#nanteau sur essonne
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Mon bilan 2020 de Conseillère départementale est arrivé ! En voici la primeur avant de le diffuser dans chacune des communes.
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Un aller-retour de circonstance
Une nuit claire du mois d'août. À la hauteur de la fenêtre ouverte, l'enseigne néon bleu du bar en soubassement. Tamisée, la rumeur des clients se mêle au grésillement du néon. Le torse nu, coiffé d'un genre de Stetson, Romain est avachi sur un canapé éculé. Devant lui sur la table basse, une bouteille de vodka. Le noir et blanc de la TV fait concurrence au néon bleu.
Le jour levé, c'est le bruit des voitures qu'on entend. L'enseigne du bar est éteinte, la TV aussi. Une lampe-tempête est posée à côté de la bouteille de vodka debout mais vide. Sur les murs, une tête de cerf empaillée fait face à un miroir à moulures dorées. Un éparpillement de journaux jonche le parquet.
Toile cirée à carreaux vichy rouge, cafetière italienne. Œufs au plat, jambon cru, pain brioché, jus d'orange. Une rue étroite prolonge la fenêtre. Au bout, un immeuble de trois étages, un square, un carrefour. D'autres immeubles courts, d'autres rues biscornues et quelques arbres, des tilleuls. Le long du cimetière juif.
Des tombes. Un tombereau de tombes. Des tombes à perte de vue. Comme autant d'incisives. Minuscules et grises. Éparses et mangées. Emmitouflées de lierre.
Vêtu de son chapeau, Romain ouvre le vasistas de la salle de bain. Le ciel est assorti à la faïence, l'air est frais. On entend le tramway qui passe au loin. Et les cachets effervescents. La sonate en provenance du salon contribue à attendrir la barre au front. Le Stetson est posé sur le bidet. L'eau froide de la douche atténue le feu dans le ventre.
Gamin, tu passais le mois de juillet à Nanteau-sur-Essonne. Le portail au fond du jardin donnait directement sur la forêt, la forêt de Fontainebleau. La nuit, tu dormais parfois dans la tente. Sur les coups d'une heure du matin, ton frère venait alors à pas de loup roder autour, te foutre les jetons. Une fois, pour de vrai, tu es tombé sur un renard. Ton frère et ses amis enchaînaient les tournois de ping-pong dans la grange. Avec Romain, vous vous mettiez en scène, dans des spectacles censés être drôles, des fausses pubs et tout. Ta mère vous emmenait à Malesherbes acheter les feux d'artifice à faire péter pour la fête nationale. Certains jours, vous alliez même à la piscine de Buthiers, ce havre sans pareil au beau milieu de la forêt, des rochers et des dunes de sable blanc signant la présence ancienne de la mer.
Tu marches depuis trois heures sur le bord d'une quatre-voies en plein soleil. Tu aurais pu prendre un taxi à la descente de l'avion mais non, il a fallu que tu empruntes à pied l'échangeur, enjambes le terre-plein central. Qu'est-ce que tu fabriques ? Se remémorer le trajet de nuit jusqu'à Berlin. Une heure du matin, pas un chat dans Bruxelles. Les vitrines closes, les lumières jaunâtres. Tu continues de marcher droit sous le soleil caniculaire en direction de Copenhague. Chaussé de bottes de pêcheur, effectuer en bassin des mesures d'effort sur un propulseur miniature. Romain et toi, vous avez rendez-vous à Prague. Tu passes le temps dans le car à lire Proust. Quand enfin tu poses le pied sur le parking Coca-Cola, Romain manque à l'appel. Tu prends le tramway seul. Personne non plus à l'appartement. Tu ne reconnais pas la tronche de cerf empaillée. Tu ne te souviens pas du miroir rococo. Seule l'enseigne du bar d'en bas te dit quelque chose. Tomber sur le Stetson conforte ton impression d'être entré dans un film de Jim Jarmusch. Mais il est où Romain, putain ? Tu portes à la consigne la bouteille de vodka vide.
Il pleut des cordes sur la place Venceslas. L'ancien marché aux chevaux ressemble aujourd'hui plus à une avenue. Romain est bien au sec sous un préau à grignoter des ailes de poulet. Mais il ne redoute pas pour autant de se mouiller. Non, pas plus que d'avoir les doigts tout gras. Non, vraiment, prendre la saucée lui est égal. Le voilà d'ailleurs qui se dirige vers le parc. Traverse la grand-rue sans se presser. La pluie lui glisse dessus comme sur les plumes d'un canard. Il s'assied sur un banc à quelques mètres de l'entrée, non sans quand même avoir tenté d'essuyer les lieux avant d'y poser les fesses. Alors que cesse l'averse, une femme ressemblant fort, trench-coat compris, à Julia Roberts s'approche de lui en pliant son parapluie.
Ça sonne et ça trébuche sur la rive nord de la Vltava. Des grappes de gens, des guitares, un harmonica. Au-dessus du pont au loin, un feu d'artifice. Des klaxons, un type jongle avec des bouteilles. Si les huîtres perçoivent le bruit des cargos, les sacs en plastique ont-ils vent du passage des bateaux-mouches ? Romain est introuvable. Tu remontes sur l'avenue et te procures un hot-dog auprès d'un vendeur ambulant. Avant d'entrer dans un bar au fin fond d'une allée pour goûter pas qu'un peu la bière locale. Murs verts sombres, loupiotes opportunes. Piano rêche et flow velours de Norah Jones — « Oh, I can't help myself, I've got to see you again. ».
Romain dîne avec "Julia Roberts" dans la salle à manger de l’hôtel Europe. Ils ont commandé de la langouste, les salopiauds. Tu connais la suite de l'histoire, tu vas remonter dans le bus de nuit retour avec ton régime de bananes un peu trop mûres. Banane, régiment de bananes à toi tout seul ! Tu n'as plus qu'à mettre le casque, snober Berlin, reprendre Proust, oublier Copenhague, traverser Bruxelles en sens inverse. Bruit de route parfum banane. Le cul bien au fond du siège, la queue certes entre les jambes mais l'esprit libre à la vitre.
[Texte écrit dans le cadre de l’atelier d’été de François Bon : construire une ville avec des mots]
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