’est l’accident diplomatique assuré, ils sont tout sauf des négociateurs. Tu as été formé à discuter uniquement parce que je l’étais aussi et parce que le roi Ludovic l’a imposé de base, il était furieux en voyant Miklan n’être formé qu’aux armes, et ce n’était pas le genre de roi à qui on tenait tête. Même Isidore sait que si c’est un Gautier qui doit s’y rendre, c’est toi ou personne. Il va surement chercher quelqu’un pour nous chaperonner mais, le plus sage est de t’envoyer avec moi.
– Si tu le dis, répondit son fils, sachant que même si ces parents se méfiaient l’un de l’autre comme de la peste, Fregn était aussi une des personnes qui lisait le mieux le margrave. Je n’ai pas envie qu’il arrive quoi que ce soit à mes amis et aux gens de notre fief, on est déjà assez affaibli comme ça.
– C’est sûr que nous avons perdu beaucoup trop de monde ces derniers temps… elle laissa sa phrase en suspens, avant de demander. Qu’est-ce que le régent nous demandait dans la missive ?
Sylvain hésita un peu. Isidore lui avait interdit de parler du contenu de cette missive à sa mère mais, il savait aussi qu’elle était de bon conseil quand il avait l’impression d’être en décalage avec le margrave. Après tout, c’était elle qui l’avait élevé, pas son père, il se sentait plus proche de sa manière de pensée que celle typique de Gautier, notamment avec tout ce qui tournait autour de Sreng. Il se décida alors à en parler avec elle, lui expliquant les dernières demandes de Fhirdiad. Fregn l’écouta attentivement, gardant pour elle son mécontentement devant les dernières « demandes » de la capitale.
« Si Rufus voulait faire exploser le Royaume volontairement, il ne s’y prendrait pas mieux. Encore plus de soldats, de nourriture et d’argent pour eux sans rien en retour à part leur approbation… il ne faut vraiment pas qu’on s’énerve sinon, dans ses conditions, ce serait facile de faire tomber Gautier mais bon, ça, c’est la spécialité de Thorgil et Huld… en tout cas, ça a fonctionné on dirait… ça valait le coup de gratter tout ça à l’aiguille. »
*
Gustave fit craquer un peu son épaule, épuisé par sa journée. Les enfants étaient partis ce matin pour Duscur et la séparation fut difficile. Sa Majesté avait à peine assez de force pour tenir son fils dans ses bras avant son départ, encore moins pour l’accompagner jusqu’au port et le saluer une dernière fois avant qu’on ne largue les amarres… enfin, vu l’agitation dans les rues ses derniers temps, ce n’était peut-être pas plus mal… rien de bien violent mais, mieux valait préserver le roi de tout ceci, cela risquait de le fatiguer… cela avait été difficile pour le petit prince aussi mais, ce serait bien mieux pour sa santé et moins dangereux pour lui, surtout que Félix était avec lui. Il pourrait le soigner en cas de besoin, Dedue resterait à ses côtés pour s’occuper de lui et Sasiama aussi.
« Il est bien entouré, et les Charon ne sont pas en reste, ça devrait bien se passer. »
Pour les Fraldarius aussi, la séparation avait été difficile. Rufus avait commenté en se moquant que Rodrigue voulait se coller à son fils, et que même s’il semblait un peu réticent au début à l’idée d’enlacer son père, Félix restait tout de même un bébé accroché au sein de son père plutôt qu’à celui de sa mère.
« Ah, j’oubliais, c’est vrai qu’il a tué sa propre mère en arrivant. Quel charmant enfant. »
Heureusement, ni le père ni le fils ne l’avait entendu, encore heureux mais, Gustave avait été obligé de leur rappeler que le bateau attendait Félix pour partir. Le petit avait semblé hésiter un peu mais, était finalement parti sans trop se retourner, son chat serré contre sa poitrine.
« Je comprends que vous vouliez le meilleur pour Son Altesse Dimitri, je le souhaite aussi mais, s’il vous plait Gustave… l’avait presque supplié Rodrigue peu avant le départ. Laissez-moi garder mon fils… »
Sa détresse faisait mal au cœur mais, le capitaine de la garde avait été obligé de refuser. C’était difficile pour tout le monde mais, la présence de son meilleur ami serait mieux pour Son Altesse…
« Vous êtes fier de vous on dirait.
Le chevalier fut tiré de ses pensées par le grognement d’Estelle, appuyée contre un mur avec son bras droit Bernard. Les deux semblaient sur le point de le mordre… le second envoya à son tour, les bras croisés devant lui.
– Profitez d’une dispute en famille pour séparer un père et son enfant… un comportement digne d’un chevalier, vraiment. Tu m’étonnes que le Seigneur Terrail n’ait jamais voulu se faire adouber, il ne se serait jamais abaissé à de tels sournoiseries pour satisfaire un caprice. On est vraiment chevalier quand on n’en a pas le titre pour parader avec.
– Je comprends que vous n’appréciez pas que Félix quitte son père ainsi, surtout s’ils se sont disputés peu de temps avant, mais il est maintenant trop tard pour changer les choses. Je ne lui ai rien proposé, c’est Félix lui-même qui a demandé à accompagner Son Altesse. C’était son propre choix.
– C’est ça, c’est ça, courrez dans la boue jusqu’au cou, grogna Estelle. Il est vachement en état de prendre des décisions posées le gamin. Mais le roi a ce qu’il veut, j’imagine que cela vous suffit pour avoir bonne conscience. Bravo pour votre exploit et vous pouvez être très fier de vous, vraiment.
Elle fit alors un signe à son second et ils s’en allèrent sans lui laisser le temps de répondre. En ces temps difficiles – et surtout avec Rufus – de tels propos seraient condamnables mais, Gustave n’en fit pas grand cas, c’était juste de la colère mal contrôlée dans une situation compliquée. Tant que Rodrigue restait du côté du roi, ces hommes aussi, c’était tout ce dont il avait besoin pour le moment…
De leur côté, Estelle et Bernard durent remplir leurs obligations mais, dès qu’ils purent s’absenter, ils arrivèrent à convaincre le cuisinier de les laisser se servir un peu dans la montagne de victuaille que se réservait Rufus, afin de préparer un grog à leur duc. Une boisson chaude lui ferait du bien…
Les deux soldats le trouvèrent dans son étude, en train de répondre à des demandes et des requêtes qu’évidemment, le régent refusait de traiter, ne voulant pas s’abaisser à gratter du papier, les moins titrés ou nobles que lui pouvaient s’en charger. Lors d’une patrouille avec quelques soldats de Rowe pas trop endoctrinés par l’église occidentale et leur seigneur, plusieurs d’entre eux avaient dit que si Rodrigue, Lachésis et Thècle tombaient, c’était tout le Royaume qui tombait avec eux. Au moins, il y avait des personnes lucides dans le sud, même si on ne les entendait pas beaucoup sous les hurlements des chiens errants… même s’ils en payaient tous les trois le prix, ils étaient épuisés…
« Seigneur Rodrigue ?
Leur duc leva les yeux de son travail à l’appel de Bernard. Ils étaient rouges et gonflés, comme s’il avait pleuré, profondément enfoncés dans ses orbites et les cernes. Son teint très pale de base devenait complètement cireux, effleurant encore plus les contours de son visage maigre. Ses veines ressortaient de plus en plus à cause de la magie qui s’accumulait dans son corps. Ils l’avaient trainé chez un médecin pour trouver une solution mais, il était aussi débordé que les autres et devait économiser leurs remèdes pour les cas très graves alors, à part continuer sa routine de travail avec quelques aménagements rapides, il fallait qu’il serre les dents et tienne le temps que la crise politique passe… ou que son état s’aggrave encore et qu’il s’effondre au mauvais moment… là, les guérisseurs daigneraient lui donner un congé et les soins dont il avait besoin… Rodrigue ne leur aurait pas interdit, les deux soldats auraient été prêt à soudoyer le médecin pour avoir ces foutus médicaments, et il aurait eu des problèmes s’ils lui avaient pris de force… Rodrigue releva un peu plus la tête, tentant de donner le change malgré sa voix enrouée.
– Oui ? Que se passe-t-il ? Vous avez besoin de quelque chose ?
– Ce n’est rien, à part que vous devriez boire ça, ça vous fera du bien, déclara Bernard en lui tendant le verre.
Estelle ajouta en voyant son duc reconnaitre la mixture.
– On s’est arrangé avec le cuisinier, il nous a laissé nous servir dans la réserve de Rufus.
Il arriva à sourire en prenant une première gorgée brûlante, buvant lentement.
– Merci…
Les deux soldats lui laissèrent le temps de boire son verre, le vidant complètement. Il souffla, serrant sa tasse pour se maintenir.
– Merci beaucoup… ça fait du bien… il hésita un peu avant d’avouer, la fatigue le rendant plus bavard. Il me manque déjà… je sais que c’était son choix mais, j’aurais préféré…
– Est-ce que c’était son choix ou est-ce qu’il a pris sa décision sur un coup de tête et de colère ? Marmonna Estelle.
Rodrigue baissa les yeux en soufflant.
– Je le sais… j’ai essayé… mais rien à faire… tout ce que je peux faire maintenant, c’est espéré que cela se passe bien et que je pourrais vite le revoir… soupira-t-il avant de marmonner en se pinçant l’arête du nez, essayant de se convaincre lui-même. J’aurais préféré qu’il soit à la maison, je me serais moins inquiété mais, les Charon sont de confiance, ils le protégeront très bien et Félix sera plus en sécurité là-bas qu’à la capitale… le grand-duc Riegan va bientôt nous rendre visite, j’aurais surement à peine eu le temps de m’occuper de mon louveteau… les vengeurs lui voulaient du mal ici, les Charon sont bien assez nombreux pour veiller sur lui… et les srengs ne vont surement pas tarder à venir renégocier les traités entre nous et eux… ils doivent déjà se concerter entre eux alors…
– Seigneur Rodrigue… Bernard posa sa main sur son épaule, attentif. Vous avez aussi le droit de craquer de temps en temps en temps, surtout après tout ce que vous avez vécu ces derniers temps… personne ne vous en voudra.
Leur duc eut un regard triste et un sourire tordu, désabusé alors qu’il grinçait, même si les larmes se remettaient déjà à couler.
– Tout le monde n’est pas d’accord…
Il n’avait pas besoin de préciser de qui il parlait. Estelle et Bernard restèrent à ses côtés le temps que la crise passe, avant de discuter un peu avec lui afin de l’aider à se sentir mieux. Ce n’était pas grand-chose mais, c’était mieux que rien.
Quand les deux militaires durent reprendre leur poste, ils croisèrent Rufus, bouffi d’orgueil et fier de lui, se moquant encore de leur duc et des deux sœurs Charon. Ils rêvaient de lui arracher ce sourire arrogant de son visage… enfin bon, c’était le régent et eux des roturiers, et il s’était accordé tous les pouvoirs dont celui de vie et de mort. Son frère n’était déjà pas bien utile mais là, il l’était encore moins. Un mot de travers, les deux soldats se retrouvaient suspendu à une corde par le cou, et leur duc la tête sur le billot… ils devaient être prudents, ravalés leur colère et ne pas faire de vagues, même si c’était rageant. Enfin, eux au moins, ils pouvaient toujours se soulager à la taverne le soir. On n’y servait plus rien à présent, et elles avaient été recyclés en point de rationnement mais, cela restait un lieu de rencontre où on pouvait dire à peu près tout, tant qu’ils n’allaient pas dans les mêmes que les vengeurs ou des partisans de Rufus. C’était mieux que pour leur duc qui n’avait surement que ses lettres à son frère pour parler de tout ça à quelqu’un, et encore, en les codant surement.
« Tient ? Deux toutous de Fraldarius ? Vous n’êtes toujours pas retourné à votre place ou dans votre niche ? Oh, j'oubliais, c'est la même chose pour vous ! » Leur lança Rufus en les voyant, faisant glousser ses oies de partisans autour de lui.
Vraiment une belle situation de merde…
Estelle et Bernard s’inclinèrent respectueusement sans rien dire, gardant leur colère en eux, bien qu’ils se jurèrent tous les deux de rester au côté de leurs seuls seigneurs dignes de ce nom.
« Moque-toi le petit roquet, rira bien qui rira le dernier. Un jour, on trouvera un moyen de te la faire boucler. »
(suite)
#fe3h#route cf + divergente canon#plus ou moins#écriture de curieuse#et un nouvel UA ! Un !#mais pour une fois j'ai un titre ! Un vrai titre et pas juste une description !#j'espère que ça vous plait surtout !#cette fois c'est Lambert qui survit mais lui c'est pour s'en prendre plein la gu*ule -ce qui est mérité à mon avis#au bout d'un moment vous connaissez mon avis sur lui... ils ne méritent pas les jumeaux ni personne#oui si vous adorez Lambert un conseil passez votre chemin il va se faire remonter les bretelles tout le temps
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