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Lady Jane Grey (1537-1554)
Si vous suivez l’actualité des séries, vous aurez vu passer les news sur la série My Lady Jane, adaptation du roman éponyme de Jodi Meadows, Brodi Ashton et Cynthia Hand. Mais la vraie Jane Grey a eu un destin plus tragique : on ne l’appelle pas pour rien « La reine des neuf jours »
Ou celle qui n’a régné que neuf jours sur l’Angleterre.
Si je vous demande de me donner des noms de monarques sous la dynastie des Tudors, vous allez me dire Henry VIII et Elizabeth I. Les plus historiophiles me diront : Henry VII, Henry VIII, Edward VII, Mary I et Elizabeth I.
Vous en avez oublié un.
Vous avez oublié Lady Jane Grey.
Figure relativement connue en Angleterre, inconnue au bataillon en France, l’histoire de Jane est une véritable tragédie shakespearienne.
Jane est le premier enfant et la première fille de Henry Grey, Duc de Suffolk (1517-1554) et de Lady Frances Brandon (1517-1559).
Elle descend de la vieille noblesse anglaise par son père.
Sa mère, quant à elle, est la fille de Charles Brandon (C. 1484-1545) qui a été un ami proche d’Henry VIII (1491-1547) et de Marie Tudor (1496-1533), la sœur d’Henry, laquelle mériterait elle aussi son petit article.
Notre Jane est donc une petite-nièce du roi d’Angleterre et une cousine des futurs Edward VI, Mary I et Elizabeth I.
Elle naît vers 1537 à Bradgate, non loin de Leicester.
Jane s’avère être une enfant précoce, scolaire, qui aime les études. Elle est élevée dans la foi protestante. Vers ses 10 ans, elle est confiée à la reine Catherine Parr (1512-1548), la veuve d’Henry VIII, laquelle s’occupe déjà de l’éducation de sa belle fille, la future Elizabeth I (1533-1603), pour laquelle elle a une profonde affection.
L’enfance de Jane n’est guère heureuse : sa mère est une mère abusive et maltraitante. Elle l’insulte, la rabaisse, la frappe, pensant ainsi l’endurcir car sa fille, de nature timide et soumise, l’irrite. Ainsi, malgré ses capacités, la jeune fille se croit idiote et surtout indigne de ses parents, comme elle le confiera à Roger Ascham (1515-1568), le précepteur qu’elle partage avec Elizabeth :
« Quand je me trouve en présence de mon père ou de ma mère, si je parle, me tais, m’assois, suis debout, pars, mange, bois, me réjouis ou m’attriste, couds, joue, danse, fais n’importe quelle chose, il faut que je l’entreprenne comme si la tâche était d’une importance infinie et que je l’achève à la perfection avec laquelle Dieu a créé le monde ; sinon, ils me raillent sans merci, ils me menacent cruellement, parfois par la force… pour que je me croie être en enfer. »
Sous l’égide de Catherine Parr, Jane est plus heureuse et reçoit enfin l’affection dont elle a tant besoin.
Hélas, ces jours heureux ne durent pas et un an après son entrée dans la maison de Catherine, Jane doit lui dire adieu : en effet, la reine douairière, qui s’était remariée à Thomas Seymour, l’oncle d’Edward VII, meurt en mettant au monde son première enfant, une petite Mary, dont on perd la trace après sa deuxième année de vie. Agée de 11 ans, Jane sera le « chief mourner » lors des funérailles : c’est elle qui veillera le corps. Thomas, lui, sera arrêté et exécuté pour trahison.
Jane rentre donc à Bradgate pour y poursuivre sa vie.
On commence à envisager son mariage : Thomas Seymour, du temps où il vivait encore, avait suggéré qu’elle épouse son neveu ! Il semble l’avoir tenue en haute estime : lui proposer la main du roi, dire qu’elle pouvait rester chez lui après le décès de Catherine, ce qui a été annulé suite à son arrestation…
Jane, elle, aimerait bien épouser Edward Seymour (1539-1621), le neveu de Thomas, ce qui ne se fera pas et l’homme épousera, plus tard… Catherine, la plus jeune sœur de Jane !
Frances, la mère de Jane, décide de lui faire épouser Guilford Dudley (1535-1554), pour le plus grand effroi de sa fille qui déteste cette famille. Une bonne petite rouste et le mariage est célébré le 25 mai 1553.
Sinon, au gouvernement, on se pisse dessus : Edward, le jeune roi, est à l’agonie, rongé par la tuberculose. Il n’est pas marié, il n’a pas d’enfants et selon l’acte de succession instauré par son père, s’il meut sans héritier, la couronne revient à l’aîné de ses sœurs : Mary (1516-1558).
Le souci, c’est que Mary est… catholique !
Pour vous la faire courte parce que l’histoire religieuse sous Henry VIII est un bordel !
Quand Henry VIII accède au trône à 18 ans, l’Angleterre est catholique. Henry est pieux, il défend la foi chrétienne, il rédige des écrits contre l’hérésie, tant est si bien que le pape le considère comme défenseur de la Foi, ce qui est un titre qui pète sa mère quand vous êtes croyant.
Henry est marié à Catherine d’Aragon (1485-1536), la veuve de son frère Arthur, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, Henry ne l’épouse pas tant pour conserver l’alliance entre son pays et les royaumes de Castille et d’Aragon mais parce qu’il est sincèrement amoureux ! Le problème, c’est que des six grossesses qu’ils ont, seuls deux enfants sont nés : le petit Henry, mort à 52 jours de vie et Mary.
Ce qui fait qu’Henry n’a pas d’héritier mâle alors qu’il est la deuxième génération des Tudor, son père ayant gagné la couronne lors de la guerre des Deux Roses qui a mis fin au conflit entre les Lancastre et les York. (Je vous la fais courte, ça aussi, c’est un bordel!). Ca la fout mal.
Selon la Bible, on n’a pas le droit d’épouser la veuve de son frère, sinon on est condamné à ne pas avoir d’enfants. Sauf si le mariage n’a pas été consommé : là, le frère doit prendre sa belle-sœur pour femme. Catherine soutient et soutiendra jusqu’à sa mort qu’elle est arrivée vierge dans les bras d’Henry.
Sauf que pour Henry, l’absence d’enfant, il la traduit par l’absence de fils vivant, surtout que la belle Anne Boleyn (c.1501-1536) commence à lui faire de l’oeil et contrairement à sa sœur Mary Boleyn (C.1499-1543) qui a été la maîtresse du roi, elle refuse de coucher avec lui et de n’être qu’une maîtresse. La bague au doigt sinon rien !
Henry cherche donc à faire annuler son mariage, le Pape refuse (il kiffe Catherine et il n’a pas envie de se mettre son neveu, Charles Quint (excusez du peu), à dos). Du coup, Henry dit au Pape d’aller se faire voir chez les grecs, il fonde sa propre église : l’Anglicanisme, qui est un mélange entre le catholiscime et le protestantisme, dit qu’il est le chef de l’Église dans son pays, il fait annuler son mariage, il épouse Anne qui lui donne Elisabeth, avant de la faire exécuter le 19 mai 1536 pour épouser, dix jours plus tard, Jane Seymour (c.1508-1537) qui lui donnera enfin le garçon tant espéré : Edward.
Sauf que pour annuler les mariages, il a fallu reconnaître qu’ils n’étaient pas légaux, donc dire que ses deux filles étaient des bâtardes.
Vers la fin de sa vie, en signe de réconciliation, Henry crée l’acte de succession, mettant ses filles dans la lignée, si et seulement si leur frère n’a pas d’héritier légitime.
Ca va, vous suivez toujours ?
Du coup, on est en juin 1553, Edward est en train de mourir, il n’a pas d’enfants et si Mary prend le trône, elle qui est une catholique convaincue, elle va tout faire pour remettre l’Angleterre dans le giron de Rome et forcément, le gouvernement ne veut pas ça.
Edward, élevé en protestant, malgré l’amour qu’il a pour sa sœur (et marraine!) ne le veut pas non plus.
Pensant donc protéger son pays, il décrète que c’est sa cousine Jane Grey qui est son héritière puisque ses deux sœurs, Mary et Elizabeth, sont des bâtardes.
Oui, encore une fois.
Le 06 juillet 1553, Edward meurt et le beau-père de Jane, John Dudley : le duc de Nothumberland, la proclame reine. Si Jane l’accepte, elle semble le faire avec énormément de réticence. Elle élit domicile à la Tour de Londres et refuse que l’on appelle son mari « le roi ». Il sera duc de Clarence, c’est déjà pas mal.
Evidemment, Mary n’accepte pas la situation, rallie rapidement ses partisans et aux côtés d’Elizabeth, elle marche sur Londres pour récupérer son trône.
Oui, on dirait un épisode d’House of the Dragon ou de Game of Thrones, c’est normal, George R.R Martin s’est énormément inspiré de cette période de l’Histoire pour écrire son banger qu’est « A Song of Ice and Fire », les livres qui ont crée cet univers.
Malgré ses tentatives, le duc de Nothumberland ne parvient pas à consolider le pouvoir de Jane et neuf jours après son accession au trône, la voilà déchue : les partisans de Mary ont réussi à la priver de ses droits le 19 juillet 1553, soit 9 jours après son arrivée sur le trône d’Angleterre puisqu’on ne lui a annoncé tout cela que le 10 juillet.
Mary est à Londres le 03 août et elle reprend sans efforts ce qu’elle considère être son droit.
Le 12 novembre 1553, un procès a lieu et Jane est reconnue coupable de haute trahison et condamnée à mourir « brûlée vive ou décapitée, selon le bon plaisir de la reine ». L’ambassadeur d’Espagne rapporte à Charles Quint, cousin de Mary, que sa vie devrait être épargnée. Jane écrit à Mary, s’excuse pour le mal qui lui a été causé, lui relate la vérité des événements. Dans cette lettre, elle se décrit comme une femme aimant son époux. D’ailleurs, Guilford, dans sa cellule, a gravé le prénom de Jane. Est-ce pour elle ou en hommage à sa mère, seul lui le savait.
A la surprise générale, Mary se montre étonnamment bienveillante : elle refuse de punir Jane ! Elle a bien compris que cette pauvre adolescente de 16 ans n’a été qu’un pion sur l’échiquier politique des plus grands. Si elle la garde enfermée, elle refuse de faire exécuter la jeune fille.
Hélas pour Jane, les conseillers de Mary la pressent : son choix est beau, il est noble mais Jane demeure, malgré elle, un point de ralliement pour les protestants. De plus, la rébellion de Sir Thomas Wyatt en 1554 précipite la fin de Jane : Thomas Wyatt voulait renverser Mary, catholique, pour mettre sa sœur Elizabeth sur le trône car protestante. Lors de son exécution, Wyatt démentira la participation de la princesse dans ce complot.
La mort dans l’âme, Mary doit se résoudre à signer les arrêts de mort de Jane et de Guilford.
Le 12 février 1554, Guilford est décapité à la hache. On dit qu’il a fait face à son destin avec courage. De sa fenêtre, Jane aurait murmuré : « Oh, Guilford, Guilford ! ».
Le même jour, Jane monte sur l’échafaud.
Mary demande à ce que l’exécution ait lieu à Tower Green, une pelouse de la Tour de Londres, loin des yeux curieux, afin qu’elle soit exécutée en petit comité, un honneur généralement réservé aux personnes de sang royal.
Jane prononce ces quelques mots :
« Gens de bien, je viens ici pour mourir, condamnée par la loi au même lot. L’acte contre la majesté était illégitime, comme ma participation : mais ce jour, pour autant que je l’aie désiré et en aie ambitionné l’achèvement, j’en lave les mains, devant Dieu et devant vous, bons chrétiens. »
Elle récite ensuite Miserere mei Deus (psaume 50) en anglais. John Feckenham, un chapelain catholique, lequel n’a pas pu la convertir à la foi de la reine, reste à ses côtés.
C’est elle qui s’agenouille, qui se bande les yeux mais alors qu’elle cherche, en vain, le billot du bout des doigts, elle panique : elle craint de mourir sans dignité et s’exclame « Que dois-je faire ? Où est-il ? ». Une âme charitable mène son bras et le bourreau l’exécute sans heurt.
Jane et Guilford reposent en paix, côte à côte, dans la chapelle de Saint Peter ad Vincula.
Le père de Jane, Henry, est exécuté onze jours plus tard, le 23 février 1554.
Frances, sa mère, vivra dans la pauvreté sous le règne de Mary. La reine se montre magnanime, même si elle reste méfiante, la laisse vivre à Richmond et engage à son service ses deux filles survivantes, Mary et Catherine, comme dames d’honneur.
Le père et les frères de Guilford demeureront emprisonnés mais Mary leur pardonnera. Robert, l’un des frères de Guilford, sera libéré et sera le grand ami (voire le grand amour) d’Elizabeth I.
Jane, quant à elle, survit dans les mémoires surtout grâce à la série My Lady Jane qui vient de sortir et avec le film Lady Jane de 1986 où son rôle est tenu par nulle autre qu’Helaena Boham Carter.
– Marina Ka-Fai
Si toi aussi tu veux en lire plus sur Jane, tu peux aller regarder ces sources :
Jane Grey : épisode de l’histoire d’Angleterre. Tome 1 d’Alphonse Brot
Nine Days Queen of England de Faith Cook
Lady Jane Grey : A Tudor Mystery d’ Eric Ives
Lady Jane Grey: Nine Days Queen, d’Alison Plowden,
Sovereign Ladies : Sex, Sacrifice, and Power. The Six Reigning Queens of England de Maureen Waller, ;
Children of England: The Heirs of King Henry VIII d’Alison Weir
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Clothilde de France (1759-1802)
Si on connaît assez bien les frères cadets de Louis XVI parce qu’ils ont tous les deux régné après lui, on oublie souvent qu’il a deux petites sœurs… et si Elisabeth est plus retenue en raison de sa fin tragique et des jardins qu’elle laisse derrière elle aujourd’hui, sans oublier une série de livres pour enfant sur sa personne, qui ici peut se vanter de connaître Clothilde de France ?]
Ou celle qui a été victime de grossophobie alors même que c’est la petite-fille de Louis XV.
Marie Adélaïde Clotilde Xavière de France, dite Madame Clotilde, est née le 23 septembre 1759 à Versailles. Elle est le septième enfant et la troisième fille de Louis-Ferdinand (1729-1765), Dauphin de France, et de Marie-Josèphe de Saxe (1731-1767).
Parmi sa fratrie, on peut compter l’iconique Louis XVI (1754-1793), ainsi que Louis XVIII (1755-1824) et Charles X (1757-1836), sans oublier sa petite sœur Elisabeth (1764-1794).
Fait rare pour l’époque : ses parents s’aiment !
Eh oui, Papa et Maman sont tombés amoureux malgré un mariage purement politique et c’était mal barré : Louis-Ferdinand a été marié une première fois, sa femme est morte de son accouchement et leur fille deux ans après. Marie-Josèphe a été un ange de patience, de douceur, de délicatesse et cela a fini par conquérir le cœur du prince, lequel lui sera d’ailleurs fidèle !
Sauf que ça ne peut bien évidemment pas durer…
Le 20 décembre 1765, le père de Clothilde meurt à seulement 36 ans. Le diagnostic penche vers une tuberculose. Le nouvel héritier du trône est Louis-Auguste, duc de Berry, futur Louis XVI, âgé de 11 ans.
Le 13 mars 1767, à 35 ans, c’est au tour de la mère de Clothilde de disparaître : elle s’est dévouée à soigner son époux malade, a contracté sa maladie et n’en a pas réchappé.
Clothilde, 8 ans, est orpheline.
Pensez-vous que cela rendrait les courtisans enclins à de la tendresse envers une pauvre petite fille éplorée ?
Mais non, enfin ! La gentillesse, c’est surfait !
Les courtisans n’ont rien trouvé de mieux que de faire montre d’une grossophobie bien écœurante à l’égard de l’enfant… parce qu’elle est obèse.
Ils l’ont surnommée « Gros Madame ».
Clothilde en souffre beaucoup, surtout qu’elle est d’une nature douce. C’est une bonne élève, elle est pieuse et tous ses précepteurs s’accordent à dire qu’elle est une adorable jeune fille et aimable. D’ailleurs, sa gentillesse réussira l’impossible selon les adultes :
Canaliser sa petite sœur Elisabeth qui est une petite rebelle.
Elisabeth, la dernière de la fratrie, est élevée avec sa sœur et refuse d’apprendre à étudier, elle est assez sèche avec son personnel et dit que ça ne sert rien d’apprendre, elle a des gens pour faire ce dont elle a besoin. Comme ses professeurs lui préfèrent Clothilde, l’enfant la jalouse.
Un jour, Elisabeth tombe malade et Clothilde insiste pour la veiller et la soigner.
Peu à peu, sa gentillesse sincère et sa dévotion touchent sa sœur qui accepte d’apprendre son alphabet.
La rébellion est passée et Elisabeth sera aussi sage que sa sœur aînée.
En mai 1770, Louis-Auguste épouse Marie-Antoinette (1755-1793).
La nouvelle dauphine ne s’entend pas bien avec Clothilde, lui préférant Elisabeth.
Le 10 mai 1774, Louis XV meurt et Louis-Auguste devient roi.
Il est grand temps de penser à marier Clothilde !
En 1775, elle épouse Charles-Emmanuel IV (1751-1819), futur roi de Sardaigne, prince de Piémont et Duc de Savoie.
Quand Clothilde quitte Versailles pour rejoindre son époux en août 1775, Elisabeth a le cœur brisé. Marie-Antoinette rapporte d’ailleurs qu’elle en est tombée malade !
Sur le chemin, Clothilde se rend populaire ! En effet, à Lyon, elle obtient une amnistie pour des déserteurs emprisonnés dans la prison de la ville.
Et devinez quoi ?
Clothilde va vivre sa meilleure vie à l’étranger !
Elle est très vite acceptée par sa belle-famille, laquelle partage sa piété. Son beau-père dit d’elle qu’elle est un ange, c’est vous dire le niveau !
Elle apprend très vite les usages de la nouvelle cour, assiste sa belle-mère dans ses devoirs royaux, impose un code moral strict… mais elle est aussi capable de profiter de la vie. Elle s’intéresse à la mode, aime les divertissements et son mari dit d’elle que si elle est une bonne personne et sincèrement dévote, ce n’est pas dans sa nature d’être soumise, comme cela est attendu d’elle. Elle apprend. Difficilement. Comme quoi, être gentil ne veut pas dire se laisser faire.
Ah, son mari, vous me dîtes ?
Mais ils s’adorent !
C’est un mariage heureux ! Les deux époux sont ravis l’un de l’autre, ils étudient la Bible ensemble, il chante pendant qu’elle joue de la guitare et ils partent se détendre dans des châteaux loin de la cour !
La seule ombre au tableau idyllique de leur amour, c’est l’absence d’enfant : ils en veulent mais malgré tous leurs efforts, avec un faux espoir en 1779, aucune grossesse ne vient. En 1783, après huit années d’infertilité et d’essais, le couple décide d’un commun accord d’arrêter et de vivre comme des frère et sœur (et non, pas à la manière de Game of Thrones !)
Petite anecdote : le père de Charles-Emmanuel se serait inquiété de l’embonpoint de sa bru, craignant que cela n’affecte sa fertilité. Charles-Emmanuel aurait répondu que Dieu lui aurait simplement donné plus à vénérer ! Mais quel sucre !
D’ailleurs, vous vous souvenez qu’on se moquait de Clothilde pour son obésité ?
Auprès de sa belle-famille, Clothilde fond !
Eh oui, entourée d’amour, de bienveillance, de gens qui l’apprécient et l’estiment vraiment, la princesse a perdu du poids. On parlerait aujourd’hui de kilos émotionnels.
Dans ses mémoires, le comte Hippolyte d'Espinchal, émigré à Turin, rapporte : « La princesse de Piémont que nous avons vue en France sous le nom de Madame Clotilde et que vu son embonpoint on appelait "le Gros Madame" aurait à peine été reconnue d'aucun d'entre nous, tant elle est changée, vieillie, maigrie. Elle a perdu ses dents et toute sa fraîcheur. Elle a cependant aujourd'hui seulement trente ans. Elle n'a point d'enfant. Cela manque à son bonheur car elle est parfaitement heureuse avec son mari qui a pour elle la plus grande vénération, sentiment qu'elle a inspiré à toute la cour. Elle est d'une extrême dévotion et très scrupuleusement attachée à l'étiquette de cette cour, qui n'en est que plus triste. »
Le 16 octobre 1796, le beau-père de Clothilde meurt. Son fils lui succède et elle, elle est désormais reine de Sardaigne.
Charles-Emmanuel a du mal à gérer son rôle de roi et se repose énormément sur sa femme. Clothilde a en effet un tempérament qui le calme et le stabilise. Il faut dire qu’autour d’eux, les royaumes sont en feu suite à la Révolution Française, à la mort de Louis XVI guillotiné le 21 janvier 1793. L’homme est angoissé, à juste titre.
À l’aube de la quarantaine, Clothilde entre donc en politique.
Le couple a une machine bien huilée :
C’est la reine qui reçoit les rapports des ministres, les lit, en fait le résumé au roi et lui prodigue des conseils. Puis, elle reçoit les ministres, fait ses recommandations à son époux, l’inclut quand il le faut.
Le seul souci, c’est que cela ralentit tout alors que l’Europe, elle, est au galop.
Le couple royal devient impopulaire : on lui reproche d’être détaché du reste du pays, d’être trop plongé dans sa foi.
Le 06 décembre 1798, la Première République Française déclare la guerre à la Sardaigne. Le pays est envahi et la cour est en exil. Durant cet exil, Clothilde est le premier ministre de son époux. Le couple trouve refuge à Rome auprès des Colonna.
En 1801, Clothilde soigne la tante de son époux, Marie-Thérèse Félicité de Savoie, laquelle décède le 13 mai 1801. Elle soigne aussi sa dame de compagnie… sauf que le docteur la confond avec une servante, lui donne des ordres et elle, elle obéit sans broncher ! L’humilité, la modestie. Le médecin se confondra en excuses quand il l’apprendra.
Clothilde et Charles-Emmanuel rentrent à Naples en 1801.
Le 07 mars 1802, Clothilde meurt à l’âge de 42 ans. Charles-Emmanuel, dévasté, abdique en faveur de son frère le 04 juin de la même année.
Le 10 avril 1808 s’ouvre le procès en béatification de Clothilde en raison de la grande piété dont elle a fait preuve toute sa vie. L’instance avait été introduite dès 1804 à Rome,
Clothilde obtient à titre posthume le titre de « Servante de Dieu », à l’instar de sa sœur Elisabeth, reconnue comme vierge et martyre suite à son exécution en 1794.
C’est la première étape vers la Sainteté.
En 1982, on lui accorde le titre de Vénérable.
Qui sait ? Peut-être sera-t-elle déclarée bienheureuse voire sainte un jour !
Passer de « Gros Madame » à « Vénérable Clothilde », c’est déjà super badass et un bon doigt d’honneur à tous ceux qui se sont foutus d’elle.
- Marina Ka-Fai
Si toi aussi tu veux en lire plus sur Clothilde, tu peux aller regarder ces sources :
Vie de la vénérable servante de Dieu Marie-Clotilde... de France, reine de Sardaigne, Luigi Bottiglia, Rusand, 1823
Madame Clotilde de France, Reine de Sardaigne (1759-1802), de Beausire-Seyssel, Champion , 1926
Marie-Clotilde de France: La soeur oubliée de Louis XVI, Dominique Sabourdin-Perrin, Salvator, 2020
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Eléonore de Habsbourg (1498 - 1588)
Ou celle qui a été deux fois reines de deux pays différents !
Eléonore naît le 15 novembre 1498 à Louvain, dans les Pays-Bas Espagnols, l’actuelle Belgique. Elle est le premier enfant de Philippe dit Philippe le Beau, duc de Bourgogne, et de son épouse, Jeanne de Castille, future reine de Castille et d’Aragon, que l’Histoire retiendra sous le nom de Jeanne la Folle.
Ambiance.
Niveau ascendance, Eléonore descend de personnages historiques bien badass comme il faut : ses grands-parents paternels sont Maximilien (Empereur du Saint Empire, Archiduc régnant d’Autriche et Roi des Romains) et Marie (Duchesse de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire), ce qui fait d’elle la nièce paternelle de Marguerite d’Autriche, l’une des grandes figures de La Paix des Dames, événement qui mettra un terme à la guerre entre Charles Quint et François I.
Du côté de sa mère, ses grands-parents sont Isabelle et Ferdinand, reine de Castille et roi d’Aragon, les meneurs de la Reconquista, les Rois Catholiques.
Si on remonte plus loin, elle a également du sang de la maison des Aviz, la maison régnante du Portugal mais aussi des Lancastre, étant une descendante de Jean de Gand, membre de la maison des Plantagenêt, lui-même descendant de la grande Aliénor d’Aquitaine, sans parler du sang français qu’il y a aussi dans ses veines !
Bref, que du beau monde !
Elle est très vite rejointe par de nombreux frères et sœurs :
Niveau ascendance, Eléonore descend de personnages historiques bien badass comme il faut : ses grands-parents paternels sont Maximilien (Empereur du Saint Empire, Archiduc régnant d’Autriche et Roi des Romains) et Marie (Duchesse de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire), ce qui fait d’elle la nièce paternelle de Marguerite d’Autriche, l’une des grandes figures de La Paix des Dames, événement qui mettra un terme à la guerre entre Charles Quint et François I.
Du côté de sa mère, ses grands-parents sont Isabelle et Ferdinand, reine de Castille et roi d’Aragon, les meneurs de la Reconquista, les Rois Catholiques.
Si on remonte plus loin, elle a également du sang de la maison des Aviz, la maison régnante du Portugal mais aussi des Lancastre, étant une descendante de Jean de Gand, membre de la maison des Plantagenêt, lui-même descendant de la grande Aliénor d’Aquitaine, sans parler du sang français qu’il y a aussi dans ses veines !
Bref, que du beau monde !
Elle est très vite rejointe par de nombreux frères et sœurs :
-Charles, le futur Charles Quint (1500-1558) ;
-Isabelle, future reine déchue de Danemark (1501-1526) ;
-Ferdinand, future Empereur du Saint Empire, Roi des Romains, Roi de Bohème et de Hongrie, Archiduc d’Autriche, fondateur de la branche des Habsbourg dont sera issue Marie-Antoinette (1503-1564) ;
-Marie, future reine de Hongrie et de Bohème, gouvernante des Pays-Bas (1505-1558) ;
-Catherine, future reine et régente de Portugal (1507-1578).
Hélas, l’enfance d’Eléonore bascule très vite.
Sa mère, Jeanne, commence à montrer des signes de folie. Aujourd’hui encore, on ignore exactement de quoi souffrait l’archiduchesse : était-ce une dépression post-partum ? Une schizophrénie ? Sachant qu’il y a également une composante héréditaire : sa grand-mère, Isabelle de Portugal, mère d’Isabelle de Castille, avait également sombré dans ce que l’on avait qualifié de démence. Hélas, comme les Habsbourg, les Aviz et les Trastamare se marient souvent entre eux, leurs problèmes s’exacerbent souvent sous l’effet de l’inceste.
Charles, le frère d’Eléonore, sera aussi marqué par des épisodes de dépression.
Marie, sa sœur ,sera aussi dépressive et l’on suspecte qu’elle aurait pu souffrir d’un trouble bipolaire.
En 1506, alors qu’Eléonore approche de ses 8 ans, tout s’accélère.
Le 26 septembre 1506, son père, Philippe, lequel est désormais roi consort de Castille et d’Aragon depuis le décès de sa belle-mère, meurt subitement à l’âge de 28 ans, laissant une veuve éplorée et surtout enceinte de la petite Catherine.
Jeanne ne se remettra jamais de la mort de son époux et surtout, elle refuse de se séparer de son cadavre.
Déclarée incapable, elle est enfermée à Tordesillas où elle accouchera de sa fille, que l’on lui laissera et qu’elle élèvera seule. Ferdinand, son père, agit en tant que régent pour elle ainsi qu’au nom de son futur héritier : le petit Charles, 6 ans.
Eléonore est presque orpheline.
C’est donc sa tante, Marguerite, la sœur de son père, laquelle avait été doublement la belle-sœur de Jeanne puisqu’elle avait épousé, en premières noces, son frère Jean, qui va l’élever aux côtés de Charles, de d’Isabelle et de Marie. Ferdinand, son petit-frère, étant né sur le territoire castillan et y étant demeuré, c’est son grand-père qui prendra le soin de l’élever.
En raison de son lignage plus qu’impressionnant, Eléonore est un parti très convoité : fille aînée de l’archiduc d’Autriche, sœur du futur roi de Castille et d’Aragon (et plus tard Empereur!), la main de la jeune fille est très vite prisée.
On envisage de la marier à Henri VII (1457-1509), alors veuf d’Elizabeth d’York (1466-1503), ou futur Henri VIII d’Angleterre (1491-1547) mais quand meurt son frère aîné, Arthur (1486-1502), son père décide qu’il épousera sa veuve, Catherine d’Aragon (1485-1536), la tante d’Eléonore, puisque le mariage n’a pas été consommé.
On pense aussi à Louis XII (1462-1515), veuf d’Anne de Bretagne, mais aussi à son héritier, le futur François I (1494-1547) qu’elle épousera plus tard, ou encore au roi polonais Sigismond I (1467-1548).
Vous voyez, la liste des prétendants est longue mais au final, on choisit de la marier à Manuel I de Portugal (1469-1521), lequel avait épousé en premières noces Isabelle d’Aragon (1470-1498) puis en secondes noces Marie d’Aragon (1482-1517)… qui étaient deux des tantes de sa nouvelle fiancée !
Le 16 juillet 1518, Eléonore, 19 ans, épouse donc Manuel, 49 ans et devient reine de Portugal.
La succession de Manuel est assurée puisqu’il a eu de sa seconde épouse trois fils encore en vie au moment de son union : Jean, le futur Jean III, Alphonse qui sera cardinal et Henri, futur Henri I. Parmi ses enfants, on compte également Isabelle (1503-1539), la future épouse bien-aimée de Charles Quint.
Oui, Eléonore a été la belle-mère puis la belle-sœur de sa future belle-sœur.
L’arbre généalogique tordu de Once Upon A Time peut aller se rhabiller !
De cette union naîtront deux enfants : Charles (1520-1521) et Marie (1521-1577).
Le mariage est cependant de courte durée : Manuel meurt de la peste le 18 décembre 1521 et Eléonore doit rentrer en Espagne, laissant sa fille de quelques mois derrière elle sur ordre de son frère.
La mère et la fille ne se reverront pas avant 1557 et Marie pardonnera difficilement à sa mère de l’avoir laissée derrière elle sans s’être battue pour elle.
De retour en Espagne, on envisage de la remarier à Charles, duc de Bourbon. Sauf que la guerre entre Charles Quint et François I fait rage.
La bataille de Pavie (1525) a eu lieu et le roi de France a été fait prisonnier, ainsi que ses fils François et Henri (Futur Henri II). Le souverain est d’ailleurs veuf depuis une année, son épouse Claude étant morte en juillet 1524.
L’occasion pour la paix est superbe et en 1526, Eléonore est fiancée à François.
Les fiançailles s’éternisent, surtout que les pourparlers avec la France pour la paix sont interminables. Le roi de France peut rentrer moyennant rançon mais ses fils restent en territoire ennemi. Les conditions de vie sont très dures, surtout que les enfants n’ont que 8 et 7 ans. Ils sont traités en prisonniers. Eléonore tente de leur rendre leur dignité en demandant à ce que des français restent à leurs côtés. Elle réclame également des vêtements, des jouets mais hélas, elle n’obtient que bien peu, faute de financement, et malgré ses efforts, ses beaux-fils ne l’aimeront jamais véritablement, voyant en elle la sœur de l’homme qui les a tant fait souffrir…
Le 03 août 1529 intervient la célèbre Paix des Dames à Cambrai : ce traité, mené par Louise de Savoie (la mère de François I) et par Marguerite d’Autriche (la tante d’Eléonore) met fin à une guerre interminable et coûteuse, tant sur l’aspect financier qu’humain.
Le 04 juillet 1530, Eléonore épouse enfin François et part en France avec ses beaux-fils, François et Henri.
Elle a 32 ans et après avoir été reine de Portugal, la voici reine de France.
Le rôle d’Eléonore est simple mais vital : elle est la garante de la paix entre l’Espagne et la France. Elle sert d’ailleurs parfois d’ambassadeur entre les deux pays.
Hélas, son pouvoir demeure fort limité.
Son mariage à François est malheureux : il la néglige, ne s’occupe guère d’elle et s’affiche plutôt ouvertement au bras de sa maîtresse, la célèbre Anne de Pisseleu (1508-1580).
De plus, le mariage demeure sans enfant.
Sans réel but à la Cour, une cour qui ne l’apprécie guère d’ailleurs, la jeune femme s’occupe alors des enfant de son époux et de la défunte Claude.
Le 31 mars 1547, François meurt à l’âge de 52 ans.
Eléonore, veuve une seconde fois, reine douairière une seconde fois, décide de rentrer chez elle. Elle rejoint sa sœur Marie à Bruxelles puis assiste à l’abdication de son frère Charles en 1555, épuisé et malade, qui laisse son empire à son fils Philippe, désormais Philippe II, avant de se retirer au monastère de Yuste.
En 1557, Jean III de Portugal, l’ancien beau-fils d’Eléonore, meurt et Marie, la fille de la douairière, part en Espagne afin d’y rencontrer sa mère.
La dernière fois qu’elles se sont vues, l’enfant avait six mois.
Marie ne s’est pas mariée, malgré de nombreuses propositions, et ne se mariera jamais.
Eléonore propose à sa fille de vivre avec elle, ce que l’infante refuse. Elle restera avec elle trois petites semaines avant de repartir au Portugal.
Le 25 février 1558, alors qu’elle revenait de Badajoz où elle avait enfin revu sa fille, Eléonore meurt à 59 ans des suites d’une crise d’asthme.
Son frère Charles et sa sœur Marie, dont elle était proche malgré tout, sont dévastés.
Charles meurt le 21 septembre 1558 de la malaria en tenant dans sa main le crucifix que tenait sa chère épouse quand elle mourut dix-neuf ans plus tôt.
Marie, elle, déjà fragile cardiaquement et ébranlée par la perte de sa grande sœur, ne supporte pas la perte de son frère et meurt le 18 octobre 1558 après avoir fait plusieurs crises cardiaques.
Les deux sœurs sont enterrées au Panthéon des Infants à l’Escurial, en Espagne.
Un destin incroyable mais une vie triste et dure, l’histoire d’Eléonore est hélas souvient oubliée alors qu’elle mériterait pourtant que l’on s’en souvienne.
- Marina Ka-Fai
Si toi aussi tu veux en lire plus sur Eleonore, tu peux aller regarder ces sources :
-Michel Combet, Éléonore d'Autriche : seconde épouse de François Ier
-Ghislaine De Boom, Éléonore d'Autriche, reine de Portugal et de France : Une sœur méconnue de Charles-Quint
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