#ferrocène
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Complexes et ligands : une autre approche
Un composé complexe est constitué de ligands entourant un atome métallique ou un ion métallique central. Dans un post précédent, nous avons présenté la liaison chimique reliant ligand et corps central (appelée liaison de coordination) comme résultant de l'occupation d'une orbitale moléculaire (OM) par un doublet électronique apporté par le ligand. Ce doublet est dit non liant car non engagé dans une autre liaison chimique. Dans cette approche, de nombreux ligands sont censés être des anions : H-, Cl-, CN-, NO2-... La présence d'une charge électrique est dans ce cas indispensable pour justifier la présence du doublet non liant. L'atome d'hydrogène par exemple ne possède qu'un électron et il faut supposer la présence d'anions hydrures H- qui en possèdent deux pour justifier l'existence de complexes comme l'hydrure de fer tétracarbonyle Fe(H)2(CO)4. C'est la raison pour laquelle on qualifie cette approche de ionique, même si de nombreux ligands sont moléculaires (comme le ligand H2O qui possède deux doublets non liants sur son atome d'oxygène).
Approche covalente
De nombreux chimistes lui préfèrent une autre approche, dite covalente. Elle est moins intuitive, mais certainement plus rigoureuse. Elle présente l'avantage de ne pas nécessiter l'intervention d'anions. Le recours à des ligands sous forme d'anions n'a rien d'extravagante lorsqu'il s'agit d’ions halogénures ou cyanures. Ils sont fréquents dans la nature. C'est moins courant pour l'ion hydrure et, en tout état de cause, il n'existe pas d'hydrure de fer FeH2 hormis dans des conditions de température et de pression tout à fait exceptionnelles. Et que dire des complexes organométalliques comme l'hexaméthyl tungstène W(CH3)6 ? Le recours à un ion méthyl CH3- est totalement : le méthane CH4 n’est pas un acide ! Idem pour l’ion cyclopentadiène C5H5-, inconnu au bataillon, nécessaire pour expliquer la structure du ferrocène Fe(C5H5)2 dans l’approche ionique.
L’approche covalente fait l’économie de l’hypothèse ionique en supposant l’existence de deux types de ligands : les ligands L, qui possèdent bel et bien un ou plusieurs doublet non liants, et les ligands X qui sont des radicaux. Un radical est une espèce chimique (atome ou molécule) qui possède un ou plusieurs électrons non appariés sur sa couche électronique externe. On note cet électron non apparié par un point. L’atome d’hydrogène .H est un radical, tout comme l’atome de chlore .Cl (trois doublets et un électron non apparié dans bande de valence) ou la molécule de cyanure .CN. Dans la molécule de cyanure, l’atome de carbone engage trois de ses électrons de valence dans la liaison avec l’azote, il lui reste donc un électron non apparié. Même chose pour le radical méthyl .CH3 puisque trois électrons de la bande de valence du carbone sont engagés dans une liaison covalente avec un atome d’hydrogène. Dans le cas de l’oxygène (1s2, 2s2, 2p4), ce n’est pas un, mais deux électrons de la bande de valence qui sont non appariés (la sous-couche 2p est constituée d’un doublet et deux électrons non appariés). On le note :O. Même chose pour le soufre :S.
Reprenons le cas de l’hexacyanoferrate [Fe(CN)6]4-. Nous avons analysé les liaisons comme intervenant entre un cation fer (II) et des anions cyanure CN-. Dans l’approche covalente, le corps central est un atome de fer non ionisé auquel sont reliés des radicaux cyanure .CN. Dans ce modèle, c’est le complexe hexacyanoferrate considéré comme un corps chimique qui porte la charge -4. Il n’est donc plus question de doublet apporté par le ligand. Dans cette approche, l’atome de fer et les radicaux contribuent à part égale à la liaison de coordination qui les relie. Le fer par un électron de valence, le radical par son électron non apparié.
Equivalence des deux approches
Comme nous l’avons souligné plus haut, l’approche covalente suppose l’existence de deux types de ligands. Les ligands L fournissent le doublet occupant l’OM (comme le ligand H2O ou le ligand CO). Les ligands radicalaires X n’apportent qu’un seul électron à l’OM, leur électron non apparié, l’autre étant apporté par l’atome métallique central. Ceci ne change strictement rien au raisonnement qui conduit à déterminer la géométrie et l’énergie des orbitales moléculaires. Nous allons montrer que le décompte des électrons conduit également au même résultat, tout comme le calcul du degré d’oxydation.
Prenons le cas du dichloro tétraaquo chrome (III) [CrCl2(H2O)4]+. Dans l’approche ionique, on part d’un cation chrome (III) Cr3+, de deux anions chlorure Cl- et de quatre molécules H2O. La charge du complexe se déduit de la charge de ses composants (on utilise le terme fragments) : +3-2=1. Dans l’approche covalente, le corps central est un atome de chrome, il y a deux ligands X qui sont des radicaux .Cl, quatre ligands L qui sont des molécules H2O et une charge électrique nulle.
Dans la première approche, on connait le degré d’oxydation du métal et on en déduit la charge du complexe. Dans la seconde, on part de la charge du complexe pour en déduire le degré d’oxydation du métal. Pour cela, on fait l’hypothèse que tous les ligands, L ou X, sont titulaires du doublet qui assure la liaison (ils sont plus électronégatifs que le métal : ils attirent l’orbitale moléculaire vers eux). Soit x le nombre de ligands X et q la charge du complexe, le degré d’oxydation du métal est égal à x+q. Dans l’exemple du dichloro tétraaquo fer (II), on retrouve bien +3.
Nota : on remarquera que le dichloro tétraaquo chrome (III) ne respecte pas la règle des 18 électrons.
On peut faire le même type de comparaison pour l’ion hexacyanoferrate (formule [Fe(CN)6]4-).
Le degré d’oxydation du fer est par ailleurs égal à 6-4=2. La formule générale du décompte électronique est :
N = m + 2l + x – q
m étant le nombre d’électrons dans la bande de valence du métal, l le nombre de ligands L, x le nombre de ligands X et q la charge du complexe.
Liaisons pi et hapticité
Dans le post précédent, nous avons basé notre présentation essentiellement sur des liaisons sigma entre ligand et corps central (recouvrement d’orbitales orientées dans l’axe passant entre les atomes). Si ce type de liaison est courant en chimie, ce n’est pas le seul. Dans la molécule de monoxyde de carbone CO, le carbone et l’oxygène entretiennent une double liaison. L’une est une liaison sigma, l’autre une liaison pi. Une liaison pi établit un pont entre deux orbitales perpendiculaires à l’axe entre les deux atomes (à condition qu’elles soient dans le même plan). De ce fait, le doublet d’électrons à l’origine de la liaison occupe une position latérale par rapport à la molécule. Ce type de liaison est omniprésente en chimie organique, que ce soit dans les hydrocarbures insaturés ou dans les hydrocarbures aromatiques. C’est le cas par exemple dans la molécule d’éthylène C2H4 (formule semi-développée H2C=CH2), ou dans celle du benzène C6H6. Dans la molécule de benzène, les 6 électrons pi occupent une orbitale délocalisée dont la forme d’ onde est située latéralement par rapport au plan du cycle.
L’orbitale associée à cette liaison pi peut former une orbitale moléculaire liante avec un atome métallique situé lui aussi latéralement par rapport à la molécule. L’éthylène peut donc jouer le rôle de ligand dans un composé complexe bien qu’il ne dispose pas, à proprement parler, de doublet non liant. Le sel de Zeise, ou trichloroéthène platinate (II) de potassium, de formule K[PtCl3(C2H4)]·H2O, en est un exemple. C’est un sel de potassium hydraté dont l’anion est le trichloroéthène platine (II) [PtCl3(C2H4)]-. C’est un complexe plan qui a la forme d’un carré dont les sommets sont occupés par trois ligands chloro (liaison sigma) et un ligand éthène (liaison sigma-pi). On repère ce type de liaison en faisant précéder le nom du ligand par la lettre grecque éta avec en exposant le nombre d’atomes du ligand concernés par la liaison de coordination. Dans le cas du sel de Zeise, ce sera donc éta2 : [PtCl3(éta2-C2H4)]-.
Le benzène se prête quant à lui à des liaisons éta6, comme dans l’ion [Ru(C6H6)(H2O)3]2+. C’est l’orbitale délocalisée du benzène tout entière qui se coordonne avec l’atome de Ruthénium qui se trouve sur un axe perpendiculaire au plan du cycle. On donne le nom d’hapticité au nombre d’atomes du ligand qui se coordonne avec l’atome central au travers de la liaison pi. L’hapticité du ligand éthylène est de 2, celle du benzène de 6.
Le dichloro(cycloocta-1,5-diène) platine(II) PtCl2C8H12 est un autre exemple de ce type de complexe. Le cycloocta-1,5-diène C8H12 est un cyclo-alcène comportant deux doubles liaisons reliant respectivement les carbones 1 et 2 et 5 et 6. L’atome de platine central entretient une liaison de coordination éta2 avec chacune de ces liaisons éthène et la molécule de cyclooctadiène forme un pont entre elles (voir plus bas le paragraphe sur les chélates).
Dans le ferrocène Fe(C5H5)2 (dicyclopentadiényle de fer) l’atome de fer est pris en sandwich entre deux ligands cyclopentadiényle C5H5. Le cyclopentadiényle peut être décrit comme un cycle à cinq carbone comportant deux doubles liaisons (1-2 et 4-5), l’atome de carbone 3 possédant un électron non apparié. Les doublets des liaisons pi et l’électron non apparié (5 électrons en tout) ne sont pas dans le plan du cycle. Ils forment une orbitale pi délocalisée située latéralement qui se coordonne avec l’atome de fer. On peut donc dire que le cyclopentadiényle [C5H5] est un ligand éta5 puisque 5 atomes sont concernés par la liaison de coordination avec l’atome de fer central.
Nota : dans ce cas, il est clair que l’approche covalente est plus adaptée que l’approche ionique. Le cyclopentadiényle est un ligand L2X.
On remarquera que le ferrocène se conforme à la règle des 18 électrons. Le fer compte 8 électrons dans sa bande de valence et chaque ligand cyclopentadiényle en apporte 5 autres, ce qui fait bien 18 électrons. Le ruthénium Ru et l’osmium Os forment le même type de complexe avec des cycles cyclopentadiényle.
Ligands pontants
L’approche covalente s’avère également plus convaincante que l’approche ionique pour expliquer l’existence de ligands pontants. Comme nous l’avons signalé plus haut, un ligand L peut disposer de deux ou plusieurs doublets non liants sur une même atome. C’est le cas par exemple de l’atome d’oxygène dans la molécule H2O ou dans le radical hydroxyle .OH. On dit des ligands H2O et .OH que ce sont des ligands L2. Nous avons également indiqué qu’un ligand X pouvait lui aussi disposer de plusieurs électrons non appariés dans sa couche de valence. C’est le cas de l’atome d’oxygène :O qui est un ligand X2. Le chlore quant à lui dispose d’un électron non apparié mais également de plusieurs doublets non liants : c’est un ligand L2X (le chlore a 7 électrons sur sa bande de valence mais l’un des doublets ne participe pas aux liaisons de coordination pour des raisons de symétrie).
De tels ligands peuvent former une liaison de coordination avec deux (ou plus) atomes métalliques simultanément, ce qui assure une liaison entre eux. Un tel ligand est un ligand pontant. Les ligands pontants établissent un pont entre deux complexes. Ce type de liaison est repérée par la lettre grecque mu. Le ligand hydroxo joue un tel rôle dans la molécule {(Fe(H2O)4)2(mu-OH)2}4+. Elle est constituée de deux édifices octaédriques qui partage l’arête (virtuelle) qui relie les deux sommets OH. Les quatre autres sommets de ces octaèdres sont occupés par des ligands H2O. Le nom de ce nom est tetraaquo fer(3) di-mu-hydroxo tetraaquo fer(III).
Dans le complexe Nb2Cl10, deux atomes de chlore sont pontants et huit sont en position terminale (formule semi-développée (NbCl4)2(mu-Cl)2). On retrouve la même configuration géométrique combinant deux octaèdres. Dans le complexe (RuCl(C6H6))2(mu-Cl)2 chaque atome de ruthénium entretient une liaison éta6 avec une molécule de benzène, une liaison de coordination simple avec un atome de chlore terminal et une liaison pontante avec l’autre atome de ruthénium par le biais de deux autres atomes de chlore.
Nota : les liaisons pontantes au travers d’atomes de chlore vont toujours par deux. De la sorte, un atome de chlore se comporte comme un ligand L avec l’un des atomes métalliques et comme un ligand X avec l’autre (et réciproquement).
Ce type de liaison peut conduire à la constitution d’édifices polyatomiques assez élaborés. Le dodécaméthyl tétrachloro tétraplatine Pt4Cl4(CH3)12 forme un cube dont les huit sommets sont occupés par les quatre atomes de platine et les quatre atomes de chlore. Chaque face du cube est constituée par deux atomes de platine et deux atomes de chlore an position trans (non adjacents). De la sorte, chaque atome de platine est relié à trois atomes de chlore (deux liaisons L et une liaison X). Chaque atome de platine est également relié à trois ligands méthyles. Récapitulons :
chaque atome de platine se coordonne avec 6 ligands, à savoir trois ligands méthyles (ligands X), deux ligands chlore donneurs d’un doublet (ligand L), un ligand chlore donneur d’un électron non apparié (ligand X),
chaque atome de chlore se comporte comme un ligand L2X et fait le pont avec trois atomes de platine.
Le décompte électronique pour chaque atome de platine est le suivant :
m + 2xl + x - q = 10 + 2x2 + (1+3) + 0 = 18
(La structure électronique de la bande de valence du platine est 6s2, 5d8. Le degré d’oxydation du platine est +4.)
Dans le sel noir du Roussin K[Fe4S3(NO)7] on est en présence d’une configuration géométrique originale. Les 4 atomes de fer et les trois ligands X2 :S occupent les sommets d’un cube dont le huitième sommet est vacant. Chaque ligand :S est relié à deux atomes de fer. Une autre particularité de ce complexe est que trois des atomes de fer sont dans la configuration Fe(NO)2S2 et le quatrième (celui qui est diamétralement opposé au sommet vacant) est dans la configuration Fe(NO)S3.
Chélate et denticité
Nous avons vu qu’un même atome au sein d’un ligand pouvait être porteur de plusieurs doublets liants ou de plusieurs électrons non appariés. Un même ligand peut également être porteur de plusieurs atomes susceptibles de se lier à un métal par une liaison de coordination. Le nombre de ces atomes est appelé denticité du ligand. Un ligand peut être bidenté, tridenté, quadridenté... voire même hexadenté. L’exemple le plus connu de ligand bidenté est l’éthylènediammine H2N-CH2-CH2-NH2 (formule condensée C2H8N2). Il peut se coordonner par le biais de ses deux fonctions amine -NH2. Dans le dichloro(éthylènediamine) palladium (II) PdCl2(C2H8N2) l’éthylènediamine se coordonne avec l’atome de palladium par ses deux extrémités amine comme si c’étaient deux ligands L. Un composé complexe au sein duquel l’atome métallique central est relié à un même ligand par deux liaisons de coordination est un chélate.
Le chlorure de dichlorobis(éthylènediammine) cobalt(III) est un sel composé d’un anion chlorure et d’un cation [CoCl2(C2H8N2)2]+. Le cation dichlorobis(éthylènediammine) cobalt(III) a une structure octaédrique : il se coordonne avec deux ligands chlore et deux ligands éthylènediammine par ses deux extrémités amine (ce qui fait 2x2 liaisons de coordination). Il respecte la règle des 18 électrons :
N = 9 + 4x2 + 2 – 1 = 18
L’éthylènediamine tétraacétique C10H16N2O8 (EDTA) est hexadenté : les deux fonctions amine peuvent servir de ligand ainsi que les quatre ions carboxylate (chaque groupe amine est lui-même porteur de deux groupes carboxyliques (goupes -CH2-C(=O)OH). L’EDTA a un pouvoir chelatant fort. On l’utilise comme antidote pour traiter les intoxications par les métaux lourds.
Pour en savoir plus :
post sur la classification périodique des éléments
post sur les liaisons chimiques
post sur les orbitales moléculaires
post sur la valence
post sur la géométrie des molécules
post sur les complexes et les ligands : l’approche ionique
post sur les complexes et les ligands : exemples
post sur l’azote
post sur les acides et les bases
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Complexes et ligands : quelques exemples
Dans les post précédents, nous avons analysé la notion de composé complexe sur un plan plutôt théorique et nous avons établi quelques règles à leur sujet (nommage, règle des dix-huit électrons). Nous allons maintenant donner des exemples illustrant la très grande variété des composés complexes.
Complexes aquo et hydroxo
La plupart des cations métalliques forment des complexes en solution. L’ion hexaaquo chrome (III) [Cr(H20)6]3+ ou le composé complexe hexaaquo titane (III) déjà cité en sont des exemples. En solution basique il se forme des complexes mixtes avec les ions hydroxyles présents dans l’eau, comme dans le cas du tetraaquo dihydroxo fer(II) Fe(H2O)4(OH)2 ou du pentaaquo hydroxo chrome (III) Cr(H2O)5(OH)2+. Comme nous l’avons vu dans le post consacré à l’approche covalente, la présence de deux ligands hydroxo en position cis peut conduire à la formation d’un complexe ponté, comme c’est le cas dans l’ion [(Fe(H20)4)2(mu-OH)2]4+.
Les ligands H2O et hydroxo se substituent facilement à un ligand plus faible, comme dans le cas du dichloro tétraaquo fer (III) [FeCl2(H2O)4]+. Le triaquo tricarbonyl ruthénium (II) [Ru(CO)3(H2O)3]2+ associe ligands H2O et ligands carbonyles. Des chercheurs ont récemment synthétisé un ion hydrido triaquo dicarbonyl ruthénium (II) [RuH(CO)2(H2O)3]+ avec trois types de ligand différents.
Nota : dans certains cas, des molécules H2O peuvent intervenir indirectement dans la constitution de sels de composés complexes sous forme cristalline. C’est le cas avec l’ion [FeCl2(H2O)4]+. Il forme avec l’ion chlorure un sel qui cristallise sous forme hydratée pour donner le chlorure de fer (III) hexahydraté dont la formule est [FeCl2(H2O)4]Cl.2H2O. (Cette notation signale que deux molécules H2O participent à l’édifice cristallin avec les anions chlorure et les cations dichloro tétraaquo fer (III).) Les liens entre les deux molécules H2O et les autres nœuds du cristal sont cette fois de nature différente : pont hydrogène ou forces de Van der Waals.
Complexes azotés
De par sa configuration électronique, l'azote se prête à la constitution de différents types de ligands, aussi bien sous sa forme réduite (ammino, amido) qu'oxydée (nitro, nitrosyl, nitrito). Nous avons cité dans un post précédent le diammino dichloro platine (II) [PtCl2(NH3)2] (CDDP), un complexe utilisé dans les traitements anticancéreux. L’ion tétraammino cuivre (II) [Cu(NH3)4]2+ est le composant principal d’un pigment bleu céleste utilisé en peinture. Il s’hydrate dans l’eau pour donner l’ion [Cu(H20)2(NH3)4]2+. Le Co(H20)(NH3)53+ associe 5 ligands amine et un ligand H2O.
Le chlorure de nitropentaammino cobalt (III) [Co(NH3)5(NO2)]Cl2 est un pigment orange du plus bel effet. Il combine ligand ammino et nitro. L'ion nitropentaammino cobalt possède une forme isomère avec un ligand nitrito dont la formule est [Co(NH3)5(ONO)]2+.
Les sels de Roussin sont des complexes pontés comportant des ligands nitrosyles. Dans le sel noir de Roussin K[Fe4S3(NO)7] quatre atomes de fer sont pontés par le biais de ligands soufre :S. Le sel rouge de Roussin dont la formule est K2[Fe2S2(NO)4]) présente une configuration particulière puisqu'en plus du pontage par des ligands soufre les deux atomes de fer entretiennent une liaison directe entre eux. Zacharie Roussin est un chimiste français, pharmacien des armées, qui vécut au XIXème siècle.
Complexes carbonés
Il existe une multitude de complexes organométalliques, nous en citons quelques-uns plus bas. Parmi les complexes carbonés, les complexes cyano et carbonyle ont un rôle particulier. Nous avons cité l'ion hexacyano ferrate dans un post précédent. Le ligand cyano forme des ions complexes hexacyano ou tetracyano avec différents métaux (hexaxyanochromate [Cr(CN)6]3-, hexacyanocobaltate [Co(CN)6]3-, tétracyanocuprate [Cr(CN)4]2-...). L'anion nitroprussiate [Fe(CN)5NO]2− est un ion pentacyano nitrosyle ferrate. Le nitroprussiate de sodium dihydraté Na2[Fe(CN)5NO].2H2O entre dans la composition de vasodilatateurs.
Le ligand carbonyle forme quant à lui des complexes hexacarbonyle ou tétracarbonyle (molybdène hexacarbonyle Mo(CO)6, manganèse hexacarbonyle Mn(CO)6, nickel tétracarbonyle Ni(Co)4...). Nous avons indiqué dans le post sur l’approche covalente que des complexes pouvaient se former sur des polymères métalliques. C’est le cas pour le dodécacarbonyle tétracobalt Co4(CO)12. Les quatre atomes de cobalt forment un tétraèdre. Chacun d’entre eux est porteur de trois liaisons avec un ligand carbonyle. Le doécarbonyle trifer Fe3(CO)12 est basé sur un triangle de trois atomes de fer. L’un de ces atomes porte 4 liaisons avec des ligands carbonyles et deux liaisons avec les atomes de fer voisins. Les deux autres ne portent qu’une liaison avec l’atome de fer central et 5 liaison avec des ligands carbonyles. Deux de ces ligands sont pontés avec l’autre atome de fer.
On trouve le ligand carbonyle en combinaison avec le ligand nitrosyle dans des complexes comme le Co(NO)(CO)3 ou le Fe(CO)2(NO)2.
Complexes hydrido et halogéno
Les halogènes sont des ligands omniprésents. Ils forment des composés octaédriques comme l’hexafluoronickelate de potassium K[NiF6] ou l’hexachloro nickelate de sodium Na[NiCl6] mais aussi, comme on l’a vu, des complexes mixtes avec d’autres ligands, comme dans le dichloro tétraaquo chrome (III) [CrCl2(H2O)4]+ déjà évoqué. On retrouve également le ligand chloro dans de nombreux composés organométalliques. Dans le sel de Zeise K[PtCl3(C2H4)].H2O le platine porte un ligand éta2-éthylène et trois ligands chloro. Dans le dimère du rhodium Rh2Cl2(C2H4)4 chaque atome de rhodium porte deux liaisons éta2 avec des ligands éthylène et deux liaisons avec des ligands chloro qui assurent un pont entre les deux atomes métalliques.
Le ligand hydrido intervient moins fréquemment. On le trouve par exemple dans le dihydrido tétracabonyle fer (II) Fe(H)2(CO)4, aussi appelé hydrure de fer tétracarbonyle.
Complexes métal phosphine
L’hydrido carbonyl tris(triphénylphosphine) rhodium RhH(CO)(PPh3)3 est un complexe métal phosphine. L’atome de rhodium porte trois ligands triphénylphosphine P(C6H5)3 (la triphénylphosphine est généralement notée PPh3) en plus du ligand carbonyle et du ligand hydrido. Ce complexe est utilisé dans l’industrie des parfums. Le complexe de Vaska trans-chlorocarbonylbis(triphénylphosphine) iridium(I) comporte quant à lui 2 ligands triphénylphosphine.
Le bis(diphénylphosphino)éthane Ph2P(CH2)2PPh2 est un ligand chélatant, comme dans le complexe PtI(CH3)3(Ph2P(CH2)2PPh2) où il intervient avec un ligand Iodure et trois ligands méthyles.
Complexes organométalliques
Revenons sur les complexes organométalliques. Un composé organométalliique est un composé dans lequel il y a au moins une liaison entre un atome de métal et un atome de carbone. Les complexes organométalliques les plus simples les complexes métal alkyle. L’hexaméthyle tungstène W(CH3)6 ou le tétraméthyle titane Ti(CH3)4 en sont des exemples. La plupart des complexes métal alkyle associent d’autres types de ligand aux ligands alkyles. C’est le cas de l’ion triaquo dicarbonyl éthyl ruthénium (II) [Ru(C2H5)(CO)2(H2O)3]+ qui comporte deux ligands carbonyle, un ligand H2O et un ligand éthyle .CH2CH3 dans une configuration octaédrique. Par ailleurs nous avons cité dans un post précédent le Pt4Cl4(CH3)12, un édifice polyatomique cubique qui comporte 12 ligands méthyles.
Les carboxylates (R-C(=O)O-) constituent également des ligands que l’on rencontre couramment en chimie organique. Le diacétate palladium (II) Pd(CH3COO) en est un exemple. L’acétylacétonate H3CCOCHOCCH3)- forme lui aussi de nombreux complexes (notation condensée acac). C’est un ligand bidenté chelatant. Le TiCl2(acac)2 est un complexe rouge en configuration octaédrique. Dans le V(O)(acac)2 la structure est pyramidale à base carrée. La pointe de la pyramide est constituée par l’atome d’oxygène lié au vanadium, les sommets du carré sont les quatre atomes d’oxygène des ligands acac. Le tris(acétylacétonate) manganèse Mn(acac)3 a une structure octaédrique distordue dans la mesure où les 6 liaisons se combinent deux par deux pour amarrer les 3 molécules acac.
Lorsqu’il est en position chelatante la configuration du ligand est celle indiquée dans l’encart en haut à droite. Il se forme une liaison délocalisée entre le groupe central -C(=0)-CH-(C=O)- et le métal.
Nous avons par ailleurs déjà cité plusieurs fois le cas des liaisons pi (PtCl3(éta2-C2H4) ou PtCl2(C8H12), avec deux liaisons éta2 pontée sur l’atome de platine). La découverte du ferrocène Fe(C5H5)2, dans lequel le dicyclopentadiényle C5H5 est un ligand éta5, a joué un grand rôle dans la compréhension de ce type de liaison. L’atome de fer y est pris en sandwich entre deux ligands cyclopentadiényle. Dans le composé (éta6-C6H6)Ru2Cl2(mu-Cl)2 chaque atome de ruthénium entretient une liaison éta6 avec une molécule de benzène, une liaison de coordination avec un atome de chlore en position terminale et une liaison pontante avec l’autre atome de ruthénium par le biais de deux ligands chlore : bel exemple qui combine hapticité et liaison pontante.
L’éthylènediamine H2N-CH2-CH2-NH2 (formule condensée C2H8N2) est un exemple de ligand bidenté du fait de ses deux fonctions amine -NH2. C’est un lui aussi un chélate. Dans le dichloro(éthylènediamine) de palladium (II) PdCl2(C2H8N2) l’éthylènediamine se coordonne avec l’ion palladium (II) par ses deux extrémités. Le chlorure de dichlorobis(éthylènediamine) cobalt(III) est un sel composé d’un anion chlorure et d’un cation [CoCl2(C2H8N2)2]+. Le cation dichlorobis(éthylènediamine) cobalt(III) comporte 2x2 liaisons de coordination puisque l’atome de cobalt est relié à 4 atomes d’azote.
Citons enfin l’éthylènediamine tétraacétique C10H16N2O8 (EDTA), un ligand hexadenté au pouvoir chelatant fort utilisé comme antidote lors des empoisonnements par des métaux lourds.
Chimie des complexes
La chimie des complexes est riche, en particulier celle des complexes organométalliques. Ils sont sujets à différents types de réactions :
hydrolyse, oxydation
complexation/dissociation
substitution d’un ligand par un autre ligand
addition oxydante
élimination réductrice
migration entre ligands
ainsi que toute sorte de réactions dues aux propriétés des ligands (addition, substitution...).
Applications
Les composés complexes sont omniprésents en chimie et dans le monde qui nous entoure. Ils connaissent des utilisations nombreuses. Ils interviennent tout d’abord dans la chimie du vivant : la chlorophylle est un complexe du magnésium, l’hémoglobine un complexe du fer. Ils connaissent également des applications médicales. Les complexes du platine sont utilisés comme produits anticancéreux. Les produits de contrastes utilisés en IRM sont des complexes. Nous avons vu qu’ils étaient à la base de nombreux pigments. On les utilise aussi dans l’industrie chimique : dans la métallurgie, la galvanoplastie et en chimie analytique. En chimie organique ce sont de précieux catalyseurs. Et souvenons-nous que les sels d’argent de la photo argentique étaient aussi des complexes !
De précieux catalyseurs
Un catalyseur est un composé qui facilite une réaction chimique tout en restant inchangé à l’issue de celle-ci. Les complexes organométalliques jouent ce rôle en chimie organique. Sans rentrer dans des considérations théoriques complexes nous allons expliquer de manière schématique comment ils interviennent. Une réaction ne peut avoir lieu que si les deux composants intervenant dans celle-ci se rencontrent et que si l’énergie nécessaire est disponible (sous forme d’énergie cinétique ou de rayonnement). Pour que la collision soit efficace, il faut de plus que les molécules soient convenablement orientées.
En l’absence de catalyseur, le processus peut être lent, consommateur d’énergie et inefficace. La présence d’un complexe organométallique peut changer tout cela. Un tel complexe est une molécule de taille respectable. Sa configuration électronique la rend réactive. La probabilité qu’elle se combine avec l’un des réactifs, puis l’autre, est plus grande que la probabilité de ceux-ci de se rencontrer. Une fois piégés par le complexe, les réactifs sont à proximité l’un de l’autre et ils ont tout le temps de réagir entre eux. Le processus se termine par une séparation entre le complexe et le produit de la réaction. L’action du catalyseur de Wilkinson dans l’hydrogénation des alcènes est un exemple que l’on trouve dans tous les manuels traitant des propriétés des composés organométalliques. Le catalyseur de Wilkinson est un chlorotris(triphénylphosphine) rhodium (II) Rh(PPh3)3Cl. Dans un solvant organique il libère un ligand triphénylphosphine :
La réaction suivante est une addition oxydante :
On introduit ensuite l’alcène R-CH=CH2. Une liaison éta2 avec l’alcène se substitue à la liaison avec le solvant qui n’est que faiblement coordonné :
Il y a ensuite migration de l’un des ligands H vers l’alcène :
puis dissociation :
La boucle est bouclée et le catalyseur est de nouveau disponible.
Les catalyseurs les plus fréquemment rencontrés en synthèse organique sont ceux construits autour de métaux appartenant aux triades d8-d9-d10 : fer, cobalt, nickel ; ruthénium, rhodium, palladium ; osmium, iridium, platine. Si les trois premiers sont abondants dans la croûte terrestre, le palladium et le platine sont plus rares (respectivement 0,015 ppm et 0,01 ppm) et les quatre autres particulièrement rares (moins de 0,001 ppm, voire 0,0001 ppm).
Pour en savoir plus :
post sur la classification périodique des éléments
post sur les liaisons chimiques
post sur les orbitales moléculaires
post sur la géométrie des molécules
post sur les complexes et les ligands : l’approche ionique
post sur les complexes et les ligands : l’approche covalente
post sur les acides et les bases
post sur les sels
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