traces-ecrites
Traces écrites
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Bonjour. Mon nom est Isabelle Coulomb-Mauvière. Je publie sur ce blog des histoires courtes, pour garder des traces d'anecdotes au quotidien, de tranches de vie, de rêveries plus ou moins éveillées...
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traces-ecrites · 6 months ago
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Il y a quelques jours, j’avais rendez-vous à l’hôpital de Purpan pour ma visite périodique dans le service d’ophtalmologie. C’est de cette visite qu’il est question ici. Il m’est déjà arrivé plusieurs fois de laisser des traces écrites relatant mes expériences dans les hôpitaux, les cliniques, les cabinets médicaux. Je suis assez vieille et j’ai vécu suffisamment de tracas de santé pour avoir accumulé une certaine expérience sur le sujet. Il y a bien une situation à laquelle je réagis toujours, c’est quand les professionnels de santé s’adressent à moi comme si je n’étais qu’un « cas » à traiter, un simple dossier parmi d’autres, un objet. C’est ce qu’il s’est produit.
Je me rends dans ce service très régulièrement, depuis 2020 ou 2021, au moment où ont été décelés les premiers signes d’un glaucome. Risquer de perdre la vue représente une motivation efficace pour m’aider à accepter bien des embarras. Cette fois, j’ai été obligée de me déplacer 2 fois : la première pour les examens préalables — mesure de la tension oculaire, tomographie OCT, champ visuel — la 2e pour la consultation proprement dite. Simplifier la vie des patients est loin d’être une priorité à l’hôpital. Mais je veux bien me montrer compréhensive.
Pour mes 2 visites, la salle d’attente est très calme. C’est surprenant, je suis plutôt habituée à y trouver l’agitation d’une fourmilière et à y passer de longues attentes. Pour ma consultation, je n’ai même pas le temps de m’asseoir. Je suis reçue par 2 jeunes femmes. L’une m’invite à m’installer sur le siège destiné aux patients, tout en poursuivant sa conversation avec sa collègue. Elle lui explique comment consulter les dossiers sur l’ordinateur. Pendant ce temps, j’attends. Elle finit par se tourner vers moi et installer devant moi un appareil de mesure.
Je le reconnais, c’est un tonomètre à aplanation. Je n’ai jamais réussi à ce que quelqu’un mesure ma tension oculaire avec cet appareil. Il m’est impossible de contrer le réflexe de fermer les paupières dès qu’un objet s’approche pour entrer en contact avec mon globe oculaire. Je sens bien son agacement. Moi aussi, cela m’agace, j’aimerais vraiment faire mieux. Mais visiblement, ce n’est pas sa préoccupation. Elle m’indique en quelques mots qu’il faut modifier mon traitement parce que l’état de mon œil droit s’est dégradé. Je voudrais bien des explications, et lui expliquer aussi que, lorsque je ressens une gêne oculaire, ce qui m’arrive assez régulièrement, c’est toujours du côté gauche, jamais à droite.
Mais mon ressenti ne compte pas. Je vais désormais devoir mettre une goutte dans mon œil droit, le soir, en plus des gouttes que je mets déjà le matin dans les 2 yeux. Le collyre du soir sera le Monoprost, décrète-t-elle. Je réussis quand même à exprimer mon étonnement : Monoprost est le premier collyre qui m’avait été prescrit au tout début de mon traitement et il avait fallu le changer, car je ne le tolérais pas bien. Eh bien, dans ces conditions, ça sera Cosidime et on se revoit dans 4 mois.
Je ne sais plus trop comment je me retrouve dehors après avoir de nouveau traversé la salle d’attente déserte. Je me sens pleine d’une grande confusion. Je suis contrariée, déçue, déconcertée, abasourdie. Je n’ai pas pu lui parler de la gêne que je ressens parfois dans mon œil gauche, qui trouble ma vision et me donne l’impression d’avoir tout le temps un truc dans l’œil. Je n’ai pas reçu la moindre information sur les résultats de tous les examens que j’ai passés, ni la moindre explication sur l’évolution de l’état de mes yeux, ni le moindre commentaire sur ce qui la conduit à modifier le traitement. Aucune possibilité de poser la moindre question. Je me demande même si elle a pris la peine de consulter tout l’historique de mon dossier.
J’en veux à cette médecin pour son absence d’écoute et son comportement expéditif. Elle n’avait même pas comme excuse d’avoir à s’occuper d’autres patients : le hall d’attente était vide. Je m’en veux aussi à moi-même de m’être laissé traiter de la sorte. Je suis à la fois triste et en colère. Impossible pour moi d’en rester là. J’ai besoin de recevoir un 2e avis. Ce n’était que ma 2e consultation avec cette médecin. Celle que je voyais précédemment m’avait été recommandée comme étant la spécialiste du glaucome dans la région. D’après ce que j’ai compris, elle a quitté l’hôpital pour partir exercer dans une clinique privée. C’est décidé, je vais rechercher ses coordonnées et retourner la voir.
...
PS : j’ai malgré tout respecté la prescription du 2e collyre dans l’œil droit, au moins à l'essai. Parmi les effets secondaires fréquents, est mentionnée sur la notice la possibilité de sensations de brûlure. Bingo, c’est pour moi !
PS : j’avais déjà laissé une trace écrite à propos de mes aventures en ophtalmologie. Il y était justement question de cette médecin spécialiste du glaucome.
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traces-ecrites · 7 months ago
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Mon lit : le meilleur endroit au monde, à coup sûr. Mon lit, c’est mon refuge, mon havre de paix, mon lieu de repos et de régénération. Je peux m’y étaler en travers ou m’y rouler en boule sous la couette, j’y suis bien. Je m’y sens à l’abri, protégée de l’agitation du monde.
Le meilleur moment de la journée, c’est celui où je me couche dans mon lit. Quoi qu’il se soit passé dans la journée : argh, beurk, snif, taratata, youpi, au moment de me coucher, c’est toujours le grand soupir : hhhaaaaaa ! L’appel du repos, de la détente, du relâchement.
À l’heure du coucher, il est temps de répondre entièrement à l’appel de la couette. Je me blottis dans sa douceur, dans sa chaleur. Je savoure la caresse des draps sur ma peau. Cette sensation enveloppante s’accompagne du soutien plus ferme du matelas. Mon corps peut s’abandonner. Mon lit ne me laissera jamais tomber.
Les contours de mon corps se moulent dans la texture subtilement élastique du matelas. Mon oreiller épouse la forme de ma tête et de ma nuque. Mes mains, mes pieds, parfois plus frais au début, se réchauffent peu à peu. Je m’engourdis délicieusement. Je respire plus paisiblement.
À l’horizontale, mon corps est capable d’explorer une large palette de positions. La plus spontanée pour moi, c’est sur le côté, les jambes plutôt rassemblées, le bras de dessous replié sous ma tête, avec l’oreiller. J’aime bien aussi quand mes deux bras s’enroulent autour de moi, en mode gros câlin à moi-même. Mes jambes peuvent être plus ou moins repliées, ensemble ou de façon asymétrique. Et autant de variantes sont possibles du côté droit et du côté gauche, sans préférence marquée pour l’un ou pour l’autre.
Sur le côté, j’aime aussi quand mon corps vient s’accorder à celui de mon homme aimé, celui qui partage mon lit et ma vie depuis presque trois décennies. Nos épidermes se connaissent et se reconnaissent. C’est comme si nos formes s’étaient moulées au fil du temps l’une sur l’autre, comme des empreintes.
Allongée sur le dos, de tout mon long : ce n’est pas une position spontanée, même si je m’y sens bien pour pratiquer des respirations ou des méditations (les deux vont bien ensemble). C’est aussi une position de repos volontaire, que j’adopte pour réfléchir à des questions aussi existentielles que : quel est l’intérêt de réfléchir à sa position allongée ?
L’intérêt ? C’est sortir du mode « pilote automatique », observer comment je fonctionne et envisager des façons différentes qui pourraient, peut-être, se montrer plus intéressantes que celles pétries par mes vieilles habitudes.
Par exemple : allongée sur le ventre. Cela peut se montrer utile à la plage, pour bronzer recto verso. Pour ma part, allongée, je préfère savourer l’intimité de mon lit que rester à griller sur une serviette. J’observe que j’aime de plus en plus sentir la chaleur de la couette dans mon dos qui se vrille légèrement. Cette posture requiert une certaine souplesse de la colonne vertébrale : je trouve cette torsion plutôt relaxante.
Allongée sur le ventre, je m’embarque volontiers pour de grands voyages immobiles, quand mon imagination se débride et m’entraîne dans des divagations plus ou moins fantaisistes. Tout devient possible, les idées rebondissent et s’entremêlent, elles gonflent comme des ballons de baudruche, éclatent en gerbes d’étincelles comme un feu d’artifice, s’évaporent en volutes de brume dans lesquelles se perdraient des arcs-en-ciel.
Avant de m’endormir, il m’arrive de tourner dans mon lit. Au bout d’un certain temps, parfois court, parfois plus long, je finis par m’assoupir. Je m’endors et j’oublie. Mon corps continue de faire son boulot : il respire, il digère, il élimine. Il sait encore ressentir, mais ma conscience est mise en veille.
Je peux alors embarquer pour des explorations mystérieuses, guidées par mon inconscient. Tout devient possible, je flotte, je nage, je plonge, je me noie… Je remonte à la surface pour surfer sur les vagues de mon imagination débridée. Qu’importe le lit, celui que je connais le mieux ou tous ceux dans lesquels j’ai dormi, dans le confort ou à la dure.
Le lit, c’est évidemment le lieu du sommeil. Nous autres humains y passerions en gros un tiers de notre vie. Le sommeil est ce grand mystère dont aucun animal vivant ne peut complètement se passer. C’est le moment où le cerveau trie, classe, mémorise et donc oublie.
Je pense et j’oublie. Je pense que je vais oublier. J’ai déjà oublié ce à quoi je pensais. Je m’endors. À certains moments, je suis éveillée : je pense, j’agis, je décide, j’exécute, je suis présente. À d’autres, je suis endormie : je me relâche, je divague, je rêve, je suis absente. Comment se fait le passage d’un état à l’autre ? À quel moment, précisément, se situe la bascule ?
Le jour, je veille. La nuit, je dors. À quel moment, précisément, le jour devient-il nuit ? La même question se pose pour le noir et le blanc : ce noir qui dessine les lettres est-il vraiment noir à 100 % ou bien est-il déjà un peu gris ? La dualité est omniprésente : lumière et obscurité, vérité et mensonge, santé et maladie… Un beau sujet de divagation pour une prochaine insomnie…
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traces-ecrites · 10 months ago
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L’autre nuit, mon cerveau a décidé de n’en faire qu’à sa tête.
Il a pris le pouvoir : « c’est moi le boss ici, je fais ce que je veux. »
L’accélérateur à fond, il s’est mis en ébullition, de pensées pas si profondes en réflexions sans queue ni tête, de raisonnements foireux en vaines élucubrations.
Au galop comme un cheval sauvage, en bonds désordonnés comme un jeune chien.
Que s’est-il passé pour le mettre dans un tel état ?
Impossible de le savoir avec certitude. Il est vrai cependant que le jour d’avant, j’ai vécu une journée particulièrement éprouvante.
En plat principal, un gros challenge émotionnel pour résister à une vague d’inquiétude, du genre de celle que l’on peut éprouver quand on attend l’arrivée d’une personne chère et qu’on reste un trop long moment sans nouvelles alors qu’elle devrait être déjà là.
En accompagnements, plusieurs moments de tension sans grande importance pris un par un, mais dont le cumul entame la résistance : le chemin que je souhaitais emprunter est condamné, la voiture se fait prier pour redémarrer, l’article que je recherche en magasin n���est pas disponible et plusieurs autres contrariétés très agaçantes.
Bref, de grosses dépenses d’énergie pour ne pas me laisser submerger par la vague. Et au bout aussi, la satisfaction d’avoir tant bien que mal réussi à garder pied, en surmontant ou contournant les obstacles.
Pourtant, je suis en vacances, j’aspire au repos et à la tranquillité : profiter de moments où tout ne serait que calme, luxe et volupté.
La vie est taquine ! Cela aurait été plus dur encore si cela s’était passé dans le rythme trépidant de la vie quotidienne.
Qu’ai-je fait en réponse à mon cerveau tout puissant ?
Rien.
Ou du moins, le moins possible.
Ne pas réagir, ne pas bouger, laisser faire.
Ne pas chercher à compter le temps qui passe.
Considérer les pensées, les idées, et les laisser passer.
Respirer doucement, calmement, tranquillement.
Me contenter de sentir la chaleur et la douceur qui enveloppent mon corps.
Ignorer superbement mon cerveau et ses idées à la noix.
Me laisser flotter dans un état second.
Faire semblant de dormir.
Faire comme si plus rien n’avait d’importance.
Attendre imperturbablement.
Patienter (ah, la patience…).
Me rappeler que la nuit, la perception du temps est faussée, qu’en réalité, je dors davantage que ce que mon cerveau voudrait me faire croire. Et ne pas oublier que parfois, dans le flot de pensées et d’idées produites par mon cerveau débridé, peut jaillir une pépite. Elle surgit en général au petit matin, juste au réveil, car évidemment, j’ai bien fini par me rendormir pour de bon.
C’est souvent ainsi que naissent les traces écrites que je dépose par ici.
Insomnie, je te déteste, mais je te dis aussi merci.
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traces-ecrites · 1 year ago
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Randocéane
J’ai suivi le GR8 pendant 4 jours, le long de l’océan Atlantique. J’ai marché beaucoup (et aussi un peu pédalé) en compagnie de 2 amies. J’ai rechargé mes batteries à bloc et j’ai emmagasiné plein d’images et de sensations, toute une valise de beaux souvenirs, à conserver précieusement, pour les moments de moins bien. Pour être sûre de bien les conserver, j’en laisse ici une trace écrite.
Le GR8 démarre de Saint-Brévin-les-Pins, juste au sud de l’estuaire de la Loire et longe la côte vers le sud, en théorie jusqu’au Pays Basque. En réalité, la continuité du tracé n’est pas encore partout assurée. Mais je ne comptais pas aller si loin. Dans la partie qui m’intéressait, en Loire-Atlantique et en Vendée, le tracé était parfait.
Je marche régulièrement sur des chemins de campagne, je peux aller marcher en forêt sans partir loin de chez moi, j’ai la chance de pouvoir assez souvent prendre de la hauteur sur des sentiers de montagne, j’ai déjà goûté au plaisir de marcher le long de la mer Méditerranée. L’Atlantique, c’était une nouveauté. Ses horizons infinis me faisaient rêver. Voilà un rêve réalisé.
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À mon retour, j’ai trié mes souvenirs, j’ai cherché à choisir ceux qui m’avaient le plus touchée. J’en ai fait un collier précieux, un cordon soyeux sur lequel j’ai enfilé 7 perles de toutes les couleurs.
Lever de soleil
Rouge comme l’astre solaire lorsqu’il jaillit de derrière l’horizon au début du jour. J’ai rarement observé le lever du soleil : c’est trop tôt pour moi. Mes 2 amies non plus ne sont pas « du matin ». Pourtant, là, pas le choix : le mari d’une de mes amies, qui devait nous conduire à notre point de départ, n’était disponible que tôt le matin, pour répondre ensuite à d’autres engagements.
Finalement, nous l’avons remercié de nous avoir imposé cet effort. Grâce à cela, nous avons vécu le moment magique de la naissance du jour dans un paysage magnifique : l’estuaire de la Loire, tout voilé de brume. Nous ne pouvions pas démarrer notre aventure sous de meilleurs auspices. Nous avons admiré les premières lueurs incandescentes poindre à l’horizon, grandir progressivement jusqu’à devenir un disque écarlate, au-dessus des haubans du pont de Saint-Nazaire. Puis, nous lui avons tourné le dos pour nous mettre résolument en chemin en direction de la plage.
Le soleil nous généreusement accompagnées pendant notre expédition, il nous a même fait ardemment transpirer. Pour tester notre détermination, nous avons aussi essuyé un bel orage, bref mais intense, avec éclairs et tonnerre, au 2e matin, ainsi qu’une petite averse qui nous a conduites à écourter notre pause déjeuner du 3e jour. Tant pis pour la sieste !
Couleur sable
Savez-vous ce qu’est une pêcherie ? Moi, je l’ignorais avant d’en découvrir toute la collection qui jalonne la côte dans cette région. Il s’agit de constructions sur pilotis, bâties en bois, soit installées sur la plage, soit reliées à la côte quand celle-ci est rocheuse. Certaines ne sont accessibles qu’à marée basse. Elles permettent la pratique de la pêche au carrelet, un grand filet carré, tendu sur des armatures, se manœuvrant à l’aide de cordes. Cette technique de pêche artisanale remonte à la nuit des temps.
Les pêcheries sont généralement équipées d’une petite cabane, pour se mettre à l’abri. Elles s’adaptent avec ingéniosité à la configuration des lieux et adoptent toutes des formes différentes. Rarement peintes, la plupart ont la couleur du bois brut battu par les vagues, les embruns et l’air marin, une couleur indéfinissable dans une palette de gris tirant vers le beige ou le brun, une teinte néanmoins chaude, qui tranche sur le bleu de l’eau et de l’air.
Sur la plage, elles peuvent former d’étranges alignements, comme de gigantesques insectes posés à la lisière entre l’eau et le sable. Quand la côte devient rocheuse et sinueuse, c’est une surprise chaque fois qu’on les découvre au détour du chemin. Elles ont été les sujets de mes plus belles photos. J’aurais adoré voir des pêcheurs à l’œuvre sur l’une d’entre elles, mais non. Peut-être une autre fois ?
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Pieds nus sur le sable
Dans les dessins d’enfants, le ciel et la mer sont bleus, le soleil et la plage sont jaunes. En réalité, le sable est rarement jaune. Il peut prendre une infinité de nuances, un éventail aussi large que du blanc au noir. Le long de l’Atlantique, disons que le sable est blond. Plus que sa couleur, ce qui me plaît avec le sable, c’est sa douceur. Pendant une journée entière, le 1er jour, nous avons marché pieds nus le long de la plage. Pour une de mes 2 amies, c’était une découverte : la première fois qu’elle marchait aussi longtemps pieds nus ! C’est pourtant elle qui est originaire du pays nantais…
Quel bonheur que de ressentir la texture du sable sous les pieds ! Là aussi, la palette est large : de frais et élastique quand il est humide, sur la bande où la terre et la mer se rejoignent, à chaud et mou là où il est sec et où les pas s’enfoncent péniblement. Il peut aussi devenir gluant quand, à certains endroits en retrait, la plage tourne un peu au marécage. Et marcher dans l’eau, en choisissant la hauteur comme pour des chaussettes : à la cheville, à mi-mollet, sous le genou, n’est-ce pas délicieux ?
Évidemment, nos pieds ont perdu l’habitude de se passer de la protection rassurante de chaussures. Parfois, quand ils se posent malencontreusement sur un caillou pas poli ou sur un coquillage, ça fait aïe ! Encore plus redoutable, c’est quand des débris de coquillages forment tout un tapis qui recouvre le sable. Mais pour moi, le pire c’est quand, à la fin de la plage, il faut reprendre des chemins et des trottoirs goudronnés. Quel calvaire de devoir renfiler mes chaussures, surtout avec encore des grains de sable entre les orteils !
Rencontre avec des arbres
Avant de la découvrir, je n’imaginais pas que la côte atlantique pouvait être bordée d’autant d’arbres. Rien à voir avec l’aridité de la côte méditerranéenne. Rien à voir non plus avec la forêt landaise et ses alignements de pins. Dès le 2e jour, après la longue plage, quand le chemin se met à suivre une côte plus sinueuse, où alternent criques et falaises, il passe régulièrement au pied d’arbres isolés ou en petits groupes. On observe différentes sortes de chênes, de pins ou de cèdres, pour ne citer que ceux que je sais reconnaître. Ces arbres se trouvent dans le domaine public ou dans les parcs des belles propriétés qui ont choisi les plus beaux emplacements le long de la côte.
En passant, nous les saluons d’un regard, nous profitons de leur ombre, nous les remercions pour l’oxygène qu’ils nous apportent sans compter. Eux aussi souffrent de la chaleur et de la sécheresse. Et pendant ce temps, ailleurs, l’humanité est assez folle pour continuer d’abattre des arbres anciens pour construire des autoroutes à péage… Mais je m’égare ; les arbres que nous avons rencontrés étaient remplis de puissance tranquille.
Nous avons rendu visite à 2 grands chênes vénérables, un peu en retrait du chemin, mais connus des initiés. Le premier est tout seul, au bord d’un champ ; ses branches s’étalent tellement loin autour de lui qu’il est bien plus large que haut. Il se dégage de lui une force intimidante. Le second est entouré d’autres chênes plus petits, qui gardent avec lui une distance respectueuse : on voit bien qui est le maître. Je me suis allongée à l’ombre de ses branches, sur un tapis de feuilles. J’ai imaginé ses racines plongées dans la terre avec la même vigueur que ses branches plongées dans le ciel. Et moi, minuscule, posée entre les deux…
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Caresse de l’eau fraîche
Je me suis baignée dans l’océan ! C’est un exploit, pour moi qui ne me sens pas particulièrement à l’aise dans l’eau, surtout quand il n’y a pas de bords tout autour. Par deux fois, après avoir bien marché et beaucoup transpiré, l’appel s’avérait irrésistible. Et la température de l’eau étonnamment agréable. Moi qui croyais cette légende selon laquelle elle est toujours froide en Bretagne ! Une fois le nombril franchi, puis les épaules immergées, quel délice que de se laisser envelopper par cette fraîcheur soyeuse et nettoyer par ce massage revigorant.
Nous nous sommes également baignées dans les piscines des campings où nous avons fait étape. Là aussi, c’était un plaisir que de se laisser glisser dans l’eau pour se délasser de la fatigue d’une journée de marche. J’ai apprécié l’eau à une température encore plus agréable et le confort d’un environnement moins intimidant, avec douche et toilettes à proximité.
Déserté par les vacanciers de l’été, le 2e camping était particulièrement plaisant : nous étions quasiment les seuls à profiter de ses vastes installations, avec de grands bassins, jets d’eau et bains bouillonnants, rien que pour nous. Et même 3 grands toboggans parallèles, sur lesquels, comme 3 gamines, nous avons laissé éclater nos rires ! Heureusement, il n’y avait pas grand monde autour…
La nuit sous la tente
Les 3 premiers jours, nos étapes à pied duraient entre 15 et 20 km : marche d’endurance, mais sur un rythme tranquille. Pour la 2e étape à Pornic, c’était facile : nous étions hébergées chez mon amie, la « locale de l’étape ». L’étape d’avant et celle d’après, nous avons fait halte au camping. Nous avons en plus bénéficié de conditions idéales : le mari de mon amie pornicaise, celui qui nous a conduites à l’aube à notre point de départ initial, nous a rejointes les 2 soirs, avec tout le matériel. Tentes, matelas, duvets, vêtements de rechange, nécessaire de cuisine, nous n’avions rien à porter de tout cela. Quel luxe !
Nous avions tout de même chacune à installer notre campement. J’ai donc appris à monter ma tente de bivouac toute seule : un pas vers l’autonomie, qui me permet d’envisager d’autres aventures en solo (il faudra bien que je porte mon matériel…). Quel bonheur de me retrouver toute seule, dans le silence de la nuit, sous ma mince toile de tente et d’y dormir comme un bébé !
La 3e étape finissait au port du Collet, à la frontière entre Loire-Atlantique et Vendée. Je rêvais d’aller ensuite jusqu’à l’île de Noirmoutier et d’emprunter le passage du Gois, cette chaussée submersible qu’on ne peut emprunter qu’à marée basse. Mais cela dépassait largement les 20 kilomètres, d’autant qu’avec la marée, nous n’aurions pas pu revenir par le Gois. Qu’à cela ne tienne, allons-y à vélo !
Mes amis pornicais, décidément pleins de ressources, nous ont prêté les vélos, et même les shorts rembourrés pour ménager nos fesses ! Des conditions parfaites pour expérimenter cet autre mode de déplacement sans assistance motorisée. Ma conclusion : c’est confirmé, je préfère quand même marcher. Mes cuisses manquent de puissance et le tempo pas à pas convient mieux à ma lenteur naturelle. Mais j’ai adoré sillonner les petites routes et les belles pistes cyclables qui serpentent entre les marais salants de ce joli coin de Vendée.
Nous avons réussi à aller jusqu’au premier kilomètre du Gois : cela méritait le détour, mais trop de touristes au m² ! Les petites routes étaient bien plus tranquilles, où nous nous sommes baladées ensuite sans objectif bien précis. Au total, plus de 50 km parcourus, soit à peine moins qu’à pied pendant la totalité des 3 jours précédents. À pied, il nous aurait été impossible d’aller si loin dans le temps imparti. C’est là que réside toute la supériorité de la bicyclette.
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Papotage, silence et bain sonore
Je le reconnais, j’adore marcher seule, avancer à mon rythme, me laisser imprégner par le chemin et fondre dans le paysage. C’est à mon sens, une expérience à nulle autre pareille, celle qui me relie le mieux avec la magie de la vie. J’aime aussi me retrouver dans une sorte de tête-à-tête avec moi-même, avec mes divagations intérieures. C’est le meilleur moyen à ma portée pour m’entraîner à apprivoiser la solitude. Me retrouver seule a longtemps été quelque chose d’effrayant pour moi. Avec l’âge, je le savoure de plus en plus.
Cependant, j’aime aussi marcher en compagnie, pour peu qu’elle soit de qualité et pas trop nombreuse, ce qui était le cas pendant ces quelques jours. C’est agréable de partager nos impressions et nos émotions, de rire ensemble, de se soutenir et s’encourager mutuellement. J’ai apprécié de pouvoir marcher à plusieurs, tout en étant parfois seule dans ma bulle.
À propos de bulle, je ne pourrais terminer mon collier de perles sans parler de « bulle sonore ». C’est l’appellation qu’a donnée mon amie toulousaine à son activité de sonothérapeute. Elle était venue avec sa petite valise remplie de sa collection de bols tibétains. Elle ne les avait évidemment pas avec elle pendant notre randonnée. Mais le dernier soir, de retour à Pornic, pour conclure notre aventure atlantique et refermer cette parenthèse enchantée, elle nous a offert un dernier voyage, immobile celui-là.
Juste posée là, sur le sol, sans attente. Rien d’autre à faire que de se laisser aller. Bercée, percée, transpercée par les vibrations. Sensations tactiles : un souffle d’air passe sur ma joue, une main imaginaire touche mon ventre. Les pensées décantent, ce qui était trouble s’éclaircit, le sable en suspension se dépose. Je deviens transparente et limpide comme de l’eau. Temps suspendu. Moment présent. Cadeau.
***
Post-scriptum : impossible de terminer cette trace écrite sans parler de Nova, la 4e de l’équipe ! Nova, c’est la chienne de mes amis de Pornic, une adorable Border Collie. Elle nous a suivies dans notre randonnée les 1er et 3e jours, pendant lesquels elle a sûrement parcouru la même distance que nous en 4 jours. Son instinct de chien de berger la conduit à toujours s’assurer que son troupeau ne se disperse pas trop, elle a donc passé son temps à aller et venir entre nous 3, très souvent en courant. À la fois joueuse et docile, impétueuse et câline, elle est une compagne attachante. Si j’adoptais un chien, j’aimerais que ce soit une Nova.
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traces-ecrites · 1 year ago
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Voilà une bonne chose de faite. Cela faisait longtemps que j’en avais envie, je ne faisais que repousser chaque fois le moment. Cette fois, il était temps que je me décide. Qu’ai-je fait de si extraordinaire ? Je suis simplement allée chez la coiffeuse, pour me faire couper les cheveux. Je n’y vais pas très souvent d’ordinaire, environ 3 ou 4 fois par an.
Cela fait des années maintenant que je garde les cheveux courts, et même très courts. Cette fois, les voilà très, très, très courts. J’arrive à peine à les pincer entre deux doigts. Quand je passe ma main sur ma tête, c’est tout doux, comme du velours ; j’adore caresser mon crâne. Quand je passe devant un miroir ou une autre surface réfléchissante, je guette mon reflet, chose que je ne fais jamais d’habitude. Je cherche à vérifier si je me reconnais.
C’est bien moi, mes cheveux sont toujours aussi terriblement fins, mais j’ai l’impression que cela se voit moins ainsi. Ils sont moins gris que ce que j’aimerais ; ils continueront bien à blanchir. En tout cas, c’est bien moi, de la façon la plus naturelle possible, sans apprêt, sans artifices.
Ce que je ressens : légèreté, fierté, liberté. Je préfère mes cheveux courts depuis longtemps. Je me sens souvent admirative en voyant des femmes avec seulement quelques millimètres de cheveux, que ce soit à l’écran ou dans la vie réelle. Je trouve cela bien plus audacieux qu’une longue et ondulante chevelure. Pour un homme, des cheveux ras ne surprennent personne. Pour une femme, le crâne rasé s’apparente plutôt à une punition. Quelle injustice !
Avant d’aller à mon rendez-vous, j’ai recherché sur internet des images de femmes avec des cheveux ultra-courts. J’ai trouvé des photos sublimes. Et des articles qui parlaient d’actrices qui avaient « sacrifié » leurs cheveux pour un rôle. « Sacrifier » quel mot violent : elles se sont juste fait couper les cheveux ! Ces images ont conforté ma décision : c’est bien ce que je voulais.
J’avais déjà eu les cheveux très courts, et même pas de cheveux du tout. C’est l’effet secondaire le plus spectaculaire de la chimiothérapie. Voilà ce que j’avais écrit à l’époque, dans le journal de mon voyage au pays du cancer (1) :
« Ma première découverte, c’est que j’avais considérablement plus de cheveux que ce que j’imaginais. Quand je croyais en avoir fini, il y en avait encore et encore. Bien que très courts, bien que très fins, ils étaient innombrables ! Ma deuxième découverte, c’est que je me suis vue, moi, pour la première fois de ma vie. En tête à tête avec mon reflet dans le miroir, je vois qui je suis. Et ma troisième découverte est que ce que je vois dans le miroir ne me déplaît pas. »
On présente en général l’alopécie comme un traumatisme pour les femmes. Et bien, pas pour moi. Suis-je l’exception qui confirme la règle ? Et si on supprimait la règle, tout simplement ?
Après la chimio, j’avais laissé repousser mes cheveux. Ce fut long, très long, avant d’obtenir une touffe ridicule que je parvenais péniblement à attacher en une minuscule couette. J’ai tout coupé, court, très court : ouf, libération ! Ensuite, j’ai entretenu, ou plutôt mes coiffeuses ont entretenu ma coupe courte, la nuque rase, avec parfois des dessins, en mode « tribal ».
J’avais toujours les cheveux courts, mais peu à peu, un peu moins courts sur le dessus du crâne. Les possibilités de changement de coiffure sont limitées avec les cheveux courts. J’ai beaucoup joué dans un passé plus ancien avec les teintures : brun, roux, auburn, blond platine… Si j’étais plus jeune, j’aurais sûrement testé le bleu et le violet. Mais aujourd’hui, plus de couleur chimique pour moi, que du naturel.
J’aimais assez le contraste de ma précédente coupe : ras en lisière, plus long sur le dessus. Mais c’est trop exigeant, cela demande de l’entretien et me faire recouper les cheveux toutes les 3 ou 4 semaines, ce n’est pas pour moi. Il me fallait donc une solution radicale. J’étais prête !
J’ai pensé fugitivement à une solution encore plus radicale : me procurer une tondeuse et œuvrer moi-même. Je n’ai pas osé, pas encore. J’ai choisi de confier ma tête au rasoir de ma coiffeuse pour une coupe énergétique : profiter de l’occasion pour un soin plus en profondeur.
Je m’installe confortablement sur le siège, je ferme les yeux et je me laisse aller. Je sens les vibrations se propager dans ma tête, dans mon cou, dans mon dos. Pendant que les mains agiles s’agitent autour de ma tête, j’ai l’impression de me dépouiller. Deux larmes s’échappent de mes paupières, une de chaque côté. Ce n’est pas de la tristesse, c’est du soulagement.
Je sens comme un courant monter le long de ma colonne vertébrale. Mon dos, calé contre le dossier, a envie de se redresser. Je n’ose pas trop bouger, de crainte de déranger ma coiffeuse. Pourtant, imperceptiblement, mes vertèbres se décollent, j’ai l’impression de grandir, tout en gardant mes deux pieds posés bien à plat sur le sol. Je souris intérieurement en pensant que si je grandis trop, ma coiffeuse n’aura pas les bras assez longs, elle qui n’est pas très grande.
Quand tout est terminé, quand tous les débris de cheveux sont bien époussetés, je retarde un instant le moment d’ouvrir les yeux. Mes paupières s’ouvrent d’elles-mêmes et j’éclate de rire. Juste de la joie. J’embrasse ma coiffeuse. Dehors, c’est le printemps, le soleil brille, des oiseaux gazouillent dans les arbres un peu plus loin, des voix lointaines se font entendre. La vie est belle quand on lui sourit.
(1) C’est écrit, un livre que vous trouverez dans quelques rares bibliothèques, mais pas en librairie.
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traces-ecrites · 1 year ago
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Je peux me sentir émue par...
... un regard échangé avec une personne inconnue,
... le dos d’une main à la peau marquée de taches et de rides,
... une herbe qui pousse à la jointure entre le béton d’un mur et le bitume d’un trottoir,
... l’acharnement d’un coléoptère à escalader cailloux et brins d’herbe plus grands que lui,
... les éclaboussures d’une gerbe d’embruns jaillie du choc des vagues sur des rochers,
... le parfum fugace d’une fleur au détour d’un chemin ou une odeur de brioche juste cuite s’échappant d’un endroit inattendu,
... le timbre d’une voix, le tintement de cloches dans le lointain, la légèreté ou la mélancolie d’une mélodie…
Je me suis sentie émue par un dessin, juste un dessin.
Il est très simple, juste un tracé. Il représente les silhouettes de trois personnages en train de marcher.
Il pourrait être bien plus grand, représenter une multitude de silhouettes. Les silhouettes pourraient même recouvrir directement la totalité du mur, qui est pourtant très large et très haut. Elles sont seulement trois. Elles dégagent une énergie, une vitalité qui les rend immenses et innombrables.
Ce dessin est affiché dans une immense pièce aux immenses murs blancs, accompagnés d’autres affiches, d’autres dessins dans le même style. Sur le même mur, il fait partie d’une série de dessins montrant des foules en train de marcher. Ce pourrait représenter des manifestations, je vois surtout des gens qui marchent avec détermination, mais sans hargne, sans colère. Un titre réunit cette série : « Tous ensemble ».
Sur les autres pans de murs de la vaste salle, d’autres dessins s’inspirent d’autres thèmes, de rêves, de poèmes… Tous dégagent une même vigueur, un même feu.
Je suis entrée dans cette salle de façon parfaitement imprévue. Je me baladais par là et, avec les amis qui m’accompagnaient, notre curiosité a été attirée par la grande porte ouverte d’un bâtiment imposant : sur sa façade, un fronton indiquant la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » et en dessous « Bourse du travail ».
Nous étions de simples touristes, en train de découvrir la ville d’Arles. Nous venions de passer notre journée à visiter des lieux magnifiques : le Luma, les Alyscamps, l’église et le cloître Saint Trophime, la librairie Actes Sud. Nous avions le cœur empli de joie par les merveilles que nous avions rencontrées.
Sur le chemin qui nous ramenait vers notre lieu de résidence du week-end, nous avons fait un dernier détour en quête d’un complément pour notre repas du soir. Normalement, nous n’aurions jamais dû passer devant la Bourse du Travail, dont la façade portait une banderole signalant une exposition de dessins. Nous savions qu’un festival de dessin se tenait à Arles en ce moment, c’était une occasion en plus qui se présentait à nous, nous l’avons saisie.
Oui, mais qui a réalisé tous ces dessins, en particulier celui qui montre, en trois simples silhouettes, la puissance de l’humanité en marche ? C’est une femme, elle est présente sur place, elle nous explique avec simplicité qu’elle a toujours dessiné, depuis sa plus tendre enfance, alors qu’elle a franchi le seuil des 4 fois 20 ans. Orpheline de mère, son père la laissait même dessiner sur les murs de leur maison.
Je me trouve incapable de trouver les mots pour lui exprimer ce que ses dessins déclenchent en moi. À la place, nos yeux et nos cœurs trouvent leur propre langage.
J’aimerais lui demander si je peux lui acheter le dessin qui me touche tant. Mais je n’ose pas. Nous échangeons tout de même nos coordonnées. Sait-on jamais, puisque le « hasard » a organisé cette rencontre, peut-être a-t-il d’autres intentions ?
Je suis loin de chez moi, de mon cadre habituel, de ses engagements et de ses contraintes. Je découvre une ville qui recèle des trésors, dans une région où tout me rappelle mes origines provençales. J’ai même découvert récemment que mes grands-parents maternels avaient passé ici quelques années de leur vie de jeunes mariés. Dans ce contexte, je découvre par surprise cette exposition, et ce dessin qui évoque à mes yeux le pouvoir de la marche, thème central de mes travaux et de mes réflexions. En sortant de là, c’est comme si mes pieds ne touchaient plus tout à fait terre.
Un peu plus tard, j’ai demandé à Internet ce qu’il pouvait me dire à propos de cette exposition de dessins et de cette dessinatrice. Résultat : à peu près rien. J’imagine que si elle maîtrise le dessin, l’univers du web doit lui être étranger. Je découvre aussi avec étonnement que cette exposition n’est en rien reliée au festival du dessin dont la première édition est en train de se dérouler. C’est en cherchant des informations à propos de la Bourse du Travail que je finis par comprendre que cette exposition est organisée par la CGT. Quelle drôle d’histoire !
J’aurais aimé être capable de trouver les mots sur le moment pour dire merci. Je ne sais pas dessiner. Je ne me sens douée d’aucun talent artistique. Tout ce que j’ai à ma disposition, c’est l’écriture. Voilà, j’écrirai donc une Trace pour exprimer ma gratitude et pour garder en mémoire cette rencontre. Cette trace écrite, la voilà !
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traces-ecrites · 2 years ago
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Il était une fois une famille qui vivait dans un joli village et y menait une vie tranquille. Il y avait un papa, une maman, un charmant garçon et une fille adorable. La vie allait son cours, avec ses fluctuations, ses joies et ses tracas, comme dans des centaines, des milliers de familles. Il n’y aurait pas vraiment d’histoire à raconter, autre que celle de la vie qui va, sans le cataclysme qui a frappé cette famille, il y a précisément 4 ans (4 ans à peine ? 4 ans déjà ?).
Le petit garçon au regard d’ange devenait un beau jeune homme et abordait le seuil qui mène à l’âge adulte. C’est une période délicate : comment devenir un homme, un « vrai », comment réussir à prendre sa place, comment trouver un équilibre entre force et gentillesse, détermination et douceur, courage et sensibilité ? Généralement, on finit par y arriver, avec plus ou moins de bleus et de bosses. Lui a choisi un autre chemin : un matin, au lieu de retourner au lycée, il est parti rejoindre les anges, prématurément.
Quel cauchemar pour sa famille, contrainte de continuer à vivre avec l’inacceptable ! Quand on traverse une épreuve — un accident, une maladie, une perte brutale, quand on se retrouve au cœur de la tourmente, à vivre un cauchemar, on croit toujours que rien de pire ne pourrait arriver. Là, c’était la réalité : rien de pire ne peut arriver que de pleurer la perte d’un être infiniment cher parti trop jeune.
Pour tenter de cicatriser la blessure, on tente de comprendre. On le sait : le monde peut se montrer violent, en particulier à l’adolescence, pour des personnalités d’apparence trop tendre. Il peut arriver qu’elles se retrouvent victimes de personnalités toxiques, méchantes, perverses. Il y a un mot pour désigner cela : le harcèlement, « mode de persécution consistant à enchaîner de façon répétée des agissements et des paroles hostiles afin de démoraliser et d’affaiblir psychologiquement la personne qui en est victime. »
Aujourd’hui, plus encore qu’il y a 4 ans, il en est souvent question : harcèlement sexuel, harcèlement au travail, harcèlement scolaire. Pourtant, concrètement, cela reste difficile à dénoncer, encore plus à prouver. Dans l’histoire que je raconte ici, il s’agit d’une hypothèse très crédible, mais rien n’a été officiellement établi. Il est difficile de démêler les écheveaux dans lesquels s’entrecroisent les fils de nos vies.
Et il faut bien que la vie continue… Après une longue période de peine et de cicatrisation douloureuse, une évidence est apparue aux parents endeuillés : il fallait changer de vie. Repartir de zéro, qui n’y a jamais pensé ? Tous ceux qui en rêvent ne franchissent pas toujours le pas. Eux oui : reconversion professionnelle, apprentissage d’un nouveau métier, vente de la maison, déménagement, démarrage d’une nouvelle existence. Se dépouiller du passé pour mieux se tourner vers l’avenir.
Il fallait changer de vie
Se lancer dans un projet en relation avec la nature est vite devenu une évidence. S’éloigner de la ville et de son agitation désordonnée, se rapprocher de la terre pour s’accorder aux rythmes des jours et des saisons. Une fois la décision prise, les opportunités se sont présentées comme des évidences. Le moment était venu de devenir agricultrice et agriculteur, éleveurs de chèvres et producteurs de fromages bio.
Je suis allée leur rendre visite, d’abord au marché dominical d’un village proche, puis à la chèvrerie. Je m’y suis rendue en compagnie de la plus jeune de mes filles. C’est elle le trait d’union qui me relie à cette histoire. Elle est entrée en 6e en même temps que le garçon aux yeux d’ange, ils ont été proches pendant les années collège. Ils avaient le même âge, à deux jours près. Elle vient d’avoir vingt ans. Elle aussi reste marquée pour toujours.
J’ai passé une journée merveilleuse à la chèvrerie. Ces moments d’échange respiraient la simplicité et la douceur. Nous avons partagé un sympathique pique-nique, où la dégustation de fromages de chèvre tenait le devant de la scène : quel régal ! Mots-clés : frais, doux, tendre, moelleux, savoureux.
La rencontre avec les chèvres a été un autre moment joyeux. Ce sont des animaux malins et affectueux. Chacune a son caractère, toutes semblent bien s’entendre. Elles disposent d’une grande liberté, se déplaçant à leur guise entre l’étable, une grande prairie en pente et un petit bois. Point fixe : la traite, le matin (il faudrait revenir très tôt pour y assister). Elles manifestent de la curiosité pour les humains qui les approchent, en quêtant même les caresses. L’une d’elles était malade récemment. De l’attachement et de la complicité sont palpables entre elle et l’humaine qui l’a soignée.
Nous avons aussi beaucoup parlé. Lui plus discret, elle plus volubile, tous les deux montrent l’envie d’aller de l’avant. Il y a un temps pour le silence, dans le laboratoire de la fromagerie, où la concentration est de mise, pour fabriquer les fromages. Il y a un temps pour la parole, pour échanger et partager, mettre des mots sur la vaste question « qu’est-ce qui donne un sens à la vie ? »
C’était chaleureux et émouvant. Le « Petit Prince parti trop tôt rejoindre les étoiles », comme se plaît à l’imaginer sa maman, aurait sûrement aimé se trouver là, assis avec nous sur des bottes de paille. D’ailleurs, n’était-il pas bien présent, dans nos souvenirs et dans nos cœurs ?
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traces-ecrites · 2 years ago
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Quand je ne me sens pas très en forme, quand j’ai mal quelque part ou que j’ai le cœur lourd, je sors et je vais marcher. Parfois, c’est un peu difficile au départ. Mais je ne le regrette jamais. Me mettre en mouvement me redonne de l’énergie et remet mes idées en place.
Je dispose d’une autre façon de surmonter mes bleus de l’âme, c’est d’écrire. Souvent, j’écris après être allée marcher. Marche et écriture vont bien ensemble, l’une prépare l’autre. C’est un processus de digestion ou de cicatrisation.
L’autre jour, pendant la finale de la coupe du monde de football, je suis sortie marcher. Je me trouvais loin de chez moi, dans le nord, pour un week-end en famille. J’ai laissé tout le monde agglutiné sur et autour du canapé, devant l’écran de la télévision. Le foot à la télé, non merci, sans façon, même quand l’équipe de France arrive en finale de coupe du monde. Chacun son truc.
Me voilà partie à la chasse au chemin. Ici, je me trouve tout près du pays de Jacques Brel : « Avec des cathédrales / Pour uniques montagnes / Et de noirs clochers / Comme mâts de cocagne / Où des diables en pierre / Décrochent les nuages / Avec le fil des jours / Pour unique voyage / Et des chemins de pluie / Pour unique bonsoir. » Ici, tout est rectiligne et horizontal. Les seuls reliefs notables sont les clochers, comme dans la chanson, et les pylônes des lignes à haute tension.
J’avance d’un bon pas sous un ciel blafard, en suivant des petites routes. Je ne croise personne, à part quelques originaux comme moi. Je laisse mes jambes agir comme un métronome. Tout est diamétralement opposé à mes randonnées d’il y a quelques semaines, sur l’île de la Réunion, dans le cirque de Mafate. Là-bas, tout était en courbe. Les sentiers tortueux et accidentés alternaient en hauts vertigineux et en bas profonds, sous une lumière intense.
Malgré ce contraste saisissant, je ne m’ennuie pas. Je ne m’ennuie jamais en marchant. Je progresse sans objectif précis. Je suis partie vers le nord, vers la Belgique. Sur la carte, j’ai repéré un cours d’eau, un parc, mais je ne pense pas que je pourrai aller jusque là. Je marche le long de routes étroites qui longent des champs couverts de givre.
Je finis par tomber sur une voie ferrée et — ô merveille — un chemin qui la longe. Mes pieds sont satisfaits de sentir le contact de la terre sous les semelles : c’est tellement moins dur et agressif. Je déteste le bitume qui recouvre les chemins pour les rendre confortables seulement pour les véhicules roulants.
Voilà un vrai chemin, bordé de haies, avec quelques rares arbres isolés qui mettent un peu de relief dans le paysage monotone. Je voudrais qu’il dure plus longtemps, mais il rejoint trop vite le fond d’une impasse où le bitume est de retour.
Un peu plus loin, sur la droite, une voie ferrée désaffectée semble se poursuivre, partiellement envahie par la végétation. Aucun train n’y circule plus depuis bien longtemps. Pourtant, un sentier s’y faufile, sûrement tracé par des pieds humains. Si d’autres personnes sont passées, pourquoi pas moi ?
Après une hésitation de courte durée, je m’y engage, curieuse de voir où cela mène. Je marche sur la voie ferrée en m’appliquant à poser mes pieds sur les vieilles traverses en bois. La voie que je suis en rejoint une autre, puis une autre encore. Je débouche finalement sur une vaste gare de triage abandonnée.
Par endroits, la végétation réussit à gagner sur le ballast : à quand remonte la dernière fois où des wagons de marchandises sont venus stationner là ? Certainement à plusieurs dizaines d’années, à une époque désormais révolue, où le nord de la France était une région industrielle prospère.
Pour arriver jusque là, je n’ai franchi aucune clôture, aucun portail. Pourtant, le vaste espace désaffecté où je me trouve est entouré d’un haut et solide grillage : impossible de rejoindre les rues environnantes. Une passerelle enjambe la zone, mais les escaliers pour l’emprunter se trouvent de l’autre côté de la clôture. Je n’ai pourtant pas envie de rebrousser chemin. Je continue donc à longer ma voie ferrée désaffectée. Elle se ramifie en encore plus de voies abandonnées.
D’abord hésitante, je traverse d’abord une voie, puis une autre, puis une autre encore… Le jour commence à décliner. Un peu plus loin, je vois quelques lumières, des quais : c’est la gare d’Armentières. Il ne reste plus que deux voies encore en service. Je finis par atteindre l’un des quais, sans avoir à traverser l’une d’entre elles. Ouf !
En sortant de la gare par le hall illuminé, j’ai l’impression de rejoindre le monde réel après une incursion dans un monde parallèle. Je croise des gens dans les rues, qui se hâtent vers leur destination. J’aimerais bien poursuivre mon exploration, mais l’heure tourne. Comme le match se prolonge, je ne trouverai personne prêt à renoncer au suspens du spectacle pour venir me chercher.
La nuit va vite gagner, une petite pluie fine commence à tomber : pour revenir à pied, plus question de suivre les chemins ou les petites routes. Je prendrai le bitume des trottoirs, le long des avenues bien éclairées. Les quelques kilomètres qui m’attendent ne prendraient que quelques minutes en voiture. Je me prépare à une petite heure de marche : rien d’insurmontable.
Ce ne sont pas quelques gouttes qui vont m’impressionner. L’eau qui tombe n’est pas de la neige. Bien que le sol soit mouillé, elle ne se sent et ne se voit pas. Je suis suffisamment couverte pour ne craindre ni le froid ni l’humidité. J’ai déjà affronté des conditions plus hostiles, je ne me sens pas inquiète.
Je sais parfaitement où je vais ; à chaque intersection, le GPS et la cartographie de mon téléphone m’indiquent la bonne direction. Je rejoins assez vite un axe principal que je vais suivre jusqu’à destination : aucun risque de me perdre.
Pourtant, il y a quelque chose qui cloche. Je prends progressivement conscience que mes pieds doivent augmenter leur vigilance. Ils sentent que, quand ils se posent, parfois, ça glisse. D’abord, de temps en temps, puis peu à peu, c’est à chaque pas que je dois faire attention quand je sens le sol se dérober.
Mon attention se focalise de plus en plus sur ce qu’il se passe sous mes pieds : ça tient ou ça dérape ? J’observe des différences selon la nature du sol. Les trottoirs recouverts d’un dallage en brique sont particulièrement redoutables. Plus le sol est lisse, plus le risque de dérapage est fort. Plus question d’avancer en « pilote automatique » ; chacun de mes pas requiert toute mon attention.
Instinctivement, mes pas deviennent de plus en plus courts, de plus en plus précautionneux. J’ai l’impression que marcher sur une patinoire serait moins délicat : le sol serait glacé partout pareil. La moindre distraction risque de me faire chuter. J’en fais d’ailleurs l’expérience à trois reprises. La vigilance qui baisse un instant, le tonus qui se relâche brièvement, le regard qui se laisse distraire une fraction de seconde, et zip, je me retrouve au sol.
J’aurais pu tomber dix fois, vingt fois. Sur les centaines, les milliers de pas que j’ai effectués, trois défaillances, c’est finalement peu. Je vis ce trajet comme coupée du monde normal, uniquement concentrée sur la surface sur laquelle mes pieds se posent, sans comprendre vraiment la situation, sans non plus entendre ou sentir vibrer mon téléphone dans ma poche, signalant les appels de celui qui s’inquiète que je tarde à rentrer.
Je n’ai réalisé qu’après coup, dans la soirée, à l’aéroport de Lille, alors que nous attendons notre avion de retour. Tous les vols prévus sont annulés tour à tour. Motif : conditions météorologiques défavorables. Il n’y a pourtant ni vent violent, ni brouillard, ni neige.
En cherchant sur internet, j’ai fini par trouver l’explication : bruine ou pluie verglaçante, un phénomène aussi rare qu’imprévisible :
« La bruine verglaçante est un type de précipitations liquides qui tombent dans une masse d’air sous le point de congélation et gèlent au contact de tout objet pour donner du verglas. »
« La pluie verglaçante est de la pluie qui reste liquide malgré une température inférieure à 0 °C. Les gouttelettes sont alors en état de surfusion et lorsqu’elles rencontrent un objet, elles gèlent instantanément causant du verglas. »
Merci Wikipédia !
Épilogue
Que retiendrai-je de cette microaventure ? En premier lieu, j’ai vérifié une fois de plus que marcher, cela fait toujours du bien et qu’on finit toujours (ou presque) par trouver au moins un bout de chemin sur lequel poser ses pieds directement sur la Terre. Rien de mieux pour une reconnexion et un retour à l’essentiel.
Ensuite, j’ai expérimenté les capacités d’adaptation dont nous, humains, disposons. Je ne connaissais pas ce phénomène de gouttes de pluie en surfusion, je ne comprenais donc pas ce qui m’arrivait. Mon cerveau ne disposait pas des connaissances qui lui auraient permis d’appréhender l’expérience. J’ai dû me débrouiller avec mes perceptions.
Je ne voyais rien non plus : la bruine était très fine et le verglas invisible. S’il avait neigé, mes yeux auraient pu voir les flocons, la fine couche blanche se former sur le sol. La seule information que je recevais provenait de mes pieds, de mon corps qui me renseignait sur la précarité de mon équilibre en mouvement. Merveilleuse proprioception.
J’ai passé une durée que j’estime a posteriori à environ une heure, de contraction de l’espace et du temps. Plus rien d’autre ne comptait vraiment que l’endroit et le moment où chacun de mes pieds entrait tour à tour en contact avec le sol. Une expérience de la marche réduite à l’extrême.
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traces-ecrites · 2 years ago
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Si j’ai envie d’écrire aujourd’hui, c’est pour raconter une histoire qui m’a touchée. Quelques jours après, elle continue d’occuper mes pensées. Je pourrais me contenter d’écrire ceci : Sur l’invitation d’une amie japonaise, je suis allée au cinéma voir un film intitulé Maternité éternelle. C’est l’histoire d’une femme poétesse, emportée à l’âge de 31 ans par un cancer du sein. J’ai adoré ce film japonais des années 50, incroyablement moderne. Je le recommande. Cela tient en 280 caractères : un tweet et puis basta !
Je n’ai pas tellement de temps pour écrire en ce moment, enfin, d’écrire vraiment, en prenant le temps. Pourtant, j’écris beaucoup : des notes, des messages, des textos… Mais j’écris en vitesse, en mode utilitaire. Je n’ai pas le temps d’écrire pour évoquer ce qui me touche, et pourtant, l’envie est forte. Alors, j’ai décidé de prendre le temps. Le reste attendra bien encore un peu !
Ce mois-ci, c’est Octobre Rose, difficile d’y échapper ! Peut-être est-ce cette couleur, qui invite à repeindre la vie en rose, même quand elle se montre morose ? De nombreuses collectivités, entreprises, marques, structures, organismes surfent sur la vague rose et font campagne en faveur du dépistage du cancer du sein. Pour donner une bonne image ? Pour se donner bonne conscience ? Pour agir vraiment ?
Laissez-moi m'occuper
du sein qui me reste
Les sollicitations à participer arrivent de toutes parts, accompagnées souvent d’appels au don : impossible de répondre à toutes. J’éprouve même un effet de saturation : ça suffit, avec Octobre Rose ! Pourtant, je me sens évidemment concernée. Plusieurs campagnes expliquent clairement combien le geste de l’autopalpation des seins est la base du dépistage. Je me sens concernée puisque j’ai vécu cette situation. J’éprouve néanmoins le besoin de prendre un peu de distance face à cette injonction : le sein qui me reste, laissez-moi m’en occuper !
Et puis, on en fait des tonnes avec le cancer du sein au mois d’octobre, et le reste de l’année ? On en fait des tonnes avec le cancer du sein, et les autres cancers ? Et les autres maladies non transmissibles ? Et tout ce qui cause des dégâts à notre santé ? Et tout ce qui cause des dégâts à notre planète ? À quoi bon Octobre Rose quand notre monde tout entier court à sa perte ?
Avec Octobre Rose, j’hésite toujours à trouver le bon dosage entre rejet et implication. Toujours cette éternelle question de garder le bon équilibre, du moins celui qui me convient. Cette année, j’avais plutôt opté pour la mise à distance, faute d’un projet concret, qui me parle et me donne envie de m’impliquer. Quand j’ai reçu le texto de mon amie qui m’invitait à la projection de ce film, j’ai d’abord hésité, pour un prétexte très terre à terre : cela se passe de l’autre côté de la ville, loin de chez moi.
J’étais aussi intriguée : c’est une personne plutôt discrète, son message était d’ailleurs assez court, signalant juste la projection d’« un très, très beau film ». J’ai cherché à en savoir un peu plus. Ma curiosité en a été renforcée : un film japonais de 1955, sorti en France il y a quelques mois dans sa version restaurée, réalisé par une femme et retraçant une histoire d’amour belle et tragique, celle d’une femme victime d’un cancer du sein. Je ne suis pas particulièrement cinéphile, mais mon intuition m’a poussée à y aller.
Quelle merveille que ce film !
Et mon intuition s’est montrée bonne conseillère. Quelle merveille que ce film ! Un chef-d’œuvre ! Il exprime tellement d’humanité, avec tant de finesse et de subtilité, qu’on en oublie qu’il a été tourné il y a 67 ans, dans un pays situé de l’autre côté de la planète. Ce film est atypique par bien des aspects et, en même temps, tellement universel. Il montre la vie de Fumiko, une jeune japonaise, mère de famille et épouse docile d’un mari volage. Il raconte le cataclysme provoqué par l’irruption du cancer, contre lequel il n’existait alors pas d’autre voie thérapeutique que la chirurgie. La violence de l’épreuve de la maladie est juste adoucie par l’épanouissement d’une magnifique histoire d’amour. Émotions garanties.
Le début du film présente des côtés assez documentaires : la vie quotidienne dans laquelle se mélangent vie rurale et vie citadine, traditions ancestrales et mode de vie « à l’occidentale ». J’ai été étonnée de voir Kumiko marcher, aussi bien dans des chemins qu’en ville, chaussée de geta, ces drôles de sandales avec une semelle en bois. Son rôle dans la vie se limite à s’occuper de son foyer. On comprend bien que participer à des cercles d’écriture et écrire des poèmes ne sont pas des occupations prioritaires. Quand les premières douleurs dans sa poitrine se déclenchent, elle commence par ne pas s’en occuper.
Les blessures du cœur
creusent le lit pour la tumeur
Sa vie à ce moment est compliquée : elle divorce de son mari infidèle, ce qui l’oblige à se retrouver éloignée de son fils. Elle est amoureuse en secret d’un ami d’enfance avec qui elle partage le goût de la poésie et qui l'encourage à écrire. Cependant, ce dernier succombe à une maladie incurable. Beaucoup de chagrin accumulé, montré avec beaucoup de pudeur. L’irruption du cancer semble presque logique : c’est comme si les blessures du cœur creusaient le lit pour la tumeur.
Moment de rupture, de bascule : la scène de la chirurgie. Je l’ai trouvée violente, même si elle ne montre rien d’autre que des chirurgiens, des hommes en blouses blanches, et des scalpels posés sur une table en métal. Après l’opération, elle ne trouve de soulagement à sa peine que dans la poésie. Elle se libère de ses émotions en écrivant des tanka, poèmes courts dans la tradition japonaise (5 lignes et 31 syllabes en tout et pour tout) : l’art et la création comme thérapie.
Ce ne sera pas suffisant. La maladie reprend le dessus. Kumiko ne quittera plus l’hôpital. Mais ses poèmes se sont envolés loin d’elle et ont touché des lecteurs jusqu’à Tokyo, la lointaine capitale. Un journaliste lui rend visite et c’est la flamme de l’amour qui jaillit au milieu du champ de bataille. L’intensité des images monte encore d’un cran et tout se mélange entre le chagrin de laisser ses enfants, l’envie de vivre et d’aimer, la peur de mourir et finalement l’acceptation d’un destin inéluctable.
C’est beau, c’est poignant, c’est bouleversant. Des larmes coulent, évidemment. Difficile de revenir à la réalité quand les lumières se rallument dans la salle, après le générique de fin, pendant lequel défilent, de façon hypnotique, des idéogrammes japonais. J’aurais aimé rester un moment dans le silence, ou pouvoir me téléporter dans une forêt ou en haut d’une montagne. Je me suis blottie dans les bras de mon homme aimé, une bonne façon aussi de me sentir en vie.
Une histoire de femmes
Maternité éternelle est une mauvaise traduction du titre original, qui signifie plutôt (c’est mon amie qui me l’a dit) « seins, vivez toujours ». Ce film raconte une histoire de femmes, il a d’ailleurs été réalisé par une femme, Kinuyo Tanaka, une actrice très célèbre dans son pays, avant de passer de l’autre côté de la caméra. Ce film est inspiré d’une histoire vraie, celle de Fumiko Nakajo, une poétesse japonaise que connaissait Kinuyo Tanaka. Ce film lui a rendu hommage, juste un an après qu’elle a succombé au cancer.
Je suis très reconnaissante envers les personnes qui ont organisé cette projection. Dommage que dans le flot d’Octobre Rose, elle soit passée un peu inaperçue ; il y avait beaucoup trop de fauteuils vides dans la salle. Je remercie aussi beaucoup mon amie japonaise pour son petit message d’invitation sans lequel je n’aurais pas découvert ce film exceptionnel. Je le reverrai avec grand plaisir et j’espère que j’aurai la possibilité de voir les autres films de la même autrice.
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traces-ecrites · 2 years ago
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Ce jour-là, je me sens triste et déprimée. Pas de courage, pas d’énergie. Envie de rien, juste rester roulée en boule et laisser le temps filer. Pas la force de me tirer du lit. Là, au moins, rien ne peut m’arriver. Je sais que ça va passer. Il suffirait que je réussisse à me lever, à aller marcher, pendant au moins une heure, peut-être plus. La durée de marche nécessaire est directement liée à la profondeur de ma déprime.
Mon pouce glisse machinalement sur l’écran de mon téléphone. Les nouvelles du monde sont tellement désespérantes en ce moment, une fuite en avant vers on ne sait trop quel désastre. Les réseaux sociaux, je m’en méfie, je voudrais parfois m’en éloigner. Surtout dans les moments de vague à l’âme, c’est facile de se laisser aspirer par le flot incessant et ne plus sentir le temps filer. Pourtant, parfois, dans le torrent ininterrompu, il est possible de tomber sur une pépite, une lumière, une image ou un mot qui fait « tilt ».
C’est pour cela que décrocher est difficile. Et aussi parce que c’est un moyen de garder un contact à distance avec des personnes éloignées géographiquement. Facebook, puisqu’il faut bien le nommer, me permet d’échanger des nouvelles avec de « vieux » amis. Je ne fais pas partie des personnes qui ont conservé des relations avec des ami·e·s d’enfance, de ceux ou celles connues au collège, ou même à la maternelle. De même, mon cercle familial est assez étroit. J’appartiens à une famille dans laquelle organiser de grandes cousinades n'est pas une tradition .
Mes plus anciens amis remontent au début de ma vie d’adulte. Nous n’avons plus tellement l’occasion de nous voir. Un petit coup de fil de temps en temps entretient pourtant la relation. Je sais pourtant qu’il suffirait qu’une occasion se présente pour que nous soyons très heureux de nous retrouver et que ce serait comme si le temps n’avait pas passé. Je sais aussi que je pourrais compter sur eux en cas de nécessité.
Justement, dans mon « fil » Facebook, je « tombe » sur un mot de Chantal, une de mes plus anciennes amies. Juste quelques lignes, sans image, publiées il y a quelques minutes, pas encore de réactions ou de commentaires. Suis-je la première à le lire ? Chantal annonce qu’elle est sur le point de mourir. Avec beaucoup de courage et de simplicité, elle explique qu’une nouvelle attaque du cancer lui sera cette fois fatale.
Tout de suite, c’est tempête dans ma tête. La stupéfaction remplace instantanément la déprime. Des émotions multiples montent en moi, évidemment, Chantal fait aussi partie de mes « copines de crabe ». Et ensuite, que faire ? Comment réagir ? Il est évident que je ne peux pas juste me contenter d’un petit signe ou même d’un commentaire dans son « fil ». Je ne peux pas non plus aller la voir, elle est bien trop loin. Lui téléphoner ? Pour lui dire quoi ? Est-ce que j’oserais ? Saurais-je trouver les mots ?
Je me lève, je me prépare, je sors de chez moi et je marche le long de la rue. J’attrape mon téléphone, va-t-elle décrocher ? Sa voix, lointaine au début, reprend peu à peu ses intonations familières. Elle m’explique rapidement et simplement sa situation, la brutalité de cette nouvelle attaque. Elle se montre lucide et sereine. Nous parlons tranquillement de la mort, de la sienne, de la mienne. C’est beau et ça fait du bien.
Elle me raconte qu’elle a eu la chance de vivre une belle vie. Normal, Chantal est une belle personne, chaleureuse et généreuse. Elle me dit se sentir rassurée de savoir que son mari et sa fille pourront se soutenir l’un l’autre « après ». Elle me dit avoir du mal à pleurer, les larmes ne veulent pas sortir. Chantal, je veux bien pleurer pour toi, j’y arrive très bien et ce n’est pas juste de la tristesse.
C’est aussi l’amitié, l’Amour, celui avec un grand A, celui qui nous relie et nous embrasse tous et toutes, quelles que soient nos croyances. Celui qui est loué dans toutes les religions et qui n’a pas besoin d’elles pour s’épanouir. C’est de cela que nous parlons, Chantal et moi, de la vie, de la mort et de l’Amour, naturellement. À la fin, nous nous disons « je t’aime » et « à bientôt ».
Il faudrait parler de ces choses-là, dans la vie de tous les jours. La mort est un tabou qui gagnerait à être levé. En parler ne la ferait pas venir plus vite, mais pourrait permettre de la voir venir mieux. Aujourd’hui, ceux qui s’en occupent sont les médecins, les religieux, les employés de pompes funèbres. Les troisièmes gèrent la logistique, les deuxièmes font des promesses invérifiables d’éternité, les premiers s’acharnent à tenter de sauver la vie. Et pourtant, c’est une question essentielle qui nous concerne tous.
Et moi, naïvement, je tente de mettre des mots sur tout cela. Il y aurait tellement de choses à dire. Ces quelques paragraphes auront au moins le mérite de m’apaiser pendant un moment. En les publiant, peut-être pourront-ils apporter aussi un peu d’apaisement à celles et ceux qui les liront ? En tout cas, bravo à toi, Chantal, pour ta façon d’être, je te trouve exemplaire de simplicité et de lucidité. Un grand merci à toi, mon amie. Je t’aime et à bientôt.
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traces-ecrites · 3 years ago
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Besoin de te déplacer ? Aussitôt debout, tu y vas. Pas besoin de réfléchir, tu avances. Tu enchaînes les pas, c’est automatique. Que ce soit pour quelques mètres ou pour un grand voyage, tu commences toujours par te mettre à marcher. C’est tellement évident que tu n’y penses même plus. Ton corps sait parfaitement ce qu’il doit faire, selon une mécanique parfaitement rodée.
Le jour où tu prends conscience du pouvoir extraordinaire de te mouvoir sur tes deux pieds, c’est quand quelque chose t’en empêche ! Des chaussures trop étroites, une ampoule au talon, une blessure, une maladie, quelle que soit la gravité du motif, c’est quand on en est empêché qu’on réalise combien marcher est précieux. Quand, cloué sur place, poser un pied après l’autre devient un défi.
C’est ce que j’expérimente en ce moment, à la suite d’un accident stupide et rageant. Car oui, je suis en rage de me retrouver immobilisée ou réduite à me déplacer précautionneusement, en boitillant sur mes béquilles. Je trépigne et je marchouille comme je peux, en m’appliquant à poser délicatement mon pied en compote. Il est encore gonflé et passe peu à peu par presque toutes les couleurs de l’arc-en-ciel : violet, bleu, vert, jaune. Il est en train de se réparer, de se reconstruire.
La cicatrisation, c’est un truc magique, ça se fait tout seul, ou presque. Je me contente d’accompagner : de la glace pour soulager, le pied surélevé pour alléger, quelques massages doux pour drainer, quelques mouvements pour assouplir. Et surtout, beaucoup de patience, en attendant qu’à l’intérieur, les cellules de mon corps fassent le ménage et remettent tout en place.
« Prendre son mal en patience », vaste programme. Le dictionnaire indique qu’il s’agit d’une très ancienne expression de la langue française, qui signifie « supporter sa peine avec résignation ». Me résigner, je n’aime pas tellement cette idée. Je préfère accepter. Je prends mon mal, je l’accepte, et puis j’en fais quoi ? Je l’écoute, je lui laisse une place dans ma jambe, mais sans le laisser m’envahir. C’est juste un gros hématome, ce n’est pas si grave.
Mon mal, ma douleur, par moment, s’efface. J’en arrive presque à l’oublier. Puis, elle ressurgit, parfois vive, parfois lancinante. C’est mon corps qui se répare. Je l’observe, je le laisse faire et je lui suis reconnaissante. Je compare avec mes précédentes expériences douloureuses. Je sais bien que certaines étaient pires. Je sais bien que « ça va passer ». Je respecte les recommandations médicales : glace et chaussettes de contention.
Et puis, la patience. Je sais depuis longtemps que patience et confiance sont deux ressources essentielles sur le chemin de la guérison. Je les cultive autant l’une que l’autre, de mon mieux. Parfois, je craque, je m’énerve ou je me décourage. Puis je reprends mon souffle et mon calme. Et je me souviens que j’ai traversé pire. Je me répète, comme un mantra, « patience et confiance », en repoussant hors du champ de mon esprit, toute autre pensée.
Et puis, tout doucement, je marche. Avec douceur et délicatesse, à tout petits pas attentifs, je déambule dans la maison. Je reste prudente, je ne vais pas bien loin, car je ne voudrais pas entraver le processus de cicatrisation. J’ai quand même l’impression que le mouvement me fait du bien. Quand je reviens m’asseoir sur mon canapé, je vérifie encore la mobilité de mon pied, des orteils jusqu’à la cheville : tout est engourdi, mais tout fonctionne.
Puis, alors que mon corps cesse de bouger, immobile, dans ma tête, je continue de marcher. Je me repasse les images de mes plus belles randonnées. J’évoque le souvenir de la texture du sol sous mes pieds et du balancement de mes pas. Je me laisse bercer par ces réminiscences, je les mélange avec des rêves de futures destinations. Je marche, avec patience et confiance.
Post-scriptum : l’examen de radiologie, complété par une IRM, montre qu’il n’y a pas de fracture, « seulement » une grosse contusion. J’en profite pour admirer les os de mon pied. Il y en a 26 en tout, du calcanéum jusqu’aux phalanges, plus 2 surnuméraires : 2 petits sésamoïdes, comme 2 petites oreilles au bout du premier métatarse, à la base du gros orteil. Petits, mais costauds : ils servent à consolider cette articulation, soumise à de fortes pressions quand on marche, court ou saute. Ils forment comme des petites poulies, pour les muscles, les tendons, les ligaments, toutes les courroies qui assurent la propulsion. Fascinant, n’est-ce pas ?
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traces-ecrites · 3 years ago
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« J’ai la peau de l’âme trop sensible. Il faudrait apprendre à son âme à marcher pieds nus. »
Cette citation de Jean Cocteau m’est arrivée dans un message envoyé par une amie marcheuse. C’est beau, n’est-ce pas ? Cela m’a touchée et a éveillé ma curiosité. Quelques rapides recherches ne m’ont pas appris grand-chose, si ce n’est qu’elle était tirée du journal du poète et que la suite dit ceci : « S’y faire une corne. Se répéter la sentence chinoise : "rétrécis ton cœur". »
Faire un parallèle entre la sensibilité de l’âme et celle des pieds, c’est audacieux. J’apprécie cette image qui souligne combien nos pieds peuvent être sensibles et vulnérables. Marcher pieds nus ne les rend pas moins sensibles, cela ne fait qu’épaissir la corne qui les protège, comme la carapace protège la tortue.
J’imagine que Cocteau ne devait pas être en grande forme en écrivant cela, à trouver son âme trop sensible et à souhaiter son cœur moins grand. Marcher pieds nus endurcit les pieds. Marcher endurcit l’âme, non pas en la rendant moins sensible, mais en la recouvrant d’une protection, comme la carapace recouvre la tortue.
Voilà résumé en deux phrases l’éternel dilemme, le délicat équilibre à trouver entre souple et dur, délicat et solide, tendre et ferme. Comme un bonbon en chocolat : croquant autour, fondant au milieu. C’est l’alliance des deux qui fait que c’est bon.
Photo par irfan akyüz
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traces-ecrites · 3 years ago
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« Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. » dit-on. Et bien tant pis, le monde ne m’appartiendra pas. Puisqu’on dit la même chose de l’avenir et que le passé est passé, je me contenterai du présent. Je suis capable de me lever tôt quand cela s’avère nécessaire. Il m’est déjà arrivé de contempler la magie d’un lever de soleil. Cependant, le matin, j’aime bien démarrer ma journée en douceur. Je ne suis pas "du matin", pourquoi devrais-je changer cela ?
Les jours où je peux me le permettre, quel bonheur de ne pas avoir à courir dès le réveil. J’apprécie de m’accorder un sas de transition entre les rêves de la nuit et l’activité de la journée. J’aime les pensées qui apparaissent parfois dans la douce clarté du matin. C’est ainsi que j’ai reçu l’inspiration de cette Trace écrite. J’ai un petit carnet sur ma table de chevet, où je note les souvenirs de lambeaux de rêves ou les idées précieuses qui jaillissent quelquefois.
Comme tout le monde j’imagine, j’ai mes petites habitudes, mes petites manies du matin. Pas forcément dans cet ordre : m’étirer, vérifier le fonctionnement de mes articulations, boire un verre d’eau tiède, consulter l’agenda de la journée, aller aux toilettes, préparer mon petit déjeuner, nourrir le chat, prendre quelques nouvelles du monde extérieur (sans me laisser entraîner par leur flot), faire ma toilette, m’habiller…
J’aime beaucoup prendre mon petit déjeuner debout, dans ma cuisine, en contemplant le paysage par ma fenêtre. Les deux pieds bien posés côte à côte sur le sol, le regard perdu dans le lointain, observant le décor immobile et changeant, laissant mes pensées passer dans ma tête. Certain·e·s, le matin, s’assoient en tailleur sur un zafu pour méditer. Moi, je médite debout dans ma cuisine !
Mon kéfir d’eau
Je me livre à un rituel essentiel pour démarrer ma journée : je prépare mon kéfir du jour ! Je déroule la procédure avec méthode, en lui accordant toute mon attention. Je rassemble d’abord tous les ustensiles et ingrédients nécessaires : la bouteille vide, le bocal n°1, le bocal n°2, la carafe d’eau, le tamis très fin, l’entonnoir à bouteille, l’entonnoir à bocal, la cuillère, le presse-citron, le sucre, le demi-citron, la figue sèche, l’arôme du jour.
Le processus commence par la fin. Je vide et filtre le bocal n°2 dans la bouteille vide, en utilisant le tamis fin et l’entonnoir à bouteille. J’obtiens ma bouteille de kéfir du jour, à mettre au frais ou à boire à température ambiante, au choix. Je rince soigneusement le bocal n°2 et le tamis. Selon que l’arôme de la veille récupéré dans le tamis est un fruit ou une plante, je pourrai le manger ou je le jette.
Je retire du bocal n°1 le demi-citron et la figue de la veille. Je vide et filtre le bocal n°1 dans le bocal n°2, en utilisant le tamis fin et l’entonnoir à bocal. Dans le tamis, je récupère les grains de kéfir. Dans le bocal n°2, le kéfir en cours de préparation, pour le 2e jour de fermentation. J’ajoute une cuillère de sucre (pour relancer la fermentation) et l’arôme du jour (plante ou fruit). Je ferme le bocal n°2 de façon non hermétique. Je rince le bocal n°1.
Je vide la carafe d’eau dans le bocal n°1. Je presse le demi-citron. J’ajoute dans l’eau le demi-citron et son jus, 2 cuillères de sucre, les grains de kéfir et la figue sèche. Le bocal n°1 contient le kéfir en cours de préparation pour son 1er jour de fermentation. Je le ferme de façon non hermétique. Je remplis la carafe d’eau. Je rince soigneusement les ustensiles. Je range les 2 bocaux à l’abri de la lumière.
Quand je mets la figue sèche dans le bocal n°1, avec l’eau, le citron, le sucre et les grains de kéfir, elle coule au fond du bocal. Un indicateur que la fermentation se déroule bien est que la figue va peu à peu remonter jusqu’à flotter à la surface. Quand je la récupère le lendemain, elle est moelleuse, fondante et délicieuse : une petite récompense à déguster à la fin du rituel !
Je varie chaque jour l’ingrédient qui sert à aromatiser mon kéfir. Cela peut être des fruits frais ou secs (j’évite les agrumes). Jusqu’à présent, j’ai bien aimé les myrtilles, les framboises, les cerises, les raisins (le kiwi n’était pas terrible). Les plantes offrent de larges perspectives. Mes préférées pour le moment : le thym, l’aneth, le basilic (frais). J’ai testé aussi avec le thé vert à la réglisse qui est mon infusion du matin préférée. J’ai beaucoup aimé le résultat obtenu avec le kéfir. Je vais donc essayer avec d’autres plantes à infusion.
La photo montre tous les ustensiles et ingrédients que j’utilise au cours de mon rituel. Les plus observateurs ou observatrices en auront remarqué un dont je n’ai pas parlé. Cherchez bien, c’est le plus petit. Il s’agit d’un cure-dent. À quoi sert-il ? À retirer les grains de figue coincés entre les dents ? Non, ce n’est pas ça. À ménager une petite entrée d’air avec l’entonnoir à bouteille. Sans le cure-dent pour caler l’entonnoir, le kéfir ne coule pas dans la bouteille !
L’ingrédient essentiel, c’est l’eau. Elle est censée être aussi pure que possible : eau filtrée ou eau de source. Je me contente de l’eau du robinet, en la laissant décanter dans la carafe pendant 24 heures. Et je lui ajoute un ingrédient secret : l’amour ! Pendant que je la verse, je lui apporte tout le bien, tout le bon, toute la force et la douceur que mon cœur peut offrir. Et je laisse la magie agir…
Et puis, évidemment, il y a les grains de kéfir. Ils se présentent sous la forme de petits granulés blancs, translucides, à l’aspect un peu gélatineux. Ce sont des organismes vivants, qui se développent au fil du temps. Leur croissance est variable : chez moi, l’augmentation n’est pas très rapide. L’usage est de donner l’excédent à d’autres personnes. C’est ma belle-sœur qui m’a offert de quoi démarrer ma fabrication. Un grand merci à elle.
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traces-ecrites · 3 years ago
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Je suis allée marcher dans le cirque de Mafate. Cet endroit est le paradis des randonneurs : un vaste espace naturel sillonné d’innombrables sentiers, au centre de l’île de la Réunion. Inhabitée à l’origine, cette île volcanique de l’océan Indien est colonisée à partir du XVIIe siècle. Elle est encore aujourd’hui une terre où il fait bon vivre pour les humains. Elle attire notamment les zoreilles, métropolitains qui viennent séjourner durablement ou pour des vacances. J’appartiens à la catégorie des touristes.
Ce qu’il y a de merveilleux à Mafate, quand on aime marcher, c’est qu’il n’y a pas de routes, et donc pas de voitures. Le cirque est entouré de remparts, de hautes falaises offrant très peu de passages possibles : seulement 5 ou 6 points d’accès. Et à l’intérieur du cirque, rien n’est plat, tous les chemins montent et descendent sans arrêt, avec des passages plus ou moins vertigineux. Découvrir Mafate, cela se mérite. Et cela demande de prendre le temps de s’imprégner de l’ambiance qui y règne, celle d’un autre temps.
Je suis allée à Aurère, un parmi la dizaine d’îlets que compte le cirque. Je suis passée par le sentier Augustave, qui descend depuis le Bord Martin, col à la frontière avec le cirque de Salazie. Avec le retour par le sentier scout, difficile de faire l’aller-retour dans la même journée (sauf pour ceux qui courent, mais pas moi). Il faut donc trouver un gîte où dormir à Aurère. Pas évident de trouver une réservation en dernière minute.
Je contacte par téléphone le gîte où j’étais allée il y a deux ans : complet. Puis un deuxième : complet aussi. Il y a huit gîtes à Aurère, j’envoie un texto à quatre autres gîtes, sans tellement me préoccuper de leurs caractéristiques. L’essentiel, c’est un endroit où dormir à deux, mon homme aimé et moi.
C’est le quatrième contact qui me répond enfin « oui » pour une chambre double. Mon premier échange avec Tatie Jo. Notre amie chez qui nous logeons est partante finalement pour se joindre à nous. Elle appelle Tatie Jo à son tour, qui lui répond d’abord que le gîte est complet. Elle peut cependant lui proposer un petit lit, dans le couloir, derrière un rideau, « la place du ronfleur ». C’est mieux que rien.
C’est un petit gîte, qui ne dispose que de 8 ou 9 places. Et c’est Tatie Jo qui s’occupe de tout : elle reçoit chez elle, à sa table ! Je remercie Google, le hasard et tous les anges de l’univers de m’avoir conduit jusqu’à elle : quelle belle rencontre ! Elle a ouvert son gîte il y a deux ans seulement, alors que ses voisins sont des professionnels de l’accueil des randonneurs depuis bien plus longtemps. Une belle revanche prise sur une vie qui ne l’a pas épargnée.
Sa maison n’est pas facile à trouver : elle est un peu à l’écart et aucun panneau de l’indique. Un sentier discret y mène. Tatie Jo nous accueille sous la varangue avec un large sourire et met tout le monde à l’aise. La maison est simple, mais dispose de tout le nécessaire : de l’eau chaude pour la douche, des lits aux draps colorés pour dormir, une grande table autour de laquelle se réunir pour les repas.
En plus de nous trois, un autre couple de randonneurs est présent. Quatre autres personnes qui ont réservé également ne viendront finalement pas, sans prendre la peine de prévenir. Ces gens-là, pas la peine qu’ils cherchent à réserver une autre fois, Tatie Jo ne les acceptera plus. Elle veut bien être gentille, mais faut pas abuser !
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Tatie Jo est aussi une excellente cuisinière. Tout est « fait maison », les produits viennent du jardin, les marmites cuisent au feu de bois. Il y a de quoi régaler même les plus affamés, après une journée de marche sur les sentiers escarpés. C’est avec grand plaisir que nous faisons tous honneur aux plats bien garnis qu’elle nous amène. L’incontournable rougail saucisse est le meilleur que je n’ai jamais mangé.
Tatie Jo parle et rit de bon cœur. Elle s’attarde volontiers avec nous et raconte la vie à Mafate. Les livraisons en hélicoptère, l’électricité solaire, le téléphone portable ont radicalement transformé les conditions de vie. Aujourd’hui, l’activité touristique se développe. C’est elle principalement qui permet à quelques centaines de familles de vivre et travailler dans le cirque.
Néanmoins, Tatie Jo reste attachée aux traditions. Elle approuve la majorité de Mafatais qui a refusé le projet de route pour relier la Nouvelle, principal îlet, au col des Bœufs, principal point d’entrée. La modernisation, d’accord, mais à condition de préserver un équilibre qui respecte la singularité de ce territoire résolument à part.
Tatie Jo livre aussi par petites bribes, des éléments de son histoire personnelle. Elle fait partie d’une famille de douze enfants. Oui, j’ai bien dit 12, c’est-à-dire 6 + 6, ou encore 3 x 4. Elle est en sixième position. Comme sa mère avait besoin d’aide pour s’occuper des plus jeunes, elle n’est pas allée à l’école : son plus grand regret. À ce moment, il n’y avait pas encore l’eau au robinet : elle connaît bien la corvée d’eau, à pied, jusqu’en bas de la ravine, au Bassin La Noix.
Plus tard, elle s’est mariée, a eu trois enfants, est partie travailler en dehors du cirque, « dans les bas ». Elle qui sourit volontiers a le sourcil qui se fronce et le regard qui se durcit quand elle évoque son divorce. Une vie avec certainement plus de « bas » que de « hauts » ! Une vie qui forge le caractère et renforce la détermination. Tatie Jo ne veut plus travailler pour les autres et se contenter de « petits boulots ». Elle veut elle aussi construire sa maison et tenir son gîte à Mafate, comme le font certains de ses frères et sœurs. En menant ce projet, elle pense aussi à ses enfants.
Pour réaliser cet objectif, elle a dû prendre des cours de rattrapage pour atteindre le niveau de formation indispensable pour ouvrir son gîte. Lecture, écriture, elle poursuit son apprentissage, car elle est avide d’apprendre. Elle a obtenu une concession auprès de l’Office National des Forêts, gestionnaire de l’espace foncier. Elle a construit sa maison et elle cultive son jardin. Elle explique : « Tout pousse, ici. Tu plantes dans la terre et ça pousse ! ». D’ailleurs, Aurère vient d’un mot malgache « orera », qui veut dire « bonne terre ».
Le matin, elle sert le petit déjeuner sous la varangue. Nous nous régalons avec le pain du boulanger d’Aurère, les confitures de fraises ou de bibasses du jardin et la tisane de citronnelle, assis face aux majestueux sommets qui dominent le cirque. L’autre couple avec qui nous partageons le gîte a prévu de poursuivre la randonnée sur plusieurs jours et doit repasser par Aurère le jour suivant. Et si moi aussi, je revenais le lendemain ?
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Je suis donc revenue. Au lieu d’arriver par en haut, depuis Salazie, la deuxième fois, je passe par en bas, par la rivière des Galets. Et cette fois, je me lance en solo. Je réserve ma place dans un taxi 4x4 qui m’amène jusqu’à Deux Bras. Ensuite, après avoir continué de longer un moment la rivière des Galets, « yapluka » grimper un long, très long chemin-escalier qui mène jusqu’à Bord Bazar, juste à côté d’Aurère. Et me voilà de retour ! Avant de rejoindre le gîte, j’ai un peu de temps devant moi. J’ai escaladé plus vite que je ne pensais les marches hautes de l’escalier. Il faut croire que mes jambes sont en forme. J’en profite donc pour faire un détour par le Bassin la Noix.
Ce n’est pas juste un petit crochet comme pourrait le laisser croire un coup d’œil trop rapide sur la carte. Il faut descendre jusqu’au fond de la ravine au creux de laquelle coule le Bras Bémale, avant de remonter de l’autre côté : environ 200 mètres de dénivelé. C’est toujours comme ça, à Mafate : du relief plus ou moins vertical et c’est au bout de la pente que se trouve le cadeau.
Le bassin est blotti au creux d’un écrin de nature intacte. Une pluie légère me rattrape, l’eau ruisselle partout, du ciel et des rochers. Avec toute cette eau, mes larmes peuvent couler inaperçues. Assise sur une grosse pierre, je m’abandonne à ma mélancolie. Je pense à Tatie Jo, Jocelyne de son prénom entier. Je pense à la petite fille qu’elle était, et au chargement d’eau qu’elle portait sur la tête. Elle raconte en riant : « si je suis restée petite, c’est que le poids m’a empêchée de grandir plus. »
Je suis heureuse de retrouver sa maison, de m’installer dans le petit lit de l’alcôve derrière le rideau, de déguster encore un repas savoureux. Et je suis heureuse de l’écouter encore raconter des épisodes de sa vie. Sa mère qui, à 98 ans, vit encore dans sa maison à Aurère. La naissance de son fils à Mafate parce que l’hélicoptère n’a pas eu le temps de l’emmener jusqu’à la maternité. Son unique voyage en métropole, qui a duré quatre mois et au cours duquel elle a rendu visite à son fils installé avec sa famille à Biarritz : « c’était pour Noël et le cadeau, c’était moi ! »
Je m’interrogeais intérieurement, sans trop oser poser la question : Jocelyne, quel âge as-tu ? Mon estimation couvre une fourchette large : entre 50 et 60 ans, peut-être un peu plus jeune que moi. Résultat : elle est effectivement plus jeune, l’écart entre nous est de 24 jours seulement ! À l’époque où j’étais une petite fille sage qui travaillait bien à l’école, elle marchait pieds nus sur les sentiers de Mafate. Quel contraste vertigineux !
Une idée germe dans ma tête : écrire l’histoire de Tatie Jo et, à travers elle, décrire la vie d’une femme à Mafate, à notre époque. Alors voilà, Jocelyne, je t’adresse la proposition suivante : je te prête ma plume et à toutes les deux, racontons en toute simplicité et sincérité, ce que tu auras envie de partager. Tu me racontes, j’écris, tu relis, je corrige… J’espère bien revenir te voir l’an prochain. D’ici là, nous pouvons échanger par courriers, par textos, par téléphone, par visio… À toi de me dire...
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traces-ecrites · 3 years ago
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En 2016, j’étais intervenue sur la scène de la première édition de l’événement les Magiciennes d’Ose, une série de mini-conférences, de témoignages optimistes et inspirants. Mon sujet était alors de parler de façon positive du cancer, l’expérience que j’avais vécue 2 ans auparavant. La vidéo de l’enregistrement n’est malheureusement plus en ligne. J’ai relu le texte de mon intervention et j’ai pu constater que 5 ans plus tard, il n’avait pas pris une ride : tout est encore vrai. Pour en garder durablement une trace, je l’ai publié ici.
À cette occasion, j’avais décrit 3 pratiques que j’avais associées aux traitements qui m’étaient prescrits et qui m’avaient beaucoup aidée : marcher, jeûner, méditer. Ces trois pratiques ont un trait commun qui peut se résumer par la formule « moins de plus, plus de moins ».
Pour le jeûne, c’est évident : moins de nourriture, voire plus de nourriture du tout. Un jeûne sur plusieurs jours, ce n’est pas toujours facile à intégrer dans sa vie courante. En revanche, un jeûne intermittent, c’est plus aisé. Quand le corps le réclame, il est assez simple de sauter un repas, même deux. Au quotidien, c’est aussi une alimentation moins riche, moins abondante, moins de gras, moins de sucre, plus de produits simples et naturels.
Tout comme l’alimentation saine, la méditation a le vent en poupe depuis quelques années. Pour être dans le coup, il est de bon ton de s’y intéresser d’une manière ou d’une autre. De nombreux ouvrages y sont consacrés. De nouveaux outils digitaux fleurissent pour nous y aider. La méditation vise à réduire l’agitation mentale (moins de plus), à augmenter le calme, la zénitude (plus de moins). Les bénéfices que l’on en retire valent bien l’effort de l’apprentissage de cette pratique.
La façon qui me convient le mieux pour m’entraîner à la méditation, c’est d’aller marcher. La marche ralentit la course du temps et apaise le flot des pensées. Marcher longuement est aussi une bonne occasion de pratiquer un jeûne digital : pas de messagerie, pas de réseaux sociaux, pas de notifications. Rien d’autre que mon corps qui se déplace dans le paysage qui m’entoure.
Je me figure le cancer comme un trop-plein qui s’accumule à l’intérieur, parce qu’il n’a pas trouvé de moyens de s’évacuer, de se réguler. Cette accumulation peut venir d’excès ou de dérèglement alimentaire, de surcroîts de sollicitations intellectuelles, de débordements émotionnels. N’importe quel « trop » qui peine à se réguler et qui reste coincé à l’intérieur.
Les causes du cancer sont multifactorielles, à ces considérations peuvent aussi s’ajouter des éléments externes, génétiques ou environnementaux. Si la question était simple, sans doute que cela ferait longtemps que des solutions auraient été trouvées pour surmonter ce fléau. Comme je peux difficilement agir sur les facteurs externes, je me concentre sur ce qui dépend de moi.
Le vocabulaire guerrier souvent employé à propos du cancer ne me convient pas. J’envisage cette expérience non pas comme un combat, une lutte sans merci : cela reviendrait à se battre contre moi-même. Je l’ai vécu et continue de le vivre plutôt comme un apprentissage, un encouragement à réguler mes tensions et mes pressions intérieures et à trouver les soupapes et les moyens d’expression pour laisser sortir ce qui me pèse ou m’encombre.
Les régulateurs que je pratique sont donc jeûner, méditer et (surtout) marcher. La marche est ce que j’ai trouvé de plus simple à intégrer dans ma vie de tous les jours pour prendre soin de ma santé. Un simple tour de mon quartier, une balade du dimanche (ou d’un autre jour) ou une grande randonnée itinérante, tous les pas sont bons à prendre ! Je m’y adonne avec un plaisir toujours renouvelé. D’ailleurs, je m’en vais de ce pas faire une pause et sortir faire un tour !
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[Merci Freepik et Starline pour l'illustration]
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traces-ecrites · 3 years ago
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« Sous mes vêtements, j'ai un accessoire auquel je tiens beaucoup. Là, contre ma poitrine, bien collée comme un coquillage à son rocher, j'ai ma prothèse en silicone, qui remplace mon sein gauche. En 2014, atteint d'un cancer assez agressif, mon sein gauche s'est sacrifié pour moi. Je suis ici pour vous parler du cancer. Le cancer, ça fait peur, évidemment. C'est une maladie mortelle. Mais bon, même pas peur! Puisque quoi qu'il arrive dans nos vies, nous allons tous mourir un jour. L'incertitude, c'est de ne savoir ni quand ni comment.
Face à ça, ce que mon cancer m'a appris d'une façon très, très, très concrète, c'est qu'il n'y a qu'une seule chose à faire. C'est vivre, vivre à 100 %. Vivre à 200 % même parfois. J'ai déjà raconté en détail mon voyage au pays du cancer. Je l'ai même mis par écrit et j'ai eu de la chance. C'est devenu un livre. Oh, c'est un livre rare, vous ne le trouverez pas en librairie. Certains de mes lecteurs m'ont dit qu'il leur avait fait du bien. En premier, c'est à moi qu'il a fait du bien.
Quand j'ai commencé à réfléchir à ce que j'allais bien pouvoir raconter, j'ai repris mon livre et je l'ai ouvert, au hasard. J'ai lu et j'ai trouvé ça pas mal. Je me suis dit : j'aimerais bien être capable d'écrire des choses comme ça. Et puis j'ai réalisé, c'est moi qui l'ai écrit. J'étais tombé sur un de mes passages préférés. Il n'y a pas de hasard, le titre c'est : Oser. Comme si quelque chose se préparait déjà qui me conduiraient à être un jour sur la scène des Magiciennes d’Ose.
Toutes les personnes ayant vécu un cancer sont des survivantes. Alors voilà, je suis une survivante et je vais bien, merci. Pour les médecins, je suis en rémission. Pour moi, dans ma tête et dans mon corps, je me sens guérie. Guérie, mais surtout transformée. Grâce à mon cancer, j'ai appris à être patiente, quand les traitements semblent interminables. J'ai appris à accepter ce qui ne peut pas être évité. J'ai appris à avoir confiance en moi, en la vie. En l'énergie qui nous anime et nous réunit toutes et tous. J'ai appris aussi trois pratiques très concrètes qui font désormais partie de mon mode de vie et que j'ai envie de partager avec vous. J'ai appris à marcher, j'ai appris à jeûner et j'ai appris à méditer, j'ai appris et je continue d'apprendre, car ces apprentissages sont sans fin.
Donc, premièrement, la marche. « Avant », j'avais un vague projet, je me disais qu'un jour plus tard, quand j'aurai le temps, je partirai à pied, loin et longtemps, à la manière des pèlerins de Compostelle. Quand j'ai appris ma maladie. J'ai compris que repousser à plus tard dans un avenir incertain, c'était une mauvaise idée. Alors, je me suis promis que dès que je m'en sentirai capable, je partirai. Et je l'ai fait. En octobre 2015, j'arrivais à Marseille, ma ville natale, après 24 jours et environ 480 kilomètres à pied. D'abord le long du canal du Midi, puis le long de la Méditerranée. J'ai marché dans l'idée que cela participait à ma guérison.
Marcher seule, jour après jour, est une expérience extra - ordinaire. Je me suis aperçue que plus on marche, plus on a envie de marcher. Marcher a même un effet régénérant qui conduit à me sentir moins fatigué en arrivant qu'au moment de partir. Tout au long de mon chemin, j'ai vécu d'innombrables moments de joie qui jaillissait dans mon cœur à la simple vue d'un insecte, d'un oiseau, d'une fleur, d'un caillou ou d'un nuage. J'ai adoré parler avec les arbres et sentir l'énergie de vie qu'ils dégagent. J'ai adoré la présence bienfaisante de l'eau à mes côtés, le cours tranquille du canal. Ou le ressac des vagues au bord de la mer. J'ai aimé par-dessus tout sentir le temps reprendre son rythme naturel, pas après pas, instant après instant. J'ai aussi fait la connaissance de quelques belles personnes que j'ai eu la chance de rencontrer, chez qui j'ai trouvé le gîte et le couvert.
Mais le bonheur le plus énorme, c'est quand tu touches au but. Imagine. Tu fais un rêve, il est sur le point de devenir réalité. C'est comme quand tu arrives à la fin d'un très bon roman. Tu as hâte d'y être, mais en même temps, tu voudrais retarder ce moment. Sauf que là, c'est dans la vraie vie. J'ai goûté, j'ai savouré mon arrivée à Marseille pendant trois jours, depuis la première fois où j'ai aperçu la ville au loin depuis les collines de l'Estaque. Jusqu'au moment d'atteindre mon objectif, le Cap Croisette, à l'extrémité sud de la ville.
Aujourd'hui, je continue de marcher aussi souvent que possible. Si j'aime marcher seule, j'apprécie aussi de partir avec une copine ou en petits groupes pour partager le plaisir de cheminer à plusieurs. Alors, avis aux amateurs. Celles et ceux qui sont tentés sont les bienvenus pour m'accompagner.
Deuxièmement, le jeûne. Mon cancer m'a conduit à faire certains changements dans mes habitudes alimentaires. On ne sait pas encore trop ce qui cause le cancer, mais on sait que notre santé doit beaucoup au contenu de nos assiettes. J'ai poussé le bouchon encore plus loin après avoir vu le documentaire et lu le livre intitulés « Le jeûne, une nouvelle thérapie ? ». On y montre comment le jeûne peut aider à lutter contre différents désordres métaboliques. Une partie a surtout retenu mon attention, celle sur le thème « Jeûne et cancer ».
En très, très gros, l'idée est que le jeûne favorise la régénération des cellules saines et contrarie le développement des cellules malades. Des expériences menées en laboratoire sur des souris ont montré qu'un jeûne de courte durée avant une chimiothérapie rend celle-ci plus supportable et plus efficace. Cela prendra des années avant que ces recherches soient transposées sur l'être humain. Moi qui étais à ce moment-là au tout début de ma chimiothérapie, cela m'a semblé à ma portée de tenter l'expérience de façon empirique. Je me suis donc abstenue de manger pendant 48 heures avant chacune de mes chimios. Je ne peux évidemment établir aucun lien de cause à effet, mais le fait est que je n'ai pas eu à souffrir des effets secondaires indésirables que sont les nausées et les vomissements.
Du coup, j'ai eu envie d'aller encore plus loin. En mars 2016, j'ai passé une semaine dans un centre au bord de la mer pour une cure de jeûne de six jours. Comme de marcher de Toulouse à Marseille, c'était un défi à relever. 48 heures, je savais que j'en étais capable. Au-delà, c'était la découverte. En fait, le passage critique, c'est autour du troisième jour, au moment où tous les moteurs tournent vraiment au ralenti. Ensuite, c'est prouvé, notre organisme change de mode de fonctionnement pour être capable de vivre sur ses réserves.
Pendant ces journées, j'ai apprécié de prendre du temps pour moi. Pour marcher, pour méditer, pour écrire. J'ai éprouvé des sensations étranges, des impressions de légèreté, de clarté, teintées même d'une certaine euphorie. Et dans tout ça, même pas faim. Le dernier jour est très important. C'est le début de la reprise alimentaire. On y va tout en douceur. Un petit bol de velouté de légumes, une petite coupe de compote de fruits. Petites quantités, mais plaisir maximum. La première bouchée est un festival pour le nez et les papilles, un feu d'artifice de sensations. C'est comme si tu dégustais le plus raffiné, le plus subtil, le plus délicat de tous les mets de la terre. Après ça, je peux t'assurer que tu ne regardes plus jamais ce que tu manges de la même manière.
Troisièmement, la méditation. Pendant mes traitements, j'ai lu quelques livres sur le cancer. Mes préférés sont des témoignages écrits par des personnes ayant vécu le cancer. L'un d'entre eux a particulièrement résonné en moi : « Revivre » de Guy Corneau. C'est par lui que j'ai commencé à m'intéresser à la méditation. Méditer au début, c'est déroutant. Ne rien chercher, ne rien attendre, ne rien vouloir. Je me suis vite aperçu que pour méditer, il n'est pas indispensable d'imiter le moine tibétain assis dans la position du lotus. Je me suis aperçue que marche et méditation font plutôt bon ménage. En fait, méditer, c'est possible assez souvent, en marchant, en prenant le métro, en faisant la vaisselle, en se brossant les dents. Simplement en étant pleinement attentif à ce qu'on est en train de faire au lieu d'agir machinalement. Se contenter de ne faire qu'une seule chose à la fois. Rien que ça, c'est déjà énorme.
Parmi les causes possibles du cancer, on évoque souvent l'excès de stress, grand mal de notre époque. Pour s'en protéger, méditer permet de rester centré sur le moment présent. Pas de regret, ce qui est fait est fait. Pas d'impatience, ni d'inquiétude, ce qui doit être sera. C'est comme si j'ai appuyé sur le bouton pause. Je m'arrête, je respire. Je focalise mon attention sur différentes parties de mon corps, sur mes orteils, sur mon nez, sur mon dos, le haut du dos, la nuque, les épaules, là où c'est souvent tout noué. Je respire et j'imagine que j'apporte de l'air dans les différentes parties de mon corps. Sur l'écran derrière mes paupières, je visualise des images, des couleurs, des paysages. La flamme d'une bougie. Le visage souriant d'une statue en pierre. Un arbre avec des plumes en guise de feuilles. Un lac entouré de forêts, de montagnes. Je vois tout dans le moindre détail, c'est comme si j'y étais. Il m'arrive même d'imaginer que je marche dans mon décor de rêve.
Mon cancer, c'est le cadeau bonus de l'année de mes 50 ans. Depuis longtemps, peut être depuis toujours, je me disais que pour mes 50 ans, il m'arriverait quelque chose de grave. En fait, le cancer, ce n'est pas seulement quelque chose qui te tombe dessus de l'extérieur. Mon cancer, c'est aussi moi, c'est mon corps qui l'a fabriqué. C'est un message qu’il m'a envoyé, certes assez violent, pour me dire stop. Et m'inviter à changer les choses dans ma vie. Pas de changement spectaculaire, je n'ai pas changé de maison, pas changé de travail, je n'ai pas changé d'amoureux. À part quelques kilos en moins, je n'ai pas non plus changé de look. Non. La transformation est plus subtile, elle se passe à l'intérieur. Et ce chemin intérieur sur lequel je me suis engagée, je compte bien le poursuivre le plus longtemps possible.
Pour finir, s'il y a une chose que le cancer m'a appris, c'est que notre santé est un bien infiniment précieux dont il nous appartient de prendre soin. De petits gestes simples peuvent être bénéfiques et même préventifs pour chacun et chacune d'entre nous, individuellement, mais aussi collectivement. C'est ainsi que nous pourrons infléchir la course folle du monde et contribuer à le rendre meilleur. Notre monde est bien malade d'une forme de cancer assez agressif. Et le remède qui pourrait miraculeusement le guérir n'existe pas. Mais chacune de nos actions est une goutte d'eau qui va aider à l'améliorer.
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[Ce texte est la retranscription de mon intervention sur la scène des Magiciennes d'Ose, en octobre 2016.]
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traces-ecrites · 3 years ago
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Ce matin, j’avais rendez-vous avec un endodontiste, pour une résection apicale et une avulsion. Présenté en ces termes, cela sonne bien, c’est presque poétique. En clair, c’est nettement moins sympathique : je suis allée chez un chirurgien-dentiste pour me faire retirer un kyste au bout de la racine d’une molaire et arracher une autre dent.
Je précise que je traîne depuis mon enfance une phobie des soins dentaires, à la suite d’expériences avec une dentiste peu délicate, dont je garde des souvenirs très douloureux.
Au fil du temps, j’ai accompli quelques progrès : je parviens aujourd’hui à aller chez le dentiste sans me rendre malade à l’avance. Ces dernières années, j’ai appris à gérer la situation, avec l’aide d’outils pratiques : respiration, visualisation, autosuggestion. Pas si facile, de surmonter ce vieux traumatisme.
En réalité, je l’ai peut-être surmonté en partie, mais il reste toujours là ! Je l’ai constaté ce matin. Il a suffi d’un geste brusque, d’une piqûre anesthésique qui, avant d’endormir, pique à un endroit sensible de la gencive. Et tout est remonté instantanément. Les larmes ont soudainement jailli de mes yeux, avec un son rauque dans la gorge, accompagnant une grosse vague d’émotions, peur et colère mélangée. L’envie de mordre et de fuir en même temps.
J’en ai d’abord voulu terriblement au dentiste. Je l’avais pourtant prévenu de mes souvenirs cuisants, quand je l’avais rencontré pour la consultation préalable, il y a 4 mois. Tout ce qu’il a trouvé à me répondre : « j’opère des centaines de patients, je ne pouvais pas m’en souvenir ». Ben, si, justement, pour bien faire ton boulot, tu devrais t’en souvenir. Ou alors, relire les notes que tu avais prises il y a 4 mois. Tu l’avais bien noté, n’est-ce pas ? Sinon, à quoi sert cette consultation préalable ?
J’en avais aussi après moi-même, après cette émotion intense qui m’a submergée, après les souvenirs de la petite fille sage que j’étais, qui voulait rester sage même quand ça faisait trop mal et qui en pleurait de rage. C’est la dentiste de l’époque qui aurait mérité que je la morde ! Heureusement, les produits anesthésiants d’aujourd’hui sont plus efficaces.
Une fois que l’anesthésie a produit son effet, j’ai réussi à reprendre le dessus. Les yeux fermés, j’ai détourné mon attention de ma bouche insensibilisée et je me suis évadée sur mes chemins imaginaires. C’est une technique efficace, j’ai déjà eu l’occasion d’en parler.
J’ai par la suite effectué une recherche sur le net : c’est fou le nombre de résultats disponibles autour des mots-clés phobie / peur + dent / dentiste ! Cela s’appelle la dentophobie. De très nombreuses publications existent, j’ai même lu une thèse sur le sujet. Il y aurait environ 10% de personnes atteintes à un stade pathologique et 60% de personnes qui seraient de peu à très angoissées à l’idée d’aller chez le dentiste. La difficulté réside surtout dans comment établir une mesure objective. Il est cependant clairement établi que le dentiste fout la trouille, souvent à la suite d’expériences douloureuses précédentes.
Je ne mets certainement pas en doute la compétence technique du chirurgien, il a accompli ce dont mes dents avaient besoin. Mais il s’est comporté avec moi comme beaucoup de ces professionnels de santé hyperspécialisés, qui ne considèrent plus leurs patients que comme des « cas » à « traiter » et non plus comme des êtres humains. Pourtant, il aurait suffi de quelques mots rassurants, quelques rappels d’explication, des gestes moins directs et plus précautionneux…
Ce matin, encore sous le coup de la colère, je me disais : « qu’il fasse de la charcuterie ou de la mécanique, à la place ! ». Je me suis calmée depuis. Je déplore juste que la médecine en général se laisse trop souvent aveugler par la technique et laisse de côté l’écoute et l’empathie. Tout le monde s’en trouverait mieux, les soignants et les soignés.
(Merci à Freepik pour la source de l'illustration)
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