#t te de chien
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kittynannygaming · 2 months ago
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[Nuit de l'Écriture] 21/09/2024
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Apparemment, ce coup-ci, ce fut une spéciale Dead Boy Detectives et plus particulièrement Charles Rowland. AO3 ou ⬇️ (Very Short Stories, you can use Google Translation if French is not your language)
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NUIT DE L’ÉCRITURE 21/09/2024
01- Ce n’est pas humain – Dead Boy Detectives – 246 mots
« Ce n’est pas humain ! » se plaint Charles, exténué. Edwin le regarda, exaspéré
« Évidemment, c’est un Chien de Garde des Cimetières, Charles. »
« Oï ! Tu sais ce que je voulais dire ! Et ce n’est pas un Chien de Garde des Cimetières. C’est un Chiot de Garde. » Charles regarda le chiot au pelage noir qui était assis à ses pieds. « Qui c’est le gentil toutou ? Qui c’est ? »
« Tu sais qu’on ne peut pas le garder ? » Charles prit le chiot dans ses bras et colla son visage à celui du canidé.
« Mais regarde comme il est mignon… » Edwin était à deux doigts de craquer mais il ne pouvait pas.
« Un compromis alors. Nous viendrons le voir tous les jours si notre emploi du temps le permet et tu pourras jouer avec lui. »
« Génial ! Tu entends ça Max ! On va venir te voir tous les jours ! Mission accomplie ! Qui sait, peut-être Edwin trouvera un compagnon à son goût parmi tes amis, hein ? »
« Ses… amis ? » Edwin se retourna vers la direction que Charles pointait avec sa tête. Des dizaines, des CENTAINES de chiots et chiens en tout genre se tenaient là. « Gentils chiens ? » bafouilla t-il.
Et là, se fut la débâcle. Edwin fut littéralement assaillit par une armée de chiens cherchant les câlins et Charles ne fit que s’esclaffer.
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02- Ta réalité n’est pas la mienne – Dead Boy Detectives – 167 mots
Kashi était un modèle de patience et il trouvait la plupart des gens qu’il avait rencontré amusants. Mais cette femme au caractère bien trempé le faisait rire intérieurement.
« Pourquoi tant de rage ? Rien de bien ne vous arrivera dans cet état. »
« Je dois sortir de ce fichu poisson et retourner trouver ces petits morveux pour qu’ils puissent aller où ils sont censés être. »
« Est-ce que ça troublerait à ce point l’Univers s’ils restaient où ils sont ? »
« Chaque chose à une place dans l’Univers, chaque personne une place dans l’au-delà. C’est la réalité des choses. »
« Ta réalité n’est pas la mienne. L’Univers ne va pas succomber et disparaître parce que deux âmes ont décidé de rester sur Terre. » La Veilleuse de Nuit de l’Au-Delà ne répondit pas. Chaque chose avait une place, chaque âme avait un au-delà, c’était le mantra qu’elle se répétait depuis son décès. Si elle n’avait même plus ça, que lui restait-il?
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03- Rencontre avec une divinité – Dead Boy Detectives – 193 mots
Crystal était surprise. Devant elle se tenait Lilith. Après Port Townsend, elle s’était renseigné autant qu’elle put sur elle. Lilith, la première épouse d’Adam, soit-disant une tueuse d’enfants selon les religions traditionnelles. Une déesse de l’indépendance, LA déesse selon la Wicca Moderne.
« En quoi puis-je vous aider ? » demanda la voyante en laissant entrer la divinité.
« Ton plaidoyer, à Port Townsend, a été assez révélateur pour moi. Les temps ont changé. J’ai décidé d’être plus pro-active. Mais j’aimerais quelqu’un qui puisse m’aider dans ma quête. Quelqu’un qui comprenne ce qu’est être une femme à cette époque. » Crystal fit de gros yeux.
« Vous voulez dire, moi ? Vous êtes sûre ? » Lilith sourit.
« Oui. Et en échange, je m’occuperais de ce petit démon dans ton esprit. »
« Vous pouvez l’enlever ? Et il ne fera plus de mal à personne ? » Lilith émit un petit rire.
« N’as-tu pas entendu ? Je suis la mère des Démons et j’en laisse 100 mourir chaque jour. Quelle terrible mère je suis. » Crystal se demandait si elle allait regretter cet accord. L’avenir lui ferait voir que non.
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04- Le cycle de l’abus – Dead Boy Detectives – 289 mots
Charles Rowland n’avait pas toujours été le «muscle de service». En fait, en voyant les photos de ces jeunes années, Charles était un adorable bambin toujours souriant, gentil comme pas deux et absolument contre toute forme de violence.
Puis, vers l’année de ces 8 ans, tout changea. Son père avait perdu son emploi dans l’industrie et il fut très difficile pour lui de retrouver un emploi dans ce secteur. Sa mère avait eu plus de chance, travaillant dans une cantine scolaire. Son père avait donc commencé un cycle infernal d’abus, d’abord verbal puis physique.
Charles avait donc dû apprendre à encaisser les coups, puis à en donner. Il aurait pu devenir abusif, comme son père mais Charles ne voulait pas être comme lui. Alors, ses poings, c’était contre d’autres brutes. Jamais contre des innocents. Cela lui a valu de mourir à 16 ans, mais cela en valait la peine.
Cela en valait la peine quand il vit sa mère finalement dire à son père ses 4 vérités. Ils resteraient mariés mais l’amour était mort en même temps que leur fils. Cela en valait la peine quand il rencontra, 10 ans après, le jeune pakistanais avec sa fille, son premier enfant, qu’il avait nommé Charlotte. Le jeune homme était un professeur et avait fondé une association qui venait en aide aux enfants victimes d’abus, que ce soit à la maison ou à l’école.
Edwin ne comprit pas la raison pour laquelle Charles l’enlaça pendant 5 bonnes minutes après être revenu de sa sortie mais il n’allait pas s’en plaindre. Il n’apprendrait la vérité que bien plus tard. Le cycle de l’abus était vicieux mais il pouvait être rompu. Un jour, peut-être, l’abus ne serait que de l’histoire ancienne.
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05- Partir ou rester - Dead Boy Detectives - 262 mots
Partir avec la Mort ou rester avec le garçon qui lui avait permis de vivre ses dernières heures le plus gentiment possible ? Pour Charles, la question ne se posait même pas. Edwin était un garçon socialement maladroit qui avait probablement dû se débrouiller seul la majeur partie du temps tout en essayant de se conformer à une façon d’être qui n’était pas la sienne. Bref, Edwin avait besoin de Charles. Et en plus, il n’était pas vraiment pressé d’aller dans l’au-delà. Il n’était pas vraiment croyant (quelque soit la religion) donc les promesses de paradis éternel et tout ça, il n’en avait rien à faire.
« Donc, c’est ici que tu vis ? » demanda Charles.
« C’est exact. J’étudie tout ce qui à trait à l’occulte. J’espère ouvrir une agence de détectives. »
« Une agence de détectives ? »
« Oui, pour aider les âmes qui restent coincés à cause d’affaires non finies. Où les cas comme le mien. » Edwin lui avait parler de son cas. Raison de plus pour rester avec lui.
« C’est cool. Je serai les muscles, tu seras le cerveau. Hey ! Ce sac a l’air cool ! »
« Techniquement, c’est un sac magique sans fond mais je n’arrive pas à le faire fonctionner correctement. Il est à toi si tu y arrives. »
« C’est cool ! Merci, je vais m’y mettre de suite. » Et effectivement, il lui fallut peu de temps pour s’approprier le sac. Même après 35 ans ensemble, Charles savait qu’il avait pris la meilleure décision en restant.
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pompadourpink · 2 years ago
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Les virelangues
Seize chaises sèchent - Sixteen chairs are drying
Le petit chat chassait les souris qui sont sous les coussins - The little cat chased the mice that are under the cushions
Didon dîna dit-t-on du dos dodu d’un dodu dindon - Dido dined, or so they say, on the plump back of a plump turkey 
Si six scies scient six cyprès, six scies scient six cyprès - If six saws saw six cypresses, six saws saw six cypresses
Choisis 600 chouchous et si ces 600 chouchous sont chouettes, choisis-en 600 autres - Choose 600 scrunchies and if those 600 scrunchies are nice, choose 600 more
Piano, panier, panier, piano - piano, basket, basket, piano
Un pâtissier qui pâtissait chez un tapissier qui tapissait, demanda un jour au tapissier qui tapissait : vaut-il mieux pâtisser chez un tapissier qui tapisse ou tapisser chez un pâtissier qui pâtisse ? - A pastry chef who was baking at an upholsterer who upholstered's once asked the upholsterer who upholstered: Is it better to bake for an upholsterer who upholders or to uphold for a pastry chef who bakes?
Les chaussettes de l'archiduchesse sont-elles sèches ou archisèches ? - Are the archduchess's socks dry or very dry?
Tu t'entêtes à tout tenter, tu t'uses et tu te tues à tant t'entêter - You persist in trying everything, you wear yourself out and kill yourself by being so stubborn
Trois ogres ocre griment trois autres ogres d’encre ocre - Three ochre ogres scratch three other ogres with ochre ink
Trois tristes tigres trônaient dans un arbre qui trônait au milieu d'un trianon - Three sad tigers were seated in a tree that was seated in the middle of a trianon
Ah ! pourquoi Pépita, sans répit, m'épies-tu ? Dans les bois Pépita, pourquoi te tapis-tu ? Tu m'épies sans pitié, c'est piteux de m'épier ! - Ah, why do you spy on me, Pepita, without respite? In the woods, Pepita, why do you lurk? You spy on me without mercy, it's pitiful to spy on me!
Un chasseur sachant chasser sans son chien est un chasseur qui chasse sans chien mais qui chasse quand même - A hunter who knows how to hunt without his dog is a hunter who hunts without a dog but who still hunts
Si vous voulez vous venger, rendez-vous vite - If you want to get revenge, surrender quickly
Douze douches douces - Twelve sweet showers
Je veux et j'exige les joyaux de ces jolis et joyeux oiseaux jasant - I want and demand the gems of these pretty and cheerful chattering birds 
Étant sorti sans parapluie, il m'eût plus plu qu'il plût plus tôt - Having gone out without an umbrella, I would have liked it better if it had rained earlier
Satan montant des cendres s’attend à descendre mon thé. Sentant mon thé, je monte. Satan m’entendant monter, redescend cendres et mon thé, mais Satan s’étend, et cendres et mon thé descendent - Satan rising from the ashes expects to down my tea. Smelling my tea, I go upstairs. Satan hearing me coming upstairs, brings down ashes and my tea, but Satan extends, and ashes and my tea come down
Fait faire à Fabien fourbe et fautif force farces fausses et fantasques - Makes the deceitful and faulty Fabien play many false and fantastic pranks
Le cri du cygne qui crissait dans le cristal des cris d'oiseaux qui crissaient - The cry of the swan that was screeching in the crystal of the cries of birds that were screeching
Seize jacinthes jaunes sèchent dans seize sachets sales - Sixteen yellow hyacinths are drying in sixteen dirty bags
Un généreux déjeuner régénérerait des généraux dégénérés - A generous lunch would regenerate degenerate generals
Le chaton qui chassait le chat qui chassait la souris qui chassait le rat qui mangeait du fromage - The kitten who chased the cat who chased the mouse who chased the rat who ate cheese
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Movie: Les demoiselle de Rochefort - Jacques Demy, 1967
Fanmail - masterlist (2016-) - archives - hire me - reviews (2020-) - Drive
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thiphus · 4 months ago
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tag game du rpg ♡
règles du jeu:créer un nouveau billet en copiant-collant les questions ci-dessous, y répondre, puis tagger d'autres rpgistes !
Merci à @soeurdelune pour le tag!
depuis combien de temps fais-tu du rp? — 20 ans et quelques
quel était le premier personnage que tu as créé? — c'était une demi-elfe, sur un forum multivers final fantasy, j'avais 9 ou 10 ans, le personnage n'était pas plus développé que son nom et son statut.
quels sont les faceclaims que tu utilisais souvent à tes débuts? — j'ai commencé par du forum RP avec avatars dessinés, donc c'étaient surtout des images qui trainaient sur internet, puis j'ai eu quelques avatars tirés d'univers d'HP ou de manga (du Clamp notamment).
y a-t-il un genre/univers dans lequel tu n'aimes pas du tout rp? — le post-apo, mais je n'aime pas l'univers en général. les fos célébrités aussi.
quelles sont les dynamiques entre personnages/types de liens que tu aimes le plus? — ça dépend vraiment de mon humeur / envie du moment.
dans quels fandoms ou univers aimes-tu le plus rp? — sur forum, c'est généralement du surnaturel ou du city, en 1v1 j'aime beaucoup l'horreur, le surnaturel, la scifi (inventé ou genre star wars), parfois tiré de jeux vidéo, j'aime aussi beaucoup ce qui a trait au folklore ou aux légendes urbaines.
un personnage que tu ne joues plus actuellement mais que tu aimerais reprendre? — Stigandr, mais à chaque univers où je le joue, il finit par devenir le personnage antagonique - il est imbu de lui-même, hautain, couard, méprisant, mauvais père, yada yada. Mais c'est une dynamique que j'aime bien jouer, surtout dans des univers où il faut donner le meilleur de soi-même.
y a-t-il des archétypes de personnages que tu joues souvent? — les gens simples, souvent teuteus, ou avec de gros défauts sociaux ou physiques qui les handicape pas mal. des personnages qui sont malicieux également, j'aime le côté très chaotique.
y a-t-il un livre ou un écrit autre qui t'as beaucoup influencé·e pour écrire? — Chiens de la nuit de Kent Anderson, Les conditions idéales de Mokhtar Amoudi, L'eau du lac n'est jamais douce de Giulia Caminito, Les enfants des riches de Wu Xiaole, Le frère impossible d'Alexandre Feraga.
une recommandation pour finir (livre, film, ou pourquoi pas un forum)? — La série La première Loi de Joe Abercrombie si vous aimez la fantasy et en roman graphique, la série Il faut flinguer Ramirez si vous avez envie de rigoler un peu (ou Ecoute, jolie Marcia, de Marcello Quintanilha, pas du tout pour rigoler, mais le style graphique mouah).
☞ je tag: (c'est entièrement facultatif, si vous n'avez pas envie de le faire pas de pression !!) @gareauxtrains @ainsleywsin @ltcmdr-fredata @gp-kim @big-bish @crepuscule-pourpre @wiisemary @sm0keyb0nes @adjayd
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ascle · 3 months ago
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La lettre T
Tache
Désigne une personne qui impose sa présence, qui importune.
Taleur
Contraction de "toute à l'heure"
Tanner
Synonyme de "fatiguer" ou "agacer". Être tanné, c'est être agacé.
Tannant
-> décrire une personne turbulente, qui dérange les autres, qui les importune.
-> peut aussi posséder une connotation affectueuse. Nous parlons alors d’une personne espiègle, sans malice.
Tantôt
-> (à): À bientôt, à tout à l'heure
-> (un autre): Une prochaine fois, plus tard
Taouin
Imbécile, idiot
Taponner
-> Perdre son temps, hésiter
-> Tâter
Tataouiner
Tergiverser inutilement
Tiguidou
Très bien, c'est super, tout va bien, c'est excellent
Tiraillage
Querelle, dispute, accrochage
Toton
-> Idiot
-> Sein (version québécoise de « nichon »)
Toune
Chanson
Tourlou
Au revoir. Peut aussi vouloir dire bonjour, mais c'est plus rare
Traffic
Circulation
Traite (payer la)
S'offrir ou offrir des plaisirs
Exemple: Quand j'ai vu Carole je lui ai fait des tas de calins, j'me suis payée la traite!
Trâlée
Longue suite, grand nombre de personnes ou de choses, multitude
Trente sous
Une pièce de 0.25$
Triper
Éprouver un vif plaisir, kiffer
Truck (avoir son)
En avoir marre
Tsé
Contraction de "tu sais"
Tuque
Bonnet
Turlute
Une forme d'expression musicale folklorique qui consiste à chanter des onomatopées sur des airs traditionnels de violon.
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Expressions
Ti-Joe Connaissant
Prétentieux
Tirer la couverte de son bord
S'approprier des avantages au détriment des autres, prendre plus que sa juste part.
Ton chien est mort
Ne plusa voir de chance, plus d'espoir, être condamné à l'échec
Tour du chapeau
Marquer 3 buts dans un match (sport)
Tourner les coins ronds
Prendre des racourcis ou faire les choses de manière rapide ou peu couteuse en sacrifant la qualité ou la sécurité
Tu t'en vas où avec tes skis?
Façon très rude de demander à quelqu'un ce qu'elle fait ou de lui faire savoir que ses actions sont absurdes.
Les déclinaisons d'expressions avec le mot "tomber"
Tomber dans l'oeil
Plaire à quelqu'un. Taper dans l'oeil
Tomber dans la face de quelqu'un
Agresser verbalement quelqu'un, l'insulter
Tomber en amour
Devenir amoureux
Tomber en bas de sa chaise
Grande surprise, étonnement, tomber à la renverse, tomber des nues
Tomber sur les nerfs/la rate/le système
Énerver quelqu'un, l'exaspérer
Pour les plus courageux, je vous invite à tenter une autre chanson à turlute niveau expert 🤣
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Et voici les paroles (pcq oui elle dit des mots ^^)
https://moniquejutras.com/wp-content/uploads/2017/11/TurluteDesLittleDelisleParolesCompletes.pdf
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sh0esuke · 1 year ago
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" Zombie "
𝗠𝗲𝘁 𝗲𝗻 𝘀𝗰𝗲̀𝗻𝗲 : Eustass Captain Kid
𝗥𝗲́𝘀𝘂𝗺𝗲́ : Après une entrevue pour le moins musclée avec une base de la marine, Eustass Kid et son équipage retournent en mer. Il est alors temps pour eux de se faire soigner, de se reposer ou de vaquer à leurs occupations. C'est donc ce que fait le capitaine du Victoria Punk, ainsi que le joli petit bout de fille qui l'accompagne.
𝗔𝘃𝗲𝗿𝘁𝗶𝘀𝘀𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 : morbide/gore, membres sectionnés et idée de se recoudre, graphiques
ENG : PLEASE DO NOT STEAL MY WORKS. If you want to translate it, ask me first then we can talk about it. If you want to find me on Wattpad or AO3, my accounts are in my bio, these are the ONLY ONES i have. FR : MERCI DE NE PAS VOLER MES OS. Si vous avez envie de les traduire, merci de me demander la permission avant. Si vous voulez me retrouver sur Wattpad ou AO3, j'ai des liens dans ma bio, ce sont mes SEULS comptes
𝙽𝚘𝚖𝚋𝚛𝚎 𝚍𝚎 𝚖𝚘𝚝𝚜 : 𝟒,𝟒𝟑𝟔.
Commentaires, likes et reblogues super appréciés. Tout type de soutien l'est, merci beaucoup !! <33
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Kid ne parlait pas beaucoup. Il était, contrairement à d'habitude, fichtrement silencieux. Isolé dans son coin, affairé à tripoter son escargoradio faisant ainsi grésiller les sons qui en réchappaient, pendant que, de mon côté, je le toisais. Il était assis par terre comme un idiot, à grommeler dans sa barbe et à me zieuter de temps à autre au fond de la pièce. Personne n'avait osé nous déranger depuis que Kidd et moi nous étions enfermés dans sa chambre, en fait, aucun membre de l'équipage n'osait jamais vraiment nous interrompre lorsque lui et moi nous retrouvions seuls. Ça tournait rapidement en bagarre. Kid s'énervait, tout le monde lui criait dessus pour qu'il se calme et il finissait par leur claquer la porte au nez et grommeler. Une véritable partie de plaisir. Je salivais rien qu'à y repenser.
Une plainte m'échappa brusquement, juste après que je me sois ratée. Mes lèvres formèrent une grimace et je raffermis ma prise sur le petit objet entre mes doigts.
« Merde. Merde de merde.. »
L'aiguille s'était plantée trop profondément dans mon épiderme, me causant ainsi une forte douleur. Même une fois l'aiguille retirée, je jurais pouvoir encore la sentir. Ça faisait un mal de chien. Aussi petite était-elle, j'en serrais les fesses. Je regardai ensuite le haut de mon bras, là où je pus aisément apercevoir l'endroit où mon épaule et mon bras s'étaient déchirés. Immédiatement, je rapportai mon ustensile à ma peau pâle et m'en allai me recoudre, cette fois-ci, je le fis avec plus de patience. Je me concentrai, jusqu'à enfin pouvoir faire pénétrer l'aiguille sous mon épiderme dans le but de me recoller. Et cette fois là, je ne me fis pas mal.
Je recousus mon bras, en profitais pour faire des réajustements sur ma cuisse gauche et ma cheville droite. Ce ne fut qu'un temps après que je sentis mon lobe pendre.
« Dis, Kid.. »
Il me jeta un coup d'œil par dessus son épaule.
« Ouais, quoi ? »
Je me pinçais les lèvres, frappée par la simple pensée qu'il avait immédiatement arrêté de jouer avec son fichu escargoradio pour m'offrir toute son attention. Alors, ce fut dans un flamboyant sourire que je lui tendis mon aiguille habillée d'un fil dans une main et, mon lobe fraîchement arraché dans l'autre. Mon cœur pulsait dans ma poitrine. Qu'il était adorablement grognon... Kid soupira. Il se leva sans attendre. À le voit ainsi, marcher jusqu'à moi, j'en eus des papillons au ventre.
« Ça va où ça ? » me demanda-t-il.
«Ici. » je répondis en pointant mon oreille.
« On te l'a bouffé ou quoi ? »
Je roulai des yeux.
« On m'a tiré dessus, Kid. Désolée de pas contrôler le magnétisme comme toi, c'est vrai que ça m'aurait été sacrément utile à ce moment là. »
Il esquissa un sourire. Kid prit place à côté de moi sur le bord du lit en un instant, apportant immédiatement ses doigts à ma gorge et ma mâchoire, il me fit ainsi gentiment pencher la tête sur le côté. J'étais toute docile. Je ne ressentais aucun besoin de me débattre. Je ne voyais aucune raison de refuser ce contact, au contraire, j'en avais terriblement besoin. Contrairement à la mienne, sa peau était chaude. Kidd avait le corps fonctionnel, il bouillait sur place, il criait la vie et le courage. Face à lui, je n'étais que ridicule.
« OK, je crois savoir dans quel sens le mettre. »
Mais lorsque je le voyais me regarder ainsi, je me sentais au sommet du monde..
« Dis le moi si la douleur est insupportable, d'accord ? »
« Bien sûr. » j'ironisai.
Les pirates d'Eustass Captain Kid n'étaient pas des chochottes, ça n'était pas une oreille perdue ou une oreille recousue qui allait me faire peur, loin de là. Kid avait beau me certifier que je pouvais toujours lui demander d'arrêter, nous savions tous les deux que cela n'arriverait pas. Jamais je ne lui aurais fait l'affront de me montrer faible.
Kid apporta finalement mon lobe à mon visage, il commença sans attendre à me recoudre. J'avais fermé mes yeux depuis longtemps. Ça n'était pas la douleur qui m'était insupportable, j'arrivais à retenir mes grognements en compressant la chair de ma cuisse de mon poing, c'était Kid le problème. J'avais beau avoir le visage détourné et les yeux clos, je ne pouvais pas me débarrasser de sa fichue respiration. Son souffle me brûlait la gorge. Il respirait comme un buffle contre moi. Et, Ô, que j'aurais aimé que ça ne soit que désagréable ! J'aurais pu tout simplement le rejeter ou lui beugler dessus, mais, au contraire, mon corps réagissais étrangement. Ça n'était plus une vague de papillons qui voltigeaient dans mon bas ventre. C'était des vers. Des vers qui, petit à petit, se frayèrent un chemin jusque dans mon cœur, me faisant trembler et respirer anormalement.
« Eh. »
Kid pinça le cartilage de mon oreille.
« Quoi ? »
Il parla tout en finissant sa tâche.
« Tu pues pas, c'est normal ? »
« J'imagine. Pourquoi ? »
Kid me regarda de haut en bas.
« Bah t'es un cadavre, nan ? T'es pas supposée chlinguer ? »
« Mon corps est pas en état de décomposition, alors non. » répondis-je. « Même si mon sang est pas humain, il circule quand même. »
Ma réponse sembla le satisfaire, il ne dit rien de plus. Kid finit alors de rattacher mon lobe à mon oreille, tirant sur les finitions et arrachant de ses dents le reste du fil. Il ignora mes yeux exorbités. Ses doigts frôlèrent la paume de ma main lorsqu'il y déposa l'aiguille et me tapota gentiment la joue. L'écart de taille entre lui et moi se creusa considérablement tandis qu'il se levait, plus il bougeait, et plus mes yeux remontaient. L'espace d'un instant, j'eus cru qu'ils furent sur le point de se renverser, mais finalement Kid s'était arrêté de grandir. Il me zieuta de ses petits yeux vicieux.
« Comme neuve. » ajouta-t-il.
Je déglutis.
« Je peux retourner à mon truc, c'est bon ? »
Sa question manqua de me rendre folle. J'étais honnêtement à deux doigts de m'arracher une jambe et de le supplier de me recoudre, voire un doigt, n'importe quoi, mais tout pour le faire rester.
La façon dont il me regardait... Celle dont il me touchait... Lui, tout simplement. Tout me rendait folle. Je n'en avais jamais assez.
« Ouais, si tu veux. »
Kid hocha la tête et repartit.
De mon côté, je m'assis en tailleurs sur le lit et abandonnai mon aiguille dans ma jolie petite boîte à coudre. Elle était déposée au centre du lit. Je la rangeai soigneusement dans un minuscule compartiment avec tant d'autres, sans même prendre le temps de la désinfecter. Je refermai ensuite le tout, les deux boîtes, je les cachai avec hâte sous le lit, à l'abri des regards et me levai en profitant du silence qui était retombé pour fermer mes yeux. Mon cœur battait encore très vite. J'attendais qu'il se calme. Néanmoins, je n'y parvins pas.
La simple pensée que Kid était là, à quelques mètres de moi, me rendit ivre.
C'était stupide, j'avais passé l'âge.. Mais Kid avait ce don de m'envoyer valser dans le passé, revivre mes meilleurs jours, sous les rayons du soleil, où ma peau avait jadis scintillé et où, jadis, mes yeux colorés avaient brillé. Désormais, ma peau était aussi pâle et froide que celle d'un cadavre et mes pupilles, elles, grisâtres, faisaient peine à voir. Mais Kidd n'échouait jamais à sa tâche. Malgré ma condition, il me faisait revivre. Il me faisait aimer à nouveau.
« Eh, ça marche ? »
Je sursautai en entendant Kid frapper d'un grand coup son escargoradio. Apparemment, rouer le pauvre animal de coups avait suffi..? Je m'approchai de lui tout en le voyant tenir de ses deux mains le pauvre animal, au dessus d'un de ses yeux trônait une énorme bosse fumante. J'en eu mal au cœur.
« Qu'est-ce qui marche ? »
Tombant sur mes genoux, je déposai une de mes mains sur son épaule. Je me collai à lui.
« Ça marchait plus. » me répondit Kid dans un grognement. « Attends, je crois que c'est mort, merde. J'étais sûr que j'avais réussi.. »
Au même moment, un peu de musique retentit. Des notes de piano.
« Tu devrais peut-être t'en racheter un autre ? » proposai-je.
« C'est rare ces trucs. » pesta mon capitaine. « J'ai déjà eu une sacrée vaine de voler celui-là. »
« Et si tu le construisais ? »
Kid secoua la tête.
« Je peux pas me connecter aux ondes radio, je sais pas comment faire. » il ajouta. « Mais regarde, il marche. »
« C'est joli. »
Tout en parlant, je m'étais penchée en direction de l'animal, dangereusement proche de Kid. J'étais à présent perchée sur son épaule, ma poitrine débordant sur son dos et mes cheveux frôlant les siens.
« Je savais pas que tu aimais la musique. »
« Ah bon ? »
Je hochai la tête.
« Je pensais que tu étais plus du genre à bricoler, ou à dormir. »
Kid rit à cela.
« Ouais, nan. »
Il libéra une de ses mains pour la poser sur ma cuisse.
« J'aime les armes aussi. »
Mon cœur s'emballa. Oh. Oh ! Il battait si vite... J'en sentais mes veines bouillir, la pointe de mes oreilles chauffer. Je brûlais sur place. Une véritable fournaise.
Je papillonnai des yeux dans sa direction, les yeux écarquillés sous la panique. Merde. Je perdais même le contrôle de ma respiration, à me regarder ainsi, Kid me rendait esclave de sa personne. Je n'avais qu'une envie, qu'il me touche. Encore.
« AᅳAh bon ? »
Kid esquissa un rictus.
« T'as jamais regardé ma piaule ou quoi ? T'étais littéralement assise sur mon poignard préféré tout à l'heure. »
« C'est juste que, tu sais.. Avec ton fruit du démon, je pensais queᅳ »
« Je vois. »
Il me força à m'asseoir sur mes talons, pressant sa main sur le haut de ma tête, ainsi, il me surplomba. Je le regardai gentiment, des étoiles dans les yeux et les mains toutes tremblantes. Kid ne me quitta pas un instant du regard. Il était encré dans le mien. Ses yeux étaient dorés, ils brillaient d'un fort désir de vivre, je m'en sentais toute charmée. Alors, je déposai mes mains au sol et rampai jusqu'à lui, son fichu escargoradio depuis longtemps oublié. Kid me laissa faire, il ne dit rien. Une fois lui tourné devant moi et mon corps présenté entre ses jambes, je remontai mes mains sur ses épaules en passant sur ses avants-bras. Cette fois-ci, je sentis mon cœur battre si fort que, fatalement, je l'entendis pulser jusque dans mes tympans. Il instaurait un rythme de mouvements dans mon corps, je l'avais minutieusement suivi.
« Ça t'amuse ? » me demanda mon capitaine.
« Désolée. »
Mes mains se pressaient sur son torse, j'étais à présent penchée au dessus de lui, mon visage le surplombant par quelques centimètres. De là, Kid pouvait sentir ma respiration haletante et moi, je pouvais sentir son cœur pulser contre ma paume.
« Ça doit bien enfreindre quelques-unes de tes règles, mais j'en peux plus, Kid. »
Mon capitaine hocha la tête. Il apporta son bras métallique à ma tête, me poussa ainsi à tomber sur lui, il en profita pour écraser ma bouche sur la sienne. Et, pour la première fois depuis que l'on m'avait ramenée à la vie, je ne m'étais jamais sentie aussi vivante. Kid m'embrassa langoureusement. Il me sentit, me caressa et grogna dans ma bouche. Sa chaleur camoufla la froideur de mon corps et sa bave se mélangea à la mienne. Je gémis contre lui. Ma petite jupe ne me permettait pas vraiment de bouger, alors je m'accrochai à lui. Je plantai mes ongles dans ses énormes épaules et je soupirai contre lui, les yeux renversés en arrière.
Kid n'était que muscle et chaleur. Il empestait la virilité. Plus je le touchais, plus ma poitrine se frottait son torse, et plus j'avais le besoin d'en avoir plus. Ses lunettes pouvaient bien me gêner pendant que je faisais pénétrer mes doigts dans son cuir chevelu, et la ceinture de ma jupe pouvait bien se coincer avec les siennes, je n'en avais rien à faire. Tout ça n'était que fouillis et chaos, mais je n'en avais pas assez.
« Kid... »
Mon capitaine embrassa la commissure de ma bouche. Il pressa ma tignasse d'une de ses mains et, tandis que ma tête se renversa en arrière, il s'en alla dorer ma gorge de baisers. Kid tâcha ma jugulaire de son rouge à lèvres. Il poussa des grognements contre moi et descendit jusqu'à mon décolleté. Puis, il me serra dans ses bras. Ce fut soudain, il relâcha brusquement sa prise sur moi, noya son visage entre mes seins et emprisonna ma taille entre ses bras. Mon corps en sursauta. Mon menton encontra doucement le sommet de son crâne. Un sourire idiot se dessina sur mes lèvres. Malgré ma respiration haletante et mon cœur battant follement, je paraissais calme.
La présence de Kid avait tendance à me faire perdre les pédales, je ne pouvais le nier, mais quelques fois, aussi, elle me berçait dans un état de béatitude inégalable.
Je sentis ses doigts se presser à ma chair, ils taquinèrent mes coutures par ici et là. Une jolie vague de frissons me parcourut. Je n'avais aucune idée de ce qu'il attendait de moi. Je n'avais d'ailleurs aucune idée de ce que tout ça signifiait, cependant, je préférais ne pas trop y songer, alors, j'enfonçai mes doigts plus profondément dans sa tignasse, et j'en inspirai un grand coup.
Lorsque Kid releva la tête, son regard encontra le mien. Quelques minutes s'étaient écoulées. Nous échangeâmes un coup d'œil, moi toute souriante et lui, ses pupilles habillées d'une étrange lueur.
« T'es la fille la plus bizarre qu'il m'ait été donné de rencontrer. » avoua Eustass.
« Je sais. » le taquinai-je. « On me le dit souvent. »
Mes mains glissèrent jusqu'à ses joues, de cette manière, je pus habilement venir les caresser avec mes pouces. Sa peau était onctueuse sur cette partie, chaude aussi. Kid était toujours chaud, une véritable fournaise.
« Je t'aime bien, tu sais. »
Kid esquissa un rictus carnassier.
« Tu m'étonnes. »
Son grognement me fit hoqueter.
« Dis... »
Je laissais une de mes mains retomber sur son épaule pendant que je me repositionnais confortablement sur ses cuisses. Kid me regarda faire. Il conserva ses grosses mains sur mes hanches, m'empêchant ainsi de m'enfuir ᅳcomme si..!ᅳ sans me lâcher du regard. D'une main, je pris appuis, tandis que de l'autre, je continuai de le caresser. Nos visages étaient proches. Kid était à quelques centimètres de moi, je pouvais apercevoir les moindres détails sur sa peau et admirer aisément le doré dans ses beaux yeux. Qu'il était charmant... Tout chez lui était vulgaire et grossier, jusqu'à son maquillage et son hygiène. J'adorais ça.
« Dis, Kid. »
Il commença à frotter ma hanche dans de doux gestes circulaire avec son pouce.
« Ouais ? »
« Humᅳ Je... »
Je battis des cils dans sa direction. C'était fichtrement ridicule, je me sentais comme une gamine, sur le point de demander un quatrième round de bonbons. J'en avais l'estomac qui pétillait.
« Kid.. Tu veux bienᅳ »
Je me stoppai, surprise de le voir se saisir de mon oreille. Avec curiosité, Kidd la dévisagea. Rapidement, je lui pinçai la joue.
« Tu m'écoutes ? »
Il me foudroya du regard.
« Quoi ? »
« Quoi "quoi" ? » répétai-je. « Pourquoi tu me regardes comme ça ? »
Kid haussa les épaules.
« C'est joli. »
Sous mon expression confuse, il rajoutait :
« Ton oreille, ça fait joli. »
« Tu veux dire mon millième point de suture ? » je m'étonnai.
« Ouais. »
Je roulai des yeux.
« D'accord, Kid, si tu veux. »
Un soupir passa entre mes lèvres.
« Qu'est-ce que tu voulais me dire ? » il me questionna finalement, tout en en profitant pour glisser une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille.
Je secouai la tête.
« Rien. »
Je n'avais plus rien à lui dire. Pas par frustration, plutôt après avoir compris que parler avec Kid ne me mènerait à rien. Gentiment, j'allais abandonner sa joue et glisser mon visage dans le creux de sa nuque. Notre enlace était ridicule, je ressemblais à un koala fou, à m'accrocher ainsi à lui. Kid était si imposant que j'y avait toute la place nécessaire et puisqu'il ne me repoussa pas, je ne jugeais pas nécessaire de bouger. Kid restait assis en tailleurs sur le sol de sa chambre, mon torse contre le sien et mes bras enroulées autour de ses épaules.
« Tu vas pas me lâcher ? » l'entendis-je pester.
« Épargne moi ça. » je parlai. « On sait tout les deux que t'aime ça. »
« Mh. »
Il ne répliqua pas. Je fis de même. Tout deux murés dans le silence, nous laissions les minutes s'écouler. C'était bien mieux comme ça. Je profitai de notre proximité sans un mot de plus, rassurée par sa présence. Kid n'avait pas tardé à retourner à sa précédente occupation. Il s'était remis à trifouiller son escargoradio, le faisant quelques fois chanter, d'autres grésiller. Il s'énervait aussi, parfois. Moi, je gardai mes yeux fermés, ma poitrine collée à son torse, j'écoutai avec toute la patience du monde sa respiration, ses grognements et les quelques gros mots qui, parfois, allaient s'éclipser de sa bouche. Kid sembla m'avoir oubliée. C'était comme si je faisais partie de lui, j'avais fondu sous sa chaleur, son épiderme dur comme de la pierre et je ne faisais qu'un avec lui à présent. Cette simple pensée suffit à me faire bêtement sourire. Je raffermis dès lors ma prise sur lui et, délicatement, je m'en allais baiser sa gorge. Je laissai une traînée lasse de baisers le long de son cou, je ne pouvais pas m'en empêcher, plus je l'embrassais et plus je continuais.
« Merdeᅳ C'est quel bouton, à la fin ? »
Kid bougea contre moi. Il s'énervait à l'encontre de son escargoradio, les sourcils froncés et sa jugulaire palpitante. Lorsqu'il baissa la tête afin de me dévisager ᅳil en avait certainement assez que je bouge autantᅳ apercevoir ses yeux gorgés de sang suffit à me donner chaud. Kid relâcha sa prise sur le petit gadget et apporta sa main de chair à ma joue, l'autre métallique s'en alla reposer sur le bas de mon dos.
« Qu'est-ce que tu regardes comme ça ? »
J'embrassai sa joue.
« Ehᅳ »
J'embrassai sa tempe.
Ça m'était impossible de m'arrêter.
« Je te parle, matelot. »
J'apportai ma main à sa tignasse, puis j'embrassai à nouveau sa joue. J'embrassai l'autre juste après. Le temps de croiser son regard de feu, et je posai mes lèvres sur les siennes.
Kid me tapota gentiment le fessier en réponse, il s'empressa de m'embrasser en retour, invitant sa salive et sa chaleur à entrer dans ma bouche. Mes paumes de mains prirent appuis sur son torse. Kidd était entièrement redressé désormais, le dos bien droit et ses mains éparpillées sur mon corps. Il me palpait, me caressait, me tirait. Moi, je savourai la simple sensation de ses pectoraux et de sa langue. Je respirais son odeur et l'embrassais à en perdre toute notion, jusqu'à en oublier ma propre identité. Kidd me donnait l'impression de faire de même, il conservait cependant cette étrange habilité à me toucher. Ses mains rugueuses se faufilèrent sous ma jupe, sous mon mini polo, et le long de mes cuisses. Il me découvrit entièrement. Et je l'y invitai.
Je n'aurais su dire combien de temps nous avions passé à batifoler. Il m'avait roulé une sacrée pelle, pour ne pas changer, et j'avais été tant emportée par notre échange que j'en avais oublié de respirer, mais aussi de penser un peu à mon cœur. Mon pauvre cœur qui s'était emballé jusqu'à m'en donner le tournis.
L'instant où Kidd se sépara de moi, où ses yeux dorés encontrèrent les miens, il s'en alla me dévisager. Il détourna ensuite immédiatement le regard et je ne remarquai qu'à ce moment là à quel point ses joues étaient rose. Cela me mit immédiatement mal à l'aise. Comment il osait réagir de cette manière après m'avoir ravalé la façade ? Qu'il était désagréable ! Je roulai dès lors des yeux et apportai mes doigts à sa mâchoire. Je ressentais le besoin irrépressible de le toucher, je ne pouvais pas y échapper. Cela suffit à le faire réagir, nos yeux se croisèrent une seconde fois. Kidd ne parlait pas beaucoup. Ces moments là étaient étranges, alors il avait tendance à ne pas savoir quoi dire, moi y comprise.
"Je t'aime" ? Non. Plutôt mourir.
Kid était romantique, il l'était, c'était la vérité, personne ne pouvait le nier, mais je me voyais mal être toute guimauve face lui. Ça ne nous ressemblait pas.
Je fus prise par l'envie de le saisir, ce fut brusque, soudain. J'avais donc ainsi attrapé ses joues, et puis je m'étais gentiment mise à les pincer, elles étaient chaudes. Douces aussi. Kidd me regarda faire. Son expression outrée me fit gentiment rire, mes épaules en furent secouée et mes yeux se plissèrent.
Lorsque je le relâchai, Kid se leva, il m'emporta avec lui. Une de ses mains descendit dans le bas de mon dos, il en profita pour me plaquer contre son torse et se saisir de mon menton. Il avait enroulé son index et pouce autour de celui-ci. Ses yeux perçants me fixèrent. Il me détailla avec grand intérêt. J'en déglutis.
« T'es morte, on est d'accord ? »
Je ne pus que hocher la tête.
« Alors pourquoi je sens ton cœur palpiter ? »
Sa question me força à détourner le regard. Je répondis néanmoins.
« Tu me rends nerveuse. »
Mon capitaine glissa une traînée de baisers de ma mâchoire jusqu'à ma gorge.
« Toi, c'est différent. »
Il avait murmuré cela et me murmura autre chose, une fois son visage de nouveau face au mien. Nos nez se frôlèrent, ils se touchèrent très légèrement. Un hoquet de surprise me quitta. Puis, il grogna :
« Tu me rends fou. »
Et ce fut à son tour de m'embrasser. Pour la dixième, millième fois ? Je ne les comptais plus... J'étais bien trop occupée à perdre mes mains dans ses cheveux de feu, et à mouver durement mes lèvres contre les siennes.
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lilias42 · 2 years ago
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Acte 3 de "Tout ce que je veux, c'est te revoir..."
Et c'est déjà l'acte 3 ! Ah bah Déesse, je pensais pas que ce serait aussi long ! Mais bon, y a plusieurs intrigues qui se sont mêlés à tout ça donc, au lieu des 3 parties que je pensais faire à la base, il y en aura 4 et jurer, cette fois, il ne devrait pas y avoir de prolongations, ce sera bien la dernière (qui sera affectueusement nommé "les retours de bâtons dans la gueule" vu que c'est à ça qu'elle sert en gros).
Cette partie fait donc suite à ce billet et son reblog et comme lui, il sera divisé en deux parties par manque de place, seconde partie qui passera en reblog.
On reprend juste après le craquage et la transformation de Rodrigue avec ses conséquences.
Comme pour les billets précédents : fans de Lambert, passer votre chemin, cette histoire ne sera pas tendre avec lui car, il mérite à force. Cet avertissement s'applique aussi aux fans de Rufus et de Gustave.
« Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Alix se plia au sol, hurlant de douleur ou pas ou quelque chose ! Sa tête était sur le point d’exploser ! Il était arrivé quelque chose à Rodrigue ! Il avait senti une sorte d’explosion dans sa poitrine et son cœur puis, tout son corps avait comme fondu pour se reconstruire autrement ! C’était tellement étrange ! ça faisait mal et bien à la fois ! Rodrigue !
« Rodrigue ! Qu’est-ce qui t’arrive ?! Dits-le-moi ! Hurla-t-il malgré le fait qu’il sache qu’il n’avait plus de nouvelles depuis des mois. Rodrigue ! »
« Alix ! Alix ! Calme-toi ! Respire !
– Il faut que je le rejoigne ! Il est mal ! Il a mal ! Je le sens ! Quelque chose lui est arrivé ! C’est ce chien idiot ! Je le sais ! Je le sens ! Mon frère est…
Il sentit d’un coup deux mains pratiquement lui claqué le visage, le calmant un peu en le raccrochant à ce qu’il avait pile devant les yeux plutôt que dans le fond de sa tête. Des cheveux bruns-roux brûlés attachés en tresse tout autour de sa tête… des yeux verts… une femme de son âge… elle le regardait droit dans les yeux… ces mains claquées sur ses joues…
– Loréa…
– Oui, c’est moi. Concentre-toi sur ce que tu as autour de toi plutôt que ce que t’envoie Rodrigue pour te calmer. Ça ne l’aidera pas s’il sent aussi à quel point tu paniques… souffle un grand coup.
Alix obéit en essayant de se concentrer sur ce que lui percevait de son environnement, l’odeur d’encre et de papier, le parfum s’échappant de la pomme d’ambre de Loréa, l’humidité ambiante qui était une bénédiction pour eux, le reste d’eau qui ruisselait sur les murs de la forteresse après la pluie… inspirer… expirer… l’angoisse et la peur étaient souvent les émotions les plus contagieuses entre eux et même s’il n’avait aucune idée d’où ou comment était son frère, Rodrigue n’en avait surement pas besoin de plus et lui non plus…
– Mieux ? Finit par demander Loréa.
– Oui… on va dire… je suis dans ma tête plutôt que dans la sienne.
– Bon point. Tu peux m’expliquer ce qui vient de t’arriver ? La dernière fois que j’ai vu un de vous deux comme ça, c’était quand tu t’étais cassé une jambe. Rodrigue a eu mal au même endroit et était aussi frustré que toi.
– C’est contagieux entre nous… c’est assez flou mais, je l’ai senti péter une rêne après avoir reçu un coup en plein cœur… il précisa en voyant l’horreur se graver sur le visage de la fille de Nicola. Métaphorique le coup mais, un coup au moral en ce moment, ça fait tout aussi mal. Ça allait pourtant un peu mieux ce matin… mais tout c’est dégradé d’un coup ! Puis ça a fait très mal et tout était noyé dans ça. Même s’il semblait très soulagé aussi, quelque chose a également beaucoup changé en lui… mais je ne sais pas trop quoi….
– Et maintenant ? Tu le sens comment ?
– Étrange… il est soulagé mais, c’est comme… y a quelque chose qui ne va pas… je n’arrive pas à identifier quoi… en tout cas, il n’a qu’une idée dans la tête : retrouver Félix et rentrer à la maison avec lui.
– Bon, au moins, il est fidèle à lui-même. Tu m’aurais dit qu’il ne voulait pas vous retrouver et partir loin de vous, je me serais encore plus inquiété que je ne le fais déjà, répliqua-t-elle.
– Oui… c’est déjà ça mais, je sens que quelque chose cloche. Il faut que j’aille à Fhirdiad pour en avoir le cœur net ! Mais je ne peux pas non plus abandonner notre fief comme ça ! Et Déesse… qu’est-ce que je vais pouvoir dire à Félix ?! Déjà que lui aussi n’a plus de nouvelle, il doit déjà s’inquiéter comme pas possible !
– C’est clair que c’est étrange. En tout cas, pour le fief, je peux m’en occuper à la place de mon père. On a aussi des personnes de confiance au fort et ma famille est ici alors, ça va. Par contre, il ne faut surtout pas que tu partes d’un coup à Fhirdiad sans préparation.
– Oui, mieux vaut bien se préparer… et prendre quelqu’un capable de me contenir un peu, histoire que je n’extorque pas à Lambert des aveux si ça continue comme ça…
– C’est sûr. On devrait trouver ça, et Estelle et Bernard sont aussi à la capitale donc, s’ils ne sont pas eux-mêmes énervés, ça devrait le faire. Pour Félix par contre…
– Mieux vaut éviter de le rappeler ici tout de suite en catastrophe… je sais qu’il est arrivé quelque chose à Rodrigue, mais pas quoi, c’est le pire, surtout qu’il n’était pas bien depuis longtemps… il est trop petit et doit suffisamment s’en faire comme ça… en plus, si Rodrigue le cherche, il va aller le chercher à Lokris en premier. Vu que nos lettres disparaissent, mieux vaut éviter de compter sur une information qui arrive à l’heure. En plus, les Charon sont nos alliés et sont aussi remontés que nous envers Lambert, ils ne devraient rien lui faire. Si ça se dégrade encore par contre, on le rappellera à la maison.
– Je pense aussi. En tout cas, ça me semble tenir. Si tu ne reviens pas et qu’on n’a plus de nouvelle de ta main ou celle de Rodrigue pendant plus d’une semaine, on envoie des hommes d’armes pour venir vous chercher.
– Ça me va. En tout cas, en attendant, quand on ne sera pas là, qu’importe ce que te dis Rufus ou ses toutous, si on vient te voir pour te quémander quelque chose, dit leur d’aller se faire foutre de ma part. C’est mes ordres, pas tes propres décisions et je suis ton seigneur lige, tu me dois obéissance en premier lieu. Si quelqu’un doit passer avant, c’est le roi en personne, pas le régent ou ses chiens.
– Pas de problème, je pense que pas grand monde sera contre pour désobéir, encore plus s’ils reviennent réclamer notre réserve loogienne… en tout cas, elle posa sa main sur son épaule, on ne va pas te lâcher mais, fait attention à toi. On ne sait pas ce que Rufus nous réserve…
– Je sais… souffla-t-il en sentant Rodrigue se sentir à la fois libre, soulagé, anxieux et mort de peur pour eux. Déesse, qu’est-ce qui t’arrive pour ressentir tout ça… fait attention mon frère… »
Quand il se coucha le soir, Alix se crut dans la tête de son jumeau. Il se glissait sous un couloir de feuilles, les épines le protégeant des chaines et des colliers, regardant les étoiles qui éclairaient sa nuit, la lune et l’Astre Céruléen recevant ses prières… les siennes aussi… il voulait juste les retrouver… lui aussi… il courrait les rejoindre… lui aussi… de la magie courant dans ses veines… qui arrivait dans les siennes…
Des petites plaies de magie s’ouvrirent tout autour de son cœur…
*
Ivy ne comprenait rien. Oswald et elle avaient grimpé en vitesse les escaliers quand ils avaient entendu des éclats de dispute dans la chambre du roi, puis des hurlements humains devenant de plus en plus bestiaux, hurlé avec la voix de Rodrigue. Elle avait pratiquement défoncé la porte d’un coup d’épaule mais, au lieu de découvrir son ami, un immense loup noir comme la nuit et aux yeux bleus se tenait à sa place. Il était bien moins grand que les loups géants mais, il faisait tout de même la taille d’un homme adulte qui avait été envoyé à quatre pattes et dans des proportions lupines. Il l’avait fixé avec ses yeux trop humain puis, avait filé en vitesse, s’enfuyant loin de cet enfer…
« Capitaine… Ivyyyy… »
Noce passa sa tête contre la sienne, comprenant surement autant qu’elle, encore sous le choc de ce qu’elle venait de voir. Elle repéra un tas de vêtement bleu au sol, s’approcha en essayant de mettre les évènements en ordre dans sa tête. La cape était brodée aux armes des Fraldarius, avec des loups tout autour du col, une doublure de fourrure bien chaude… la marin avait arrêté de compter le nombre de fois où elle avait vu Rodrigue enveloppé ses fils à l’intérieur quand ils étaient tout petit… Félicia toute fière d’être arrivé à coudre et broder aussi bien que sa belle-mère, confectionnant aussi les vêtements de sa famille elle-même d’abord avec Aliénor, puis avec le reste de sa famille, tous ensemble au coin du feu. Aucun doute, c’était son travail…
La seule chose qui manquait, c’était le chapelet dont Rodrigue ne se séparait jamais mais, elle savait où il était… elle l’avait vu enroulé autour de la patte droite du loup… comme toujours…
L’incrédulité faisant place à la rage, elle se releva, fixant Lambert qui avait l’audace de se dire roi, puis lui montra les vêtements qu’elle empoignait, lui ordonnant de répondre comme si c’était son pire ennemi. Il avait osé faire souffrir Rodrigue ! Il avait osé faire souffrir son ami et l’homme qu’avait aimé Félicia ! Hors de question de ressentir la moindre pitié envers lui !
« Toi… qu’est-ce que tu lui as fait subir pour que Rodrigue se transforme en loup rat de calle ! Vous trois, les toisa-t-elle tous, qu’est-ce que vous lui avez fait ?!
– Je… je ne sais pas ! » Bégaya Lambert, tout aussi perdu qu’elle et par pitié, déesse, qu’on la laisse l’étrangler ce crétin ! « Il nous a demandés à rentrer chez lui mais, on lui a dit que ce serait mieux pour tout le monde s’il restait, il a commencé à crier et à s’énerver, puis sa magie a explosé en lui et il s’est transformé !
– Tu te fous de moi ?! Tu allais lui refuser même ça ?! Il est en train de crever et toi, tu ne lui donnes même pas de vacances ?! Tu m’étonnes qu’il pète une amarre ! T’es le pire patron du monde ! Même le comte de Gloucester traite mieux ses employés !
– Q… quoi ?! Il m’a dit qu’il était très malade alors, je lui ai dit qu’il pouvait rester ici pour se reposer et se rétablir… qu’Alix pourrait venir et que Félix reviendrait ici en même temps que Dimitri… j’avoue, je n’avais pas envie qu’il parte aussi… je lui fais confiance…
– Oh… pauvre biquet, ton « « « ami » » » est littéralement en train de crever de surmenage et à cause de sa magie en surcharge, et c’est pas aidé par sa dépression car on lui a arraché sa famille et toi, tu penses à ce que tu veux pour toi en premier ! Bravo ! Ami de l’année ! On est fier de toi Lambert ! Cracha Ivy, hors d’elle.
– Dame Drake… commença à menacer Gustave en l’entendant engueuler son petit roi-enfant dans le corps d’un adulte.
– Toi, tu la fermes ! Le coupa-t-elle tout de suite. Je sais que tu étais dans les premiers à le surcharger et à ignorer son état de santé ! Autant toi que l’autre connard ! C’est pas le moment pour la langue de bois ! Vous venez de transformer quelqu’un en loup je vous signale ! Y a quelqu’un avec plus d’une fraction d’esprit qui fonctionne dans cette baraque ou le seul qui réfléchissait pour tout le monde vient de se tirer en courant à quatre pattes ?!
– Elle a raison Capitaine Dominic, intervient Oswald, grave et sévère, serrant sa main. Il mérite qu’on lui dise les choses en face. Ce n’est plus un enfant qu’on dorlote, c’est un adulte, un roi et un père qu’il faut savoir rappeler à l’ordre. Bon, pour commencer, qu’est-ce que vous savez de la situation hors de cette pièce ?
– Je… je sais qu’elle est très difficile et que c’est compliqué d’approvisionner la capitale mais, on arrive à trouver de quoi nourrir tout le monde dans les autres fiefs du Royaume mais, qu’il faut qu’on fasse un accord commercial avec vous car, ce n’est pas tenable autrement… je ne sais pas trop sinon… tout avait l’air d’aller bien jusqu’à aujourd’hui.
– Et qui vous tient informez ?
– Et bien Rufus, Gustave et Rodrigue surtout, répondit Lambert, penaud et ne comprenant visiblement rien à la situation.
– Je voie. J’entends que votre état de santé n’aide vraiment pas mais, vous ignorez visiblement ce qui se passe dans votre propre maison, alors dans votre Royaume… enfin, je vous engueulerais bien moi-même de mon côté mais bon, il y a plus urgent. Pour Rodrigue, je ne saurais que trop vous conseiller d’agir avant qu’un chasseur ne lui tombe dessus. Aussi cru que cela soit à dire, une fourrure aussi belle que la sienne et de cette taille se vendrait une fortune, ce que personne ne boudera étant donné l’état de votre royaume.
– On ne vous demande pas votre avis les derdriens, gronda Rufus en les criblant du regard, comme si quelqu’un comme lui pouvait être menaçant pour qui que ce soit s’il n’avait pas le pouvoir.
– Je ne vous demande pas le vôtre non plus, répliqua Oswald sans être impressionné. De plus, c’est seulement du bon sens. Alix a surement senti ce qui est arrivé à son frère, et il sera certainement furieux s’il garde la raison. Quant à leurs hommes ou les habitants de leur fief, ils seront sans doute dans tous leurs états s’ils apprennent ce qui est arrivé à leur duc, et c’est la meilleure option possible. L’autre, c’est qu’ils sortent les fourches pour venir vous demander une explication eux-mêmes. Avec ceci, son fils et le vôtre ne vont surement pas comprendre, quand ils vont le voir arriver sous la forme d’un loup pour récupérer son louveteau. Il est donc dans votre intérêt à tous de le retrouver rapidement en vie sinon, les conséquences ne tarderont pas à se faire sentir, si vous voyez ce que je veux dire.
Rufus semblait sur le point de mordiller avec ses petites dents, tandis que même si Gustave se sentait clairement coupable, il était également réticent à l’idée de se séparer de quelques hommes pour courir entre Fhirdiad et Lokris afin de retrouver un homme transformé en loup mais, Lambert eut le dernier mot, et intelligent pour une fois.
– Il faut envoyer une équipe de recherche. Il faut le ramener, il faut qu’on l’aide à retrouver sa forme humaine ! Je ne me le pardonnerais jamais s’il lui arrivait quelque chose…
Bon, c’était encore centré sur du « moi, je » mais, c’était mieux que rien. Il ne tirerait surement plus rien de cette tête pleine de vide aujourd’hui, ce serait trop demander d’un coup et même lui pourrait s’en rendre compte alors, Oswald allait se retirer pour revenir plus tard, quand les deux seconds de Rodrigue arrivèrent en trombe avec tous leurs camarades devant la porte. Leur cheffe, Estelle, déclara, froide comme de la glace.
– Le loup qui est passé dans le palais, c’était notre seigneur, n’est-ce pas ?
Lambert blanchit puis, hocha la tête, honteux et c’était navrant qu’il réagisse comme un gamin pris la main dans un pot de biscuit. Si son père le voyait… les fraldariens ne cachèrent pas leur fureur mais, prirent tout de suite leurs mesures en les imposant sans se gêner, n’en ayant surement plus rien à cirer à ce stade.
– On se charge de le retrouver nous-mêmes, et on ne veut pas de fhirdiadais dans nos pattes. Rufus serait capable d’envoyer quelqu’un juste pour lui mettre une flèche en pleine tête. Vous, vous avez intérêt à nous trouver une bonne explication.
Ils s’en allèrent sur ses mots, prêts à s’organiser entre eux. Heureusement, tout le monde n’avait pas rien dans la tête dans ce palais…
Oswald jeta un œil à Rufus. Le régent était hors de lui, c’était évident, et l’occasion de se débarrasser d’un rival était trop belle pour que même un crétin comme lui ne la saisisse pas…
« Hum… mieux vaut prévenir les soldats fraldariens qu’il faudra le prendre de vitesse. »
*
Périandre sortit le nez de son laboratoire, un grand sourire aux lèvres en voyant les petites bêtes s’agiter comme si on venait de lancer une braise au milieu d’elles. C’était mignon… mais surtout, elle était toute excitée ! C’était merveilleux !
« Vraiment, c’est fascinant ! » Gazouilla-t-elle en se mettant à écrire toutes les impressions qu’elle sentait dehors dans les moindres détails, abandonnant une seconde son expérience temporelle, après qu’elle ait rassuré une petite bête inquiète pour l’explosion dans son laboratoire, disant que c’était juste une erreur de manipulation dans la fatigue. C’était le genre de chose à analyser immédiatement avant que ça ne se dissipe ! « Il faut que je convainque Rufus de me le ramener en vie afin que je puisse l’étudier ! Et il l’a fait avec un emblème mineur en plus !
– Veuillez m’excuser Dame Périandre mais, qu’est-ce qui est si extraordinaire à ce genre de transformation ? Lui demanda un de ses assistants.
– Hum ? Elle leva l’œil, un peu ennuyée mais, aussi contente d’avoir quelqu’un à qui exposé tout ce qu’elle savait, ça lui flattait toujours l’ego de le faire. Matricule… 123, c’est ça ? Tu as quel âge déjà ?
– Non, matricule 357, et j’ai environs cent cinquante ans.
– Bien, je comprends mieux ton ignorance alors, en plus du fait que tu ne sois qu’un simple ouvrier. Sache que l’origine même de la transformation est intéressante. Il avait trop de magie en lui et sous l’impulsion du désespoir, elle a réagi en le transformant. Ce n’est pas rare que les inférieurs changent de forme si leur corps ne supporte pas une trop grande force magique : leur magie la plus primitive modifie le corps sur le long terme en lui ajoutant des excroissances par exemple. Évidemment, il y a le cas des transformations à cause des Reliques en l’absence d’emblème, le corps humain n’est pas capable de supporter sa force, même s’il est habitué aux modifications de la magie primitive ou si l’emblème n’est pas présent naturellement dans leur corps. Ensuite, tu as certains sorts qui permettent de se transformer volontairement en animal. Et enfin, il y a ce cas où le corps entrepose trop d’énergie magique et sous l’impulsion des émotions négatives, il se transforme pour anéantir ses adversaires à cause de son emblème. Étant donné que les rejetons de Sothis ont également la capacité à ce transformer en lézards divers, c’est peut-être à cause de cela.
– C’est donc un cas de transformation bestiale à cause de la magie ?
– Tout juste mais, c’est extrêmement rare. Cela fait bien quatre cents ans que je n’en ai pas observer d’autres. Pourtant, ce n’est surement pas le premier inférieur avec un emblème qui craque en quatre cents ans. Ils sont si misérables qu’ils perdent la raison pour un rien. Jusqu’à présent, je supposais que c’était à cause de la raréfaction des emblèmes majeurs. Les emblèmes mineurs permettent de manipuler les reliques mais, ce ne sont que des pales copies des majeurs qui ont des pouvoirs bien plus impressionnant, encore plus par le passé. Le porteur d’emblème majeur de Riegan ne serait pas aussi vieux, je l’aurais déjà capturé pour l’étudier ! En plus, il est bien entouré et j’ai bien l’impression qu’il m’a dans sa ligne de mire alors, ce serait risqué, il n’arrête pas de mettre son nez partout où il ne devrait pas. Bref, tout ça pour dire que ce qui est fascinant ici, c’est que l’inférieur Rodrigue n’a qu’un emblème mineur, ce qui lui permet juste d’utiliser sa Relique sans se blesser, ça ne lui donne pas autant de capacité que s’il avait un emblème majeur. Mais là, il est arrivé à se transformer malgré tout ! Cela remet en cause tout ce que je pensais savoir sur le fonctionnement de cette sorte de magie ! C’est peut-être parce qu’il a un vrai jumeau… l’emblème pourrait entrer en résonnance in utero avec l’autre, ce qui démultiplierait sa force et son potentiel à la manière d’un emblème majeur mais, sans le reste…
Le matricule 357 (enfin, il s’appelait Knossos mais, il était interdit pour un simple ouvrier comme lui d’utiliser son nom en présence d’un esprit supérieur) regarda la Grande Savante s’agiter, notant tout avec enthousiasme, noircissant des feuilles et des feuilles avant de s’exclamer.
– Il faut que je lui mette la main dessus pour le disséquer et voir comment c’est à l’intérieur ! Et j’ai hâte de voir comment réagira l’inférieur Alix vu qu’ils sont liés ! Ce sera diablement intéressant ! Ah ! Entre ça et la redécouverte des travaux du traitre ! J’ai le meilleur laboratoire et les meilleurs cobayes de tout la Sphigxi !
Bon, au moins, elle ne sera pas trop en colère quand ils n’arriveront pas à comprendre les travaux du Traitre Pan… il n’arrivait pas à décrypter ses plans et quand ils les avaient réalisés au premier degré ses plans pour tester, ils ne s’étaient retrouvés qu’avec des petits objets bougeant tout seuls quand on remontait une clé sur leur dos, avec de grandes oreilles ou des détails étranges…
« Faut dire, grand Thalès, à quoi ça sert de faire des automates qui marche tout seul, qui tiennent dans une main de larve et qui fait du bruit ? Enfin, c’était le traitre… il était très étrange… il a fui la ruche sans hésité pour la surface… enfin, avec tout ça, on sera tranquille pour continuer les tests d’explorations temporelles, les humains seront occupés et la Grande Savante satisfaite. »
Quelques temps plus tard, quelqu’un frappa à la porte du laboratoire, assez fort pour tirer Périandre de ses réflexions. Apparemment, le vieux porteur d’emblème majeur rôdait et tentait de savoir ce qui avait causé l’explosion… quel fouineur… surtout qu’il fallait être prudent avec lui… même si cela provoquerait encore plus de chaos dans la création de Sothis, cet homme avait déjà tué trop de leurs agents par rapport à leur production, surtout par un seul inférieur à emblème et son acolyte ratée… même si c’était un inférieur, il faudrait qu’elle reste prudente…
*
« …attends… ça a fini comment ?
Le père Mercier fixa Ludovic, ce dernier tenant son verre en terre cuite entre ses doigts, toujours aussi inexpressif de ton et de visage. Ces traits ne bougeaient pas mais, il commençait à comprendre quand le jeune homme était étonné, énervé, dégouté ou autre… fallait dire, il venait de lui résumer les dernières années du Royaume pour le mettre au parfum. C’était subtil mais, visible quand on faisait bien attention, même si c’était difficile de savoir ce qu’il avait dans la tête. Enfin, même s’il parlait peu, si le tavernier avait bien compris, il travaillait lui-même en politique ou au moins comme administrateur alors, il était assez lucide sur ce qui était bien ou pas, notamment avec cette idée pourrie d’aller se perdre en Duscur qui l’avait complètement atterré.
– Tout le monde est mort… tout le convoi, tous les groupes que je t’ai dits. Les seuls à s’en être sorti, c’est le roi, Lambert, et le petit prince Dimitri.
– Et depuis, c’est le chaos on dirait, gronda-t-il.
– C’est peu dire. C’est surtout que d’après les rumeurs, les caisses royales sont à sec et qu’on a perdu toute la nourriture récolter pour ce voyage pour rien alors, il faut aller chercher de quoi manger ailleurs et refaire les corps d’armée. Parait qu’il a tellement gratté à Gautier que maintenant, les gardes des ports, c’est des paysans qu’on a grimé en soldat. Heureusement que les srengs sont calmes en ce moment sinon, on serait mal au nord. En plus, la femme du margrave est une sreng aussi donc, elle doit calmer les ardeurs de ses camarades.
– Effectivement et on l’espère, même si c’est vraiment grossier comme tactique de déguiser des paysans en soldats, les srengs ne devraient pas se faire avoir longtemps… enfin, ils doivent faire avec les moyens du bords… Et pour le roi et le régent, ils s’en sortent comment ?
Ludovic tient ce qu’il pensait dans son verre. S’il ne se trompait pas, après une telle attaque, Lambert était forcément blessé et Dimitri aussi (Déesse, qu’est-ce qui avait pris à Lambert d’emmener son fils dans ce voyage ?! Il n’avait que treize ans apparemment ! Il était bien trop petit et c’était bien trop dangereux ! C’était évident !). À ce stade, il espérait seulement que Rufus se soit guéri de son égoïsme. Ce gamin détestait prêter ou aider les autres qui n’étaient pas son frère… bon, de ce qu’il avait entendu, c’était mal parti mais, qui savait… après tout, la dernière fois qu’il les avait vus tous les deux, ils tenaient dans ses bras…
– On est bien d’accord. Pour le roi, il est encore blessé alors, c’est son frère Rufus qui gère… Enfin, je crois qu’on a quand même de la chance d’avoir les Fraldarius et les Charon. C’est un des jumeaux, Rodrigue – les deux Fraldarius sont des vrais frères jumeaux – et deux des sœurs Charon, Thècle et Lachésis, tiennent le Royaume comme ils peuvent mais, c’est Rufus qui décide et bordel, c’est le pire régent du monde !
– Pire que Clovis ? Ne put s’empêcher de demander Ludovic, même s’il appréhendait la réponse.
– J’étais pas né mais d’après les grands-mères, pas loin. Il n’écoute rien, il ne pense pas à nous et tout ce à quoi il pense, c’est trouver de l’argent et une armée pour se venger de Duscur tout en se foutant qu’on pleure encore nos morts.
– Il est suicidaire ? Lâcha l’égaré, même si son visage était toujours aussi figé. C’est de la folie de partir à la guerre dans un moment pareil. Je sais qu’on écrase Duscur en temps normal, mais quand même, je n’irais pas crapahuter dans les montagnes alors que tout le monde est sur le point de mourir de disette ou de famine…
– C’est ce qu’on pense tous aussi, les gens raisonnables au palais compris, sauf Rufus et ses sbires et c’est eux qui décident. Au moins, ils n’ont pas le droit de déclarer la guerre tant que le roi est en vie, il est utile pour une fois…
Il leva les yeux en hochant un tout petit peu la tête, malheureusement d’accord avec lui après tout ce qu’il avait entendu.
– Donc, ça fait bientôt trois mois que vous êtes dans cette histoire…
– Ouais, trois mois de galère en espérant que ça se finisse… et t’as à peu près tout… et sinon, tu te souviens de ce qui t’a emmené là ? Enfin, dans cette ruelle dans un nuage de fumée et d’étincelle je veux dire.
Ludovic aurait bien aimé savoir aussi, surtout vu d’où il arrivait… enfin, il ne le croirait pas s’il disait la vérité alors, il mentit, trouvant facilement une excuse.
– J’étais en chemin pour aller à Fhirdiad mais, je me suis fait attaquer par des brigands. J’ai essayé de m’échapper avec un sort de téléportation d’Albinéa mais, soit je me suis loupé, soit il n’était pas au point, et j’ai atterrit ici.
– Puissant le sort si on t’a catapulté de la côte à ici… enfin, ça expliquerait pourquoi t’étais aussi désorienté…
– Oui… au moins, ils n’ont pas eu le temps de voler ma bourse, déclara-t-il en tâtant le sac rempli. J’ai de quoi tenir un moment mais, j’ai intérêt à me trouver du travail. Je devrais aussi vendre mes vêtements pour des plus simples, histoire de ne pas me faire détrousser à nouveau…
– Tu chercherais dans quoi ? Si tu sais lire et écrire, va au palais, ils cherchent des scribes à tour de bras.
– Lire, écrire, compter, je parle et écrit couramment l’albinois, et ma belle-sœur était très érudite, tout comme mon grand frère, ils m’ont appris beaucoup de chose sur l’histoire du Royaume et une partie de son administration, c’est toujours utile.
– Oui, surtout qu’ils ont beaucoup de relations avec nous depuis le bon roi Ludovic. Ah… le père Mercier soupira, nostalgique. On avait un roi avec une tête qui fonctionnait et qui pensait à nous tout le temps… c’était le bon temps… c’est triste qu’il ait été emporté par la tuberculose aussi vite, c’était un bon souverain. Surtout qu’il n’est pas mort vieux celui-là, je crois qu’il avait la petite quarantaine, et encore, à peine… c’est tragique comme sort… il doit rougir de honte dans sa tombe vu le comportement de ses fils…
– C’est sûr, surtout qu’il n’a surement pas dû arriver à mener à bien plusieurs de ses projets ou des réformes pour le Royaume. J’avais lu un livre qui disait qu’il voulait instaurer la monarchie élective, justement pour éviter d’avoir des mauvais rois. Bon, il devait penser à éviter un autre Clovis à la base mais, il a dû ajouter ces enfants à la liste… quel déchéance… soupira-t-il, bien d’accord avec le tavernier à son grand désarroi mais, c’était ainsi. Enfin bon, il faut faire avec. Merci beaucoup pour le verre et pour m’avoir tout expliquer en tout cas.
– T’en fais pas, c’est normal petit. Enfin, tu sais où tu vas dormir au fait ? Si on te prend au palais, tu pourras te débrouiller pour le rationnement mais, ça va être compliqué de trouver une pièce à louer en aussi peu de temps. Si tu veux, tu peux dormir ici le temps de trouver mieux. Les voyageurs, c’est pas ce qui courre les rues en ce moment…
– Merci beaucoup Père Mercier, cela m’aiderait bien en effet. Je pourrais vous donner un coup de main, je suis plutôt fort, même si je vais devoir me limiter pour ne pas trop attirer l’attention.
– Oui, je m’en doute, on voie que tu es musclé ! Ria-t-il en montrant ses bras. Allez, marché conclu ! On a tous besoin de bras en ce moment alors, même s’ils ne te prennent pas au palais, avec tes capacités, tu devrais trouver du boulot facilement !
– Je l’espère… même si je préférerais de loin trouver au palais, ça me permettrait d’être dans les premiers au courant des grandes décisions, cela pourra toujours être utile, surtout qu’il va falloir intervenir aux vues de la situation. Il faut déjà que je me fonde plus dans la masse et si possible, que je me fasse connaitre des autres mécontents. La situation a l’air explosive à première vue mais, il faut voir si la majorité est énervée ou résignée…
Ludovic se levait pour aller au palais, quand une femme entra en trombe, hurlant comme une folle des mots incompréhensibles. Les deux hommes durent la calmer un peu avant qu’elle puisse s’expliquer.
« Un loup ! Un loup de cendre vient de sortir du palais et de la ville ! Et tu ne devineras pas la pire ! Il avait les yeux du seigneur Rodrigue ! Il parait que c’est lui ! Il s’est transformé en loup de cendre ! Même la Déesse nous punit ! »
« Bon, d’accord, j’irais chercher le travail quand tout ce sera calmé. Et qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Braves, par pitié, qu’il ne soit rien arrivés aux jumeaux ! Faites-le pour Guillaume et Aliénor… »
*
Le lendemain, Ludovic se rendit au palais, habillé avec des vêtements plus simples achetés le matin même. Ainsi, il ressemblait à un petit marchand ou quelqu’un qui avait surement reçu une bonne éducation, et il avait assez de manière pour donner le change. Il faudrait qu’il fasse attention à s’adapter à son statut de roturier et éviter de répondre mais bon, il était habitué à faire profil bas pour mieux frapper après.
Il se présenta à la responsable du château qui l’embaucha tout de suite sans poser de question, juste après une dictée et des exercices rapides de calculs pour vérifier le minimum de ses capacités, et on le mit encore plus vite au travail à la trésorerie. Si les rumeurs étaient vraies, tous les scribes et domestiques étaient très vite essorés à cause de la mauvaise gestion de Rufus, même les plus hauts placés comme le duc de Fraldarius… par les Braves… si la rumeur était vrai… enfin, il devait commencé par le commencement et comprendre ce qui se passait dans le Royaume en premier…
Déesse… en quelques heures, le jeune homme ne put que constater que les chiffres n’étaient clairement pas bons… il croirait voir les relevés de compte de Clovis… enfin, il ne fallait rien montrer pour durer, et ce poste était idéal pour connaitre la solidité du pouvoir.
Il étudiait les comptes des levées en masse d’homme et de vivre, prélevés de force sur les autres fiefs, quand ces collèges de travail tentèrent de discuter avec lui alors qu’on leur livrait leur repas, bien rationné, le faisant abandonner ces comptes à contre cœur. Apparemment, tout allait à la capitale mais visiblement, la nourriture était entreposée pour une campagne militaire… vu la situation, ça devait être contre Duscur… comme si le Royaume avait les épaules assez solides pour ce genre de folie, surtout sans preuve que c’était bien eux les coupables…
« …Donc, tu as vécu à Albinéa pendant des années, tu peux nous dire quelque chose en albinois ? Demanda un des plus jeunes.
–Réfléchis, il le parle couramment, il doit savoir tout dire ! Rétorqua une autre. Et de toute façon, personne ici ne pourra le contredire sans demander aux gens de la chancellerie, on en pipe pas un mot !
– Kyllä, puhun sitä sujuvasti, mutta en ole koskaan päässyt eroon aksentistani. « Oui, je le parle couramment mais, je ne suis jamais arrivé à me dépêtrer de mon accent », répondit Ludovic.
– Ah ! C’est particulier comme langue ! S’exclama-t-il avec enthousiasme. J’aimerais bien apprendre !
– Quand on aura deux secondes à nous, et après une bonne sieste et un vrai repas, répliqua encore une autre.
– J’ai entendu dire que la cadence de travail est très difficile à suivre, observa le nouvel arrivant l’air de rien.
– A ça… c’est peu de le dire mais bon, ici, on ne dit rien, c’est des discussions de taverne.
Ludovic hocha la tête en finissant de racler son assiette de soupe, notant tout dans sa tête en déclarant :
– Merci pour ce repas.
– T’inquiète, c’est normal, tu vas souvent passer du temps ici.
– D’accord.
– Et bé, les expressions faciales, ça a pas l’air d’être ton truc, fit remarquer un de ses collèges, d’âge moyen, en le fixant. Ton visage ne bouge pas depuis tout à l’heure.
– Je sais… je n’ai jamais été très expansif ou expressif, c’est un caractère, louvoya-t-il sans plus de précision. J’ai essayé de corriger cela mais, c’est tel que la Déesse m’a fait.
– T’inquiète. En tout cas, hésite pas à dire si quelque chose ne va pas mais que… tu sais, on ne le voie pas ?
– Bien sûr…
Les agents du trésor se remirent au travail, Ludovic étudiant attentivement ces relevés de compte parlant de ces prélèvements. Une partie de ce qui était déclaré aux portes d’octroie semblait disparaitre au bout de quelques jours en réserve… ça sentait soit le détournement, soit le marché noir, soit les deux… il faudrait qu’il pose les bonnes questions aux personnes nécessaires pour ça… la taverne du père Mercier lui sera très utile pour cela.
Il faisait mine d’apprendre comment fonctionnait la trésorerie quand un homme bien nourri entra dans l’étude, visiblement furieux. Le cœur de Ludovic s’arrêta quand il le reconnut… il avait tellement changé, c’était un homme maintenant… dire que la dernière fois qu’il l’avait vu, il…
Rufus hurla toujours aussi fort quand ses yeux tombèrent sur Ludovic, devenant très pale avant de s’empourprer à nouveau de rage.
« Toi ! T’es qui toi ?!
– Ah ! Votre Altesse, nous vous présentons Ludovic Hange, il va travailler avec nous désormais, lui expliqua la cheffe de la trésorerie.
– Alors, vous m’apportez les rapports dans mon étude ! Et que ce ne soit pas lui qui les apporte ! Je ne veux pas le voir ! Et toi, tu n’as pas intérêt à croiser ma route, me suis-je bien fait comprendre ?!
– Bien sûr Votre Altesse, répondit calmement le principal intéressé, remerciant son manque d’expressivité de cacher à quel point son attitude lui faisait mal.
– T’as intérêt ! »
Et il repartit en claquant la porte, sans expliquer pourquoi il était venu à la base. Tout de suite, ses collègues se pressèrent autour de lui, le félicitant sans qu’il comprenne pourquoi, soulagé.
« Merci ! Merci ! Tu es une bénédiction !
– On va enfin pouvoir travailler tranquille !
– Les autres services vont être jaloux !
– Qu’est-ce qui vient de se passer ? C’était le régent ? Il a l’air bien nourri…
– En fait, Son Altesse Royale Rufus vient souvent nous engueuler car, on ne fait pas notre travail correctement mais, c’est surtout qu’on manque de bras et qu’on a pas le temps, ou même l’énergie parfois quand on enchaine les nuits blanches et les repas de misère. Alors, s’il ne veut plus mettre les pieds ici, ça nous arrange, on va pouvoir travailler tranquille ! Et laisses tomber pour le côté bien nourri, c’est le type qui mange le plus à Fhirdiad, il se moque du rationnement et se goinfre toujours autant qu’avant la Tragédie… même s’il préfère un autre genre de bonne chair.
– Je peux faire le tour des services si cela rend service, proposa-t-il, autant pour les aider que pour en apprendre plus un peu partout. Mais il est toujours comme ça avec tout le monde ?
– Je suis sûr que les autres seraient ravis d’avoir des jours de paix ! Et on ne le voyait jamais avant, il se foutait de la politique. Tout ce qui l’intéressait, c’était de s’amuser, surtout avec les joies de la chair si tu voies ce que je veux dire.
– Oui, et il fait bien ce qu’il veut tant que tout le monde est consentant. Enfin, là, il a l’air d’être occupé à autres choses que sa luxure…
– Ouais mais, depuis que Lambert est gravement blessé, c’est lui le régent. Il ne l’a pas jarreté de sa place alors, on est obligé de se coltiner et il agit en tyran. Nous aussi, on préférerait qu’il conte fleurette à on ne sait qui mais, il a viré complètement fou et il a très peur du complot alors, il est persuadé d’être le seul à pouvoir protéger son petit frère. Résultat, il épuise tout le monde et veut nous emmener dans une guerre avec Duscur pour se venger.
– J’ai vu ça dans les comptes effectivement… cela semble bien imprudent… mais bon, je ne suis pas le roi ou même le régent, qui suis-je pour savoir… » ironisa-t-il un peu, même si son cœur était en lambeaux…
Alors, ce serait ça leur futur… de tout ce qui était possible en ce monde, ils…
Ludovic se força à se reprendre. Même si tout ceci lui arrachait le cœur, ce n’était pas le plus important. Même s’il avait visiblement raté, il savait ce qu’il allait faire de toute façon. Le Royaume devait toujours passer en premier, quoi qu’il lui en coute et même s’il devait s’arracher le cœur pour les combattre eux aussi… il n’était pas à son coup d’essai après tout…
*
Rufus fulminait… se transformer en loup… et alors que le grand-duc Riegan était encore là… après s’être évanoui pile devant lui… ce foutu Rodrigue aura vraiment tout fait pour ruiner leurs relations avec l’Alliance ! Il leur aura tout fait jusqu’au bout ! Et comment il s’y était pris pour se transformer comme ça ?! Même Cornélia n’en avait aucune idée !
« Enfin, il est trop ami avec cette barbare de Fregn et les srengs sont capables de se transformer en animal… qu’elle lui ait montré comment faire ne m’étonnerait pas… »
Une fois une lettre envoyée à Kleiman pour parler de tout ceci et avoir ordonné au bureau des missives qu’aucune lettre de fraldarien ne devait être sortir du palais si elle mentionnait cette transformation, il se mit à s’arracher les cheveux sur la situation, quand il entendit la voix de Gustave appelé quelqu’un. Le régent sortit pour lui dire d’engueuler les domestiques ailleurs, quand il comprit mieux pourquoi il paniquait comme ça !
« Votre Majesté, je vous en prie ! Vous êtes encore blessé !
– Non, ce n’est rien, je ne peux pas rester coucher tout le temps. Pas quand Rodrigue…
Lambert était debout dans son étude, en train de sortir des papiers et du matériel d’écriture, même s’il tremblait encore à cause de ses blessures et qu’il devait s’appuyer sur une canne pour rester debout. C’était pas vrai ! Il n’avait rien à faire là !
– Il a raison, intervient Rufus. Tu as failli te faire décapiter et d’accord tes brûlures commencent à bien guérir mais, tu as quand même failli y rester. Tu devrais encore te reposer un peu avant de reprendre le travail.
– Vous ne disiez pas ça à Rodrigue visiblement, répliqua-t-il plus faiblement qu’à son habitude, trop épuisé pour trop leur tenir tête. Lui aussi était à bout de force, et il devait quand même travailler jusqu’à épuisement… argh… dire que je ne m’en rendais même pas compte… et à cause de ça… et Déesse ! Il était épuisé au point de croire qu’on lui avait volé Félix et Alix ! Je n’étais même pas au courant qu’ils lui manquaient autant !
– Ce n’est pas ta faute Lambert, c’est lui qui n’a pas su s’arrêter ou utiliser correctement ses forces, et c’est pour ça qu’il s’est épuisé alors que tout le monde tient encore, répéta encore Rufus.
– Car on lui a laissé le choix ? C’est toi qui m’as encouragé à dire qu’il devait rester ici ! Je pensais que ça l’aiderait s’il pouvait se reposer tranquillement au palais sans devoir faire autant de route ! Pas que ça le ferait encore plus souffrir ! Encore moins au point de le transformer en loup pour rejoindre sa famille ! Pourquoi vous ne m’avez rien dit ?!
– Nous voulions vous préserver Votre Majesté, lui assura Gustave avec compréhension, et Lambert se demanda s’il l’avait été autant avec Rodrigue. Vous étiez très faible, nous ne voulions pas vous inquiéter et vous fatiguer plus que nécessaire.
– Et je vous en remercie tous les deux. Cependant, je ne peux pas rester dans ma chambre à dormir comme ça, encore moins après que Rodrigue se soit épuisé à la tâche comme ça… au point que… » Il secoua la tête en repensant à son ami, son corps qui se déformait après lui avoir hurlé tout ça, son visage qui se déformait mais qui n’était marqué que par une seule émotion avant qu’il ne fasse place à ce loup noir… cette émotion… c’était… il admit, essayant de ne pas trop penser à cela, lui rappelant trop la réalité des choses. « C’est moi le responsable de toute cette histoire après tout, il faut bien que je travaille aussi pour résoudre la situation…
Rufus soupira devant son obstination. Comme si c’était comparable ! Rodrigue était le vassal qui devait obéir et tout faire pour le Royaume au lieu de faire des crises de colère ! Lambert était le roi ! Il était ce qui tenait Faerghus en entier ! Et il avait failli y rester à Duscur lui ! C’était pas juste un peu d’épuisement comme ce bon à rien ! Son petit frère avait été à deux doigts de se faire décapiter ! Il devait encore se reposer un peu avant de retourner travailler ! Cependant, Lambert fit sa tête de mule et insista pour reprendre le travail maintenant ! Mais quelle tête de pioche quand il s’y mettait !
Rufus et Gustave tentaient en vain de le convaincre de continuer à se reposer, quand un scribe que Lambert ne connaissait pas entra dans la pièce après avoir frappé deux coups. Dès qu’il le vit, Lambert crut que ces yeux lui jouaient des tours… cette silhouette… ses yeux vairons… ce visage impénétrable… on aurait dit Ludovic tel qu’il était représenté sur son grand portrait de couronnement ! C’était fou une telle ressemblance ! Enfin, Clovis avait eu tellement de maitresse que personne n’avait aucune idée du nombre de bâtard qu’il avait pu engendrer… certains disaient même qu’il en avait eu un dans chaque ville de Faerghus donc bon, c’était peut-être un de ses nombreux petit-fils… c’était juste…
Rufus s’empourpra en voyant l’homme, lui hurlant après, surement aussi rude avec lui à cause de la ressemblance avec Ludovic.
« Quoi ?! Qu’est-ce que tu veux toi ?!
– Veuillez m’excuser mais, un messager de Charon est arrivé. Il a reçu l’ordre de Dame Cassandra Rubens Charon de remettre en main propre au seigneur Rodrigue Achille Fraldarius la missive qu’elle lui a adressé en tant que cheffe de sa famille. Il nous informe aussi que cette lettre attend une réponse. Je suis simplement venu demander ce que vous comptiez faire étant donné qu’il a disparu. Il a également une lettre de la part du seigneur Félix Hugo Fraldarius pour son père, ainsi qu’une autre pour Sa Majesté le roi de la part de Son Altesse Dimitri.
Et merde ! Il ne manquait plus que ça ! Qu’est-ce que Cassandra pouvait bien vouloir à Rodrigue ?! Et pourquoi elle dégainait sa position comme ça ?! Ce n’était pas son genre ? Elle devait vraiment vouloir une réponse si elle écrivait ainsi, on devait toujours répondre à ce genre de sollicitation. Enfin, au moins, ça confirmait que les lettres de Rodrigue ne disparaissaient, il n’y en avait juste aucune qui était envoyé… même si c’était étrange… mais ça restait la seule explication logique.
Prenant les choses en main, Lambert répondit tout de suite.
– D’accord, je m’en charge.
– Non Lambert, laisse-moi faire. Toi, tu dois…
– Ça concerne Rodrigue alors, je dois m’en occuper après ce que je lui ai fait… et ce n’est pas négociable, insista-t-il avant son grand frère. En plus, c’est la famille d’Héléna…
Rufus râla mais, Lambert le dépassa clopin-clopant sur sa canne, suivant cet étrange serviteur. Déesse… même être à côté de lui faisait le même effet qu’avec Ludovic ! Il n’avait pas la même manière de se tenir, il n’était pas toujours bien droit, le regard droit devant lui comme s’il pouvait lire l’avenir pour tracer sa route comme il le souhaitait mais, cette impression restait… l’impression d’être tout petit… la distance… la froideur… bien malgré les efforts de Ludovic pour plus montrer ce qu’il ressentait, il avait toujours été un homme très impressionnant… Lambert n’était jamais arrivé à comprendre vraiment ce qui se cachait derrière ce visage imperturbable…
« Comment vous appelez-vous ? Demanda-t-il quand cette impression devient trop insupportable. C’est la première fois que je vous voie ici…
– … Ludovic Hange Votre Majesté. J’ai été embauche il y a peu de temps, au lendemain du jour où le loup de cendre a traversé la ville.
– Ludovic Hange, répéta-t-il en essayant de garder son calme. Ludovic est mort il y a quatorze ans et il ne pourrait pas être à peine plus vieux que Dimitri… et c’est un nom courant Hange… c’est le nom qu’on donne aux enfants abandonnés en souvenir du roi Loog qui était bâtard… du calme. Et oui, le loup de cendre… j’en ai entendu parler aussi…
Le regard de l’homme glissa lentement sur lui, ses yeux comme deux billes de glaces roulant lentement dans ses orbites. Ça, c’était le regard « je sais que tu mens, assume ce que tu as fait » de son père quand il faisait une bêtise ! Déesse ! Il savait que ce n’était pas Ludovic mais, c’était dur de s’en souvenir !
– Tout le monde en a entendu parler. Les rumeurs vont surement courir bon train dans tout le Royaume, déclara-t-il l’air de rien.
– Peut-être pas assez vite pour que je ne puisse retarder l’inévitable… il ne faut surtout pas qu’Alix ou Félix le sachent !
Lambert se tut à son tour, même si Ludovic souffla, presque pour lui-même.
– On s’en sort toujours grandi quand on assume ses erreurs afin de les réparer.
Il fit comme s’il n’avait rien entendu, ne voulant surtout pas provoquer une catastrophe avec Alix s’il apprenait ce qui était arrivé à Rodrigue… et Déesse, Félix aurait le cœur brisé en mille morceaux s’il était au courant !
Une fois qu’il eut récupéré les lettres en vitesse, il retourna dans son étude pour les lire. Heureusement, Gustave et Rufus avaient battu en retraite entre temps, le roi serait tranquille pour les lire.
Il commença par découvrir la lettre de son fils, souriant en apprenant que Dimitri se remettait un peu plus chaque jour. Il lui faudrait encore du temps pour pouvoir se relever sur ses jambes mais, il était sûr qu’il pourrait de nouveau marcher dans peu de temps ! Il guérissait déjà si vite !
Cependant, son sourire s’effaça en lisant un des derniers paragraphes avant la fin, fondant sur place.
« Dit papa. Je sais que c’est Rodrigue qui écrit tes lettres – Félix a reconnu son écriture quand il lit celles que tu me fais – et on a plus aucune lettre personnelle de sa part depuis des semaines alors, je te le demande à toi : est-ce qu’on pourrait avoir des nouvelles de lui s’il te plait ? J’aimerais savoir comment il va, Félix m’a dit qu’il était très malade et fatigué quand nous sommes partis alors, je m’inquiète pour lui… Vous pouvez mettre à la fin de chacune de tes lettres un petit passage pour dire comment va Rodrigue s’il le veut bien ? »
Attendez… quoi ? Dimitri et Félix ne recevaient plus de lettre de Rodrigue ? Mais… mais il était persuadé qu’il correspondait avec son fils autant qu’avec Alix ! Ce n’était clairement pas normal !
Cela ne s’arrangea pas avec le paragraphe suivant, rédigé par Félix et qui demandait la même chose.
« …Si tu ne veux pas répondre à mes lettres, tu répondras au moins à celle de Dimitri ! Pourquoi tu ne m’envoies plus rien depuis des semaines alors que je t’en envoie ?! Et pourquoi tu n’envoies plus rien à Alix ?! Ce n’est pas ton genre ! Qu’est-ce qui se passe ?! »
Lambert se mit à paniquer en lisant cela, encore plus après avoir réussi à décrypter la lettre personnelle du cadet de son ami avec un miroir, racontant la même chose sur le même ton. Félix lui écrivait encore des lettres ?! Il n’avait pas de raison de mentir comme ça ! Et la lettre de Cassandra, c’était le pompon ! Ils ne recevaient tellement plus rien de la part de Rodrigue à part les lettres officielles, qu’elle lui demandait officiellement les raisons de son silence ! Qu’est-ce que c’était que cette histoire ?! Qui aurait intérêt à voler le courrier de Rodrigue, Félix et Alix entre eux ! C’était surement des lettres très intimes en plus ! Les jumeaux se disaient tout ce qu’ils ne pouvaient pas dire à d’autres, et celle de Rodrigue pour Félix devaient déborder de son amour pour son fils ! Qui pourrait vouloir les voler pour ne pas les lire ou pire, les lire et regarder dans leur intimité comme ça ?!
Enfin, raison de plus pour qu’ils ne sachent pas ce qui était arrivé à Rodrigue. Ils s’inquiétaient suffisamment comme ça !
Lambert attrapa donc un papier et rédigea le brouillon de réponse pour Cassandra, il demanderait à la chancellerie de le recopier en y mettant les formes. Pour Félix, il la rédigerait en imitant l’écriture de Rodrigue histoire qu’il ne se doute de rien, il n’avait qu’à écrire très mal pour que ça passe. Enfin, il écrivit sa réponse à Dimitri avec son écriture normal.
Quand il apporta la lettre à recopier à la chancellerie et les deux autres signés, ce fut de nouveau Ludovic qui l’accueillit.
« Faites recopier cette lettre comme une missive officielle pour Cassandra Rubens Charon de la part de Rodrigue Achille Fraldarius.
– C’est pourtant vous qui l’avez écrite, fit remarquer l’homme en la prenant tout de même.
– Oui mais, c’est mieux si elle ne sait pas que… que vous savez quoi…
Ludovic parcourut la lettre en vitesse.
Il avait aussi le même regard lourd de déception que son père…
Lambert l’ignora comme il l’avait fait souvent, puis retourna travailler en priant pour qu’on retrouve vite Rodrigue…
*
Rodrigue s’approcha doucement, sans un bruit, puis sauta d’un coup sur le lièvre avant qu’il ne puisse le repérer. Il le tua d’un coup de croc dans la nuque puis, alla le manger tranquillement au soleil. Il avait couru toute la journée hier afin de mettre le plus de distance possible entre lui et sa prison, tout en brouillant les pistes pour que ses geôliers ne le retrouvent pas, puis il s’était caché pour dormir alors, il était affamé ! Il avait alors pris un peu de temps pour chasser, sentant les proies tout autour de lui. Une fois ce lièvre dévoré, il devrait pouvoir tenir un moment avant d’avoir à nouveau faim aujourd’hui.
Le père arracha un morceau de viande qu’il mastiqua en faisant le point : il savait que son petit avait remonté la rivière et était dans cette direction mais, son odeur était ténue. Il arrivait à localiser où il était de tête, comme si on l’appelait dans ce sens-là et pas ailleurs, l’eau dans son sang lui indiquant le chemin à suivre. Au moins, il ne perdrait pas sa trace mais, même s’il savait que c’était à cause de l’âge de la trace, la sentir aussi peu forte l’inquiétait. Son petit était si loin ! Comment il avait pu le laisser être emmené là-bas ?! Rodrigue savait que la meute qui s’en occupait était de confiance mais, le voilà sans nouvelles depuis des semaines ! Il aurait dû l’envoyer en sécurité chez son frère !
Une fois qu’il ne restait plus que les os et la peau de sa proie, le père se lécha les babines avant de se remettre en route, quand il entendit un cri de détresse avec un bruit de chute. Il crut d’abord que c’était un de ses poursuivants mais, l’odeur ne correspondait pas, ça ne sentait pas la poussière et la prison… et cette personne semblait avoir besoin d’aide à l’ouïe…
Rodrigue se dirigea alors vers l’origine du bruit, traversant plusieurs buissons avant d’arriver dans un passage étroit où était creusé une grande fosse à gibier. Coup classique : un trou avec des pieux en bois où la proie tombait et ne pouvait pas remonter, simple et efficace. Enfin, ce n’était pas un cerf ou un autre loup qui était au fond de ce trou mais, un humain adulte qui pleurait. Sa jambe était empalée sur un des pieux, ça devait lui faire mal.
En voyant son ombre, l’humain crut que c’était un de ses congénères mais, blêmit en le voyant, mort de peur. Bloqué à cause du pieu et au fond du trou, il tenta de lui envoyer une pierre sur lui en criant.
« Aaaaahhhh !!!! Un loup ! Va-t-en ! Je ne suis pas mangeable ! Allez ! Part sale bête ! »
« Pourquoi il crie comme ça ? Se demanda Rodrigue en évitant facilement le projectile. Comme si j’allais le manger, c’est meilleur le lièvre… même si j’aimerais bien attraper un faisan… pour quand je retrouverais mon petit, c’est son plat préféré… »
Enfin bon, il faisait du bruit et s’il restait dans cette fosse, il allait soit mourir de froid, soit exsangue alors, il fallait le sortir de là. Le père tâta la dureté du sol et quand il trouva un endroit où il n’avait rien à craindre, il se pencha suffisamment pour attraper l’épaule de l’homme et le tirer vers le haut. Si c’était assez profond pour piéger un loup normal, Rodrigue faisait deux fois leur taille, c’était un jeu de louveteau de récupérer quelque chose d’aussi grand qu’un humain adulte dans ce trou.
Le piégé se débattit en couinant encore, même quand il se retrouva sur le sol normal, mort de peur. Il le suppliait encore de ne pas le manger, ne comprenant visiblement pas quand Rodrigue bougea ses oreilles et son visage pour lui dire qu’il n’avait pas faim. Il hurla de plus belle quand le père passa son museau sur sa plaie. Les pieux étaient fins mais, tout de même assez épais pour blesser ou tuer, ça avait fait pas mal de dégâts. Enfin, ça se réparerait bien…
Se remémorant comment il faisait pour soigner les blessures de son petit, le père passa sa langue sur le trou, laissant sa magie se déverser à l’intérieur pour réparer vaille que vaille les dégâts. Lune ! Comment les humains pouvaient penser que qui que ce soit voudrait les manger avec un gout pareil ?! Il lui faudrait toujours un médecin mais au moins, le blessé ne devrait pas mourir exsangue tout de suite.
« Ma… ma jambe… elle… c’est… c’est toi qui… ? Bégaya-t-il en passant sa main dessus, regardant Rodrigue, complètement incrédule.
– Oui. Enfin, tu ne vas pas pouvoir marcher comme ça… »
Il l’empoigna de nouveau par les épaules sans y mettre les dents mais, comprit vite qu’il ne pourrait pas le tirer jusqu’à chez lui ainsi, il pesait trop lourd et il criait trop comme ça… Rodrigue se coucha donc à côté de l’humain, puis lui fit signe de se mettre sur son dos. De plus en plus étonné, le male humain se mit bon an, mal an sur lui, s’accrochant à son épaisse fourrure. Vu qu’il ne glissait pas quand Rodrigue marchait tout en veillant à ne pas perdre son chapelet, ils partirent comme ça.
« Mon village est par-là, lui indiqua-t-il, le père suivant ses instructions sans souci. C’est… c’est fou… loup… Rodrigue tourna un peu la tête pour le regarder. Tes yeux ressemblent à ceux des humains… est-ce… grand loup… est-ce que tu es un loup de cendre ? Un envoyé de la Déesse ?
– Non, juste un père qui cherche son petit… »
Il le ramena sans souci chez lui, dans les tanières construites avec des pierres et de la terre. Les autres humains se mirent à hurler en le voyant mais, celui sur son dos leur cria en retour.
« Ne vous en faites pas ! C’est moi ! Ce loup divin m’a sauvé ! Ne lâchez pas les chiens !
Heureusement, les autres humains se calmèrent, laissant Rodrigue leur ramener leur compagnon de meute. Ils se mirent à le tirer de son dos, un médecin arrivant vite pour s’occuper de la jambe du blessé qui racontait tout ce qui s’était passé dans la forêt. Il demanda même qu’on lui apporte de l’eau.
– … c’est un envoyé de la Déesse, je vous le dis ! Il m’a tiré de la fosse à gibier du seigneur et il m’a soigné d’un coup de langue ! Comme par magie ! Il ne faut rien lui faire !
– Ce n’est rien… et puis ce que je vous dis que je ne suis pas un envoyé de cette Déesse, mais un père ?
Il allait partir, quand le blessé posa ses mains sur ses joues en lui promettant.
– Je vais faire tourner qu’il ne faut pas s’en prendre à toi. Je le jure, aucun loup noir aussi grand que toi n’aura rien. Merci loup, merci… et une seconde…
Il attrapa sa patte droite, enlevant son chapelet pour lui mettre autour du cou, soufflant avec un sourire.
– Je voyais que tu faisais tout pour le garder autour de ta patte, tu ne le perdras pas comme ça… merci encore, et continue bien ta route Loup Bienveillant…
– Vous aussi, et merci pour l’eau… »
Rodrigue repartit alors dans la forêt, content d’avoir pu aider quelqu’un, puis reprit le chemin vers son petit.
Quand la nuit tomba, alors qu’il s’installait sous un rocher pour dormir, le père ne put s’empêcher de contempler la lune, luisant dans le ciel comme une luciole géante. Elle était si belle… comme la chanson dans sa tête… il se mit alors �� chanter dans sa direction, priant pour que son souhait se réalise et qu’en attendant, cette berceuse arrive à l’oreille de son petit…
*
« …pas la peine de te donner tout ce mal.
– Si ça te change les idées, ça ne me gêne pas. Si ça te gêne…
– Non, c’est mieux que de tourner en rond quand y a personne avec qui s’entrainer…
Félix bougea son pion sur le plateau, jouant le renard dans le jeu alors que les poulets de Dimitri l’esquivaient, Fleuret sur les genoux de son ami ronronnant sous les caresses légères. Il préférait jouer ou s’entrainer dehors d’habitude mais, le jeune garçon piaffait tellement qu’il n’arrivait même pas à rester patient plus de deux minutes avec qui que ce soit. Il n’y avait que Dimitri pour le supporter quand il était d’aussi mauvaise humeur… Dimitri ou Cassandra mais, plus parce qu’elle était immunisée contre ses grognements et de toute façon, elle n’était pas là, elle faisait sa patrouille habituelle dans les montagnes.
« Ça ne fera pas arriver le messager plus vite de grogner tout seul comme ça tu sais, » lui avait encore fait remarquer l’épéiste en le posant à part le temps qu’il se calme. Elle en avait de bonnes !
Enfin, vu que Dedue avait du mal à laisser Dimitri tout seul depuis qu’il avait été empoisonné, la présence de Félix le convainquait souvent de sortir et de s’occuper uniquement de sa sœur ou de lui-même, ou de suivre les cours d’une des cousines Charon, Varvara – ou Véra vu que tout le monde avait des surnoms ici – qui leur apprenait le fodlan. Même si ses blessures se refermaient et qu’il arrivait à rester éveillé et conscient plus longtemps, Dimitri n’avait pas encore le droit de bouger de son lit, ou seulement en chaise roulante et encore. Alors, les deux amis passaient le temps en jouant à des jeux de plateaux ou aux cartes. En plus, ça faisait une occasion pour Dimitri de cajoler Fleuret sans que celui-ci ne s’enfuisse alors, c’était mieux pour tout le monde.
– Il doit arriver d’un jour à l’autre si tout va bien, ce sera vite là, lui rappela le blond en bougeant une de ses poules. En plus Cassandra lui a aussi écrit alors, il sera obligé d’au moins répondre à ses questions.
– Si tout va bien et qu’il ne tombe pas sur de la pluie ou autre chose… et même s’il est à l’heure, c’est encore trop long… enfin bon, c’est comme ça j’imagine… une de plus de gobée.
– Oui mais, je t’ai bloqué, lui fit observer le blond, le pion de Félix complètement encerclé par les siens.
Le plus jeune grogna mais, admit sa défaite, il était nul à ce genre de jeu de toute façon, il avait du mal en stratégie. Dimitri ne cocoricota pas non plus et proposa à la place.
– On joue à la bataille ?
– Tu veux perdre ? » Répliqua Félix, Dimitri n’ayant aucune chance avec les jeux de cartes. Il avait toujours une main terrible, alors une bataille ou même une pêche… même pas la peine d’y penser, c’était partir gagnant d’avance. « On peut jouer à la briscola sinon, j’y joue tout le temps avec Ivy quand elle vient à la maison et qu’on ne peut pas sortir.
– D’accord, si tu me réexpliques les règles, accepta-t-il sans souci en l’aidant à ranger les pions. Je crois que Dedue a laissé le jeu de carte sur le bureau la dernière fois, j’ai essayé de leur apprendre le roi-deux l’autre jour. Il faudra qu’on fasse un barbu tous ensemble une prochaine fois.
Félix hocha la tête, prenant le plateau et le sachet de jetons dans ses mains. Il les rangea à leur place, retrouva le jeu de carte, puis retourna auprès de Dimitri, serrant les dents. Il avait mal à la tête depuis quelques jours et un peu de fièvre mais, ce n’était rien de grave. Il était allé voir le médecin au cas où pour ne pas contaminer Dimitri s’il était malade mais, il n’avait rien. C’était juste l’impatience et l’angoisse qui faisait ça donc, pas la peine de trop s’en faire, même si la guérisseuse lui avait dit de revenir si ça durait trop. Il suffisait que cette foutue lettre arrive enfin et ça irait mieux après, c’était tout. Son père lui dirait enfin qu’il n’avait pas le temps d’écrire ou qu’il s’en fichait de ses lettres ou autre chose puis, Félix pourrait passer à autre chose.
« Arrête de mentir sur ça, ça ne t’avancera à rien et on a tous remarqué que tu veux juste des nouvelles de Rodrigue. »
Il repoussa autant que possible la remarque de Cassandra au fond de son esprit.
Les deux amis étaient à quatre à trois en la faveur de Félix à la briscola, quand Cassandra arriva avec un paquet de lettre dans les mains, sa queue de cheval encore humide après être passé dans les nuages pendant sa patrouille.
« Livraison de courrier pour vous deux ! J’ai aussi ma réponse donc, on devrait être fixé pour de bon !
Le magicien abandonna tout de suite son jeu pour aller prendre sa lettre plus vite, la tournant en vitesse pour faire sauter le sceau en voyant le double destinataire alors qu’il se rasseyait sur le lit de Dimitri, chacun récupérant sa lettre. La chancellerie le réécrivait toujours afin d’être sûr que le messager pourrait le relire, Rodrigue écrivait souvent trop mal pour être lu rapidement, même si quelque chose le dérangea un peu avec juste ce regard rapide dessus. Il comprit pourquoi en l’ouvrant, le problème lui sautant tout de suite aux yeux.
« C’est pas l’écriture de mon père…
– Tu es sûr ? Lui demanda Dimitri alors qu’il décachetait la sienne mais, il avait moins l’habitude que lui de lire Rodrigue, c’était plus difficile de voir la différence, même si elle se voyait comme le nez au milieu de la figure.
– Non… quelqu’un a tenté d’imiter ses pattes de mouches mais, c’est pas les siennes. Je le sais, on a les mêmes ! C’est même quelqu’un qui doit écrire de la main droite qui l’a imité ! On écrit à l’envers d’habitude car c’est plus pratique quand t’écris de la main gauche mais là, c’est écrit à l’endroit ! C’est pas mon père qui a écrit cette lettre ! S’écria-t-il en commençant à paniquer, même s’il fit mine de garder son calme en râlant. Il doit vraiment s’en ficher complètement s’il la fait écrire par quelqu’un d’autre !
– Hum… c’est pas lui non plus qui a écrit ma lettre aussi, c’est plus l’écriture de mon père, même si elle tremble beaucoup… souffla Dimitri en lui montrant sa missive.
– Et pareil de mon côté j’imagine, l’écriture est vraiment trop propre comparé à la tienne, marmonna Cassandra en retournant sa missive, rédigé avec un scripte trop net pour que ce soit Rodrigue ou même Alix – et comment Alix aurait pu écrire une lettre venant de Fhirdiad alors qu’il est à Fort Egua ?! – qui l’ait écrite.
« Mais qu’est-ce qui se passe à la fin ?! »
En lisant sa lettre, son angoisse et son mal de tête ne firent qu’empirer de concert. Rien… rien ne sonnait comme son père… il lui expliquait qu’il était un peu malade alors, il ne pouvait pas trop écrire mais qui lui écrirait plus pour ne pas l’inquiéter mais, ce n’était pas son père ! Ce n’était pas sa manière d’écrire ou de parler et même la forme des mots, c’était pas celle de la maison mais celle de Fhirdiad ! Ce n’était pas Rodrigue qui lui avait écrit cette lettre ! Il en était sûr ! C’était un encore plus gros menteur que lui !
– Mon père dit que Rodrigue est un peu malade alors, il ne pourra pas trop… eh ! Félix !
Le garçon aux cheveux noirs avait déchiré la lettre en mille morceaux dans sa rage, avant de se lever d’un coup pour se précipiter à la porte, ses maux de tête devenant de véritables coups de marteaux contre son crâne. C’était que des mensonges ! C’était pas son père ! Il n’avait toujours pas de réponse et quelqu’un se faisait passer pour lui ! « Un peu malade »… tu parles ! Il était très malade au contraire ! Rodrigue avait le cœur qui battait faiblement quand il était parti et maintenant, on lui disait de ne pas s’inquiéter ?! Mais on se foutait de lui ! Il voulait juste savoir !
– Eh ! Félix !
Cassandra l’appela à son tour mais il ne prit même pas le temps de se retourner, jusqu’à ce qu’elle l’arrête directement en l’attrapant par le bras avant de le forcer à la regarder quand elle lui demanda, le tenant des deux côtés pour l’empêcher de trop bouger et de s’enfuir.
– Où est-ce que tu penses aller ?
– Trouver des réponses là où elles sont ! Répliqua-t-il en se débattant, même si elle était bien plus forte que lui. Lâche-moi !
– Pas avant que tu te sois calmé, lui renvoya-t-elle en gardant son calme et ça l’énervait encore plus de la voir comme ça !
– Lâche-moi ! » Ordonna-t-il en essayant de lui donner un coup de pied pour la faire lâcher mais rien à faire, elle avait trop de poigne ! « Tu sais rien !
Il crut entendre la voix inquiète de Dimitri mais, Cassandra tourna la tête vers son lit, pour lui dire de ne pas bouger peut-être, même si Félix s’en fichait ! Qu’il ordonne plutôt à sa cousine de le lâcher pour le laisser partir faire ce qu’il avait à faire ! A la place, l’épéiste reprit, gardant un ton neutre.
– Non, pas avant que tu te sois calmé. Tu vas faire quoi ? Retournez à Fhirdiad à la nage ?
– Pourquoi pas ?! Je pourrais ! L’eau ne m’a jamais fait de mal ! Cria-t-il encore plus fort, rien que pour la faire aussi monter de ton et la faire lâcher de colère.
– C’est trop dangereux, répliqua-t-elle fermement. Personne n’est un assez bon nageur pour faire toute la descente jusqu’à Fhirdiad, encore moins après la pluie qu’on a eu. Donc, tu attends de te calmer et tu n’y vas pas comme ça.
– Si ! Faut que j’y aille tout de suite ! Maintenant !
– Non.
– Si !
– Non. Je ne changerais pas d’avis et personne ne te laissera partir d’ici tout seul, c’est trop dangereux, insista Cassandra.
– Arrête de faire comme Glenn ! T’es pas lui ! Et ça ne te regarde pas ! Ça concerne ma famille ! Pas la tienne !
– Je sais, et je ne fais pas comme Glenn, je fais juste que j’ai à faire, et ce que j’ai à faire, c’est de ne pas laisser un gosse en colère crapahuter tout seul dans le Royaume alors que c’est le chaos à plusieurs endroits. Tu crois quoi ? Que tu pourras descendre toute la montagne à pied pour aller engueuler ton père sans préparation, vivres ou rien ? C’est pas comme ça que ça fonctionne Félix ! Donc, tu te calmes et on parlera de ça après, ordonna-t-elle sans se démonter.
– Non ! Non ! Et non ! Pas question ! C’est pas lui qui a écrit ma lettre ! C’est pas lui ! Quelqu’un d’autre a écrit à sa place ! Celui qui l’a remplacé dit qu’il est un peu malade mais c’est faux ! Quand je suis parti, il avait le cœur qui battait lentement, c’est pas rien ! Ça aurait tué ma mère si je ne l’avais pas fait avant ! Papa est malade comme elle et ils me disent qu’il va pratiquement bien ?! C’est pas possible ! Je veux savoir ! Je veux savoir ! JE VEUX SAVOIR !!! JE VEUX VOIR MON PÈRE ! JE VEUX LE VOIR ! LÂCHE-MOI !!!
Félix se débattit comme un chat sauvage enfermé dans un filet, essayant de taper et de mordre Cassandra, qui continuait à le tenir par les bras, l’empêchant de vraiment bouger ou de s’enfuir alors qu’il répétait encore et encore les mêmes mots jusqu’à tomber de fatigue quand la colère s’en alla… mais ce fut encore pire sans elle… sans la colère…
– Lâche-moi… ordonna-t-il encore, la voix brisée en mille morceaux. Lâche-moi… je veux… je veux mon père… je veux le voir… je veux le voir… j’en ai marre de ne pas savoir… qu’est-ce qui lui arrive ? Pourquoi il ne me dit rien ? Il est fâché à cause de ce que je lui ai dit, c’est ça ? Pourquoi il ne m’écrit plus ? Pourquoi je ne peux pas aller le voir ? Je… je veux papa…
– Ça, on verra avec mes tantes, mon père et mes oncles, » reprit-elle en le rattrapant alors qu’il tombait de fatigue… il avait tellement mal à la tête… « Repose-toi un peu avant, t’as l’air d’en avoir besoin…
Heureusement, Félix s’endormit presque tout de suite, les joues un peu rouges, le souffle court. Par sécurité, Cassandra posa sa main sur son front, sentit la chaleur sous sa paume… elle n’avait pas assez de connaissance pour savoir si c’était à cause de la crise de colère qu’il venait de faire ou à cause de la maladie ou de l’angoisse mais, c’était pas bon… faudrait qu’elle demande à leur médecin, Laïs, de regarder tout ça au cas où…
« Cassie… l’épéiste se retourna, et vit Dimitri qui s’était approché, rampant sur ses genoux étant donné qu’il n’avait pas encore de force pour se lever. Est-ce… comment va Félix ?
– C’est pas la grande forme honnêtement. Il a aussi de la fièvre alors, ça n’aide pas…
– Oui… il ne le dit pas – et ne lui dit pas aussi, il s’énerverait en ce moment – mais il s’en fait beaucoup pour Rodrigue… il a très peur pour lui… il adore son père tu sais… plus que tout… sa famille, c’est vraiment tout pour lui, même tout son fief… à Egua, le lac est presque comme un membre de la famille ducale… tout ça lui manque beaucoup… plus que tout… je sens que ça lui fait mal d’être là plutôt que chez lui… s’il est venu ici, c’est juste parce que mon père ne voulait pas que je sois sans un de mes amis, même si Dedue et Sasiama étaient là… il est venu sur un coup de tête après sa dispute avec son père… et je crois que Gustave les a un peu forcés à se séparer… en plus… avec Glenn qui…
Dimitri baissa les yeux, hésitant, les posant un peu partout sauf sur son ami. Ça arrivait de temps en temps mais, il refusait toujours d’en parler, surtout quand c’était Félix qui était le premier à le remarquer, ce qui pouvait les amener à se disputer. Ça se calmait vite mais, ça ne devait pas aider entre ça, son angoisse pour Rodrigue et son entêtement à le cacher envers et contre toute son honnêteté.
« Tu m’étonne que le gamin se soit évanoui à force… »
Elle donna un petit coup sur le front de son cousin, déclarant sans hésiter.
– Eh, Dimitri, lève la tête. Félix devrait aller bien si un médecin s’occupe de lui et qu’il accepte enfin de dire honnêtement qu’il s’inquiète pour son père. Je sais qu’il angoisse pour Rodrigue, c’est écrit sur sa figure. Il doit être très fatigué à cause de son inquiétude pour lui et ses deuils. Et à ta tête, tu t’en veux aussi mais, c’est pas ta faute tout ça. Si c’est Lambert qui a voulu et Gustave qui a enfoncé le clou, c’est leur faute à eux d’avoir profité de cette dispute, pas la tienne.
– Oui mais… c’est quand même pour moi qu’il n’est pas avec son père… si j’avais eu la force de lui dire de rester… si j’avais pu le convaincre d’admettre… être plus là pour Félix… l’aider…
– T’étais comment à ce moment-là ? Le coupa-t-elle. Car quand t’es arrivé, tu ne pouvais même pas bouger. Ne te charge pas trop, t’es encore petit, et t’avais pas vraiment ton mot à dire dans toute cette histoire. En plus, toutes tes phrases sont avec des « si » et avec des « si », on mettrait Fhirdiad dans une bouteille qui flotte. Tu ne peux pas réécrire l’histoire. Maintenant, on a cette situation-là alors, faut faire avec, rétorqua Cassandra avant d’ajouter en jetant un regard à l’évanoui, qui s’était calmé un peu. Je ne pense pas qu’il aimerait ça. Vu tout ce qui s’est passé, il doit préférer avoir la vérité et des choses simples. Déjà qu’il n’a pas l’air d’aimer de se prendre la tête… et Théo dirait qu’on est deux mais, c’est pas le moment.
Heureusement, Dimitri finit par hocher la tête. Il faudrait qu’ils en reparlent du coup des yeux fuyants mais, un peu plus tard. Cassandra lui fit un signe de tête, disant sans hésité.
– Allez viens, on l’emmène chez le médecin. Comme ça, tu sauras aussi ce qu’il a.
– Mais tu portes déjà Félix…
– Je vais te porter aussi, t’es pas bien épais. Je porte Thé comme s’il ne pesait rien, même dans son fauteuil, vous ne devez pas être bien plus lourd.
Dimitri hocha la tête, passant ses bras autour du cou de sa cousine, alors qu’elle se relevait sans trop de problème en les portant tous les deux à travers les couloirs. Le prince laissa glisser son regard vers son ami, endormi contre le cou de Cassandra, le souffle court, les joues toutes rouges…
Il vit une main pale caresser son front fiévreux, le calmant un peu… une chanson toute douce résonnant à chaque pas… une des préférées de Félix… une que chantait toujours Rodrigue pour le soigner… mais ce n’était pas la voix du père de son ami…
« Au clair de la lune, le vent chante,
Tu pleures dans cette forêt de cendres,
Les nuages vont alors tous descendre,
Pour que plus jamais, le mal te hante.
Au clair de la lune, les loups murmurent,
Sans un bruit, ils s’approchent de tes blessures,
Ils t’entourent, te réchauffent avec leur fourrure,
Cette protection douce, elle te rassure.
Au clair de la lune, la forêt te protègera toujours ici,
Aux hurlements des loups, la brise te réconforte,
Tous pansent tes blessures et au loin les emporte,
Dans leur rassurante étreinte, enfin tu t’endors guéri. »
Glenn le veillait, prenant soin de son frère, jetant un regard reconnaissant à Cassandra pour s’occuper de lui… son regret de ne pas pouvoir le faire lui-même ruisselant sur son visage et ses joues, les maculant d’écarlate…
– Je suis désolé Félix… » souffla Dimitri, trop conscient que c’était de sa faute si Glenn était mort… ses derniers mots… son gémissement où il appelait son frère, son père et son oncle et voulait revenir à leurs côtés… tout ça car il avait pris ce sort à sa place… Félix qui était tellement inquiet pour son père… de perdre encore un membre de sa famille qu’il s’en rendait malade… « Je suis désolé… mais ne t’inquiète pas… tu vas vite le retrouver, je te le promets… Dimitri osa lever timidement sa main pour la poser à son tour sur la joue de son ami. Je ferais tout pour que vous ne soyez plus jamais séparé, je te le promets…
*
Dimitri était assis comme il pouvait dans une chaise roulante à côté du lit de Félix, refusant de le quitter, même si Laïs insista en le poussant dehors.
« Il a attrapé une mauvaise fièvre. C’est surement l’angoisse et la tension de ses derniers jours qui l’ont fait tombé malade mais, vous êtes trop fragile pour rester auprès de lui Votre Altesse alors que nous ne sommes pas encore sûr de ce qu’il a. Vous lui rendrez visite quand il ira mieux et que nous serons sûr que ce n’est pas une grippe ou pire, une peste ! »
Hélas pour lui, Cassandra n’était pas de son côté et lui dit aussi de rester à l’écart pour ne pas attraper ce qu’il avait. Le fautif savait que c’était la meilleure chose à faire mais, c’était tellement frustrant ! Il voulait tellement être auprès de Félix ! C’était à cause de lui s’il était aussi loin de son père et s’inquiétait comme ça ! Il devait au moins s’occuper de lui alors qu’il était malade !
Alors, même si c’était mal de désobéir dans une situation comme ça, il demanda à Dedue de le ramener auprès de l’alité sans se faire voir. Il y serait allé tout seul mais, il n’aurait pas assez d’énergie pour faire tout le chemin, surtout quand il faudrait gravir des pentes. Cassandra était repartie en patrouille, ça ne se verrait pas… au début, son nouvel ami refusa, rétorquant que c’était dangereux pour sa propre santé mais, Dimitri insista tellement qu’il arriva à le faire craquer, même si Sasiama ne comprit pas trop pourquoi elle devait rester en arrière pour ne pas être contaminé et pas lui.
« Je t’expliquerais après, promis… »
Dedue le poussa donc à travers les couloirs sur sa chaise roulante, se faisant aussi discret que possible. Heureusement, cette forteresse était une véritable ruche avec beaucoup d’agitation, c’était plus facile de passer discrètement, et elle était adaptée pour que des personnes en chaise roulante comme Théo puisse s’y déplacer seul avec l’habitude…
Une fois devant la chambre de malade de son ami, Sasiama vérifia que Laïs n’était pas là, ce qui était le cas. Dimitri les remercia, puis entra lui-même dans la pièce.
Sa gorge se serra en voyant son ami, haletant et transpirant, les joues toutes rouges… la fièvre l’avait fait tombé d’un coup… il était rarement malade mais, quand ça arrivait, il l’était toujours beaucoup…
Se redressant comme il pouvait sur ses appuis flageolants, le blond remplit le verre à côté du lit de son ami d’eau bien froide, puis se hissa à côté de Félix, récupéra le gobelet et le fit boire lentement. Le frais et l’eau lui feraient du bien… toujours pour l’eau… après tout, c’était une maladie et une chambre de malade normal…
« … »
Normal…
« Félix… »
Parfaitement normal…
« Félix… réveille-toi petit frère… »
Dimitri sursauta, heureusement quand il eut fini de donner de l’eau à son ami, comme toujours quand ça arrivait ces derniers temps, sauf tout à l’heure où il n’avait pas été surpris de le voir. La voix caverneuse de Glenn résonnait tout autour de lui puis, il apparaissait, couvert de blessure, la poitrine explosée comme quand il était mort… pale… vide de sang… sauf ses mains brûlées dévoilant les os…
Pleurant toujours de remords et de regret, il prit alors son frère dans ses bras comme pour le porter mais, seul son esprit le suivait, la longue natte de Glenn ne le traversant pas contrairement à son corps…
« Non ! »
Le fautif se jeta sur Félix, comme si ça pouvait empêcher son âme de s’échapper, pleurant alors qu’il suppliait Glenn en serrant lui-même le corps endormi contre son cœur, comme si ça suffirait alors que cela n’avait pas marché pour Glenn à Duscur.
« Non… non… non… par pitié Glenn… je suis désolé… ne le prend pas… ne le prend pas… je sais qu’il te manque, tu me le dis tout le temps mais, par pitié, laisse-le vivre… je t’en supplie… je sais que c’est ma faute si tu es mort mais, je t’en supplie… laisse Félix vivre… je t’en supplie Félix… vie… vie… vie… ne pars pas… je t’en supplie Félix ne t’en vas pas… »
Dimitri sentit alors son ami trembler, et il l’appela encore en prenant sa main en priant pour que ce ne soit pas son imagination qui lui jouait des tours.
Dimitri pleura de joie en la sentant se contracter dans la sienne…
*
Alix se laissa tomber dans son lit. Encore et encore et encore des toutous de Rufus venant leur réclamer des soldats et des vivres pour Fhirdiad… qu’est-ce que Rufus pouvait bien en vouloir en faire à part pour sa guerre inutile ? En tout cas, il était à deux doigts d’en mordre un, il avait tellement mal à la tête… il ne pouvait pas se permettre de leur laisser plus de nourriture, il en avait besoin pour nourrir son fief… et le plus jeune jumeau n’avait toujours pas de nouvelle de Rodrigue. Tant qu’il n’avait pas de nouvelle, hors de question d’obéir à qui que ce soit ! Il voulait tellement savoir ce qui lui était arrivé !
Alix savait que son frère se sentait soulagé à présent, comme libérer de quelque chose mais, il était aussi angoissé, mort de peur… il était sûr que c’était pour Félix et lui… surtout Félix… Alix savait se défendre, Félix était encore un louveteau que la meute devait protéger… le seul petit qui lui restait et qu’il protégerait de sa vie, encore plus après avoir perdu Glenn ainsi… Alix n’aurait pas aussi peur que Rodrigue n’ait pas l’information alors qu’il cherchait son louveteau, son neveu serait déjà en train de rentrer à la tanière… il devait aussi être inquiet en plus, lui aussi n'avait plus de nouvelle de son père… et s’il se fiait à la lettre qu’Ivy lui avait envoyé, Rodrigue n’avait pas non plus de nouvelles de Félix et Alix… qu’est-ce qui se passait dans ce bordel à la fin ?
Il était si fatigué de tout…
Quand il s’enfonça dans le sommeil, Alix entendit un chant arrivé jusqu’à ses oreilles, alors qu’il dormait sur un lit de mousse, éclairé par la lune. Il le reconnut tout de suite…
« Rodrigue… »
Évidemment qu’il le reconnaissait tout de suite… il était son frère et son frère était lui… la mélopée s’enfonçait dans sa tête…
Il ouvrit alors les yeux et le vit enfin, assit sur un rocher, les yeux tournés vers la lune en lui suppliant de lui transmettre ce message…
« Je vais revenir, je te le promets… attend-moi mon frère… je vais chercher mon petit et j’arrive… je vais bientôt te retrouver… »
« Rodrigue… souffla-t-il en se réveillant, sentant la magie de son frère couler dans ses veines. Je sais, même si je te rejoindrais… on ira le chercher ensemble, d’accord ? Je suis sûr que tu comprendras et on se retrouvera plus vite comme ça… »
*
Le surlendemain, Dimitri avait enfin le droit de rester auprès de Félix pour le veiller et s’occuper de lui. Félix avait tellement de fièvre… le fautif avait l’impression que s’il tournait la tête une seconde, Glenn allait revenir pour l’emmener avec lui, même s’il n’avait plus recommencé depuis le premier jour… pas quand il était là en tout cas… Fleuret dormait à côté de son maitre, tout calme, même s’il semblait aussi inquiet.
« Je sais… il passa sa main sur la tête du chat, mesurant autant qu’il pouvait sa force. Moi aussi, j’ai hâte qu’il guérisse…
– Dmitri, on peut entrer ?
– Ah ! Dedue ! Bien sûr !
Le fautif fit tourner son fauteuil roulant comme lui avait montré Théo pour regarder le duscurien entrer, Sasiama lui tenant la porte alors qu’il avait les mains pleines d’un grand plateau.
– À table ! S’exclama-t-elle.
– Du calme Sasiama, il ne faut pas faire trop de bruit à côté d’un malade, on risque de le réveiller, la rappela à l’ordre son frère.
– Malheureusement, je crois que Félix dort trop profondément pour que ça le réveille, avoua tristement Dimitri. Il respire mais, impossible de lui faire ouvrir les yeux.
– Il lui faut du temps et beaucoup d’énergie pour guérir, lui rappela Dedue en lui donnant son bol de soupe, puis celui de sa sœur, laissant le sien de côté pour attraper le bouillon de légume et de volaille de Félix.
– Je m’en charge, ne t’en fais pas, lui assura le fautif en se penchant pour récupérer le bol.
– Tu es encore faible Dmitri, tu risques de trembler en lui donnant et c’est encore chaud. Je ferais mieux de m’en occuper, lui fit observer Dedue.
Il aurait voulu protester mais, il dût se rendre en voyant sa soupe s’agiter dans ses mains, toujours couvertes des bandages de givre de son ancêtre, ayant encore du mal à contrôler son corps. Il hocha donc la tête et laissa le duscurien nourrir son ami endormi. Sasiama racontait leur cours de Fodlan au fautif quand ils entendirent les éclats d’une dispute montés depuis la cour du château. La petite fille sauta tout de suite sur ses pieds pour aller voir ce qui se passait à la meurtrière avant de dire.
« C’est Phébus qui se dispute avec des gens qui portent les mêmes couleurs que Dmitri !
– Des gens qui portent mes couleurs ? Ce serait des agents de mon père ou de mon oncle ? Et pourquoi ils se disputent avec lui ? La questionna-t-il.
– Humm… j’arrive pas à comprendre… je suis désolé… souffla-t-elle avec une moue triste. J’ai fait des progrès en fodlan pourtant…
– Ne t’en fais pas, c’est normal, surtout d’aussi loin… il serra le poing autour de l’accoudoir, avant de décider en faisant tourner ses roues. Je vais voir ce qui se passe, je vous confie Félix. »
Il roula jusqu’à la porte où il demanda à un des gardes de l’emmener jusqu’à la cour. La femme hésita un peu mais, finit par obéir, mettant le fauteuil sur son dos à l’aide de sangles disposé au dos du siège, puis ils descendirent en vitesse jusqu’au lieu de la dispute. Se tenant comme il pouvait, Dimitri entendait de plus en plus distinctement ce que les adultes disaient.
« …nous avons déjà donné suffisamment à la couronne ! S’exclama son oncle Phébus, le mari de Myrina, qui assurait la suppléance du poste de comtesse le temps qu’ils choisissent la successeuse de sa femme. Le régent devrait savoir qu’il ne peut nous forcer à ouvrir nos réserves loogiennes, même le roi n’en a pas le droit, et ils semblent confondre nos coffres et ses propres poches ! Nous avons déjà envoyé tout ce que nous pouvions, que ce soit en homme ou en vivres, nous ne pouvons pas nous permettre de donner plus, encore moins sans garanti.
– Je comprends votre réticence, surtout que votre famille a été durement touchée par la Tragédie. Mais n’est-ce pas une raison de plus qui devrait vous motiver à apporter votre soutien au régent dans ses ambitions et objectifs pour le Royaume. Nous avons besoin de troupes pour protéger la capitale, en particulier la famille royale, ainsi que pour faire payer à ses monstres de duscuriens ce qu’ils ont fait aux nôtres…
– Ils ont besoin de tout ça car aucun des deux ne sait tenir ses comptes et sa maison correctement ! Ma belle-sœur aurait pu en témoigner si elle était encore parmi nous ! S’écria l’homme, furieux. Et c’est aussi lui qui a emmené mes neveux, mes nièces, mes beaux-frères et sœurs et ma propre femme à la mort ! Et il voudrait que nous continuions à tout lui donner sans poser de question ?!
– Mais ce n’est pas Sa Majesté qui les a tués ! C’est les duscuriens qui les ont massacrés sans crier gare alors que…
– Et t’as des preuves Christophe ? Intervient Cassandra en le coupant sans se gêner. Car à part que c’était sur leur territoire, on a aucune preuve que c’était bien eux ! T’as vu la tête de leurs montagnes et le nombre qu’ils sont ? C’est impossible qu’ils puissent savoir tout ce qui se passe dans ces montagnes et un groupe d’ennemi a très bien pu s’y faufiler sans qu’ils s’en rendent compte. C’est pas comme si on savait tout ce qui courent dans le Royaume aussi ! On le sait, on a les mêmes en plus petites ici !
– En plus, les deux témoins sont formels sur ce point, ce n’était pas des duscuriens qui les ont attaqués, autant selon leur apparence que selon leur uniforme, ajouta Théo avec plus de calme. Si on passe ça devant un tribunal qui n’a aucun lien émotif avec la Tragédie de Duscur, jamais ils ne seraient considérés comme coupable alors, il va falloir nous prouver leur présumé culpabilité avec plus que ça. Tant qu’il n’y a pas de preuve solide de leur culpabilité, ils sont innocents.
– Mais c’est évident ! Rétorqua la même voix qui devait être celle de Christophe, alors que le soldat reposait le fauteuil de Dimitri au sol, ce dernier le remerciant pour son aide.
– C’est pas une preuve ! Répliquèrent sans hésiter le frère et la sœur.
– Allons, allons, inutile de vous énerver ainsi, commanda celui semblait être le chef des agents de Fhirdiad. De toute façon, vous ne pouvez désobéir aux ordres du roi. J’obéirais gentiment si j’étais vous d’ailleurs. Ce n’est qu’un conseil mais, je serais vous, je serai le plus docile possible pour éviter de subir le même sort que le duc de Fraldarius…
– Qu’est-ce qui se passe ?
Dimitri roula sans hésité une seconde dans la cour, fixant le commandant avec l’emblème de Blaiddyd barré sur son pourpoint. Un homme de son oncle donc… l’homme hoqueta un peu en le voyant, déclarant rapidement.
– V… Votre Altesse ! Vous ne devriez pas vous reposer ?
– Je me sens beaucoup mieux ici mais, ne changez pas de sujet, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi mon oncle veut autant de soldats et de vivres ? Pourquoi il veut attaquer Duscur ? Les duscuriens n’ont rien fait de mal ! Ce n’est pas eux qui nous ont attaqué mais, des magiciens très pale en rouge et noir et avec des masques de corbeaux ! Les duscuriens nous ont même sauvé la vie à mon père et à moi et se sont occupés de nos morts les premiers ! On devrait les remercier au contraire ! Ça ne sert à rien de les attaquer ! Et qu’est-ce qui est arrivé à Rodrigue pour que vous parliez de lui comme ça ?
– Il s’agit d’ordre de votre oncle Votre Altesse. Son Altesse le régent a ordonné à tous les fiefs de lui envoyer des soldats en renfort à la capitale ainsi que des vivres. Nos réserves sont très limitées et des tensions commencent à éclater. De plus, il y a eu un… un léger accident lors de l’arrivée du grand-duc Oswald von Riegan à la capitale, provoqué par Sa Grâce le duc de Fraldarius… se marcha-t-il tout seul dessus et heureusement que Félix n’était pas là, il s’énerverait encore plus avec tout ça !
Dimitri serra les poings sur ses accoudoirs, répétant la question de Glenn qu’il était le seul à entendre, furieux de ne pas pouvoir faire cracher le morceau lui-même à l’émissaire.
– Que s’est-il passé ce jour-là alors ? Rodrigue ne ferait jamais rien contre les intérêts du Royaume volontairement, je le sais. Et je n’ai plus de nouvelles de lui depuis des semaines, ni moi, ni Félix qui en est malade tellement il s’inquiète. La dernière lettre qui est arrivé de sa part était même fausse. Est-ce que c’est à cause de mon oncle si nous n’avons plus de lettre de sa part ?
– J’ai bien peur que ce soit des choses d’adultes un peu compliqué pour vous Votre Altesse… vous devriez seulement penser à votre rétablissement…
– Je ne vous demande pas si c’est trop compliqué pour moi ou non, seulement de m’expliquer ce qui s’est passé. Et je peux penser à autre chose. Si ça concerne Rodrigue, ça concerne Félix ! Je veux qu’il se rétablisse aussi et il ne le pourra pas sans savoir ce qui arrive à son père ! Alors, répondez à mes questions !
– Votre Altesse… je ne pense pas que…
– Répondez, c’est un ordre ! Le coupa tout de suite le prince sévèrement, son ton n’admettant aucune objection.
– V… Bien Votre Altesse… le seigneur Rodrigue a énormément travaillé pour tenir le Royaume et préparer la venue du grand-duc, encore plus quand les Dame Lachésis et Thècle Charon ont été vérifiées que les impôts ordinaires du domaine royal rentraient bien dans les caisses du Royaume.
– Pourquoi mon oncle les a envoyés elles et pas quelqu’un d’autre ? Elles sont très importantes pour l’administration et Rodrigue aurait bien eu besoin d’aide ! Mon oncle les a fait remplacer par qui ?
– Elles étaient les plus qualifiées pour cette mission et… et par personne Votre Altesse. Il s’occupait seul de tout préparer, à part pour la sécurité qui était à la charge du Capitaine Gustave Dominic.
– Il était tout seul ?! Hoqueta-t-il, choqué et déjà inquiet, Glenn devenant encore plus livide et inquiet en entendant ça. Mais c’est… kof ! Kof ! C’est beaucoup trop de travail pour un homme seul ! Et mon père n’a rien fait ?!
– Votre oncle le régent a estimé qu’il était à la hauteur de cette tâche… et votre père était encore alité quand je suis parti. Il n’est pas en état de prendre des décisions ou de régner, tout est gérer par son frère votre oncle.
– Et qu’est-ce qui est arrivé pendant cette rencontre ?
– Le duc de Fraldarius a… l’homme de Rufus hésita un peu, ne sachant visiblement pas comment lui dire avant d’avouer, regardant ailleurs avant de le fixer à nouveau dans les yeux, bien moins courageux face à lui que face aux Charon. Il a eu une petite faiblesse et s’est malheureusement évanoui de fatigue quand il a accueilli le grand-duc…
– Quoi ?! Rodrigue s’est… kof ! Kof ! Maudite fumée ! Il en reste encore un peu !
– Votre Altesse, commença-t-il avec une fausse attention, cherchant surtout à couper la conversation. Vous devriez…
– Je vais bien ! Mais vous êtes en train de vous servir de Rodrigue, qui s’est épuisé pour le Royaume, pour menacer Phébus ? Il a tellement travaillé qu’il s’est évanoui ! C’est mon oncle qui devrait être puni pour avoir fait ça ! Pas lui ! Il n’a pas le droit de le punir pour avoir été trop dévoué ! En tout cas, je vous interdis de prendre quoi que ce soit ici ! Lokris a besoin de ses réserves aussi et les Charon ont beaucoup donné ! Comme tout le Royaume ! Dites à mon oncle d’arrêter de demander autant aux autres ! Eux aussi ont besoin de manger et de vivre ! Et dites-lui aussi que je veux de vraies nouvelles de Rodrigue ! Je veux une lettre avec son écriture et pas une fausse comme la dernière ! ça a rendu Félix malade tellement il s’inquiète alors, hors de question qu’il s’en fasse encore plus ! Il veut la vérité sur ce qui arrive à son père ! Si c’est ce que Félix veut, je le veux aussi !
L’homme n’eut pas d’autre choix que de courber l’échine devant sa colère, déclarant platement en s’inclinant devant Dimitri qui s’était redressé comme il pouvait sur son siège, essayant d’être plus impressionnant en ignorant la douleur qui lui rongeait le dos et la gorge, restant toujours malgré tous les efforts de son ancêtre pour le soigner.
– B… Bien Votre Altesse, il en sera fait selon vos ordres…
Glenn sourit en le voyant se soumettre ainsi, puis refila auprès de son frère, alors que les Charon firent remplir toutes les formalités de leur venue avant de les laisser partir. Cela laissa le temps à Cassandra d’attraper Christophe par le col pour le tirer dans un coin où elle allait surement lui faire la leçon avec Théo, les deux ne cachant pas leur désaccord avec tout ce que leur ami faisait depuis la Tragédie. Phébus soupira, passant sa main sur son front alors qu’elle marmonnait.
« Quelle bande de crapules… merci pour votre aide Votre Altesse, ils sont têtus comme des troupeaux de mules.
– C’est normal… hacha-t-il, la gorge toute sèche après avoir autant parlé. Kof ! Kof ! Le principal, c’est que… kof ! Que vous ayez encore vos… argh… vos réserves…
Il lui apporta un grand verre d’eau, le laissant boire tout son saoul tranquillement, avant que le fautif n’avoue, tremblant encore plus sous l’effort.
– Je m’inquiète pour Rodrigue… tout ça… tout ça cache quelque chose… en tout cas, j’espère que cette fois, on aura la vérité… il jeta un œil vers la chambre de son ami, inquiet. Au moins pour Félix… juste… juste savoir pourrait peut-être lui faire du bien… qui sait ? Peut-être qu’il guérira s’il entend ce qui est vraiment arrivé à son père… je… j’aimerais tellement qu’il se réveille…
Phébus répondit en passant sa main sur ses cheveux, un encouragement silencieux, compréhensif et patient…
– Que la Déesse t’entende…
*
Oswald regardait les hommes de Rodrigue s’organiser et partir à la recherche de leur duc. Ils avaient pour plan de remonter la rivière en passant la forêt au peigne fin avec des chiens qui étaient dressés pour suivre une trace mais, pas pour attaquer, et plusieurs d’entre eux connaissaient Rodrigue depuis longtemps et avaient sa confiance. Même transformé en loup, il ne devrait pas les craindre et attaquer. Estelle et Bernard restaient ici afin de gérer les troupes fraldariennes, ainsi que pour surveiller le roi de près. Ce n’était pas la meilleure des situations mais, c’était mieux que rien.
« J’espère qu’ils le retrouveront vite… marmonna Ivy en les fixant.
– Je l’espère aussi, ce sera mieux pour tout le monde… bon… il se hissa sur ses jambes. Je ne sais pas pour vous mais, j’irais bien en ville pour voir si des rumeurs sur ce qui s’est passé ont commencé à se répandre ou l’état d’esprit général. Qu’en pensez-vous ?
– Que j’ai pas vraiment d’autre choix que de vous suivre mais bon, ça s’annonce intéressant. S’il faut cracher sur Lambert, je vous fais ça gratuitement.
– Quelle générosité, sourit-il. Pour le moment, il faudra surtout écouter. Les rumeurs sur ce qui s’est passé au palais ont déjà dû bien enfler. Je serais curieux d’entendre les réactions de tout à chacun… J’aimerais bien aussi creuser sur l’odeur de cadavre que dégage cette Cornélia et l’explosion dans son laboratoire… elle me dit quelque chose mais, j’ai du mal à me souvenir de quoi, je n’ai pas vraiment eu le temps de bien creuser… Enfin, pour le moment, concentrons-nous sur Rodrigue, c’est le plus récent et le moins suspect.
Ils allaient se mettre en route pour une des tavernes de la capitale, quand Gustave arriva vers eux, comme un roquet qu’on envoyait aboyer sur les voisins. Bon, Oswald devinait déjà ce qu’il allait leur dire, c’était prévisible, et seul le chaos qui avait régné dans le palais l’avait empêché de le faire avant, débordé par les demandes autour du « loup de cendre », surtout qu’il avait tenté en vain de les convaincre que ce n’était pas Rodrigue, tous ceux qui avaient vu ses yeux l’avaient reconnu. Par contre, plus personne n’en parlait au palais depuis que Rufus avait menacé les trop bavards de leur faire couper la tête. Il ne se cachait même plus à personne, à part de son petit frère… comme quoi, il n’était pas prêt à assumer du tout. Il leur avait même interdit d’approcher de Lambert… un vrai roi fantoche… il n’aurait pas conduit son propre peuple à la mort et transformer son soi-disant ami en loup, Oswald aurait presque pu avoir pitié de lui… presque.
– Seigneur Riegan, Capitaine Drake…
– Capitaine Dominic, répondit le grand-duc en le coupant. Que nous vaut l’honneur ? Pouvons-nous enfin dire deux mots au roi ou il a autre chose à faire de plus important ?
– Je suis plutôt venu vous conseiller de retourner dans l’Alliance. L’accord est signé et accepté par tous les membres du conseil présent à Fhirdiad. Il serait sans doute plus sage pour vous de rentrer dans votre fief.
– Hum… moi qui trouvais que la situation commençait à devenir intéressante. Vous m’incitez poliment à dégager en somme.
– Ne soyez pas si téméraire. Comme vous l’avez sans doute remarqué, les difficultés de ses derniers jours rendent la tâche d’assurer la sécurité de tous à chacun difficile. Nous ne voudrions pas provoquer un accident diplomatique s’il vous arrivait quoi que ce soit…
– Vous voulez rire ? Gloucester vous remerciera de tout cœur d’avoir réussi à me tuer. Les deux derniers qui ont essayé se sont pris une flèche en pleine tête ou un coup d’épée dans la gorge sans arriver à vraiment me blesser. Croyez-moi, vous devriez plus vous soucier de vos concitoyens que d’un vieillard comme moi. Enfin, je comprends que notre charge soit lourde pour vous. Même si nous avons apporté nos propres vivres, nous sommes assez nombreux si on se fie à vos moyens…
Gustave garda le silence, ne voulant surement pas admettre que le Royaume n’avait pas les moyens de nourrir une suite aussi petite que la sienne. Il n’y avait que des personnes en qui il avait confiance et des personnes qu’il était obligé de se coltiner, il était très peu nombreux contrairement à ce que son rang exigerait. Ne pas arriver à s’occuper correctement d’eux était un aveu flagrant de faiblesse. Oswald continua alors :
– Toutefois, j’aimerais pouvoir m’entretenir à nouveau avec votre roi, cela fait un moment que je ne l’ai pas vu. C’est lui qui va devoir gérer comment vous allez vous organiser pour nous rembourser, comprenez que j’aimerais mettre au clair plusieurs points du contrat avec lui.
– Sa Majesté est très fatiguée, les derniers évènements l’ont privé de ses forces, même s’il insiste tout de même pour travailler, ce qui n’arrange rien.
– Oui, et lui, son bâtard de frère et toi, vous avez privé Rodrigue de sa forme humaine, répliqua Ivy sans le louper. Grâce à vous, il est en train de courir on ne sait où dans le nord à la recherche de Félix car on lui a arraché, c’est vachement moins grave que d’être blessé à cause de sa propre connerie !
– Rrrrrat de calle feignant… gronda Noce sur son épaule en grattant une poussière dans ses ailes.
– Je suis sûr que le régent a d’excellentes raisons pour ne pas nous autoriser à voir son petit frère mais, je ne transigerais pas avec cette condition. Si vous voulez me voir partir, il va falloir me laisser lui toucher deux mots… et à un autre moment que quand un pauvre homme se métamorphose pour ne pas succomber de fatigue et de désespoir… Si vous le voulez bien, cette partie de la négociation est close. »
Il tapa dans ses mains pour marquer la fin de cette discussion, se détournant avec Ivy sur les talons. Oswald attendit une seconde qu’il se soit suffisamment éloigné pour lui souffler, connaissant assez bien le genre d’homme qu’était Rufus pour anticiper le moindre de ses mouvements.
« Préparez-vous à vous battre, il va tenter de nous intimider avec des hommes d’armes. C’est un couard qui prend peur vite, il a déjà envoyé des messagers pour récupérer plus de soldats pour la capitale dans l’heure où Rodrigue s’est évanoui, et il va surement encore plus insister maintenant…
– D’accord. Un de mes hommes est blessé, c’est moi qui vous colle une dérouillée et je vous facture un supplément, le prévient-elle sombrement.
– Je m’en doute mais ne vous en faites pas, il va surement me viser en premier lieu. C’est plus simple pour eux. Enfin, raison de plus pour aller en ville plutôt que sur votre navire. Voyons s’il va étaler son incompétence jusque devant le nez de ses concitoyens…
Ivy répondit en gardant la main sur sa hanche, proche de son épée, prête à se défendre en cas de besoin, Oswald vérifiant lui-même sa propre arme de poing et son bocle, son emblème tourbillonnant dans ses veines d’anticipation, prête à s’activer en cas de besoin.
« Un compagnon de voyage toujours présent et prêt à intervenir… »
Les deux derdriens discutèrent avec un vendeur ambulant de ce qu’il avait vu, l’homme racontant en long en large et en travers qu’il avait vu un loup de cendre courir pile devant lui, quand Oswald remarqua des mouvements étranges sur les bords de son champ de vision.
« À tribord… souffla également Ivy, l’épée déjà en partie sortie.
Une petite troupe de limiers de Rufus essayait de s’approcher discrètement, envelopper dans leur cape. Bon, au moins, ils étaient un peu plus intelligents que les autres, ils n’avaient pas le blason de leur maitre cousu sur eux, ils étaient en progrès… Il en avait aussi repéré une autre sur le toit d’une maison voisine mais bon, rien de bien compliqué à atteindre.
– Et dans les mats, faites attention à ce qui pourrait tomber dans haut… quant à vous mon brave, je crois que vous devriez faire affaire plus loin, ce sera mieux pour vos affaires.
Il comprit très vite le message car, il partit en vitesse, alors que les limiers les appelaient.
– Eh ! Vous deux !
– Hum ? Plait-il ? Je ne vous ai jamais vu auparavant… on se connait ? Demanda Oswald, peu impressionné, question d’habitude.
– Il parait que vous fouinez partout et troublez les honnêtes gens avec vos questions…
– Cela ne répond pas à ma question. Je ne crois pas vous connaitre… ah ! Je sais, vous venez nous demander ce qu’on racontait ? Je demandais seulement à ce charmant marchand s’il avait de quoi faire de la pastafrola, c’est une excellente recette que vous devriez essayer. J’avais promis à mon petit-fils de lui faire gouter la prochaine fois que je le verrais.
– Ne jouez pas avec nous, on sait bien qui vous êtes. Y a que des derdriens pour parler autant… Vous allez gentiment faire ce qu’on vous dit sinon, le cerf risque de rentrer chez lui avec des bois en moins.
– Tiens, les roquets de compagnie ont des dents, je ne savais pas… que voulez-vous, à mon âge, on devient vite sénile…
– Tentez seulement rat de calle, c’est pas des gentils toutous à leur maitre qui vont nous faire peur, répliqua Ivy. C’est plutôt vous qui allez gentiment dire à votre connard de patron qu’on veut parler à son planqué de frère, vu ?
– Moquez-vous pendant que vous le pouvez encore ! On va vous faire ravaler votre langue !
– En voilà des toutous bien sages dites-moi…
En quelques minutes, les épées étaient tirées des deux côtés. Trois d’entre eux se concentrèrent sur Ivy, pendant que deux autres s’en prenaient à Oswald. Bon, s’il se fiait au bruit que venait de faire un d’entre eux, la corsaire avait déjà envoyé un de ses adversaire par-dessus bord. Il fallait qu’il soit à la hauteur de cette combattante.
Arrêtant une attaque avec son bocle, Oswald arriva à blesser son assaillant avec sa lame. Bon, il n’avait plu eu de partenaire d’entrainement vraiment correct depuis la mort de Justine mais, il n’avait pas trop rouillé visiblement… par contre, si l’un d’entre eux pouvait le couper correctement, ça l’arrangerait bien… il laissa alors une petite ouverture sur laquelle le roquet fondit sans hésitation, lui ouvrant une large plaie sur le bras.
– C’est bon ! On l’a touché ! Vieux comme il l’est, il va tomber tout de suite !
– Une blessure ? Demanda Oswald comme si de rien n’était alors qu’il sentait des éclairs gronder dans ses veines. Quelle blessure ?
Son emblème se mit à briller, refermant petit à petit la plaie, ne laissant qu’un peu de sang sur ses vêtements. Enfin ! Il en avait mis du temps ! Il savait qu’il n’était plus tout jeune mais quand même ! Oswald rendit alors le coup en frappant en plein dans les côtes de son ennemi avec le plat de son épée, avant de cogner le second avec son bocle, les narguant alors que son emblème brillait toujours, éliminant toute sensation de fatigue.
– Allons, vous voyez-bien que je ne suis pas blessé, il n’y a rien. Vous par contre… » il jeta un œil au trois adversaire d’Ivy, également à terre avec diverses coupures et ecchymoses, « vous devriez vous reposer un peu…
Une flèche arriva alors, se fichant dans sa cuisse. Ignorant la douleur, il jeta alors un œil au toit où il avait repéré l’archère, sortit son propre arc et décocha trois flèches sans hésiter : une dans sa main, l’autre dans son épaule, et la dernière dans sa jambe.
– Retournez à l’entrainement jeune fille ! » S’écria-t-il après avoir retiré la flèche de sa jambe, la blessure se refermant toute seule sans souci. Même pas assez maligne pour mettre du poison sur les pointes. « Ce n’est pas normal pour une tireuse d’élite de ne pas arriver à être plus précise que ça à une distance aussi faible ! Vous auriez pu me mettre une flèche entre les deux yeux sans problème normalement ! Ah les jeunes, ils ne savent plus viser de nos jours !
– Ah… ah… argh… qu’est… qu’est-ce que c’est que ce type ?! Demanda un des toutous de Rufus. Je l’ai touché ! Je l’ai touché ! J’en suis sûr ! Il devrait avoir une grosse plaie au bras ! Et comment un vieillard a-t-il pu toucher une archère planquée à cette distance ?! C’est impossible !
– Entrainement les jeunes, entrainement. Il ne faut jamais se relâcher si on veut pouvoir se défendre. Et un petit coup de main de mon emblème aussi… il eut un petit sourire en se baissant vers eux, brillant toujours à cause de la fureur des combats et du sang de Riegan coulant dans ses veines. Tu veux connaitre un petit secret de polichinelle connu de tous à Derdriu ?
Le roquet hocha la tête, mort de peur alors qu’il ne pouvait se détourner de son sourire confiant, presque arrogant alors qu’il lui expliquait le plus naturellement du monde.
– Le pouvoir de mon emblème est de soigner les blessures. Pour les emblèmes mineurs, c’est ponctuel mais, pour mon emblème majeur, c’est continu. Il soigne et annihile toute sensation de fatigue tant qu’il est actif, ce qui me rend assez endurant sur le champ de bataille. C’est pour ça que jamais personne n’est arrivé à avoir ma peau, je me régénérais avant de mourir. Soit vous m’arrachez le cœur, soit mon corps se répare encore et encore… et il y a des chances que j’y survive quand même à ça, ce serait mieux de me couper la tête histoire d’être sûr. Cela a aussi l’avantage de m’empêcher de perdre mes sens, je voie et entend toujours aussi bien que dans ma jeunesse. D’ailleurs, vous êtes très bien renseigné pour de simples malfrats, vous saviez qu’on parlait à tout le monde en ville… enfin, ce n’est qu’un hasard et mes sens qui commence à défaillir, n’est-ce pas ? Il serait dommage que quelqu’un dans le royaume ait tenté de m’assassiner, ce serait mauvais pour les relations avec l’Alliance, vous ne pensez pas ?
Ses hommes hochèrent la tête, avalant l’hameçon tout cru et confirmant au passage que soit il n’avait rien à voir avec Gustave, soit il ne les avait pas prévenus, soit ces roquets ne l’avaient pas cru, terrifiés alors qu’Oswald leur souffla, le regard acéré comme son couteau, dépeçant déjà morceau par morceau chacune de ses proies.
– Si je peux parler avec le roi directement, je suis sûr que mon grand âge me fera oublier toute cette histoire. Votre maitre devrait comprendre cela, n’est-ce pas ? Ou alors, c’est lui qui commence à devenir sourd et aveugle, ce qui risque d’avoir des conséquences, c’est jamais bon de signer des documents sans pouvoir bien les lire, croyez-moi… me suis-je bien fait comprendre ?
Heureusement, ils comprirent vite, filant sans un mot, même si Ivy dut leur rappeler.
– Eh ! Oubliez pas votre copine fichée sur le toit ! Elle va pas descendre de son nid-de-pie toute seule avec trois flèches dans le corps ! Incompétents jusqu’à la fin, je vous jure… des marins comme ça, on me les donne et ils se trouvent à manger tous seuls, je les prends pas à bord.
– Que voulez-vous, une bande est à l’image de son chef, rétorqua le grand-duc alors que son emblème disparaissait à nouveau au fond de lui, le laissant avec sa fatigue et légèrement désorienté, comme à chaque fois. Hum… c’est toujours un peu dur de redescendre de l’emblème… enfin, je ne vais pas me plaindre du don de la Déesse, il est bien utile.
– A qui le dites-vous… en tout cas, ça confirme ce que vous pensiez, il n’hésite pas à ce donner en spectacle devant son propre peuple alors que bon, ce genre d’affaire, ça se lave en famille et en privé, pas sur la place publique…
– C’est sûr, surtout que ça va encore plus baisser l’estime que les fhirdiadiens lui portent…
– C’est possible que ça baisse encore ? »
Oswald eut un sourire alors que des habitants venaient les voir, afin de savoir s’ils allaient bien tous les deux. Le grand-duc se remit à écouter ce qui se racontait tout autour d’eux, jusqu’à ce qu’une discussion happe son oreille.
« T’es sûr que tu veux continuer à travailler au palais gamin ? Ça a l’air d’être vraiment une fosse à gibier en ce moment, et le régent t’a détesté à vue.
– Oui, je tiens à vous rembourser Père Mercier. De plus, vous avez vu que j’ai assez de force pour me défendre en cas de besoin.
– J’ai remarqué Ludovic, t’as de la force à revendre mais, Rufus est dingue et il a la force d’être le régent.
– Il ne m’impressionne guère. Au pire, je partirais et je retournerais tranquillement à Albinéa si j’ai un problème. »
Il se tourna vers l’origine de la discussion, voyant un tavernier discuter avec un jeune homme alors qu’ils remettaient le devant de leur boutique en ordre, et Oswald crut qu’il rêvait tout éveillé en le découvrant. Il passa sa main sur ses yeux, regardant ce Ludovic avec plus d’attention. Il avait déjà vu ce visage inexpressif percé par des yeux de couleurs différentes, cette voix sans émotion apparente mais déterminée jusqu’à la mort et en enfer. C’était fou…
– Vous allez bien ? Lui demanda Ivy. Vous êtes pale comme un mort d’un coup.
– Oui… oui, ça va, juste un sacré hasard… un blond aux yeux bleus vairon avec beaucoup de force et un visage inexpressif… et qui s’appelle en plus « Ludovic »… ça fait tout de même beaucoup de coïncidence… enfin, c’est un nom courant, et Clovis avait des bâtards partout… que ce soit le petit-fils d’un d’entre eux ne serait pas très étonnant…
*
« … »
« Hum… »
« … Félix… »
« Qui est là ? »
« Félix… Félix… »
« Papa ? Papa, c’est toi ? »
« Félix… »
Il entrouvrit les yeux, regardant autour de lui. Le petit garçon était épuisé, avait le cœur lourd, comme s’il avait une pierre dans la poitrine mais, il savait que ce n’était pas dangereux, c’était normal. Il voulait juste dormir le temps que ça passe… mais quelqu’un l’appelait… il voulait le voir… il devait le voir… il lui manquait tellement…
Félix repéra une silhouette au loin, avec des cheveux noirs et bouclé tombant jusqu’à ses épaules, tournée vers la lune alors que le murmure d’une chanson résonnait autour d’eux… il le reconnaitrait toujours…
« Papa… mon papa… »
N’ayant pas assez de force pour se mettre sur ses jambes, il se mit à quatre pattes, commençant à ramper vers son père, une seule pensée en tête.
« Papa… je… »
Comme en réponse à ses mots silencieux, Rodrigue se tourna vers lui, lui souriant comme toujours alors qu’il l’attirait à lui, le tenant sur ses genoux en continuant à chanter… une chanson qu’il connaissait… ou plutôt une supplique… quelqu’un suppliant, maudissant le monde avant de retrouver de l’espoir… Félix ne l’entendait pas bien, trop bien installé dans les bras de son père…
La Lune brillait au-dessus d’eux, au-dessus de l’eau du lac… elle était si belle…
À la fin de la chanson, alors qu’il sentait qu’il allait resombrer plus profondément à nouveau, son père posa sa main sur son cœur, aussi doux que s’il était fait de verre. Il lui chuchotant, le petit garçon sentant quelque chose de tout dur se former entre ses doigts.
« Fais-y très attention Félix… ne la perd surtout pas… »
Il obéit, la serrant encore plus contre comme si c’était sa propre vie, bien en sécurité dans les bras de son père au fond du lac, veillé par la lune…
*
Sylvain aidait à distribuer des vivres et du bois en ville, la moitié des habitants de la capitale faisant la queue dans l’espoir d’avoir un peu de pain des réserves loogiennes et surtout du vöruhus. Vieille tradition restée de l’époque où ils faisaient encore partie de Sreng : la nourriture était toujours mise en commun afin de mieux la gérer, sauf les personnes vraiment riches qui préféraient garder la leur pour eux et éviter de la partager depuis quelques décennies. Dans des périodes comme celle-ci, le vöruhus évitait aux gens qui n’avait pas assez de réserve pour tenir toute l’année de ne pas mourir de faim. Même si son père avait refusé de transmettre plus d’homme et de vivres à Fhirdiad quand Rufus en avait demandé plus, la disparition d’autant de nourriture emmenée par les soldats en partance pour le sud se faisait déjà cruellement sentir. Les récoltes avaient été aussi mauvaises que d’habitude à Gautier, à peine suffisante pour les nourrir en temps normal alors, avec une partie envolée sans contrepartie… la disette les frappait sévèrement… même pire que la disette… le visage de tous ses citoyens était hanté par le spectre de la famine et de la faim… il fallait même surveiller les convois de nourriture et de rationnement pour éviter les vols et les émeutes… tout ça à cause de ce roi sans yeux… enfin, c’était surement trop sreng de penser ainsi… même si c’était la réalité.
Sylvain se baissait pour donner des roues de pain à deux gamins, les laissant cajoler Foa. Les petits arrivaient à sourire en pouvant faire un câlin à un renard sans danger, quand Starkr croassa, les plumes gonflées alors qu’il regardait le ciel.
« Qu’est-ce qui t’arrive mon vieux ? Tu as vu quelque chose ?
En levant le nez à son tour, il arriva à discerner un messager à pégase foncer en direction de leur forteresse. Le tissu qui recouvrait la croupe de l’animal semblait bleu roi alors, ça devait venir de la capitale… qu’est-ce qu’ils leur voulaient encore ?!
Laissant les domestiques finirent, il retourna en vitesse chez lui mais, il trouva un véritable attroupement dans la cour, alors que la voix froide et autoritaire de son père résonnait comme une menace.
« …nous l’avons déjà fait savoir à Son Altesse le régent, il en est hors de question, c’est au-dessus de nos moyens. La famine frappe déjà notre porte, et nous en sommes réduits à grimer des paysans en soldats pour donner l’illusion que les ports sont gardés. Gautier ne peut rien donner de plus à la Couronne.
Sylvain garda un visage neutre en voyant un envoyé de Fhirdiad, malgré son envie de se frapper le crâne d’atterrement. Mordant commençait à grogner à côté de lui, sur le point d’attaquer la messagère face à lui.
« Non Mordant, l’arrêta-t-il. C’est pas une bonne idée, même si ça doit démanger tout le monde… »
Heureusement, le molosse l’écouta docilement, comme toujours avec lui, tout comme Foa. Le jeune homme fit tourner son regard dans la cour. Plusieurs de leurs domestiques étaient sortis pour voir ce qui se passait, terrifiés à l’idée de devoir encore plus se serrer la ceinture. Miklan était appuyé contre le mur dans un coin, profondément ennuyé par tout ça, grognant en voyant que Starkr était toujours sur l’épaule de Sylvain. Depuis la dernière fois, il évitait de s’attaquer à son petit frère quand l’oiseau était là, de peur de se reprendre des coups de becs et de serres. Enfin, il avait repéré Fregn en train d’écouter à une fenêtre de la cour, assez proche pour entendre à peu près correctement les choses.
La messagère reprit, froide et implacable comme le destin des Normes.
– La couronne comprend vos réticences mais, les ordres restent les mêmes : vous devez fournir hommes, armes, et vivres à la capitale. La situation est très tendue là-bas et nous devons montrer notre force et notre puissance à l’Alliance afin d’obtenir des conditions plus favorables pour négocier le traité sur les bleds. Pour citer notre régent à tous, « les soldats de Gautier doivent être fier d’accomplir leur service envers la famille royale en des temps si difficile ». J’ajouterais que l’assistance est un des devoirs des vassaux envers le suzerain.
– Répondez-lui que nous n’avons plus beaucoup de soldats après Duscur et la précédente levée d’hommes et de vivres. Avec ceci, j’ajouterais que si l’assistance au suzerain est bien un devoir vassalique, un autre de nos devoirs est également celui de conseil, et je ne saurais trop conseiller au régent et à la famille royale de ne pas trop épuisés les fiefs qui les entourent. Nous sommes au bord de la famine, des conditions encore plus difficiles sont propices au développement d’épidémie de maladie et de brigandage. Ce n’est que pure folie et une faute politique de réquisitionner toute la nourriture de Faerghus pour la donner à Fhirdiad et ne fera qu’attiser le mécontentement déjà très fort après la Tragédie de Duscur. En tant que fidèle vassal de Sa Majesté Lambert et gardien de la frontière avec les srengs, je ne puis céder plus à la couronne, sous peine d’affaiblir encore plus la famille royale.
– Vos conseils sont louables mais, le régent a déjà pris sa décision de manière éclairée et avec l’appui de différents conseillers venus de l’Ouest…
– Les conseillers de l’Ouest sont bien inutiles pour décider de l’avenir de Gautier. Aucun ne vit sur un front permanent avec de la neige jusqu’à la taille la moitié de l’année.
– Certes. Mais un refus de votre part sera considéré comme un manquement à votre devoir et une trahison de votre maison envers Faerghus en période de crise. Comme le veut la coutume avec votre famille, si tel est le cas, vous passerez devant le tribunal militaire qui décidera de votre sort comme si nous étions en période de guerre, ce que nous sommes après tout suite à la Tragédie. Je doute que vous voulez finir comme le duc de Fraldarius…
Le cœur de Sylvain manqua un battement en entendant la mention de Rodrigue, lancée comme une menace par la messagère. Il vit aussi Fregn se baisser un peu plus, attentive, même si elle cachait tout ce à quoi elle pensait, et même Isidore échappa son choc d’entendre une telle chose. Rodrigue remplissait toujours son devoir à la perfection (ou autant que possible avec un roi sans yeux comme maitre), qu’est-ce que Rufus pouvait bien lui reprocher ?! Il savait qu’ils ne s’entendaient pas et que Rufus se transformait en Clovis mais, qu’est-ce qui avait bien pu lui faire subir ?! Qu’est-ce que le destin allait encore lui faire endurer après lui avoir arraché ses fils ?! La messagère continua en entendant les murmures choqués autour d’elle, menaçante.
– En effet, lors de l’arrivée du grand-duc Oswald von Riegan, le duc de Fraldarius a eu l’audace de s’évanouir de fatigue juste devant lui alors qu’il le saluait. Comprenez bien que cela n’a guère fait bonne impression auprès du grand-duc, ni même que le régent était furieux de voir un tel manquement à son devoir. Aussi m’a-t-il confié avant que je ne parte que le châtiment que recevra le duc pour son comportement sera exemplaire, leur apprit-elle en passant sa main sur son épée. Comme l’ordonne la loi, elle touchera tous les membres de sa famille, sans exception, même d’âge. Je doute que vous vouliez subir le même sort que lui, vous ainsi que toute votre famille…
Un silence encore plus glacial que l’hiver sreng tomba dans toute la cour. Non… non, ce n’était pas possible… il ne pouvait pas avoir fait épuisé Rodrigue au point de le faire s’évanouir, ce n’était pas possible ?! Mais c’était également trop semblable à ce que lui racontait Félix dans ses lettres, et cela pourrait expliquer pourquoi son père ne lui écrivait plus. S’il était épuisé au point de s’évanouir, Rodrigue ne devait plus avoir d’énergie pour faire quoi que ce soit ! Et il allait le punir pour avoir… travaillé jusqu’à épuisement pour le bien du Royaume ? Pour avoir été fidèle à ce point ? Et ça avait beau être la loi, il allait punir toute la famille Fraldarius pour ça ?! « Sans exception d’âge »… ça voudrait dire que même Félix allait être touché ?! C’était absurde ! C’était encore un gosse dans tout le Royaume ! Et aucun des loups n’avait rien fait de mal ! Ça cachait quelque chose ou alors, Rufus était encore plus un tyran doublé d’un roi sans yeux qu’il ne l’imaginait !
Isidore dut penser à la même chose que lui, se renfrognant dans le silence. La messagère continua, un petit air satisfait au visage.
– Je voie que vous êtes un homme intelligent. Je resterais ici au nom du régent afin de superviser les opérations. Je suis donc sa voix, ses yeux, ses oreilles et sa volonté. Vous devez m’obéir comme au régent lui-même. La compagnie chargée de récupérer vos hommes et vos vivres arrivera dans dix jours par la Grande Route, comme toujours. Tâchez d’en rassembler un maximum d’ici-là. Faites bien votre choix parmi les hommes que vous enverrez Margrave Isidore.
Vigile tenta de protester mais, Isidore l’arrêta, le faisant taire même si l’homme rongeait clairement son frein. Ce fut le seul à protester. La messagère ordonna alors qu’on lui donne une chambre et une stalle pour son pégase. On lui céda, la menace planant au-dessus de toutes les têtes. Personne ne pouvait même se plaindre ou tenter de lui faire comprendre que ce n’était pas possible. Dix jours… ils devaient être déjà en route alors et si tout se passait bien, à un quart, un tiers du voyage selon les conditions…
« Merde ! On est censé récupérer des hommes et des vivres dans tout le fief comment en si peu de temps ?! C’est pas vrai, les deux frères se valent bien ! Les deux sont des rois sans yeux ! À croire qu’ils écoutent juste la honte des dieux et la honte des hommes ! En plus, connaissant les habitudes srengs, ils vont tous passer nous saluer quand ils vont se rendre à Fhirdiad, ça ne fait pas un gros détour et c’est poli chez eux de faire ça ! Ils arrivent pile quand elle est là ou quand ses copains arrivent pour voler encore des hommes et des vivres, et on est bon pour tout recommencer ! Le Grand Thing n’aura servi à rien ! »
Starkr claqua du bec, s’attirant une caresse sympathique.
« Ouais, je sais, moi aussi… »
Il leva à nouveau les yeux, Mordant gardant un œil sur Miklan pour lui. Fregn venait de rentrer à nouveau. Il serait curieux de savoir ce que sa mère avait en tête… vu la situation, il serait pour à peu près tout ce qu’elle imaginait, surtout quand le destin des srengs et la Déesse de Fodlan se moquaient d’eux à ce point… Foa lui donna un petit coup de museau, le regardant avec sympathie. Il lui gratta la gorge dans l’espoir de garder son calme, la renarde gloussant sous ses doigts.
De son côté, Fregn fabriqua discrètement un messager de bois avec un petit message codé accroché à ses ailes, fomentant déjà un plan dans sa tête. Elle le lâcha sans se faire voir, puis l’oiseau artificiel vola plusieurs jours sans s’arrêter avant d’arriver à sa destinataire, le message bien clair.
« Le banc de poisson est piégé. »
Thorgil sourit en rassemblant son village. Elle allait pouvoir rendre une petite visite de courtoisie à sa belle-famille avant d’aller toquer à la porte du régent… ils devaient déjà s’y rendre mais, elle aurait juste un peu d’avance sur les autres… d’autres rois partis tôt pourraient également s’inviter ? Enfin, c’était surtout elle qui avait une occasion de montrer ses compétences là-bas, tout en se faisant un nouvel allié. En plus, cela tirerait sa grande sœur et son neveu des griffes d’un roi sans yeux, cela l’arrangeait sur tous les plans.
Elle finit d’armer ses bateaux, cachant des armes dans le fond. C’était des navires de guerre mais, c’était aussi leurs navires les plus rapides, les chefs et émissaires srengs avaient déjà prévenu les faerghiens qu’ils voulaient régler toute cette histoire au plus vite alors, s’ils semblaient inoffensifs, les gardes devraient les laisser tranquilles.
D’après ses informations, personne ne les arrêterait en Gautier de toute façon.
*
Rodrigue buvait l’eau d’un ruisseau quand il sentit quelque chose. Non ! Non ! Son frère s’approchait de la prison ! Les geôliers allaient le capturer et l’enfermer lui aussi ! Les chiens errants allaient lui mettre un collier et une laisse autour du coup pour le forcer à se tuer à la tâche ! Ils seraient même capables de lui mettre une muselière ! Ils allaient le faire, c’était sûr !
« Désolé mon petit… je reviens tout de suite ! »
Il retourna sur ses pas en vitesse pour rejoindre son frère, allant l’aider avant qu’il ne soit trop tard !
*
Plus il s’approchait de Fhirdiad, plus Alix sentait sa rage s’intensifier en lui, tout comme sa migraine… un avertissement… c’était Rodrigue… il angoissait à l’idée même de le savoir aussi proche de Fhirdiad… ça lui faisait peur… comme si c’était la pire chose qui pouvait arriver…
« Raison de plus pour que je te tire de là. »
Le plus jeune jumeau pénétra sans hésiter en ville avec ses hommes et remarqua tout de suite qu’on le regardait bizarrement, comme si on voyait un revenant ou que les gens avaient peur. Étrange, ils connaissaient pourtant son visage vu le nombre de fois qu’il s’était rendu à Fhirdiad… au nom de la Déesse, qu’est-ce qui s’était passé ici ?! Est-ce que ça avait un lien avec Rodrigue ?! Qu’est-ce que ce chien errant idiot leur cachait cette fois ?!
Il savait qu’Ivy était en ville, il avait vu son étendard au sommet d’un mat en passant dans le port fluvial et dans son état normal, il serait allé lui dire bonjour mais, il n’était pas dans son état normal. Il voulait des réponses sur ce qui arrivait à son frère pour le tirer de cet enfer et point final !
Quand il fut dans la cour du palais, Alix vit assez vite Estelle et Bernard venir vers lui. Il les salua et demanda d’entrée de jeu, n’ayant aucune envie d’attendre encore plus longtemps des réponses.
« Où est Rodrigue ? Il lui est arrivé quelque chose, je le sais ! Et s’il n’est pas là, où est-ce connard de Lambert ? J’ai deux mots à lui dire !
– Longue histoire mais, Rodrigue n’est plus là…
– Bon, alors, c’est Lambert qui me l’expliquera, coupa-t-il tout de suite la capitaine. Pas question qu’on lui prémâche les réponses et comme ça, si je dois exploser, ce sera sur lui. Qu’il assume ce qu’il a fait pour une fois !
– Seigneur Alix… on comprend mais, comment vous sentez vous ? Lui demanda Bernard, visiblement inquiet.
– Mal… je sens qu’il est arrivé quelque chose à Rodrigue mais, je suis incapable de savoir quoi précisément… il est à la fois soulagé, heureux mais aussi mort de peur et il ne pense qu’au louveteau, car qui ne penserait pas qu’à son louveteau alors qu’il n’a plus de nouvelle depuis des semaines ?! Je sens aussi qu’il a peur de me savoir juste à Fhirdiad et me dit de fuir mais, je ne repars pas d’ici sans lui ou au moins sans savoir où le chercher ! »
Ils allèrent ajouter quelque chose mais, Alix fit un signe de tête pour leur demander de ne rien dire. Il voulait entendre tout ça de la bouche de Lambert, c’était lui le responsable de cette histoire alors, qu’il assume et lui explique ce qui s’était passé les yeux dans les yeux !
Le jumeau allait grimper dans le palais pour aller chercher le connard – voir le tirer de son lit s’il roupillait encore ! – quand il vit Gustave lui courir après, surement pour qu’il n’aille pas troubler la paix royale de son petit protégé mais, qu’il aille à Némésis ! Il n’en pouvait plus de ces petits roquets qui battaient la queue devant Lambert et Rufus pour obtenir une pauvre caresse et le protégeaient des conséquences de ses actes ! Pour ça ou réclamer de l’argent à ceux qui avaient hurlé « tu vas faire une connerie Lambert » pour réparer la connerie, là, il y avait du monde ! Pour empêcher les conneries d’avoir lieu ou de recommencer, ou que le connard assume ses actes, il n’y avait plus personne !
« Où est Lambert ?! Je vais le voir que ça vous plaise ou non ! Il a fait quelque chose à mon frère, je le sais ! Lui grogna-t-il dessus sans hésiter une seule seconde.
– Vous n’êtes pas dans votre état normal Alix ! Vous ne savez plus ce que vous dites…
– Ah non ! Vous allez pas me ressortir la même merde qu’avec Ludovic ! C’est trop facile ! C’est toujours « oh la tuberculose vous fait perdre vos esprits », « oh vous ne savez plus ce que vous dites à cause de l’inquiétude », « oh vous vous inquiétez trop pour ce voyage, alors que votre propre putain de père est mort de la même manière alors que la rencontre avait été préparé au cordeau » ! Non ! Je sais ce que je dis et ce que je veux ! Je veux mon frère et comprendre ce que vous lui avez fait ! Et évidemment que je ne suis pas dans mon état normal ! Mon état normal, c’est d’être avec Rodrigue et ma famille ! Pas là à vous écouter bayer aux corneilles ! Alors, vous allez me dire où est Lambert et il va assumer !
– Alix, je vous en prie…
Gustave allait encore tenter de l’empêcher d’aller secouer les prunes de Lambert et sa tête pleine de vide, quand un scribe sortit d’une pièce voisine – une de la chancellerie – soit pour aller porter un message soit pour autre chose. Malgré sa colère, Alix ne put s’empêcher de penser que c’était le portrait craché de Ludovic, il lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Ah Ludovic… si seulement il pouvait sortir de sa tombe pour venir engueuler ses fils et reprendre les choses en main ! Lambert aurait eu une poussière de la compétence de son père, Faerghus n’en serait pas là ! Et lui aurait encore toute sa famille au complet ! Il aurait encore Glenn et Nicola, Rodrigue ne se serait pas disputé avec Félix et aucun d’eux ne serait en deuil ! Sa meute serait encore toute là !
– Que se passe-t-il ? Demanda-t-il, surement étonné, même si son visage ne bougeait pas, tout comme sa voix, comme pour leur Oncle Ludovic.
– Rien qui ne doit vous troubler. Retournez au travail, ordonna Gustave.
– Je viens engueuler Lambert pour ce qu’il a fait à mon jumeau, répliqua Alix. Vu que Rodrigue n’est pas ici apparemment, vous savez où ce connard de chien errant est pour qu’il m’explique ce qu’il a fait à mon frère ?
– Dans son étude. Sa Majesté a repris le travail récemment.
– Car il dormait avant ? C’est l’hospice qui se fout de la charité ! Rodrigue doit travailler jusqu’à l’épuisement et on lui arrache son fils, mais Lambert, il peut dormir ! Je veux bien qu’il soit blessé mais depuis le temps, il devrait bien s’être soigné avec Areadbhar ! Sauf si elle aussi en a eu marre de ses conneries car Déesse, qui ne le serait pas à sa place ?! » Répliqua-t-il en se précipitant vers la pièce de travail de Lambert, ignorant Gustave qui lui courrait derrière en l’appelant. Un petit toutou jusqu’au bout.
Ludovic hésita à les suivre, regardant Alix partir furieux. C’était fou ce qu’il pouvait ressembler à Guillaume… c’était son portrait vivant, et il avait visiblement bien hérité de son caractère. Enfin, il y penserait dans une situation moins critique. En tant que simple agent du roi, il ne pouvait pas se permettre d’intervenir mais, Oswald et Ivy devraient pouvoir mettre leur grain de sel et peut-être empêcher que la situation ne dégénère trop. Dans tous les cas, il fallait au moins tenter d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard ! Alix semblait complètement instable et il sentait la magie tout autour en lui s’affoler ! C’était un magicien aussi apparemment ! Il fallait faire quelque chose avant qu’il ne subisse le même sort que son frère !
Alix sentait la magie de Rodrigue dans ses veines, leur lien la partageant avec lui… il était sûr que c’était une tentative pour l’aider, le protéger… son angoisse grandissant dès qu’il se rapprochait juste de Lambert… par la Déesse et les Braves ! Qu’est-ce qu’il avait bien pu lui faire subir pour que le simple fait qu’il s’approche du connard terrifie son jumeau à ce point ?!
Sans rien demander aux gardes qui le dévisagèrent d’étonnement, il ouvrit la porte pratiquement d’un coup de pied sans plus de cérémonie en ordonnant, voyant Lambert et Rufus assis côte à côte. Tant mieux ! Il avait également des choses à lui reprocher à ce tyran !
« Lambert ! Faut qu’on parle ! Où est Rodrigue ?! Qu’est-ce que tu lui as fait ?!
– Alix mais qu’est-ce que… il vit les gardes à la porte tenter de l’attraper pour le maitriser mais, il ordonna. Non ! Ne lui faites rien ! Ça va !
– Tient, y a encore des gens qui ne veulent pas t’étrangler dans ce pays ? Tu leurs donnes autre chose que de la boue et trois croutons de pain à manger, avec un os à ronger le dimanche ? Car aux dernières nouvelles, c’était ce que Rodrigue et Félix avaient à manger comme tout le monde !
– Attend… quoi ? » S’étonna Lambert et par pitié, qu’on donne le droit à Alix de l’égorger pour de bon ! « Les repas sont plus conséquents que ça ! Je l’ai vu de mes yeux ! Ils étaient plus frugaux au début mais, je te jure que maintenant, tout le monde mange mieux à Fhirdiad ! Et on t’a envoyé une lettre pour t’expliquer que…
– Ah car tu l’ignorais en plus ? C’est une grande première ça dis-moi ! Enfin, j’ai vu qu’il en avait un peu plus, étant donné que vous nous volez toute notre nourriture dans les fiefs de province ! Comme ça, vous manger un peu plus mais nous, on a rien à se mettre sous la dent si on ne vous repousse pas à coup de flèche ! Tout ça car t’as vidé tes réserves pour ta connerie de voyage, alors qu’on t’avait dit de faire attention à la nourriture pour Fhirdiad ! C’est ce qui est arrivé à Rodrigue, c’est ça ?! Où est mon frère ?! Qu’est-ce que tu lui as fait ?! Je l’ai pas reçu ta putain de lettre, le courrier entre Fhirdiad et Egua a tendance à se perdre et même entre Fhirdiad et Lokris vu que ni moi ni Félix, on ne recevait plus les lettres de Rodrigue et lui les nôtres ! Si t’as envoyé des messagers, soit ils se sont perdus, soit ils se sont faits attaqué par des brigands, vu que ça pullule sur les routes en ce moment ! Et je suis en face de toi alors, explique-toi directement, ça te changera d’assumer tes actes devant la personne concernée pour une fois !
– Alix, s’il te plait, une seconde, calme-toi, tenta-t-il de l’apaiser mais, cela n’eut comme effet que d’encore plus énerver le plus jeune jumeau, qui avait juste envie de le mordre ce chien errant une bonne fois pour toutes ! Tu n’es clairement pas dans ton état normal…
– Que je me calme ?! Je sens tout ce qui arrive à Rodrigue ! Je sais qu’il lui ait arrivé quelque chose depuis des jours mais, je suis incapable de savoir quoi à part que c’est grâce à toi, à Rufus et à votre roquet de Gustave ! Et je suis loin de mon frère, je sais qu’on lui a arraché son fils, que son fils est aussi malheureux d’être loin de son père même s’il n’assume pas ! Je sens que mon frère est très mal en point puis qu’il lui ait arrivé quelque chose et je n’arrive pas à savoir quoi ! Je suis obligé de venir le chercher car je veux savoir ce qui se passe et le tirer de tes griffes et tout ce que je trouve, c’est toi qui me dis de me calmer car étrangement, je ne suis pas dans mon état normal ?! Mais achevez-moi ! T’es encore plus idiot que je ne le pensais !
– Seigneur Alix, mesurez vos propos face au roi ! Vous n’êtes pas au-dessus des lois ! Le prévient Gustave, la main sur sa hanche, prêt à dégainer sa masse d’arme si nécessaire et lui aussi, qu’il aille à Némésis !
– Je fais ce que tout le monde veut faire : lui demander des comptes ! Il fait connerie sur connerie depuis des années et ça aurait pété bien avant si on n’avait pas été derrière pour nettoyer sa merde alors qu’il jouait avec ! Et j’en ai assez de passer par des intermédiaires ! Je veux une explication du responsable de toute cette histoire ! Et je la veux maintenant ! Qu’est-ce que tu as fait à Rodrigue chien idiot ?! Pourquoi je ne recevais plus de nouvelles de sa part ?! Pourquoi Félix n’en recevait plus non plus ?! Et pourquoi il est comme ça ?!
– Alix, je vais t’expliquer… enfin ce que je comprends et ce que je sais…
– Car tu ignores ce qui se passe dans ta propre putain de maison ?
– Si tu veux une explication à ce point, tu devrais le laisser parler, le reprit Rufus.
– Et toi aussi, tu as intérêt à t’expliquer ! Ne le loupa pas Alix, tous crocs dehors. Je sais que c’est toi qui abusais le plus de Rodrigue ! J’espère que ton petit frangin est au courant, histoire que ça le rende un peu moins con qu’il ne l’est déjà !
– Oui, je sais que Rufus lui a donné beaucoup de travail avec Gustave, sans vraiment se rendre compte qu’ils le chargeaient à ce point vu qu’ils font la même chose… reprit difficilement Lambert et en y mettant les formes, même si c’était tellement hors sol que ça ne faisait que faire encore plus gronder sa fureur. Ils ne pensaient pas que cela le faisait souffrir à ce point, surtout que vous êtes très travailleurs tous les deux, ils ne pensaient pas…
– Oui, quand les alliés de ton frangin viennent utiliser la mort de Glenn, en traitant Rodrigue de père indigne s’il ne se venge pas sur des gens dont on est pas sûr que c’est des coupables, et parce qu’il ne veut pas d’une guerre qui va juste achever Faerghus, ces clébards ne le pensaient surement pas ! C’était une plaisanterie, bien sûr ! Et quand ça ne marche pas, car Rodrigue ne veut pas tuer des gens pour juste leur voler leurs mines, ils se mettent à menacer de lui arracher Félix ! Et ils ont fait quoi d’autres ?! Ils sont venus chouiner dans ta cape quand ils se sont pris le coup de crocs qu’ils méritaient ?! Car qui ne fait rien et laisse son gosse être en danger quand c’est évident qu’il est danger à part toi ?!
– Ah non Alix ! N’emmène pas Dimitri là-dedans ! Lui interdit tout de suite Lambert, touché au vif vu que même lui devait savoir que c’était une réalité, bien qu’il ne voulait pas l’entendre. Il n’a rien à voir avec tout ça !
– Car tu crois que ton frère se gêne pour menacer les gosses des autres ?! Goutte à la propre médecine de Rufus, tu sauras ce que ça fait ! Crois-moi que Rodrigue avait peur quand on lui a dit que s’il ne pliait pas et n’aidait pas à faire cette stupide guerre, c’est Félix qui allait s’en prendre plein la gueule ! Comme si perdre Glenn à cause de toi et de ton idiotie ne suffisait pas ! Et c’est toi qui as emmené Dimitri le premier là-dedans ! C’est toi qui as tout fait pour emmener le fils d’Héléna dans ce voyage alors qu’on t’a dit et répété et rabâché que c’était dangereux ! Bordel ! Elle t’aurait tellement refait le portrait si elle était encore là ! Elle aurait protégé son bébé elle au moins !
– Alix… commença Gustave mais, cette fois, c’est Lambert qui l’empêcha de parler, pour le meilleur et le pire.
– Oui, je m’en rends compte maintenant… je sais que j’aurais dû vous écouter… si tu savais à quel point je regrette de…
– Tes remords n’y changeront rien, le coupa-t-il avec froideur, comprenant de mieux en mieux pourquoi les srengs qualifiaient les mauvais dirigeants de « roi sans yeux ». C’est toi qui as choisi de l’emmener, c’est toi qui n’as jamais écouté personne alors qu’on te hurlait tous que ce voyage était dangereux car, tu ne nous as pas laissé le temps de le préparer correctement ! C’est toi qui as décidé tout seul comme un grand de l’emmener dans un piège évident, alors qu’il y avait d’autres solutions pour résoudre la crise ! Tu peux regretter tout ce que tu veux, tu restes responsable de ses blessures et de son traumatisme d’avoir vu tout le monde se faire tuer devant ses yeux ! C’est pas toi qui as tenu les armes ou lancé les sorts mais, c’est toi qui leur a donné une occasion en or de vous attaquer et de tous vous massacrez ! Tu peux regretter mais, c’est toi le responsable de cette Tragédie ! C’est la conséquence de tes actes et de ta connerie, que tu le veuilles ou non ! Quoi que tu en penses, tu as aussi le sang de Glenn, Nicola, Jacques, tous les autres et même de Dimitri sur les mains !
Lambert prit son air misérable qu’Alix ne supportait plus. C’était la vérité sauf que Sa Majesté Lambert le Chien Errant refusait de l’accepter car, ça voudrait dire assumer ses actes pour une fois ! Même avoir été à deux doigts d’avoir été décapité et de voir son gamin tuer ne suffisait pas à le faire grandir un peu ! C’était bien beau de regretter mais, ça ne voulait rien dire s’il ne changeait pas et n’arrêtait pas d’être un crétin niais et qui prenait tout le monde pour acquis, à commencer par la famille d’Alix et surtout son frère ! Déesse ! Il avait tellement de plus en plus mal à la tête !
« Alix… sors… sors d’ici ! Il faut que tu t’enfuies loin d’eux ! Fuis !
C’était la première fois qu’il entendait aussi distinctement la voix de Rodrigue dans sa tête… c’était toujours des impressions, des sentiments, des émotions… jamais vraiment de mots précis et de véritables phrases… vu leur état d’esprit respectif, le plus jeune parierait sur le fait que ce soit à cause de leur inquiétude, c’était surement ça qui renforçait leurs liens au maximum… il ne pouvait que sentir à quel point son frère s’inquiétait ! Lui disait de partir ! De fuir ! Qu’il n’avait rien à faire ici ! Mais Alix ne pouvait pas partir sans lui !
– Pas avant de savoir où te trouver ! Je ne te laisserais pas entre leurs griffes, je te le promets !
– Ils vont vouloir te mettre en laisse et un collier autour du cou ! Je ne veux pas qu’ils t’enferment toi aussi…
–Qu’ils tentent seulement, et je leur mange les mains et la gorge avec.
– Alix… soit prudent… j’arrive aussi…
– Promis… on se retrouvera toujours tous les deux… »
Lambert reprit enfin, après avoir tenté d’avaler toutes les vérités qu’Alix venait de lui balancer dans la gueule, expliquant lentement, comme s’il voulait retarder la fureur qui allait lui tomber dessus. Même lui savait qu’il allait s’en prendre une visiblement !
– Alix… Rod… Rodrigue était… est tombé très malade… sa magie était complètement instable et en surcharge…
– Tu ne fais que me dire ce que je sais déjà. Cela fait des semaines qu’il est comme ça, encore plus quand Gustave lui a arraché Félix, et je suis littéralement dans la tête de Rodrigue. Mon frère est moi et je suis lui. Même toi, tu le sais que chaque chose qu’il ressent, je les ressens et que je ressens chacune de ses blessures comme si c’était les miennes. Donc, épargne-moi les détails et abrège ! Ma patience à ses limites !
– Comme si on n’avait pas remarqué…
– Rufus, s’il te plait, ne complique pas encore plus les choses… le supplia Lambert avant de reprendre. Ce n’était plus tenable alors, il a demandé à rentrer chez vous et est venu directement me voir pour me dire qu’il rentrait… je… je ne savais pas qu’il était malade à ce point, je ne l’ai su qu’après, quand c’était trop tard… je… je te jure et je t’en supplie Alix, il faut que tu me croies, je ne pensais pas qu’il était malade à ce point… alors… alors je lui ai dit que ce serait mieux s’il se reposait ici… les yeux d’Alix se rétrécirent encore plus de fureur, Lambert continuant avant qu’il ne lui arrache la gorge avec ses dents et ses griffes. Je te promets que ce n’est pas ce que tu croies ! Je pensais que ce serait mieux s’il se reposait au palais et se soignait ici ! Cornélia lui aurait donné ses meilleurs médicaments, tu aurais pu venir le voir, Félix serait revenu ici en même temps que Dimitri quand il serait guéri, et… et j’avoue que je n’avais pas envie qu’il parte non plus…
– Oh… quelle grandeur d’âme ! Cornélia allait lui donner des médicaments alors qu’elle ne l’a pas fait pendant des semaines, ce serait encore et toujours à nous de faire tous les efforts du monde pendant que toi, tu n’aurais pas eu à bouger le petit doigt, et tu te fais passer toi et ce que tu veux avant tout le monde ! Et évidemment, tu ne penses même pas à la possibilité que Félix aurait pu avoir envie… je sais pas, de rentrer à la maison ou de revoir son père avant que Dimitri ait fini de guérir ?! Non ?! Il ne pourrait pas avoir envie de revenir dans notre meute ?! Il faut toujours que tout soit au pied de ta famille sans penser à celles des autres ! Surtout la nôtre ! On doit TOUJOURS être à tes pieds sans réfléchir ! Bien sûr ! C’est évident ! Et bien sûr, personne ne l’aurait forcé à travailler pendant sa convalescence parce que tu as dit « non, laisser-le tranquille une seconde » ?! Qu’est-ce que tu crois ?! Gustave et Rufus l’auraient enterré sous le travail à la première occasion ! Tu ne sais même pas ce qui se passe dans ton propre palais et que ton frangin menaçait mon frère de faire du mal au louveteau ! Tu aurais pu tout de suite savoir ce qui se passait vraiment de la bouche de Rodrigue mais non ! Il fallait te dorloter comme un nouveau-né car sinon, on se prend un sermon et des avertissements de ton chien de garde Gustave !
– Il… il me l’a fait comprendre aussi… il s’est aussi énervé et m’a dit qu’il n’en pouvait plus, et… et…
Lambert n’arriva pas à avouer, s’attirant encore plus les foudres d’Alix qui fit un pas de plus dans sa direction, grondant, tout crocs dehors. Les gardes étaient aux abois, prêts à l’arrêter au moindre trop geste trop brusque. Comment ils avaient pu en arriver là ?!
– Il s’est énervé à raison car, vous n’arrêtiez pas d’abuser de lui pour le forcer à encore faire ton travail à ta place ou à la place de celle de son frère, tu m’étonnes qu’il pète une amarre à force ! Et quoi ?! Parle ! » Ordonna Alix, la fureur se mélangeant à la peur de tout ce qui aurait pu arriver à Rodrigue alors qu’il était aussi affaibli et avec sa magie aussi instable ! « Qu’est-ce que tu as fait à mon frère ?!
– Et il… ah Déesse, comment t’expliquer… sa magie s’est emballée et… et je te jure qu’il va bien ! Plus ou moins mais, il va bien selon nos dernières informations. Il était entier et… et en grande forme d’une certaine manière… par… parce qu’il… tu vas être encore plus furieux que tu ne l’es déjà mais, il s’est… il a voulu vous retrouver et aller chercher Félix plus que tout… plus qu’il n’était raisonnable de vouloir quelque chose, même si ça se comprend… il aime son louveteau plus que tout au monde… et…
– Il s’est transformé en loup. C’était bien mérité.
Lambert se figea en entendant Rufus lâcher la vérité d’un coup, passant derrière le bureau pour faire directement face à Alix les yeux dans les yeux. Mais quelle mouche l’avait piqué ?! ça ne ferait que le rendre plus furieux !
– Rodrigue s’est transformé en loup, puis s’est enfui en courant dans la forêt pour aller on ne sait où. Vers toi ou Félix ou à Némésis, peu importe, je m’en moque honnêtement. Il a osé manqué à son devoir et se faire plaindre par le grand-duc von Riegan, il a même poussé l’outrance à s’évanouir devant lui alors qu’on ne lui demandait rien d’extraordinaire. Il faisait aussi bien semblant de s’écraser en face de moi mais, pour donner les pires idées du monde à Lambert, il ne se gênait pas ! Comme cette idée stupide d’envoyer Dimitri à Lokris ! Je suis sûr qu’il a profité de la faiblesse de mon frère pour le pousser dans cette idée stupide ! Il était aussi bien trop proche avec les domestiques et parlait trop avec eux au lieu de faire son travail ! Il taillait toujours la bavette avec le messager ! Alors, oui, ton frère a fait son travail de vassal et a travaillé pour le roi, grande nouvelle révolutionnaire ! C’est juste qu’à force que Ludovic vous dorlote comme ses vrais héritiers, qu’autant les srengs que ce vieux crouton d’Oswald vous louent comme étant soi-disant plus capables que mon frère, et que votre peuple vous apprécie un peu plus que la moyenne, vous avez l’insolence de vous prendre pour ce que vous n’êtes pas ! VOUS êtes les vassaux et NOUS sommes la famille royale ! C’est à nous que vous devez des comptes et à personne d’autre ! C’est vous les serviteurs ! Restez à votre place au lieu de tenter de nous la prendre ! Alors oui, Rodrigue s’est transformé en loup à cause de sa magie ou d’une punition de la Déesse pour votre arrogance à tous et c’était bien mérité !
– Quoi ?! Rodrigue s’est… transformé en loup… à cause de vous ?!
Alix devient encore plus pale qu’il ne l’était de base, toute sa fureur se calmant d’un coup à cause du choc, alors qu’il secouait la tête, incrédule. Il gronda, se mettant à tourner en rond comme une bête acculée, répétant encore et encore.
– C’est pas possible… c’est pas possible… c’est pas possible… c’est pas possible… c’est pas possible… c’est pas possible… c’est pas possible… Rodrigue…
– Si, accepte-le.
– Rufus ! Arrête ! Tenta Lambert, comprenant que cela ne faisait qu’empirer les choses. Tu ne fais que mettre plus d’huile sur le feu !
– C’est pas possible ! Hurla d’un coup Alix, tout croc dehors à nouveau. Vous n’avez pas pu le pousser à bout à ce point ! On fait déjà tout le travail ! On tient déjà le Royaume en un morceau depuis des années vu qu’aucun de vous deux n’est foutu de ne pas faire de la merde mais en plus, après nous avoir tous tués au travail et surtout nous deux et au sens littéral pour Glenn, vous avez en plus transformé Rodrigue en loup ! Ça explique tellement de chose ! Ça explique pourquoi il était aussi soulagé ! Entre être ici à vous supporter et à encore faire tout votre travail sans reconnaissance, et être transformé en loup, ça devait être plus supportable de se tailler ! Je comprends tellement qu’il me dise de fuir !
– Qu’il te dise de… attend Alix ! Tu veux dire que tu entends… » s’inquiéta tout de suite Lambert. Les jumeaux n’entendaient jamais de mots entre eux !
« Ça explique tout ! Ça explique tout ! Répéta le plus jeune jumeau, couvrant sa voix. C’est pour ça que tout ce qu’il m’envoie est aussi étrange ! Ah mais je le comprends tellement ! Je préférerais aussi être transformé en loup que de subir trois chiens errants et idiots comme vous trois !
– Alix, je comprends que ce soit difficile mais, on est en train de le chercher, je te le promets, tenta de lui expliquer le roi. Estelle et Bernard ont pris les choses en main. On leur a proposés de les aider mais, ils ont refusé qu’on participe.
– C’est qu’ils ne sont pas complètement cons à ta différence ! Répliqua-t-il, les yeux exorbités de rage, le criblant comme il le ferait avec ses flèches. Qu’est-ce que tu crois ?! Un type de Rufus les suit, il va mettre une flèche dans la tête de mon frère à la première occasion ! Et c’est aussi ce qui va se passer si un chasseur lui tombe dessus ! Rodrigue risque de se faire tuer !
– Ah oui, vous n’êtes plus rien sans Ludovic ou votre maman pour vous mâcher le travail, » le nargua encore Rufus. Mais pourquoi il faisait ça ?! Ça ne faisait qu’énerver encore plus Alix ! « Au moins, ça vous aura appris à rester à votre place de vassaux j’espère…
Avant que Lambert n’ait pu lui dire d’arrêter de le provoquer, ou Rufus de finir sa phrase, Alix le fit taire d’un coup de poing, tout crocs dehors et son emblème en renfort en criant :
– Celle-là, c’est pour tout ce que as osé faire subir à Rodrigue !
Puis il en mit une autre, sa force et celle de son emblème envoyant Rufus au sol avant que Gustave n’arrive pour le retenir.
– Et celle-ci, c’est celle qu’on aurait dû vous mettre à tous les deux depuis des années !
– Alix ! Calmez-vous ! Vous dépassez complètement les bornes ! Maitrisez-le ! S’écria le chef de la garde en lui prenant le bras pour l’empêcher de bouger, même si le plus jeune jumeau se débattait toujours comme un beau diable, rétorquant sans hésiter :
– Car eux ils ne le font pas ?! ça fait des années, des années qu’on se tue pour Faerghus ! ça fait des années qu’on travaille d’arrache-pied pour que notre fief et le Royaume continue à grandir comme sous Ludovic ! Mais au final, on passe notre temps à balayer derrière ce crétin de Lambert ! C’est nous qui faisons tout le boulot à sa place !
– Alix, je sais que tu t’inquiètes et que tu es en colère contre nous, surtout que Rufus n’aurait jamais dû te parler comme ça, encore moins de Rodrigue dans une situation pareille, essaya Lambert, tentant d’être compréhensif. Mais il faut que tu te reprennes… je suis sûr qu’on va trouver une solution qui nous convienne à tous…
– Que je me reprenne ?! Mais je ne fais que dire la vérité mon vieux ! C’est nous qui t’avons empêché de faire des dizaines de Duscur avant tellement t’es un chien idiot de première ! Ça fait des années qu’on se tue à nettoyer ta merde car, t’es pas capable de comprendre que non, tout n’ira pas bien dans le meilleur des mondes et que non, tout le monde n’a pas les mêmes intérêts dans ce putain de Royaume ! C’est nous qui relisons tout et qui coupons tout ton optimisme crasse ! C’est juste que c’est plus simple pour toi de dire que tu vas arriver à satisfaire tout le monde, que de te mouiller et de prendre clairement position pour un camp ! Tu veux aider les roturiers, très bien mais, vas-y à fond pour vraiment les aider au lieu de toujours ménager les mêmes ! Si tu donnes du pain à tout le monde, ça ne changera rien aux faits que ceux qui sont blindés de blé n’ont pas faim, et ça fait que tu n’en as plus assez pour en donner plus à ceux qui crèvent la dalle ! S’il y avait des seigneurs du Royaume dans le lot des comploteurs, c’est vraiment des chiens errants égoïstes ! Tu es bien moins radicale que ton père qui a juste dit à tous les traditionalistes et à l’église Occidental de ses deux d’aller se faire foutre, le Royaume passe avant tout ! Même avant l’intérêt de sa propre famille ! « Vous n’aimez pas la monarchie élective ?! Allez-vous faire foutre, ça évitera un autre Clovis ou à mon incapable de fils d’arriver sur le trône ! Le bien commun des faerghiens passent avant votre soif de pouvoir ! » Lui, c’était un vrai homme d’État ! Il savait prendre de vraies décisions et de vraies mesures pour résoudre les problèmes pour de bon ! Pas un gamin qui fait un caprice pour faire ce qu’il veut pour prouver à personne qu’il est un très grand garçon, tout en traitant les vies de tous ceux dont il est responsable comme des poupées immortels ou jetables ! C’est nous qui faisons en sorte que tu ne tues pas le Royaume par excès d’optimisme ! Et avant nous, c’était Héléna qui se mangeait tout ce travail ! Ne te demande pas pourquoi vous n’avez pas eu d’enfant avant, c’est parce qu’elle était épuisée de devoir passer tout le temps derrière toi et de rattraper tes conneries ! Devoir faire le travail de deux personnes l’a tellement épuisé que cela a fini par l’affaiblir alors qu’elle avait une santé de fer elle !
Lambert fut encore plus piqué au vif que quand Alix avait parlé de Dimitri. Non ! Ce n’était pas vrai ! Elle était fatiguée, oui, souvent mais, ce n’était pas ça ! C’était bien son travail qui l’épuisait, elle travaillait énormément et son mari faisait tout ce qu’il pouvait pour l’aider mais, ce n’était pas forcément ça qui l’avait autant affaibli ! Il venait de perdre Patricia, le veuf refusait qu’Alix passe sa colère sur la mémoire d’Héléna ! Pas elle !
– Tu ne sais pas de quoi tu parles Alix… gronda-t-il, presque une menace. Ce n’est pas…
– Elle ne t’a rien dit ? Car tu aurais remarqué quelque chose ?! T’étais même pas foutu de comprendre qu’elle était amoureuse de toi et toi d’elle ! Y a fallu qu’elle meure pour que tu comprennes que oui, c’était pas juste de l’amitié ! On n’a que deux ans d’écart mais, bonjour la maturité ! Même pas capable de comprendre tes propres sentiments et ceux des autres ! Faut croire que ton côté naïf avait des côtés attachants plutôt qu’à vomir pour qu’Héléna t’estime digne de son amour, alors qu’elle était trop bien pour toi ! À ce stade, fallait qu’elle fasse comme Rodrigue et s’évanouisse d’épuisement ou se transforme en fouine devant toi pour que tu comprennes ?! Elle était plus bavarde avec Félicia, car qui pouvait résister à Félicia quand elle s’inquiétait ?! Elle était morte de peur qu’Héléna meure d’épuisement malgré sa bonne santé ! Et elle était épuisée parce qu’elle devait constamment nettoyer ta merde et que tu ne voulais pas écouter ton paternel quand il te disait d’être moins naïf ! Même elle, tu ne l’écoutais jamais quand elle te faisait des remarques ! Tu m’étonnes que Ludovic refusait de te donner plus de responsabilité, il ne voulait pas avoir la mort de surmenage d’Héléna sur la conscience car lui, il tenait vraiment aux gens ! Et toi, tu ne le remarques même pas ?! Même elle, tu l’as prise pour acquise juste parce que c’est toi ?! Au moins, on ne peut pas t’accuser de faire de favoritisme hors Patricia et Rufus, tu nous traites tous comme de la merde ! Alors que c’est nous qui faisons tout ton travail à ta place ! On devrait être payé pour devoir te supporter tient !
– Et puis quoi encore ? Rétorqua Rufus en se relevant, se massant sa mâchoire douloureuse – cela demandait trop de force d’être archer pour juste tirer des bouts de bois de loin ! –, sans comprendre pourquoi il se mettait lui-même au sol avec une proposition aussi ridicule. C’est les roturiers qu’on paye, pas les nobles ! Vous, vous devez servir le roi et la nation, autant en conseillant correctement le roi qu’en versant votre sang pour lui ! C’est ça le devoir des nobles !
– Et on fait le travail des roturiers en passant derrière Sa Majesté qui fait merde sur merde, tout en nous prenant toutes les conséquences de ses actes dans la tronche ! Ouais, le seul impôt de la noblesse est celui du sang mais, si vous n’aviez pas remarqué, chez nous, on le paye vachement tôt ! Mes grands-parents l’ont payé à vingt-trois ans, mes grands-oncles et tantes du côté Fraldarius entre vingt et trente ans, mon père à trente-deux ans, Glenn à dix-neuf, et je vais m’arrêter là car sinon, j’en aurais pour des jours à énumérer tous les membres de ma famille qui sont morts à votre place ! À l’échelle de notre famille, Rodrigue et moi, on est centenaire et Félix est au tiers de sa vie ! On meurt tous avant quarante ans car, faut qu’on soit toujours vos boucliers en viande ! Et au moins pour Guillaume, Ludovic faisait attention ! Il a toujours tout fait pour le protéger et qu’il ne meure pas, même s’il n’a pas pu tout prévoir ! Kyphon a vécu soixante-quinze ans avant de mourir de vieillesse, Clothilde jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans et c’est la plus vieille de notre famille ! C’est quasi les seuls à avoir dépassé les quarante-cinq ans ! Et tu sais pourquoi eux, ils ont vécu longtemps ? Car Loog et sa fille Sophie ne les prenaient pas pour acquis ni pour de la merde et prenaient soin d’eux au lieu que ce soit qu’eux qui fassent tout ! ça allait dans les deux sens ! Il ne les traitait pas comme des esclaves ou des gens juste bon à tuer à la tâche ! D’hémorragie ou de surmenage ! Et maintenant, la seule solution pour vous survivre, c’est de se transformer en loup ?! Faut dire, je comprends, qui ne voudrait pas t’égorger pour de bon après tout ce que tu as fait ?! Après tout ce que tu as osé nous faire ! Tout ce que toi et Rufus avez osé nous faire car, vous êtes de sang royal et intouchables !
– Vous en avez assez dit ! Arriva enfin à se faire entendre Gustave, en mettant sa main sur la bouche d’Alix pour le faire taire. Il a menacé la vie du roi ! Mettez-le aux arrêts… aïe !
Alix venait de lui mordre la main sans hésiter, imprimant une profonde marque de crocs dans sa paume, alors que la magie houleuse se déversait en lui, tirant sur ses os et déformant ses muscles. Il était tellement en colère qu’il n’avait même pas remarqué qu’elle s’était agitée à ce point ! Enfin, ça l’arrangeait ! Lambert, Rufus, Gustave… ils étaient tous ses ennemis ! Tous autant qu’ils étaient ! C’était eux qui avaient fait du mal à Rodrigue et l’avait poussé à se transformer pour pouvoir se tirer d’ici !  Un collier et une laisse… le plus jeune jumeau comprenait mieux où voulait en venir son frère ! C’était une vraie prison ici ! Ils les prenaient pour leurs petits chiens, des petits roquets qui viendraient quémander une caresse pour être satisfait, même si on leur donnait des coups de pieds en permanence et qu’on leur prenait tous ceux qui leur étaient chers ! Même quand on leur arrachait leur portée pour en faire un bouclier en viande ou un animal de compagnie !
« Nous ne sommes pas des chiens ! Ni Rodrigue, ni Félix, ni Glenn, ni moi, ni aucun habitant de notre fief ! Notre famille est celle des loups ! Vous allez comprendre ce que c’est de vraiment mordre ! »
Se débarrassant des gardes qui le retenait, Alix finit à quatre pattes et sauta sur les épaules de Rufus, tout crocs dehors, le clouant à nouveau au sol en lui déchiquetant le bras. C’était ce bras qui avait donné tout ce travail à Rodrigue ! C’était ce bras qui avait ordonné à ce qu’on fasse souffrir son frère ! Et il mettrait sa patte au feu que c’était aussi les mains qui avaient volé leurs lettres ! C’était lui ! Il en était sûr !
« Voleur ! Exploiteur ! Assassin ! »
Ce ne serait pas mortel, Alix aurait déjà planté ses crocs dans sa gorge pour lui arracher cette voix qui avait menacé son frère et son neveu ! Sans voix, il ne pourrait plus aboyer sur personne ! Il se contenta de lui casser le bras et la main, avant de se détourner et de décamper d’ici. Pas le temps de s’occuper du chien idiot, il devait retrouver son frère au plus vite ! Fatigué comme il était, Rodrigue devait être encore très faible ! Il devait être à ses côtés pour le protéger !
Le plus jeune jumeau bouscula les gardes pour sortir de l’étude, puis courut à travers les couloirs, sautant à travers les escaliers pour aller plus vite.
« Il faut que vous les laissiez passer. Je vous jure que quelque chose va arriver, le seigneur Alix est en danger. Cela se sent que son énergie est instable, il risque de se transformer lui aussi !
– J’ai pas d’ordre à recevoir d’un scribe sorti de nulle part ! Et ces deux-là ont interdiction d’entrer dans les appartements royaux ! Ordre du régent ! Pas de derdriens fouineurs ici !
– T’es sourd ou quoi ?! Faut qu’on aille aider Alix avant qu’il ne se transforme lui aussi ! On a mis assez de temps à arriver comme ça ! »
Tient, des amis… à l’odeur, il reconnut Ivy, un homme qu’il connaissait de loin et… Oncle Ludovic ? Non, impossible ! Il était mort depuis des années ! Il ne sentait même plus la maladie ! Sa truffe devait lui jouer des tours !
Repérant vite l’origine de la dispute au même endroit que la sortie, Alix sauta sans hésiter sur le dos du garde, le faisant basculer en avant et s’écraser par terre, entrainé par leurs deux poids, le sonnant au passage. Il vit bien Ivy, l’homme qu’il reconnut comme Oswald von Riegan, et un jeune homme que son nez reconnut tout de suite. Ludovic ! Leur Ludovic ! Leur oncle Ludovic ! C’était lui ! Il en était sûr ! Sa truffe et ses yeux ne pouvaient pas le tromper à ce point ! Il ne savait pas par quelle grâce de la Déesse il était encore en vie et aussi jeune mais, leur oncle était là ! Tout irait bien s’il était dans les parages !
Alix pressa sa tête contre lui, puis lapa la main d’Ivy.
« Oh non… gémit-elle en lui prenant les joues, et c’était la première fois qu’Alix l’entendait gémir. Toi aussi… nous sommes arrivés trop tard pour toi aussi… c’est Lambert, c’est ça ?
– Oui, et Rufus aussi mais lui, c’est en partie réglé, je finirais plus tard quand j’aurais retrouvé mon frère.
La tête qu’il avait fait devait constituer une réponse suffisante car, elle grogna entre ses dents, retrouvant vite sa hargne. Ça, c’était la Ivy qu’il connaissait !
– Évidemment, qui d’autres que ces deux chiens errants et leur roquet de compagnie ?! Et toi, tu vas rejoindre Rodrigue, n’est-ce pas ?
Alix hocha la tête pour répondre. Oswald déclara alors, grave et sévère.
– Partez vite avant qu’ils ne vous rattrapent, allez vite rejoindre votre frère.
– Nous nous occupons de tout ici, » ajouta Ludovic, et c’était bien la voix de son oncle. Oui, tout irait bien si c’était lui qui s’occupait de tout…
Reconnaissant, Alix partit en courant, suivant la trace laissée par son frère quelques jours auparavant. Les gardes tentèrent bien de l’arrêter mais, il n’eut qu’à les esquiver ou les mordre pour passer, traversant même les portes de la prison sans souci, s’enfonçant dans la forêt.
Il courut presque sans s’arrêter, guidé par son instinct et sa truffe, jusqu’à ce qu’il le retrouve enfin, reconnaissant entre mille ce loup tout identique à lui. Alix sauta vers Rodrigue, le reversant un peu en pressant sa tête contre lui, l’un et l’autre se mordillant gentiment comme deux louveteaux.
« Je t’ai retrouvé ! On s’est enfin retrouvé !
– Oui, même si j’aurais préféré que tu ne risques pas de te faire emprisonner aussi…
– Je suis aussi libre que toi maintenant, et on est à nouveau identique tous les deux ! La seule différence entre nous, c’est l’odeur…
– Oui, c’est vrai… et c’est normal, lui rappela-t-il en lui donnant un petit coup de museau contre le sien, tout doux. C’est que j’ai des petits… pour mes petits… mon petit…
– C’est une odeur rassurante… elle doit lui manquer, et tu lui manques, c’est sûr ! Alix lui rendit avec un petit coup de langue affectueux, goutant l’odeur laiteuse. Retrouvons-le maintenant… ensemble…
– Oui, il faut qu’on le retrouve au plus vite avant que les chiens errants ne lui fassent du mal !
Ils s’enfoncèrent côte à côte entre les buissons de la forêt, à la recherche du louveteau.
*
Oswald et Ivy ne prirent même pas la peine d’aller voir Lambert et Rufus plus que nécessaire, à part pour renforcer leur demande de parler seul avec le roi, ainsi que pour bien comprendre ce qui s’était passé. C’était une corvée de parler à l’un ou l’autre mais, ils n’avaient guère le choix pour comprendre. Ludovic les accompagna tout du long, curieux et leur servant de guide, ainsi que de surveillant dans l’esprit de Gustave. Enfin, ça, c’était officiellement. Dans les faits, même s’il ne le montrait pas, ces quelques gestes parasites et expressions faciales discrètes suffisaient à comprendre qu’il était aussi en colère qu’eux.
« Alors, les rumeurs étaient vraies… gronda-t-il en leur offrant un verre d’eau une fois leur entrevue avec les trois crétins achevée, à part dans une étude après avoir donné une explication à son absence à sa cheffe du jour. Rodrigue s’est bien transformé en loup…
– Oui, sauf que maintenant, on a les deux jumeaux dans la nature. Je sais qu’ils vont juste filé là où est Félix mais, autant chercher une sardine dans tout l’océan… merde… c’est même pas un magicien Alix ! Ça peut vraiment arriver à tout le monde ?!
– Si je puis me permettre Capitaine Drake, le seigneur Alix… comment ditons déjà en fodlan ? Exultait ? Le seigneur Alix exultait de la magie quand je l’ai croisé. J’ai même cru que c’était un magicien.
– Non, il ne l’est pas, c’est Rodrigue le spécialiste de la magie… il aurait contaminé Alix d’une manière ou d’une autre ?
– Aucune idée mais au moins, on est arrivé à leur faire cracher à ces idiots ce qui a surement provoqué la transformation, leur fit remarquer Oswald. C’est surement cette magie en surplus et la colère, même s’ils nous manquent surement des fils de la tapisserie. Des magiciens très puissants qui sortent de leurs gonds, il y en a tous les jours et aucun ne se transforme… enfin, cela a peut-être un lien avec cette magie noire…
– Vous parlez de vos recherches sur cette puanteur ?
– Oui, j’ai un peu avancé et à présent, je suis sûr qu’il s’agit de la marque d’une magie interdite. Je suis tombé sur plusieurs livres de Lucine Dominic qui explique que l’Empire avait tout un bataillon de magiciens d’élite mais, dans l’armée de Loog, on le surnommait le « bataillon pestilent », justement à cause de l’odeur qu’il dégageait qui ressemblait à celle de la pourriture et du sang avarié. Il était redouté pour ses sorts de magie noire très corrupteur qui transformaient les êtres vivants en cadavre en décomposition au moindre contact. Elle note que selon Pan, ce serait peut-être une sorte d’avertissement envoyé par la Déesse pour les mettre en garde contre le danger, et ils formulent tous les deux l’hypothèse que ce soit le signe d’une magie interdite, d’où cette odeur de mort et de cadavre.
– Cela se tiendrait et ça collerait bien à une magie qui est capable de transformer des gens en cadavres ambulants, fit observer Ivy. Et elle raconte quoi d’autre sur cette magie ?
– Ce sont des passages écrits à deux mains avec Pan, ce qui les rends un peu confus mais, de ce que j’ai pu comprendre, les deux décrivent cette magie comme une véritable abomination. Une magie contre nature qui se nourrit de l’énergie vital des êtres vivants pour pouvoir être utilisable et qui corrompt tout ce qu’elle touche, autant ses cibles qu’elle tue sur le coup que leur utilisateur qu’elle tue lentement. Autant vous dire que ce bataillon était encore plus craint que la Grande Peste qui venait de ravager le continent. Cependant, c’était tellement dangereux qu’une fois la paix signée, l’empereur suivant a tout fait pour effacer l’existence de ce bataillon.
– Une magie qui utilise l’énergie vitale pour fonctionner ?! Et vous croyez que ces salauds ont utilisé celle de…
– Non, je ne pense pas capitaine, même si sa présence a pu perturber la magie de Rodrigue et provoquer cette transformation, puis a aidé à contaminer Alix. Ni Lambert, ni Rufus, ni Gustave n’ont senti la magie noire, pas même une fois, même si Rufus pourrait être de connivence avec Cornélia. Si je me fie à mes lectures, c’est plutôt une magie qui ne laisse pas de survivant là où elle passe. Cependant, nous ne pouvons que nous interroger sur les raisons pour lesquelles une guérisseuse royale ayant fui Adrestia a cette odeur sur elle.
– Ils seraient de mèche selon vous ? Demanda Ludovic, étouffant une petite toux dans son poing.
– Je n’ai pas de preuve à part cette odeur mais, je sens qu’il y a anguille sous roche. Pourquoi elle ? Pourquoi cette magie ressurgit que maintenant ? Pourquoi dans le Royaume ? Pourquoi une personne qui a tout fait pour fuir l’Empire ? J’ai encore beaucoup de question mais malheureusement, même si mon emblème m’empêche de sentir la fatigue quand il s’active, je dois aussi dormir de temps en temps.
– Je comprends… hum… le Royaume qui se retrouve à utiliser la magie interdite de l’Empire… tout ceci est pitoyable… gronda le jeune homme. Enfin, je pense devinez ce à quoi vous allez vous consacrer à présent.
– Si c’est pour comprendre ce qui est arrivé aux jumeaux, les aider à retrouver leur apparence normale pour qu’il retrouve leur petit, et envoyer les trois rats de calle par-dessus bord, je vous suis. Ils vont payer pour tout le mal qu’ils ont fait ! Lui jura sans hésité Ivy. Et un Royaume instable est aussi mauvais pour ses habitants que pour les affaires.
– Tout le monde surrrr le pont ! Ajouta Noce d’un ton féroce, les plumes gonflés pour paraitre plus gros et menaçant.
– Merci à vous, surtout que je pense qu’on va avoir besoin de bras si nous devons agir par nous-mêmes, voir militairement. Ce serait de l’ingérence dans les affaires royales mais, si cette magie interdite refait surface, nous devons tout faire pour l’arrêter. De toutes façons, je ne pense plus que Lambert serait en mesure d’intervenir. Ce n’est qu’une tête juste bonne à porter une couronne en laissant ses conseillers agir vraiment. Il n’a rien d’un vrai dirigeant.
– Nous sommes bien d’accord sur tout, nous devons tous agir au plus vite pour limiter les dégâts, confirma Ludovic, plus neutre que jamais dans ses expressions, comme le précédent roi pendant les discussions les plus sérieuses. Tout ce qui a été dit restera entre nous, bien évidemment.
– Je compte en effet sur votre discrétion mais, j’ai bien l’impression que vous seriez le dernier à nous dénoncer, fit remarquer le grand-duc.
– En effet, j’ai aussi mes propres… idées et projets dirons-nous discrètement. Enfin, avant cela, je dois finir ma journée de travail. Si vous voulez bien m’excuser.
Le jeune homme se leva après une courte révérence, retournant à son poste. Cette colère glacée dans ses yeux… ses expressions… son apparence… sa manière d’agir… et avec le comportement d’Alix envers lui…
« Dans des circonstances normales, je me dirais que c’est impossible, mais après ce qu’on vient de voir deux fois et cette magie noire… je serais tenté de dire que c’est le bon Ludovic… réalisa Oswald en le reconnaissant enfin. Ces deux gosses sont foutus, même si c’est seulement sa réincarnation. Je me demande ce qu’il a prévu… enfin, j’ai tout de même ma petite idée. »
*
Ludovic sortit de cette discussion plus remontée que jamais depuis qu’il avait atterri ici. Une magie noire utilisant l’énergie vitale pour fonctionner et transformant ses cibles en cadavre… même Clovis n’avait pas ressorti de telles abominations ! Lambert ne semblait pas du genre à être de mèche avec ce genre de chose, mais Rufus était déjà plus suspect. Est-ce que sa haine des jumeaux et sa paranoïa l’auraient poussé à utiliser ce genre de méthode… non, impossible… pas…
Non, le jeune homme devait se sortir ceci de la tête et ses impressions. Son appréciation des deux frères était basée sur ce qu’ils n’étaient plus depuis longtemps, il devait les traiter comme il l’avait fait avec tous les autres tyrans. Même si cela lui brisait le cœur, ils étaient devenus des adultes irresponsables et dangereux pour le Royaume. C’était son devoir de les arrêter.
« J’ai réuni toutes les informations dont j’avais besoin… songea-t-il en allant au service des missives et des postes où il travaillait cette après-midi. Tout ce qui me manque, c’est des hommes et une occasion. Enfin, si je ne me trompe pas, je suis au bon endroit, il suffit de provoquer le bon moment. Alix aussi a parlé de lettres volées apparemment, et si on leurs a bien dérobés ces missives, il fallait au moins la complicité de sa cheffe. Tâtons le terrain et voyons où cela nous mène… »
Il déclara alors en entrant, l’air de rien, même s’il affecta un peu plus le choc qu’il n’en avait l’habitude. Cela serait plus fort sur son visage dénudé d’expression.
« Vous avez entendu ? Le seigneur Alix Fraldarius s’est aussi transformé en loup de cendre. »
Il vit alors la cheffe Mélisse blêmir complètement, restant muette au fur et à mesure que Ludovic racontait à ses collègues ce qui venait de se passer. Il empathisa plusieurs moments de son discours, frappant aux endroits sensibles qu’il avait pu repérer chez elle ou rebondissant dessus quand c’était les autres qui en parlaient.
« Ils ont travaillé d’arrache-pied pour le Royaume, et voilà comment ils sont remerciés… quelle honte pour le Royaume… »
« Imaginez, ils arrivent à rejoindre Félix ! Pauvre gamin ! Il va retrouver son père et son oncle transformés en loup !
– Surtout qu’il les adore et est collé à son père, il va avoir le cœur brisé en le découvrant ainsi.
– S’il ne se sent pas coupable de s’être disputé avec lui avant de partir…
– C’est vrai qu’il pourrait se demander si ce n’est pas sa faute…
– Si un chasseur ne les trouve pas en premier et ne tente pas de lui vendre la peau de son père et de son oncle comme fourrure pour l’hiver… »
« Et Rufus qui doit surement se pavaner devant ses toutous pour dire qu’il savait qu’ils étaient des incapables.
– L’hospice qui se moque de la charité… »
Petit à petit, petit coup par petit coup, Ludovic vit Mélisse s’effondrer de plus en plus, jusqu’à trembler de tous ses os, se retenant clairement de passer aux aveux. Il intervient alors, essayant de la mettre en confiance.
« Cheffe Postel ? Que vous arrive-t-il, vous êtes toute pale et bien silencieuse. Si quelque chose vous choque, vous pouvez nous le dire, rien ne quittera cette pièce.
– Il a raison Mélisse, personne n’ira balancer à Rufus, on serait de toute façon, tous bon pour la corde !
– Euh… je… je… mhn… je ne sais pas… se perdit-elle, passant ses mains devant sa bouche comme pour s’obliger à ne pas parler avant d’avouer à mi-mot. Je ne peux pas… je n’ai pas le droit…
– Parce que t’es noble ? T’es une petite noble de la campagne, et on s’est toujours parlé normalement ici !
– C’est pas ça… c’est… j’ai pas le droit de… sinon…
– Sinon Rufus, n’est-ce pas ? Devina Ludovic, qui ajouta en la voyant hocher la tête de manière saccadée, posant sa main sur son épaule pour tenter de la rassurer. On en parlera plus tard à la taverne si vous voulez, ce sera plus discret qu’ici, et vous avez clairement besoin de partager ce que vous avez sur le cœur…
Elle finit par céder et par hocher vivement la tête. Tant mieux…
Ludovic continua à dérouler son plan dans sa tête. La taverne du Père Mercier ferait un bon lieu de rassemblement, surtout que les hommes des jumeaux y allaient souvent pour lâcher ce qu’ils avaient sur le cœur aussi. Avec un tout petit peu de chance, Estelle et Bernard y seraient aussi mais, il ne pouvait pas trop forcer le « destin » à se concrétiser comme il le souhaitait.
« Normalement, ce soir, j’ai mon occasion. Il ne restera plus qu’à la saisir en espérant trouver suffisamment de bras mais, vu la situation et la colère à peine contenue, c’est ce qui sera le plus simple à trouver. »
Il attendit patiemment le soir, emmenant Mélisse et ses collèges à la taverne du père Mercier. Il y avait du monde, et il repéra les hommes des Fraldarius dans leur coin habituel, parfait. L’homme aimable le salua avec chaleur, avant de s’inquiéter en voyant la femme aussi angoissée. Il lui servit tout de suite un verre d’eau fraiche et lui demanda, toujours aussi patient et attentionné avec les autres. Ludovic n’aurait pas pu tomber à côté d’un meilleur endroit…
« Allons, allons, qu’est-ce qui t’arrive ? On est discret ici, tu peux parler, rien ne sortira dans la rue et même Rufus ne saura rien… »
Sous toutes les attentions et les paroles rassurantes, la femme finit par craquer et avouer les ordres qu’elle avait reçu.
« Alors… Rufus vous a ordonné de lui faire passer toutes les lettres personnelles de Félix et Alix que Rodrigue recevait, mais aussi celles qu’il leur envoyait de son côté. Et il a également ordonné à ce que la personne qui lui apportait le courrier soit changé afin qu’ils ne discutent plus tous les deux, et de le remplacer par quelqu’un de très froid qui ne lui parlait jamais, c’est bien cela ? Résuma Ludovic, lui tendant un vieux torchon pour qu’elle puisse se moucher.
Elle hocha la tête, soufflant dans son torchon. On lui avait dit plus d’une fois que si son visage impassible le rendait difficile à aborder, son côté calme et sérieux mettaient également les gens en confiance pour les affaires graves.
– Oui… et… et il m’a juré qu’il me couperait la tête si je disais quoi que ce soit… c’est ma faute… c’est ma faute si les seigneurs Rodrigue et Alix se sont transformé en loup ! J’aurais dû essayer de lui transmettre ses lettres ! Lui dire ! Quelque chose !
– Mais non Mélisse, c’est pas ta faute, lui assura le père Mercier en lui resservant de l’eau fraiche. C’est celle de Rufus. Qu’est-ce que tu aurais pu faire ? Tu lui aurais apporté, tu aurais fini avec la tête sous le bras, comme cet Acace qui a juste eu le culot de dire que ce voyage à Duscur n’était pas une bonne idée…
– C’est dingue… on parie combien que c’est parce que Rufus déteste le seigneur Rodrigue qu’il a donné cet ordre ? Fit remarquer une femme qui était une ancienne gouvernante au palais. Il est jaloux comme un pou pour rien et parce que son paternel disait la vérité sur les capacités des deux frangins à gouverner.
– Mais qu’est-ce qu’on peut bien faire ? Demanda Mélisse. Si on l’ouvre, on se fait soit couper la tête, soit on est licencié et si on ne travaille pas, on peut dire adieux au rationnement… on est bloqué…
– Alors, nous devons passer en force.
Tout le monde se tourna vers Ludovic, ce dernier se levant en expliquant, droit, ses yeux se gelant d’une colère déterminée.
– C’est vrai. Légalement, nous sommes coincés. Nous ne pouvons pas nous plaindre devant le régent sinon, nous risquons notre vie. Nous ne sommes pas ses amis et conseillers qui l’influencent. Nous ne sommes pas assez riches pour marchander sa coopération. À ses yeux, nous ne sommes rien d’autres que des mains bonnes qu’à travailler. Le roi Lambert n’est qu’un souverain fantoche qui n’a comme utilité que d’empêcher légalement Rufus de partir en guerre mais, ce n’est surement qu’une question de temps avant qu’il ne s’attribue tous les pouvoirs dans sa folie de protéger son frère en le vengeant. Même les plus fidèles sont punis pour leur dévouement envers le Royaume et non envers la famille royale. Et pendant ce temps, ses amis se gavent. Ils volent nos impôts et nos taxes, pillent le bled volé à la province, vont jusqu’à vouloir jeter nos vies pour s’enrichir. Pendant que nos estomacs crient famine, à peine rempli d’eau, d’épluchure et de pain coupé et que nos enfants pleurent pour oublier leur faim, eux se gavent de vin, de miel, de sucre et de viande. Nous mourrons de disette, eux meurent de s’être trop nourris…
Il marqua une pause, mesurant l’état d’esprit de la salle. Tous le regardaient, les yeux visés sur lui, « l’albinois » sortit de nulle part, presque encore un gamin mais, il ne pouvait que voir la colère dans leur regard, déchiquetant le désespoir de ses crocs afin qu’ils servent de combustible à leur fureur. Il continua alors, faisant tout pour rester digne et ne pas flancher. Ludovic montrait un seul signe de faiblesse, un seul, et tout était fini pour lui. Il devait rester déterminé et sûr de lui jusqu’au bout, jusqu’à la fin même du plan qu’il échafaudait depuis qu’il était arrivé à cette époque.
– Cependant, même si nous ne sommes rien à leurs yeux, il n’y a pas plus grande illusion que celle-ci. Nous sommes ceux qui leur permettons de vivre. Nous sommes ceux qui les nourrissent par notre travail et notre labeur chaque jour que la Déesse fait. Le devoir des nobles et encore plus de la famille royale est de protégé leur peuple, pas de le tuer de leurs propres mains avec leur négligence. Cela ne peut durer. Ils sont des dizaines, nous sommes des centaines, non des milliers dans cette ville seule ! Quand un roi ou un seigneur oublie ses devoirs envers son peuple et ne pense plus qu’à ses propres caprices, il est du devoir de ses peuples de le renverser, afin de ramener la justice et le droit sur leurs terres. Comme l’ont fait en leur temps Loog et ses compagnons contre l’Empire et le Royaume tout entier contre Clovis le Sanglant.
– Et t’as un plan j’imagine l’albinois ? Demanda une femme au bar, méfiante. Comment veux-tu qu’on s’en sorte contre eux ? On ne sait pas se battre, on n’a pas d’arme, et encore moins l’énergie de se révolter avec la faim qui nous tord les boyaux.
– En effet, j’ai mon idée. Pour commencer, nous devons retrouver de quoi nous nourrir, tout en leur envoyant un avertissement. Je pense que mes collègues de la trésorerie l’ont aussi remarqué mais, il y a de grosses irrégularités dans les inventaires de la nourriture envoyée par les autres fiefs. De la nourriture et des biens, réquisitionnées pour la guerre vengeresse contre Duscur par Rufus, disparaissent sans laisser des traces ailleurs que dans les inventaires.
– Oui, on a vu, confirma bien un de ses collègues qui continua. On a signalé mais, tout ce qu’on a reçu des hommes de Rufus qui s’en chargent maintenant que les sœurs Charon ne sont plus là, c’était de se mêler de nos affaires.
– J’avoue que je me demande même si ce n’est pas un marché noir… il en faudrait bien un pour que les nobles qui s’engraissent trouvent leurs vins et leur viande, ajouta sa cheffe à la trésorerie. Je me souviens que mon prédécesseur disait qu’il y avait aussi de grosses restrictions sous Clovis alors, tout un marché noir s’était organisé dans l’ancienne cathédrale en ruine… vous savez, celle qui est à moitié enterrée maintenant ?
– Ah oui, je m’en souviens, déclara un grand-père. J’habitais à côté quand j’étais gamin. Ils allaient se cacher là-bas vu que comme elle est en ruine, personne ne s’en approche à part des miséreux et s’ils disparaissaient, personne ne s’en rendrait compte à part entre eux et encore, ils se diraient juste que leur camarade est mort quelque part ou dans le fleuve…
– Y a quelqu’un qui sait ce qui se passe dans ce coin ?! Demanda d’un coup un autre client.
– Moi ! Et y a pas mal de passage mais bon, c’est le quartier de tous les trafics ! Y a personne et plus assez de garde pour surveiller ! Ils sont tous affecté à la protection du roi ! Ou alors, ils sont aux bottes des amis de Rufus !
– Alors, ils pourraient de nouveaux se cacher là-bas !
– Faudra qu’on vérifie mais, c’est surement dans ce quartier qu’ils se planquent !
Les fhirdiadais se démenaient, débattant et explorant toutes les possibilités tous ensemble, exactement comme Ludovic l’avait espéré.
« Il fallait seulement donner l’impulsion, ils continuent à dérouler par eux-mêmes, » songea-t-il, fier de voir cette ville toujours aussi vivante et pugnace malgré les tragédies et les mauvais rois.
Il laissa toutes les idées se mélanger avant de reprendre la parole, parlant plus fort pour qu’on l’entende.
« Compagnons ! Fiers fhirdadiais ! Nous avons la force de changer les choses ! Mais il faut pour cela que nous nous unissions et travaillions tous ensemble afin de les faire plier ! Nous ne ferons rien le ventre vide ! Je propose que nous commencions à stopper les vols de notre nourriture et notre argent en prenant ce marché noir ! Que ces bleds et denrées servent à nous nourrir tous autant que nous sommes ! A qui sont ces bleds ?!
– À nous !
– À qui appartient cet argent ?!
– À nous !
– Alors, qui est prêts à récupérer ce qui nous appartient ?!
Une grande ovation accueillit sa question, tout le monde se levant, les poings vers le ciel, prêt à se battre tous autant qu’il était. C’était une armée d’affamés mais, l’espoir de jours meilleurs était une des plus puissantes sources de motivation qui soit. Avec les fhirdadiais, Ludovic savait qu’ils vaincraient.
– Si vous avez besoin d’épée et de personnes qui savent se battre, nous sommes tous prêts à vous aider.
Le jeune homme vit Estelle, Bernard et tous leurs hommes se diriger vers lui, en rang serré, leur rage inscrite sur leur visage. Elle déclara alors, à la tête d’une meute de loups prête à passer à l’attaque pour défendre leurs chefs jusqu’au bout. Guillaume aurait été très fier de voir à quel point ses jumeaux avaient gagné la fidélité de leur peuple… enfin, il penserait à tout cela plus tard.
– Nous, soldats et fidèles des ducs de Fraldarius, nous sommes prêts à nous battre à vos côtés. Ce roi et ce régent ont assez abusé de nous et en particulier de notre famille ducale pendant bien trop longtemps. Il est temps qu’ils payent pour tout le mal qu’ils ont fait à notre fief.
Ludovic s’inclina devant eux, respectueux de leur dévotion et reconnaissant.
– Merci à vous. Tachons d’accomplir cette tâche au mieux et au plus vite tous ensemble.
*
Quelques jours après la transformation d’Alix, alors qu’Oswald continuait à négocier des traités au nom de l’Alliance, un groupe arriva de l’Ouest. On lui indiqua que c’était le seigneur Kleiman et ses conseillers les plus proches, venant apporté ses « bons » conseils à Rufus pendant quelques jours.
« Il ne manque pas de culot pour se présenter ici alors que c’est lui qui a commencé toute cette histoire, songea-t-il en les regardant passer sous la fenêtre. Enfin, s’il est dans les petits papiers de Rufus, il doit se croire tout permis… »
Leurs chefs s’enfermèrent avec Rufus, ainsi que Cornélia qui s’était faufilé discrètement mais, depuis cette explosion, Oswald avait appris à la garder à l’œil sur elle. Les soldats avec eux furent invité à boire un verre d’eau mais, ils refusèrent, restant à part des autres en marmonnant dans leur coin. C’était de plus en plus suspect tout ça… après la Tragédie et vu toute la colère de Rufus contre les duscuriens, il était étrangement bienveillant avec les personnes ayant fait débuter toute cette farce grotesque… Kleiman serait resté à sa place et n’aurait pas voulu de nouveaux territoires au dépend de ses voisins, la Tragédie n’aurait jamais eu lieu…
« Ils sont pas nets ceux-là, marmonna Ivy dans sa calle, après qu’ils soient allés tous les deux discuter à gauche à droite une fois les obligations d’Oswald remplies, tout en échangeant de temps en temps quelques pièces contre une petite indiscrétion, même s’ils durent passer entre les limiers de Gustave. Les marins qui reviennent de la côte disent qu’il ne faut pas jeter l’ancre dans son port, t’as toujours des gars qui disparaissent quand t’es à terre. Apparemment, y a plein de soldats de partout mais, ils ne font pas grand-chose pour le maintien de l’ordre et les roturiers sont terrifiés juste à l’idée de sortir…
– C’est étrange effectivement… j’ai eu les mêmes échos à son sujet de mon côté. C’est un homme sinistre avec des dents très longues qui serait prêt à tout pour un peu de pouvoir… même si personnellement, ce qui m’intéresse le plus, c’est le gros sac qu’un de ses gardes baladaient… nota sombrement le grand-duc. Il semblait plein à craquer…
– J’irais bien fouillé moi-même dans ce sac mais, ça va être compliqué de fureter de leur côté… déjà qu’on est bien surveillé par ce crétin de Gustave… plus occupé à nous surveiller nous que son cher gamin de roi et son connard de régent… alors qu’ils ont transformé les deux jumeaux en loup putain ! Enragea-t-elle encore, bouillonnante de colère.
– Rats de calle… gronda Noce en réponse.
– Ils sont déjà odieux à en venir à bout des gens, il ne manquerait plus qu’ils soient malins, marmonna Oswald avant d’ajouter, sentant une occasion se profiler. Enfin, je crois que cela peut aider Fhirdiad si on attire autant l’attention sur nous…
– C’est-à-dire ? Demanda-t-elle en sentant que le vieux grand-duc avait une idée derrière la tête, devinant au moins le début. Vous parlez des fhiridiadais qui se réveillent et commencent à s’agiter ?
– Oui, j’ai bien l’impression que ça bouge. J’ai même une idée sur qui est le centre de l’agitation, même si je n’ai pas de preuve… enfin, j’aimerais vous demander un service supplémentaire.
– Ça dépend quoi, et c’est vous qui payez. Et vous avez intérêt à ce que cela ne mette pas mes gars en danger.
– Évidemment, vous mettez tout ça sur ma note, lui assura-t-il sans souci avant de poursuivre, sachant que cela risquait de l’énerver un peu. J’aimerais qu’un de vos marins se mêle à la foule de Fhirdiad afin de surveiller ce qui s’y passe dans ses rues.
– Un de mes hommes hein ? Tiqua-t-elle. Et pourquoi pas l’un des vôtres ? J’ai pas envie qu’un de mes gars se fasse tabasser si on se rend compte que c’est un espion, ce qui risque d’arriver si en plus, c’est pour un noble.
– J’y ai pensé mais, vos hommes sont plus habitués à s’adapter à de nouveaux environnements à chaque fois que vous jetez l’ancre dans un port différent. En plus, comme vous l’avez dit, si on découvre que l’espion est sous les ordres d’un noble, ce serait perçu comme un risque pour l’éventuel révolte alors que vous, vous êtes aussi roturière et c’est connu que vous êtes proches des ducs de Fraldarius, notamment chez leurs hommes. Après ce qui s’est passé, je doute qu’on puisse vous soupçonné de faire le jeu de la Couronne. Après, je comprendrais que vous refusiez, c’est effectivement une mission dangereuse…
Ivy le fixa en avalant son vin coupé à l’eau. D’un côté, elle ne voulait pas envoyer un de ses marins dans une mission dangereuse où il ne devrait pas se faire prendre, et surtout qui pourrait passer un sale quart d’heure s’il était découvert. Mais bon, de l’autre, Oswald n’avait pas tort, ils se feraient moins remarqué que des derdriens pur jus qui n’avaient pas l’habitude de s’adapter aux manières d’un nouveau port tous les quinze jours, surtout qu’ils étaient tous remontés contre Lambert sur le navire, autant pour avoir envoyé son propre peuple à l’abattoir que pour sa manière de traiter ses proches, surtout les Fraldarius. Les jumeaux avaient toujours été généreux avec eux et les marchands, et son amitié avec Félicia était assez connue…
La corsaire serra sa poigne autour de son verre en repensant à Rodrigue et Alix… leur regard au milieu de l’épaisse fourrure noire… leur manière de bouger une fois transformée… comme libérer d’un poids alors qu’ils venaient de perdre leur humanité pour pouvoir juste se barrer du palais royal… et cette tête à claque de Lambert qui ne comprenait rien… il faisait encore sa sainte-nitouche en disant qu’il comprenait à peine pourquoi ses soi-disant deux meilleurs amis s’étaient transformés…
« Réponse évidente que tout le monde a devinée : ton connard de frangin a épuisé physiquement et mentalement l’un, et l’autre en avait marre de ces conneries, encore plus quand on leur vole leur courrier… fulmina intérieurement Ivy. Enfin, on ne va pas faire les étonner qu’il ne capte rien, il n’a pas changé depuis des années… »
Elle finit par poser son verre sur la table, cédant à son envie que Lambert comprenne enfin à quel point c’était un con et se prenne des conséquences en pleine face au lieu de son entourage.
– D’accord, à condition qu’il y ait un volontaire.
– Bien, merci de votre confiance Capitaine, lui sourit Oswald, soulagé. J’ai même une idée de qui il devra suivre afin d’en savoir plus… ajouta-t-il en repensant aux yeux vairons glacés par la colère de ce scribe, Ludovic. En espérant que la vieillesse et mes souvenirs ne me biaisent pas trop… enfin, il a l’air de savoir ce qu’il fait lui…
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cafes-et-friandises · 2 years ago
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┃Mémoire
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✉ - Evénement du Calendrier de l'Avent 2022.
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「 𝙲𝙷𝙰𝚁𝙰𝙲𝚃𝙴𝚁𝚂 」 ▹ Venti, Kaeya ALBERICH & Eula LAWRENCE
─ ­ ­ 𝚃𝚈𝙿𝙴 ▹ Scénario
─ ­ ­ 𝚁𝙴𝙰𝙳𝙴𝚁 ▹ ♀ Féminin
─ ­ ­ 𝙶𝙴𝙽𝚁𝙴 ▹ ☆ Happy Ending | ♥ Débordant d'amour | Taquineries
─ ­ ­ 𝚃𝚁𝙸𝙶𝙶𝙴𝚁 & 𝚆𝙰𝚁𝙽𝙸𝙽𝙶 ▹ R.A.S
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─ ­ ­ ­ « S'il vous plaît. »
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Ta voix douce appela tendrement le jeune homme pitoyablement allongé sur la table de la taverne, secouant légèrement son épaule du plat de ta main. Ton regard se faisait soucieux, ce n'était pas la première fois que tu avais à faire au petit barde, plutôt célèbre à travers Mondstadt, mais tu ne l'avais jamais vu dans un état aussi lamentable. Le secouant une nouvelle fois, le barde te gratifia d'un léger gémissement d'inconfort, visiblement peu ravis que tu le réveilles de cette façon. Ses yeux lagons papillonnèrent légèrement avant de s'embuer de larmes, comme quelques heures plutôt, son rêve ayant laissé quelques séquelles à son esprit fatigué. Les larmes coulaient toutes seules. Il ne te laissa pas le temps de réagir, enroulant avec force ses bras menus autour de ta taille, enfouissant sa tête contre ton ventre, comme un chat s'y pelotonnant affectueusement. Son béret tomba sur le sol dans un bruit étouffé. Dès qu'il avait vu ton visage, il avait en quelque sorte été soulagé.
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─ ­ ­ ­ « Ne m'abandonne pas, pas toi aussi ! » Pleurnicha l'ivre, te laissant pantoise, ne sachant pas où te mettre complètement raide dans sa forte étreinte. « Je ne veux pas être seul... »
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Celui-ci resserra possessivement ses bras autour de ta taille, manquant de te couper le souffle, étouffant ses reniflements contre le tissu de ton tablier de service. Tu ne savais plus quoi faire. Est-ce qu'il fallait lui caresser le haut de ses cheveux ? Lui dire des mots rassurants ? Tu restas complètement muette, tes mains figées en l'air et le souffle coupé, mais une chose était sûre, tu n'avais pas le cœur à le jeter dehors. Même si tu le ne le connaissais pas autant que tu l'aurais voulu, il était loin d'être un inconnu, aussi espiègle qu'il était, Venti avait réussi par inadvertance à voler ton cœur.
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─ ­ ­ ­ « Je... La porte, il faut que j'aille fermer la porte, donc si vous pouviez juste me lâcher trente secondes ? »
─ ­ ­ ­ « Non. Toi aussi. Tu vas disparaître. » Lança l'archon au caractère bien enfantin pour la soirée, ajoutant quelques mots de plus dans un murmure. « Et je ne veux pas. »
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Tu fus incapable de comprendre ses derniers mots, même si le barde ivre avait besoin de ton attention, ta conscience te rappelait qu'il te fallait fermer la porte à clef. La cité de la liberté ne croulait pas sous les criminelles, mais ça restait ton travail de veiller sur cet endroit, Charles t'ayant fait confiance pour fermer. Soupirant, tu étais à deux doigts de réitérer ta demande, quand tu le sentis bouger légèrement pour lever sa tête en ta direction. Ses joues s'étaient rougies à cause des larmes et ses yeux brillaient encore de ses derniers pleurs, il te semblait si faible et si inoffensif. C'était comme si un petit chiot cherchait ton attention, laissant voir ses yeux lagons de chien battu.
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─ ­ ­ ­ « Tu vas rester avec moi, pas vrai, [T/P] ? » Demanda le barde, se retenant de sourire alors qu'il te voyait fondre sous ses yeux. « Puisque je t'aime. »
─ ­ ­ ­ « Je... Oui. »
­
Son plan fut un succès aussitôt où tes lèvres donnèrent ton consentement, il ne te fallu pas grand-chose pour céder à sa demande et Venti savait parfaitement ce qu'il faisait. Tes doigts glissèrent avec tendresse sur le haut de ses cheveux alors qu'un sourire rayonnant prit place sur son visage. Il était comme un chat satisfait de la réponse, ronronnant presque pour avoir acquis ton attention. Pouvais-tu croire les mots d'un alcoolique ? Est-ce égoïste de le vouloir ? Non, Venti n'allait pas dire le contraire, lui-même plus qu'égoïste en cette soirée. Feindre l'ivresse, une excuse pour la bonne cause, une excuse pour se rapprocher possessivement de toi, une excuse pour révéler le choix qu'avait fait son cœur. Cependant, ce qu'il n'avait pas prévu en s'endormant, c'était de refaire face à ses souvenirs du passé qui avait réveillé une vieille tristesse profondément enfouie.
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─ ­ ­ ­ « Merci, [T/P]. »
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─ ­ ­ ­ « Est-ce que tout va bien capitaine ? »
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Le regard perdu à l'extérieur du grand bureau qu'utilisait le capitaine de la cavalerie, Keaya avait un visage impassible pourtant le saphir de son regard, lui, semblait bien plus fermé, comme glacial. C'était comme si son seul œil valide semblait refléter parfaitement le temps pluvieux à l'extérieur. C'était si rare, ou plutôt, peu commun de le voir aussi intensément plongé dans ses pensées, comme si y réfléchir changerait ce qu'elles sont. Enfin, tous ceux-ci n'étaient que la supposition de ton esprit, le voyant presque se noyer dedans si tu n'avais pas frappé à cette porte et parlé.
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─ ­ ­ ­ « Dire que notre petite [T/P] fait autant attention à moi. » Ronronna la voix taquine de ton supérieur, se tournant à demi dans ta direction un sourire de chat aux lèvres. « J'en suis très flatté. ~ »
─ ­ ­ ­ « Tant mieux. » Soupiras-tu discrètement, déposant ta course sur son bureau. « Si vous avez encore le temps de flirter, je suppose qu'il vous en reste pour les papiers transmis par Jean. »
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Ton soupir n'échappa pas à l'utilisateur cryo se contentant de t'observer, de vieux souvenirs affluant dans le coin de son esprit, chassant ses anciennes pensées. Il se rappelait encore de votre rencontre plus que maladroite dans ce couloir de l'ordre, toi, la jeune recrue au regard [C/Y] indifférent au sien. Aucun de ses compliments n'avait semblé t'atteindre et encore moins ses différentes touches de flirt récurrentes qu'il voulait innocentes et un peu passe-partout. À chaque fois, tu l'avais remercié avant de passer à autre chose, n'y prêtant oreille que quand elles étaient sincères.
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─ ­ ­ ­ « Je me demandais. » Commença le capitaine, changeant si bien de sujet comme il s'avait le faire. « Suis-je toujours un Casanova à tes yeux ? »
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Sa question te laissa sans voie, surprise, te détournant de la porte que tu t'apprêtais à ouvrir pour retourner à tes occupations, aussi rapidement que quand tu avais mis les pieds dans le bureau. Pourquoi se rappelait-il de ça ? L'avais-tu traumatisé avec ce mot ? Silencieuse un bon moment, peu sûr de ta réponse, Keaya se demandait même si tu te rappelais de tes propres mots. Pourtant, il fut patient observant calmement tes gestes dos à lui, ses bras confortablement croisés sur sa poitrine.
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─ ­ ­ ­ « Un alcoolique assez compétent dans son travail. » Le taquinas-tu en retour, un sourire malicieux aux lèvres, pensant à demi-mot ce que tu venais de déclarer. « Je ne savais pas que mon avis comptait pour vous. J'en suis très flatté, capitaine. »
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Il resta quelques secondes circonspect, te suivant de son œil valide quitter son bureau. Quand la porte se ferma à ta suite, Keaya ne put retenir un rire amusé étouffé par le dos de sa main. Tu lui semblais si mignonne avec tes yeux [C/Y] taquins. De bien meilleures humeurs que tantôt, le capitaine de la cavalerie laissa de nouveau son regard glissé sur l'extérieur pluvieux. De nouvelles pensées balayant son frère et son père, Keaya avait désormais bien d'autre préoccupation. N'était-il pas temps d'aller à la vitesse supérieure ? Devait-il t'inviter à déjeuner ?
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─ ­ ­ ­ « Pourquoi me regardes-tu aussi fixement ? »
─ ­ ­ ­ « Ce n'est pas le cas. »
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Son ton ne laissait pas une once d'espace à la taquinerie ou à une discussion, aussi glacial qu'un blizzard lui-même. Elle avait été prise sur le fait, et plus que consciente d'avoir dévoré ta silhouette de son regard, délaissant son livre sans même s'en apercevoir, elle se sentait affreusement gênée de l'avoir fait. Ses joues pâles rosirent presque imperceptiblement alors qu'il fit mine de regarder par la fenêtre, s'esquivant par espoir de cacher son trouble. Espoir qui fut très vite balayé par l'éclat [C/Y] de ton regard la couvrant d'interrogation et bien vite remplacé par la culpabilité écrasante de sa froideur.
­
─ ­ ­ ­ « Je me souviendrai de cet affront, [T/P]. »
─ ­ ­ ­ « Je me demande à combien j'en suis ? » L'interrogeas-tu un magnifique sourire prenant place sur tes lèvres, consciente des pensées qui avaient pu traverser son esprit. « Auriez-vous compté, Madame Lawrence ? »
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La chevalière resta silencieuse, son regard se perdit dans le vide, son esprit cogita silencieusement. Eula était aussi raide qu'un piquet, le regard dur, comme si l'appel de son nom : « Lawrence » lui avait jeté une réalité en pleine figure sans même s'en inquiéter. Légèrement déstabilisé par son changement soudain d'humeur, ayant presque de la peine pour ce livre coincé entre ses mains, tu quittas ton poste. Rejoignant la capitaine assise sur le canapé en face de ton bureau, tu t'installas à ses côtés, récupérant avec précautions le prisonnier de papier. 
­
─ ­ ­ ­ « Me détestes-tu aussi ? » Demanda la voix sans états d'âme ton amante, fixant tes prunelles [C/Y] désorientées, comment avait-elle pu penser à ça. « Les Lawrence sont des - »
─ ­ ­ ­ « Absolument pas. » La coupas-tu, t'attirant le regard mécontent de la jeune femme. « Devrais-je t'épouser pour que tu ne l'oublies pas ? »
­
À demi une blague, tes mots valaient leur pesant d'or en apercevant le regard timide d'une Eula morte de gêne. Un sourire égailla ton visage, plus que ravis de lui avoir fait cet effet. Prenant son visage en coupe, tu déposas avec tendresse tes lèvres sur les siennes, la prenant gracieusement au dépourvu. Fière de l'avoir fait taire, occupant chaleureusement ses croissants de chaire avec tendresse, lui faisant oublier ses anciennes pensées, tu profitas égoïstement de la timidité de la jeune femme. À peine ses lèvres furent libres, qu'elle ne put s'empêcher de râler à demi-mot.
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─ ­ ­ ­ « Celui-ci aussi... » Marmonna-t-elle en touchant ses lèvres du bout des doigts, laissant sa tête se poser contre ton épaule. « Je m'en souviendrai. »
─ ­ ­ ­ « Autant que tu veux. » Lui murmuras-tu à l'oreille.
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Masterlist ・ Christmas Calendar 2022
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pluietete · 2 years ago
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Lettre au passé # 2
Cher Scottie,
Tu es né un 29 décembre. Ta mère appartenait au monsieur qui jardinait pour ma grand-mère. Ton père devait venir d'une autre ferme, tous deux des griffons korthals, "la bonne à tout faire du chasseur", le poil ras mais bouclé, gris et brun, les oreilles pendantes moins longues qu'un cocker, la moustache fournie et l'œil vif d'un chien intelligent. Mon père s'était mis en tête d'en avoir un, quand ma mère lui a dit que ton premier propriétaire "en faisait". Elle y voyait une occasion de briller et a donc réservé un petit sur la prochaine portée. Fin décembre 90 quand le monsieur a appelé, j'étais joie, j'allais avoir un chien. Tu n'allais pas vraiment être "mon" chien. Le deal, dans le monde merveilleux mais imaginaire de ma mère, c'était que mon père te prendrait et te ramènerait à chaque visite. À l'époque il ne venait qu'une ou deux fois par mois, mais venait d'emménager à quelques kilomètres et la fréquence devait donc augmenter. Ma mère se raconte beaucoup d'histoires. Elle croit à la pensée magique et fait des calculs compliqués pour influer sur des situations simples et verrouillées. Mon père a toujours été irresponsable, sous l'emprise de parents intrusifs, il n'avait guère d'autonomie à l'époque et ne s'occupait pas de sa fille unique. Mais il prétendait vouloir un chien et ma mère lui avait fait promettre de s'en occuper. C'est dans ce contexte aux fondations rongées de rouille que tu as débarqué, joli chiot de quelques semaines. J'ai passé un après-midi à essayer de t'apprendre ton nom, je suis d'un naturel patient, surtout avec un chienchou, mais ma mère avait déjà son masque mauvais. En vérité les échanges téléphoniques avec le pater n'étaient plus très positifs sur cette histoire de chien. Je peux pas l'emmener au travail, je ne vais pas avoir le temps de le dresser, la chasse tu sais c'est seulement trois mois par an et le reste de l'année j'ai mes compèts de tir… Le rêve, les promesses, tout se fissurait dans toutes les directions. J'ai dû vaguement essayer de parlementer. Je n'avais pas mon mot à dire, même si je voulais vraiment un chien. Il y en avait trois chez ma nounou et j'adorais absolument leur compagnie. Un chien s'est jeté sur moi à trois ans, un autre quelques mois avant ton arrivée, je n'en ai pourtant jamais eu peur. Je crois que je savais que tout était déjà fichu. À l'époque je n'aurais pas osé insister et fléchir ma lâche de mère. Ça aurait pourtant peut-être marché. Tu avais donc désormais tous les défauts et puis tu as fait pipi dans la salle de bain et elle a pris ça comme prétexte, c'était scellé, on ne pouvait pas te garder, qu'est-ce que tu allais faire tout seul toute la journée et puis j'allais grandir et passer de moins en moins de temps à la maison, donc non, vraiment, pas de chien, pas possible. Le lendemain matin elle s'est levée tôt. Je pleurais assise sur mon lit et tu es venu me lécher les genoux. Tes grands yeux kakis dans les miens. J'aurais pu supplier. Je n'ai rien dit. Elle t'a mis dans la voiture et vous êtes partis. T'a-t-elle abandonné près "d'un village de chasseurs" comme elle l'a prétendu alors, ou t'a-t-elle tué comme elle l'a fait avec tant de chatons ? je ne sais pas, je n'ai pas envie de savoir. Je me suis racontée l'histoire d'un chiot qui a trouvé une nouvelle maison, a été choyé et qui est mort de toutes façons. Longtemps j'en ai voulu à mon père, à ses promesses jamais tenues. Puis, j'ai réalisé la responsabilité de ma mère qui les croyait et les encourageait. La chanson Encore et encore de Cabrel m'a toujours fait grincer des dents. Je m'en veux aussi, mon très cher Scottie, mon chien d'un jour, d'avoir été si peu combattive pour toi et pour moi. Une personnalité plus battante m'aurait rendu la vie plus facile. Je n'ai même pas de photo de toi, juste deux grands yeux qui me fixent chaque fois que je les invoque. Je te demande un immense pardon, d'avoir été une petite fille qui voulait un chien, mais n'était pas prête à se battre pour lui. Gratouillis mon Scottie et bisou sur le museau.
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ondessiderales · 17 days ago
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Sur l'île de Sam
Sur l’île de Sam
Préface :
L’eau monte sur le bateau. Le chien est affolé. Il ne retrouve plus son maître. Plus il le cherche, plus l’eau le submerge. Soudain, il le voit sur une grosse bouée, partant sur l’horizon. Il aboie, il gémit, il supplie. Le maître n’entend pas. Il saute. Les vagues lui fouettent le visage, mais rien ne l’arrête. Il voit son maître. Il pleure de joie. Il monte sur la grosse bouée. Elle coule. Le maître nage vite. Le chien ne peut pas le rattraper. Il couine de désespoir. Les vagues le fatiguent. Résistera-t-il ?
Chapitre 1 : Les vacances
On les attendait mais elles sont arrivées, les grandes vacances ! Le calme de la mer me repose. Ces vacances sur l’île de mon père sont un vrai bonheur. Les palmiers et les cocotiers, le chant des sirènes, la beauté d’un coucher de soleil… parole de Maxence, fils de riche et enfant de 12 ans, il n’y a rien de plus reposant. Pourtant, depuis tout à l’heure, j’entends un murmure, étouffé par les vagues. Et plus le temps passe, plus le murmure d’intensifie. Etrange…
« Maxence ! Viens ici une seconde !
-Oui, papa ! »
Je me dirige vers la maison.
« Ecoute, tu es grand, dans une heure, je partirai au Brésil. Je reviendrais dans une semaine. Alors, sois bien sage et ne vas surtout pas dans la forêt. Compris ? 
-Oui, papa ! »
Le chien est toujours vivant. Il veut encore lutter. Il aperçoit au loin une rive. Il lui faut juste continuer à nager. Il couine. Il a mal aux pattes. Il souffre.
Papa est parti depuis longtemps. Le murmure s’amplifie toujours. Mais cette fois-ci, il me semble très proche. J’ai la gorge sèche. Et j’ai envie de boire. Si je me prenais encore une limonade ? Je vais dans la cuisine. Ce frigo est immense. J’ai beaucoup de chance.
La rive, enfin ! Avec la force qui lui reste, le chien nage. La rive est à un mètre de lui. Il s’évanouit.
Allez, la rondelle de citron et je vais pouvoir enfin boire cette limonade. Sur mon transat, je n’entends plus le murmure. Par contre, j’entends très bien la respiration de quelque-chose. Je finis la limonade et je vais vite voir qu’est-ce qui fait ce bruit. Et c’est sur le sable fin que je découvre un chien, inerte.
Chapitre 2 : Sam
Le chien est bien. Il sent la douceur de la couette qui l’entoure. Il ne veut pas ouvrir les yeux. Il est épuisé. Mais il a faim. Il ne sait que faire. Il repense à son maître. Il lui manque. Il finit par ouvrir les yeux.
« Eh bien, tu en as mis du temps pour te réveiller ! , dis-je au chien
On peut dire que tu as fais un long voyage ! »
Le chien était encore endormi. Mais j’étais sûr qu’il m’entendait quand même.
« Reste plus qu’à te trouver un nom ! Que dirais-tu de Fripouille ? »
Le chien grogne. Il ne s’appelle pas Fripouille. Il le sait.
« Mais qu’est-ce que tu as ? »
Le chien sait qu’il ne s’appelle pas Fripouille et pas même cet enfant ne dira le contraire. Il aboie.
Je souffle.
« Quand tu auras fini d’aboyer, tu me le diras. En attendant, Je vais vérifier que tu n’as pas de puce. »
Et c’est là que je découvre une écriture sur le dos de Fripouille. Il y a écrit  A Sam, pour la vie..
«  Cà alors, mais tu as un maître ! Et en fait, tu t’appelles Sam ! »
Le chien se dit que l’enfant, aussi stupide soit-il, a quand même découvert son vrai nom. Il arrête d’aboyer.
« Alors, tu en as assez d’aboyer ? Bien ! Bon, en attendant, il faut retrouver ton maître. Mais pour cela, il faudrait aller à la mairie et passer par la forêt. Mais mon père me l’a interdit. Non, vraiment, il vaut mieux l’attendre… »
Le chien gémit. Il veut vraiment retrouver son maître. Il pleure. Il aime son maître.
« Tu me fais trop de peine ! Allez, tant pis pour papa, allons dans la forêt ! »
Le chien va pouvoir retrouver son maître ! Il va enfin le revoir ! Il sent qu’il aime cet enfant. Il ne le quittera que le moment venu. Mais d’abord, manger la pâté que lui donne l’enfant...
— Lucas, 22 mai 2008 (j'avais 11 ans)
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christophe76460 · 17 days ago
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LES RÊVES QUI MONTRENT QUE L ENEMI OU LES SORCIERS DE TA FAMILLE REGARDENT TOUT CE QUE TU FAIS:
1) SOUVENT TU RÊVES ET TU VOIS UN CHAT OU UN CHIEN OU UN OISEAU QUI TE REGARDE
C est pas un bon rêve, cela veut dire qu il y a un enemi ou un sorcier dans ta famille qui regarde tout ce que tu fais pour retarder ton miracle, pour retarder ton mariage, ton bonheur, ta destinée.
2) BEAUCOUP DE CHRÉTIENS RÊVENT ET ILS VOIENT QU ON LES POURSUIT OU BIEN TU VOIS DES POLICIERS OU DES GENS EN UNIFORME OU DES MILITAIRES OU DES AGENTS DE SÉCURITÉ QUI TE POURSUIVENT.
Vite, il faut jeûner pour aveugler tous ceux qui te regardent. Ils te poursuivent pour attraper ton âme pour l emprisonner.
S ils te poursuivent c est pas bon, MAIS S ILS TE CHERCHENT ET QU ILS NE TE VOIENT PAS DANS LE RÊVE, C EST QUE C EST BON.
3) BEAUCOUP DE CHRÉTIENS, QUAND ILS RÊVENT, ILS SE VOIENT NU OU PRESQUE NUS, SANS HABITS OU BIEN TU MARCHES SANS CHAUSSURES.
C est un signe, Dieu est entrain de te dire il y a un sorcier ou des gens dans ta famille qui regardent tout ce que tu fais. Ils veulent que tu sois pauvre, rien ne va marcher dans ta vie, retarder ton mariage, ta destinée, ton miracle. Ils veulent que la honte, la moquerie, soient sur toi. LÈVE TOI DANS LE JEÛNE.
4) TU RÊVES ET TU VOIS UNE PERSONNE QUI ARRACHE DE TES MAINS TON PASSEPORT, TON DIPLÔME, TA CHAUSSURE, TON HABIT, TA BAGUE DE MARIAGE....
C est pas bon. Les sorciers de ta famille ont arraché quelque chose de tes mains pour utiliser cela comme un point de contact pour regarder tout ce que tu fais, pour retarder ton mariage, pour chasser celui que Dieu envoye pour te marier ou t aider financièrement, pour t emprisonner. LÈVE TOI AVEC 7 JOURS DE JEÛNE SINON D ICI LA FIN DE L ANNÉE ÇA SERAIT ENCORE LES MÊMES PROBLÈMES.
5) DANS LE RÊVE TU VOIS DES TOILES D ARAIGNÉES AUTOUR DE TOI OU BIEN DANS TA MAISON.
C est un signe Dieu te montre pour dire l enemi regarde ta vie pour te garder à la même place, t emprisonner, t enchaîner, pour détruire les bonnes choses de ta vie.
6) MANGER DANS LE RÊVE OU FAIRE L AMOUR DANS LE RÊVE.
Quand tu es sur le point d avoir un miracle ou bien tu es sur le point d avoir quelque chose qui va changer ta vie, c est là tu vois dans le rêve une femme ou un homme qui vient faire l amour avec toi, ou bien c est là tu te vois entrain de manger dans le rêve. MAIS QUAND IL N Y A PAS D OPPORTUNITÉ, TU NE MANGES PAS OU TU NE FAIS PAS L AMOUR DANS LE RÊVE. Cet genre de rêve vient seulement quand il y a quelque chose de bon qui est entrain de venir pour toi.
EXEMPLE : il y a un frère en Christ qui a créé sa propre compagnie. Quand il est sur le point de signer un contrat qui va lui donner beaucoup d argent, C EST LÀ IL VOIT DANS LE RÊVE UNE FEMME QUI VIENT FAIRE L AMOUR AVEC LUI ET APRÈS LE CONTRAT EST ANNULÉ. Mais quand il n y a pas d opportunité de contrat , il ne rêve pas du tout. Dès qu il y a un contrat à signer, la même nuit cette femne vient faire l amour avec lui et tout le contrat est gâté, est annulé.
7) SOUVENT TU RÊVES ET TU VOIS UN CHAT, OU UN OISEAU OU UN LÉZARD AU MUR OU DANS TA MAISON OU BIEN TU VOIS UN RAT SE PROMENER DANS LA MAISON
Dieu est entrain de te dire les sorciers de ta famille regardent tout ce que tu fais pour retarder ton mariage, ta destinée, ta promotion au travail, ton miracle financier.
LÈVE TOI DANS LE JEÛNE ET CASSE TOUS LES YEUX DIABOLIQUES QUI TE REGARDENT ET ENVOYE LE FEU DU SAINT ESPRIT POUR BRÛLER TOUS LES ANIMAUX que les sorciers utilisent pour te regarder AU NOM DE JESUS CHRIST.
EXEMPLE : Un frère en Christ a prié pour 20 minutes chaque heure de minuit à 6heure du matin. Dès qu il a commencé à dormir, il a fait un rêve. Dans le rêve, il s est vu dans une maison. Et tout d un coup il a vu un oiseau qui est rentré dans la maison et il a commencé à poursuivre cet oiseau dans la maison, cherchant à le tuer. SA MÈRE EST UNE GRANDE SORCIÈRE, ELLE UTILISAIT LES OISEAUX POUR REGARDER TOUT CE QUE LE FRÈRE EN CHRIST FAIT.
8) SOUVENT DANS LA VIE RÉELLE OU DANS LES RÊVES, TU ES UNE FEMME ET TU PERDS TES SLIPS OU TES DESSUS, OU BIEN TU PERDS TON ARGENT, TA BAGUE DE MARIAGE, c est pas bon car ils vont prendre ces choses qu ils ont volé de toi pour les deposer à l autel pour controler ta vie, pour regarder tout ce que tu fais, pour retarder ta destinée, ton miracle, ton bonheur.
9) SOUVENT TU RÊVES ET TU VOIS QUE TU ES TOMBÉ DE L ESCALIER, OU TU ES TOMBÉ D UN ARBRE OU BIEN TU ES TOMBÉ D UNE COLLINE, OU BIEN TU ES TOMBÉ DE L ÉCHELLE.
C est aussi un signe pour te dire qu ils regardent tout ce que tu fais et ils veulent que tu tombes financièrement si tu fais le commerce ou les affaires. Ils veulent que tu tombes pour devenir pauvre, que ton mariage soit détruit, ils veulent que ceux qui voulaient t aider financièrement changent d avis et qu ils ne t aident plus.... LÈVE TOI DANS LE JEÛNE ET LA PRIÈRE.
10) SOUVENT TU RÊVES ET TU VOIS QUE ILS ONT MIS DES MENOTTES SUR TES MAINS
C est pas bon. L enemi a enchaîné ton âme pour controler tout ce que tu fais, pour retarder ta destinée, pour détruire les bonnes choses que Dieu t a données.
11) SOUVENT BEAUCOUP DE CHRÉTIENS RÊVENT ET ILS VOIENT UNE PERSONNE QUI A PRIS LEUR PHOTO
Les sorciers ou tes enemis vont utiliser cette photo comme un point de contact pour regarder tout ce que tu fais, pour retarder ton mariage, pour retarder ton miracle, pour retarder ta promotion au travail..
12) SOUVENT TU RÊVES ET TU VOIS DES CAFARS OU DES FOURMIS DANS TA MAISON OU AU MUR.
Vite, lève toi et jeûne et casse tous les yeux qui te regardent. Envoye le feu pour brûler tous les cafars, tous les animaux que les sorciers utilisent pour regarder ta vie.
SOUVIENS TOI, l enemi ou les sorciers de ta famille ne peuvent pas te tuer, mais ils peuvent retarder ton mariage, ta promotion, ton miracle. C est à l âge de 25 ans tu devrais te marier, maintenant c est à l âge de 50 ans tu vas te marier.
Les sorciers, les demons ou les enemis ne peuvent pas te tuer, mais ils peuvent chasser ceux que Dieu envoyent pour te marier, ils peuvent chasser ceux que Dieu envoyent pour t aider financièrement pour tes projets, ils peuvent regarder ta vie pour gâter les bonnes choses que Dieu t a données.
SI TU VOIS CES RÊVES, IL NE FAUT PAS CROISER LES BRAS ET CHANTER ALLELUIA. IL FAUT SE LEVER DANS LE JEÛNE ET LA PRIÈRE POUR CHANGER TA VIE.
PARTAGEZ, PARTAGEZ, LE MESSAGE ET QUE DIEU VOUS BENISSE AU NOM DE JÉSUS CHRIST.
MESSAGE NUMÉRO 2: POURQUOI DIEU NE REPONDS PAS TA PRIÈRE ? QU EST CE QUI BLOQUE TES PRIÈRES ?
Le pasteur, le Bishop, le prophète, le frère, la soeur, tous ils prient pour quelque chose, mais souvent rien.
Mon ami a doctorat en Theologie, il dirige une église. Il a prié pour ses maux d yeux jusqu'à àaaa fatigué, mais rien. Il a décidé de porter les lunettes comme beaucoup de pasteurs.
A Londres, il y a une maman pasteur appelée Maman Blessing du Nigeria. Elle est stérile, elle ne peut pas enfanter. Elle dit elle a prié jusqu'à aaaa fatiguée. Elle est toujours stérile, pourquoi ??
DEMAIN LUNDI MATIN, NOUS ALLONS VOIR POURQUOI BEAUCOUP DE PRIÈRES DE PASTEURS, DE PROPHÈTES, DE FRÈRES ET DE SOEURS SONT BLOQUÉES ??
SOYEZ CONNECTÉS, MERCI.
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80roxy08 · 23 days ago
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Writevember jour 5 - La suite de "Le châtelain"
“Alors ? La livraison s’est bien passée ?” lui demande son père lorsqu’Emilie gare la camionnette dans la cour de la boulangerie. 
Elle claque la porte du véhicule, et grimace en voyant les traces de terre maculant les portes arrière. Rouler en rase campagne, ça ne passe pas inaperçu…
“Ça va, je suppose. On a failli se perdre, le GPS déconnait, mais on a fini par trouver et livrer à temps les viennoiseries,” répond-elle.
“Ah, vraiment ? C’est vrai que je n’ai jamais utilisé de GPS pour aller jusqu’au château,” marmonne-t-il.
“Tu as déjà déposé le fils Dubois ?” lui hurle sa mère depuis l’intérieur de la boutique.
“Oui, maman, c’était sur le chemin, donc j’ai laissé Chris devant chez lui,” grommelle Emilie tout en déchargeant les caisses vides de la camionnette. 
“Eh beh, il pourrait au moins payer le plein…” rouspète sa mère tout en lui tenant la porte ouverte.
“Sarah…” intervient son père.
Emilie se contente d’un soupir. 
Sa mère n’a jamais apprécié Christopher - quand bien même ils se connaissent depuis la primaire. Elle le considère comme une “mauvaise influence” - et peut-être n’a-t-elle pas complètement tort, puisque les choses les plus stupides qu’elle a faites ont souvent eu lieu en compagnie du jeune homme.
Ceci étant, si Chris a une mauvaise influence sur Emilie, c’est réciproque…
“Mais assez parlé de ce petit teigneux, je suppose que tu as rencontré Louis ? Alors ?” reprend sa mère.
“Le châtelain ? Oui maman, ne t’inquiètes pas, la livraison s’est bien passé, je n’ai pas fait honte à la boulangerie - “
“C’est pas ça que je te demandes ! Qu’est-ce que tu penses de lui ?”
“Euh… Il a l’air sympa ?”
“Et..?”
“De quoi, et ? Qu’est-ce que tu - Maman !” s’exclame soudain Emilie lorsqu’elle comprend où sa mère veut en venir. “Tu peux arrêter d’essayer de me caser avec tous les types du coin ?!”
“Roooh, tout de suite ! Et puis Louis est un jeune homme bien comme il faut, tu sais, et avec un bon pedigree, ce qui est un avantage non négligeable de nos jours.” 
“Chérie, tu parles de Louis comme d’un chien,” soupire son père - sans pour autant décourager sa femme de chanter les louanges du châtelain à leur fille dans l’espoir d’un bon mariage.
Emilie lui jette un regard noir pour cette trahison - mais son père se contente de hausser les épaules. De toute évidence, il est complice et impliqué dans le plan ridicule consistant à envoyer Emilie faire des blind-date tous les weekends.
“N’empêche, tu devrais y réfléchir ! Il passe en ville de temps en temps, il suffirait que tu te débrouilles pour l’accoster, lui proposer un verre - ou non, tiens, du pain frais plutôt ! Le chemin pour atteindre le cœur d’un homme passe par son estomac.”
“Ta mère n’a pas tort.”
“Papa, ne t’y mets pas toi aussi ! Et c’est hors de question que j’ailles draguer le châtelain comme ça !” proteste Emilie.
“Et pourquoi pas, qu’est-ce qui ne te plaît pas chez lui ?” 
“Il porte une alliance, et je n’ai pas particulièrement envie de jouer les briseuses de couple,” tacle Emilie, se souvenant très bien de la bague en or sertie de pierres précieuses qui ornait l’annulaire de Louis lorsqu’elle lui a serré la main.
“Oh,” répond son père, l'air soudainement peiné.
“Ah,” ajoute sa mère, comme si elle venait de se rappeler de quelque chose.
“Je sais que tu es désespérée d’avoir enfin des petits-enfants, mais de là à me jeter dans les bras d’un homme marié, quand même…”
“C’est vrai qu’elle ne peut pas être au courant, comme elle vient de rentrer…”
“Hmmm, effectivement je n’ai pas pensé à la prévenir…”
“Prévenir de quoi ? C’est quoi ces messes basses ?” grommelle Emilie en voyant ses parents s’échanger des regards indécis. 
“Eh bien…” commence sa mère.
▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁
“Alors, ça s’est bien passé la livraison au château ?” lui demande sa mère lorsque Christopher déverrouille la porte arrière. “Tiens, tant que t’es là, aide moi à bouger ça,” ajoute-t-elle avec un geste en direction d’un fût de bière.
“Ouais, on a failli se paumer en cherchant le château entre deux bleds du coin, mais sinon mission accomplie,” répond Chris en s’exécutant - et grognant quand il se rends compte que le fût en question est plein. Et donc bien lourd.
“C’est vrai que c’est pas très bien indiqué par ici. Je crois qu’il y avait un panneau, avant, mais un crétin s’est emplafonné dessus l’année dernière et la mairie ne l’a toujours pas remplacé. Pose-le là, ça sera bon.”
Avec un dernier grognement, Chris hisse le fût sur une étagère dans la zone de stockage.
“Tu veux un truc à boire ?” lui demande sa mère.
“J’ai le droit à de l'alcool ?” 
“Seulement si tu payes.”
“Evidemment. Dans ce cas, file-moi un Schwepps,” répond-t-il.
Sa mère sort une bouteille du réfrigérateur et un verre propre, et lui sert alors qu’il s'assoit au bar. 
Il prends une gorgée, appréciant la boisson fraîche et les sensation des bulles - 
“Et donc, Louis ? Pas mal, hein ?” questionne sa mère avec un regard appuyé.
- Et s’étouffe promptement avec son Schwepps.
“Respire,” ricane sa mère en lui assénant une claque dans le dos.
“D’où est-ce que tu… C’est quoi c’te… Nan mais ça va pas ?” bredouille finalement Chris après une dernière quinte de toux.
“Bah quoi, j’ai rien dit de mal ?”
“Ben t’a rien dit de bien non plus.”
“Il est poli, doit avoir un petit pactole pour gérer son château, et en plus il n'est pas désagréable à regarder… moi je dis bingo,” argumente sa mère.
“T’as qu'à aller tenter ta chance, dans ce cas…”
“Ah, si j’avais vingt ans de moins ! Ou même dix, tiens, je suis toujours très fraîche, je suis sûre que j’aurais pu avoir ma chance même avec un beau jeune homme comme ça il y a dix ans,” soupire-t-elle.
“Euh… Je plaisantais, hein ! Vas pas me ramener un type qui aurait l’âge d’être ton fils comme nouveau beau-père, ni moi ni les frangins ne seraient d’accord !” panique Chris. 
“C’est pour ça que je vais pas tenter ma chance. Mais toi tu pourrais tenter la tienne !” 
“Tu ne sais même pas si j’ai une chance - “
“Je sais pas s’il est gay, mais je sais de source sûre qu’il a déjà eu une relation sérieuse avec un homme. Et même si clairement, il mérite mieux, en ramenant Louis à la maison tu relèverais le niveau affligeant des partenaires auquel toi et ton frère m’ont habitué jusque-là,” bougonne-t-elle.
Christopher n’a rien à répondre à cela ; pour le coup, sa mère a raison. Ni Chris ni Jean n’ont fait preuve de beaucoup de goût sur leurs (quelques) relations qui ont été présentées à leur mère jusqu’à maintenant.
Quant à ceux qui ne sont même pas allés jusqu’au dîner en famille… Moins on en parle, mieux il se porte.
“Alors c’est quoi ton plan, au juste ? M’envoyer avec une bouteille de pinot toquer à sa porte et espérer qu’il trouve ça mignon ?” tente-t-il de raisonner.
“Ah non, il boit pas de pinot ! Le seul alcool que je l’ai vu consommer c’est du champagne à la soirée d’élection du maire. Sinon je suis presque sûr que ses commandes habituelles sont pour les visiteurs du château. Tu auras plus de succès avec un bon jus de pomme local, ou quelque chose comme ça.”
“Ah parce qu’en plus c’est un de tes clients ? Tu es en train d’essayer de me caser avec un de tes clients ?!” râle Christopher. “Non mais et puis quoi encore - “
“T’écoutes ce que je dis, ou bien ? C’est pas un poivrot comme les autres cons du coin, donc oui, j’aimerais bien te caser avec lui ! Dieu sait que t’en trouveras pas un comme ça par tes propres moyens.”
“D’abord, merci du vote de confiance, et ensuite, eh bah c’est mort de toute façon. Quelqu’un lui as déjà passé la bague au doigt, à ton bon parti,” réfute Christopher - il avait noté la belle bague que Louis portrait lorsqu’il lui as serré la main.
Cela a le mérite de faire taire sa mère - mais son expression n’est pas celle de quelqu'un embarrassé. Plutôt triste.
“...Qu’est-ce que j’ai dit ?” marmonne Christopher avec un regard suspicieux. 
Le regard de sa mère se perd dans le vide pendant un instant - 
“Il y a quelque chose que j’ai oublié de te dire au sujet de Louis…”
▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁▁
“Il n’est plus marié ; il est veuf.”
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citationlane · 2 months ago
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- Pourquoi tu ne restes pas avec moi ?- Rester avec toi ? Pour quoi faire ? Regardes-nous on se dispute déjà !- Mais c'est dans notre nature ! On se bagarre ! Toi tu me traites de salopard arrogant et moi je te dis que tu es une emmerdeuse, Allie ! Ce qui est vrai. À 99% du temps. Je n'ai pas peur de te froisser, ça a été plus fort que toi, tu n'as pas pu t'empêcher de revenir m'emmerder !- Et alors ?- Alors ça ne sera pas facile, ce sera même très dur. Il va falloir faire des efforts chaque jour mais je suis prêts à le faire parce que je suis amoureux de toi ! Et je te veux chaque jour, près de moi. Toi et moi pour toujours. Tu veux faire quelque chose pour moi ? Imagine, essaie d'imaginer ce que sera ta vie dans 30 ans, dans 40 ans. À quoi ressemblera-t-elle ? Si tu la vois avec lui, pars. Vas-t'en je t'ai perdu déjà une fois, je le supporterais une autre fois, si c'est vraiment ce que tu souhaites, mais ne choisis pas la facilité.- Quoi, quelle facilité ? Il n'y a rien de facile quoi que je fasse il y aura toujours une personne qui souffrira.- Est-ce que tu veux bien arrêter de penser à ce que les autres veulent ? Arrête de penser à ce que je veux ! À ce qu'il veut ! À ce que tes parents veulent ! Qu'est-ce que TU veux ? Qu'est-ce que tu veux ?- C'est pas aussi simple.- Qu'est-ce-que-tu-veux ? Oh non d'un chien, qu'est-ce que tu veux ?- Je dois partir.
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exutoiredepenser · 2 months ago
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- Pourquoi tu ne restes pas avec moi ? - Rester avec toi ? Pour quoi faire ? Regardes-nous on se dispute déjà ! - Mais c’est dans notre nature ! On se bagarre ! Toi tu me traites de salopard arrogant et moi je te dis que tu es une emmerdeuse, Allie ! Ce qui est vrai. À 99% du temps. Je n’ai pas peur de te froisser, ça a été plus fort que toi, tu n’as pas pu t’empêcher de revenir m’emmerder ! - Et alors ? - Alors ça ne sera pas facile, ce sera même très dur. Il va falloir faire des efforts chaque jour mais je suis prêts à le faire parce que je suis amoureux de toi ! Et je te veux chaque jour, près de moi. Toi et moi pour toujours. Tu veux faire quelque chose pour moi ? Imagine, essaie d’imaginer ce que sera ta vie dans 30 ans, dans 40 ans. À quoi ressemblera-t-elle ? Si tu la vois avec lui, pars. Vas-t’en je t’ai perdu déjà une fois, je le supporterais une autre fois, si c’est vraiment ce que tu souhaites, mais ne choisis pas la facilité. - Quoi, quelle facilité ? Il n’y a rien de facile quoi que je fasse il y aura toujours une personne qui souffrira. - Est-ce que tu veux bien arrêter de penser à ce que les autres veulent ? Arrête de penser à ce que je veux ! À ce qu’il veut ! À ce que tes parents veulent ! Qu’est-ce que TU veux ? Qu’est-ce que tu veux ? - C’est pas aussi simple. - Qu’est-ce-que-tu-veux ? Oh non d’un chien, qu’est-ce que tu veux ? - Je dois partir.
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patriciacointelaurent · 4 months ago
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Baudelaire écrivait sur la douleur la sienne et Pascal sur la mort et son dégoût de l’ être humain ! Vais-je comme eux m’ épancher sur mon histoire en faire un livre , une nouvelle , une poésie en quatre actes ! Je vais avoir tout mon temps pour écrire ou parler toute seule comme ces milliers de gens qui vous disent droit dans les yeux qu’ ils aiment la solitude et la plébiscite alors qu’ au grand soir tout seuls devant la soupe à l’ oignon et l’ hiver venu ils divaguent ! Je me parle a moi même et après ! Ça te regarde mais personne ne réponds ! La table et le mur sont toujours à la même place ! Tu es seule prends un chien ! J’ ai toujours trouvé cette phrase terrible ! Mais combien de petits vieux promène leur chien au soir .Je vais peut-être essayer de re sortir après avoir fait long feu dans ma tanière ! Qui sais ? Surprendre quelques ennemis .
M’ habiller comme le diable de Prada , ou le personnage de ce film qui raconte ;
Suite a la perte de sa fille qu’ on lui enlève un jour elle ne trouve plus son salut que dans l’ alcool , les voyages pour oublier, jusqu’à la débauche l'oubli et la mort !
Certes non et comme l’ éducation et les valeurs vous retiennent, il ne reste qu’ à bien se tenir et à tenter par tous les moyens de tarir un flot de larmes que vous aimez encore parce que cela vous rappelle encore qu’ hier n’ était pas si loin ! . Mon stylo fait grise mine ce soir ! Il me confie que j’ exagère . On a jamais écrit autant et n’ importe quoi clame t il dérouté ! Un peu de tact dit la chose pour éviter le mot décence ! Allez encore un peu de poésie , les poèmes aux Présidents ne sont pas si loin ! Je lui répondis ; A des lustres de moi aujourd'hui mon cher !
C’ était hier ! Hier et le temps passe qu’ on ne voit pas passer ! Il est invisible et très pervers ! Je me souviens encore de ta montre que tu me forçais à regarder ces derniers temps .. Un message . Comme tu était intelligent et courageux !
Bien . Revenons à la réalité, car on ose plus dire à la vie ! Enfin tout ceci est privé qui arrive à des milliers de gens .
Il est parti au ciel ! Le ciel est vaste ! Le ciel cette énigme !
L'immense maison d’ un Dieu mythique des Dieux peut-être, Anubis , Jésus ou Allah que l’ on prie en ces moments propices au repli sur soi et au souvenir ! le deuil ! Bousculer les Pierres une belle chanson qu'il aimait ! Il plébiscitait de s'exprimer parfois ainsi ! Oui on voudrait croire à tout ; aux miracles , à la résurrection en passant par les tables qui tournent , les voyantes et même l’ exorciste tout serait bon pour que le défunt se montre à nous , nous fasse un signe ! Un signe ! Même à l’arrière de la queue rouge d’ écailles drues d’un diable .. qu'importe pourvu ... Mais qu en est-il de Dieu , du ciel et du grand voyage ? Qu'en est-il vraiment .
PATRICIA COINTE LAURENT
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yes-bernie-stuff · 5 months ago
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2 Samuel 16
Tsiba, le perfide serviteur de Mephiboscheth
1 Lorsque David eut un peu dépassé le sommet, voici, Tsiba, serviteur de Mephiboscheth, vint au-devant de lui avec deux ânes bâtés, sur lesquels il y avait deux cents pains, cent masses de raisins secs, cent de fruits d’été, et une outre de vin. 2 Le roi dit à Tsiba : Que veux-tu faire de cela ? Et Tsiba répondit : Les ânes serviront de monture à la maison du roi, le pain et les fruits d’été sont pour nourrir les jeunes gens, et le vin pour désaltérer ceux qui seront fatigués dans le désert. 3 Le roi dit : Où est le fils de ton maître ? Et Tsiba répondit au roi : Voici, il est resté à Jérusalem, car il a dit : Aujourd’hui la maison d’Israël me rendra le royaume de mon père. 4 Le roi dit à Tsiba : Voici, tout ce qui appartient à Mephiboscheth est à toi. Et Tsiba dit : Je me prosterne ! Que je trouve grâce à tes yeux, ô roi mon seigneur !
David maudit par Schimeï
5 David était arrivé jusqu’à Bachurim. Et voici, il sortit de là un homme de la famille et de la maison de Saül, nommé Schimeï, fils de Guéra. Il s’avança en prononçant des malédictions, 6 et il jeta des pierres à David et à tous les serviteurs du roi David, tandis que tout le peuple et tous les hommes vaillants étaient à la droite et à la gauche du roi. 7 Schimeï parlait ainsi en le maudissant : Va-t’en, va-t’en, homme de sang, méchant homme ! 8 L’Éternel fait retomber sur toi tout le sang de la maison de Saül, dont tu occupais le trône, et l’Éternel a livré le royaume entre les mains d’Absalom, ton fils ; et te voilà malheureux comme tu le mérites, car tu es un homme de sang ! 9 Alors Abischaï, fils de Tseruja, dit au roi : Pourquoi ce chien mort maudit-il le roi mon seigneur ? Laisse-moi, je te prie, aller lui couper la tête. 10 Mais le roi dit : Qu’ai-je affaire avec vous, fils de Tseruja ? S’il maudit, c’est que l’Éternel lui a dit : Maudis David ! Qui donc lui dira : Pourquoi agis-tu ainsi ? 11 Et David dit à Abischaï et à tous ses serviteurs : Voici, mon fils, qui est sorti de mes entrailles, en veut à ma vie ; à plus forte raison ce Benjamite ! Laissez-le, et qu’il maudisse, car l’Éternel le lui a dit. 12 Peut-être l’Éternel regardera-t-il mon affliction, et me fera-t-il du bien en retour des malédictions d’aujourd’hui. 13 David et ses gens continuèrent leur chemin. Et Schimeï marchait sur le flanc de la montagne près de David, et, en marchant, il maudissait, il jetait des pierres contre lui, il faisait voler la poussière. 14 Le roi et tout le peuple qui était avec lui arrivèrent à Ajephim, et là ils se reposèrent.
Absalom à Jérusalem
15 Absalom et tout le peuple, les hommes d’Israël, étaient entrés dans Jérusalem ; et Achitophel était avec Absalom. 16 Lorsque Huschaï, l’Arkien, ami de David, fut arrivé auprès d’Absalom, il lui dit : Vive le roi ! vive le roi ! 17 Et Absalom dit à Huschaï : Voilà donc l’attachement que tu as pour ton ami ! Pourquoi n’es-tu pas allé avec ton ami ? 18 Huschaï répondit à Absalom : C’est que je veux être à celui qu’ont choisi l’Éternel et tout ce peuple et tous les hommes d’Israël, et c’est avec lui que je veux rester. 19 D’ailleurs, qui servirai-je ? Ne sera-ce pas son fils ? Comme j’ai servi ton père, ainsi je te servirai. 20 Absalom dit à Achitophel : Consultez ensemble ; qu’avons-nous à faire ? 21 Et Achitophel dit à Absalom : Va vers les concubines que ton père a laissées pour garder la maison ; ainsi tout Israël saura que tu t’es rendu odieux à ton père, et les mains de tous ceux qui sont avec toi se fortifieront. 22 On dressa pour Absalom une tente sur le toit, et Absalom alla vers les concubines de son père, aux yeux de tout Israël. 23 Les conseils donnés en ce temps-là par Achitophel avaient autant d’autorité que si l’on avait consulté Dieu lui-même. Il en était ainsi de tous les conseils d’Achitophel, soit pour David, soit pour Absalom.
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secretsofniflheim · 5 months ago
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Ça n’ira jamais mieux.
Ça n’ira jamais mieux car je serai toujours la même. La même histoire, la même éducation, les mêmes horreurs, les mêmes erreurs.
On ne peut pas guérir un cerveau qui a été façonné de cette manière. On ne peut pas empêcher une gosse de 9 ans de faire l’expérience de la dépression et de l’idéalisation du suicide.
Toujours aussi bête. Toujours autant de trop. Toujours maladroite. Toujours dans les pattes.
Ça ne sera jamais assez bien, car je ne serai jamais une autre.
Je n’ai jamais demandé à venir au monde, plusieurs fois j’ai tenté de défaire ce qui a été fait. En vain. Je suis toujours là. Et à quoi bon.
Les regards indiscrets sur mes cicatrices m’étonnent toujours car « comment ça, vous n’avez jamais voulu mourir? ». Et si c’était les autres les aliénés ? Pourquoi vous êtes heureux ? Comment vous avez fait pour ne pas avoir voulu en finir? S’il y a un secret j’aimerais bien le connaître.
J’ai passé plus de temps à vouloir mourir qu’à grandir. J’ai passé plus de temps à vouloir mourir qu’à vivre.
Je ne pense pas que les autres puissent comprendre ce qu’est la réelle haine de soi, tout comme j’ignore comment elle est apparue. Je ne me suis jamais trouvée ni jolie ni intelligente ni drôle ni intéressante, mais comment ce dédain s’est transformé en haine?
Je dis et pense que chaque personne est le fruit de son environnement. Dans quelle famille et comment il a été élevé. Est-ce que cette haine est le résultat logique de mon éducation ? Est-ce la faute de ceux avec qui j’ai vécu pendant mes années formatrices ? Est-ce que ça me dédouane de toute responsabilité ? Je ne pense pas. Selon moi, tout est de ma faute et chaque malheur, petit ou grand, qui m’arrive, je le mérite.
Je le mérite, ai-je pensé quand elle me traînait par les cheveux dans les graviers. Je le mérite, ai-je pensé quand elle m’a jetté ses chaussures au visage à 4 ans. Je le mérite, quand elle oubliait de venir me chercher à l’école. Je le mérite, quand on me disait droit dans les yeux qu’avoir des enfants était là pire chose à faire, qu’ils étaient des obstacles.
Je ne le mérite pas, quand je voyais mes amis heureux. Quand je voyais leur famille épanouie. Leur deux parents. Leur frigo plein. Leur télévision. Leur nourriture de marque. Leur permis fraîchement payé. Leur studio tout frais payé. Leur vie déposée à leur pieds telle une offrande. Tiens mon enfant, laisse moi te faciliter les choses.
Ce n’est pas normal. Pourquoi j’ai mal et pas eux? Pourquoi ils ont la vie facile eux? Ils ont quoi de mieux pour avoir une telle vie, une telle chance ?
Six fausses couches avant que je naisse, m’a-t-elle dit. Pourquoi pas sept?
Pourquoi pas sept vu à quel point je te débecte ? Je ne suis pas celle qu’elle voulait. Et pourtant je suis là, et c’est pas faute d’avoir essayé de disparaître.
Elle a toujours détesté mon corps, trop petit, puis trop gros. Puis trop sud américain. Puis trop blanc. Puis trop lacéré. Elle a toujours détesté ma mélancolie. Mes émotions, ma tristesse ma haine, mes interrogations. Elle déteste tout ce qui faisait de moi une enfant. Elle ne m’a jamais laissé être une petite fille.
Elle n’avait qu’à s’acheter un chien ou une peluche.
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