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#Servais Ribeaucourt
selidren · 1 year
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Printemps 1906 - Champs-les-Sims
4/19
Voyant cela, Grand-Mère s'est bien sur pressée de mettre sur pieds le mariage de la décennie. Selon ses propres mots, on ne marie pas l'héritier de la famille Le Bris tous les jours. Si Constantin s'est vite agacé par son attitude enjouée et pressante, je la comprends quand à moi. Mis à part Tante Daphné, Grand-Mère n'a jamais pu marier ses enfants comme elle l'aurait souhaité. Oncle Matthieu s'est uni contre le gré de sa mère dans la clandestinité, ma Mère, durant la brève période où elle fut héritière, n'a jamais eu cette chance, et Tante Lucrèce n'était de toute évidence pas candidate au mariage.
Je me demande où elle est aujourd'hui. Et repenser à elle ainsi me remplit de tristesse. Son départ m'a en quelques sortes coûté une autre mère. J'aimerai simplement savoir si elle va bien.
Mais peut importe. Tous ces préparatifs ont cependant été subitement mis à l'arrêt par un tragique événement : la mort subite de Servais, mon beau-père. Comme vous le savez peut-être, il était instituteur de la République et enseignait aux enfants du village à l'école publique. En pleine leçon de morale, il a soudainement été pris d'une douleur au coeur et s'est effondré devant ses élèves. Son coeur s'est simplement arrêté de battre et les pauvres enfants ont assisté impuissant à son décès. Mon petit Alexandre, qui avait alors sept ans, était de ceux-là, et comme les autres, il a vécu à cette époque une passe très difficile. Moi qui espérait préserver mon fils le plus longtemps possible, le Seigneur lui a envoyé cette épreuve malgré tout. Rassurer mon fils a pris toute mon énergie et a convaincu Grand-Mère de mettre une halte temporaire aux préparatifs du mariage.
Transcription :
Alexandre : Qu'est-ce que vous étudiez Tante Rose ?
Rose : Un essai du Docteur Camille Guérin. Il étudie la tuberculose et j'espère pouvoir un jour être à sa hauteur.
Alexandre : C'est un bon médecin ?
Rose : C'est un vétérinaire.
Alexandre : Pourquoi lire le livre d'un vétérinaire si vous voulez soigner des êtres humains ?
Rose : Car il serait idiot de penser que ce qui atteint nos animaux domestiques ne peut nous atteindre nous. Ses travaux aideront beaucoup de gens, j'en suis sure.
Alexandre : Vous voulez dire que quand le chien de Cousine Jeanne m'a mordu, il aurait pu me transmettre une maladie ?
Rose : Peut-être. Tu as bien nettoyé la plaie ?
Alexandre : Je ne me souviens plus. C'est Maman qui s'en est chargée, en tous cas, ça m'a fait très mal. Ensuite, elle a mis un produit très désagréable dessus et elle a bandé ma main.
Rose : C'est bien, c'est important de bien nettoyer un plaie, c'est un mode de transmission très commun de l'animal à l'homme.
Alexandre : Tant mieux... mais si ça a été mal fait, il faudra me couper la main ?
Rose : Pour éviter la nécrose, il faut amputer parfois oui.
Eugénie : Enfin, Rose !
Eugénie : Veux-tu cesser de raconter ce genre de choses à cet enfant ? Inutile de le troubler davantage.
Rose : Il pose des questions Grand-Mère, et il déteste qu'on élude le sujet. Lui mentir ne serait pas lui rendre service.
Eugénie : Seigneur, qui te demande de lui mentir ? Contente toi d'atténuer certaines réalités. Lui parler de maladie, d'amputation... Tu veux lui faire encore plus peur ? Des fois je me demande si ton frère n'a pas déteint sur toi.
Juliette : Il parle beaucoup de la mort en ce moment.
Eugénie : En tous cas, faisons notre possible pour qu'il sorte apaisé de cette épreuve. Donc, plus de discussion sur la tuberculose ou que sais-je encore.
Juliette : Si il te pose des questions, parle lui plutôt des remèdes Rose. Des vaccins, des gens qui guérissent miraculeusement du cancer. C'est ce que je fais, et je l'entends moins pleurer la nuit.
Eugénie : Remercions le ciel dans ce cas, et espérons qu'il n'ait plus jamais à voir la mort en face.
Eugénie : Et stoppons cette affreuse discussion. Il est temps d'évoquer les fiançailles de Rose.
Juliette : Ah, tu vas enfin te fiancer avec Zéphir ? Et tu ne me l'avais même pas dit ?
Rose : Parce qu'il ne s'est encore rien passé. Zéphir et moi prenons notre temps.
Eugénie : Tu sais que ce n'est pas prudent ma petite. Je ne suis pas rassurée que tu vives ainsi à la ville chez ton cousin tout en étant célibataire. Je préférerai te voir avec un mari au bras...
Rose : Plutôt que je ne m'enfuisse avec un de mes camarades de classe. Pourquoi attendez-vous toujours le pire de moi Grand-Mère ?
Eugénie : J'ai confiance en toi, ce sont tous ces hommes avec lesquels tu étudie qui m'inquiètent. Leur esprit doit être rempli de mauvaises pensées en te voyant.
Juliette : Il faut épouser Zéphir alors ! Avec une bague à ton doigt, ils arrêteront de te regarder. Le problème serait réglé n'est-ce pas ?
Eugénie : Tout à fait ma chérie. Si seulement ta soeur faisait preuve de la même jugeote que toi.
Rose : Mais enfin, arrêtez de monter en épingle la moindre de vos idées... Je ne risque rien en étudiant avec eux, et aucun ne me regarde. Ils regardent le professeur et prennent des notes. Ils sont comme moi venus étudier, pas pêcher la demoiselle comme on ramasse une prostituée dans la rue.
Eugénie : Rose !
Juliette : Qu'est-ce qu'une prostituée Grand-Mère ? Rose en est-une c'est cela ?
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selidren · 2 years
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Eté 1894 - Champs-les-Sims
4/12
C’est encore elle qui a demandé à Tante Madeleine de venir visiter Grand-Mère afin qu’elle ne se tourmente pas le jour durant. Les petites ne suffisaient cependant pas. 
Tante Madeleine n’est plus, selon ses dire, la jeune première naïve qu’elle était lors de son mariage. Je l’ai toujours connue avec ce visage à la fois bon et sévère et les cheveux gris. Et on m’a souvent parlé de sa vie, qui a été émaillée de chagrins et de déceptions. C’est sans doute pour cela qu’elle et Grand-Mère s’apprécient tant. Elle eu bien du mal à concevoir un enfant, et dès son fils né, la maladie lui prit son mari. Elle éleva Cousin Servais du mieux qu’elle put, se consacrant à la gestion des affaires familiales et à des bonnes oeuvres. Tante Lucrèce avait coutume de dire qu’elle avait toujours voulu une fille, et c’est pour cela qu’elle accueillit sous son toit plusieurs jeunes filles désargentées pour leur donner une éducation correcte. C’est ainsi que notre cousin séduisit une de ces jeunes filles et lui fit un enfant à son insu, si bien qu’on ne le découvrit que le jour de la naissance. Tante Madeleine a depuis des rapports très difficiles avec son fils, mais c’est elle qui a en partie élevé ses quatre petites filles. 
Transcription : 
Eugénie : Vous êtes bien gentille d’être passée.
Madeleine : J’ai accouru très chère. Il m’était désagréable de songer à vous ici, seule à vous ronger de mauvaises pensées. Je suis certaine que ce n’est rien.
Eugénie : J’ai si peur Madeleine... Imaginez qu’il s’agisse de...
Madeleine : N’en parlons pas Eugénie. Je suis ici pour vous distraire, souvenez vous ! Où se trouve Adelphe ?
Eugénie : Il était à Paris la semaine passée. Mais il m’a envoyé une lettre samedi dernier pour m’annoncer qu’il devait pousser ses affaire jusqu’à Bordeaux. Il sera de retour après-demain.
Madeleine : Vous devez être si fière ! Quel âge a-t-il déjà ?
Eugénie : Tout juste dix-neuf ans. Et oui, je suis si fière de lui.
Madeleine : Vous pouvez l’être. Grand Dieu, quand je songe qu’au même âge, au lieu de saisir l’héritage de feu mon mari, Servais s’évertuait à déflorer ma jeune protégée... Je pense qu’une malédiction pèse sur les hommes de notre famille, et je suis heureuse de voir que ce jeune homme en a été dispensé.
Eugénie : Malédiction, comme vous y allez. Quand à lui, mon petit Maximilien...
Madeleine : Eugénie ! Je vous en prie, n’y pensez plus...
Eugénie : Je... oui... Mais ne soyez pas si dure avec votre fils. Il est rentré dans le rang et est même devenu instituteur. Ce n’étaient là que des erreurs de jeunesse.
Madeleine : Si seulement c’était aussi simple. Son “erreur” comme vous l’appelez, a privé d’héritage l’aînée de mes petites filles, et condamné ma chère Michelle à un mariage sans amour. Il ne s’en est même pas repenti, et tout juste s’est-il fendu d’une mine embarrassée quand Baptistine a annoncé que son seul avenir était dans les ordres. Et regardez qu’il a maintenant promis la main de Marie à l’homme qui vous persécute sans que j’y comprenne rien !
Eugénie : Je vous en conjure ma chère, n’en gardez pas trop rancune à votre fils. J’en ai moi-même fait l’amère expérience. Et qui sait, peut-être pourrons nous le faire changer d’avis.
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selidren · 1 year
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Printemps 1804 - Champs-les-Sims
3/3
Il faut également souligner qu’Alexandre est désormais un garçon de sept ans qui n’a plus vraiment besoin de la vigilance constante d’un adulte. C’est très étrange de relire ces lignes et de réaliser que mon fils a déjà sept ans, qu’il sait lire et va à l’école. Ma propre enfance ne me semble vraiment pas si loin pourtant. Il me ressemble énormément, et Grand-Mère s’émeut souvent en disant retrouver dans ses traits ma mère ou Oncle Matthieu. Il a cependant hérité de la flamboyante rousseur des Le Bris. 
Je passe beaucoup de temps avec lui quand je le peux. J’aime l’aider dans son travail scolaire et ambitionne pour lui de l’envoyer à l’université comme son oncle Constantin. C’est un projet que soutient son instituteur et grand-père, Servais Ribeaucourt (oui, les choses sont ainsi, et Marie n’en est pas ravie). Mon beau-père n’ayant pas de fils, je pense qu’il projette sur Alexandre des ambitions qu’il n’a jamais pu satisfaire. Ce sera bien sûr à mon fils de décider de son avenir, je ne fais qu’espérer le meilleur pour lui. Le modèle de Rose semble être important pour lui : comme sa Tante passe le baccalauréat et que cela est un événement très attendu, il passe son temps à claironner qu’il fera comme elle. Juliette prenant également cette voie, je pense qu’il est attendu que bientôt tous les descendants Le Bris deviennent bacheliers, ce qui me rendrait très fier. 
Je ne puis partager avec vous autre chose que ma félicité paternelle et conjugale et j’espère qu’elle vous a touché autant que moi.
Avec toute mon amitié, 
Votre cousin, Adelphe
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selidren · 2 years
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Eté 1885 - Champs-les-Sims
2/2
TW : Racisme
Vous me demandiez si Constantin ne rendait compte du désintéressement de son père. Je pense que oui, car il est déjà très intelligent et que la seule raison qui a pu le pousser à lire un tel ouvrage, lui qui ne s’intéresse qu’à l’histoire et aux sciences naturelles, et que mon frère le trouve de mauvais conseil.
Cependant, malgré son esprit bien fait, mon neveu n’a évidemment pas bien compris la teneur du livre de Monsieur Lafargue. Cela aurait pu s’arrêter là si cousin Servais n’était pas arrivé, un beau matin, fortement agacé après une conversation qu’il nous a rapportée comme fort peu agréable avec le Père Petit, le prêtre de notre paroisse ayant succédé à Oncle Pierre Aimé. Après ses déboires, Cousin Servais s’est en effet racheté une réputation et Tante Madeleine a usé de son influence. Il est aujourd’hui l’instituteur du village et il prend son rôle très au sérieux. Il est donc venu nous expliquer de quelle façon Constantin et une de ses camarades, la petite Thérèse (notre village est si petit qu’il n’y a qu’une seule classe, ce que je trouve également déplacé, mais qu’y pouvons nous ?), ont commencé à raconter que le Père Petit essayait d’abrutir nos aimables paroissiens avec le christianisme pour les rendre idiots. La plupart des enfants de son cours auraient été horrifiés à l’idée de devenir bêtes. Certains ont réclamé de ne plus aller à la messe et d’autres se mettaient à pleurer quand le pauvre Père Petit s’approchait d’eux. 
Maximilien n’a que peu apprécié la “farce”, comme il s’évertue à l’appeler, et a très mal pris le fait que ce soit son propre fils qui soit à l’origine de tout cet émoi. Le Père Petit s’est montré clément et n’a donné qu’une petite pénitence à Constantin, mais Maximilien a été d’une grande sévérité. Il a fait à son fils un très long sermon sur la nécessité de ne pas se montrer trop orgueilleux et a conclu par une remontrance très sèche sur sa honte d’être ainsi humilié par son propre fils. Constantin se montre assez taiseux depuis, et mon frère ne lui adresse pour ainsi dire plus la parole. Fort heureusement, Adelphe se montre très prévenant avec son cousin, et il passent énormément de temps à jouer ensemble, ce qui, je l’espère, pourra faire oublier à Constantin cette mauvaise expérience. Au vu de tout ce que je sais des déboires de Matthieu, et du fait que, selon Mère, Père a eu son compte de tensions avec Grand-Père, il semblerait que ce soit une malédiction familiale. Il ne semble pas vraiment y avoir d’espoir pour nous. J’espère sincèrement que Virgil s’assagira. 
Veuillez agréer l’expression de mon affection et de ma sollicitude la plus sincère, 
Votre cousine, Lucrèce
P.S : Il semblerait que Mère ait subtilisé l’objet du crime pour le soustraire à la vue de Maximilien. Ou peut-être est-elle effrayée à l’idée qu’Adelphe mette à son tour la main dessus (elle n’aime pas beaucoup plus les socialistes que mon frère). Clémence est très déçue, je vais devoir lui lire autre chose.
Transcription :
Constantin : Et c’est pour cela que je pense que tu ne devrais pas écouter tout ce que dit le curé durant la messe ! Il veut que tu deviennes une esclave et du coup il te fait rentrer des idées dans la tête pour que tu deviennes bête et que tu crois tout ce que tu entends. D’ailleurs, je pense demander à Maman de me dispenser de messe, je ne veux pas devenir bête.
Thérèse : Je ne pense pas que ce soit vrai. Le Père Petit est très gentil, il me dit souvent que je dois bien travailler à l’école pour apprendre des choses comme les enfants intelligents.
Constantin : C’est un stratagème pour te manipuler, il te fait croire qu’il est gentil comme cela tu crois tout ce qu’il dit. Comme cela, il te dira une ânerie et tu le croiras. Tu seras devenue bête. 
Thérèse : Ne t’inquiète pas pour moi. Si un jour je deviens bête, je pense que je m’en rendrai compte. 
Constantin : Bien sûr que non. Monsieur Lafargue dit que les hommes primitifs sont encore bons car ils n’ont pas été corrompus par le christianisme, le syphilis et le dogme du travail. Nous vivons sous l’influence des prêtres depuis... et bien... très longtemps, donc on s’est fait avoir sans s’en rendre compte.
Thérèse : Qu’est-ce que le syphilis ?
Constantin : C’est un mot savant. Il veut dire... la monarchie ! Quand nous avions un roi, nous étions vraiment des esclaves. Sans le syphilis, nous avons pu commencer à nous libérer. Maintenant, il faut nous libérer des prêtres et du travail.
Thérèse : Mais nous devons travailler pour vivre ! Si Papa ne fait pas les moissons, qu’allons-nous pouvoir manger ?
Constantin : Ce n’est pas la même chose. Monsieur Lafargue dit que seuls les ouvriers sont devenus fous à cause du travail.
Thérèse : C’est vrai que je me demande bien qui peut avoir envie de travailler dans les usines. Elles sont bruyantes et les cheminées relâchent une fumée qui sent vraiment mauvais.
Thérèse : Cela signifie que les ouvriers sont des esclaves ?
Constantin : Oui, c’est ce que je pense. C’est pour cela, n’écoute pas le prêtre, il veut te faire arrêter l’école pour que tu deviennes une esclave dans les usines.
Thérèse : Il ne sait peut-être pas ce qu’il fait. C’est un prêtre, il a aussi été corrompu par le christianisme et le syphilis. Il est devenu bête.
Constantin : C’est sans doute cela. Et il diffuse sa bêtise aux paroissiens sans qu’ils ne s’en rendent compte !
Thérèse : Il faut prévenir les autres, pour ne pas qu’ils deviennent à leur tour bêtes et quittent le village pour aller travailler dans ces horribles usines.
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selidren · 3 years
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Printemps 1868 - Champs-les-Sims
4/4
Lucrèce semble quand à elle se résigner. Mère lui a commandé une machine à coudre Singer, une américaine parmi les meilleures du marché. Car bien que ma soeur soit une pianiste remarquable, Mère espère occuper à tout instant son esprit pour que Lucrèce oublie sa maladie. C’est une intention louable, mais je doute qu’il soit possible d’oublier qu’on est condamné à rester enfermée sa vie entière. 
Puisqu’il est question de distraction, laissez moi donc vous entretenir de la dernière affaire qui secoue notre village. Puisque l’affaire Lantier a fini par s’essouffler et n’intéresse plus guère que Barbois et De Chastel, le peuple s’est rué sur le nouveau scandale, qui est d’autant plus croustillant qu’il s’est déroulé sous le toit de ma tante Madeleine. Chez vous, on s’écharpe au sujet de la politique. Chez nous, où notre empereur bien-aimé a réquisitionné le pouvoir, nous nous contentons de drames de moeurs. Nous parlons généralement peu de politique.
Ne croyez pas que je critique ma tante, c’est une femme remarquable qui a élevé seule son fils unique, ne s’est jamais remariée et a géré le domaine Ribeaucourt avec une forte poigne. En revanche, son fils Servais est un ingrat consommé qui n’a pas conscience des sacrifices de sa mère. Elle avait pris sous son aile une des petites filles de feu le docteur Musclet, Michelle la plus jeune soeur de la fratrie, tenant à lui donner une bonne éducation que ses parents ne pouvaient se permettre de lui donner (je vous passe les nombreux noeuds juridiques qui ont émaillé la succession du pauvre docteur et durant lesquels son aîné s’est révélé un véritable pingre). Je pense qu’elle a sans doute vu en cette petite la fille qu’elle n’a jamais eue. Le fait est que Servais a jeté son dévolu sur Michelle. Et à la surprise générale, la pauvre enfant s’est plainte un jour de vives douleurs au ventre et a accouché sans prévenir d’une petite fille. Il parait que cela arrive parfois, même si c’est rare. Et voici donc Servais, le fils de la plus sainte femme du village, qui se retrouve père d’une petite née en dehors des liens sacrés du mariage. Les familles sont commencé à se déchirer et les deux amants semblent encore sous le choc, la pauvre Michelle en particulier. Le baptême a eu lieu en catastrophe, mais vous savez comme mon oncle Pierre-Aimé a grand coeur et se soucie avant tout du bien être de l’enfant. (Car ne vous avais-je que mon oncle a été nommé curé de la paroisse après le départ du précédent, sous l’influence de De Chastel semble-t-il. Il ne cessera jamais de me surprendre.) L’enfant se nomme Baptistine. Il me semble évident que les deux doivent se marier et je me demande bien que ce Servais attend pour mettre le genoux à terre. Comme a son habitude, Père a émis un jugement péremptoire. 
Entretenez moi donc de vos filles et de votre merveilleuse épouse si moderne, je serai intéressé d’ailleurs par son avis sur l’affaire. 
Avec l’expression de mes salutations les plus distinguées, 
Votre cousin, Matthieu
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selidren · 2 years
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Automne 1883 - Champs-les-Sims
12/12
Adelphe a eu huit ans cette année. Sa ressemblance avec sa mère nous trouble un peu plus chaque jour, comme si son géniteur n’avait même jamais existé et que feu ma soeur l’avait conçu seule. C’est un garçon déjà brillant et studieux, je supervise moi-même son travail quand il rentre de l’école. Comme vous le savez, son éducation est notre affaire à tous. Bien que cet enfant n’ait ni père ni mère, il est sans doute celui qui bénéficie du plus grand nombre de figures parentales que je connaisse. Ses attitudes quand à elle me rappellent Matthieu, tant il est posé, bienveillant et parfois candide. Je pense que vous adoreriez le connaître. 
Je vous en avait déjà touché un mot, mais j’aimerai revenir dessus pour vous demander conseil. Maximilien porte un intérêt tout particulier à Adelphe. Il vérifie son travail, veille à ses bonnes manières, s’entretient régulièrement avec Cousin Servais qui lui fait la classe, et l’emmène souvent avec lui pour lui montrer comment fonctionnent nos pressoirs. Ce qui n’était qu’une intuition est devenue pour moi une certitude désormais : mon frère néglige son propre fils au profit de notre neveu. Tout le monde l’a remarqué, mais Clémence n’ose en parler à Maximilien et Mère fait mine de ne rien voir en assurant que quand Constantin sera plus grand, il prendre enfin de l’intérêt aux yeux de son père. Constantin est encore jeune, mais Clémence et moi craignons qu’il ne souffre un jour du manque d’amour paternel. Je ne sais que faire, et quand j’ai tenté d’aborder le sujet avec mon frère, il s’est contenté d’éluder. Vous êtes le seul père de famille que je connaisse réellement, auriez vous une idée de la nature de ce désintérêt et des conseils à m’adresser ? Ne me destinant pas à la maternité, j’ai une grande inquiétude pour l’avenir de mes neveux. 
Avec l’assurance de mes salutations les plus respectueuses, 
Votre cousine, Lucrèce
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selidren · 3 years
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Eté 1870 - Champs-les-Sims
1/4
Très cher cousin, 
Nous sommes en guerre. Moi qui déplorais de ne pas vous entretenir de nos petites affaires politiques françaises, face à votre fier Canada qui obtient enfin son indépendance, me voici donc malheureusement exaucé ! 
Les journaux spéculaient depuis quelques temps déjà sur une possible guerre avec la Prusse. Il y a de cela une semaine, les crédits de guerre ont été voté. Puis des troubles à Paris sont apparus et des idiots ont crié à la déclaration de guerre sans que notre empereur ne le contredise (on le dit d’ailleurs malade) et finalement, la nouvelle est tombée. Ce n’est certes pas la première fois que je connais une guerre, mais elles étaient jusque là lointaines, sans grande tangibilité selon nos opinions de petits provinciaux. Celle-ci semble d’une évidence folle, à croire que chacun l’appelait de tous ses voeux. Je ne suis guère un brave homme comme vous le savez, et cela fait peut-être de moi un lâche, mais je considérerai toujours que ceux qui souhaitent la guerre sont des idiots ou des fous. J’ai peur que cela ne finisse par se retourner contre nous. 
Enfin, ces réalités sont encore loin de nous. Nous sommes ici bien plus préoccupés par nos petites affaires. Le scandale a été presque évité : le jour même où l’empereur engageait notre pays dans une guerre, mon cousin Servais épousait enfin cette pauvre Michelle. Je sais, il leur aura fallu près de trois ans depuis la naissance de leur fille bâtarde. Je sais que ma tante a très sèchement recadré son fils, mais ils se sont fâchés. Il est de notoriété publique que Servais a délibérément repoussé la date du mariage, s’il n’a pas tout simplement tout fait pour l’empêcher, même si la raison ne peut être que spéculée. La rumeur raconte que Michelle serait à nouveau enceinte, mais je n’y crois guère, ma tante a bien mis la jeune femme hors de portée des griffes de mon cousin dès la naissance de leur fille. L’avenir qui attend cette jeune femme me parait bien triste, mais c’était hélas la seule solution. Aurais-je été plus courageux, j’aurai moi-même lancé son poing dans la figure de mon cousin. Je me félicite heureusement de voir dans mon arbre généalogique des parents bien plus vertueux, tels que vous.
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