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Dépolitiser la littérature met des vies en danger
Permettez-moi de faire au plus simple dans ce billet, parce que je m'adresse essentiellement à des personnes qui, comme moi, à l'époque où je ne comprenais pas ce que le mot "politique" impliquait, n'ont que peu de notions. Si vous souhaitez nuancer mon propos ou partager des ressources, n'hésitez pas à laisser des commentaires.
Cela semble exagéré comme titre ? Et pourtant, il n'en est rien. Depuis que je suis sur les réseaux sociaux, et en particulier dans la sphère littéraire de divers milieux numériques, beaucoup ont clamé haut et fort qu'il fallait "cesser de tout politiser" ou d'arrêter d'évoquer les questions relatives à la place de la politique dans nos ouvrages. Comme si dire que la littérature a un rôle social et politique, c'était prêter trop d'importance, ou trop de sérieux, à "un simple loisir". Chose que beaucoup de personnes pensent, la réduisant ainsi à un rôle unique : celui de nous divertir. Or, notre manière de nous divertir est bien plus politique que vous ne le pensez.
Introduction
Si vous n'en êtes pas convaincu-e, c'est peut-être que vous ne vous êtes pas interrogé-e sur le sujet, ce qui est normal, personne ne l'a vraiment appris. C'est en faisant des recherches, en rencontrant des gens ou en militant qu'on peut en venir à se questionner. Au cœur de notre imaginaire collectif, nous n'avons de cesse de voir partout des domaines relatifs au divertissement être réduits à une seule fonction : divertir. Certes, elle n'est pas négligeable, et elle est tout aussi importante à considérer. Sauf que c'est aussi un moyen de porter des idées. La mentionner chaque fois que l'on parle de politique a été, dans bien des situations, une façon de délégitimer des critiques, qui visaient, entre autres, des idées conservatrices et oppressives. Donc des idées susceptibles de mettre des personnes en danger, car les mettre en avant et les banaliser normalise des violences : le racisme, la misogynie, le validisme, la grossophobie, etc.
Quelques notions
"Discriminations", "oppressions". Voici des formes de violences dont vous connaissez peut-être les noms, ou que vous avez pu lire sur les réseaux. Ce sont des violences basées sur des critères arbitraires qui consistent à marginaliser, exclure, des groupes de personnes du fait qu'elles ne correspondent pas à des normes établies ou à un modèle social défini selon des hiérarchies, et cela varie en fonction des pays et cultures (aux causes et conséquences sociologiques et historiques différentes). Le fait d'être un homme blanc (au sens littéral comme au sens social), cisgenre, riche, valide, neuroT, hétéro, mince, etc fera que vous serez valorisé-e en France par exemple. Il vous sera plus facile d'obtenir un logement, un travail et d'autres avantages, au détriment d'autrui parfois. Pour peu que vous n'entriez pas dans ces critères, et que vous ne faisiez pas partie d'un groupe haut dans la hiérarchie, vous pouvez donc subir des violences. Les degrés dépendent du milieu où vous évoluez en société, de l'exposition à ces dernières, de vos liens sociaux et divers autres facteurs.
Le conservatisme est, d'après le dictionnaire de l'Académie française : "une doctrine ou état d’esprit qui tend à s’opposer à toute modification ou innovation, par attachement aux pratiques traditionnelles ou à un ordre existant". C'est donc un ensemble d'idées qui tend vers le maintien de ces dernières. Dans une société aux pensées conservatrices, il est donc fréquent que les normes, injonctions et modèles soient défendus au point de réprimer des idées qui osent s'y confronter, puisqu'elles sont banalisées et institutionnalisées. Cet "attachement" décrit dans cette définition n'existe non pas que pour la valeur sentimentale des traditions (argument souvent utilisé par la droite et l'extrême droite qui jouent sur les paniques morales et la fameuse "perte des valeurs et de notre identité"). Il est aussi présent parce que conserver ces hiérarchies favorise et avantage des groupes privilégiés (ceux qui sont donc en haut) au détriment des autres par leur exploitation. Il s'agit là d'un rapport de force se trouvant être le résultat d'évènements socio-historiques, et cet ensemble d'éléments (idées, rapport de force et un pouvoir institutionnel et gouvernemental) forme un système.
À présent que vous avez quelques notions, humblement définies, sachez que les idées (vous vous en doutez) ne se présentent pas que sous la forme d'injonctions. Elles circulent à travers notre manière de vivre, et bien sûr, notre manière de se divertir. Et oui. Même l'humour est un vecteur d'idées. C'est parce qu'on normalise certaines blagues, basées sur des clichés oppressifs, qu'elles perdurent. En les réduisant à du divertissement, on minimise et sous-estime l'impact qu'elles peuvent avoir dans nos représentations et elles finissent par perdurer en perpétuant des violences déjà existantes (parfois en les augmentant dans des périodes de tensions politiques, comme lorsque des idées progressistes ou des luttes prennent de l'ampleur ou que des droits sont enfin obtenus).
Dire "ce n'est qu'un récit" quand on parle de littérature en ignorant (volontairement ou non) son rôle politique, cela fait partie de la dépolitisation. C'est-à-dire nier ou retirer dans notre propos le caractère, le rôle et l'impact politique (au sens social du terme) que peuvent avoir des livres. Des personnes vont les lire et des idées seront diffusées à travers ces lectures, d'une manière ou d'une autre. En dépolitisant des sujets qui concernent des vies humaines (souvent des groupes oppressés et discriminés), nous les mettons donc en danger. En dépolitisant la littérature, nous maintenons des idées destructrices.
La dépolitisation de la littérature
Plusieurs auteurices ont présenté des œuvres avec des idées oppressives (participant de fait à des violences visant des groupes de personnes pour leurs origines, couleur de peau, handicaps, identité de genre, religion, orientations romantico-sexuelles, et bien d'autres choses...). Que cela soit volontaire ou non, les mêmes arguments, plus que discutables, sont encore tenaces de nos jours : "ce n'est que de la fiction" ; "mon livre n'est pas politique, il est divertissant" ; "il faut arrêter de tout politiser, c'est juste un récit".
La politique n'est pas détachable de toute sphère ou domaine, car elle les influence en permanence. Elle est présente dans notre langage et nos représentations, d'où l'importance de ne pas négliger sa présence dans la littérature. Certain-e-s pourraient dire qu'il ne s'agit là que de questions culturelles : en réalité, les deux sont très liés. Les cultures se sont construites autour d'environnements, de sociétés, elles-mêmes grandement liées à des évènements et évolutions socio-historiques, comme mentionné plus tôt, qui ont émergé parce qu'elles ont été portées par des idées.
Répandre l'idée selon laquelle il faut différencier politique et divertissement/littérature, c'est passer à côté du rôle que l'on a. C'est aussi dépolitiser notre propre place d'écrivain-e et/ou lecteurice. En tant qu'individu membre d'une société, qui que l'on soit, on porte, diffuse, partage un regard politique sur notre monde de manière consciente et/ou inconsciente. Ignorer cela, ne pas prendre en compte la place que la politique prend dans les milieux littéraires, c'est participer, volontairement ou non, au maintien de violences. Ne pas agir, c'est devenir complice.
Conclusion
Il est vrai que se positionner, agir, sur des sujets politiques, s'éduquer, apprendre, n'est pas toujours chose aisée. C'est un inconfort que l'on doit surmonter si l'on souhaite contribuer à une littérature plus éthique et engagée. L'esprit critique garantit une forme d'autonomie et une liberté de penser, qu'il faut considérer avec sérieux, selon moi, au-delà de l'aspect moral (ce n'est pas un combat entre le bien et le mal). N'est-il pas plus enviable de prendre conscience et comprendre la société dans laquelle on évolue ? Dans les milieux centrés sur l'écriture, on parle davantage de diversité, d'inclusivité, ce qui montre que les mentalités ont évolué et qu'il est possible de surmonter cet inconfort. Il devient moindre grâce au travail collectif réalisé dans nos luttes et nos efforts individuels.
Plus tard, j'envisage de présenter quelques ressources pour compléter ce modeste billet. J'espère qu'il éclaircit un peu plus les enjeux présentés. La dépolitisation touche bien d'autres domaines, alors gardons en mémoire que la politique ne concerne pas que le vote ou les débats.
Merci pour ta lecture, à bientôt pour de nouvelles aventures ! 💜
Si cela vous intéresse, vous pouvez me retrouver sur les réseaux sociaux et lire mes projets publiés ici, à bientôt ! :
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Les crip à l'assault de la ville : l'espace repensé par les luttes antivalidistes est disponible sous ce lien en PDF.
L'article aborde la réalité spatiale des personnes handies, notamment les difficultés à occuper un espace urbain pensé pour les mettre à l'écart. Il parle bien sûr du problème des institutions d'enfermement (IME, Ehpad, ESAT,...), mais plus largement des difficultés à percevoir le handicap comme un enjeu politique. L'une des conséquences étant l'exclusion d'espaces militants et plus généralement sociaux, qui nous sont pourtant vitaux et nécessaires.
Cet article est un extrait du livre Tenir la Ville : Luttes et résistances contre le capitalisme urbain (collectif Asphalte).
"Cet ouvrage entend contribuer à repolitiser la question urbaine pour en faire un enjeu majeur des luttes pour l'émancipation et l'autonomie. Il combine analyses critiques, témoignages et récits de luttes. Si les chapitres appréhendent l'espace urbain comme objet et terrain des conflits sociaux, les contributeurs et contributrices montrent en quoi la question spatiale est indissociable de la question des rapports sociaux (de classe, de race, de genre). Dressant un vaste panorama des combats pour et par l'espace, Tenir la ville critique des projets capitalistes d'appropriation des territoires urbanisés et restitue des expériences de résistance, leurs limites et les conditions de leur succès."
Pour en connaitre un peu plus sur les coulisses de la présentation du livre, je vous invite à lire ce récit, qui représente ironiquement un exemple des mécanismes d'exclusion mentionné dans l'article.
Le PDF du livre au complet.
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Très belle action militante à Lyon
Lyon rend hommage à la résistance palestinienne et au combat honorable de Georges Ibrahim Abdallah.
Le collectif somme l'Etat français de respecter les droits des individus et de le libérer des geôles françaises.
Georges Ibrahim Abdallah est enfermé dans une prison française depuis bientôt 40 ans.
Une nouvelle audience est fixée au 7 octobre 2024 afin de statuer sur sa libération.
Very nice militant action in Lyon
Lyon pays tribute to the Palestinian resistance and the honorable fight of Georges Ibrahim Abdallah.
The collective calls on the French state to respect the rights of individuals and to free them from French prisons.
Georges Ibrahim Abdallah has been locked up in a French prison for almost 40 years.
A new hearing is scheduled for October 7, 2024 to decide on his release.
#france#paris#lyon#videos#video#palestine#gaza#rafah#free palestine#freepalastine🇵🇸#ausgov#politas#auspol#tasgov#taspol#australia#fuck neoliberals#neoliberal capitalism#anthony albanese#albanese government#paris france#paris 2024#paris olympics#vogue paris#save palestine#palestinian genocide#i stand with palestine#all eyes on palestine#palestine genocide#free gaza
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WARNING: This report contains references to killings and graphic violence that some readers might find distressing.
Videos circulating online show the moment militants killed more than 100 unarmed residents digging defensive trenches in Barsalogho, Burkina Faso, last month.
Footage shows those killed lying in trenches dug to protect their town. Satellite images also reveal that extensive new trenches were dug around Barsalogho immediately after the massacre.
According to Collectif Justice Pour Barsalogho (CJB), a collective formed by residents in the aftermath of the attack, civilians were forced by the Burkinabè army to dig the trenches on Saturday morning, August 24, when they came under attack from Al Qaeda-affiliated Jama’at Nasr al-Islam wal-Muslimin (JNIM). Bellingcat was not able to independently verify this claim.
The CJB described the army’s inability to prevent the massacre as a “bitter failure.” The videos filmed by JNIM show militants shooting at unarmed people, and dozens of bodies scattered along the trenches. JNIM claimed it killed 300 people affiliated with the Burkinabè military. The exact number of people killed and wounded has still not been confirmed by the government, with early reports suggesting hundreds were killed. Military officials met with some victims in nearby Kaya after the attack, but neither the government nor the military has been forthcoming about events. More than a week after the massacre, the country’s president Ibrahim Traoré, has yet to release an official statement about the attack, although the Presidential Office released a report on Wednesday outlining that Malian and Nigérien officials had expressed solidarity with the victims. Bellingcat geolocated footage filmed by JNIM militants during the attack and analysed satellite imagery showing the growth of the trenches around the town.
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SVP quelqu'un.e d'autre ici suit les JJR depuis leur création et a vu comme moi leur dérive totale pro-Isr**l depuis le 7 octobre malgré leurs revendications """anticoloniales""" ??? j'aimerais bien savoir quel type de militant est dans ce collectif parce que là ils CRAQUEEEENNT de plus en plus. j'ai besoin d'en parler !!!!!
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Dans le débat sur l'euthanasie on parle d'une clause de conscience individuelle.
Je rappelle qu'un service hospitalier ne fonctionne pas sur des initiatives individuelles mais sur un projet de soins collectif décidé à l'année. Il n'y a pas le médecin du lundi qui fait ceci et le médecin du mardi qui fait celà. Non, on fonctionne en totale cohésion. On dit et fait tous la même chose, sinon c'est source d'incompréhension et de conflits. Et il y a le risque d'être clivés.
Avec mes collègues on n'a pas non plus envie de voir arriver dans le service des euthanasieurs itinérants, comme au Québec, qui viendraient juste faire leur piqûre en nous laissant évidemment gérer toute la partie post décès. (Le beurre, l'argent du beurre, tout ça tout ça...). Et nous ne voulons pas devenir des hôtels qui feraient de l'hébergement en attente de l'injection létale. Il y a déjà assez peu de lits dédiés, autant les réserver à ceux qui veulent bénéficier de ce que l'équipe peut apporter.
D'ailleurs toutes les personnes qui connaissent ce service le disent: ce n'est pas du tout un endroit adapté à l'euthanasie. On n'y travaille pas dans une dynamique de mort programmée, on suit le rythme du patient et tout peut être fait à n'importe quelle heure, rien n'est prévu à l'avance, c'est ça notre dynamique de travail, dont la qualité est reconnue depuis de nombreuses années.
On voit souvent des parallèles avec l'IVG et certains osent même citer Simone Veil...
J'ai du mal à voir le rapport entre l'évacuation d'un fœtus et une injection létale sur une personne vivante.
Ensuite on ne sait pas ce que Mme Veil pensait de l'euthanasie. Et, de façon personnelle, je la vois assez mal militer avec l'admd, mais je me trompe peut être.
Si l'euthanasie est légalisée en France, j'aimerais que les services hospitaliers, notamment les unités de soins palliatifs, qui seront ciblées, puissent bénéficier d'une clause de conscience collective afin de simplement continuer à faire ce qu'elles font bien depuis longtemps sans prendre le risque de s'engager dans quelque chose qui n'aurait rien à voir avec leur activité de base et qu'on pourrait leur reprocher par la suite.
D'ailleurs si l'euthanasie était légalisée on devrait demander aux associations militantes d'ouvrir et gérer leurs propres structures dédiées, ce qui leur permettrait de concrétiser leur militantisme, de ne plus être dans une attente et des reproches vis à vis des soignants et d'assumer ensuite leurs responsabilités.
Si l'euthanasie est une demande sociétale je ne vois pas ce que l'hôpital public vient faire là dedans.
Même si nous n'obtenons pas de clause de conscience collective, la pénurie de médecins aura peut être un impact. Si un chef de service dit "pas d'euthanasie dans mon service" je vois mal la direction de l'établissement prendre le risque de le braquer...
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CHAMPS DE RONCES N°6 Projet éditorial collectif et militant Champs de ronces est un journal autonome de textes et d’images, politiques et poétiques. Il accompagne les luttes, rurales et citadines, et leurs convergences. Il se positionne contre le capitalisme patriarcal, raciste et mortifère. Imprimé en risographie Atelier Mcclane Prix : 2€
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Des scientifiques en rébellion veulent combattre le "mythe de la croissance"
Le collectif écologiste militant composé de scientifiques a lancé un Tour de la décroissance avec le collectif citoyen Growth kills (La croissance tue).
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Les Ami.e.s de la Bourges
Samedi 14 décembre
11h30: AG de l'association Pour l'Avenir de la vallée de la Bourges
12h30 : Soupe, tartines et crêpes préparées par les Ami.e.s de la Bourges, à prix libre
14h : projection du film Alliances terrestres, #STOPA69
L' Association "Pour l'Avenir de la vallée de la Bourges" (nom officiel du collectif des Ami.e.s de la Bourges) vous convie à son Assemblée Générale (Bilan moral, financier, renouvellement des membres et questions diverses autour du combat contre le chantier FMND à St-Pierre-de-Colombier).
S'en suivra, le partage d'une soupe et la projection du film documentaire militant de Isabelle Haëlvoet.
--------------- « Alliances terrestres, #STOPA69 », film documentaire d'Isabelle Haëlvoet, est un documentaire engagé qui nous plonge au cœur de la lutte locale contre l'autoroute A69, mais aussi des luttes historiques et contemporaines contre l'oppression du capitalisme et explore les notions d'autonomie, de subsistance, d'éco-féminisme, de liberté et d'alliances.
Le documentaire ne se contente pas de dénoncer les injustices, il présente également des initiatives alternatives et des solutions concrètes. Des exemples de réseaux solidaires et d'expériences d'autonomie communautaire montrent que la résistance est possible et que chacun.e peut contribuer à la construction d'un avenir plus juste et durable.
Projection à prix libre et ouverte à toustes !
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Assassinat de Samuel Paty : Abdelhakim Sefrioui se déclare en dehors de la "chaine causale"
https://justifiable.fr/?p=2442 https://justifiable.fr/?p=2442 #Abdelhakim #Assassinat #causale #chaine #déclare #dehors #Paty #Samuel #Sefrioui Mardi 3 décembre, la cour d’assises a entendu Abdelhakim Sefrioui. Il encourt 30 ans de prison pour association de malfaiteur terroriste. Alléguant du fait que le terroriste n’a pas vu sa vidéo, il nie toute responsabilité dans l’assassinat de Samuel Paty. Entrée de la salle des grands procès, palais de justice de Paris (Photo : ©P. Cabaret) Cheveux blancs, courte barbe, chemise bleu ciel, Abdelhakim Sefrioui s’apprête à s’expliquer sur les accusations retenues contre lui, ce mardi 3 décembre devant la cour d’assises. « Bien sûr, je refuse l’accusation d’association de malfaiteurs, pour avoir fait une vidéo. Je confirme tout ce que j’ai fait moi-même et je m’expliquerai sur l’intention et les moyens de chaque acte » déclare-t-il à titre liminaire. Peu avant le début du procès, ses avocats avaient organisé une conférence de presse pour expliquer qu’il n’avait rien à voir avec cette affaire. Le temps est venu pour lui de déployer sa défense. La réputation de cet homme de 65 ans, couramment présenté comme un militant islamiste, ne plaide pas en sa faveur dans ce dossier. La cour commence par l’entendre sur sa personnalité et ses activités, ce qui est l’occasion d’aborder plusieurs sujets épineux pour l’accusé. Sa fille a refusé de venir témoigner, invoquant un état de santé dégradé à cause de son père ; le récit de ses déclarations, lu vendredi à l’audience, est glaçant. À onze ans, apprenant qu’elle a ses règles, il l’oblige à porter de voile si elle veut avoir le droit de sortir. Elle évoque surtout par la suite des insultes, il la traite de « maudite », de « juive », ainsi que des violences physiques. Elle raconte ainsi qu’il l’attache sur son lit et la frappe dans le cadre de séances d’exorcisme. Avec calme, Abdelhakim Sefrioui balaie ces accusations. Sa fille a des problèmes psychologiques, comme elle l’avoue elle-même, sans doute dus à la séparation de ses parents. Il prie pour elle. « Le rôle du croyant consiste à réduire la part du mal et augmenter la part du bien » Est-il radicalisé ce père qui aurait voilé sa fille tout juste pubère ? Il s’en défend absolument. « Je suis croyant pratiquant. Ma pratique est basée sur le savoir, les lectures. Il en ressort l’essentiel de l’islam. Le rôle du croyant dans la société consiste à augmenter la part du bien et réduire la part du mal ». En pratique, cela se traduit par la dénonciation des injustices, l’aide des pauvres et aux personnes en difficultés. Islamiste, lui ? Il nie, assurant approuver la laïcité en France « qui permet à toutes les religions de s’exprimer » et va même jusqu’à saisir l’occasion pour dénoncer les injustices commises au nom de l’Islam en Afghanistan. On dit aussi que cet ancien éditeur d’ouvrages musulmans et libraire, qui milite depuis plus de 30 ans, serait proche des Frères Musulmans. En tout cas ce sont les informations de la sous-direction anti-terroriste. Il dément encore, ces policiers sont aussi mal informés que leurs sources, assène-t-il, sûr de lui. Puis il explique doctement : « en France, c’est l’ UOIF (Union des organisations islamiques de France) qui représente les Frères musulmans, si vous saviez ce que je pense d’eux et eux de moi, c’est de la science-fiction. Ils sont hégémonistes et je crois au pluralisme ». Impossible en revanche de nier qu’il a créé en mars 2004 le collectif Cheikh-Yassine du nom du fondateur du Hamas, le jour même de l’assassinat de celui-ci. « C’est un mouvement terroriste », lui rappelle le président. « Mon choix s’explique par le symbole que représente l’assassinat d’un tétraplégique sur un fauteuil roulant. On ne peut pas trouver plus lâche que ça. Ce n’est pas au colonisateur sioniste de déterminer qui est résistant ou pas » explique-t-il. Plus tard, il le comparera à Jean Moulin, « résistant côté français, terroriste pour les Allemands ». À quel titre, intervenez-vous ? l’interroge le président, à propos de ses activités associatives dont on comprend qu’elles consistent souvent à intervenir en soutien de parents face à l’administration scolaire. Réponse : « je représente les sans-voix. J’interviens au nom du droit ». « L’état est impuissant contre mon machiavélisme » Confronté aux nombreux témoins, par exemple le président du Secours islamique de France, qui le décrivent comme un homme dans le conflit permanent, violent, dangereux et radicalisé, il explique sans se démonter un instant que ses détracteurs lui en veulent d’avoir dénoncé des malversations : « Quand il s’agit de justice, je ne connais plus ni père ni mère. Je demande des explications et quand les gens sont outrés et refusent, je deviens le monstre qu’ils décrivent ». « —Quand vous évoquez la « vermine sioniste » et que vous dites « nous demandons de détruire les sionistes », il y a une dimension un peu belliqueuse ? interroge le président. — C’est une prière pour lever l’injustice. En 2017, je suis passé devant le tribunal pour ça, j’ai été relaxé, rétorque l’accusé qui précise : c’est normal, dans une prière, d’appeler la justice divine sur ses ennemis, toutes les religions le font ». — Est-ce que ça vous arrive d’être insultant ? poursuit le magistrat qui cite l’audition de l’imam Chalgoumi. « Ma vie est finie depuis que Sefrioui est entré dans ma vie. Je suis le seul imam au monde qui prêche avec un gilet pare-balles » a-t-il notamment déclaré lors de son audition le 27 novembre. L’imam Hassen Chalghoumi le jour de l’ouverture du procès. (Photo : ©P. Cabaret) — Devant toute la violence qu’il a décrite, il n’y a jamais eu de plainte, et pourtant les policiers qui sont avec lui pourraient témoigner. — Le préfet Christian Lambert dit que votre collectif est derrière chaque conflit, insiste le magistrat… — Si j’étais coupable de violences, pourquoi je n’ai jamais été inquiété ? Est-ce que l’état est défaillant à ce point ? —Le préfet dit : il encourage les gens à passer à l’acte, contribue à créer les conditions du passage à l’acte… —Et combien de passages à l’acte aurais-je inspirés ? L’état est impuissant contre mon machiavélisme » ironise l’accusé. Abdelhakim Sefrioui a réponse à tout, maniant avec une habileté remarquable toutes les techniques rhétoriques. On devine également chez lui une grande maitrise des limites à ne pas franchir pour mener son action politique sans encourir les foudres de la loi. « Je n’étais pas son conseiller » Le président en arrive aux faits qui lui sont reprochés. Lors de son audition lundi (notre compte-rendu ici), Brahim Chnani a expliqué à la barre que tout aurait sans doute été différent si A. Sefrioui n’avait pas été à ses côtés. Il dit qu’il lui reconnaissait une certaine autorité en raison de son âge, de sa fonction au sein du bureau du Conseil des imams de France* et de son expérience de ce type de problème. D’ailleurs, il le vouvoie, tandis qu’ Abdehakim Sefrioui lui dit « tu ». Si les deux hommes aujourd’hui se ménagent, donnant l’image à l’audience de se respecter, sur le terrain de la défense, c’est visiblement chacun pour soi. « Je n’étais pas son conseiller, je suis venu assister avec lui à la rencontre avec la principale » corrige l’accusé dont le discours, tiré au cordeau, s’attache autant à la précision du vocabulaire qu’au déroulé méthodique des raisonnements. L’accusé précise : « Non, je ne l’ai pas encouragé, je ne lui ai pas demandé de porter plainte ». Sa stratégie de défense consiste à ne reconnaître que l’incontestable, à savoir la vidéo qu’il a tournée au collège et mise en ligne le 11 octobre. Ainsi répète-t-il tout au long de la journée comme un mantra que le terroriste n’a pas vu sa vidéo – rien n’indique le contraire en effet -, qu’il n’y cite pas le nom de Samuel Paty et qu’elle a été mise en ligne en fin de soirée le 11 octobre (l’affaire a éclaté le 7), soit quatre jours après que le terroriste a « ficelé son projet macabre ». Elle totalisera 30 000 vues et aucun commentaire, ceux-ci étant fermés. « —Vous estimez que vous n’avez aucune responsabilité dans la chaine causale ? l’interroge la cour. —Non. Je suis à côté de cette chaine ». Le problème, c’est que la justice lui reproche plus que la video : toutes les actions qu’il a menées contre Samuel Paty aux côtés de Brahim Chnina. Un couscous d’amitié Au cœur du dossier se trouvent les caricatures du prophète publiées par Charlie. C’est parce qu’il voulait venger le prophète, qu’Anzorov a assassiné Samuel Paty. Mais c’est pour lutter contre la discrimination des musulmans que Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui assurent avoir agi. Il n’y aurait donc aucun lien entre leur action politique légitime contre l’islamophobie et l’attaque terroriste. Sans surprise donc, l’accusé assure à plusieurs reprises qu’il n’a aucun problème avec les caricatures. Bien sûr elles le blessent, mais il comprend parfaitement que cette liberté en France est absolue et il l’accepte. Le problème, pointent tant le parquet que les parties civiles, c’est que sa vidéo évoque surtout le prophète. À commencer par son titre : « L’islam et le prophète insultés dans un collège public : le vrai séparatisme ». S’il évoque le séparatisme, c’est qu’Emmanuel Macron vient d’annoncer le 2 octobre précédent, dans un discours aux Mureaux, les grandes lignes de sa politique contre le séparatisme islamiste qui donnera lieu à la loi du 24 août 2021. Dans sa vidéo, A. Sefrioui dénonce ce qu’il analyse comme un appel du président de la République à haïr les musulmans. Pour lui, le cours « abject » de Samuel Paty est la réponse d’un « voyou » à cet appel à la haine. On y voit ensuite la fille de Brahim Chnina livrer son témoignage. Et l’auteur de la vidéo de conclure « si on accepte ça, demain on arrivera peut-être à ce qu’il s’est passé à Srebrenica ». C’est une référence au massacre de 8000 bosniaques musulmans en juillet 1995. La vidéo est postée le dimanche 11 octobre à 23h52 sur un nouveau compte, le lendemain matin, il envoie le lien à ses contacts. La prochaine action devait être une manifestation devant le collège, un « couscous d’amitié » selon ses termes. Un exemple parmi d’autres de l’oscillation permanente entre la violence de ses discours et l’affirmation qu’il est un homme de paix. Il s’en explique en avançant que les discours politiques sont par nature outranciers. « Il aurait suffi qu’elle dise à la réunion que M. Paty s’excusait » À la question, maintes fois répétée de savoir s’il était conscient du risque qu’il faisait courir à Samuel Paty, Abdelhakim Sefrioui affirme « non, absolument pas », rappelant au passage que sa vidéo « n’était pas judiciarisable ». Sans doute faut-il comprendre que sans l’attentat, elle n’aurait pu être poursuivie en justice. Puis il n’hésite pas à mettre en cause les forces de l’ordre. Comment aurait-il eu conscience du risque, alors que c’est le collège qui recevait les menaces et que la police, mieux informée que lui, n’a pas jugé bon d’assurer la protection de Samuel Paty ? Comme Brahim Chnina, il estime aujourd’hui que la principale aurait pu sauver la situation, mais pas pour les mêmes raisons. Le père regrette qu’elle ne lui ai pas dit que sa fille était absente au cours. A. Sefrioui quant à lui déclare : « Il aurait suffi qu’elle dise à la réunion que M. Paty s’excusait, retirait la caricature la plus litigieuse, pour que tout s’arrête ». Puis il assure, comme l’avait fait Brahim Chnina la veille, qu’il aurait « aimé être ce soir-là à Conflans pour empêcher ce crime ». C’est peu de dire que les parties civiles peinent à le croire… *Conseil des imams de France : selon la presse, c’est une association créée en 1992 regroupant une demi-douzaine de représentants de mosquées d’Ile-de-France et du Nord. https://www.actu-juridique.fr/droit-penal/terrorisme/assassinat-de-samuel-paty-abdelhakim-sefrioui-se-declare-en-dehors-de-la-chaine-causale/
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Lyon : de faux mineurs isolés originaires d’Afrique étaient des dealers. Leur interpellation dans un squat a été perturbée par un collectif de soutien scandant des slogans contre la police
En remontant la piste des dealers, les enquêteurs découvrent qu’il s’agissait d’individus logeant dans le squat de la rue Henri-Gorjus dans le 4e arrondissement de Lyon. Un coup de filet était organisé ce mercredi, avec l’interpellation de trois personnes de nationalité ivoirienne et guinéenne. L’opération menée mercredi matin dans le squat a été perturbée par des militants d’un collectif de…
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Une dizaine de militants mènent une action contre les jets privés à l’aéroport d’Anvers - RTBF Actus
Source : RTBF
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🚩 COMMUNIQUÉ À PROPOS DE GINO 📜
La France menace d'extrader un militant antifasciste vers une dictature d'extrême droite.
Gino est un militant antifasciste accusé d'avoir violenté des néonazis en Hongrie dans le cadre d'une contre manifestation antifasciste.
La Hongrie est un Etat ultra répressif envers les militants antifascistes et n'hésite pas à utiliser des mandats d'arrêt européen, la France utilise des unités anti-terroristes pour répondre à ses demandes.
Ces images frappantes illustrent parfaitement à quel point, contrairement au fascisme, l'antifascisme est criminalisé.
Gino, n'est pas le seul a avoir été accusé et arrêté dans cette affaire. Ilaria Saris avait elle été arrêté en Hongrie et avait comparue enchainée aux mains et aux pieds après avoir passé plus d'un an à l'isolement !
Un rassemblement de soutien aura lieu ce mercredi 18 décembre, date de l'audience de Gino, à 13h devant le tribunal de la cour d'appel de Paris.
Tous.tes ensemble, exigeons la libération immédiate de Gino !
Free Gino and Free all prisoners !
Free Gino, free all antifas !
Les antifascistes orléanais-es expriment leur solidarité avec Gino et toustes les antifas incarcéré-es
Si vous souhaitez aider le comité de soutien à Gino vous pouvez acheter quelques tirages d'art via ce lien :
https://www.helloasso.com/associations/menilmontant-football-club-1871/boutiques/gino-libero
Tous les bénéfices sont directement reversés au comité de soutien à Gino.
Quelques liens :
https://www.streetpress.com/sujet/1734001637-france-militant-antifasciste-gino-hongrie-mandat-arret-europeen-neonazis-viktor-orban
https://youtu.be/4CCwyZLOYhI?si=MP_rdqgiodRvgDW1
youtube
🇬🇧 France threatens to extradite an anti-fascist activist to a far-right dictatorship.
Gino is an anti-fascist activist accused of having assaulted neo-Nazis in Hungary during an anti-fascist counter-demonstration.
Hungary is an ultra-repressive state towards anti-fascist activists and does not hesitate to use European arrest warrants, France uses anti-terrorist units to respond to its demands.
These striking images perfectly illustrate to what extent, unlike fascism, anti-fascism is criminalized.
Gino is not the only one to have been accused and arrested in this case. Ilaria Saris had been arrested in Hungary and had appeared chained at the hands and feet after spending more than a year in solitary confinement!
A support rally will take place this Wednesday, December 18, the date of Gino's hearing, at 1 p.m. in front of the Paris Court of Appeal.
All together, let's demand the immediate release of Gino!
Free Gino and Free all prisoners!
Free Gino, free all antifas!
The Orléans antifascists express their solidarity with Gino and all the incarcerated antifas
If you want to help the support committee for Gino you can buy some art prints via this link:
https://www.helloasso.com/associations/menilmontant-football-club-1871/boutiques/gino-libero
All profits are directly donated to the support committee for Gino.
Some links in French :
https://www.streetpress.com/sujet/1734001637-france-militant-antifasciste-gino-hongrie-mandat-arret-europeen-neonazis-viktor-orban
https://youtu.be/4CCwyZLOYhI?si=MP_rdqgiodRvgDW1
youtube
Via Collectif Antifasciste Orléans https://x.com/OrleansAntifa/status/1869012281683824728?t=l3VJjv7whQk1uR1bzLXhOA&s=19
t.me/primalinea161
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Bon apparemment, Lucie Castets c'est la fondatrice d'un collectif qui milite pour un service public de qualité. C'est ce collectif qui avait mis en lumière notre thune reversé en abondance dans le cabinet McKinsey.
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Appel à rassemblement pour la Jeunesse sans papiers - L'agenda Militant Indépendant
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