#Fenêtre sur la nuit aux deux plantes
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Pierre Lesieur (French, 1922-2011) - The Window at night with two plants (Fenêtre sur la nuit aux deux plantes), 1983
Oil on canvas, 190 x 160 cm
#Pierre Lesieur#The Window at night with two plants#Fenêtre sur la nuit aux deux plantes#art#paintings#interiors#fine art#nighttime#1980s#oil on canvas#french art#french
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[Who planted the dark seeds of your dreams?]
XIII - La Marche Triangulaire
Environ deux semaines plus tard, les livres sont arrivés. Deux grosses briques. C'était vraiment un plan formidable.
Je dois dire que ce sont de très belles rééditions. Comparé à l'article que j'ai imprimé, par exemple, les illustrations sont incroyablement claires, comme si quelqu'un avait voyagé dans le temps et scanné la première édition. Clair, seulement visuellement. Leur signification n'était certainement pas claire. Stéganographie surtout était jolie, avec ses instructions détaillées pour invoquer les esprits.
Le processus de traduction (Stéganographie était en latin) a été lent, mais il est vite devenu évident que les livres ressemblaient essentiellement à l'écriture d'un fou, et je savais qu'il y avait même une autre couche de folie cachée ou cryptée dans le texte. J'étais entouré de notes sur papier, d'articles, de livres, comme un vrai fou moi-même. Et comme tant de fois ces derniers mois, j'étais perdu.
Eh bien, les livres n'étaient pas utiles pour résoudre le puzzle, mais j'ai découvert que c'étaient de très bons oreillers. Un nuit, la traduction m'endormait et je me suis réveillé avec mon visage collé sur Polygraphie. L'article que j'ai imprimé, qui contenait une copie de la couverture du livre, était juste à côté. En regardant la couverture de si près (peut-être de trop près), je l'ai finalement vu. Les clés.
Dans l'article, l'homme tenait deux clés, mais dans le livre, c'était trois. Au début, je pensais que la photo dans l'article était simplement dégradée, mais il y a beaucoup de numérisations haute définition en ligne, et toutes contenaient deux clés, pas trois. Le description partout était: "Trithème, s'agenouillant et présentant son livre à l'empereur Maximilien. Derrière lui, Haselberger détient deux clés." C'est très subtil, mais quand regardé côte à côte, c'est si évident. Au lieu de deux clés, dans mon exemplaire, j'en ai vu trois.
Tout le reste était pareil. J'ai jeté Polygraphie de côté et coincé mon nez dans Stéganographie.
C'était beaucoup moins évident, mais je l'ai trouvé. Partout, la porte avait deux fenêtres, mais dans chez Mars Éditions, il y avait trois:
Clefs altérées, portes altérées. Dans quel but ? Quelque chose de si subtil, si caché devait être important, mais pourquoi ? Trois : un nombre sacré et magique. Une trinité.
Je suis retourné à Nuit Sans Fin et j'ai recommencé depuis le début. En pensant au chiffre 3, pour la première fois, le triangle de la première page (le triangle réapparu sur la dernière page) m'a semblé important. Ensuite, je suis revenu aux livres Trithème et au chiffre expliqué dans l'article. Pour dériver l’incantation, on prend la deuxième lettre d’un mot sur deux. Le nombre critique ici est donc 2. Deux. Deux clés. Deux fenêtres. Mais ce chiffre n'a pas fonctionné. Peut-être que le nombre qu'on cherche n'est pas deux, mais trois. Trois clés, trois fenêtres. Trois, le nombre sacré. Le numéro du triangle. Peut-être qu'on doit prendre chaque troisième lettre de chaque troisième mot dans Nuit Sans Fin ? Qu'une seule façon de le savoir.
Cet esprit ondulant Ce voyageur capuchonné Qui existe odieusement ailleurs Vous vagabondiez et elle fantasmait Elle a cultivée, avec les philosophes une incantation évidente Pour les lucifuges Pour les moqueurs Ce fantôme fieffant Loin des fadasseries terrestres et badines Ils se perchaient Les cormorans aporétiques Une plaine vaste
Le résultat:
daphnisegoinsilvishincusqueadsideranotus
Mon cœur battait à tout rompre. J'ai immédiatement reconnu le nom Daphnis du tableau Et In Arcadia Ego et j'ai su que c'était la clé.
J'ai répété ce processus depuis le début du livre et suis arrivé au paragraphe suivant après avoir rempli là où je supposais que les espaces et les ponctions devaient se trouver :
Après être arrivé au lieu où se confondent existence et non-existence, une porte verte est apparue, invoquée là depuis les plaines pastorales de la plus ancienne Arcadie. J'ai chanté à la porte ces paroles qui précédaient les ténèbres : Daphnis ego in silvis, hinc usque ad sidera notus.
J'aurais dû être heureux que tout ce qui avait conduit à ce moment n'était pas une coïncidence après tout, mais tout à coup, j'ai été terrifié.
#s36e03 sicilian and seafood#guy fieri#guyfieri#diners drive-ins and dives#i tego arcana dei#terra incognita
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Bog’s blog 31
Hello les vacanciers,
J’espère que vous avez réussi à vous réfugier en montagne avant l’arrivée des vagues de chaleur. Ici, une fois n’est pas coutume, il pleut. Ce matin, on est allé chercher les chiffres pluviométriques sur google par curiosité. Il s’avère que que fin mai, 90% de notre cota pour l’année nous était déjà tombé dessus. En janvier, ils ont enregistré 1080mm de pluie à l’aéroport d’Auckland (soit 4 fois plus que le moyenne) dont 260mm qui sont tombé en 6h. Je reparle de la météo un peu chaque semaine parce que ça a quand même un petit impact sur notre vie. Je vais vous décrire un peu l’ambiance à la tiny en ce moment : n’ayant pas de chauffage, on a du mal à chasser toute cette humidité de la maison et la rendre bien cosy. Les températures sont douces mais les choses prennent du temps à sécher. C’est compliqué de faire la lessive parce qu’il pleut toutes les 30min, littéralement. On a l’impression de vivre dans un marécage tellement il y a de l’eau qui reste en surface. Je ne sors d’ailleurs plus sans mes bottes en caoutchouc même si c’est vraiment pas les chaussures les plus pratiques. Je n’ai plus de poil au niveau de mon mollet à cause du frottement. J’ai creusé des tranchées dans le jardin pour essayer de drainer un peu la zone mais je les ai rebouchées par inadvertance en travaillant sur notre système de traitement d’eau usée. La pluie constante rend les activités d’extérieur impraticable (grimpe et marche). Pour ce qui est du kite et surf, Kate n’est pas trop chaude de sortir en plein hiver. En plus, apparemment il y a un grand requin blanc à Port Waikato en ce moment. Je n’ai pas check cette histoire mais ça a fini d’éteindre notre faible motivation. Voilà pour les difficultés qu’on rencontre au niveau météo mais, comme vous le savez, après la pluie vient le beau temps. Je pense que le vent va bientôt tourner.
Ça nous a motivé pour rester à la maison et finir nos projets. Je pense vraiment que la liste s’amenuise. Les deux derniers weekends, en plus de s’occuper de notre jardin (et traitement d’eau usée), nous nous sommes occupé de l’escalier pour accéder au jardin, du filtre de séparation des graisses, de notre table de BBQ, du ponçage des tiroirs du meuble de la chambre, de l’huilage de la cuisine qui avait souffert suite à la poussière générée par le ponçage du plan de travail en époxy, des étagères pour des plantes en pot dans la chambre, des semis pour le potager, …
On doit encore finir la table pour le BBQ et j’aimerais également faire une étagère amovible que je peux accrocher aux châssis de la fenêtre pour mettre les semis à l’étage (qui est exposé au nord = soleil dans l’hémisphère sud) tout en pouvant fermer les stores (la nuit). Je mettrai des photos dès que je l’aurai construit mais pour l’instant c’est toujours au stade de prototype. Il devra attendre par contre parce qu’après nos deux jours traditionnels à Te Aroha avec Kate, on va tout droit à Kaitaia pour 4 jours après un petit arrêt à la salle d’escalade. On va pick up Jasper (le cousin de Kate) sur le chemin et Jamie est déjà là-bas. Mais ça c’est une histoire pour la semaine prochaine.
Autre évènement notable de cette semaine est l’arrivée des résultats de mon test d’anglais. J’ai obtenu les points requis pour mon équivalence mais juste ! Surtout l’écriture. Je suis habitué de passer par la petite porte. Certain dirait que c’est par paresse, moi je leur répondrais que c’est pour garder le suspense jusqu’au bout. Lorsque j’ai reçu le mail pour m’annoncer que mes résultats étaient dispo vdd, j’avais bu deux café à jeun et j’ai faillit avoir une attaque. Heureusement que mon cœur est bien entrainé (pas au stress mais à l’effort sportif). Le temps que je réussisse à régler les problèmes de connexion et de compatibilité, le stress est retombé à des niveaux supportables. Malheureusement, c’était une fausse alerte mais ils allaient être upload dans la journée. J’ai refresh la page toutes les 15 min jusque fin d’aprem. Je suis content de voir un avancement dans mon équivalence. J’espère que je pourrai bientôt boucler ça. L’écriture en anglais me prend plus de temps que prévu mais j’avance.
Lundi soir on a décidé d’explorer les différentes possibilités de vacances pour les années à venir. Bien entendu nos rêveries se tournent directement vers l’Europe et Kate en est la première l’instigatrice. Moi en tant que belge, je réfléchis comme un belge. Et je vous le demande à vous les belges, que ferait un belge s’il avait les îles paradisiaque du pacifique à l’est, l’Asie au nord, l’Australie/Tasmanie à l’ouest et la Nouvelle-Zélande sous ses pieds ? Est-ce que sa première idée serait de rentrer à la maison ? Kate a toujours rêvé d’Italie et de Grèce mais moi c’est l’inverse. Mes rêves m’ont mené là où je suis et je sais pertinemment que l’herbe n’est pas spécialement plus verte de l’autre côté de la clôture. Ceci dit j’aimerai favoriser toute voie qui me permettrait de retrouver les personnes qui me sont chères notamment Nanie. Mais la connaissant, il n’y a pas trop lieu de se presser. Bref, on a regardé le coût des vols pour les endroits qui nous permettraient de kiter et grimper. On est vite arrivé à la conclusion qu’il fallait qu’on ait exploré du coté de Nelson là où on espère pouvoir faire les deux avant d’aller plus loin. Notre portefeuille nous remercierait. On ira également prospecter pour un terrain pour éventuellement s’y installer. Le potentiel est là, ici, mais la douche froide météorologique qu’on s’est pris depuis notre immigration a fortement entamé notre enthousiasme. Le retour en Europe dépendra d’où on en est au niveau travail à l’approche du printemps européen prochain. On devrait savoir si ça se mettra en début d’année 2024.
Nous avons eu de multiples invités qui sont passé, chacun leur tour, pendre la crémaillère à la tiny. Nous avons été heureux de les recevoir et que leur compagnie réchauffe aussi bien nos cœurs que la maison. Une personne de plus dans la tiny à vraiment un impact sur le chauffage, sérieusement. Surtout maintenant qu’on a des stores à toutes les fenêtres et un gros rideau devant la porte vitrée. J’ai trouvé que je manquais un peu de tchatche en ce moment si vous voulez tout savoir. Je suis certain que c’est passager. Attendez un peu que je fasse une 8a+ en NZ et vous allez m’entendre.
Je dois toujours faire une vidéo récap de tout ce qu’on a fait dans la tiny depuis le plan de travail en époxy. Ça arrivera la semaine prochaine. Encore un peu de patience. Je vous envoi des bisous et pense à vous,
Benoît.
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Chez Pascale Gibert, créatrice des concept store Madeleine & Gustave et cofondatrice d'ENSEMBLE
On arrive dans la chambre via un long couloir blanc, avec deux immenses lettres rouges en ferrailles accrochées au mur, style industriel. Aux fenêtres, des rideaux en lin brut.
Côté droit du lit, 3 rondins de bois qui servent de table de nuit, avec des plantes vertes. Pour éclairer, pas de lampe à pied, plutôt un lampadaire style bureau, au sol, parfait pour lire sans embêter son voisin.
Côté gauche, une table de nuit noire, en bois, avec un tout petit bouquet de fleurs fraîches dans un verre et deux branches de bois qui dépassent, penchées, d’un vase transparent très large. Deux petites lampes sont accrochées sur chacune des branches, elles se balancent tranquilles.
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排水溝 (haisuikou)
Le long des rues de Muroto, les eaux coulent des deux côtés. Dans leurs canaux à ciel ouvert, elles roulent, dévalent et se déversent dans les rivières qui courent à leur tour vers l'océan, juste au pas de la ville.
Je ne sais trop d'où vient cette eau. Les canaux qui l’hébergent ne sont ni égouts, ni aqueducs. Dans la plupart des villages japonais, elle est si pure que des hérons s’y posent, que des carpes s'y promènent.
Peut-être provient-elle des montagnes – les trois quarts du Japon sont composés de montagnes. Les eaux des onsen, ces sources thermales aux vertus innombrables, sont tirées du creux de celles-ci, rechauffées par les profondeurs volcaniques. Beppu, ville d’onsen par excellence, voit de la vapeur monter de ses canaux d’écoulement lorsque les nuits sont fraîches.
L’eau coule et coule, en ruisseau clair et artificiel, le long des rizières et des maisons, pour se jeter dans des cours d’eau naturels, plus profonds. Partout où l’on erre, dans Muroto, un ruissellement se fait entendre. Perpétuité.
Je marche.
Les rues sont étroites, ici. Trop pour la voiture moderne, qui doit serpenter entre les maisons avec lenteur et précaution.
Pour ouvrir plus d’espace aux automobiles, peut-être, ou pour éviter que le piéton moyen n’y fasse de coûteux faux-pas, les canaux d’écoulement sont souvent recouverts, le long des grandes artères. De grands blocs de pierre sont aposés en casse-tête par-dessus, en alternance avec des grilles de métal. Cette protection est censée être assez solide pour qu’on puisse y marcher, et assez robuste pour supporter les lourdes roues des automobiles.
Dans cette ville de laquelle on ne sort pas, ces canaux couverts font office de trottoir.
J’évite tout de même de poser le pied sur certaines des grilles les plus rouillées et chambranlantes, qui crissent et s'enfoncent sous mes pas. Mes sentiers me sont devenus si routiniers que je les connais par coeur, maintenant, et peut éviter tout danger sans même avoir y à penser.
À ma droite, les montagnes et les rizières. On vient de les irriguer, miroir; elles reflètent le paysage.
À ma gauche, une rangée de maisons, puis l’océan. Une sur cinq est à l'abandon. Fenêtres barricadées, arbres morts, herbes folles qui reconquérissent le stationnement.
Mars – c’est la fin de l’année scolaire. Je demande à un de mes collègues, professeur de sixième année, si tous les élèves de sa classe iront à l’école secondaire de quartier où j’enseigne également.
Tous, sauf une, Kanna. La meilleure, je m’étonne. Oui, me dit mon collègue, c’est pour ça. Ses parents l’envoient à Kōchi, en ville, dans une école privée. La mère de cette enfant travaille avec moi, à la commission scolaire. Elle est à la tête de notre département - connaît et gère toutes les écoles de la ville. A décidé de ne pas y inscrire sa fille unique.
Je marche le long des rues, par-dessus les grilles. Mes espadrilles fouettent les plantes qui en remontent, qui pointent tentativement le haut de leurs feuilles vers la lumière. Je ne les remarque même plus.
Dans une autre école, Nasu-sensei, professeure d’anglais à quelques jours de la retraite, soupire en m’informant que tous ses étudiants de secondaire trois ont passé avec succès l’examen d’entrée à la seule Senior High School de Muroto.
“C’est une bonne nouvelle,” lui dis-je.
“Cet examen est trop facile,” me répond-elle, secouant la tête. Son regard se pose sur un des bureaux vides de sa classe. “Miyoko, tu sais – cette étudiante qui aime tant l’anglais.” Deux jointures tapotent la surface du bureau, puis y restent, immobiles. “Elle rêve d’aller dans une école internationale, à Kōchi. Je l’ai encouragée à y appliquer, mais ses parents n’ont pas voulu – n’ont pas pu.”
“Oh, non.”
“Oui. Elle a déjà deux frères, vois-tu. Un aîné pour qui ils doivent déjà payer l’université. Un cadet qui a des… troubles, enfin. C’est trop, mais c’est dommage. Shouganai, ne.”
Shouganai, ne. Tant pis, n’est-ce pas. La version japonaise d’un c’est la vie. Faire la paix avec l’incontrôlable.
Sous mes pieds, dans ces canaux de canalisation, les plantes s’accrochent aux parois de pierres. Contre-courant.
Elles poussent comme elles peuvent, sans cesse écrasées par les roues des voitures ou par les pas des passants lorsqu’elles osent franchir le seuil de la lumière, entre les mailles des grilles. Elles ne fleurissent pas.
Tout fleurit, pourtant, à Muroto, au rythme des saisons. Les champs nous prennent par surprise, un matin, lorsqu’ils se recouvrent entièrement de nouvelles espèces. Cosmos, Lycoris rouge, Jonquilles, Aloès, Colza. Elles apparaissent d’un coup, étouffantes, partout – puis disparaissent sans laisser de trace. Comme si elles se cédaient le terrain, tour à tour, polies. Une réverence au passage.
C’est la fin de l’année scolaire. Je fais des adieux préventifs à tous les professeurs avec qui je travaille, qui pourraient potentiellement être transférés dans une autre école l’an prochain.
“J'espère que vous resterez à Muroto,” dis-je à Ishimoto-sensei, et je le pense vraiment. Il est celui avec qui je travaille le plus, et le mieux.
“Moi aussi,” me répond-il. Sourire.
“Faux,” Ryan me confiera plus tard, de retour à notre bureau à l’hôtel de ville. Adossé contre sa chaise tournante, vague balancier de droite à gauche. “J’ai parlé avec Ibuki-sensei, qui m’a dit qu’Ishimoto avait demandé un transfert.”
“Vraiment?”
Réflexion faite, cela n’a rien de surprenant. Ishimoto-sensei est jeune, compétent, impliqué. Il se plairait mieux dans une grande école, où les jeunes seraient moindrement intéressés par la perspective d’une quelconque ouverture sur le monde.
“C’est ce que j’ai dit à Ibuki-sensei.” Ryan hoche la tête. “Mais elle m’a dit que de toute façon, il y avait peu de chances que son transfert soit accepté.”
“Ah.”
“Elle m’a dit que dans la vie, on n’avait pas toujours ce que l’on voulait.”
Le visage d’Ibuki-sensei me vient en tête, ses traits fatigués.
“Dur.”
“Mot pour mot.”
Shouganai, ne.
Penchées sur les berges des rivières par-dessus lesquelles je passe, les fleurs de cerisier tapissent ciel et terre. Bientôt, leurs pétales inonderont les cours d'eau, les stationnements, les vitres de ma voiture. Je devrai faire aller mes essuies-glaces pour y voir quelque chose sous le blanc-rose de leur invasion.
Les plantes des canaux, qui poussent sous les grillages, ne fleurissent pas. Leurs feuilles pétrissent et brunissent, malmenées par un écrasement continuel, mais elles persistent.
Elles poussent, sans savoir où s'arrêter exactement – qu’importe, le poids des roues le leur rappelle.
Le frottement de mes pieds sur leurs feuilles nouvelles le leur rappelle.
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KISS YOU IN THE RAIN
Une pluie diluvienne abreuvent les rues de Londres, depuis plusieurs heures. Sans répit. Les lumières nocturnes jouent avec les multiples gouttes d’eau, leur donnant l’aspect d’une nuée de petits diamants, rubis et saphirs perlant l’atmosphère du ciel au sol. Law sort du taxi, puis court vers une rangée de maisons mitoyennes en briques rouges. Elle sonne à la porte. Une voix féminine se fait entendre :
— J’ouvre, chéri ! lance la jeune femme, joignant le geste à la parole.
Une belle plante d’un mètre soixante-quinze, à demi-nue, des cheveux roux ondulés tombant sur les épaules, se tient devant l’ex-flic.
— C’est pour toi, je pense, mon chou, crie-t-elle en scrutant Mortensen, des pieds à la tête. Trempée, tel un chat de gouttière aspergé par une voiture passant dans une flaque d’eau. Mac apparaît aux côté de la nymphette.
— En effet, c’est pour moi, Candice.
— Bon, bah, je vous laisse. Soyez pas trop long, on n’a pas fini notre séance de massage, lance la belle, lui faisant un clin d’œil lascif.
Law entre en le poussant.
— Et tu restes planté là comme un con ! Tu veux que je me noie ? Aboie-t-elle, passablement agacée : toujours à sortir avec des strip-teaseuses qui me ressemblent, t’as jamais pensé à consulter ?...
Elle se rend dans la cuisine. L’inspecteur la suit, habitué à ses piques et sa mauvaise humeur :
— Un whisky ? demande-t-il.
— Volontiers, très cher.
— Pour que tu passes à l’improviste comme ça, c’est que la fin du monde est proche. Qu’est-ce qu’il y a de si urgent ?
Law sort l’agenda rouge de l’intérieur de sa veste, le pose sur la table, puis en profite pour se déshabiller.
— Je laisse le jean, on va pas refaire la même connerie, lance-t-elle, impassible. T’as un T-shirt à me prêter ?
— Attends.
Mac file dans sa chambre. Il revient avec une chemise kaki.
— T’as ce genre de trucs dans ta garde robe ? Ah, bah merde, qui l’eut cru ? s’esclaffe-t-elle, un brin ironique.
— Accouche, maintenant.
— Oui, c’est vrai, tu as un massage spécial qui t’attend, elle prend une gorgée de whisky : alors, voilà. Cet agenda rouge, c’est celui de ma grand-mère.
— Quoi ? s’exclame l’inspecteur, abasourdi, pensant que l’enquêtrice lui parlerait de l’affaire.
— Oh là, attends la suite ! Y’a pas que Nana qu’a écrit dedans ! Et là, tu vois, mon imagination n’arrive plus à suivre. Je ne percute pas comment plusieurs personnes peuvent tenir le même journal intime.
Mac se frotte le menton nerveusement. Law reprend le carnet pour le tendre à son collègue :
— J’ai tout lu, à toi maintenant. Je pense qu’un œil neuf pourra jeter la lumière sur cette foutue énigme. On sait que Siobhan à été reliée à notre affaire par BlackHole. Et je trouve ce bouquin dans son appartement. J’ai l’impression que le gars s’approprie cette disparition pour qu’on n’arrive pas à trouver comment il fait. Une vingtaine de victimes et seulement deux cadavres ! Deux morts naturelles. Votre légiste à du boulot en dehors des miettes que nous laisse de BlackHole, au moins ?
— Ne t’inquiète pas pour lui. Il y a assez de crimes à Londres, pour combler ses nuits, lance Mac, pensif. Tu veux que je le lise, ensuite que je te dise ce que j’en pense par rapport à l’enquête, c’est ça ?
— Exact. Je savais que tu avais un cerveau sous ces beaux cheveux blonds !
Law enlève la chemise, puis remet ses fringues mouillées.
— Tu pouvais garder la chemise.
— Pour qu’elle finisse trempée ? Inutile, il pleut toujours autant, fait-elle en regardant par la fenêtre. Je vais appeler un taxi. Un dernier pour la route ?
La détective tend son verre. Mac lui verse une bonne dose et fait de même pour lui. L’attente n’est pas longue, Lawrina prend congé de son coéquipier d’infortune, sans demander son reste. Mac referme lentement la porte.
— Ça y est, elle est partie ? s’écrie Candice de la chambre à coucher.
L’inspecteur retourne dans la cuisine récupérer l’agenda rouge, puis s’installe dans le canapé du salon.
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Lettre 10
Mardi 14 Février 2023
Cher Hugo,
Aujourd'hui c'est le jour de la Saint Valentin. Et en me levant je l'avais vraiment oublié. Je ne m'en suis rappelée que quelques fois au cours de la journée sans y prêter attention mais j'ai réellement réalisé que 17h passé. Je crois que j'y aurais prêté davantage attention si tu étais encore là et si je te savais près de moi. Mais je dois avouer que depuis quelques jours, je ne te sens plus du tout. Je te sens très loin d'ici, trop loin. Mon coeur te suit meme s'il peine à te percevoir. Je ne te sens plus Hugo, tu me parais être au bout du monde.
Aujourd'hui c'était de nouveau une journée calme, rythmée par de nouveaux documentaires sur des disparitions mystérieuses. J'ai pris la journee, jusqu'à environ 16h, pour en regarder deux. J'ai d'abord suivi l'histoire d'un médecin tueur aux Etats Unis qui disait tuer ses patients parce qu'il ne supportait pas de voir leur souffrance en face. Alors il administrait en secret des doses mortelles de différents produits. C'était intéressant de voir comment ce documentaire ajoutait du poids à ma thèse. Les établissements hospitaliers qu'il a fréquenté étaient tous au courant de ses agissements mais ils l'ont laissé courir parce que l'aspect financier était plus important que l'aspect humain pour eux. Ces structures auraient perdu trop d'argent en parlant de cette affaire, ainsi elles l'ont laissé agir encore sur de nouveaux patients et commettre de nouveaux meurtres. C'est l'affaire Charles Cullen.
J'ai vu un second documentaire toute l'après-midi parce qu'il était très long. Celui-ci évoque l'affaire de la seule citoyenne disparue du Vatican. Cette histoire, bien qu'horrible, m'a donné envie de voyager. Les images avaient l'air chaudes, il y avait des odeurs qui traversaient l'écran. Ca avait l'air incroyable ! J'aimerais beaucoup aller visiter tout ça. Pour ce qui est de l'histoire, elle est passionnante car c'est une affaire non résolue. Une jeune fille de 15ans a disparu en 1983 sans laisser de traces. Des centaines de pistes ont été balayées sans succès mais elles mènent toutes au Vatican qui serait sévèrement impliqué. Tu aurais adoré je crois !
Quand ma mère a fini de travailler nous sommes allés m'acheter mon cadeau pour avoir réussi mon semestre. J'ai choisi d'avoir un petit mimosa pudica que j'ai appelé Fleury, comme le prof que je n'aime pas. J'ai choisi ça car quand j'étais petite, il y en avait un dans l'appartement et j'adorais ca. Ces petites plantes ferment leurs feuilles quand tu les touches. C'est super apaisant et j'adore l'aspect concrètement "vivant". Donc on est allé à jardiland et j'ai choisi mon mimosa. J'en suis très contente et je me demande ce que tu aurais pensé de cette idée farfelue. Tu aurais sûrement rigolé de la simplicité de la chose. Je sais que tu aimais beaucoup cet aspect de ma personnalité. Aujourd'hui il trône sur ma tête de lit pour prendre la lumière et je me suis déjà renseigné sur comment bien m'en occuper. Bah oui il ne faut pas qu'il meurt !
Quand tout le monde est parti se coucher, j'ai fumé une cigarette à la fenêtre et j'ai allumé mon briquet, que j'ai tendu vers les étoiles. J'ai laissé la flamme brûler joliment en pensant à nous avant de souffler dessus. Ainsi j'ai fêté notre Saint Valentin et je sens que j'en avais quand même besoin.
Je te souhaite une bonne nuit mon chat et une super journée qui t'attends ! Je t'aime fort, joyeuse saint Valentin
M.
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From the comfort of your home
Lisa Sudhibhasilp Bruit de Fond × Belsunce Projects
Exposition : 25.08 – 11.09.2022 Ouverture sur RDV : mercredi – samedi (16 – 19h)
42 Rue Consolat, 13001 Marseille
From the comfort your home
Mon bureau actuel est entouré d'ustensils de cuisine, d'une machine à laver, d'un petit réfrigérateur, de piles de livres, de deux ou trois bougies, de quatre plantes, d'un miroir, d'une dame-jeanne verte, d'une armoire en bois, d'une table basse en verre fumé et métal noir, de quelques vases avec ou sans fleurs et d'un canapé convertible. Malgré son environnement, la surface réelle de mon bureau est en quelque sorte un petit îlot composé d’une vilaine table de bistrot récupérée dans la rue, d’une chaise en bois à moitié cassée et d’un coussin en velours pour éviter d'avoir mal aux fesses. Ce minuscule îlot flottant entre la cuisine et le salon, face à deux fenêtres assez grandes, est mon lieu de travail depuis un an. C'est ici que je prends la plupart de mes appels téléphoniques, de mes visios, que j'écris, lis, ris et pleure derrière mon ordinateur portable, à peu près tous les jours.
L'ancien atelier de Lisa Sudhibhasilp à Amsterdam était situé dans un magasin vacant au sein d'un grand centre commercial. Après deux ans, son bail précaire a pris fin lorsque l'espace a été loué à Getir, une société de livraison d'une épicerie en ligne, pour servir de lieu de stockage. Il est devenu courant de placer des artistes dans d'anciens espaces commerciaux. S’ensuit la gentrification du quartier et l'arrivée de nouveaux commerces beaucoup plus rentables.
Le matin, mon bureau est l'endroit où je prends mon petit-déjeuner et où je fume ma première cigarette. Le soir, le bureau devient une table à manger. Il devient aussi parfois un lieu pour la musique ou un cinéma pour une personne. Une nuit, j’ai apporté une chaise supplémentaire dans mon bureau pour qu'il puisse s'installer. Nous nous sommes embrassés.
Avant, la vue de mon bureau était différente. De grandes baies vitrées donnant sur une rue de Belsunce. Des cafés, des terrasses, des arbres, des poubelles, des étalages de magasins, des personnes et des voisins qui passaient. Mon îlot était une grande table blanche USM, une belle chaise en métal ou une chaise en bois bon marché, selon le jour. La vue de mon bureau d'aujourd'hui donne sur six autres domiciles. Des linges qui sèchent, des gens allongés dans leur lit, une douce heure d'apéritif, d’autres qui cuisinent et mangent torses nus. Ça aussi, ça dépend des jours. Parfois, la vue de mon ancien bureau me manque. Ça me manque de pouvoir fermer le rideau métallique de devanture et call it a day. Ce n'était jamais trop intime et encore moins privé. Il servait uniquement d'espace de travail. Ce qui me rend le plus nostalgique, c’est le moment de rentrer chez moi.
Cet ancien appartement qu'occupe Bruit de Fond ne servait plus à vivre depuis longtemps, mais à travailler. À travers de multiples couches de papiers peints déchirés, le temps est, non seulement lisible, mais montre physiquement ce changement. La fonction des espaces s’est modifiée au fil du temps. En général, pendant la pandémie, les espaces privées et publiques se sont entremêlées, augmentant la demande de production et d'efficacité du travail à la maison. Les changements qui affectent ce que nous considérons comme un "chez-soi" vont de pair avec le manque d'espace, la précarité de la main-d'œuvre et le changement des valeurs d’une culture capitalisée.
Pour cette exposition, Lisa a commencé à reproduire de manière obsessionnelle des tomettes, que l'on trouve généralement dans les maisons de Marseille et de Provence. Les tomettes représentent un certain style de vie ainsi qu'un attachement aux traditions et ont acquis une grande valeur au cours des dernières décennies. Faites à la main, avec une approche de labeur artisanale, portant certains slogans et textes, elles deviennent un sol à regarder. Cette tentative remet en question, de façon parfois absurde, ce qui fait d'une maison un chez soi.
Afin d'éviter l'expérience de l'éblouissement constant mais non intentionnel de mes soi-disant ‘voisins éloignés’ à travers les deux fenêtres constamment ouvertes, les cafés de quartier avec des prises électriques deviennent mon bureau temporaire. Deux mois d'été qui voient un supplément s’ajouter au loyer - de cinq à treize euros pour des boissons ou des choses à grignoter. C'est souvent dans ce bureau temporaire que nous avons travaillé avec Lisa, à distance, à travers un écran qui nous a amené à partager un autre espace momentané. Nous nous réunissons finalement au 42 Rue Consolat en plein milieu du mois d’août.
Les textes sur les murs sont ce que Lisa appelle des ‘Advertisement Poems’, inspirés de phrases d'accroche de sociétés de livraison de nourriture ou de slogans de travail à domicile. L'immatérialité de la lumière de son atelier à Maastricht, peint sur les stores verticaux typiquement utilisés dans les espaces de bureau, se glisse dans l'espace de Bruit de Fond. L'appartement vide révèle ses différentes utilisations au fil du temps, et jusqu'à nos jours,devenantà cetteoccasionunlieud’exposition.Ilconstituelecontextedel’installation tout en faisant partie intégrante de l'œuvre. Ces éléments rapportés par Lisa qui ont nécessité un intense travail manuel sont une autre couche de temps et de labeur que nous ajoutons pour la première fois en trente cinq ans dans cet espace. Ils disparaîtront également à la fin de l'exposition, mais laisseront certainement une trace de plus, celle des encres maculées sur les papiers peints.
Won Jin Choi en conversation avec Lisa Sudhibhasilp
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Fuite (3/3)
Ao3
Les quatre murs de la chambre de la Tour de Ban où Lancelot la confina peu après sa deuxième évasion étaient son nouvel horizon. Il lui sembla rapidement en connaitre les moindres recoins, chaque fissures, toutes les marques que le temps avait laissé sur les vieilles pierres. La sureté de Guenièvre, cela avait été son argument, à nouveau. La protéger de Mevanwi, des résistants, du peuple. La protéger du danger dans lequel elle se mettait en partant. Cela aurait pu être le coup de grâce, celui qui lui aurait fait perdre les derniers filets d’espoir qu’elle s’autorisait à garder. Mais, en lui envoyant Nessa, Lancelot la ramena à la vie.
Elle arriva un jours, sans qu’elle n’ai été prévenue. Pour une fois, la surprise fit plaisir à Guenièvre. Lancelot lui aurait-il annoncé l’arrivée de sa suivante, elle ne l’aurait pas cru, ou aurait tenté de le convaincre de la laisser libre, se privant alors d’une compagnie dont elle avait désespérément besoin. La culpabilité qu’elle ressenti à l’idée qu’une autre personne soit enfermée par sa faute ne tarissait pas sa joie de ne plus être seule.
Un garde saxon l’avait mené en haut. Guenièvre ne s’était pas retourné en entendant les pas lourds du garde dans l’escalier, ni en entendant la clé tourner dans la serrure, puis la porte s’ouvrir. Elle était restée assise sur sa chaise, face à la petite fenêtre, seule ouverture sur le monde.
— Madame, avait dit Nessa.
Guenièvre ne s’était pas retourné non plus au son de sa voix. Il lui arrivait d’en entendre, des voix, de temps à autres. Son père décrivant un nouveau modèle de catapulte, sa mère rouspetant après Yvain, Yvain geignant de devoir se lever avant midi, Arthur soupirant face l’absurdité de ce monde. Elle avait imaginé milles et une scènes de repas, et bien plus encore, pour oublier. La porte se referma, et Guenièvre ne bougea pas.
— Madame voudrait peut-être plus d’intimité, mais je me dois de rappeler à Madame que, vu la taille de cette pièce, je peux pas lui en donner beaucoup.
Des bruits de pas résonnèrent derrière Guenièvre, et elle sentit soudain des mains démêler les boucles de ses cheveux, qu’elle avait arrêté de coiffer plusieurs semaines auparavant. Elle tressaillit au contact, mais les mains était petites et douces, maniant avec habitude et habilité les longues mèches qui atteignaient maintenant le bas de son dos. Il lui fallut près d’une heure pour en venir à bout, mais Nessa finit par réussir à redonner une allure acceptable à la crinière de Guenièvre. Lorsque les mains la quittèrent, cette dernière se retourna pour fixer la nouvelle-venue avec un mélange de peur et d’espoir. Elle tendit les doigts pour frôler ceux de sa suivante, s’assurant de leur réalité.
Elle n’avait pas changé. Son visage angulaire reflétait le même désintérêt qu’alors, ses long cheveux raides étaient toujours attachés dans une fine queue de cheval, sa voix avait toujours ce même ton trainant et désinvolte.
Il leur fallut quelque jours avant d’arriver à s’accorder, et quelques semaines pour apprendre à vivre ensemble. La cohabitation fut difficile pour Guenièvre au début, elle qui avait temps souhaité un compagnon, mais qui s’était habitué à un silence constant. Elle avait perdu l’habitude de parler et de partager ses pensées, et Nessa fut d’une aide incroyable. Les nombreuses questions qu’elle posait, la première incroyablement profonde, la seconde incroyablement absurde, l’aidèrent à retrouver la voix que Lancelot, en l’isolant, lui avait dérobé.
Ce fut Nessa qui la ramena à la vie. Nessa et l’incroyable frustration qu’elle amenait avec elle. Nessa, et le plaisir de discuter, de se disputer, de rire, d’entendre une voix différente de la sienne. Le plaisir de se souvenir de Kaamelott d’une autre façon qu’en se remémorant ceux qui n’étaient plus là. De se souvenir que, derrière ces murs, il y avait un monde qui l’attendait.
Son propre reflet dans le miroir lui paraissait étranger. Sa peau était bien plus pâle que d’ordinaire, et les cernes sous ses yeux témoignaient de ses nuits agitées. Ses traits s’étaient durcis, ou peut-être était-ce seulement qu’elle voyait dans ses yeux quelque chose de nouveau. Ou plutôt, quelque chose qui y avait disparu.
— Madame est bien certaine de vouloir faire ça ? demanda Nessa, penchée à la fenêtre pour observer les gardes.
Derrière elle, Guenièvre enfournait dans un sac en toile les quelques provisions qu’elles avaient. Des fruits, des vêtements, deux ou trois bijoux à échanger au marché, si besoin. Et la couronne de fleur, seul souvenir matériel qu’il lui restait. Elle l’enveloppa dans un linge et la plaça au fond du sac, en sécurité.
— Si on n’essaie pas maintenant, on essaiera jamais, dit Guenièvre en fermant le sac. Et si on essaie jamais, autant dire à Lancelot de nous tuer tout de suite.
— Je pense pas que Lancelot tuerait madame, madame.
— Non, soupira Guenièvre. Prête ?
Nessa hocha la tête. Guenièvre se positionna à côté de la porte, et leva le tisonnier. Au moment où elle l’abattit sur la serrure, Nessa poussa un grand cri, couvrant de sa voix le son de l’impact. Elles attendirent en silence, mais aucun son ne vint des escaliers.
Le changement de garde aurait lieu dans quelques minutes. Elles descendirent le plus silencieusement possible, s’arrêtant régulièrement pour tendre l’oreille, et atteignirent le bas des escaliers sans encombres. Un large sourire apparut sur le visage de Guenièvre lorsqu’elle atteignit la dernière marche. Toucher enfin le sol, cela lui avait manqué. Voir la nature s’étendre dans toutes les directions autour d’elle, pouvoir regarder l’horizon sans qu’un mur n’entrave sa vision, c’était un simple plaisir pour lequel elle était prête à risquer beaucoup.
Des voix leur parvenaient, semblant venir de quelques mètres plus loin. Nessa entrebâilla la porte, et elles virent quatre soldats discuter, leur uniforme scintillant sous le soleil. Si elles parvenaient à s’enfuir maintenant, ils ne découvriraient leur départ que dans plusieurs heures, lorsqu’ils monteraient le repas du soir. Lancelot était déjà venu le matin même, et ne reviendrait pas avant le lendemain.
Enfin, les trois gardes allèrent s’asseoir dans l’herbe, dos à la tour, comme ils en avaient l’habitude. Ils y resteraient une petite heure à discuter avant que deux d’entre eux ne retournent d’où ils venaient, et que les deux autres ne prennent réellement leur poste.
Elles se faufilèrent hors des murs, et se dissimulèrent derrière la tour, là où les gardes ne pourraient plus les voir s’ils venaient à se retourner. Guenièvre serrait le baluchon contre elle, les yeux fixés devant. Toujours devant, ne jamais regarder en arrière, pour ne pas être paralysée par la peur. À côté d’elle, Nessa était plaquée contre le mur, et Guenièvre pouvait sur son visage l’hésitation qui se mêlait à la soif de liberté et au désir de vengeance. De montrer les crocs. Elle prit sa main, et l’emmena avec elle au milieu des arbres, loin de leur prison.
Elles restèrent plus de six mois dans la forêt.
Guenièvre lui apprit à pêcher, à poser des pièges à oiseaux, à faire un feu, à construire un refuge, à reconnaitre tel champignon et tel plante comestible, et toutes ces choses qu’elle avait appris au côté de Lancelot. De l’ancien Lancelot. Nessa lui apprit à coudre. À rafistoler des vêtements déchirés de façons à ce qu’ils tiennent encore plusieurs années, à renforcer des laines pour qu’elles protègent des vents froids de l’hiver, à assembler les quelques tissus qu’elles avaient en de magnifiques tuniques sur lesquelles Guenièvre brodait des motifs de plus en plus élaborés. Elle lui apprit aussi à cuisiner en se servant des herbes et des gibiers qu’elles récoltaient, et leur repas se firent, au fils des jours, de plus en plus savoureux. Elle lui raconta des histoires, ses talents de narratrices excédant grandement ses talents de suivante. Sa voix changeait dans ces moments-là, ce faisant plus assurée que d’ordinaire. D’abords vinrent les contes pour enfants et grands, ceux où les ogres finissent déchus par le chevalier, et où la captive s’échappe de l’antre du dragon. Ensuite, quand tout les contes de fées furent narrés, elle lui raconta son enfance. La mort de ses parents alors qu’elle n’était qu’une enfant, la vie dans la ferme de son frère, et comment elle en était venu à travailler à Kaamelott. Guenièvre, à son tour, lui décrivit la vie en Carmélide, puis le jour de son mariage et les années qui suivirent.
Elles ne restaient jamais plus de quelques jours au même endroit, et évitaient au maximum les routes et les villages. Bien que le confort d’une cheminée et d’un grand lit lui reste préférable aux matelas de feuilles mortes, Guenièvre se fit peu à peu à cette vie de course-poursuite entre les rivières, les collines et les pins. Les hurlements des loups étaient bien moins terrifiants maintenant qu’elle n’était plus seule, et elle apprit à apprécier le vol des oiseaux, et le battement majestueux de leurs ailes.
Six mois s’étaient donc écoulés quand les saxons les retrouvèrent. Chaque village était fouillé, et de grandes battues étaient organisées dans les forêts à leur recherche. Elles étaient parvenues à les éviter plusieurs fois, mais de plus en plus de soldats étaient réquisitionnés pour couvrir de plus en plus de terrains.
Ce fut la faute de Guenièvre. Elles avaient été réveillées au petit matin par les des cris de soldats s’approchant, et partir en vitesse de leur campement, s’enfonçant de plus en plus profondément dans la forêt. Les branchages et les ronces ne les arrêtaient plus. Au contraire, tout ce qui, auparavant, les auraient ralenti, leur servait maintenant des cachettes et d’aides dans leurs fuite. Nessa mit donc plusieurs minutes avant de réaliser que Guenièvre n’était plus derrière elle, mais étendue dans la boue au milieu des racines. Une douleur vive avait éclaté dans sa cheville, à la façon d’un étau ou d’une flamme léchant sa peau. Elle retint un cri de douleurs, et tenta de calmer sa respiration, de rester calme.
— Madame ? chuchota Nessa qui était revenu vers elle.
Elle lui tendit le bras, et Guenièvre s’en saisit pour tenter de se relever, mais sa cheville ne supportait plus son poids, et elle pouvait à peine poser son pieds au sol. Derrière, les soldats se rapprochaient.
— Partez, ordonna Guenièvre en lui tendant le sac. S’ils m’attrapent, ils vous laisseront. Allez au Nord, en Carmélide. Directement chez mes parents, et dites leur que vous venez de ma part.
Nessa regarda le sac, puis Guenièvre, et le sac à nouveau. Elle s’en saisit, passa la lanière autour de ses épaules et, alors que Guenièvre fermait les yeux et se préparait à accepter son sort, elle lui saisit le coude, la souleva et passa son bras autour de ses épaules.
— Si Madame veut bien m’aider, je peux pas la porter complètement.
— Nessa, non !
Elle la regarda droit dans les yeux, et Guenièvre céda devant la détermination qu’elle y vit. Elles continuèrent à avancer, lentement mais surement, tout en sachant que l’effort était futile.
Les saxons effacèrent en quelques heures la distance qu’elles avaient mis des mois à établir entre elles et leur prison. Lancelot se trouvait au pied de la Tour, immobile à la façon d’une statue attendant l’heure de son réveil. Il ne dit pas un mot quand les soldats firent descendre les deux femmes de leur charrette, mais leur fit signe de lui amener Guenièvre. Elle n’opposa pas de résistance, se concentrant plutôt sur la chaleur du soleil sur sa peau, et la fraicheur de l’herbe sous ses pieds. Sur le parfum de la sève, la douceur du vent dans ses cheveux, le vol d’un papillon entre les marguerites. Il ouvrit la porte et, après avoir prit une dernière inspiration et avoir jeter dernier regard sur la nature qui l’entourait, elle s’exécuta. Un frémissant la parcourut en la porte claquer et Lancelot la suivre dans l’escalier.
Il semblait avoir pris dix ans. Ses cheveux, maintenant coupés court, étaient parsemés d’argent, et les cernes sous ses yeux n’avaient jamais été si importants. Sa tenue aussi était différente. Ses tuniques et vestons avaient disparus au profit d’une armure le recouvrant presque entièrement, faites d’un métal gris qui, par endroit, semblait imité des écailles.
— C’est pas en vous déguisant en dragon que vous deviendrez un Pendragon, vous savez, lui dit Guenièvre quand ils furent arrivés dans la chambre.
Elle se tenait droite au milieu de la pièce, face à la fenêtre, dans la tunique qu’elle et Nessa avait confectionné lors d’une de ces nuits où aucune d’elles ne parvenait à dormir. Elle y avait brodé des oiseaux, des fleurs, et les paroles d’une berceuse picte qui lui rappelait son enfance. Ses cheveux était relevés dans une coiffure dont la complexité et l’élégance témoignaient des talents de Nessa.
— Punissez pas la petite, continua Guenièvre quand Lancelot ne répondit pas. Elle y est pour rien, dans toute cette histoire.
Il tourna autour d’elle, laissant ses yeux glisser le long de son corps, puis remonter à nouveau, avant de s’arrêter devant elle, cachant la fenêtre de son visage.
— Je vous ai cru morte, dit-il, prenant une des mains de Guenièvre dans les siennes. J’ai cru vous avoir perdu.
Il menaça la Carmélide. À demi-mots, évidement. Expliquant qu’il l’aurait envahi si Guenièvre n’avait pas été retrouvée avant la fin de l’année. Qu’il aurait mis à sac les hameaux, rasé ses forêts sauvages, si cela avait été nécessaire. Il lui annonça aussi son union avec Mevanwi, et son caractère uniquement politique. Cette nouvelle enleva un poids des épaules de Guenièvre qui était là depuis si longtemps qu’elle en avait oublié son existence.
— Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous ? lui demanda-t-il avant de s’en aller.
— Laissez-moi partir.
La serrure intérieure avait été enlevée. Il était maintenant seulement possible d’ouvrir la porte de l’extérieur, où une barre et une deuxième serrure avaient été ajoutés. Guenièvre ne prévoyait pas de nouvelle tentative d’évasion, de toute façon. Elle ne risquerait pas sa famille et sa terre natale. Nessa était toujours avec elle. Lancelot ne l’avait pas touché, se doutant probablement qu’il ne ferait qu’attiser le ressentiment de Guenièvre à son égard si un malheur arrivait à la jeune femme.
Elle ne savait pas si Arthur était toujours en vie. S’il était libre, ou si Lancelot l’avait trouvé. Lui dirait-il, si tel était le cas ? Elle ne savait pas non plus où en était la résistance, si son père avait trouvé des alliés, si les seigneurs Perceval et Karadoc étaient toujours en cavale, si le continent était toujours loin des pensées de Lancelot.
Et malgré toute l’inquiétude qu’elle avait pour eux, elle ne pouvait s’empêcher d’être en colère. Contre Arthur qui avait fuit, et l’avait laissé derrière. Contre les chevaliers de la Table Ronde, qui l’avaient poussés à bout. Contre son père, en Carmélide, qui avait amassé un capital militaire considérable mais était maintenant incapable de venir l’aider. Contre Dame Mevanwi et son ambition qui avaient mis fin à leur amitié, si cette amitié avait un jour été bien réelle. Contre les Dieux, à cause de qui tout ceci était arrivé. Quelle idée, de choisir son roi en fonction de qui retirera une épée d’un rocher. Quelle idée d’avoir un élu, comme si une personne sur terre était plus digne, plus méritante, plus capable que toutes les autres.
En colère contre elle-même de n’avoir jamais réussi à être assez. De ne pas avoir réussi à s’échapper. De n’avoir pas été la fille, la soeur, la femme qu’il aurait fallu être. En colère de ressentir tout cela alors qu’elle savait avoir toujours fait de son mieux tout en restant elle-même, en ne cédant jamais à ce qu’ils auraient voulu qu’elle soit en échange de ce qu’elle voulait être et de ce qu’elle était.
Malgré ses efforts, elle ne pouvait s’empêcher d’être jalouse de Nessa qui, une ou deux fois par mois, avait l’occasion de redécouvrir le monde. Lancelot l’autorisait à se rendre au marché du plus proche village en compagnie d’un garde, afin d’y trouver des robes, des tissus, et d’autres frivolités que Guenièvre pourrait vouloir.
Elles passaient le temps en jouant à des jeux de cartes et des jeux de mots, et en inventèrent beaucoup. Elles créèrent des coiffures toujours plus extravagantes et cousirent des robes de toutes formes et de toutes couleurs. De nombreuses histoires virent le jours dans cette petite chambre en haut de la Tour de Ban, plus ou moins réalistes, plus ou moins développées, mais toujours dans de grands espaces où montagnes, plaines et lacs tenaient un rôle primordial.
Guenièvre regarda par la petite fenêtre, à laquelle aucun rideau n’avait jamais été suspendu. La forêt s’étendait au pied de la tour jusque’à perte de vue. Dans le ciel, des nuages gris annonçaient le premier orage de la saison. Une hirondelle s’envola, parcourut quelques mètres au-dessus des feuillages avant d’y disparait. Une bouffée de vent frais s’engouffra à l’intérieur, frappant son visage de plein fouet, et apportant une odeur liberté.
— Laissez-moi partir, répétait Guenièvre, inlassablement.
***
La taverne se trouvait dans un quartier de Rome rarement fréquenté par les militaires et les politiques. Ces derniers n’y faisaient pas long feu, de toutes façons, les rares fois où l’un d’entre eux osait s’y aventurer. L’odeur d’excréments qui flottait dans les rues, les montagnes d’ordures entassées aux pieds des maisons et les nombreux ivrognes qui tentaient tant bien que mal de rester sur leurs deux pieds donnaient avait cependant pour avantage d’en faire un endroit où Arthur avait peu de risque de rencontrer un visage connu.
Venec avait choisi le lieu de rendez-vous. L’accolade qu’il reçu du propriétaire laissa penser à Arthur, qui s’en doutait déjà, que l’établissement était un point de chute pour ses nombreux commerces peu recommandables.
— Sire, le salua Venec en s’asseyant à la table.
— M’appelez pas Sire, souffla Arthur en jetant un regard autour d’eux, s’assurant que personne n’avait entendu. À quoi ca sert de se donner rendez-vous dans un coin paumé si c’est pour que vous foutiez tout en l’air ? Et je suis plus roi.
— Eh, vous énervez pas ! dit Venec, quelque peu surpris par sa ferveur. Je suis désolé de l’endroit mais avec tout les chasseurs de prime qui me collent au cul, les affaires sont plus ce qu’elles étaient. Alors, qu’est-ce que je peux faire pour vous ? Une nouvelle piaule ? Une petite distraction ? Vous avez toujours eu un faible pour les latines vous, non ?
Cela faisait un an qu’Arthur se cachait à la Villa Aconia, et sa santé n’allant qu’en s’améliorant. Physiquement, du moins. Mais les histoires du Royaume de Logres prenaient une place de plus en plus importante parmi les potins et les actualités qui divertissaient les romains, et l’on entendait parler dans les rues du grand roi Arthur, et d’un seigneur Lancelot.
— Une nouvelle piaule, dit Arthur. Loin d’ici.
— Ah. Et… quelque part en particulier ?
Il haussa les épaules.
— Qu’est-ce que vous proposez ?
Venec prit un instant pour réfléchir.
— J’ai un endroit pas mal en Aquitaine, paumé au milieu de la forêt. Y a ja—
— Pas au Nord. Au Sud.
— Non mais allez, quoi. Ça fait des mois qu’ils ont pas vu votre tête là-haut. Vous leur manquait, vous savez. En plus, c’est un vrai petit bijou, cette bicoque. Parfaite pour une retraite. Vous savez quoi, je vais me chercher à boire, et pendant ce temps, vous y réfléchissez.
Il se leva et se dirigea vers le comptoir vide derrière lequel le patron nettoyait un verre qu’il regardait d’un oeil assassin.
— Un mariage royal sur l’ile Bretagne, disait un des clients assis à une table non loin de la leur. Le roi Lancelot, il parait.
— Pas trop tôt, répondit un autre. Chez ces barbares, un roi sans reine, c’est pas un roi.
Les mains d’Arthur se resserrèrent autour de son pichet de vin, et un soupir lui échappa. Au moins, Guenièvre et Lancelot étaient heureux ensemble.
— Alors, Sire, direction l’Aquitaine ? demanda Venec en revenant.
— Direction le Sud, Venec. Et m’appelez pas Sire.
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Les Chroniques de Livaï #492 ~ ON NE DOIT PAS COMPTER SUR UN MIRACLE (juin 846) Nile Dork
L'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité… Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me suis mise en devoir de répondre à ces questions en vous livrant ma propre vision de sa vie, de ses pensées, des épreuves qu'il a traversées, ainsi que celles des personnes qui l'ont côtoyé, aimé, admiré, craint, détesté. Si j'essaie le plus possible de respecter le canon, quelques libertés seront prises sur les aspects de sa vie les plus flous. Quelques personnages seront également de mon invention. Livaï, un homme que l'on croit invincible et inatteignable… Est-ce bien sûr ? Jugez-en par vous-mêmes.
Il y a tant de monde massé devant la porte ! J'arrive à peine à apercevoir Erwin dans ce clair de lune. Il fait briller la robe blanche de son cheval et j'essaie alors de me faire remarquer en faisant de grands gestes des bras, mais il ne me regarde pas. Je réussis à atteindre un des escaliers menant au rempart, près de la porte, et me poste là en attendant les évènements. Je suis un haut gradé mais je ne dois pas compter être le centre de l'attention cette nuit. Je porte mon regard au loin ; la file des réfugiés se perd au nord, loin de mon regard, dans l'obscurité de la nuit. Des milliers de fenêtres sont illuminées afin de voir passer ce qui a l'air d'une armée de fantômes... Rien qu'à l'idée de déplacer une telle foule, j'ai le vertige...
Que peut-il bien penser en ce moment ? Qu'il fait la plus grande erreur de sa vie, ou qu'il pave le chemin de son nom vers la gloire ? Il est resté cloîtré tous ces derniers jours, je n'ai pas eu la possibilité de le voir pour lui parler de ce projet fou. Projet qu'on lui a imposé, j'ai tendance à l'oublier... Quand j'ai appris ce qui se tramait, je n'ai pas pu lui faire face. J'avais peut-être peur de voir dans ses yeux ma propre confusion. Erwin a toujours été de nous deux le plus résolu, téméraire et combatif. Je ne voulais pas le surprendre dans un état de faiblesse, qui aurait pourtant été tout à fait normal.
J'entends les canons tonner à l'extérieur de Rose, dispersant les titans encore éveillés. La masse de réfugiés - fébriles mais impatients - attend avec angoisse la fin de la mitraille, et je prends le temps de les observer. Erwin a bien fait les choses ; des civils entassés dans des chariots avec du ravitaillement sont au centre ; sur leurs flancs, d'autres réfugiés avancent, à pied ou à cheval et de chaque côté, des explorateurs formés sur le tas forment trois lignes de défense. Tous portent sur le dos un paquetage de vivres. A l'extérieur, des escouades sont placées tout le long de la file avec à leur tête des soldats confirmés. Au loin, à un demi-kilomètre d'ici, les trois ferries, remplis de passagers et de matériel de réparation, ont déjà commencé à dériver vers les écluses, afin de ne pas prendre de retard sur la colonne. J'aperçois une silhouette rapide à cheval qui remonte la queue pour revenir se poster en tête. C'est le caporal, qui doit vérifier que chacun est à sa place. Tout le monde se redresse quand il passe, et un instant, je ne peux m'empêcher d'être admiratif en pensant à d'où il vient et ce qu'il est devenu. Il reprend sa place habituelle près d'Erwin et je remarque qu'ils se parlent pendant un moment. Il lui fait son rapport sans doute.
Mary a failli s'évanouir quand elle a su qu'Erwin irait à Maria. Je ne devais pas me laisser aller à pareille faiblesse. Elle m'a supplié d'aller lui parler, de l'en dissuader ; je me souviens des ses yeux bleus humides et pleins de détresse... J'ai sans arrêt remis cette entrevue au lendemain au point que c'est désormais trop tard. Vais-je le regretter ? C'est peut-être la dernière fois que... Raah, je dois cesser de me tourmenter. Erwin a toujours plus d'une corde à son arc, et il est bien entouré. Je lui ai alloué quelques-uns de mes meilleurs éléments, je ne peux pas faire plus...
Est-ce que j'essaie de me rassurer, de me conforter dans l'idée que ma place n'est pas en bas, à ses côtés ?
Je n'ose y songer. Je n'ai pas son courage, ni sa folie, c'est un fait. Je ne veux pas mourir. J'ai déjà fait face aux titans ce jour-là, et j'ai failli perdre tout ce que j'avais. J'ai une famille ! C'est un choix qu'Erwin n'a pas fait, et je ne peux rien y changer ! Il n'a rien d'autre que sa vie ! Réellement ?... Ne se bat-il pas pour quelque chose qui me dépasse, une chose que j'ai entraperçue autrefois mais que j'ai oubliée et noyée dans l'amour de Mary ?
Saurons-nous un jour pourquoi les explorateurs quittent les Murs ? Ce qu'ils cherchent, ce pour quoi ils se sacrifient ? Le saurais-je ? J'ai cru le savoir, mais je ne suis plus sûr...
Les tirs ont cessé. Les gardes derrière moi s'apprêtent à soulever la herse. J'entends déjà les grosses chaînes grincer... Attendez ! Il faut que je lui parle ! Il ne reviendra peut-être pas ! Quel ami je fais pour le laisser ainsi partir sans un mot !? J'essaie de nouveau d'attirer son attention en gueulant son nom et en agitant les bras, et alors, je vois son visage se lever vers moi et son regard se plante dans le mien. Même d'ici, je vois qu'il est inflexible ; ses yeux froids me transpercent, mais je ne sens pas de reproche. Il hoche la tête à mon intention, et je comprends que nous n'aurons droit à rien de plus. Le moment est déjà venu.
Je serre les poings. Je devrais venir avec toi ! Mais comprends-moi !... Je ne peux pas !... Pardon...
L'avant de la cohorte commence à s'ébranler. Elle passe sous l'arche et je monte vite sur le Mur afin de les voir de l'autre côté. Des points lumineux qui croissent les uns après les autres m'indiquent que les civils ont allumé leurs torches. Elles sont à peine utiles grâce au rayonnement lunaire. Je pousse les soldats massés au-dessus de la porte afin d'avoir la meilleure place. La lune frappe alors la tête d'Erwin et fait briller ses cheveux qui paraissent un moment comme un soleil de minuit. Je scrute la plaine et constate que tout semble calme et plat. Et si... et s'il y arrivait ? Je veux y croire, Maria semble si proche...
Mais ils doivent avancer lentement. Tout ce monde va mettre beaucoup de temps avant de quitter Trost. Ils n'auront pas atteint le premier avant-poste de leur parcours avant que le jour ne se lève, et là, tout pourra arriver... Je ne suis pas croyant mais je prie en moi-même pour que tout se passe bien ; ou à tout le moins qu'Erwin revienne vivant. Mes yeux se posent alors sur la minuscule silhouette sur la jument noire qui marche au pas aux côtés d'Erwin, sous la lune brillante.
Livaï, veille sur Erwin. Ramène-le, quoi qu'il en coûte.
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#30jourspourécrire #jour10 #centansdesolitude
Cent ans de solitude, cent temps de solitude.
Un temps pour moi, sous le lilas, les pieds nus dans l'herbe fraîche et le soleil dans le décolleté, la jupe remontée sur les cuisses, un chat ronronnant à mes côtés.
Un temps pour mes pensées au sortir de mes nuits hâchées, le matin, nue à la fenêtre donnant sur le jardin. Un thé blanc brûlant entre mes mains, un chat (encore) se frottant contre mes chevilles, mes yeux posés sur le laurier et l'eucalyptus attendant que le ciel flamboie sur les toits.
Un temps du perron après l'école, le béton tiède, la bière glacée, mes jambes allongées, croisées sur les marches, les bruits de la rue au loin, les rires des collégiens qui traînent un peu en rentrant, les saluts amicaux des voisins, un chat, voire deux, se chauffant au soleil au bas de l'escalier.
Un temps de nuit, haletante, indécente, cambrée sous le drap, le plaisir au bout des doigts, cheveux emmêlés, lèvres mordues et toi sous mes paupières.
Un temps d'écriture, carnets raturés, griffonnés, noircis, encre bleue, pages bistres. Le texte qui émerge, parfois dans la douleur, que je nourris et qui me nourrit.
Un temps de lecture, fauteuil crapaud rouge, thé vert aux agrumes, les lunettes sur la tête, carrés de chocolat, un chat sur le dossier (toujours), dormant dans mon cou. Cet ailleurs fait de mots palpables, ce voyage intérieur, cette impression de vivre quelque chose de tellement plus grand que soi.
Un temps de déambulations, à Paris, prendre n'importe quelle ligne de métro, descendre à n'importe quelle station, se perdre volontairement, marcher à pas lent, lever le nez, voir...savourer un café crème en terrasse en feuilletant, futilité assumée, un magazine de filles acheté dans un kiosque.
Un temps grand bleu, enchaîner les longueurs, ne sortir la tête que le strict minimum, pour garder le bruit feutré et l'écho lointain de la vie, sous l'eau. Se recroqueviller contre le mur puis y appuyer la plante de ses pieds de toutes ses forces pour fendre l'eau comme une lame.
Un temps chagrin, pour s'assécher du lac de larmes qui déborde, les écouteurs dans les oreilles et la play liste écluse.
Un temps chaussures qui volent, table basse repoussée pour tourner, virer, danser, comme une folle, et s'écrouler épuisée sur le canapé.
"Au fond, c'est ça la solitude : s'envelopper dans le cocon de son âme, se faire chrysalide et attendre la métamorphose, car elle arrive toujours." August Strindberg
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Tutoriel pour arrêter le temps
Vous entendez des tic-tac la nuit ? Des cloches semblent sonner au loin ? Vous êtes peut-être envahis par le temps ! Le plus souvent, vous ne le verrez pas de vos yeux, et ne le devinerez qu'aux traces laissées derrière : tranches de vos livres qui jaunissent, plantes qui fanent, poussière qui s'accumule...
A. Piéger le temps
Préférer la capture à l'empoisonnement : un temps mort peut empester votre maison et attirer les mouches.
1. Attirer le temps. Disposer de la nourriture aux endroits où le temps aime à passer : une moitié de figue près de la porte, une chips sous le lit, un bol de lait sur le rebord de la fenêtre...
2. Cibler ce dont le temps se délecte, et limiter les appâts à ses préférences.
3. Concentrer la nourriture en un seul point. Saupoudrer d'un sablier, comme avec une salière, du sable fin près de la zone.
4. Retracer l'itinéraire du temps à travers les empreintes de ses pas (pour identifier les empreintes du temps, se référer au diag. 4).
5. Préparer une petite cage avec des trous (pour que le temps respire). Soyez patients ; le temps se méfie du nouveau.
6. Une fois le temps capturé, attention à ne pas l'effaroucher. Deux options :
— le relâcher loin de votre maison ;
— l'apprivoiser.
Le temps vit plus longtemps en captivité.
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The Window at Night with Two Plants (Fenêtre sur la nuit aux deux plantes) - 1983 - Pierre Lesieur
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🥚🌱 Ostara 🌷🐇
Introduction
Je suis le deuxième sabbat de la roue de l’année, on me fête à la date où la durée du jour est égale à celle de la nuit, je suis le moment charnière de l’équilibre entre la lumière et l’obscurité, mon nom est celui d’une déesse païenne germanique, je suis la nature qui renaît de l’hiver, je sonne le début officiel de la nouvelle saison pour nos sociétés modernes, je suis je suis.... Ostara, aka l’équinoxe de printemps ! 👏🏻
Est-ce que c’était mon intro la plus éclatée de l’histoire de ce Tumblr ? Oui. 👌
Reprenons avec un peu plus de sérieux.
Le nom donné à ce sabbat est le même que le nom de la déesse germanique du printemps et de l’aurore, Ostara, aussi appelée Eostre chez les anglo-saxons (qui va donner le nom Easter pour la fête de Pâques). Cette célébration est l’occasion d’honorer le point culminant de la saison printanière, quand la vie s'éveille et jaillit dans tous les sens.
On y met en avant des symboles de la nature féconde, comme l’œuf et le lapin, tous deux porteurs d’une dimension de renouveau, d’un souffle neuf allié à un élan vital, celui de la Terre qui renaît de l’hiver. Ces deux symboles d’origine païenne se sont très bien intégrés à la culture populaire, tant et si bien qu’on les retrouve partout sous forme de chocolats dès que la fête de Pâques arrive, ainsi que dans la tradition de la “chasse aux oeufs” pour les enfants, ou les ateliers peintures pour les décorer.
Les cloches sont aussi associées à cette célébration printanière, un symbole nous venant d’Italie et d’origine plus chrétienne que païenne pour le coup (idem pour les poissons, symboles du Christ, qu’on retrouve aussi dans les chocolats de Pâques).
Comment célébrer ce sabbat
Une petite liste non-exhaustive :
🥚🖌 Décorer des œufs
Cette tradition de peindre et décorer des oeufs est presque aussi vieille que le monde, et on la retrouve dans plein de civilisations très différentes : des œufs d'autruche décorés vieux de 60 000 ans ont été découverts en Afrique australe, d’autres peints avec des motifs géométriques, animaliers ou végétaux sont retrouvés dans des tombeaux sumériens et d’Egypte antique. En Europe, on offrait des oeufs peints à la déesse Eostre/Ostara bien avant l’arrivée du christiannisme. Ceci s’explique par le fait que l’Oeuf est un symbole mythologique universel de naissance (ou renaissance), qu’on retrouve dans de très nombreuses cosmogonies.
La tradition veut que l’on décore un (ou plusieurs) oeuf(s), qu’ils soient durs ou au préalable évidés pour ne garder que la coquille intacte, avec de la peinture ou des teintures végétales, et qu’on l’offre à quelqu’un en guise de renouveau au Printemps. C’est une activité très chouette à faire en famille pour initier les plus jeunes et booster leur créativité, ou simplement passer un bon moment ensemble peu importe l’âge - même si j’ai remarqué que cette tradition se perdait chez les plus jeunes générations, du moins en France.
Si vous cassez par mégarde une coquille d’oeuf que vous vouliez décorer, ne la jetez pas ! Vous pouvez toujours l’utiliser dans des rituels (réduite en poudre dans des sachets ou bouteilles de sorcières, à brûler au feu avec des souhaits pour le nouveau cycle à venir, ou si vous n’avez encore mis aucune peinture dessus ou bien que vous n’avez utilisé que des teintures végétales naturelles, vous pouvez aussi les remplir de terre pour faire germer des graines sur votre autel, les broyer pour faire de l’engrais pour vos plantes ou nourrir les escargots (le calcium présent dans la coquille est aussi bon pour votre jardin que pour renforcer celle des escargots un peu faiblards ou blessés)...
💐 Ramasser des fleurs dans votre jardin
Pour décorer votre lieu de vie, mettre dans vos bougies ou encens, à presser dans votre grimoire...
❗️ En nature : attention à ne pas prendre des plantes protégées ou qui servent de nourriture aux abeilles déjà menacées ! Et pensez également à demander l’autorisation à l’esprit du lieu avant de les cueillir.
🌱 Planter des graines et bulbes
Le parfait moment pour se lancer dans un petit potager aromatique et médicinal
Pensez au mélange de fleurs variées pour les abeilles et autres pollinisateurs, dans votre jardin ou sur un rebord de fenêtres si vous vivez en appartement (les variétés : dahlias, fleurs d’arlequin, lavande, plumes du kansas, allium...)
Ostara, c’est aussi le moment de planter des graines au sens figuré : semer mentalement des choses que vous voulez voir arriver dans votre vie : amour, prospérité, créativité, courage, etc...
🏠 El famoso « Grand nettoyage de printemps »
On est toustes d’accord pour dire que passer son temps à ranger et nettoyer son lieu de vie, c’est quand même un peu chiant fastidieux. Mais quand il s’agit de le faire au printemps, tout semble plus simple, plus motivant (en tout cas pour moi ? 😆)
Le printemps, c’est aussi une période de purification, de renouveau, c’est le départ d’un nouveau cycle, et pour acceuillir ces nouvelles énergies positives, quoi de mieux que d’offrir un coup de peps à son lieu de vie ? Trier et se séparer ce qui ne nous sert plus (jeter ce qui ne marche plus, donner ce qui peut encore servir), réorganiser son espace, ouvrir grand les fenêtres pour laisser entrer la brise printanière, dépoussiérer les étagères, etc etc. C’est un travail qui peut prendre plusieurs jours (en tout cas pour les bordéliques comme moi ??), mais c’est aussi l’occasion de méditer en faisant ce travail là. Et pour finir, une bonne dose d’encens pour nettoyer les énergies subtiles qui stagneraient encore ~ (Pensez à aérer quand vous nettoyez à base d’encens ou de fagots de plantes que vous faites brûler, n’allez pas vous intoxiquer non plus)
Autel spécial printemps
Aucune de ces propositions n’est obligatoire, ce ne sont que des suggestions, votre autel doit vous ressembler et vous plaire avant tout ~
Des fleurs fraîches : en bouquet joliment composé, en guirlande au dessus de votre autel, ou même des petites plantes à faire germer sur votre autel
Des représentations de lièvre ou de lapin
Des œuf décorés
Des couleurs qui vous évoquent le printemps
Un encens floral si vous avez
Deux bougies, une blanche et une noire, pour représenter la durée équivalente du jour et de la nuit
Des petites offrandes alimentaires à base de miel, de biscuits aux graines et de fleurs comestibles
#ostara#equinoxe#printemps#sabbat#sorcellerie#occultisme#magie#french witch#witchblr#witch tips#ostara celebration#spring equinox#ostara sabbat
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La jungle
À six ans, en 1994, j’avais demandé à mon père de m’acheter une corde. Il m’en avait ramené une bonne, de dix mètres, bien solide. J’avais accroché une extrémité à une poignée de placard, et l’autre à un pied de mon lit mezzanine. Je voulais faire de ma chambre l’arbre de Rafiki, dans Le Roi Lion. La corde, c’était une liane, c’était un bon début. Ensuite, j’avais peut-être ramassé quelques feuilles, dans le jardin, avec lesquelles j’avais tapissé la moquette beige, puis ce fut tout. J’avais sauté un peu, comme ça, de pouf en chaise roulante, ce n’était pas terrible. Ça m’est resté sur l’estomac, cette ébauche de jungle.
Elise est partie pour deux jours, en séminaire à Trouville. Ce matin, je me suis levé seul, l’appartement baignait dans la lumière. Je repensais aux nombreuses transformations que j’opérais, dans ma chambre d’enfant ou dans mes appartements d’étudiant, errant la nuit, des heures, jusqu’à me redresser soudain, et déplaçant le bureau, le lit, les tables, changeant tout, donnant à l’espace de vie une forme nouvelle. Je m’endormais ensuite, épuisé, et le jour d’après, vers midi, je découvrais une zone inconnue, ravi et plein du sentiment d’avoir déménagé à moindre frais. La vie à deux, si elle offre une multitude de richesses, empêche néanmoins une chose importante : d’être le seul décisionnaire de l’arrangement spatial. La sphère superficielle quémande réflexion. Ce matin, je me suis levé seul et je suis allé à Truffaut. J’ai acheté trois cordes longues de dix mètres, un gros sac de terre, un autre de billes d’argile, une quantité impressionnante de lierre et une multitude de plantes. J’ai tout ramené à l’appartement, en taxi, en deux fois. J’ai suspendu les cordes d’un bout à l’autre du salon de quinze mètres carrés, puis j’ai fait pareil dans la chambre. Elles pendaient partout, je me prenais les pieds dedans. Pendant des heures, j’ai tressé le lierre en longues lianes, puis les ai accrochées en suivant le parcours des cordes. J’ai recouvert les murs de ce qu’il restait. J’ai disposé les grosses plantes au sol, partout où il y avait de la place, et les petites en hauteur. Enfin, j’ai tapissé le linoléum de terre et de billes d’argile. J’ai enlevé mes chaussures. Je me suis assis par terre et j’ai regardé la forêt. Il manquait un peu de vent, alors je me suis relevé et j’ai ouvert la fenêtre. Les lianes se balançaient doucement, les feuilles se frôlaient et faisaient comme des bruits d’insectes qui rampent. J’ai pensé un instant au retour d’Elise, je me suis dit qu’elle allait être bien contente, et pour m’en assurer, je suis allé chercher dans le placard les guirlandes lumineuses qui nous restaient de notre mariage, et je les ai suspendues un peu partout. J’ai fermé les volets. On aurait dit une nuée de lucioles. Je suis resté assis longtemps, encore, sur la terre et les billes d’argile, à regarder la jungle. De l’appartement d’origine, il ne restait que la cuisine, le lit et la salle de bain. C’est que je suis à cheval sur l’hygiène. Parfois, au milieu d’un mur, des livres surgissaient d’une épaisse couche de feuillage, des cadres, des miroirs, des photographies de la ville et de gens. Je suis redescendu m’acheter deux bouteilles. Dehors, par terre, au milieu des trottoirs, des petites pousses sauvages tentaient de forcer le bitume. Je leur souhaitai bonne chance. Je suis remonté, et j’ai passé la nuit et le jour qu’il me restait à boire mes bouteilles.
Quand Elise a ouvert la porte, j’étais tranquillement assis, nu, dans le fauteuil recouvert de lierre. Il y a eu dans ses yeux un éclat de stupeur légitime. Elle a posé son sac dans un coin où il n’y avait pas trop de terre. En équilibre sur ses talons rouges, elle a parcouru l’espace en écrasant les billes d’argile, à pas feutrés et pointus. Elle a longuement regardé l’accrochage des cordes et des lianes, a glissé une tête dans la cuisine et dans la salle de bain. Elle est revenue à moi, et elle m’a demandé si j’étais en train d’écrire ma nouvelle sur la jungle, pour le fanzine dont je lui avais parlé. J’ai répondu que oui, enfin que je commençais mes recherches. Elle a caressé du bout des doigts une grosse plante que j’aimais bien, une avec des feuilles rouge zébrées de vert, puis elle a enlevé ses chaussures. J’ai su que c’était gagné. Elle était au poil, Elise. Elle m’a dit que c’était formidable. Je lui ai tendu ce qu’il restait de la deuxième bouteille. Elle s’est allongée au sol, et je l’ai suivie. Les billes d’argile nous caressaient le dos, les reins et la plante des pieds.
Le lundi matin, nous ne sommes pas partis travailler. Elise m’avait dit que notre jungle manquait d’eau, de bruit d’eau, pour être exact, alors nous sommes retournés à Truffaut et nous avons acheté une sorte de très grande bassine, des tuyaux et encore un peu de terre. Dans l’appartement, nous avons installé la bassine dans un coin, bien camouflée de terre et de feuillage, et nous avons improvisé un parcours d’eau en boucle relié au robinet de la machine à laver. Ensuite, ça faisait comme un bruit de cascade, très léger, de rivière. C’était impeccable. Nous ne sommes pas partis travailler le lendemain, ni les jours d’après. De temps en temps, nous donnions des nouvelles, quelques messages d’amis ou d’enfants occupés et pour qui tout va bien. On a pas tant à se justifier envers nos proches tant qu’il savent que tout baigne. Le temps courrait, les volets clos, sans minutes, sans temps. Nous lisions, nous mangions ce qu’il y avait dans le placard que nous avions largement rechargé. Les employeurs, propriétaires et banques appelaient dans le vide. Ils étaient l’écho qui de temps à autre résonnait, que nous entendions loin, du fond de la jungle, à la lisière de nos vies normales, et dont peu à peu nous apprîmes à ne plus avoir peur.
Les semaines et peut-être les mois passaient. L’eau de la fontaine continuait de couler. Le bruit de la ville nous arrivait régulièrement, par la fenêtre ouverte, mais elle était devenu un son diffus, la ville, un bruit parmi d’autres que nous n’entendions plus, ou presque, la vibration des téléphones, les pas dans l’escalier, les jeux de clés dans les serrures. Nous menions une vie solitaire et commune, ensemble et tout à nos propres envies. L’amour avec Elise enflait, s’était installé dans chaque feuille, chaque bille d’argile et chaque page de livre. Faute de se dissiper dans la ville, il demeurait entier dans notre jungle, protégé d’une vie trop active, d’une énergie incontrôlable. Nous vieillîmes là, Elise et moi, un temps infini, nos peaux se ridant et nos cheveux perdant de leurs couleurs. Le monde du dehors semblait nous avoir oublié. Nous ne connaissions plus notre âge. Les plantes avaient poussé, la végétation avait triomphé de chaque objet, chaque meuble et chaque trace du passé. Tout avait recouvert le temps.
Et puis, un jour, l’eau de la fontaine s’arrêta de couler. Les guirlandes lumineuses s’éteignirent. Nous n’entendîmes plus aucun bruit, ni de voitures, ni de cris, ni de cage d’escalier. Seul le vent bruissait doucement depuis la fenêtre entrouverte. Elise et moi lisions, allongés sur un épais tapis de feuilles. Nous nous relevâmes, surpris, allant d’un même élan voir par la vitre ce qui avait pu ainsi arrêter le cours des choses. Nous étions devenus maigres, Elise et moi, arides. Nos peaux étaient devenues dures, rocailleuses, terreuses et végétales. Dehors, la lumière était rougeâtre, une lumière de fin d’après-midi, mais opaque, qui laissait à peine deviner le soleil. Il y avait une odeur lourde de souffre et de poudre de fer. Quelques vieilles voitures poussiéreuses étaient encore garées le long du trottoir pratiquement recouvert de lichen, de mousse et de plantes grimpantes. Il n’y avait personne. Devant nous, les immeubles étaient morts, vides, leurs murs saturés de lierre, comme si l’appartement s’était étendu à l’extérieur, comme s’il avait conquit le quartier, toute la ville. Le bitume des rues avait cédé, le goudron avait éclaté et laissé la terre du dessous revenir. Quelques oiseaux passèrent au-dessus de nos têtes, volant vite, vers l’Est. Je pris Elise dans mes bras. Il n’y avait plus qu’elle. Ça m’allait. Nous avons refermé les volets et nous nous sommes allongés sur le lit pour finir nos livres.
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l’inconnu et la gouttière
C'est une onctueuse nuit d'été. L'air est doux et léger. Le vent dansant avec les cheveux d'argents des chats de gouttières murmure aux ruelles torturées leur noms oubliées. Un pas, deux ; un troisième… L'ombre marche, s'arrête, et discute avec le vieux lampadaire muet. Leur conversation se perd dans les replis de l'obscurité.
Elle s'avance encore, échange quelques regards avec la poubelle assoupie, s'attarde un instant sur son flanc droit, puis repart.
Elle croise Nicolas Happert et Maréchal Foch. Les sons de ses pas s'effilochent aux travers des passages méconnus de la vieille ville. Ses semelles crissent, les gravillons roulent, rien d'autre n'interrompt les heures de veilles du silence. L'astre blanc lui dévoile une voie. La silhouette s'y engage, le pas volontaire, attiré par la promesse de rencontres incertaines.
Elle y croise des chaises d'osiers, des fenêtres aux regards noirs et des pots de fleurs soupirant. Elle continue, tourne à droite puis à gauche, se perd et repart de plus belle en quête d'un exutoire adéquate. Salut les quelques barrières en métal alignées au bord de la route, gravit un bouquet de marches grossièrement taillés. L'Inconnu débouche enfin dans une petite cour cernée de murs friables.
C'est là, parmi les pavés déchaussés s'égayant avec l'herbes folles qu'ils se virent. Ils se toisent tout d'abord, sans aucun geste. L'Inconnu prend alors place sur un banc au pied d'un platane circonspect. Les coups d’œils fusent et le silence s'emplit bientôt de pensée folles. Même la lune, qui suivait tout depuis le début est mise à l'écart.
Soudain l'ombre se lève, s'avance d'un pas timide et se plante devant la vieille gouttière toute tordue. Elle l'a choisie (ou était-ce la gouttière qui l'avait jugée apte ?), elle s'agenouille en face du tube gris cabossée et en parti couvert de lichen, caresse de sa paume rose pâle le métal froid.
La bandoulière glisse, le sac tombe sans bruit sur la pierre froide de la cour. Les murmures se taisent et attendent, empreint d'un mutisme solennel. De petits gestes précis et vifs se succèdent, l'ombre s'affaire sans le moindre bruit.
L'inconnu se relève et part en clopinant dans les ténèbres. Le platane frisonne, l'air reprend ses doux accents du soir, rien n'a changé. Rien à part peut-être quelques lettres rouges se détachant du gris terne de la vieille gouttière...
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