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La crise mondiale du comportement des élèves
Dans beaucoup de pays, la manière dont les élèves se comportent à l’école, entre eux ou face aux adultes, inquiète la société. Les faits de violence semblent en hausse et les réponses des états face à ce phénomène sont multiples : éducation à la paix en Espagne, incantation de l’autorité en France, notes de discipline en Italie, mesures restauratrices au Royaume-Uni, développement des « social émotional learnings » aux Etats-Unis pour gérer ses émotions...
Mais le phénomène est-il réel ou est-ce une impression ? Pourquoi n’en parle-t-on pas plus en France ? Quelle réponse éducative ou sociale est la meilleure d’après la recherche ?
Comme vous vous en doutez (peut-être?), ma réponse ne sera pas unique et catégorique, d’autant plus que je ne suis ni chercheur, ni scientifique. Juste un observateur, curieux, du système éducatif, qui a quelques idées (parfois préconçues) sur ce sujet qui me semble primordial car à la croisée de plusieurs problématiques : l’inclusion éducative, le harcèlement, l’attractivité du métier enseignant, la réduction des inégalités sociales et scolaires..
Pour creuser le sujet, j’ai lu les derniers articles de journaux sur ce sujet dans des médias canadiens, britanniques, américains, australiens, français et allemands, ainsi que les sites internet des syndicats enseignants avec lesquels je travaille dans ce pays. Trois éléments de réponse dans cet article : 1/ La violence est bien là, ressentie par les élèves et par les personnels 2/ Les politiques éducatives essaient de traiter ce phénomène, où il n’y a pas de baguette magique 3/ Se dégage des pistes intéressantes dans ce qui marche parmi les expériences menées.
1) Oui, la violence est là et elle a des conséquences lourdes
Quel que soit le pays étudié, les faits de violence sont fréquents dans le milieu scolaire, et ils sont en augmentation. C’est l’étude du NASUWT (Syndicat enseignant au Royaume-Uni) de septembre 2023 où 93 % des répondants ont constaté une hausse des faits de violence dans les établissements britanniques. Avec des conséquences pour les personnels : 53 % des répondants ont indiqué songer sérieusement à quitter le métier suite à cette violence.
C’est l’appel lancé par la CSQ, syndicat québecois, pour dénoncer une augmentation de 55 % des faits de violence en milieu scolaire sur les 5 dernières années. Sur les 40 000 signalements de personnels déclarés sur les 6 dernières années au Québec, étaient relevés en premier lieu des actes de violence physique (80 %), suivis par des cas de violence psychologique (14,6 %), de harcèlement (5 %) et de violence sexuelle (0,4 %).
Il en est de même en France où la DEPP relève annuellement des signalements pour faits de violence grave dans les écoles. Au cours de l’année 2022-2023, on est passé à 4,6 incidents graves pour 1 000 élèves pour le niveau élémentaire contre 13,7 incidents pour 1000 élèves dans le second degré (public et privé) alors que l’année précédente on en était à 3 incidents graves pour 1 000 élèves en primaire, et 12,3 pour le secondaire.
Le cas allemand est intéressant puisqu’au-delà du milieu scolaire on a aussi relevé une augmentation des cas de délinquance dans la jeunesse. La violence touche les jeunes allemands dès le plus jeune âge, quand 12 % des jeunes de moins de 15 ans subissaient du harcèlement d’après la dernière étude PISA (6 % avec de la violence physique), quand 12 % des élèves de CM1 indiquaient subir de la violence physique au moins une fois par semaine ou encore quand ils étaient 17 % à indiquer craindre la violence à l’école. A noter, 27 % des enseignants allemands indiquaient aussi dans une enquête de l’institut Robert Bosch observer des comportements violents chez leurs élèves (70 % dans les environnements défavorisés) et la moitié des répondants pensaient que la violence augmentait chez les jeunes en général.
Cette violence d’ailleurs est corrélée à d’autres phénomènes : bullying (RU) et mobbing (Allemagne), le même mot pour le harcèlement, qui fait l’objet de politiques ciblées dans ces pays alors que la prise en compte des environnements sociaux défavorables (Etats-Unis) et des besoins éducatifs particuliers est à intégrer de manière globale dans la problématique des comportements puisque chacun de ces aspects a un impact sur le climat scolaire..
En Australie, la réflexion sur le comportement des élèves est liée à la publication des résultats de l’enquête PISA. Alors qu’en France cette révélation n’avait pas fait grand bruit, l’Australie a été choquée d’être dans le bas du classement pour l’attention en classe (33ème sur 37eme pour le temps d’écoute en classe de maths). Le mauvais climat de classe serait un facteur de stress pour les élèves et il nuit aux apprentissages.
2/ les politiques éducatives essaient de traiter cette problématique jugée prioritaire
Ne me lancez pas sur la manière incantatoire choisie par la France pour régler ce problème avec les appels de Gabriel Attal ou du rassemblement national à « restaurer l’autorité à l’école » au cours de l’année dernière.
D’autres pays font mieux, quand même. En misant sur l’accompagnement psychologique des élèves et des personnels par des professionnels, notamment.
Aux Etats-Unis, le syndicat NEA met en lien le levier majeur du financement de l’école publique, pour organiser le développement professionnel des personnels, l’accès à des personnels ressources tels que des travailleurs sociaux, baisser la charge de travail des enseignants, des actions efficaces pour réduire la violence. Le NEA met en avant des écoles qui ont réussi à endiguer ce phénomène en formant les personnels à la communication non-violente, apprendre à gérer son corps, sa voix pour trouver une solution face à un problème. Dans un pays où d’après l’enquête du Pew Research center, 68 % des enseignants ont subi une violence verbale de la part d’un élève l’an dernier (pour 21 % plusieurs fois par mois). Les Etats-Unis ont une approche « globale » de ce phénomène qu’ils lient au traumatisme subi pendant la crise sanitaire. Le NEA a référencé les états qui ont trouvé des solutions : des « classes pour crier » où on a accès à des psychologues quand on ne peut plus supporter le cours, une formation des personnels à la gestion des traumatismes...en Oregon, le dialogue social a permis d’obtenir des classes plus réduites en effectifs et des équipes de soutien à la santé mentale. Au Maryland les personnels ont été formé aux « pratiques restauratrices » pour gérer le comportement des élèves et avoir une autre approche de la réponse éducative plus large que la sanction. Au Colorado, à Denver, chaque école a été dotée d’un assistant social et d’une infirmière...et les exemples se multiplient.
En Ecosse, le climat scolaire est un sujet central de la politique éducative avec un plan national en cours de réécriture. Mené de 2016 à 2021, il comportait l’introduction de pratiques restauratrices et l’interdiction des exclusions de cours qui n’ont pas entièrement convaincu et le plan reviendra à une plus large gamme de réponses. L’approche en cours de redéfinition restera centrée sur la relation prof-élève et passera par l’organisation de trois « sommets du comportement » où les organisations syndicales seront impliquées. Une approche restauratrice qui est critiquée au Royaume-Uni quand les problèmes de comportement sont rejetés sur les enseignants ou quand ils ne peuvent s’appuyer sur des personnels spécialisés pour mettre en œuvre réellement ces approches. Une stratégie centrée sur le modelage du rôle de l’élève centrale en Angleterre (établissement des routines, appropriation des règles de vie) qui est aussi en réflexion en Australie pour gérer les comportements individuels sans interrompre le cours.
3/ Se dégagent des pistes intéressantes
Globalement sur les 6 pays étudiés (EU, RU, France, Australie, Allemagne, Canada), ce qui se dégage, c’est d’abord qu’il faut déjà connaître le sujet statistiquement. Pour une fois, la France est plutôt bien achalandée sur le sujet grâce à la DEPP. Au Royaume-Uni, c’est le supplément éducatif du « times » qui déclenche ses propres enquêtes sur un panel de 4000 enseignants tandis que le NASUWT britannique et la CSQ québecoise utilisent leurs propres enquêtes.
Le 2ème enjeu, c’est qu’il faut avoir un objectif en matière de comportement scolaire qui est devenu la première cause de rejet du métier chez les gens qui le quittent aux Etats-Unis avant la faible rémunération. Là où les Etats-Unis mettent en place des stratégies de « désescalation » dans la gestion individuelle des individus, où on réfléchit à prévenir les situations de crise et à détecter et anticiper les « trigger » individuels (des faits qui déclenchent), les Anglais et les Ecossais vont avoir une approche plus collective des règles de communauté, de leur définition, de leur appropriation, avec des stratégies locales établissement par établissement et des dispositifs d’aide ciblés sur les établissements. Comme les 10 millions de livres consacrées en Angleterre en 2023 aux « behaviour hubs », un appui en conduite de projet avec des spécialistes pour les établissements en difficulté sur ce sujet.
Les Français sont le seul pays au monde où certains partis veulent discuter des sanctions scolaires au parlement et légiférer sur des peines automatiques. On a seulement réussi à influencer Giorgia Meloni en Italie qui part sur un modèle semblable avec un projet de loi récent…
Dans les stratégies que je retiens, la piste américaine me plaît : formation des enseignants à la gestion de crise et à la gestion des émotions pour améliorer la relation prof/élève avec plus d’empathie pour donner du goût à la chose scolaire, appui sur des personnels sociaux et spécialisés, sortie de la classe de l’élève qui va mal pour préparer son retour (le modèle des classes relais déjà pratique en France), approche « globale » de l’établissement scolaire avec le modèle des « community schools » qui sont des écoles publiques/centres sociaux de quartiers où tous les besoins des élèves et de leurs familles sont couverts.
Dans tous les pays, la question des moyens publics se pose : les Etats-Unis mettent en avant la taille des classes qui ne permet pas d’avoir une approche suffisamment personnalisée de la relation prof/é lève. Au Québec ou en Ecosse, on relève la nécessité d’avoir une approche globale du climat scolaire qui intègre toute la communauté éducative. La question du rapport au téléphone se pose aussi dans de nombreux pays : l’étude australienne mettait en avant son utilisation comme facteur de distraction en cours et les Allemands l’intégraient dans leur plan de prévention de la violence chez les jeunes, avec les addictions.
Dans tous les cas, ce qui m’intéresse dans ce sujet, c’est qu’on ne peut le traiter indépendamment de ce qui se passe dans la société, même si c’est seulement en Allemagne que j’ai vu le phénomène de la violence à l’école traité dans le contexte global d’une montée de la puissance chez les jeunes.
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Géopolitique de l'Éducation
L’idée d’avoir des acteurs multiples de type différent qui jouent un rôle politique sur un territoire donné fonctionne aussi pour l’éducation. Le congrès de l’Internationale de l’éducation, il y a quelques semaines, à Buenos Aires, a été un formidable espace pour étudier et répertorier ces différents acteurs, car la situation dans les autres pays du monde n’est pas du tout la même qu’en France à cet égard.
Le premier acteur que j’évoque n’est donc pas le plus puissant, mais il recouvre toute la planète et son organisation est assez uniforme entre les différents continents. C’est le syndicalisme des métiers de l’éducation. Il est né à la fin du XIXème siècle (le plus vieux est le syndicat des enseignants écossais EIS) plutôt sous la forme corporative que sous la forme syndicale d’ailleurs. Il est souvent fédératif, que ce soit pour unir des syndicats de provinces différentes (Australie) ou de métiers différents (Québec ou France). Ce syndicalisme est plus ou moins fort, les syndicats américains et mexicains par exemple comptent plusieurs millions de membres et les syndicats du nord au sens large (Canada, Suède, Finlande, Danemark, Norvège, Allemagne) ont un poids géopolitique certain car ils mènent des programmes de développement dans les pays du sud.
Le syndicalisme peut avoir une place différente du point de vue institutionnel, entre des pays où il participe obligatoirement aux négociations (Québec, Allemagne), d’autres où il est consulté dans les politiques éducatives. La France, à ce titre, était dans la moyenne, avec la spécificité d’un paritarisme pour la gestion des personnels, remis en cause depuis 2019, qu’on retrouve peu souvent ailleurs. D’autres syndicalismes sont ignorés par leurs gouvernements (Afrique de l’ouest), encadrés drastiquement dans leur action (Angleterre) voire réprimés (Turquie). Certains sont en collusion avec des partis politiques à tendance autoritaire (Russie, Israël, Indonésie) dont ils défendent la politique sans trop d’esprit critique.
Le syndicalisme de l’éducation porte globalement un discours assez uniforme sur la revalorisation des personnels de ces métiers face à une pénurie importante et un plaidoyer cohérent pour le droit à l’éducation dans toutes ses composantes (les pays anglo-saxons peuvent mettre en avant des repas gratuits, l’Australie l’inclusion gratuit, d’autres pays l’accès à l’école pour les peuples autochtones, d’autres l’accès à l’éducation pour les réfugiés..).
L’Internationale de l’éducation a la particularité d’être un groupement syndical mais d’avoir une activité d’ONG, très axée sur un plaidoyer porté auprès d’institutions internationales (OCDE, UNESCO, Organisation des Nations Unies qui vient de se saisir du problème de la pénurie d’enseignants…). A l’occasion du 10ème congrès de l’Internationale de l’éducation à Buenos Aires, la présidence est passée de l’Australie à l’Afrique du Sud.
Le deuxième acteur qu’on retrouve quasiment partout, c’est la puissance publique organisatrice de l’École.
J’emploie à dessein des mots génériques. Cette puissance publique peut être l’Etat mais aussi la province, la communauté autonome, l’Etat régional car beaucoup de pays ont une forme décentralisée pour mener les politiques éducatives. La puissance publique organisatrice peut être en fait à l’échelle des municipalités (Portugal, Finlande), ou à l’échelle de districts scolaires qui ont la compétence de la gestion des personnels (Canada, Etats-Unis).
Il peut y avoir plusieurs niveaux d’intervention, parfois complémentaires, mais la France est la seule à avoir détaché les questions matérielles éducatives (aux collectivités territoriales), les politiques éducatives (nationales ou tout un petit peu déconcentrées), la gestion des personnels (idem), et une autonomie des établissements et des écoles très faible. Je n’ai trouvé que la Turquie comme exemple semblable.
Cette puissance publique elle-même peut réduire son pouvoir, comme aux Pays-Bas ou en Angleterre où le ministère se limite à établir des curriculums scolaires, des évaluations standardisées et une inspection indépendante et à laisser des acteurs privés gérer le « marché scolaire » en impliquant parents et personnels. Ce dernier modèle très libéral a pour conséquences de graves problèmes d’inégalités sociales et de qualité du système éducatif. Les pouvoirs locaux, quand ils s’impliquent dans l’éducation, peuvent le faire en établissant des priorités (souvent le numérique, en France), ou par des choix symboliques (mesures ultra conservatrices dans les états du sud des États-Unis, soutien à l’école privée dans les communautés autonomes du parti populaire espagnol, mesures de mixité sociale dans celles dirigées par la gauche espagnole)…
Le troisième acteur qu’on retrouve uniformément à l’échelle mondiale va avoir une influence très variée selon les pays, le niveau de développement et le niveau d’autonomie des établissements. Ce sont les usagers, les élèves et les parents. Plusieurs pays, notamment européens, mettent en place des formes de participation pour les élèves (place dans les conseils d’administration en France et en Allemagne par exemple, gestion des conflits en Espagne). Les parents sont très impliqués dans la gestion des écoles, notamment en Europe du Nord et dans le modèle anglo-saxon.
La France, à ce titre, est plutôt dans le groupe avancé, avec des organisations de parents d’élèves qui sont présents dans le débat éducatif à l’échelle nationale. En revanche, cette place des usagers semble moins active dans les pays du sud, à part quand ils sont impliqués dans des dynamiques de marchandisation de l’éducation, dans des systèmes où des « chaines » d’écoles proposent le « moindre coût éducatif », à l’exemple des écoles « Bridge ».
Le quatrième acteur est plus diffus, il s’agit des différents acteurs du débat médiatique sur l’éducation, les scientifiques, les médias et les lobbys.
Il peut s’agir de mouvements pédagogiques, d’associations de parents d’élèves, notamment ceux concernés par le sujet de l’inclusion, ou d’associations thématiques qui veulent que le sujet qu’ils défendent ait plus de place dans les apprentissages.
C’est ainsi que des mouvements féministes peuvent contacter les syndicats enseignants pour parler de l’histoire des femmes dans les programmes scolaires, que l’ordre des avocats peut faire des propositions pour faire vivre la journée du droit ou que des mouvements pédagogiques peuvent agir avec leurs adhérents pour obtenir la mise en place de dispositifs expérimentaux dans les établissements (classes coopératives par exemple).
Du point de vue médiatique, le problème des experts utilisés par les médias est qu’il s’agit forcément de positions outrées puisque les journalistes, sur les sujets évoqués, veulent des positions en « pour » et en « contre ». Avec la particularité d’un débat médiatique centré sur des questions périphériques, en France (uniforme à l’école, coaching privé pour l’orientation), et moins sur les politiques générales éducatives.
Cela ne fait qu’exacerber un débat éducatif sur des questions symboliques, culturelles notamment, sans que le cœur du problème, le manque d’un modèle éducatif spécifiquement français, ne soit jamais évoqué.
Cette géopolitique d’acteurs différents peut se retrouver dans certains lieux ensemble : la manifestation des personnels où les partis politiques viennent saluer les cortèges et où des délégations sont reçues par les décideuses et décideurs politiques aux échelles locales et nationales. Les conseils d’école ou d’établissements où représentants des usagers, des personnels, des collectivités discutent ensemble des moyens alloués au plus petit échelon des politiques éducatives.
En France le Conseil Supérieur de l’Éducation, un organisme magnifique puisqu’à part les scientifiques et les journalistes spécialisés évoqués plus haut, il rassemble tous les acteurs de la communauté éducative, quel que soit leur statut.
Une situation qu’on retrouve aussi dans les commissions scolaires canadiennes ou dans les school boards américains, à l’échelle des districts, où on peut aussi d’ailleurs avoir des élections pour mener ces politiques éducatives, une situation intéressante qu’on devrait peut-être étudier de près…(je tenterai à une prochaine occasion quand je croiserai mes collègues américains).
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Comportement des élèves, le tabou français
J’avoue qu’à chaque fois que j’entends le premier ministre parler d’autorité à l’école, des élèves perturbateurs, des sanctions, je tressaute sur ma chaise. Il n’a rien compris. Il va dans la mauvaise direction. Le problème de l’école française, c’est justement que le bien-être des élèves est le cadet de ses soucis. Cet enjeu central pour favoriser la réussite de tous les élèves est très mal traité dans le "choc des savoirs", cet ensemble de mesures qui constitue la nouvelle politique éducative du gouvernement de Gabriel Attal. Le sujet du bien-être est à peine effleuré dans la discussion sur la lutte contre le harcèlement ou encore dans l’introduction des compétences sociales dans le curriculum.
Ce que je ressens comme ancien élève, comme enseignant en lycée et en collège avec l’expérience de 15 années passées devant différentes classes, ce que j’ai compris comme syndicaliste impliqué dans l’actualité éducative, et ayant eu la chance de pouvoir m’initier au fonctionnement d’autres systèmes éducatifs, c’est que notre système éducatif, et tout particulièrement le niveau collège, est déjà tout entier tourné vers un objectif majeur, que l’élève veuille bien se taire, rester assis sur sa chaise et écouter passivement.
Je vois dans cet enjeu de la discipline à l’école un dernier héritage chrétien où il s’agissait bien de soumettre le corps et l’âme.
Nous sommes en 2024 et nous devons dépasser cet héritage. Les politiques éducatives prônées par la droite et l’extrême-droite, du MODEM au RN en passant par "la république en marche", nous conduisent dans le mur quand elles veulent imposer des échelles de sanctions scolaires décidées à Paris.
C’est le petit bout de la lorgnette du pouvoir qui ne prend absolument pas en compte les enquêtes internationales où la France fait moins bien que les autres pays dans ses résultats parce qu’elle veut réprimer les comportements perturbateurs au lieu d’agir globalement sur le système pour apaiser le climat scolaire. Là est l’erreur majeure.
Trois aspects notamment permettent de cibler le problème français :
La relation de confiance entre les enseignants et les élèves
Le sentiment de bien-être des élèves à l’école
Le temps perdu en classe pour gérer le comportement des élèves
Ces critères bénéficient d’études, avec des statistiques, qu’on peut comparer à d’autres pays et cette étude se fait au détriment de la France : Un travail de recherche mené en 2023 met en évidence qu’en France on se méfie de la relation affective entre l’enseignant et l’élève alors qu’elle a un impact sur les apprentissages (voir article ). C’est une recherche poussée menée en 2006 qui avait démontré que c’était en France au sein des pays développés que la relation était la plus distendue entre le prof et l’élève. Une recherche québecoise revient aussi sur l’importance de construire cette relation de confiance pour favoriser l’engagement des élèves (voir l’article ). Une recherche basée sur une comparaison entre la France et l’Allemagne par des élèves ayant participé au programme Voltaire et participé à des cours dans les deux pays évoquait aussi des situations ou le plaisir d’aller en classe, en Allemagne, amenait les élèves à ne pas vouloir décevoir leurs enseignants.
Une étude de 2021 menée par l’observatoire du bien-être en France (voir étude) s’appuyait sur les statistiques de la DEPP (évaluations ministérielles) pour montrer que la France arrivait en queue de peloton dans les enquêtes internationales pour le sentiment d’injustice ressenti à l’école, pour le fait de se sentir chez soi à l’école, ou pour le sentiment d’appartenance. Il est intéressant de noter que la polémique sur la tenue unique à l’école vient au moins évoquer ce problème majeur du « sentiment d’appartenance » même si là encore l’idée de l’uniforme ne vient qu’effleurer une problématique bien plus vaste.
Parlons maintenant des comportements dits perturbateurs. Ils sont de plusieurs niveaux. Cela peut relever d’une inclusion mal gérée d’élèves souffrant de troubles du comportement sans bénéficier d’accompagnement, ou de situations plus conjoncturelles de mal-être d’un élève qui n’est parfois pas connue par l’établissement.
Mais cela peut aussi relever d’une problématique plus latente des « petites perturbations » de type bavardage, moquerie, distraction qui sont si pesantes pour le quotidien des enseignants. Les études de nos partenaires britanniques à ce sujet font état d’une augmentation des comportements perturbateurs depuis la crise sanitaire (lire un article à ce sujet du syndicat des enseignants britannique).
Le problème de la violence chez les jeunes concerne tous les pays et en France les drames récents ont enfin fait de ce sujet un enjeu médiatique, mais comme d’habitude le gouvernement le traite à l’envers et évoque uniquement des sanctions dans le cadre scolaire et extra-scolaire pour gérer le problème.
C’est une enquête du journal « le monde » datant de 2019 qui révélait que l’indiscipline était un sujet majeur pour nos collègues, en se référant à l’enquête TALIS sur les personnels (voir l’article https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/20/en-france-le-manque-de-discipline-en-classe-perturbe-l-enseignement_5479015_3224.html) : 55% des enseignants se jugeaient formés pour la gestion de classe contre 72% en moyenne dans les autres pays. Ils indiquaient que 72% du temps du cours en moyenne était utilisé pour les apprentissages à cause des problèmes d’indiscipline. Que dans les établissements les plus en difficulté ce temps de « maintien de l’ordre » pouvait représenter 7,5 jours à l’échelle de l’année (une situation liée en partie au manque d’expérience des enseignants affectés).
Alors, que faire ? Pour moi, il s’agit essentiellement de donner de l’importance à la question du climat scolaire qui doit devenir un pilier de la formation des cadres, de l’évaluation des écoles et des établissements, de la formation des enseignants et des programmes scolaires.
Cela veut dire que l’apaisement du climat scolaire, des relations entre les professeurs et les élèves doit devenir un objectif en soi des projets d’école et d’établissements, que les compétences sociales et émotionnelles, et notamment la capacité à communiquer de manière non-violente, intègre comme axe transversal les curiculums scolaires.
Cela veut dire aussi de changer de regard sur l’enfance et la jeunesse pour faire confiance. Cela veut dire d’abandonner l’objectif de soumission du corps et de l’âme pour accepter qu’un cours réussi est un cours où il y a du bruit, le bruissement des élèves qui échangent, travaillent, partagent, produisent, phosphorent. C’est-à-dire faire confiance aux établissements pour construire au sein de la communauté éducative les règles de vie sans injonction parisienne en donnant des moyens aux établissements pour aménager des sas de décompression et pour dégager des moyens humains pour accompagner les élèves qui vont mal avant que la situation ne dérape.
Cela demande un changement de braquet de notre politique éducative, en laissant de côté l’importance donnée à la mesure d’éléments quantitatifs, froids, dans les évaluations nationales, les tests standardisés si décriés dans les pays anglo-saxons par nos partenaires étrangers, pour favoriser des évaluations qualitatives du travail qui se fait en classe et de que les élèves arrivent vraiment à faire, à exploiter, quelles compétences ils ont acquis sur le long terme au lieu de « recracher » un savoir en un instant T.
C’est là que le contre-modèle proposé par la NEA USA (Association nationale d’éducation des Etats-Unis, 3 millions de membres, membre de l’internationale de l’éducation), est intéressant : la première organisation syndicale enseignante à l’échelle de la planète propose de mettre en œuvre un « performance-based-assessment » à la place des tests standardisés en mode QCM : évaluer la capacité à la pensée critique, à la résolution de problèmes, à la collaboration et à l’application de connaissances dans la vie réelle (à retrouver dans cet article ). Cette proposition du NEA engage un changement de braquet, au lieu d’une seule évaluation, c’est un travail d’évaluation de long terme qui permet de mieux dégager là où il faut aider les élèves. A noter, au contraire de l’évaluation standardisée, on sort de l’automatisation de l’évaluation et donc d’une situation où la machine peut remplacer l’enseignant.
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De l’amer sentiment d’être dépassé
D’habitude, je tente de prendre un peu d’avance sur les sujets qui pointent leur nez. Mon mémoire d’études à l’IUFM traitait du développement durable dans les programmes, mes engagements politiques m’ont amené assez vite à me poser la question de l’urbanisme face au changement climatique et enfin, je me suis systématiquement demandé, dans mon engagement syndical, comment les systèmes éducatifs pouvaient réagir face aux transitions qui changeaient le monde à toute vitesse.
Et bien c’est raté, j’ai été dépassé par cette énième mutation technologique qu’est l’intelligence artificielle.
Dépassé, et c'est bien dommage car les nouvelles tâches assurées par l’intelligence artificielle recoupent souvent celles pour lesquelles mon savoir-faire était un peu reconnu. Je me sens un peu comme un fabricant d’appareils photos argentiques (voir ce vieil article sur le risque de kodakisation de l’éducation nationale en passant). Mes lacunes scientifiques sont sans doute pour quelque chose dans ce retard. Et comme d’habitude, c’est l’émergence d’un sujet dans ma todolist hebdomadaire qui m’a obligé à réagir, un peu tard vous me direz. Une formation à préparer dans un cadre bénévole, de futures réunions qui vont toucher le sujet dans mon cadre professionnel, une participation marquante à un webinaire sur « l’IA générative au service de votre ligne éditoriale »…et me voici obligé de m’intéresser au sujet qui va me toucher directement.
Evidemment, je le fais à ma manière. Demander à chatGPT quelles vont être les répercussions de l’arrivée de l’IA dans le domaine éducatif, sujet de mon article, est intéressant, a pris très exactement deux secondes à la machine, mais chatGPT n’a pas mes arrière-pensées, ne sait pas ce que je veux faire du sujet, ce qui m’arrange et ce qui ne m’arrange pas, dans les informations qu’il me dévoile. Je commence donc par croiser rapidement quelques sources. Evidemment, chatGPT fait cela bien plus rapidement, mais quelle perte de connaissances induites par la sérendipidité dans ce cas !
Il s’agissait d’abord de comprendre ce qu’est l’intelligence artificielle. Pour cela, j’ai marché de la station Plaisance à la station Boucicaut, et retour, en écoutant les excellents podcasts de l’université Paris Dauphine, « ex machina », consacrée aux enjeux de l’intelligence artificielle. Je signale notamment les épisodes consacrés à l’histoire de l’informatique, qui remettent en cause le terme même d’intelligence artificielle, ou encore le numéro sur l’enjeu écologique dans la mutation numérique quand les fermes de données, les câbles sous-marins et une simple recherche google ont un impact écologique surprenant. Passionnant. Je n’ai pas tout compris aux tapis de neurones, à l’optimisation, mais assez pour faire illusion.
Je me suis rendu ensuite au fascinant café de l’entrepôt, station Pernety, où une immense verrière me distrait quelquefois de la météo plombante. En faisant défiler la dernière lettre de l’UNESCO consacrée aux dangers de l’IA, en parcourant le rapport de l’Internationale de l’éducation sur les ed-techs, organisation qui me permet régulièrement d’assister à ses comités exécutifs, ou encore en relisant la règlementation européenne datant du 2 février 2024 sur le sujet, j’ai un petit aperçu sur ce sujet de l’intelligence artificielle adapté à l’éducation qui m’a tant frappé dans le discours de Gabriel Attal du 5 décembre 2023 consacré à la présentation des mesures du « choc des savoirs ». Je n’aime pas les surprises en éducation.
Je suis entré dans le sujet par son histoire, évidemment, retrouvant les maintes et maintes occasions, depuis les années 1950, où les médias ont clamé que, ça y est, les machines allaient remplacer les enseignants.
La télévision, les ordinateurs, et maintenant l'IA. Je perçois, avec ma casquette de syndicaliste de l’éducation, quelques sujets sur lesquels il serait intéressant de fixer son attention dans les prochains mois :
La nécessité absolue d’une réglementation de l’IA « by design » dès la conception, pour qu’elle intègre l’enjeu éducatif, pour que les contenus générés IA soit clairement annoncés, pour que les enjeux éthiques soient clairement établis (un état américain s’est servi de l’IA pour nettoyer les bibliothèques des contenus « interdits »). Un sujet revient souvent par exemple avec les préjugés de genre, voire au-delà, que peut avoir l’IA quand elle fonctionne avec une masse de contenus empreints de ces préjugés. L’UNESCO posait aussi la question des conséquences d’une invasion de « fake news » sur le web, qui pourrait déborder sur les réponses de l’IA.
L’intérêt de débattre de l’utilité pédagogique de l’IA dans le cadre d’un débat plus vaste sur les finalités de l’éducation. Si l’intelligence artificielle peut être un outil particulièrement efficace d’accompagnement éducatif individuel pour aider un élève à faire un exercice où on repère et pallie ses difficultés, pour aider à créer des exercices ou des évaluations…ce n’est pas ça l’éducation ! Dans la construction de l’esprit critique, de la citoyenneté, de compétences sociales ou encore du développement de l’enfant, d’autres choses se jouent dans la relation prof/élève, dans les interactions sociales et dans le lieu scolaire.
Plus techniquement, avant d’être appliquées massivement à la chose scolaire, certains aspects méritent d’être gérés en amont : protection des données, transparence des algorithmes, formation des personnels, inclusion…sans compter une réflexion sur des technologies conçues pour accompagner les métiers de l’éducation et non pour les remplacer. Avec donc l’enjeu majeur de la défense de l’autonomie professionnelle des enseignant·es, déjà questionné par le débat sur les « données probantes », sur les neurosciences et sur l’envie de certains gouvernements, suivez mon regard, d’imposer des méthodes pédagogiques jugées plus efficaces.
Un enjeu économique est aussi posé par l’UNESCO : si les systèmes éducatifs devenaient dépendants des grands groupes technologiques qui vendraient leurs services, cela conduirait à un risque de privatisation des moyens alloués à l’éducation. Ce risque nécessite évidemment que la puissance publique traite le sujet. L’union Européenne a mis 6 ans, de 2018 à 2024, pour établir un cadre législatif à ce sujet, avec un règlement qui vient à peine d’être édicté et qui obligera les contenus générés par l’IA à afficher clairement leur provenance.
En bref, le sujet est passionnant, il va de pair avec le foisonnement des données, avec l’automatisation du travail, avec la mutation numérique de l’accès au savoir. Mais comme toujours, ses enjeux économiques, politiques et écologiques en font un sujet essentiel pour la démocratie. Sans que cet enjeu n’émerge réellement dans le débat politique, pour l’instant.
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Des batailles perdues et des combats qui méritent d’être menés
Nous n’avons pas de recul encore mais j’en ai l’intuition, la présentation du « choc des savoirs » par le ministre Gabriel Attal, début décembre, est un mouvement d’ampleur pour notre système éducatif. C’est une stratégie globale, de long terme, en passe de réussir à fixer définitivement le modèle éducatif de la France. C’est un recul majeur qu’il sera difficile de remettre en cause, qui va à l’encontre d’une vision « progressiste » de l’histoire éducative qui jusqu’à maintenant, retardait progressivement le moment de l’orientation, impliquait les parents dans les choix. Qui faisait évoluer les programmes scolaires pour leur donner plus de transversalité et pour sortir de l’encyclopédisme.
Regardons le détail. Pas les mesures les plus connues sur le redoublement, sur le DNB, les manuels. Mais d’abord le fait que les résultats du questionnaire aux personnels présenté en appui de la conférence de presse, ne sont pas exploités dans toutes leurs données. Les enseignants ont plébiscité la pédagogie coopérative qui a aussi de bons résultats dans la recherche et pourtant elle est quasiment absente du dossier de presse. C’est étonnant, elle arrivait pourtant en 2ème à la question des leviers pour élever le niveau scolaire, voire en premier au niveau lycée. Quand on lit le détail des questions, on s’étonne d’atterrir sur 3 groupes de niveaux au collège alors que les réponses proposées dans le questionnaire sur lesquelles le ministre s’appuie étaient la différenciation, le travail d’élèves par groupes de besoin ou encore des effectifs adaptés en fonction des besoins. Des items que j’aurais pu valider alors que je ne suis absolument pas pour les groupes de niveaux ! Une lecture faussée, pour le moins, du questionnaire.
Ah, Gabriel Attal n’a pas fait tout seul.
Tout était dans « l’école de demain », ce livre de Jean-Michel Blanquer en 2016, noir sur blanc : le collège modulaire, la priorité aux fondamentaux, la logique d’évaluation à outrance, et surtout la place des « données probantes », ces méthodes pédagogiques infaillibles et ces manuels parfaits, ce primat de la méthode sur la sociologie, qui apparait d’ailleurs dans un paragraphe du dossier de presse de la présentation du « choc des savoirs ».
C’est Jean-Michel Blanquer qui a remis au goût du jour les évaluations annuelles et créé le conseil scientifique de l’éducation nationale avec des experts bien choisis. Tout était en place.
C’est de cela que je veux parler. De comment on transforme un système éducatif. L’organisation syndicale presque centenaire pour laquelle je travaille a longtemps défendu le modèle d’une École populaire qui ne reproduit pas ad nauseam la logique élitiste du lycée napoléonien, où l’on apprend des choses utiles pour la vie, pas pour rentrer dans l’ordre des Jésuites, qui a largement façonné notre modèle scolaire. Le 6 décembre 2023, nous avons perdu une bataille, mais nous n’avons pas (encore) perdu la guerre. Voyons maintenant les combats perdus et ceux qui restent à mener.
La bataille de l’éducation est une bataille de conviction, il faut décider l’opinion publique, il faut argumenter auprès des personnels.
Gagner à la fois sur les deux terrains, car on ne peut réussir par la contrainte quand les usagers ne sont pas convaincus (sur le coût des classes prépa, sur l’évaluation par compétences, sur les options au collège, on l’a vu à maintes reprises de 2012 à 2017). On ne peut pas non plus mener une politique éducative sans les personnels, l’OCDE l’écrivait en long et en travers dans son rapport annuel en 2016. La réforme des rythmes scolaires, qui sans doute ne prenait pas assez en compte les inégalités femmes-hommes encore prégnantes dans notre pays, ou la difficulté à organiser le travail d’équipe dans le second degré qui a sans doute rendu difficile la réforme du collège de 2015, ont largement démontré cela.
Nous ne sommes pas le seul pays où le débat éducatif est clivant et où les politiques publiques sont formées par des flux et des reflux. Le retour des conservateurs au pouvoir, en Angleterre, a amené une montée en charge des « fondamentaux » (lire écrire compter), du rôle central des évaluations et d’une logique libérale dans le pilotage du système éducatif. Les travaillistes ont déjà annoncé qu’ils reviendraient sur de nombreux aspects. En Espagne, le gouvernement socialiste au pouvoir travaille depuis plusieurs années sur la mise en œuvre d’une loi éducative qui intègre des mesures de mixité sociale, qui ouvre les programmes sur l’éducation à la citoyenneté, à la vie affective, et fait du bien-être à l’école une priorité. Le parti populaire dans les collectivités qu’il dirige ne prend pas de gants pour soutenir l’enseignement privé. Les modèles éducatifs peuvent changer : La Pologne en 2009 a centré sa réforme éducative sur l’adéquation entre les curriculums pédagogiques et l’évaluation internationale PISA. Ça a marché, avec de très bonnes places au classement. Le gouvernement prend ce modèle car il permet d’engranger des succès valorisables sur le plan politique. La loi 23 en cours de discussion au parlement du Québec intègre notamment la création d’une institution d’excellence de l’enseignement qui étudierait les meilleures pratiques pédagogiques. Le parallèle avec ce qui se passe en France au même moment est étonnant.
Alors face à cette offensive, qu’est-ce qui peut être fait ?
Certains combats sont perdus. Le lien entre autorité face aux parents et décision sur l’orientation est facile à établir pour les enseignants. Mais il reste fragile car un mouvement en balancier pourra plaire à l’opinion publique. Le « durcissement » des examens parle à l’électorat âgé (clairement décisif en période de forte abstention) qui considère qu’on n’apprend plus rien à l’école et que les jeunes ne savent plus écrire. Mais la mise en place des classes prépa-lycée aura un coût et on aura donc forcément une logique « comptable » sur la réussite à l’examen.
Certains combats méritent d’être menés. 10 ans après les nouveaux programmes de socle de 2014/2015, le gouvernement annonce une réécriture (pour plus de fondamentaux, de compétences sociales et de culture générale), et bien banco, puisque le débat est ouvert il faut s’y engouffrer et le mener de toutes nos forces avec les acteurs progressistes qui voudront pousser pour que l’axe écologique soit la colonne vertébrale des programmes, pour garder une vision globale des apprentissages et garder l’aiguillon des méthodes actives pour que le travail scolaire ait du sens.
Certains sujets méritent d’être portés auprès des personnels ou dans l’actualité car ce sont des débats qui ont lieu dans tous les pays.
Prescrire des manuels, choisir les méthodes pédagogiques qu’on utilise, prescrire la formation continue, c’est réduire l’autonomie professionnelle des personnels, un facteur pourtant essentiel de l’attractivité des métiers de l’éducation selon les recommandations de la conférence de dialogue social de Varsovie de janvier 2023.
D’autres sujets pourront être questionnés, notamment en nous appuyant sur les exemples à l’étranger. Les évaluations internationales doivent-elles gouverner nos politiques éducatives ? Quelle est la finalité de notre système éducatif, là où la loi québécoise indiquait en 1997 qu’il instruisait, socialisait et qualifiait les enfants ? C’est quand même le premier débat qui compte, à l’heure où on veut du français et des maths alors que la démocratie est menacée dans de nombreux pays européens et que d’après le rapport du GIEC, les jeunes que nous formons à l’École connaîtront de plein fouet, à partir de 2030, l’impact réel du changement climatique sur leur vie.
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Community schools américaines : La revanche de l’école publique
Partout dans le monde, une sourde bataille oppose le service public d’éducation à sa concurrence lucrative (ou confessionnelle). Ecole publique vs école privée, la lutte comprend des acteurs différents, des soutiens politiques et associatifs bien distincts. Au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, l’école privée a gagné et le marché éducatif s’organise autour d’un cadre public bien léger. Aux États-Unis, en France, en Australie, pour l’instant, le public résiste mais le privé rayonne d’attractivité dans un contexte d’inégalités sociales et spatiales exacerbées, notamment dans les grandes villes, où les écoles qui sélectionnent jouent facilement sur la « réputation » des établissements face au service public qui accueille tous les élèves sans distinction.
Le sujet de cet article est de parler du modèle des « community schools », un type d’établissements scolaires de proximité qu’on trouve aux Etats-Unis qui ont une vision intégrative de l’éducation autour des besoins de l’enfant et la famille.
Ce modèle est le fer de lance des organisations syndicales enseignantes, notamment l’American Federation of Teachers et la National Education Association, pour promouvoir une école publique offensive, performante et bousculer l’individualisme porté par l’école privée.
En quoi ce modèle peut-il être intéressant dans les pays où l’école privée gagne en force dans cette concurrence ?
Face à l’essor de l’école privée, les partisans de l’école publique se sont organisés depuis plusieurs décennies. En France, c’est l’émergence dès la seconde guerre mondiale de la Fédération des Conseils de Parents d’Élèves de l’École Publique (FCPE) soutenue par le Syndicat National des Instituteurs et la ligue de l’Enseignement. C’est la création d’un Comité National d’Action Laïque en 1953 par ces mêmes acteurs, la Fédération de l’Éducation Nationale et les DDEN, qui réussit le tour de force de rassembler 10 millions de signatures contre la Loi Debré qui institutionnalise l’école privée en 1959. Son action continue aujourd’hui. Face à l’école privée, certains acteurs ont voulu revenir sur les avantages accordés dans les années 70 et 2000, sans succès. Intégrer l’école privée dans un grand service public, en 1984, sans succès. Forcer l’école privée à prendre sa part des inégalités sociales et des besoins éducatives particuliers, comme tente de le faire l’Espagne depuis la mise en œuvre de la loi LOMLOE en 2019 dont on n’a pu encore évaluer tous les effets. On ne sait pas encore si les engagements pris par le secrétariat général à l’enseignement catholique, en France, en mars 2023, seront tenus à ce sujet.
Ces efforts pour gagner la bataille de l’opinion, en France, doivent continuer, évidemment, et ils s’appuient sur des politiques ambitieuses de mixité sociale menées par des collectivités territoriales de gauche. Mais il s’agit aussi de convaincre qu’un enseignement public de qualité est possible sans renoncer à l’inclusion de tous les élèves. Qu’on peut viser l’excellence dans un cadre bienveillant. Qu’on peut être performant sans faire peser une pression évaluative écrasante. C’est le pari lancé par le modèle des community schools.
Comprendre la community school américaine, c’est imaginer une école publique, quel que soit le niveau, qui choisit de se transformer en impliquant tous ses acteurs à égalité, personnels, enfants, parents, associations de voisinage.
Un peu l’idée des projets éducatifs territoriaux qui ont émergé en France dans les années 80. Imaginez une école qui ne se limite plus à organiser un enseignement de fond pour des élèves, mais qui s’intéresse globalement à leur bien-être et à leurs parents dans l’école et hors l’école, sur le temps scolaire et hors du temps scolaire.
Un podcast de la National Education Association, première organisation syndicale américaine avec 3 millions de membres, explique comment on transforme une école publique en community school, comment on réunit tous les acteurs autour de la table et comment on se lance en pratique. Avec des moyens fédéraux, avec des moyens locaux et avec des moyens privés. Un podcast à retrouver ici .
La community school, pour aller plus loin, change le paradigme de l’éducation en intégrant tous les besoins de l’enfant, faisant en sorte qu’ils soient bien nourris pour étudier, que leur santé soit meilleure pour pouvoir se concentrer sur les apprentissages, en donnant accès aux soins, notamment dentaires. C’est une école intégrée à son environnement où les acteurs locaux sont impliqués dans le pilotage, où parents et associations sont incitées à s’impliquer dans le quotidien de l’école. Pour cela, les community schools s’appuient sur des coordinateurs, « side coordinators » ou comme l’indique un expert « personne qui résout tous les problèmes », un personnel dont le rôle est de faire le pont entre les acteurs et les ressources dont elles peuvent disposer, pour résoudre un problème social ou éducatif. Un enfant n’a pas les moyens de manger à midi ? On met en contact la famille avec une association caritative. Un professeur a besoin d’une formation sur l’inclusion ? Le coordinateur contacte un organisme spécialisé pour l’assurer. Un podcast de l’American Federation of Teachers à retrouver ici .
Evidemment, le projet de community school se construit progressivement pour être résolument collectif et intégratif. Il s’intéresse à l’enfant dans sa globalité et passe forcément par le fait de nouer des liens entre tous les acteurs de la communauté éducative. Dans cet esprit, on retrouve dans la « community school » des éléments portés en France pour l’éducation prioritaire (notamment avec le référentiel de l’éducation prioritaire) et dans le concept de cité éducative expérimenté en France depuis 2020.
La community school, d’après le NEA, est un modèle à la fois généralisable et performant. On compte 4000 community schools (sur 99 000 établissements publics) et plusieurs collectivités l’ont adopté : La ville de Cincinnati où les inégalités entre blancs et afro-américains ont été réduites. Tous les établissements publics du Kentucky dans les années 90. Deux établissements d’Austin qu’on voulait fermer pour mauvais résultats ont été transformés en community schools et sont devenus les deux établissements parmi les plus performants de la ville.
La National Education Association se veut porte-étendard de l’école publique, avec un fonds de lobbying pour soutenir les candidats qui la défendent, et la community school est un élément important de son arsenal, avec une page entière du site pour expliquer le modèle ici . D’après la page, elles se définissent comme une école où tous les besoins de l’enfant pour réussir sont pris en charge. Avec des services sociaux et sanitaires, avec un engagement de la communauté, avec un appui donné aux parents. La page met l’accent sur les 25 millions d’américains pauvres, une proportion jamais atteinte, et sur l’urgence de mettre l’école au service des communautés pour répondre aux vraies difficultés, une école qui prend en compte le mal-logement, l’enfant qui n’a pas déjeuné, un enfant qui n’est pas pris en charge côté santé voire santé mentale. Tout ceci pour construire une école résiliente, capable de relever des défis et de dépasser des crises, et les experts qui défendent ce modèle relèvent qu’elles étaient mieux à m��me dans leur organisation, pour faire face à la crise sanitaire en 2020.
Le but des organisations syndicales américaines est d’inciter les personnels à s’organiser pour transformer leur école dans ce modèle, en leur donnant des ressources et en les accompagnant (voir le clip du NEA ). Alors qu’aux Etats-Unis, les partisans de l’école privée sont forts et organisés, et ont convaincu certains états de défendre l’idée d’un school voucher, ce chèque éducation qu’on peut donner à l’école de son choix pour remplacer l’investissement public dans le service public. Le rêve absolu des ultra-libéraux.
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Autorité incantatoire
On parle beaucoup d’autorité pour cette rentrée. En effet, le nouveau ministre de l’éducation a annoncé son rétablissement pendant la conférence de presse de rentrée, même si le mot, ensuite, n’apparaît plus dans le dossier de presse qui accompagne les principales mesures de la rentrée (voir lien). Le ministre a affirmé que le professeur en sait plus que l’élève et que le respect lui est dû. Des mesures plus précises suivront sans doute, on parle pour l’instant de l’enseignement moral et civique dont les programmes seraient revus (après les nouveaux programmes d’EMC de 2015 et de 2017) avec plus d’heures de cours (en plus ? à la place de ?). On parle aussi d’éducation artistique et culturelle (sans que je ne fasse le lien d’ailleurs).
Je ne ferai pas semblant de paraître convaincu.
Dans mes cours d’histoire antique, en troisième année à l’université, l’auctoritas, c’est cette supériorité morale surnaturelle que Cicéron donnait à Auguste pour le distinguer de ses collègues magistrats.
Quelque chose d’un peu inatteignable somme toute. C’est aussi le mot préféré des programmes éducatifs des partis de droite et d’extrême-droite en France. Le programme du rassemblement national pour 2022 prônait cette autorité, y intégrant la revalorisation des salaires enseignants, la punition des fauteurs de trouble et la protection des enseignants face aux pressions (lien).
C’est certainement, en premier lieu, un des mythes les plus importants sur le métier d’enseignant. Il y aurait les professeurs qui ont de l’autorité, et ceux qui n’en ont pas. Ceux qui sont sévères mais justes. Ceux qui sont juste sévères. Ceux qui sont laxistes…
Je ne me suis jamais reconnu dans ces catégories. Comme tous mes collègues, j’ai des marottes. Dans ma classe, ne pas respecter la distribution de la parole, se moquer d’un autre élève, ne pas au moins essayer de faire une tâche demandée, c’est grave. Mais en revanche, on peut rire, on peut bavarder pendant un exercice, on peut être de mauvaise humeur (si on me prévient au début du cours). Dans le second degré, dans chaque classe, au-delà des prescriptions du règlement intérieur, les marottes personnelles des enseignants sont différentes et les élèves doivent s’adapter heure par heure. Ou n’y parviennent pas. Alors qu’un peu de cohérence sur les attentes aurait sans doute un effet majeur sur le climat scolaire.
Je ne nie pas l’importance du sujet de la gestion de classe qui est sans doute la première préoccupation des collègues, notamment en début de carrière. Dans tous les pays d’ailleurs puisque le syndicat enseignant britannique NASUWT indiquait en 2019 que c’était le premier problème relevé par les enseignants avec la charge de travail (voir article).
Je n’ai pas beaucoup d’autorité au sens où on l’entend en général, qui va souvent de pair avec la confiance en soi, le fait d’arriver à parler lentement, à s’imposer physiquement, à être impassible...Pour les caricatures les plus évidentes.
Certaines heures de mes premières années d’enseignement, notamment dans une classe de troisième à Viry-Chatillon, ont pu être difficiles à vivre, quand je me sentais débordé, incapable de faire avancer mon cours, tout simplement dépassé.
J’ai vu passer de ci de là des conseils sur la manière d’établir l’ordre juste en classe. Mais je n’aime pas crier, je n’aime pas les décisions arbitraires et les sanctions me semblent terriblement inefficaces. Je ne recherche pas l’affection des élèves, je recherche en revanche de toutes mes forces leur confiance, du début à la fin de l’année. Confiance en ma volonté de les faire progresser. Confiance dans ma justice. Confiance dans mes objectifs pédagogiques et les moyens pour les atteindre, y compris par des mises en situation, des jeux avec des codes et des cadenas à ouvrir et autres quizz où on gagne des pompotes…Et en général, cela marche. J’ai passé 7 ans dans un établissement d’enseignement prioritaire où il n’était pas rare à la fin du cours qu’un élève parfois un peu dissipé laisse échapper au moment de la sonnerie « déjà !». Et c’était là mon immense fierté.
Le bon prof n’est pas sévère ou impassible, c’est d’abord un expert pédagogique et didactique qui favorise un bon climat d’apprentissage, aide les élèves à acquérir des connaissances et des compétences en dépassant leurs difficultés. C’est quelqu’un qui leur donne confiance en eux et s’évertue à donner un peu de couleur au morne quotidien pénitentiaire d’une journée de cours en collège. Et cette relation de confiance est d'abord humaine, elle passe par des sourires, voire des rires, et des encouragements.
Je comprends, même si je n’accepte pas, la volonté sous-jacente d’utiliser les mots de l’extrême-droite, qui se gargarise du rétablissement de l’autorité à l’École, de l’ordre hiérarchique (et chronologique dans l’histoire), pour la contrer. Mais j’espère qu’un conseiller ou une conseillère soufflera lors d’une réunion de cabinet qu’au-delà des éléments de langage habituels sur l’autorité du maître, la France doit aussi agir sur la relation prof/élève (une des plus mauvaises du monde), réfléchir au temps perdu en classe par la gestion de classe, terriblement inégalitaire entre les différents types d’établissement, comme l’enquête internationale TALIS le relevait en 2019 (lien). Et que cela passe par des stratégies d’établissement en termes de climat scolaire.
Ce n’est pas très clair peut-être. Toutes les enquêtes internationales (notamment le rapport teaching matters de l’OCDE en 2016) mettent en avant le rôle-clé de la qualité de l’enseignement dans la réussite scolaire (et donc de la formation initiale et continue des enseignants). Là où en France on a toujours pensé que c’était le charisme, l’aura du professeur (évidemment au masculin) qui faisait la différence. Observez les films qui abordent les sujets scolaires au cinéma ou à la télévision...
Le climat scolaire a pourtant une importance énorme : un élève qui se sent bien à l’école, qui vient avec plaisir, dont l’attention et la concentration sont favorisées, dont les besoins physiologiques et sociaux sont pris en compte…et bien cet élève aura plus de chances de réussir.
Or sachez-le, les élèves du collège ne vont pas forcément aux toilettes au moment où ils le veulent. Le harcèlement fait des ravages dans le plaisir d’aller à l’École alors que les compétences sociales (l’empathie, le respect, la capacité à prendre des décisions ensemble) n’ont quasiment aucune place à l’école. Le décret récent sur l’exclusion des élèves harceleurs montre la pauvreté de la réflexion sur ce sujet. Les établissements scolaires ne sont pas construits comme des lieux de vie mais souvent, surtout pour le bâti scolaire vieillissant, comme un empilement de salles de classe rectangulaires avec un préau assourdissant et des chaises qui crissent sur le carrelage.
Ce que je ferais si j’étais ministre ? Je reverrais les critères de l’évaluation des écoles et des établissements mise en œuvre depuis 2019 pour donner la priorité au climat scolaire, pour évaluer le bonheur des élèves et des personnels, la qualité du lien entre élèves et personnels, entre personnels et au sein de la communauté éducative.
J’intégrerais mieux la gestion de classe dans la formation initiale et continue, dans le mentorat en début de carrière, en le mêlant systématiquement à la pédagogie : quand les élèves savent ce qu’on fait, pourquoi on le fait, en général, on a le silence. Avec donc la question du sens donné aux apprentissages là où le plus souvent, on demande surtout de l’obéissance.
Je favoriserais le travail d’équipe avec un temps dédié de concertation pour chaque classe pour prévenir le décrochage des élèves, qui pour moi est le principal facteur de trouble dans le quotidien des classes. Avec ce temps dédié, on pourrait réagir plus vite quand un élève a des difficultés, mettre en œuvre des dispositifs, des stratégies pour qu’il remonte la pente. On pourrait aussi harmoniser nos attentes dans les savoir-êtres des élèves, notamment, mais aussi dans les rituels de classe pour qu’ils soient plus cohérents.
Ainsi contrairement à ce que croît Valérie Pécresse, dans mon établissement, on entre déjà sagement en rangs pour tous les cours et on reste levé jusqu’à ce que l’enseignant indique qu’il est temps de s’asseoir. Pas par plaisir et par autoritarisme d’ailleurs, mais pour prendre le temps de se calmer avant de passer de l’agitation du couloir à l’intense concentration demandée en classe.
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Militantisme syndical : ce vent qui souffle d’Amérique
L’engagement syndical a le vent en poupe, pour cet été 2023, et les centrales syndicales ont largement communiqué sur les chiffres records d’adhésion suite à la mobilisation sur les retraites du début d’année. Si beaucoup de gens ont testé l’engagement associatif, si l’engagement politique est bien connu grâce à la télé et aux séries (merci « baron noir »), l’engagement syndical est moins connu dans son fonctionnement quotidien. Mais je n’avais qu’à aller au cinéma quand le film à ce sujet est sorti. Sachez en tout cas, et c’est le sujet de cet article, que le syndicalisme pourrait changer d’image, si on regarde ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique.
L’engagement syndical, en France, s’appuie sur des adhésions soutenues par la puissance publique (crédit d’impôts), sur un dialogue social inscrit dans la loi (instances représentatives du personnel, tant dans le public que dans le privé), et puis, sur des réalités différentes, entre des milieux très syndiqués (éducation, police, grandes entreprises publiques) et le désert syndical des PME et des secteurs ou des statuts à la marge (PME, auto-entrepreneurs, etc.). Sans parler de l'histoire des acquis sociaux...
Les syndicats ont été soutenus par l’opinion publique à l’occasion du mouvement sur les retraites. Largement même.
Mais la confiance évaluée par les sondages (voir lien) pour ce type d’institutions varie peu depuis 2014, entre un quart et un tiers des Français font confiance aux syndicats (contre trois quarts à l’armée, deux tiers à l’éducation, un quart aux médias et 10% environ aux partis politiques).
Ce n’est pas brillant, c’est aussi le résultat d’un système qui n’est pas celui de la cogestion allemande où les syndicats sont en responsabilité, ni celui adopté outre-atlantique du syndicalisme (parfois obligatoire) où la négociation sur les conventions collectives peut être très dure (mais très valorisante pour les organisations qui les mènent).
C’est quoi militer dans un syndicat ? Déjà, le militantisme a divers degrés d’activité, l’adhésion simple consiste surtout à recevoir des informations et des « services ». Le deuxième niveau d’engagement est une fonction de représentation à l’échelle locale (représentant ou délégué du personnel, correspondant du syndicat sur un site donné). Le troisième niveau est celui des « permanents » ou semi-permanents, des militants qui bénéficient d’un temps dégagé du travail pour leur engagement, sur la base des résultats de leurs organisations aux élections professionnelles. Le niveau des dirigeants à l’échelle nationale correspond à un « cursus honorum » pour celles et ceux qui appartiennent à ce troisième cercle des permanents, qui peut être plus ou moins accéléré parfois par un passage préalable dans des organisations de jeunesse (JOC, UNEF, etc.).
Ce militantisme syndical ressemble par certains côtés au militantisme politique sur le terrain du travail : on prend des positions, on les défend dans des instances, on les fait connaître auprès des mandants. Mais lors de formations en Finlande, en Angleterre, j’ai appris qu’il existait d’autres formes d’engagement et d’autres formes d’organisation de l’engagement syndical. Cette forme, c’est le « community organizing ».
Ce concept vient des associations citoyennes si actives à l’échelon local aux Etats-Unis. Dans les années 2000, des dynamiques ont changé leur fonctionnement : elles ne se sont plus contentées de rechercher l’adhésion des citoyens pour promouvoir ponctuellement telle ou telle mesure en pour ou en contre (rassemblement pour cela, pétition contre cela). Elles ont cherché à aller plus loin, en repérant des bénévoles à potentiel pour les former à l’animation militante. En cherchant les meilleures solutions pour rendre l’engagement bénévole plus durable et plus intense, en créant de la convivialité, des échanges, en proposant des formations, en impliquant les bénévoles dans le choix des actions…et en proposant de véritables parcours de formation aux responsabilités en leur sein.
Ce modèle, c’est celui que Barack Obama a appris dans son métier d’organisateur de communauté, à Chicago, à la fin des années 80 (voir lien) : aller à la rencontre des habitants d’un quartier pour identifier leurs problèmes et les accompagner dans le fait de les résoudre par eux-même. C’est le premier métier de Mathilde Panot (voir lien), quand elle travaillait dans les banlieues de l’Essonne pour l’association « voisin malin » qui avait le même objet. Et c’est la méthode que développe les partis socio-démocrates du nord de l’Europe pour changer leur manière de mener des campagnes électorales : accompagner des projets locaux, repérer des leaders d’opinion et les accompagner pour aller plus loin.
Cette nouvelle fonction militante de l’organisation est particulièrement développé au sein de la première organisation syndicale américaine, la National Education Association dont j’ai rencontré à plusieurs reprises les responsables des affaires internationales dans mes fonctions syndicales. Pour eux, le Syndicat est l’organisation des travailleurs de l’éducation pour façonner leur outil de travail dans le sens de leurs valeurs. Ils ont un fonds pour l’éducation publique qui récompense des projets novateurs. Ils rassemblent des centaines d’organisations syndicales locales pour constamment faire le lien entre les revendications des usagers, des collectivités, des familles et des personnels pour faire avancer un projet social et démocratique pour l’École.
Cela passe notamment par un programme de « leadership development » avec des cours, un séminaire national annuel et des ateliers particuliers (pour favoriser l’émergence de leaders issus des minorités ou pour les femmes). Dans ces ateliers, on apprend à faire entendre sa voix, à mener des équipes, à exercer un leadership local pour atteindre des objectifs, à gérer des moyens, à être un bon communicant. C’est une approche centrée sur les compétences sociales : on ne se contente pas de déverser des connaissances sur des questions sociales ou éducatives, on centre les apprentissages sur ce qui peut permettre d’être encore plus efficace pour son organisation et pour les valeurs qu’elle défend. Au-delà des formations, il y a des ressources, comme par exemple un kit d’action pour faire avancer la cause écologique dans son établissement (voir lien) en expliquant comment s’adresser aux collectivités, aux parents, comment avancer dans les instances, sur quels enjeux il faut se concentrer…
Ce qui m’intéresse dans cette démarche, c’est qu’elle est à même de redorer le blason syndical en France.
Les syndicats ne sont plus des râleurs, empêcheurs de tourner en rond, ils deviennent des bâtisseurs de possibles, facilitateurs de projets, là non pour imposer des idées ou des combats mais bien pour aider les travailleuses et travailleurs à mener ceux qu’ils choisissent.
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Compétences sociales et émotionnelles : et si on apprenait aux enfants à être heureux ?
Nos contenus d’enseignement, en France, sont rassemblés au sein du socle commun de connaissances, de compétences et de culture qui date de 2013. Il avait été décliné avec des programmes de cycle pour chaque discipline dans les années suivantes, et encore récemment par Jean-Michel Blanquer (nouveaux programmes EMC, nouveaux programmes lycée, angle écologique transversal dans les programmes). L’idée du socle date de 2005 avec la mise en place d’un socle de compétences par François Fillon. Cette idée a plusieurs origines : donner de la cohérence à l’ensemble des contenus pédagogiques travaillés par les élèves au cours de la scolarité obligatoire tout d’abord. Suivre aussi l’exemple de la plupart des pays où ce qui se fait à l’école s’organise autour de « curiculums » où la part d’appropriation locale est souvent bien plus importante qu’en France.
Quel type de contenus dans les programmes scolaires ?
Les programmes scolaires, au XXème siècle, ont été largement constitués, en France, par des programmes disciplinaires, cloisonnés, où l’empreinte universitaire était forte.
Ces programmes, élaborés par l’Inspection, puis débattus par différentes instances qui ont trop souvent évolué à la fin du XXème siècle (conseil national des programmes en 2002, conseil supérieur des programmes en 2012…), ont d’abord été des listes de connaissances plus ou moins précises. Dans la seconde moitié du XXème siècle, petit à petit, les aptitudes ou « savoir-faire » demandés aux élèves ont pris de plus en plus de place. Mais la France restait en retard à ce sujet pour intégrer les compétences travaillées en cours dans l’évaluation des élèves, notamment pour faire évoluer la notation.
Cette question des compétences a fait débat dans le monde de l’éducation dans les 20 dernières années, notamment du fait de la cohabitation de deux systèmes d’évaluation dans le second degré avec une évaluation chiffrée sur 20 intégrée culturellement en France depuis l’ouverture des collèges de Jésuites à la fin du XVIème siècle, d’un côté. Et d’un autre côté, de l’expérimentation, puis de la généralisation du positionnement des élèves sur des référentiels de compétences, à l’École d’abord puis au collège avec la réforme du Diplôme National du Brevet en 2017.
Mais une nouvelle dimension des apprentissages est aussi apparue avec la question des savoir-être et des « compétences sociales » ou « compétences socio-émotionnelles » souvent évoquées en anglais comme « soft skills » (à différencier des hard skills techniques).
Elles émergent à peine en France, avaient été introduites par les programmes d’Enseignement Moral et Civique en 2015 dans les apprentissages avant que Jean-Michel Blanquer ne revienne largement sur le caractère innovant des programmes à son arrivée au ministère. Parlons de ces soft skills. On en parle aussi parce que les entreprises, au moment de l’embauche, mettent en avant dans le besoin public des critères de choix nouveau pour sélectionner les travailleuses et les travailleurs. D’où l’intérêt pour les systèmes éducatifs de se les approprier !
Soft skills, SEL, compétences sociales : que veut-on pour les enfants ?
Les compétences sociales et émotionnelles ont été structurées par la recherche autour de 5 piliers : la capacité à reconnaître ses émotions, la capacité à contrôler ses émotions, l’empathie envers les autres, apprendre à résoudre les conflits ou encore à prendre des décisions responsables.
C’est surtout dans les pays anglo-saxons que ce sujet est devenu incontournable, placé clairement dans les apprentissages aux Etats-Unis en 2011 avec une loi sur l’enseignement, intégré dans les recommandations de l’Union Européenne en 2018, mais d’autres pays prennent de l’avance, au Québec par exemple (voir lien du conseil supérieur de l’éducation et de son rapport sur le sujet), en Colombie où la banque mondiale mène un programme sur le sujet, par exemple. Plusieurs ressources existent sur le sujet, souvent en anglais, comme le podcast dédié de la National Education Association qui réunit 3 millions d’enseignant·es aux Etats-Unis.
Les compétences psycho-sociales ont pris toute leur place dans le curriculum québécois : dans la communication écrite, on apprend à communiquer verbalement et non-verbalement. Les programmes québecois intègrent la notion d’estime de soi, un sujet qui n’est jamais évoqué en France alors que nos enfants en manquent cruellement, que cet enjeu est déterminant pour l’orientation scolaire, et qu’il est très marqué par les origines sociales.
Beaucoup de revues de management s’intéressent aux compétences psycho-sociales, car ce travail sur les émotions, sur l’empathie, sur la prise de décision est indispensable, notamment pour les personnes amenées à travailler en équipe ou à accomplir des tâches de management. Elles ont pris plus de place dans les procédures de recrutement, même si elles sont plus difficiles à évaluer. On parle aussi de « compétences du 21ème siècle » pour élargir ces aptitudes à la créativité, à la coopération, à la communication ou à l’esprit critique.
L’autonomie par exemple est une compétence très appréciée, pour autant elle est peut travaillée et peu intégrée dans le système éducatif français.
Beaucoup de compétences sociales étaient présentes dans les programmes du nouvel Enseignement Moral et Civique apparu en 2015, notamment pour développer le « jugement » des élèves qui s’inscrit complètement dans les compétences sociales. Malheureusement Jean-Michel Blanquer est revenu sur ces orientations.
Et que veut-on pour le monde ?
Discuter des compétences socio-émotionnelles, c’est discuter de la société qu’on veut construire à travers les interactions entre les individus, évidemment au cœur de la notion de vivre-ensemble. En forgeant des caractères plus sensibles au bien-être des autres et à leur propre bien-être, on prévient aussi les problèmes croissants de santé mentale chez les jeunes dans un monde qui peut paraître constamment en tension (anxiété écologique, crise sanitaire…).
Plus largement, en tablant sur les compétences sociales, on permet à l’École de changer pour apprendre aux enfants à travailler en équipe, à être solidaire, à conduire des projets, à s’insérer dans un groupe, des compétences essentielles pour changer le monde et pour le rendre plus durable.
En apprenant à contrôler ses émotions, on peut aussi jouer sur le climat scolaire, en premier lieu, prévenir les situations de harcèlement, et peut-être plus largement, améliorer la gestion des conflits dans la société ou encore devenir plus résilient dans un monde instable. Voire dans le monde ?
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Le changement climatique et ses effets sur les politiques éducatives
L’écologie n’était pas vraiment au cœur des politiques éducatives dans cette décennie. A vrai dire, on ne manquait pas de sujets à traiter, entre inégalités sociales, évaluations internationales et plus récemment, la crise sanitaire. Et bien depuis quelques mois, l’écologie s’est imposée dans le débat éducatif, mais pas forcément par une prise de compte de son rôle central pour aller vers une transition des modes de production et de consommation de la société.
En fait, c’est la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui en est la conséquence qui ont imposé cette thématique écologique sur la scène médiatique française.
Pour autant, nous avions déjà travaillé sur le sujet. Les organisations syndicales de l’enseignement se sont saisies du sujet depuis le début des années 2000, en évoquant surtout la sensibilisation des élèves dès le plus jeune âge à l’enjeu du développement durable. Dans tous les pays, mais pas avec la même intensité, cela passait par l’introduction de sujets environnementaux dans les programmes, par des projets pédagogiques transversaux pour parler eau, forêts, risques naturels ou encore par des initiatives d’établissement pour économiser l’énergie ou trier les déchets. Des sensibilisations qui fonctionnent puisque l’enquête PISA 2018 indiquait que les élèves se sentent sensibilisés sur les questions environnementales tout en ayant le sentiment de manquer de moyens d’action.
A l’échelle internationale, les organisations qui regroupent les syndicats enseignants ont même été en avance : une campagne de plaidoyer « teach for the planet » est menée depuis plusieurs années par l’Internationale de l’Éducation et le Comité Syndical Européen de l’éducation a publié en 2021 un rapport sur « le rôle des syndicats de l’enseignement dans le domaine du développement environnemental durable ». Je viens de lire cette publication qui est intéressante car elle résume une enquête menée dans les pays européens sur l’impact du changement climatique sur leur système éducatif. En quoi les enseignants sont-ils concernés ? Le changement climatique dégrade-t-il leurs conditions de travail ? La réponse est oui.
Des difficultés pour intégrer l’écologie dans l’enseignement
D’après l’enquête, le changement climatique accroit la charge de travail des enseignant·es qui s’impliquent dans des enseignements traitant de l’écologie sans bénéficier de ressources, de formations, de temps dédié ou de valorisation pour cela. Dans l’étude, 81% des syndicats participants répondent qu’il est moyennement difficile, difficile ou très difficile de mettre en œuvre l’éducation au développement durable. Tout en témoignant du plaisir ressenti par les personnels et les élèves pour la mise en œuvre de projets écologiques dans leur école ou leur établissement ! Pour autant, on ne peut pas parler de priorité donnée à ces enseignements dans la mesure où ils ne sont JAMAIS intégrés aux évaluations standardisées qui marquent de leur empreinte la plupart des systèmes éducatifs, notamment quand elles sont internationales. 93% des syndicats répondants évoquent aussi une part insuffisante pour les problématiques écologiques dans les programmes scolaires. Alors que la transition écologique pourrait aussi faire réfléchir aux compétences sociales et émotionnelles travaillées au sein des systèmes éducatifs alors que la coopération, l’empathie, l’autonomie ou encore l’adaptabilité, par exemple, sont si utiles à la résilience de nos sociétés.
L’impact du changement climatique sur la vie quotidienne des écoles
Le changement climatique touche les enseignant·es car les écoles sont frappé·es par les premières conséquences du dérèglement climatique : vagues de chaleur, inondations, tempêtes qui obligent parfois les établissements à fermer. Des phénomènes différents touchent chaque partie de l’Europe : crues, sécheresse et incendies dans le pourtour méditerranéen, tempêtes hivernales dans le Nord, par exemple. Les personnels intervenant en zone rurale seraient d’ailleurs plus touchés que les autres et les pays de la zone méditerranéenne font remonter des problèmes plus graves que ceux de l’Europe continentale.
Le rapport évoque au passage un problème qui va se poser : les personnels éducatifs vieillissent avec les difficultés de recrutement et supportent donc très mal les fortes chaleurs. La forte féminisation du personnel enseignant aura aussi un impact aggravé, d’après le rapport, en cas de forte chaleur, pour des femmes qui seront aussi concernées par la ménopause. Une problématique évoquée par les syndicats portugais.
Des politiques d’austérité contraires aux ambitions environnementales
L’étude du CSEE fait le lien entre les politiques d’austérité menées par un grand nombre d’états et les difficultés des établissements scolaires pour mettre en œuvre des projets de sensibilisations sans moyens supplémentaires pour cela ou encore pour faire face à des choix cornéliens entre des embauches et du chauffage.
Ces questions de moyens ont d’autres implications écologiques : la vétusté des locaux scolaires dans de nombreux pays a un impact sur leur faible performance énergétique qui va avoir des conséquences dramatiques avec l’explosion des prix de l’énergie qu’on constate depuis plusieurs mois.
Sans parler d’autres enjeux de qualité de l’air, tels que la pollution, l’amiante ou l’absence de ventilation adéquate. Une problématique mise en avant dernièrement avec le calcul de la teneur en CO² dans les salles de classe et les difficultés pour les ventiler.
Le rapport fait aussi le lien, à une échelle plus large, avec les objectifs du millénaire pour le développement de 2015 qui devaient être atteints en 2030, qui intégrait l’éducation au développement durable, sans qu’ils ne fassent partie des plans sectoriels de transition mis en œuvre par les États. Même si le bâti scolaire fait l’objet de financements dans le plan français de relance post crise sanitaire et la formation continue au développement durable des enseignant·es financée dans le plan italien de reprise post COVID. Un pays en pointe puisque l’Italie est aussi le seul pays où les personnels ont organisé une grève sur la question climatique en mars 2021.
Alors que le Pacte Vert pour l’Europe prenait en compte l’éducation comme un pilier majeur des transitions, il ne consacre que 145 milliards sur 1000 milliards à sa dimension sociale et éducative ! L’enseignement au changement climatique n’existe que dans un seul pays, l’Italie, qui depuis 2020 a fixé dans la loi 33 heures d’enseignement du changement climatique axées sur la construction d’initiatives, à l’échelle locale, pour changer l’environnement. Cette mise en œuvre permet aussi de cerner les obstacles apparus, notamment pour former les enseignant·es à ces modules.
L’écologie, un angle mort des politiques éducatives
En matière de politiques éducatives, la question se pose aussi de savoir ce qu’on discute dans le dialogue social et de la place de l’écologie dans la négociation collective entre pouvoirs publics et représentants des personnels. Cette place est faible selon les syndicats répondants : seules 25% des organisations répondantes intègrent largement la question écologique dans leurs discussions, alors même qu’elles sont 83% à prioriser les sujets écologiques dans les questions qu’elles mettent en avant et 78% à mettre en œuvre des projets de développement durable (formations des adhérents sur la décolonisation et la décarbonisation au Royaume-Uni, mesures pour le transport des responsables en Suède…). Pour une bonne raison, beaucoup de ces organisations questionnent cette place, et leur base militante est réticente à l’idée de moins traiter le sujet des salaires et des conditions de travail. Les syndicats indiquent aussi avoir des difficultés à dégager des moyens financiers et humains pour traiter la question écologique, mais des initiatives sont à saluer ici ou là : le syndicat belge ACOD qui évoque une commission interne sur ce sujet, la fédération portugaise FNE qui a désigné un ambassadeur sur l’écologie dans chacun de ses 10 syndicats, par exemple.
Pour autant, sur 41 syndicats répondants, 17 ont organisé des évènements thématiques à ce sujet, 16 ont produit des publications spécifiques et 15 mis en oeuvre des modules de formation. L’une d’entre elles, l’INTO irlandaise, a aussi fait de l’écologie un axe majeur de sa stratégie d’influence politique en rencontrant tous les parlementaires à ce sujet tandis que l’EIS écossais a réalisé un bilan carbone en 2018.
Obstacles et espoirs pour l’éducation au développement durable en Europe
Les enseignements de ce rapport sont intéressants et très divers : le rapport entre le niveau de corruption et la faible ambition de l’éducation au développement durable dans un pays donné. Le danger du manque de ressources pédagogiques qui pousse certains personnels à faire confiance à des supports produits par des entreprises privées qui font clairement du greenwashing, comme on l’a constaté en Estonie. La différence marquée entre les pays du nord de l’Europe et de l’Est pour intégrer cette problématique écologique.
Le traitement de l’écologie ne prend pas encore assez en compte la santé mentale des personnels et des élèves qui souffrent de plus en plus d’anxiété climatique face à une actualité démoralisante.
Une seule initiative est relevée à ce sujet avec une formation du syndicat britannique NEU à ce sujet. Ou encore certaines organisations qui se posent la question sur la nécessité de changements plus globaux dans la société, par exemple en Slovénie pour promouvoir la semaine de 4 jours. Ou en Espagne où le syndicat CCOO a proposé des changements pour l’ensemble du système éducatif : moins de viande à la cantine, matériel pédagogique plus durable, mobilité neutre en carbone, réutilisation de l’eau de pluie…En effet les recommandations politiques qui complètent ce rapport mettent en avant l’importance des établissements scolaires : la transformation de leurs infrastructures peut avoir un impact décisif sur l’environnement, à l’échelle locale.
En conclusion, ce rapport offre des pistes passionnantes sur les différents leviers permettant de mener la transition écologique des systèmes éducatifs mais aussi sur les obstacles qu'il s'agira de dépasser.
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Modèle éducatif néerlandais : un enfer si proche !
Un mois après mon retour du congrès du syndicat des enseignants néerlandais, l’AOB, j’ai enfin le temps de poser mes pensées par l’écrit. Les 48 heures de congrès à Utrecht étaient passionnantes, les discussions foisonnantes, mais ne permettent évidemment d’avoir qu’un léger fumet de ce système éducatif si différent de l’École française.
Imaginez-vous tout d’abord un système éducatif totalement privatisé
Cette liberté de l’enseignement, et donc de la création d’écoles, est inscrite dans la constitution depuis le début du XIXème siècle. Les établissements, sont organisés par chaînes liant plusieurs entre eux, les « besturen » (conseil d’administration ») avec un statut associatif. Certains de ces établissements sont d’ailleurs confessionnels, catholiques ou protestants, ce sont ceux qui se rapprochent d’ailleurs le plus d’un système « public ». D’autres sont d’initiative privée et ont une logique totalement lucrative. C’est à l’échelle de ces chaînes d’établissement que les personnels sont gérés. Les salaires et conditions de travail des enseignants sont discutés à l’échelle nationale entre des collectifs de besturen sectoriels par type d’établissement (ex. primaire, professionnel, etc.) et les représentants des personnels. L’État n’intervient pas ! Il alloue une certaine somme à ces collectifs sectoriels, sans que cette somme ne soit rendue publique.
D’ailleurs l’état fédéral intervient très peu autrement, dans la définition des diplômes et l’évaluation des établissements surtout, et de larges pans des politiques éducatives ont été décentralisés.
La logique libérale à son paroxysme
Les résultats globaux des enquêtes internationales sont positifs pour le système néerlandais mais le syndicat AOB a alerté les nombreux invités internationaux à leur congrès : Attention ! Attention à un système où la priorité des établissements est la rentabilité face à un système de concurrence exacerbée, entre établissements, par le libre choix des familles. Les écoles sont des entreprises qui dépensent beaucoup d’argent pour la publicité. Les faillites sont nombreuses, car leur autonomie financière est totale, y compris pour gérer les locaux. Une collègue me racontait comment son établissement s’était rétréci petit à petit, vendu à la découpe, pour fermer finalement.
Le syndicat AOB nous a parlé de la mise en œuvre depuis 30 ans des principes du « new public management », un pilotage par les résultats des politiques éducatives, où la logique quantitative nie totalement les approches globales et de long-terme des politiques éducatives.
Ce pilotage a exacerbé les inégalités sociales dans le système éducatif et pèse lourdement sur des enseignants réduits à des tâches d’exécution du fait d’injonctions pédagogiques, précarisés dans leur contrat (part de contractuels doublée en 10 ans), avec un attrait moindre pour un métier enseignant qui perdait en autonomie professionnelle.
On ne revient pas d’un modèle éducatif libéral
En conclusion, sans minorer des aspects positifs (meilleur climat scolaire du fait d’une relation prof/élève différente, formation des enseignants centrée sur le pédagogique), on ne saurait minorer l’impact de long terme de choix de modèles dans chaque pays qui ne sont pas à faire à la légère.
Autonomie, déconcentration, décentralisation ne sont pas des gros mots mais leurs dynamiques méritent des comparaisons pour observer leurs effets, notamment conjugués (je pense à l’Angleterre qui fait tout en même temps).
Si ces dynamiques peuvent avoir des résultats où la comparaison internationale est utile pour prendre de la hauteur, en revanche la marchandisation d’un système éducatif n’a jamais eu de répercussion positive ou probante : les inégalités progressent, l’école se dégrade, les personnels désertent et c’est la confiance de la société pour l’École dans son ensemble qui est perdue, sans qu’il soit forcément possible de revenir en arrière.
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Sondages d’opinion : comment ont voté les gens pour les élections législatives ?
Ce vote dont on sort casse toutes les certitudes qu’on pouvait avoir. Le mode de scrutin majoritaire ne représente pas les électrices et les électeurs ? Erreur, les proportions des sièges et des voix se sont rapprochées. Le scrutin majoritaire assure des majorités stables ? Encore raté, pas de majorité absolue pour la première fois depuis 1988. L’électorat de gauche ne se mobilise plus, dégouté par l’utilisation de son vote sans contrepartie contre l’extrême-droite ? Encore raté, ils se sont mobilisés à la même proportion que l’électorat de droite. Pourquoi ont voté les gens, quels ont été les ressorts de leur choix ? J’ai lu les sondages IFOP second tour, IPSOS second tour et l’étude CEVIPOF sur le vote des fonctionnaires de l’an dernier pour comprendre tout cela.
En premier lieu, le résultat que nous vivons correspond très bien à ce que voulaient les gens.
60% souhaitaient une majorité relative pour le gouvernement (y compris un tiers des électeurs En marche) et seulement ¼ de l’électorat voulait donner une majorité absolue à Emmanuel Macron. Ce n’était pas le cas en 2017 et 2022 où le résultat final de l’élection ne correspondait pas aux attentes majoritaires des citoyens.
Que voulaient les électrices et les électeurs ? 38% une politique plus à gauche, 37% ni plus à gauche ni plus à droite, 25% plus à droite. Ce n’est pas ce qui s’écrit ici et là sur une France à droite toute. 34% des électeurs voulaient que la NUPES gagne, 33% la majorité présidentielle et 26% le RN. Mais qui voulait particulièrement que la NUPES gagne ? C’est là que c’est intéressant : 52% des moins de 24 ans, 41% des professions intermédiaires, 40% des employés, 39% des pauvres (moins de 900 euros), la gauche a donc re-gagné son électorat populaire et a représenté un espoir pour la jeunesse. Le seul endroit où le souhait de victoire diverge c’est chez les diplômés BAC+5 où la majorité devance NUPES d’un point.
Qui a voté ? les électeurs de gauche et de droite étaient de 10 points moins mobilisés que ceux d’ensemble, une forme de fatalisme (60% contre 50% environ) et cette participation est aussi supérieure chez les hommes (52% contre 42% chez les femmes). Là où elle s’écroule ? pas chez les jeunes où elle est à 32% dans des proportions habituelles mais chez les plus de 50 ans où elle s’effondre à 49%. Les diplômés aussi ont boudé les urnes, d’habitude la participation suit la courbe des diplômes cette fois-ci cela ne marche pas. Les raisons de l’abstention ?
Ce n’est pas un manque de connaissance ou une indisponibilité, les premières raisons données pour s'abstenir sont le fait que les idées et les personnes qui se présentent ne correspondent pas à celles des électeurs.
Ce n’est pas dans les raisons données un manque d’intérêt, ces facteurs arrivent en dernier dans les réponses, les appels à la responsabilité citoyenne sont donc inaudibles. Un certain fatalisme en revanche se réflète pour certaines catégories : chez les CSP – « les jeux sont faits » arrive en 2ème réponse.
Ce vote est-il surprenant ? Pas tellement si on observe que l’électorat ne faisait pas confiance au gouvernement pour régler les problèmes. Seulement 38% lui faisaient confiance pour régler les problèmes éducatifs, 36% pour régler les problèmes environnementaux, 30% pour régler le problème des retraites. Ce n’est pas très enthousiaste. A noter quand même que l’éducation était le 2ème meilleur score. Si le président garde une bonne image pour sa stature internationale (y compris chez les électeurs NUPES) seuls 29% des électeurs jugent qu’il est « capable de rassembler ». A noter plus spécifiquement pour l’éducation seuls 25% des électeurs pensaient que la NUPES ferait mieux dans ce domaine (un score plutôt bas par rapport aux autres thématiques) et 39% ni mieux ni moins bien.
Pourquoi la NUPES n’a-t-elle pas gagné ? Deux facteurs primordiaux, le premier c’est Jean-Luc Melenchon, entre 60 à 80% des Français ne le jugent pas capable de gérer une crise, de donner une bonne image de la France à l’étranger, le jugent trop autoritaire et démagogique (dont 45% des électeurs NUPES). Deuxième enjeu, il inquiète 1/3 des électeurs PS et ¼ des électeurs EELV ce qui fait que la NUPES ne fait pas le plein dans ces deux électorats.
Et les enseignants dans tout cela ? Une étude du CEVIPOF d’avril 2021 s’était intéressée au vote des fonctionnaires. Les enseignants étaient moins intéressés que les autres par la question de l’immigration et plus sensibilisés aux questions de justice fiscale et à l’urgence environnementale. Leur autopositionnement politique les plaçait les plus à gauche, avec des mouvements sensibles entre 2017 et 2021 : 10% étaient passés de la gauche au centre. L’autopositionnement gauche passait de 38 à 29% et celui du centre de 34 à 42%. En 2021, en revanche, ils revenaient à gauche dans leurs intentions de vote puisque leurs proximités partisanes s’établissaient à 17% LREM, 16% PS, 14% EELV, 14% LR et seulement 11%c pour LFI. On observe l’évolution du « vote utile » quand on lit qu’en 2021 les enseignants s’apprêtaient à voter pour Anne Hidalgo (15%), Yannick Jadot (18%) et que Jean-Luc Melenchon était bien derrière. Leur choix électorat passait de 33% (2017) à 49% (2021) pour la gauche (un effet Blanquer ?) et ce corps se sentait plus mobilisé pour faire barrage à l’extrême-droite pour la présidentielle à 76% alors que les salariés du privé ne se laissaient convaincre qu’à 55% et les policiers/militaires seulement à 40%.
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La France veut-elle importer le modèle éducatif asiatique ?
Les discours éducatifs d’Emmanuel Macron, pendant la campagne de l’élection présidentielle, ont été assez décousus. On sent la couture d’influences diverses, et pas forcément cohérentes. La place des fondamentaux, français et mathématiques, à conforter, chère au ministre de l’éducation actuel. La place de l’apprentissage, des entreprises et des stages dans le système éducatif, qui a toujours eu la faveur des organisations patronales. La volonté d’élargir les missions des enseignants, déjà en discussion depuis un an au ministère de l’éducation, un marronnier qui revient régulièrement à droite de l’échiquier politique, au moins depuis la publication du rapport Pochard de 2008. Quant au dernier angle apparu une semaine avant le premier tour, la rémunération au mérite sur la base d’évaluations des élèves publiée pour chaque établissement, l’idée semblerait venir du secrétaire général de l’Elysée.
Deux sujets m’intéressent plus particulièrement : la place plus importante pour les fondamentaux et les évaluations standardisées des élèves. Il n’est pas anodin de constater que les deux mêmes idées sont aussi au cœur du débat éducatif britannique.
Une version « automatisée » des systèmes éducatifs
Ces idées éducatives en vogue intègrent aussi des indicateurs de performance, des méthodes uniques à appliquer par les enseignants (ex. méthode de Singapour pour les mathématiques), et un pilotage de l’École sur la base de tests standardisés qui mesurent régulièrement les capacités des élèves, notamment dans certains domaines où se concentrent les évaluations internationales PISA et TIMMS, PIRLS : littératie (lecture), sciences et mathématiques. Où on s’intéresse d’ailleurs plus à l’efficacité (réussite) qu’à l’équité constatée (écart entre les performants et les moins performants).
En revanche, vouloir rémunérer les enseignants « au mérite » sur la base des résultats des évaluations, déjà testé (avec peu de succès) dans certains pays anglo-saxons, n’est jamais apparu comme un facteur de succès pour les systèmes éducatifs.
L’application de ces idées a des conséquences sur les systèmes éducatifs qui les adoptent en matière de pression sur les enseignants et sur la santé mentale des personnels en général, ou encore avec la mise au second plan des enjeux éducatifs et sociaux de l’École (écologie, citoyenneté, compétences sociales, climat scolaire) qui sont moins facilement mesurables.
C’est donc un choix qui marche en termes de résultats dans les classements internationaux mais qui a des conséquences graves sur l’ensemble du système éducatif.
Plusieurs articles se sont intéressés au « modèle asiatique », notamment à la fin des années 2000 quand on l’opposait au « modèle finlandais » (celui-là par exemple). En vrai, il y a bien d’autres modèles éducatifs, et par exemple le Canada, avec un modèle qui s’intéresse à l’épanouissement des enfants, ou la Suisse, où la recherche pédagogique a toujours été innovante, ont aussi des choses à dire.
Revenons sur ce modèle asiatique qui est en vogue
En fait on parle plutôt des systèmes éducatifs de Taïwan, de Shanghaï, de Corée du Sud, de Singapour, Hong-Kong et du Japon. Une bonne part sont donc des « cités-états » ou des territoires de taille réduite à forte densité en plein développement économique. Un modèle peut se définir comme une représentation conceptuelle qu’on pourrait dupliquer. Plusieurs éléments sont croisés pour étudier un modèle éducatif : valeurs nationales, attention portée à l’épanouissement, lien au monde du travail, formation et recrutement des enseignant·es notamment. L’organisation scolaire qui intègre le poids du privé, l’autonomie et le fonctionnement des établissements, la déconcentration et la décentralisation du système sont aussi des critères importants. La chercheuse Nathalie Mons a aussi créé 4 catégories de modèles éducatifs selon la manière dont les élèves sont séparés dans leur orientation (voir lien https://journals.openedition.org/ries/4351). Singapour, ce « paradis » pédagogique, sépare par exemple les élèves de manière très précoce.
L’article déjà évoqué pose la question de la cohérence de ces systèmes éducatifs d’Asie du Sud-Est et voit des tensions entre des valeurs nationales traditionnelles (hiérarchie, auto-discipline, persévérance inculquée par le confucianisme…) et le choc de la globalisation.
L’auteur évoque par exemple d’un côté une « morale collective » où la communauté fait bloc et d’un autre côté le souci des classements. Ou la tension entre modèles internes et externes (notamment coloniaux). Ou encore entre des systèmes d’apprentissage, par-cœur traditionnel ou « apprendre à apprendre » importé d’occident. L’auteur évoque enfin la tension entre la recherche d’une sélection élitiste (qualifié d’efficacité) qui se matérialise par le recours massif à des cours privés et un autre objectif d’inclusion (voire d’équité).
La pression mise sur les élèves et sur les parents dans ce modèle asiatique est importante pour que l’École assure la réussite sociale des classes moyennes en pleine explosion. En étant prêt à faire des sacrifices énormes pour réussir l’examen, accéder à une université prestigieuse…jusqu’à souffrir de ces efforts, comme des reportages l’ont mis en exergue, par rapport en Corée du sud (voir le lien https://www.lexpress.fr/actualites/1/styles/dear-my-genius-l-obsession-sud-coreenne-pour-l-education_2038679.html). L’importance donnée à l’éducation dans la société et le respect dû aux « maîtres » font aussi partie de ces modèles éducatifs.
Ces modèles et leur succès interroge les experts éducatifs européens.
En 2015, un colloque avait été organisé par le Centre International d’Études Pédagogiques pour revenir sur leur succès dans les évaluations internationales (voir l’article du café pédagogique à ce sujet). Quelles leçons pouvait-on en tirer pour l’école française ? Le « rote learning », apprentissage par la répétition (et le râbachage), utilisé par des systèmes éducatifs qui ont dû se construire rapidement et se massifier en même temps, est-il une piste ? L’article revient sur des aspects plus négatifs qu’on retrouve dans ces systèmes avec la « shadow education », l’importance des cours privés sur laquelle revenait Nathalie Mons dans un article qui s’interrogeait sur le « miracle éducatif asiatique ». Tous les articles sont à retrouver dans un numéro spécial de la revue internationale de Sèvres (voir lien).
En guise de conclusion, je dirais seulement que les évaluations internationales peuvent mesurer des compétences bien définies et bien restreintes (pour être comparables sur toute la planète) mais certainement pas les acquis de plusieurs années de scolarité, notamment quand on s’intéresse à des compétences sociales (confiance en soi, aptitude à travailler en équipe, à communiquer, à l’empathie) qui seront primordiales dans le monde de demain au vu des défis auxquels nous serons confrontés. A garder en tête quand il s'agira de mettre en débat, comme c'est prévu à la rentrée, le modèle éducatif que souhaite adopter la France.
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Royaume-Uni : un système éducatif bien différent du nôtre
L’eurostar démarre, j’arrive dans quelques heures à Birmingham, 2ème ville d’Angleterre située dans le centre du pays (et pas trop connue), il est temps, grand temps, de s’intéresser au système éducatif anglais. Je vais me focaliser sur le système anglais puisque cette compétence éducative est dévolue aux nations. l’Ecosse, par exemple, gère ça très bien. Pour faire le tour de ce système éducatif, je vais revenir sur son organisation, ses réformes récentes et l’actualité syndicale avec un petit focus sur les sujets jugés brûlants par le NASUWT, un des 3 grands syndicats enseignants britanniques, dont je vais assister à la conférence annuelle pendant tout le weekend.
Le système éducatif anglais a une histoire semblable au système français en terme de démocratisation, avec une loi sur l’enseignement primaire en 1833 et une démocratisation de l’enseignement secondaire après la seconde guerre mondiale. Côté structure, on observe aussi d’un côté un enseignement primaire, précédé de la nursery (donc pas du tout sur le modèle scolaire de l’école maternelle, spécificité française), et un enseignement secondaire plus complexe : 20% d’écoles privées hors contrat, des établissements publics gérés par une autorité éducative décentralisée (qu’on retrouve dans de nombreux pays ou provinces tels que Québéc, Finlande..).
De plus, dans les 40 dernières, années, des politiques libérales sont menées pour donner plus d'autonomie aux établissements volontaires, une spécificité développée par Thatcher et Blair, avec des écoles qui peuvent choisir un nouveau statut, plus autonome, intégrant des moyens apportés par des sponsors impliqués dans le fonctionnement qui représentent aujourd’hui 10% des établissements publics, les « city colleges », « academies » et « free schools ».
Côté examens, le GSCE est l’équivalent du brevet en anglais, mathématiques et sciences et les A levels, ancien examen de fin d’études plus spécialisé que le bac français, est en train de se transformer en Ebacc semblable au bac français d’après la réforme.
Les personnels éducatifs sont soit rémunérés par l’autorité éducative locale, avec des échelles de salaire établies à l’échelle nationale, soit par leur établissement, sur la base de contrats. Dans tous les cas, le pilotage de l’école est assuré par un bureau de gouverneurs où sont représentés familles et personnels (voire autorités religieuses pour les écoles de confession). Le système éducatif est piloté par un ministère, le département of education, qui a surtout un rôle de contrôle pédagogique, avec l’établissement du national curriculum que doivent respecter toutes les écoles. Un rôle important, pour les écoles publiques, est alloué à l’organisme d’évaluation de l’OFSTED, qui pilote les tests standardisés de fin de cycle dont l’importance est majeure.
Des combats syndicaux différents
Les syndicats anglais sont puissants grâce à une tradition de forte syndicalisation, mais ils doivent se battre sur plusieurs plans : pédagogique avec des évaluations incessantes qui dévoient le système éducatif, salarial avec de fortes pressions sur les personnels pour maintenir la rentabilité des écoles, avec des écoles qui parfois demandent aux personnels de démissionner pour les remployer avec des contrats moins favorables (voir le dernier communiqué du NASUWT).
La pression d’un système éducatif où les tests standardisés ont des conséquences sur les moyens des écoles et les stagiaires aboutissent à des conditions de travail dégradées pour les personnels (charge de travail, stress) et plusieurs études montrent que 2/3 des enseignants ne se voient pas continuer leur métier.
Des actions revendicatives sont menées régulièrement sur ce sujet salarial, notamment dans un contexte de forte inflation (voir les chiffres dans cet article. Quand des négociations échouent avec les autorités éducatives, des référendums (ballots) sont lancés auprès des adhérents pour valider des actions ou des grèves.
Cette pression sur l’ensemble du système a des conséquences sur l’activité syndicale qui donne beaucoup de place à la question de la charge de travail et de la santé mentale avec des études régulières lancées par les syndicats sur les conditions de travail, espaces de repos dans les établissements.
L’accompagnement individuel reste important avec des relations employeur/employé plus conflictuelle, y compris dans le champ juridique, NASUWT expliquait dernièrement avoir obtenu 15 millions de livres de dédommagements pour ses membres cette année (renvoi pour cause médicale, agression d’un enseignant par un élève..).
Des combats syndicaux différents outre-manche
Les sujets syndicaux sur lequel le syndicat met l’accent ne sont pas forcément les mêmes qu’en France : décolonisation des programmes ou encore introduction de politiques contre le harcèlement chez les personnels dans le fonctionnement des établissements (voir l’article).
La pression sur le système a aussi un impact sur le climat scolaire délétère qui est un vrai sujet syndical, avec des propositions pour cesser le « blame the teacher » en cas de problèmes d’indiscipline et lutter contre les agressions physiques et verbales (voir les propositions du NASUWT dans cet article ).
La structure éducative anglaise amène aussi le syndicat à avoir plusieurs interlocuteurs de négociation : l’Etat, les autorités locales, voire les chaînes d’écoles de type « academy » qui répondent à un modèle économique de rentabilité.
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Autonomie des établissements : le mirage de la liberté ?
On n’attend jamais beaucoup, en France, des débats éducatifs qui marquent l’élection présidentielle. En général, on reste dans la marge, dans le symbolique, dans la polémique. On ne parle jamais du système dans sa globalité et le plus souvent on se concentre sur les filières choisies par l’élite : grandes écoles, bac général, lycées dits prestigieux...
Vous ne verrez jamais un candidat mettre en avant une proposition pour les SEGPA (élèves en difficulté) ou pour la voie professionnelle, c’est peu porteur électoralement.
Les candidat·es privilégient aussi des sujets polémiques qui leurs assurent les gros titres : suppression du CAPES, examen d’entrée en 6ème, uniforme à l’école, suppression de parcoursup…Vous vous en doutez, aucune de ces idées ne peut vraiment contribuer significativement à la réduction des inégalités scolaires.
Une de ces propositions, récemment, m’a marqué : Valérie Pécresse, candidate pour les Républicains, veut transformer 10% des établissements en « écoles publiques sous contrat inspirées des charter schools britanniques ou suédoises ». Le spécialiste américain de l’enseignement privé a d’ailleurs rapidement réagi par une tribune pour dire ce que la recherche pensait de ce type d’établissement (voir lien). Toujours intéressé par le benchmarking éducatif, j’aurais pu être séduit mais je me suis déjà intéressé au modèle des charter schools (qui sont en fait américaines) ou des « academies » anglaises. Donner plus de liberté aux établissements pour gérer leur budget et leurs ressources humaines, piloter par les résultats avec des allocations liées à la réussite à des tests standardisés nationaux, ça a déjà été tenté (Etats-Unis 1992, Angleterre 2000). Cette idée repose sur une théorie libérale : Avec des moyens abondés par le privé, avec un « management efficace » permis par des pouvoirs accrus donnés au chef d’établissement, avec des personnels plus investis et des méthodes pédagogiques plus dirigistes, on peut améliorer les résultats d’une école.
Dans les faits, les établissements doivent dépenser « un pognon de dingue » pour faire venir les enseignants dans des zones défavorisées, et le turn-over des équipes est important à cause de la pression infernale mise sur les personnels pour atteindre de bons résultats aux évaluations standardisées nationales. La page wikipedia des academic schools revient ainsi sur la faillite et la fermeture de nombre de ces établissements (voir lien). Un syndicat enseignant anglais, le National Education Union, a dénoncé les mythes de ces academic schools : les résultats obtenus sont inférieurs aux établissements de contexte semblable, cette organisation ne bénéficie pas aux élèves défavorisés, la part d’enseignants peu qualifiés y est supérieure…d’après une étude ministérielle datée de 2018 (voir lien).
Pourtant, « l’effet établissement » peut être un levier majeur pour la réussite des élèves.
Le succès, étudié dans plusieurs publications, repose plus souvent sur la construction d’un climat scolaire bienveillant, avec un travail important sur ce qui se passe en dehors de la salle de classe, sur la cohérence des équipes éducatives impliquées dans un projet partagé, sur des liens étroits noués avec l’environnement scolaire et la communauté éducative (collectivités et surtout parents). Le chercheur est revenu dans plusieurs articles (dont celui sur ce lien) sur l’importance du climat scolaire pour créer une dynamique de réussite. La tribune de Samuel Abrams et Philippe Bongrand dans le monde fin novembre, déjà évoquée, faisait plutôt l'éloge d'un modèle finlandais qui ne s'appuie pas sur la privatisation, mais plutôt sur la haute qualification des enseignants et l'importance de l'épanouissement des élèves dans le travail scolaire.
L’autonomie des établissements n’est donc pas un tabou, mais le libéralisme poussé à l’extrême la décrédibilise.
Pas besoin de réinventer le fil à couper le beurre, l’autonomie existe déjà en France pour les établissements scolaires, établie par le décret du 30 août 1985 (voir lien). L’autonomie permet déjà de mettre en œuvre des projets d’établissement, de faire vivre les équipes éducatives, d’aménager les locaux scolaires. Mais il est vrai, l’architecture scolaire a un coût et demande des aménagements spécifiques qui ne sont pas toujours mis en œuvre par les collectivités. Il manque en France une instance de type KMK (Kultusministerkonferenz, conseil des ministres régionaux de l'éducation, en Allemagne) pour donner un cadre commun à l'infrastructure scolaire. Le travail d’équipe des personnels nécessite du temps qui n’est pas prévu dans les services des enseignants et qui reste peu valorisé. Sur ces enjeux-là, les équipes présidentielles, à part le projet de Yannick Jadot, ne disent malheureusement pas grand-chose. Dommage, car ces enjeux auraient plus d'impact sur la réussite des élèves.
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Les profs sont-ils fous ?
Avec la pandémie et le confinement de mars 2020, qui a entraîné la fermeture brutale d’établissements dans le monde entier, la santé mentale est devenue une problématique éducative majeure. Un peu plus dans les autres pays que dans le nôtre d’ailleurs mais quand même, on en parle ! Le bien-être des élèves, mis à mal par leur isolement, la disparition du groupe classe, évidemment, mais on a également beaucoup parlé du mal-être des enseignant·es, angoissé·es comme tou·tes leurs compatriotes par la crise sanitaire, mais aussi plus particulièrement mis à mal par la charge de travail, notamment évaluative et l’implication émotionnelle auprès de leurs élèves. Mais peut-être faut-il élargir le sujet pour voir comment la santé mentale des enseignant·es est mise à mal et quel impact cela peut avoir sur le système éducatif.
Le Canada a pris beaucoup d’avance sur la question du bien-être des personnels éducatifs. Par exemple pour étudier, dans l’épuisement professionnel, la part importante de l’épuisement émotionnel. Le conseil supérieur de l’éducation du Québec a ainsi étudié les différents facteurs du stress ressenti par les enseignant·es : la charge émotionnelle (contacts humains, gestion conflictuelle, retenue des émotions) que le CSE appelle « fatigue de compassion », mais aussi la violence qui a un impact, notamment sur le sentiment d’efficacité personnelle. Le Québec veut agir sur cette question en travaillant sur les compétences sociales et émotionnelles des personnels éducatifs pour les aider à réguler leurs émotions.
Le stress est un élément important du ressenti de la mission d’enseignant à l’échelle internationale.
Aux Etats-Unis c’est la profession la plus stressée par la pandémie quasiment à égalité avec les infirmier·es et la première cause de démission précoce, deux fois plus souvent citée que la rémunération, était le stress, l’an dernier, pour les enseignant·es des Etats-Unis. Les enseignants seraient 75% à avoir vécu des situations de stress liés au travail contre 40% pour le reste des métiers (à retrouver dans l’étude de weareteachers.com), notamment à cause d’une frontière trop mince entre temps de travail et temps de loisir.
Une autre étude auprès des enseignant·es anglais menée chaque année depuis 5 ans évoquait de son côté 77% des répondants qui se sentaient fragiles sur le plan psychologique (voir article). Une enquête médicale menée dans les écoles de Bristol avait relevé que 20% des enseignants souffraient de symptômes sévères de dépression !
En Ecosse, un guide « bien-être des enseignants » a été édité et s’intéresse à la fois aux effets sur la santé du stress, aux causes du burn-out (difficulté pour trouver sa place, comprendre sa mission, charge de travail trop importante, difficultés relationnelles..) et liste une série de mesures qui permettent de prévenir ces situations, comme par exemple un temps de coordination pour échanger en équipe.
Des leviers sont évoqués pour réduire ce stress,notamment dans la résolution « santé mentale » de l’internationale de l’éducation qui rassemble les syndicats enseignants de la planète, au congrès de Bangkok en juillet 2019 (lien) : la prise en compte du bien-être des personnels par les directions des établissements, la réduction de la précarité et de la pression à la performance, en bref, les pratiques de gestion, ont un impact important.
Le site Edweek évoque de son côté l’action des districts scolaires pour prévenir le burn-out chez les personnels : formation d’ambassadeurs de santé mentale chez les personnels pour donner accès aux bonnes ressources à leurs collègues, campagne d’autotest d’épuisement professionnel dans le district de Tulsa, Oklahoma, par exemple (voir lien) ou encore groupes d’entraide virtuels dans le district de Chicago. Les directions d’établissement sont appelées à être plus attentives aux signes de détresse, avec ce qu’un chef d’établissement appelle des « checks in » de bien-être pour vérifier en début de réunion que tout le monde va bien. Ces directions sont d’ailleurs elles-mêmes encouragées à dévoiler leur propre vulnérabilité pour dédramatiser la « faiblesse ».
Le gouvernement australien a même développé un portail complet pour accompagner les enseignant·es pour travailler sur leur bien-être, avec des conseils de prévention (activité physique, contacts sociaux, séparation vie pro/vie perso) et l’accès à des ressources humaines et numériques.
Concernant la santé mentale des enseignant·es français·es, nous sommes en retard mais des choses existent, à l’échelle académique avec des plans de prévention des risques psychosociaux, avec des dispositifs de soutien animés par la MGEN comme les PAS et à travers d’autres actions (remboursement des consultations psychologiques, numéros d’écoute) de cette mutuelle qui sont réglées par exemple par la convention ministérielle signée le 7 janvier 2021, à retrouver dans ce lien.
En conclusion, le sujet de la santé mentale à l’école, tant pour les élèves que les personnels, a émergé avec la crise sanitaire.
Parler du stress et de l’anxiété croissante en période de crise ne suffit pas à expliquer pourquoi les enseignant·es sont plus stréssé·es que d’autres professions. Le lien établi par la recherche entre le bien-être des personnels et les performances scolaires des élèves, évoqué par le centre de recherche québecois RIRE (lien) démontre que ce n’est pas qu’un problème de société mais bien un problème éducatif structurel à part entière, un défi qui doit être relevé. Et c’est possible vu que les pays anglo-saxons se sont déjà lancés avec des programmes de prévention.
Tout en gardant en tête que le bien-être des personnels et des usagers de l’éducation est aussi à mettre en lien avec la « qualité » d’un système éducatif, un concept large, qui va des contenus éducatifs à la gestion des établissements, et qui n’est vraiment pas un sujet politique pour l’instant, en France.
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La démocratisation du système éducatif français : lente et inachevée ?
Les travaux de recherche sur l’histoire du Syndicat National des Instituteurs, qu’on célèbre depuis septembre 2020, ont ceci de pratique qu’ils permettent d’étudier de manière transversale l’histoire éducative, sociale et politique du XXème siècle. Les lois Ferry ont permis de développer l’enseignement primaire en le rendant obligatoire et gratuit mais cela ne suffisait pas. L’accès aux élites de la République et de la société passait en effet par l’accès à l’enseignement secondaire. De plus, de nombreux mécanismes de relégation et de reproduction sociale devaient être démontés pour faire de l’École un ascenseur social efficace. Prenons le temps de faire le point sur ce qui a avancé, et sur ce qui a échoué.
Entre les années 1930 et les années 1960, c’est là qu’il faut situer les plus grands bouleversements du système éducatif. L’évolution est cohérente, qui uniformise l’enseignement primaire, destiné au peuple, assuré par les écoles, les cours complémentaires, les écoles primaires supérieures, les écoles normales, avec l’enseignement secondaire, ces lycées de jeunes filles et de garçons dont les enseignants sont passés par l’université. Les étapes-clés de cette uniformisation ? Il y en a 4 pour moi :
- L’action du ministre de l’éducation du front populaire entre 1936 et 1939, Jean Zay, notamment pour rendre gratuit le second degré. C’est là une mesure de gauche pour rendre accessible au peuple l’enseignement destiné aux élites. Le Syndicat National des Instituteurs est réticent face à cette volonté de faciliter le passage dans le second degré, alors que l’organisation qui syndique les 9/10 des institutrices et des instituteurs préfère renforcer l’enseignement primaire, notamment en développant les enseignements au-delà du certificat d’études.
- Une autre mesure, importante, est prise par le régime de Vichy en 1941. Cette mesure, cette fois-ci est inspirée par l’extrême-droite qui veut s’en prendre à la république des instituteurs et des institutrices, façonnée par les écoles normales, et à leur influence sur le système éducatif. Elle transforme les écoles primaires supérieures qui permettaient aux écoliers de compléter leur formation sans passer par le second degré, assurés par les enseignant·es du primaire, en collèges modernes intégrés au second degré. Le régime de Vichy supprime aussi les écoles normales. Ces mesures sont dénoncées par les organisations clandestines des institutrices et des instituteurs dans lesquelles s’impliquent un certain nombre des militants du SNI, qui obtiendront l’annulation des mesures prises par Vichy à la Libération.
- A la Libération, la commission Langevin Wallon prend le relais, à la demande du gouvernement provisoire, du travail mené par le comité général des études de la Résistance, pour concevoir de manière globale un système éducatif dont la démocratisation serait l’objectif. Si les travaux n’aboutissent pas, la volonté de cohérence, la réflexion sur les voies d’orientation qu’elle induit, où les secrétaires généraux du SNI, J.A.Seneze, et de la fédération générale de l’enseignement, Adrien Lavergne, ont été associés, sera utile dans l’avenir.
- A la fin des années 50, la réflexion sur l’école moyenne, placée entre l’école primaire et les lycées, devient un débat politique important. Le radical René Billères notamment prend ce sujet à bras-le-corps. La création en 1959 avec la loi Berthoin des collèges d’enseignement général est un succès relatif pour le SNI dans la mesure où c’est l’esprit des cours complémentaires, transformés en collèges d’enseignement général, qui semble prévaloir. Mais la réforme Fouchet-Capelle de 1963 va dans un autre sens, en rajoutant à cette architecture des collèges d’enseignement secondaire, en filières, inspirés du modèle du lycée.
On peut donc dire que la démocratisation avance puisqu’après ces 4 réformes, le système éducatif est complet, il n’y a plus deux systèmes parallèles, la scolarité a été prolongée à deux reprises et tous les enfants accèdent aux collèges.
Oui, mais le modèle pédagogique qui a été retenu pour l’école moyenne n’est pas celui de l’école du peuple, centré sur l’enfant, qu’on cherche à amener le plus loin possible, mais celui de l’école des élites qui sélectionne celles et surtout ceux qui peuvent survivre vers les filières les plus sélectives.
On pourrait élargir le propos à l’unification de l’enseignement, qui intègre les écoles de commerce, l’enseignement agricole, l’enseignement technique.
Un sujet majeur restait à régler : l’école libre qui continue à concurrencer l’école publique. A la fin du XIXème siècle, le problème est politique, la République cherche un compromis avec l’Église qui soutenait la monarchie. Toucher à l’école libre, c’est s’en prendre aux congrégations, alors que la république doit déjà gérer l’affaire des fiches (la religion dans l’armée), l’affaire des inventaires (les biens de l’église) sans parler de l’affaire Dreyfus, ce qui occupe largement assez les gouvernements radicaux de la Belle époque (1902-1914) influencés par Clémenceau, qui mettent en œuvre la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Le problème se poursuit tout au long du XXème siècle et là encore on retrouve le Syndicat National des Instituteurs avec un rôle central. L’organisation des institutrices et des instituteurs travaille sur plusieurs décennies pour rassembler un camp laïque qui mêle syndicats et associations telles que la ligue de l’enseignement et la ligue des droits de l’homme, dans les années 1930, pour défendre une vision républicaine de l’École et faire en sorte qu’elle soit présente partout, sur tous les territoires, ce qui n’est gagné ni à l’Ouest, terre catholique, ni à l’Est, où sur les anciens territoires annexés le concordat est toujours en vigueur.
Dans les années 1940 et 1950 la bataille fait rage à l’assemblée de la IVème république sur cette question de l’école libre. La question est politique dans la mesure où les majorités tiennent au soutien du Mouvement Républicain Populaire des démocrates-chrétiens qui font et défont les gouvernements au tournant des années 50. Plusieurs lois sont dénoncées par la revue du SNI, l’école libératrice, quand elles donnent l’accès aux bourses aux élèves du privé ou prévoient des mécanismes de soutien financier pour les écoles privées. Face à ces projets, lois Poinso-Chapuis, Lois Marie-Barangé, le SNI met en œuvre plusieurs actions de rétorsion : création d’une fédération nationale laïque de parents d’élèves, la FCPE, en 1947, à l’initiative du SNI et de la ligue de l’enseignement. Création en 1953 d’un Cartel puis d’un comité national d’action laïque pour coordonner des actions sur cette thématique. Et enfin, face au projet décisif d’organisation de l’école privée par des contrats d’association, prévue par la loi Debré en 1959, une des premières lois de la cinquième république.
C’est alors qu’avec ses partenaires du camp laïque, le SNI met en branle la pétition la plus forte, la plus importante, la plus signée en France de l’histoire avec le serment de Vincennes et ses plus de 10 millions de pétitionnaires.
En vain, et c’est là un des échecs majeurs de la démocratisation : quand deux systèmes d’éducation persistent, quand l’un perçoit des moyens publics tout en sélectionnant ses élèves, difficile d’avancer.
D’autres évolutions du système éducatif ne vont pas dans le sens de la démocratisation.
Le choix fait en formation de favoriser les aspects disciplinaires sur les aspects pédagogiques, par exemple, qui empêche les enseignant·es français·es d’être des experts pédagogiques de haut niveau comme dans d’autres systèmes éducatifs (Canada, Allemagne, pays Nordiques). Les contenus scolaires qui ne correspondent pas forcément à la culture populaire et n’orientent que vers les filières « classiques » et ne préparent en aucun cas aux filières techniques. Ou plus largement toute une culture scolaire qui ne fait pas de l’épanouissement un objectif central du système éducatif, laissant de côté des dizaines de milliers d’enfant, qui n’y trouvent pas leur place, chaque année, sans parler de la question de l’inclusion ou de l’égalité filles-garçons.
Et nous voilà en 2021, 50 ans après ces grands changements. Avec ce combat de la démocratisation scolaire qui reste à mener.
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