#Le Désordre à vingt ans
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Bulle Ogier from “Le Désordre à vingt ans” (1967)
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30 % c'est…la proportion de Français qui estiment que les désordres climatiques et leurs conséquences sont des phénomènes naturels, comme il y en a toujours eu.
C’est la proportion de Français qui estiment que les désordres climatiques et leurs conséquences sont des phénomènes naturels, comme il y en a toujours eu. Soit une augmentation de sept points par rapport à 2023 et de douze depuis 2020, selon la 25e édition du baromètre « Les représentations sociales du changement climatique des Français » de l’Ademe. Une propension au climatoscepticisme qui a doublé en plus de vingt ans, passant de 15 % en 2001 à 29 % en 2024. « Cette hausse pourrait également traduire le fait que les désordres climatiques et leurs conséquences se sont désormais durablement installés dans l’actualité de la population », tente d’expliquer l’Ademe.
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J'ai pensé à mon âge, à celui de tous ceux qui dormaient dans cette maison, et j'ai entendu le temps nous ronger tous comme une armée de rats. Nous étions du bon grain. Il y avait vingt-quatre ans qu'on se laissait vivre. On avait compté sur le temps pour mettre de l'ordre dans les affaires de la maison. Du temps avait passé. Le désordre avait gagné d'autant. C'était maintenant un désordre des âmes, du sang. Nous ne pourrions plus guérir, nous ne voulions plus. Nous ne savions plus vouloir être libres, nous étions des rêveurs, des vicieux, des gens qui rêvent du bonheur et qu'un vrai bonheur accablerait plus que tout.
— Marguerite Duras, La Vie Tranquille
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La tyrannie du prophétique. CJP
À travers nos voyages, un des thèmes majeurs que nous abordons, avec Julia, est celui du « prophétique ».
Nous croyons, en effet, que le désir du Seigneur a toujours été, à chaque génération, d’avoir un peuple prophétique qui se lève.
Maintenant, la notion de « prophétique » a été fortement décriée ces dernières années, à cause des nombreux abus de chrétiens qui, soit n’ont pas compris en quoi il consiste, soit l’ont utilisé pour manipuler les autres, soit encore se prennent pour des prophètes qu’ils ne sont pas.
De ce fait, ils ont créé plus de confusion et de désordre qu’autres choses dans la vie des gens et des églises.
Si j'aborde pas mal les abus dans le prophétique, ce n'est pas pour décourager les gens d'être prophétiques, encore moins pour leur faire voir le mal partout, mais parce que, en tant que ministère itinérants je visite beaucoup d'églises et je vois les effets destructifs, autant pour les individus que pour les églises, de ces déséquilibres au niveau du « prophétique ».
Je n'arrête pas de tomber, sur des gens qui, au lieu d’avoir été bénis par telle ou telle prophétie ou tel ministère prophétique (et, merci Seigneur il y en a) ont été abusés.
Dans certains milieux les soi-disant paroles prophétiques lâchées de ci de là ont littéralement détruit la vie des gens.
Le prophétique a été pour eu tyrannique au lieu d’être ce qu’il est prévu d’être au départ : source d’édification et d’encouragement.
Ayant été pasteur d'église pendant plus de vingt ans, j'ai souvent vu les gens les plus déséquilibrés de mon église jouer les prophètes, raconter n'importe quoi sous prétexte de parler de la part de Dieu et être manipulateurs.
J'ai reçu des ministères de passage aussi avec qui nous avons eu de sérieuses surprises.
Comme cette femme qui, à un moment donné, a demandé que chaque membre de l'assemblée vienne mettre de l'argent dans sa main. J'ai dû l'arrêter, mais chez elle, aux USA, elle était reconnue comme « prophétesse ».
Je pense à cette autre, que pas mal d'églises recevaient à une époque et qui débarquait avec toute une valise avec des supports qu'elle utilisait, soi-disant pour prophétiser.
Il s'est vite avéré qu’elle prenait plaisir à rabaisser les hommes et les mettre en situation de ridicule à travers ces supports, comme leur faire porter des masques et chausser des souliers très grands et leur demander de courir tout autour de la salle.
Et, pourtant elle a eu son temps de gloire où tout le monde l'invitait, ça a pris du temps à beaucoup pour réaliser que quelque chose n'allait pas chez elle.
Beaucoup d'églises ont été harassées par ces prophètes de pacotilles. On avait tellement soif de surnaturel, à une époque, qu'on leur a laissé faire n'importe quoi.
Dans une certaine îles, un pasteur me disait, qu'il avait fait confiance à un certain ministère qui se disait prophète, mais ce dernier lui a volé la moitié de ses brebis en cachette, pour monter sa propre église.
Un « prophète » a donné cette parole à tout un groupe musical d'une certaine église, c'est que Dieu lui montrait qu'ils devaient la quitter. Ce qu'ils ont fait !
La réalité est que ce « prophète » ne s'entendait plus avec le pasteur de cette église et qu'il a, donc, prophétisé ses émotions, et a exprimé sa vengeance sous forme d’une « parole de Dieu ».
Autre exemple : cette jeune fille qui voulait quitter une certaine église, c'est alors que - comme par hasard - on lui prophétisa qu'elle allait trouver son mari dans cette église.
La fille y est restée bloquée depuis et, toujours pas de mari à l'horizon, bien sûr !
Vous comprenez qu'il y en a assez de toute cette mascarade, et qu'un seul message pour mettre en garde et dénoncer ces abus ne suffit pas.
Donc je ne vais pas m'excuser de vous les partager !
Mes messages sur les mises en garde vis-à-vis d’un pseudo prophétique, en fait, dérangent surtout ceux qui veulent que les gens continuent à dire « amen » à tout ce qu'ils disent, sans le discuter, ni l'analyser.
Or l’apôtre Paul nous dit à la fois de ne pas mépriser les prophéties, mais d’analyser toutes choses dans ce domaine ; et de ne retenir que ce qui est bon.
Il faut comprendre que le lorsque le prophétique vient réellement d’En Haut :
- Il n’apporte pas plus de confusion là où il y en a déjà suffisamment, mais nous sort de la confusion.
- Il ne met pas plus de désordre que ce qu’il y en a déjà - comme le fait un pseudo prophétique trop répandu - mais remet de l’ordre là où il y a du désordre.
- Il ne vient pas rajouter des ténèbres, mais apporte de la lumière.
- Il clarifie notre appel en confirmant ce qui est y déjà placé dans « nos entrailles » par le Saint-Esprit !
- Il libère les gens au lieu de les asservir !
- Il fait arriver des guérisons et des délivrances, suite à des paroles de connaissance, de sagesse qui lui sont souvent associés, au lieu de l’abattement et la dépression.
Bref, c’est du concret et du positif !
Les abus ne doivent pas nous faire remettre en question cette vérité : Dieu veut avoir un peuple prophétique, et il faut que les chrétiens prophétiques et les - vrais - prophètes se lèvent, aujourd’hui plus fort que jamais, nous le voulons toujours.
Mais si c'est pour ne pas respecter les règles, et faire plus de dégâts qu’autres choses, de grâce qu'ils restent assis.
Et s'ils se lèvent quand-même, dans votre communauté, ne vous laissez plus intimider et faites-les rasseoir, ou qu'ils aillent « prophétiser » ailleurs !
CJP/Claude
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Cheeto’s Magazine: Amazingous
Aujourd'hui sur Blog à part – Cheeto's Magazine: Amazingous C’est quoi ce nom de groupe? Cest quoi ce titre d’album? C'est quoi cette pochette? Eh bien c’est Amazingous, de Cheeto’s Magazine, et c’est du prog. Si. #RockProgressif #NeoProg
Il y a des fortes chances pour qu’en voyant cette chronique, vous vous demandiez, dans le désordre, 1) c’est quoi ce nom de groupe? 2) c’est quoi ce titre d’album? et 3) c’est quoi cette pochette? (Aaargh! en option). Eh bien c’est Amazingous, de Cheeto’s Magazine, et c’est du prog. Si. Cheeto’s Magazine est un groupe espagnol qui existe depuis vingt ans. Vous n’en aviez jamais entendu parler?…
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C'est ouf à quel point ma chambre me fout le cafard. Qu'elle soit en désordre ou bien rangée, y'a un truc de répulsif dedans, j'aime pas y être. J'aime pas dormir dans mon lit, il est trop lourd à replier, il prend trop de place et est trop grand pour moi tout seul. J'ai toujours peur de trouver des bestioles dégueulasses sous mon clic-clac. J'aime pas m'asseoir à mon bureau et j'aime pas la façon dont j'ai organisé mes livres et mes boîtes de rangement. J'aime pas ces rideaux trop longs et trop moches et la vue sur l'immeuble à vingt mètres du mien. J'aime pas cette pièce. Elle est à la fois étouffante, exiguë, surchargée et trop grande, trop vide. J'ai souvent déménagé dans ma vie, mais j'ai jamais eu autant de mal à me faire à une nouvelle chambre. Ça fait deux ans et demi et elle me fout toujours autant le cafard. Je sais pas pourquoi c'est aussi difficile de m'y faire, je sais juste que plus j'y reste, plus je veux en partir.
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Comment veut-il que Camélia Abraxas, vingt-trois ans, jeune mère coincée pour le restant de ses jours dans cette prison mobile, lui dise ce qu'elle ressent ? Tout ça était arrivé à cause d'une stupide histoire de balai défectueux. Et dépression n'avait pas tardé à la trouver. D'abord dans la pitié de son entourage, puis dans sa fille qui refusait de lui parler. Elle se faufilait même dans son lit le soir, au milieu de ses rêves, et ne se gênait pas de la réveiller pour lui faire découvrir les nuits blanches. Dépression, douce dépression. C'est à cause d'elle, que Camélia a été obligée de prendre rendez-vous chez cet lui. Parce que sa famille, ses amis, ses proches s'inquiétaient. Mais qui avait dit qu'elle en avait besoin ? Elle était handicapée, pas folle ! Ce n'était pas parce que ses jambes refusaient de lui obéir qu'elle passerait forcément la corde autour de son cou ! Elle était toujours Camélia, toujours, pourquoi n'arrêtaient-ils pas de s'adresser à elle comme si elle s'était transformée en une autre personne ? Ses iris bleues s'humidifient, mais aucune larme ne coule. Elle hoche de la tête, et il passe à autre chose. Il fait mine de ne pas remarquer ses yeux rougis, ses cheveux en désordre, les cernes sous son regard. Elle comprend alors qu'Orion Ceasy est la seule personne qui la traite comme si elle était encore Camélia. Ça lui fait autant de mal que de bien, son cœur se consume et s'endurcit. Elle en est soulagée mais attristée, déçue, abattue. Et alors que dépression revient doucement lui susurrer près de son oreille, elle voit les mots. Les mots, doux et violents, qui lui donnent le vertige mais dont la cursive de mouche la rassure. Et tandis qu'Orion parle de sa voix douce et grave, elle ferme les yeux, plongeant dans les ténèbres de son âme. Pour leur souvenir, pour leur vie, pour nos aimés.
08/12/18 : Les mots
Son cabinet est petit, aux tons rouges et bruns, ce qui renforce l'ambiance chaleureuse de la pièce. Une fenêtre sur le côté, qui laisse entrer un filet de lumière, et un gros fauteuil jaune rembourré près de ce qui doit être son bureau, mais qui ressemble surtout à une planche de bois sur laquelle plusieurs tas de feuilles ont été empilés à la va-vite. Et quelques poufs qui ont été jetés çà et là. Elle lève un regard sceptique vers l'homme face à elle. Il est de taille normale, sans doute un peu plus grand qu'elle. Ses cheveux blonds et ses yeux noisettes la regardent fixement, brillant de mille feux. Il n'est pas exactement l'idée de ce qu'elle a d'un psychomage – à vrai dire, il est l'opposé même de ce qu'elle s'est imaginé. Il porte un gros pull bleu et un pantalon blanc, des chaussures marrons. Sur le mur rouge derrière lui, des mots gris ont été écris d'une écriture en patte de mouche, à l'infini. Pour leur souvenir, pour leur vie, pour nos aimés. - Bonjour Camélia, je suis Orion Ceasy. Ravi de vous rencontrer. Elle hoche de la tête sans le regarder, son attention restée coincée sur les caractères en forme de gribouillis. Il sourit et se dirige vers elle. Lorsqu'il attrape son fauteuil roulant et se met à la mener en direction du centre de la pièce, elle ressent un horrible frisson remonter le long de son échine. Son cœur bat fort, jusqu'à lui en faire mal, et elle hurle de douleur. Le fauteuil s'arrête, et Camélia prend quelques secondes à se rendre compte de ce qu'elle fait. Elle se tait brusquement, nauséeuse et honteuse. Honteuse de sa faiblesse, de sa fragilité, de son handicap. Le psychomage vient devant elle, et s'accroupit jusqu'à planter ses yeux chocolat dans les siens. Elle ne perçoit aucune trace de pitié, d'inquiétude ou de peur dans son regard. Juste de la surprise. - Camélia, quelque chose ne va pas ? Sa voix est calme et posée, légèrement suave sur les bords. Un peu comme un cocon, elle vient l'envelopper dans sa douceur et sa chaleur. Elle sent ses épaules se détendre légèrement, mais sa méfiance ne baisse pas. Elle reprend son air désinvolte, carapace qu'elle s'est construit depuis son accident, et fait non de la tête. Le sourire du blond revient, et elle se sent soulagée. Il attrape un pouf et le met à côté d'elle pour s'y asseoir, et elle remarque qu'il n'a pas retenté de toucher son fauteuil. - Alors Camélia, comment allez-vous aujourd'hui ? Question anodine dans la bouche d'un psychomage anormal. Elle se sent prise au dépourvue, ne sait pas quoi dire. Quelques secondes plus tôt, elle est en train de hurler à s'en casser les poumons, et maintenant cet Orion lui demande tranquillement comment elle va, assis sur un pouf blanc, au milieu d'un petit cabinet qui ressemble à la Salle Commune de Gryffondor. Comment veut-il qu'elle puisse formuler une réponse cohérente ?
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“St-Vincent-de-Paul? Au Pénitencier: LES VRAIS MOTIFS DE LA REVOLTE” Le Petit Journal. November 13, 1932. Page 1, 20 & 21. --- Hier et aujourd'hui. — Discipline trop implacable. — La nourriture. ==== RECIT D'UN TEMOIN --- Vous êtes au coeur de St-Vincent-de-Paul, en plein chemin national, dans le courant d'une vie apparemment champêtre et gaie. Les bruits de la Rivière-des-Prairies peu à peu s'étouffent; une sorte d'atmosphère mystérieuse vous enveloppe et, en quelques minutes, vous met très loin du monde des vivants. D'un trait une porte gigantesque et matelassée de fer s'ouvre, Le bagne est devant vous. === Vous pénétrés plus avant. Vos yeux s'habituent à ce demi jour et commencent à distinguer quelque chose. Des officiers en arme vous accueillent, l'oeil rapide et scrutateur, Vous vous trouvez alors dans une espèce de petit corridor très étroit avec au fond un escalier qui conduit aux différents bureaux de l'administration, au deuxième étage. A droite, une grande cage de fer avez de solides barreaux. C'est le parloir où, tous les deux mois, les condamnés dont la conduite est bonne, ont la permission de venir s’entretenir avec les êtres chers pendant vingt minutes.
Vous montez le petit escalier que vous avez vu tantôt et vous voilà enfin dans une salle mieux éclairée comprenant divers bureaux, clavigraphes, immenses filières, voûtes murales. C’est le bureau de l’administration. Voici d’abord le sympathique préfet de l’institution, le colonel P.A. Piuze, surnommé depuis les récents désordres ‘l’homme de fer’: voici son secrétaire, le capitaine Gustave Sauvant, ancien journaliste de Pars; viennent ensuite les gardes Tremblay, Piché et Rioux, respectivement sténographes et assistants du préfet.
DANS LES MURS Pour le prisonnier qui s'est balladé pendant quelques semaines de la Prison commune au Palais de Justice, jusqu'à l'issue de son procès, et qui a passé quelque temps dans les cellules vieilles et monotones de Bordeaux, son arrivée à St-Vincent de Paul devrait marquer une étape importante.
En comparaison, vue du dehors, la citadelle pourrait paraître un séjour presque confortable.
Rien de plus curieux que cette petite ville de St-Vincent de Paul, sorte de capitale du crime. Dans les édifices, dans les cours, les corridors, partout des corvées de forçats se croisent, marchent et travaillent. cependant que des officiers en khaki se promènent graves et dignes. Tout cela se coudoie dans un méo-mélo familier, jacasse, plaisante, s'interpelle.
LES TROUBLES DE ST-VINCENT DE PAUL Une véritable conspiration semble avoir été établie pour faire le moins de publicité possible autour des désordres actuels au Pénitencier de St-Vincent de Paul. Mais le voile qui en a jusqu'ici caché les causes premières auprès du publie, se déchire peu à peu au-dessus de l’enceinte fortifiée. Les commentaires vont leur train, et l'état d'esprit qui règne dans l'institution est loin d'être encore normal.
S'il faut en croire les déclarations d'an ancien forçat libéré il y à quelques semaines et qui est très au courant du malaise qui existe dans les différentes sections du bagne, la révolte se préparait dans les cerveaux depuis près de deux ans et n'a aucun rapport avec les désordres survenus à Kingston iI y a quelque temps. Sans doute les détenus de St-Vincent de Paul eurent tôt fait d'apprendre la panique provoquée par leurs camarades au pénitencier de l’Ouest, mais on nous assure que ce n'est pas précisément ce qui les à poussés à se révolter à leur tour.
Le bagnard qui a écrit ces lignes exclusivement pour les lecteurs du Petit Journal, à occupé pendant plusieurs années un poste de connistratifs du pénitencier, Il prétend avoir été le témoin de bien des bagarres et de plusieurs commencements de révoltes collectives durant son séjour dans la prison. Cet homme qui a vu les choses de près, connait tous les détenus par cœur et, ce qui plus es:, connait parfaitement leurs griefs.
On nous assure que le soulèvement du 4 novembre et les nouveaux troubles de la semaine dernière avaient été prémédités dans les rangs depuis de longs mois et les causes qui peuvent les avoir lentement provoqués, sont multiples.
DISCIPLINE TROP RIGOUREUSE On comprend que pour maintenir dans l'obéissance la Collection de sacripants et de criminels que renferme le pénitencier, de fortes punitions doivent être appliquées parfois. Mais, d'un autre côté, si la législation du bagne doit être implacable envers les criminels que tien ne peut dompter, est-il besoin de dire qu'elle devrait se montrer miséricordieuse et plus généreux: envers les condamnés repentants et soucieux de se régénérer par le travail? A ceux qui en sont à leur première offense, et qui se sont laissés entraîner vers le crime dans un moment d'égarement, elle devrait faire des concessions. Les prisonniers qui font en ce moment une longue sentence ne se rappellent j’amais sans émotion l'époque où le colonel Girouard dirigeait le pénitencier il y à quelques années. La discipline était beaucoup moins sévère qu’aujourd’hui et. pourtant le travail des prisonniers était tout aussi bon.
A cette époque l'administration était toujours heureuse de recevoir les quelques plaintes de certains forçats. Chacune était étudiée avec soin et, si elle était juste, le nécessaire était fait par les autorités pour que les détenus aient satisfaction dans la mesure du possible. L'alimentation était bonne aussi et on ne négligeait rien pour satisfaire le bagnard de ce côté. Le prisonnier mangeait toujours à sa faim et aucun prisonnier n'eut jamais à répliquer. Les choses cependant n'en sont plus ainsi et le régime du pénitencier à fait une volte-face énorme. Habitués qu'ils étaient à une discipline moins rigoureuse, quoique très stricte encore, les vieux forçats qui expient en ce moment de longues sentences, se soumettent très difficilement à la nouvelle discipline du pénitencier.
J'ai vu une période des plus tragiques à St-Vincent de Paul l'été dernier alors qu'il ne se passait jamais une semaine sans qu'après la rentrée des prisonniers le soir, on entendit un bruit d'enfer de ferraille et d’ustensiles de toutes espèces, dans le ‘Dome’. Pendant plus de trois mois, l’été dernier, chaque lundi soir, était une soirée de bruits et de désordres dans toutes les cellules, à cause d’une mauvaise soupe aux pois que les autorités voulaient faire manger aux forçats. À certains moments nous aurions cru qu'une véritable révolte en règle était déclenchée dans toutes les sections du bagne, et c'est vraiment par pare chance si aucun dégât sérieux n’ait eu à être signalé et si aucune perte de vie n'ait été déplorée.
Avec l'administration actuelle, non seulement l'alimentation est devenue subitement inférieure mais, de plus, tous les divertissements au pénitencier ont été rayés de l’ordo. Les concerts que donnaient au pénitencier chaque mois les musiciens de la Montreal Tramways, ne sont plus donnés depuis environ trois ans. Le seul concert qui fut offert aux prisonniers depuis près de deux ans est un petit concert religieux qui fut par la chorale des prisonniers. À cet effet, on fit sortir tous les prisonniers des cellules un dimanche après-midi et on les dirigea vers la chapelle pour en écouter l'exécution. Le tout ne dura pas plus d'une heure, et les forçats s'en moquèrent bien plus qu’ils ne l'apprécièrent. Les séances de cinéma n'ont pas eu lieu à Saint-Vincent de Paul depuis trois ou quatre ans.
LE LAIT On autorisait autrefois pour les détenus de constitution faible ou bien qui accomplissement un travail pénible, un bon gobelet de lait une fois par jour. Ce n'était pas une dépense énorme pour l'administration et la population s'en trouvait bien portante. Ce privilège a également été biffé de l'ordo depuis plus : de trois ans et ceux qui reçoivent du lait aujourd’hui ne sont que les prisonniers admis à l'infirmerie où sous traitement.
Aujourd'hui, non seulement le privilège du lait est annulé, mais on oblige de plus chaque détenu à prendre s& ration lorsqu'il passe à la cuisine, qu'il puisse la manger ou qu'il ne la mange pas.
Comme le prisonnier rapporte toujours au repas suivant, le plat vide qui portait la ration précédente, l'auteur de ces lignes, qui voyait de non poste défiler les détenus, affirme que certains jours 75% des plats reviennent à Ia cuisine encore pleins et qu'on n’a pas touché à une bouchée de nourriture. Les fèves au lard, par exemple, qui ne sont pas aimées du tout par les forçats (et les autorités le savent) sont servies quand même deux fois chaque semaine, le mardi et le vendredi. Un visiteur qui se tiendrait au défilé des forçats à la cuisine à l’un de ces deux jours, pourrait voir environ 80% des prisonniers rapporter leur ration à Ia cuisine. C'est navrant! toute celle nourriture est envoyée à la porcherie. et, les prisonniers, eux, sont réexpédiés à leur travail, qu'ils aient mangé ou non.
LA QUALITE DES ALIMENTS Il n'y a pas l'ombre d'un doute que les aliments achetés pour la nourriture des prisonniers, sont de premier choix. En été surtout, la ferme du pénitencier produit mille et une choses de première qualité. Mais c'est dans la préparation des repas, à la cuisine, nous dit-on, et bien souvent sous l'oeil des surveillants, qu’il se fait le plus triste travail. La marmite est le plus souvent confiée à des mains inhabiles. Avec le montant alloué pour l'entretien des prisonniers et tous les produits de la ferme, les autorités, il nous semble, pourraient varier un peu les menus et les rendre plus appétissants. Ce qui manque à St-Vincent de Paul, est un cuisinier de premier ordre. En d'autres termes, c'est la porcherie qui présentement reçoit une partie de la nourriture destinée aux bagnards. Si un “chef” compétent unissait tous ses efforts pour arriver à rendre cette nourriture meilleure, je doute que les esprits soient‘tentés de se rebeller à nouveau, Le forçat qui a bien mangé, neuf fois sur dix, se soumet plus facilement à la discipline et accepte plus stoïquement son épreuve.
LE “MESS” DES OFFICIERS Le “mess” des officiers est le réfectoire des gardes. D'après celui qui à écrit ces lignes, ce mess consomme je meilleur de tout ce qui est acheté par l'institution. En été, parait-il, les gardes, dont la famille reste le plus souvent dans le village, a la permission d'acheter des produits au pénitencier, voire même des viandes. A l'arrivée de toute consignation au bagne on fait donc un choix minutieux du meilleur et l'auteur affirme qu'on le dispose comme ceci. Si ce sont des viandes, les meilleures parties sont conservées pour la résidence du préfet, les parties convenables sont destinées au “mess” des officiers, et je reste, ce dont personne ne veut, rentre dans la préparation des différents repas aux condamnés.
Il petit paraître étrange de le dire, mais au pénitencier de Kingston, les choses ne marchent pas du tout de cette façon et les gardes de l'institution ne peuvent pas acheter les produits de la prison. Tout va au compte des prisonniers.
RIVALITÉ Il faut dire en passant qu'il y a toujours eu une très grande rivalité entre Kingston et St-Vincent de Paul. Il ressortirait de mes investigations que cette dernière maison à eu sans cesse l'ambition de montrer au ministère de la Justice, qu'elle peut, en dépit du grand nombre de détenus internés, arriver à boucler le budget, avec un coût pour chaque prisonnier, bien Inférieur à celui de Kingston. Je me souviens qu'il y à certains mois l'été dernier où les rapports indiquaient qu’il en avait coûté .08 ou 09 sous par jour au gouvernement pour chaque prisonnier, a St-Vincent de Paul, alors que Kingston pour les mêmes périodes je crois que le rapport montrait une dépense par tête de .19 et 20 sous.
LES PUNITIONS Les records du pénitencier indiquent une augmentation considérable de punitions par châtiments corporels, comme jamais Il en fut fait mention .dans les .annales du bagne. II ne se passe jamais une semaine au pénitencier de St-Vincent de Paul, sans que deux ou trois détenus reçoivent le châtiment des Ianières (le “strap”). Ce châtiment peut varier entre 10 et 20 coups. Un prisonnier qui est condamné à recevoir 20 coupe de lanières, en reçoit la moitié le jour de la sentence, et le reste lui est administré environ un mois après.
C'est la plus forte punition imposée au pénitencier. Sous les administrations précédentes les “lanières” étaient administrées très rarement et c'était toujours un grand événement dans la prison quand les prisonniers savaient que ce soir, après la fermeture, deux ou trois des leurs allaient subir le châtiment. II faisait alors un silence de mort dans les longs couloirs du bagne et les coeurs battaient fort dans les poitrines, Cette punition était infligée pour des offenses très sérieuses, très graves, telles que pour assaut sur un officier ou une tentative d'évasion, etc, Mais aujourd’hui la même punition est infligée pour bien peu de chose. Je me souviens d'un nommé Ethier dont sa conduite pourtant avait été plus que satisfaisante depuis près d'un an. Un soir il fut surpris par un garde en flagrant délit de causer avec son voisin. Quand son nom fut appelé au tribunal du préfet le lendemain, il fut sur le champ condamné à recevoir environ une dizaine de coups de “strap”. J'admets que les gardes étaient aux aguets, car il y avait eu plusieurs désordres dans certaines sections la semaine précédente, et on crut peut-être que le jeune Ethier voulait simuler quelque chose ou faire un complot avec des amis.
Il n'y a pas que les punitions par voies corporelles qui soient plus nombreuses et plus sévères qu’autrefois. La discipline en général semble outrée à certains moments et les prisonniers sont sans cesse sous le coup d'une grande surexcitation car on craint à chaque heure une révolte en règle, Un détenu juif l’automne dernier, qui avait dans un moment de faiblesse cherché à se faire apporter des chocolats par son officier de garde, fut devant le préfet trouvé coupable de “tentative de corruption d'un officier” et fut envoyé au “donjon” pour 6 mois, au pain et à l'eau seulement. La même offense il y a quelques années aurait été réglée avec une forte réprimande ou, tout au plus, une légère punition de tabac.
LES PLAINTES Il arrive qu'un détenu veut faire au préfet une plainte quelconque. Il s'agit souvent d'un garde injuste, d'un repas qu'on n’a pas aimé.
Mais j'affirme que ce qui arrive le plus souvent c'est qu'au bagne, les plaintes des forçats. quelles qu'elles soient, ne reçoivent jamais beaucoup d'attention, et dans bien des cas le bagnard reçoit plutôt une réprimande. Je me souviens d'un prisonnier qui avait un jour demandé à voir le préfet pour le prier de continuer la coutume ancienne d'avoir des concerts au pénitencier de temps à autre. Quand le forçat expliqua au préfet que des concerts étaient donnés à Kingston, il lui fut répondu que les autorités n'avaient pas besoin de savoir ce qu'on faisait à Kingston et que du reste elles n'avaient pas besoin de suggestion de personne. Un autre bagnard qui était allé voir le préfet pour une demande analogue fut presque menacé d'être envoyé dans le “trou” (le donjon).
J'estime qu'au pénitencier une plainte doit être au moins étudiée et que s'il n'y a aucune possibilité de se rendre à la demande du condamné les autorités devraient pour le moins en donner les raisons an forçat. Le bagnard quitterait ainsi le bureau du préfet d'assez bonne humeur et pas mécontent du tout de son entrevue avec lui. Mais de la façon que les plaintes en général sont accueilles depuis quelque temps les prisonniers ont plutôt décidé de n'en plus faire.
LIVRES ET MAGAZINES Dans les premiers six mois qui datent de son arrivée le forçat a droit à un livre le mercredi et à un second le samedi matin. Après le sixième mois de son arrivée, un magazine de son choix est ajouté. Mais comme les heures sont assez longues là-bas il arrive le plus souvent que Je condamné a le temps ds parcourir toute sa lecture en une soirée, et qu'il n'a plus rien à lire pour un four ou deux. A Kingston pourtant, qui est un pénitencier sous Je contrôle du même département, les prisonniers ont des magazines chaque matin. Il y a bientôt deux ans qu'on se plaint de ne pas recevoir assez de matières à lire à St-Vincent de Paul, et il y a deux ans que ces plaintes des forçats restent ignorées.
CERTAINS DETENUS AURAIENT ETE VOLES Quand un nouveau bagnard entre au pénitencier, ses effets personnels ainsi que ses vêtements sont généralement bien empaquetés, notés, et conservés dans une pièce spéciale située dans l'édifice du “Keeper's Hall”, où ils demeurent jusqu'à l'expiration de sa sentence. Par contre, le prisonnier qui désire dès son arrivée faire plutôt l'expédition de tous ses effets à sa famille, peut le faire s'il dispose des fonds suffisants pour en couvrir l'envoi.
Il en arrive fort souvent qui possèdent des valeurs assez importantes, soit en espèces ou en bijoux. Toutes ces valeurs qui sont soigneusement notées dans le “régistre des effets personnels” des détenus, étaient autrefois jointes au colis du forçat, excepte les argents qui étaient expédiés au comptable.
On nous informe que le garde qui avait la surveillance de tous ces effets, était un brave homme, mais ses affaires n'allaient pas très bien, sans doute, les prisonniers apprirent un jour que leurs paquets avaient été ouverts et qu'une quantité d'objets étaient disparus. On fit promptement enquête à a suite de cette découverte et, le 24 décembre 1931, Ie garde X... fut démis de ses fonctions. Mais le plus malheureux c’est que les objets ou les bijoux n'ont pu être retrouvés, sauf une montre ou deux ainsi que quelques! plumes réservoir. Or il parait qu'aujourd'hui encore des forçats sont libérés et quand vient le moment de passer en revue les effets qu'ils avaient à leur arrivée il manque parfois quelque chose. On explique alors au prisonnier que tel ou tel article manque mais que, s'il est retrouvé, on le lui fera parvenir.
Depuis deux ans, il peut y avoir un assez grand nombre de bagnards qui se sont ainsi fait voler au pénitencier même, ET JE COMPTE PERSONNELLEMENT PARMI CES VICTIMES, malgré que je considère l'objet disparu de mes effets comme ayant pratiquement très peu d'importance.
Mais l'on comprend de suite comment la nouvelle de ces irrégularités dans le système pénitentiaire, ait pu aiguiser la rancune et la haine des prisonniers qui n'étaient déjà pas très bien disposés.
Depuis cette affaire, on nous informe que le Garde X... est recherché par la Police Montée Canadienne, à la demande du préfet du pénitencier,
UN DETENU QUI EN SAVAIT TROP LONG Au cours du mois de juin dernier le pénitencier libérait de ses murs le prisonnier A-954 - S.E. Messier. Ce détenu s'était livré, paraît-il, dans l'institution, à plusieurs petites enquêtes personnelles qu'il conduisait pour sa propre information et dans le seul but de pouvoir un four adoucir le sort de ses camarades. Savait-on que Messier était journaliste et avait-on peur de ses agissements? On nous assure que ce forçat était parvenu à trouver plusieurs irrégularités dans le système de l’institution et en avait même à quelques reprises attiré l'attention du préfet. Le 21 juin dernier le colonel Piuze recevait un communiqué d'Ottawa de libérer Messier à 3 heures, Cet homme qui avait deux ans de sentence reçut un pardon de plus de 7 mois, sans qu'aucune démarche spéciale n'ait été entreprise par sa famille pour le libérer, sans non plus aucune garantie de position, comme la chose est nécessaire lorsqu'une requête est présentée à Ottawa.
Si tout cela est vrai, il est évident que les yeux de Messier étalent trop grands ouverts et que son observation était trop vive. Craignant qu'il puisse un jour ouvrir la bouche, et avant qu'il en puisse voir davantage, on lui donna son “ticket of leave”. La chose ne mérite-t-elle pas qu'on s'y arrête et n'a-t-on pas raison de penser que les troubles récents à St-Vincent de Paul ont été provoqués pour des motifs sérieux?
UN ANCIENT BAGNARD. Photo Caption 1: CONFIDENTIEL! Un bagnard du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul est venu nous divulguer les véritables motifs de la terrible révolte. Cet ancien forçat, dont la haute taille est courbée sous le poids du remords et de la misère, refuse de se laisser photographier de face. Comme ce garde du corps de Capone qui fait en ce moment des confidences au public parisien, nul ne doit voir son visage. Nous avons pris cet instantané au moment ou notre informateur ouvrait la porte du “Petit Journal”, pour nous raconter les faits que le lecteur lira en page 20. Photo Caption 2: L'atelier de confection des détenus au pénitencier de St-Vincent-de Paul ... Et ce qu'il en reste. Dommages: $500,000.
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« Il y a mort et mort. Les morts de la guerre sont des morts à part, des morts pas comme les autres. Abattus en pleine force. Abattus presque toujours à la minute même où l'on donne tout, où ils engageaient les dernières réserves de l'âme. [...] Mourir à vingt ans n'est pas un désordre ! Mourir si jeune n'est pas un désordre ! On leur a fait tort de vingt ans, de trente ans, de quarante ans de vie. Ils avaient quelque chose à dire. On leur prit la vie comme on retire la parole à quelqu'un. Sans leur permettre d'achever la phrase commencée. »
Georges Bernanos, fragment retrouvé dans les papiers préparatoires de Monsieur Ouine.
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Ma petite librairie
Après quelques mois de formation, avoir récupéré des fonds et réussi le test des banques pour un prêt, j’ai pu enfin ouvrir ma propre librairie. J’avais loué un vieux magasin situé dans le centre-ville de Nantes et m’étais spécialisé dans le livre ancien ainsi que sa restauration. Je pris vite de l’ampleur grâce aux premiers ouvrages récupérés par-ci par-là, cependant tous de valeur historique. La première encyclopédie de Diderot mais aussi une édition très ancienne de Candide de Voltaire furent mes premières ventes. Mon magasin fut un réel succès, on venait de très loin pour acheter ou apporter des ouvrages à réparer.
Je préparai ma énième participation au salon du livre quand un homme se présenta dans la boutique. Il apporta un livre très abimé que je ne connaissais pas. Ni le titre ni l’auteur ne semblaient être connus. Je fis un rapide devis vu l’état des pages et de la reliure. L’homme parut gêné par le prix toutefois, il accepta en disant : « Après tout, il doit y avoir beaucoup de travail à faire ». Puis il partit, précisant qu’il ne pourra récupérer son livre que dans deux mois minimum parce qu’il partait en voyage. Je le raccompagnai à la porte et revins feuilleter ce livre. Il s’agissait d’un recueil de sciences occultes. Je lis quelques passages difficiles à comprendre car il était surtout écrit en latin et en grec. Pourtant je lis un chapitre en vieux français qui m’interpela à propos d’une formule à prononcer. La page ayant été trop abimée, je ne sus de quelle expérience il s’agissait. Je lis quelques mots à voix hautes avec amusement. Puis je Posai le livre dans une boite hermétique afin de le préserver au mieux et le rangeai sur une étagère dans l’arrière-boutique.
Je repris ensuite mon travail sur le dossier du salon d’exposition. Une heure plus tard, une femme entra dans le magasin. Elle sembla totalement désorientée regardant les étagères avec de grands yeux. Je demandai si elle désirait un renseignement, elle me dit simplement : « désolée, j’ai cru que c’était un magasin de fringues » avant de sortir dans la rue. Elle se retourna, regarda la devanture tout en gardant un air étonnée. Elle s’éloigna après avoir haussé les épaules. Je repris mon travail et fus surpris de voir deux autres femmes entrer dans le magasin. Elles parlaient fortement, riant quand l’une d’elle exclama : « Mais ce n’est pas un magasin de vêtements ! ». Elles sortirent aussi vite qu’elles sont entrées telles des petites tornades tropicales. Je continuai de travailler malgré les nombreux clients dans l’erreur. Pratiquement tous entrèrent dans la librairie, persuadés avoir affaire avec un magasin de vêtements et aucun pour des livres.
Après avoir fermé le magasin, je restai pour commencer à travailler la restauration du livre. La tache fut délicate car les pages jaunies avec le temps n’étaient plus reliées. De plus, elles étaient en parti en désordre. Je dus commencer par les replacer dans l’ordre avant de commencer le collage en utilisant des matériaux naturels d’époque. Je passai une bonne partie de la nuit sans finir. De toute façon, j’avais prévu plusieurs jours de manipulation dans le devis. En effet, ce n’est qu’au bout d’une semaine que j’achevai ce travail. Il y avait besoin de tout refaire en passant par la reliure, la dorure de certaines pages et les coins de pages détériorés. Je gardai le livre dans mon magasin, attendant le retour de son propriétaire.
De temps en temps, je recevais encore des clients dans l’erreur. Ils entraient, persuadés qu’il s’agissait d’un magasin de mode. Je commençai à croire à une erreur généralisée quand un facteur entra avec un recommandé pour une madame Stéphanie Antoine. L’adresse était la bonne, mais cette femme n’était pas gérante du magasin comme indiqué sur le courrier. Je perdis cinq bonnes minutes à expliquer au facteur qu’il s’agissait d’une méprise. Peut-être même d’une mauvaise blague car le magasin dont elle était censée être gérante était un « Zadig & Voltaire». A la place d’une librairie, j’ai trouvé cela drôle. En plus, il n’y avait aucun magasin de ce nom dans la rue. De même, je reçus aussi deux lettres au nom de ce magasin que je gardais sans aucune raison, au cas où quelqu’un les réclamerait.
Comme prévu, l’homme récupéra son livre après deux mois. Il était ravi de mon ouvrage. D’ailleurs, il ne l’avait pas reconnu de suite. Il feuilleta quelques pages pour vérifier qu’il s’agissait du sien. Puis il paya et partit. Je le revis plusieurs fois apportant quelques livres anciens intéressants. Il acheta même des vieux Jules Verne. Il conseilla même mes services à des amis. Cependant, je ne fis pas le lien entre ces gens qui se trompaient et le livre mais après sa récupération, je ne reçus plus de personne se trompant de boutique.
Les années passèrent, je modernisai la librairie. Après vingt ans au même endroit, je décidai d’agrandir et prendre un atelier plus intéressant. La librairie déménagea donc pour une boutique plus spacieuse et mieux placée. En rendant la clé au propriétaire. Il semblait légèrement déçu. Nous discutâmes sur l’avenir du magasin, il avait trouvé preneur, le nouveau locataire devait arriver dans la minute.
En effet, une jeune femme métissée au corps svelte entra. Je remarquai de suite sa passion pour la mode en voyant son tailleur et son déhanché. Je devinai qu’il s’agissait d’un ancien mannequin. Elle serra ma main tendue puis celle du propriétaire avant de prendre la clé. Mais je fus effaré quand il prononça son nom : « Stéphanie Antoine ». A ce moment, je la dévisageai. Elle était jeune et ne devait pas avoir dix ans quand le facteur était passé avec un recommandé à son nom. Elle répondit en souriant à ma question sur son futur magasin : « C’est une franchise d’une marque de prêt-à-porter, Zadig & Voltaire. Vous connaissez ? » Je fis oui de la tête. Je rentrai ensuite chez moi, interrogatif, aussi inquiet de découvrir cette étrange coïncidence. Une fois à la maison, je fouillai dans de vieilles affaires et retrouvai les deux lettres au nom de Stéphanie Antoine. Elles étaient dans des archives de comptabilité. A l’époque, je les avais ouvertes. Ce n’étaient que des relevés de comptes. Par contre, vu la date écrite sur chaque courrier, elle était censée les recevoir dans cinq ans.
Alex@r60 – février 2020
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L’Étang d’à côté #1
Moi c’est Ethan, j’ai dix-sept ans et je suis en dernière année au Newport Harbor High School. Mes parents biologiques m’ont abandonné il y a seize ans. J’ai enchainé les familles d’accueil durant deux ans. J’ai finalement été adopté à l’âge de trois ans et emménagé dans une nouvelle famille. Je me rappelle de pas grand-chose concernant mon installation, juste que tout était immense ; les pièces, les objets, le lustre du salon et celui de la salle à manger ; j’étais haut comme trois pommes à l’époque, comme me le répète ma mère dès qu’elle est prise de nostalgie. Notre maison se trouve à Newport Beach dans le comté d’Orange, pas très loin de mon lycée. J’ai toujours fréquenté les écoles privées locales et j’ai donc eu la chance de tisser des liens avec certaines personnes dont ma meilleure amie Océane. Elle habite à Irvine, à environ quinze minutes de chez moi. Tout les vendredis, je suis convié à déguster les lasagnes maison de sa mère. Notre relation est l’une des très rares choses qui comptent pour moi.
Ce soir là, devant chez elle, j’aperçois une magnifique jeune femme accompagnée d’un homme certainement plus âgé qu’elle. Il avait la moustache bien taillée et très grise, les cheveux court avec un début de calvitie. Il était vêtu d’un pull en cachemire en col-roulé bleu foncé, d’un pantalon classique noir et d’une veste de la même couleur. La jeune femme quant à elle portait une robe assez moulante et courte, semblable à celles que les péripatéticiennes pourraient porter. Après m’être fait remarqué à cause de mes regards insistants, j’appelle Océane pour la prévenir que je suis arrivé devant chez elle. L’odeur des lasagnes de sa mère inhibe tout le quartier. A la fin du repas, je remercie Mary, sa mère, alors qu’Océane m’attire dans sa chambre. Un petit film sur Netflix puis je repars chez moi.
J’arrive vers vingt-deux heures à la maison, Renée et Carlisle sont dans leur chambre et regardent la télé. Je frappe pour les prévenir de mon arrivée et leur souhaite une bonne nuit. Je retrouve ma chambre, pas comme je l’ai laissée avant de partir, là elle est rangée. Je redécouvre cette pièce. J’avais oublié à quel point elle était spacieuse à cause du désordre constant que j’y mets. Avant de profiter de cette chambre “clean”, je pars remercier ma mère et m’écroule sur le canapé avant d’allumer la télé. Je reste à zapper les chaines jusqu’à tomber sur un bon film d’horreur. Un autre a suivi et au final, je n’ai pas dormi de la nuit. J’ai repris des forces toute la journée, réveillé à plusieurs reprises par Renée qui venait s’assurer que tout allait bien.
Le lendemain, mes parents et moi nous rendons à la plage de Newport, comme tous les dimanches. Journée terminée, nous louons un DVD et commandons une pizza. Huit heures, j’embrasse tout le monde et monte dans ma chambre. Je prépare mes affaires pour demain et consulte mon emploi du temps. Notre prof d’anglais étant en congés maternité, elle est remplacée demain, j’espère juste de ne pas la regretter.
Huit heures trente, mon réveil sonne. Je ne veux pas me réveiller plus tôt, mais j’arrive tout le temps en retard en cours. Les deux heures de maths sont passées très rapidement puis est venu le tour du cours d’anglais. La nouvelle prof est canon ! Dieu merci elle n’est pas fripée, même si elle est vache avec les élèves, je pourrais au moins me divertir les yeux. Vers le milieu du cours, après sa présentation, une ampoule ma littéralement éclairé le cerveau. La femme que j’ai vu près de chez Océane… Non ?!?! Ce n’est pas possible ! Après il est vrai que les enseignants ne sont pas si bien payés que ça… mais non! La prof ne peut pas être une prostituée, je ne pouvais pas y croire. Elle n’arrête pas de m’observer maintenant. Merde je suis grillé! La sonnerie retentit, j’essaie de m’éclipser le plus rapidement possible mais…
Jeune homme, s’il vous plait !
Je fais comme si de rien était. « Ethan, la prof t’appelle je crois ». Plus possible de faire demi-tour. Je me retourne avec un grand sourire hypocrite vers elle.
Oui madame ?
Est-ce que tout va bien ? Vous aviez l’air ailleurs durant toute la séance.
Euh…? Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je décide de faire l’ignorant.
Oui, vous étiez absent. Je veux juste m’assurer que ce n’est juste passager et que vous vous investirez plus durant les semaines à venir. Insiste t-elle.
Euh oui. J’ai beaucoup de chose en tête en ce moment. “Notamment le fait que vous soyez une...” STOP ! J’interromps la voix dans ma tête.
Bon et bien dans ce cas, j’espère que vous ferez le tri rapidement. Il ne faudrait pas que tout ça ait des répercussions sur votre travail.
Oui évidemment, lui dis-je.
Bonne journée, Ethan c’est ça?
Bonne journée à vous également.
Au moment de partir, je décide de jouer carte sur table et me retourne vers elle, au moins si je me trompe, je serai fixé.
En fait, vous avez raison. J’ai été perturbé surtout parce que je connais votre secret et ça m’a intrigué pendant tout le cours.
Mon secret? Répond t-elle complètement déroutée.
Je sais que vous êtes une prostituée.
Pardon? Mais d’où tenez-vous ces propos ? Elle devient rouge de rage, de honte, de stupéfaction.
Je vous ai vu accompagnée d’un homme beaucoup plus âgé que vous l’autre soir, et disons que vous étiez vêtue d’une robe très… comment dirais-je… ? …très alléchante.
Non mais je rêve là, c’est ça ? Dit-elle d’une voix sévère et vexée. Je plains votre mère d’avoir éduqué un enfant aussi petit d’esprit et impoli, et je dirais même enfantin avec un soupçon de perversité si ce n’est pas plus. Ça n’en restera pas là jeune homme. Hors de ma vue !
Je crois que je regrette mes propos maintenant. Je me sens tellement mal, pas pour elle mais pour moi, comment ai-je fait pour être aussi con? Penser que la prof était une pute. Quel débile mental. Quoi qu’elle n’a pas vraiment démentit mes propos non plus. Non stop ! Il faut que j’arrête, ça va beaucoup trop loin.
Désolé madame, je suis vraiment désolé. Je bégayais tellement j’étais mal à l’aise. Je ne trouvais plus mes mots. Vraiment désolé.
Elle me jette un coup d’œil froid alors que je me dirige vers la sortie limite en titubant de nervosité et de malaise.
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LA CONFESSION DE FOI CALVINISTE DE 1937
La Confession de foi calviniste de 1537 est une confession de foi comprenant vingt-et-un articles écrits conjointement par Guillaume Farel et Jean Calvin en 1537, afin de finir d'organiser l'Église réformée genevoise. Accordant beaucoup d'autorité au corps pastoral, cette confession de foi a suscité une vive résistance, au contraire des « articles » de 1536, un peu moins ambitieux, qui avaient été facilement approuvés par le Conseil.
En juillet 1536, le jeune Jean Calvin (il a 27 ans), de passage à Genève, est convaincu par Guillaume Farel (de 20 ans son aîné) de rester à Genève pour l'aider à y établir la Réforme au plan spirituel et institutionnel, sachant que la ville est passée du côté protestant de manière nominale pour des raisons purement politiques, à savoir d'obtenir son indépendance de la Savoie en s'appuyant sur une alliance avec Berne. En novembre 1536, Calvin participe au tout premier « colloque » des pasteurs de la ville et des environs. En décembre, Farel présente au Conseil les « Articles pour l'unité de la ville et afin d'unir les citoyens dans la foi en Christ » qui lui avaient été commandés par le Conseil en mai et dont le texte ne nous est pas parvenu. Une nouvelle version des Articles est lue au Petit Conseil de la ville en janvier 1537. Bien qu'il soit spécifié qu'ils sont "donnés par maître Guillaume Farel et autres prédicants", on y reconnaît sans ambiguïté le style et les idées de Calvin.
Les principaux points de ces articles sont les suivants:
célébration mensuelle de la cène (ou « communion ») : tout en la souhaitant à chaque culte, cette fréquence mensuelle est proposée en raison de « l'infirmité du peuple ». La volonté de ne pas souiller le sacrement par la participation de gens de mauvaise vie conduit à proposer en même temps un pouvoir de police ecclésiastique avec une gradation de sanctions : admonestation et suspension de la sainte-cène (ce qui ne dispense pas d'aller aux offices pour y être instruit) dans un premier temps, puis excommunication, puis remise aux autorités civiles pour des sanctions pénales, souvent le bannissement.
institution du chant des psaumes, à condition que tout se fasse « sans aucun désordre » ;
institution d'une commission matrimoniale composée de juges et de pasteurs ;
introduction d'un catéchisme pour instruire les enfants des choses de la foi.
Le Conseil des Deux-Cents accepte ces articles sans difficulté. Calvin et Farel, encouragés par ce succès, commencent aussitôt à rédiger une "confession de foi".
La première version connue de la confession de foi de Genève est l'"Instruction et confession de foi dont on use dans l’Église de Genève", dont le texte est communiqué en février 1537 lors d'un colloque tenu à Lausanne. Ce sont vingt-et-un articles qui exposent les principes de la Réforme, sans questions ni réponses, inspiré du Grand catéchisme de Luther mais dont le contenu est incontestablement calvinien. En avril 1537, ils sont édités sous le titre « confession de foi laquelle tous les bourgeois et habitants de Genève et sujets du pays doivent jurer de garder et tenir ». Ils reflètent une idée fondamentale de Calvin : l'Église doit être une communauté de fidèles qui s'y engagent de leur propre gré. C'est pourquoi Farel et lui veulent faire signer ces articles aux citoyens et bourgeois genevois. Afin de vérifier « qui souhaite se rallier à l’Évangile et qui préfère appartenir au règne du pape plutôt que d’appartenir au règne du Christ ».
Les articles de la confession de foi sont présentés ci-dessous et brièvement résumés.
Article I : La parole de Dieu.
Il faut suivre la seule Écriture et non pas la parole des Hommes.
Article II : Un seul Dieu
Suivant les Écritures, il n'y a qu'un seul Dieu. Adorer une autre créature quelconque est une abomination.
Article III : Loi de Dieu, seule pour toutes.
Il faut appliquer la loi de Dieu, et régler sa vie en fonction d'Elle.
Article IV : L'Homme en sa nature.
L'Homme est mauvais, et sa seule chance de rédemption est en la Parole de Dieu.
Article V : L'Homme en soi damné.
L'Homme ne peut attendre que la colère de Dieu car il est fondamentalement mauvais (ainsi qu'il a été dit dans l'Article IV)
Article VI : Salut en Jésus.
Nous croyons en Jésus, qui a souffert pour notre rédemption.
Article VII : Justice en Jésus.
Étant par nature ennemis de Dieu, sujets à sa colère, nous sommes réconciliés avec lui et remis en sa grâce par l'intercession de Jésus-Christ.
Article VIII : Régénération en Jésus.
Par l'Esprit de Jésus, nous sommes capable d'accomplir des choses bonnes.
Article IX : Rémission des péchés toujours nécessaires aux fidèles.
Bien que régénérés par Jésus, nous restons plein de défauts. Jusqu'à notre mort nous nous devons de chercher la rédemption en Dieu.
Article X : Tout notre bien en la grâce de Dieu.
Nous recevons tous les bienfaits de Dieu par sa seule clémence et miséricorde, sans aucune considération de notre dignité ou mérite de nos œuvres, auxquelles n'est due aucune rétribution que de confusion éternelle.
Article XI : Foi.
Nous croyons aux promesses de l'Évangile et à Jésus-Christ.
Article XII : Invocation de Dieu seul et intercession du christ.
Nous rejetons l'intersession des Saints entre les Hommes et Dieu, car cela signifie que nous n'avons pas assez confiance en l'intercession de Jésus-Christ.
Article XIII : Oraison intelligible.
Il faut apprendre la prière "Notre Père, qui êtes aux cieux..."
Article XIV : Sacrements.
Il n'y a que deux sacrements : le baptême et la communion (la cène).
Article XV : Baptême.
Le baptême est le signe que Dieu accepte de recevoir le baptisé parmi ses brebis, ses enfants.
Article XVI: La Sainte Cène.
La Sainte Cène est une communion avec Dieu qui nous rappelle le sacrifice de Jésus son Fils.
Article XVII : Tradition humaine.
Les articles sont faits pour entretenir paix et honnêteté.
Article XVIII : Église.
Les églises sont des endroits gouvernés par la juste parole de Dieu,
Article XIX : Excommunication.
Ceux qui commettent des sacrilèges et souillent la parole de Dieu doivent être excommuniés jusqu'à repentance.
Article XX : Ministre de la Parole.
Les pasteurs n'ont d'autres rôles que d'administrer la parole de Dieu.
Article XXI : Magistrats.
Nous nous devons d'obéir aux magistrats, car ils sont lieutenants de Dieu.
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Slow Burn, BatB fic, StanFou, chap 18
Ce soir-là, la taverne bruissait de monde et d’un joyeux brouhaha. C’était une première importante pour Stanley et LeFou, qui étaient arrivés ensemble et qui célébraient cette première sortie en couple. Naturellement, ils ne se tenaient pas par la main, ne s’étaient pas embrassés ou n’avaient eu de geste explicite ou même ambigu en public, mais c’était important tout de même pour eux. Leurs plus proches amis s’étaient rassemblés autour d’eux et ils bavardaient avec animation. Les triplées bourdonnaient autour de Dick avec un enthousiasme empressé, car leur aîné avait annoncé, fier comme un pou, que Magdeleine attendait un nouvel enfant. Tom discutait avec LeFou d’un projet qu’il avait d’ouvrage de ferronnerie. Stanley échangeait avec Samuel et Renée les dernières nouvelles du voisinage. Olivier le tavernier arrosait les choppes de tout ce monde et tenait aussi sa partie des bavardages.
Ils ne remarquèrent pas tout de suite la vieille Clothilde qui était entrée avec quelques personnes derrière elle. Elle alla droit à LeFou dès qu’elle l’aperçut, et agita devant son nez un long doigt maigre, son bonnet tuyauté tressautant dangereusement sur sa tête décharnée.
- Je t’y prends, dépravé !
LeFou fronça les sourcils, perplexe.
- Hein ?… De quoi parlez-vous, Clothilde ?
La vieille femme le toisa, les poings sur les hanches. Elle désigna Stanley du menton.
- Tu as perverti cet enfant !
- Comment ?
- Mais de quoi elle se mêle ! S’écria Stanley, ulcéré. Cessez ce scandale, Clothilde ! Et mêlez-vous de vos affaires !
- C’est l’affaire de tout le monde que les horreurs que vous commettez !
- Des horreurs ? Répéta Tom, stupéfait.
- Mais de quoi parlez-vous ?
- Des abominations que ces deux pécheurs commettent, en violant les règles divines ! Je refuse de les citer, mais vous pouvez les imaginer sans peine !
Le brouhaha de la taverne s’était tu. Toute l’attention s’était concentrée sur l’assemblée divisée entre LeFou, Stanley et leurs amis d’une part, Clothilde et sa clique d’autre part.
- Servir Gaston avec ce zèle servile qui ne laissait pas de place à l’imagination était déjà une peine à soutenir du regard, dit-elle en fixant LeFou qui luttait pour ne pas rougir, mais étaler ainsi votre perversion est une honte ! Vous devriez avoir honte ! S’écria Clothilde.
Déjà, des chuchotements et des murmures couraient dans l’assemblée. Une partie de la foule semblait indécise quant au parti à soutenir.
Stanley était furieux. Il sentait que LeFou, son cher et doux Étienne, habitué à supporter les reproches, allait peut-être battre en retraite, mais s’il flanchait, c’était lui qui prendrait le relais. Après tout, dans un couple, quand l’un des deux était en difficulté, l’autre faisait de son mieux pour l’aider.
- Voulez-vous vous taire, vieille harpie, grommela-t-il d’un ton menaçant mais calme. Vous ne savez que créer des malaises et de la chicane autour de vous ! Arrêtez de vous mêler des autres et retournez à votre baraque !
Clothilde, galvanisée par la petite assemblée qu’elle avait réussi à rassembler autour d’elle, s’approcha du jeune tailleur.
- Tu n’es encore qu’un enfant, lui dit-elle d’un ton pointu. On en reparlera quand tu seras devenu adulte !
Il est vrai qu’à cette époque où la majorité était encore fixée à vingt-cinq ans, Stanley avait encore deux ans à attendre avant de disposer totalement de sa personne.
Impossible de tirer l’épée devant une femme. Ce n’était pas une de ces rixes qu’on pouvait évacuer à coups de poing, bien sûr ! Dick et Tom fulminaient. Voilà qui n’était pas dans leurs habitudes, de devoir désamorcer une dispute de taverne par les mots. Et la menace était de taille.
Si la vieille Clothilde parvenait à retourner l’opinion publique à son avantage, les conséquences seraient dramatiques pour LeFou et Stanley. Au mieux ? La Maison des Lunes en aller simple et des semaines de souffrances à l’asile avant de périr de dénutrition, de maladie et de mauvais traitements. Au pire ? Le viguier, les juges, un procès… Et le bûcher.
Des sillons de sueur se mirent à couler sur les tempes de Stanley, faisant tomber quelques mèches de cheveux sur son front. Toutes ses craintes étaient pour Étienne. Il avait déjà subi la mort de ses proches, la guerre, l’humiliation auprès de Gaston… Le destin ne pouvait-il pas le laisser enfin en paix, maintenant qu’ils s’étaient enfin trouvés !!
Étienne, de son côté, tentait de reprendre son calme. Que cette vieille harpie le prenne, mais qu’elle laisse Stanley tranquille. Son esprit dévoré de panique à l’idée qu’il puisse arriver la moindre chose à son bien-aimé le plongeait dans un désarroi profond, où il semblait ne pouvoir qu’assister aux événements, passif. Ils avaient été trop imprudents. Il lui semblait voir éclore, ça et là dans la foule, comme autant de fleurs vénéneuses, des regards accusateurs dans leur direction.
Clothilde arpenta la taverne, cherchant d’autres alliés.
Elle aborda la fille aînée du barbier, qui conservait un ressentiment tenace envers LeFou pour avoir dédaigné ses avances -et Clothilde le savait.
- Alors, mademoiselle Clorinde ? Que pensez-vous de cette affaire ?
- Si LeFou est coupable, qu’on l’accuse ! Jeta la jeune femme, que son célibat forcé avait rendu fort aigre. Elle s’était bien fiancée avant la guerre, mais le malheureux n’avait pas survécu aux batailles et son caractère odieux l’avait prémunie d’attirer d’autres partis.
- Maître Louis ?
Le gros homme but dans sa choppe et essuya délicatement sa formidable moustache avant de répondre.
- Pas de preuves, pas d’accusations. Et que je sache, vous n’êtes pas juriste ! De quel droit vous arrogez-vous celui d’accuser vos semblables ?
- Il va du bien public de dénoncer les désordres !
- Mais de quels désordres vous voulez parler ? S’écrièrent Benjamin et Jacquot.
- Silence ! Les enfants n’ont pas le droit à la parole ! Cria Clothilde. À vous, monsieur Fabien.
- Gardez vos sornettes pour vous, répliqua l’ancien meunier. Cette histoire ne m’intéresse pas.
Plusieurs voix approuvèrent monsieur Fabien. La bienheureuse influence du père Robert sur ses ouailles avait engagé les habitants de Villeneuve à plutôt juger les gens sur les actes qu’ils accomplissaient pour aider leur prochain que sur leur façon d’être, bien que, Clothilde en était la preuve, tout le monde n’ait pas forcément profité de ces leçons. Quelques âmes avaient été un peu bousculées par la nouvelle des inclinations de certains habitants, puis finalement, tant qu’ils agissaient bien par ailleurs, quelle importance ? Plusieurs groupes, çà et là, reprenaient leur discussion et se désintéressaient de la meneuse du scandale.
Clothilde enragea en silence. Elle décida d’abattre une de ses cartes maîtresses, car elle avait un notable attaché à son parti.
- Maître Gustave ! Lança-t-elle à son frère. Vous avez eu LeFou et Stanley comme élèves, vous pouvez nous dire s’ils ont des propensions au péché…
Le maître d’école se redressa en toussotant, prenant un air important.
- Il est vrai… Il est vrai que je les ai eus tous deux comme élèves.
Stanley et LeFou se regardèrent. L’école à Villeneuve n’avait été un bon souvenir ni pour l’un ni pour l’autre. Stanley n’avait passé qu’un an entre les griffes de Maître Gustave avant que sa famille ne l’envoie prendre des leçons, cinq ans durant, chez un autre maître qui s’était avéré bien meilleur et autrement plus aimable. Quant à LeFou, ses parents n’avaient pu envoyer leur rejeton que deux ou trois mois en classe, puis le décès de Mr Le Folliet père avait définitivement arraché le petit garçon aux bancs d’école, sans regret excessif.
- J’ai pu déceler chez ces deux enfants des dérèglements de l’esprit propices à ces mœurs dissolues, car LeFou se plaisait à cueillir des fleurs pendant la récréation au lieu de se battre comme ses camarades !
Quelques éclats de rire moqueurs accueillirent cette preuve irréfutable.
- Silence ! C’était un élève en deçà du médiocre, qui n’a jamais su apprendre ses lettres en dépit de mes soins diligents ! Cela prouve bien la dégénérescence de son esprit…
- Menteur !
- LeFou sait lire et écrire !
- Il m’a même écrit pour sa prochaine commande de foin !
- Et on sait que Stanley lui a appris !
- Parlons-en de Stanley ! Rebondit Maître Gustave, qui tentait en hâte de reprendre la main sur la discussion. Seul un œil exercé comme le mien a su détecter chez lui une mollesse particulière…
- Il était le premier à se battre à l’épée avec nous à la récréation ! Rétorqua un ancien camarade de classe.
- … Un affaiblissement des facultés d’apprentissage…
- Il a appris à lire le premier de notre classe !
- … Et une sournoiserie inhérente à son esprit corrompu qui…
- Silence, Maître Gustave !
- Allez répandre vos horribles mensonges ailleurs !
- Stanley n’est absolument pas comme vous le décrivez !
- Vous êtes juste le pantin de votre sœur !
- Sortez !
Maître Gustave reçut une pluie de boulettes de mie de pain et d’aspersions de bière qui le forcèrent à battre en retraite. Clothilde enrageait.
- Il n’y a donc personne ici qui croie en la morale divine ? S’écria-t-elle, les bras au ciel.
Le silence se fit. Gaston venait d’entrer, et Samuel étant celui qui se trouvait le plus près de la porte, il s’était chargé de lui expliquer l’affaire en deux mots.
- Qu’est-ce qui se passe, ici ? Tonna-t-il de sa voix la plus impérieuse.
- Vous abritez un serpent en votre sein, déclara Clothilde. LeFou est un criminel !
- Tiens donc. A-t-il donc tué ?
- Non !
- Volé ?
- Non…
- Blessé quelqu’un ?
- Il a corrompu un enfant !
- De quel enfant parlez-vous ?
- Stanley Laurent ! Glapit la vieille en montrant le jeune homme du doigt.
Gaston regarda Stanley, qui lui rendit son regard avec un air où se mêlaient crainte et courage. Il était évident qu’il ne se rendrait pas sans se battre. Gaston nota l’attitude protectrice qu’il avait en s’étant posté inconsciemment devant LeFou. Celui-ci semblait en proie à la panique la plus sombre, et ne pouvait que garder un air à peu près impassible, mais bien révélateur auprès de ceux qui le connaissaient bien. Une des triplées lui avait entouré les épaules d’un bras et lui parlait doucement, dans l’espoir de le réconforter un peu. Le malheureux était d’une pâleur mortelle.
Me dénoncer ? Fais-le si ça t'amuse, tu seras le premier puni !
LeFou ne se rendait pas compte à quel point il avait raison. Lors de leur dernière discussion, Gaston avait cru le perdre, et plusieurs jours après cette crise, son esprit tressautait encore de terreur à l’idée que cette discussion aurait pu être la dernière entre lui et LeFou.
- Il n’a rien d’un gamin, fit Gaston en désignant Stanley d’un signe de tête. Quant à ces histoires de corruption… Vous voulez dire que mon lieutenant aurait donné une somme d’argent à Stanley pour qu’il vote pour lui ?
- Mais non voyons !!
Gaston faisait évidemment l’âne pour avoir du son. Bien qu’il lui en coûte d’accorder une faveur à Stanley, il ne pouvait faire accuser l’un sans faire tomber l’autre.
- Je ne vois pas de quoi vous parlez. Et LeFou est une des personnes les plus honnêtes que je connaisse. Allez répandre votre venin ailleurs, dit-il d’un ton définitif avant d’aller s’asseoir à son fauteuil attitré.
La vieille femme sentait ses alliés vaciller. Personne ne semblait appuyer ses dires dans l’assemblée, fors un ou deux fâcheux.
- Mon père ! S’écria Clothilde en voyant que le père Robert venait de se lever. Vous savez mieux que quiconque la gravité de ce qui se trame ici !
- Et votre charité sans bornes à accuser bien promptement des gens qui ne vous ont jamais fait de mal, rétorqua l’homme d’église. Allons ! Si vous les estimez si coupables que cela, que ceux d’entre vous qui n’ont jamais péché leur jettent la première pierre ! Mais au moindre mouvement contre eux, j’en écrirai directement à l’archevêché ! Et vous savez à quel point Monseigneur Habert de Crécy déteste les calomniateurs. Il n’a pas hésité à faire excommunier plusieurs personnes pour ce motif l’an passé, prévint le père Robert d’un ton menaçant.
Clothilde sentit le vent tourner. La peur de l’excommunication avait jeté la crainte dans ses rangs, qui s’éclaircirent promptement.
En désespoir de cause, Clothilde se précipita vers la veuve Grandier qui venait de faire son entrée. La veuve d’un riche propriétaire était une voix non négligeable à obtenir.
- Madame Grandier !
- Oui ?
- Vous êtes quelqu’un d’important… Vous pouvez appuyer mes dires !
- De quoi parlez-vous ?
- Il faut faire accuser LeFou !
Amélie regarda LeFou, interloquée.
- Hein ? Mais de quoi l’accusez-vous ?
- Du crime le plus abominable qui soit, fit Clothilde avec emphase. Le crime contre-nature qui est perpétré entre hommes !
Amélie eut un long coup d’œil pour l’assemblée. Visiblement, son avis trancherait la question. Elle n’avait personnellement rien contre le serviteur de Gaston, et honnêtement, se demandait de quoi se mêlait la sœur du maître d’école. LeFou semblait changé en statue. Stanley la regardait d’un air implorant. Gaston la fixait d’un air étrange, où se mêlait une tension extrême et des dizaines de recommandations silencieuses. La jeune veuve prit son attitude la plus digne et regarda Clothilde avec une expression où se mêlaient savamment compassion et ironie.
- Ma pauvre Clothilde, vous déraillez complètement. LeFou, capable de faire une chose pareille ? C’est un membre tout à fait honorable de notre village. Vos accusations ne tiennent pas debout.
- Mais il a corrompu Stanley Laurent ! Piailla Clothilde.
- Corrompu ? Comme vous y allez ! Il me semble que Stanley Laurent est en excellente santé, rétorqua Amélie en regardant le jeune homme.
- Non, mais je voulais dire… Par l’esprit.
Amélie se mit à rire.
- Essayez de trouver une proie un peu plus crédible pour vos prochains délires, fit-elle en passant devant la vieille femme. Pas un des jeunes hommes les plus respectables du village ! À moins qu’être travailleur, honnête, pieux et dévoué à sa famille ne soit pas encore assez pour vous… En ce cas, vous feriez mieux de balayer devant votre porte ! Maître Olivier ? Une eau de Ville d’Avray, s’il vous plaît ! Commanda-t-elle sans plus prêter attention à son interlocutrice.
Le désintéressement de la veuve Grandier envers Clothilde désarma les derniers alliés de cette dernière, qui finirent par partir. Clothilde, comprenant qu’elle n’aurait jamais de quoi faire accuser ses ennemis en bonne et due forme et honteuse de se retrouver seule au milieu de gens qui lui étaient défavorables, s’éclipsa à son tour. La tension baissa significativement une fois qu’elle eut disparu.
Stanley ne put s’empêcher d’aller faire un baisemain galant à la jeune dame.
- Vous avez arrêté un vrai début de guerre, madame, dit-il avec reconnaissance. Je vous remercie mille fois pour vos belles paroles.
Amélie lui sourit.
- Je n’ai pas fait grand-chose pourtant…
- En discréditant une fois de plus Clothilde, vous nous avez permis de conserver la paix.
- Que vous méritez tout autant que n’importe qui, assura Amélie avec un gracieux sourire, portant un grand verre d’eau pure à ses lèvres.
L’assemblée reprit son brouhaha habituel, la crise étant écartée. Gaston eut un regard de reconnaissance pour la jeune veuve, qui avait contribué à sauver son lieutenant. Il leva sa choppe dans sa direction, à quoi elle répondit par un sourire. La même idée était passée dans leurs esprits. Ce soir, ils se retrouveraient pour la nuit.
LeFou, encore déstabilisé par l’événement, fut aussitôt entouré des attentions de ses amis pour le rasséréner. Olivier glissa quelques gouttes de cognac dans sa bière pour le remettre d’aplomb, et Stanley le réconforta bien évidemment. Pendant qu’ils allèrent marcher un peu dehors, Samuel et Renée entamèrent une danse endiablée qui entraîna toute l’assistance, avec un zèle que n’aurait pas renié LeFou en personne. Quelques minutes plus tard, remis de ses émotions, LeFou se mêla au joyeux tapage et la soirée se termina heureusement bien mieux qu’elle n’avait commencé.
Clothilde, découragée par cet échec cuisant et public, désavouée par le prêtre lui-même dont la menace avait fait grand effet, n’osa plus s’attaquer à LeFou ni à Stanley. Elle limita ses efforts à maudire les gamins qui manquaient de la faire tomber en courant sur la place, se plaindre du prix du kilo de carottes et pérorer sur la vertu de la voisine, abandonnant ses rêves de présenter comme la garante des bonnes mœurs de Villeneuve.
La relation entre le lieutenant de Gaston et le fils cadet du drapier et de la modiste était un secret de Polichinelle, mais du moins, personne n’y trouverait à redire.
OoO
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Janvier dans le désordre. À la librairie Gallimard, boulevard Raspail, pendant que Clément Bénech parle de son essai, un chien aboie : c’est Truite, assise sur les genoux d’Ina Mihalache. Je n’ose pas aller lui dire bonjour. Je sors fumer une cigarette avant de reprendre le métro, puis, apercevant Sigolène Vinson à travers la vitrine, entre de nouveau. Je suis légèrement embarrassé, car notre dernière rencontre avait été étrange : un mélange de choses fortes émane de cette femme, de son récit, de son roman Le caillou, si bien que je n’avais pu lui parler que la gorge serrée et les yeux tout humides. J’avais compris qu’il s’agissait là d’une confusion entre un émoi littéraire et un résidu post-traumatique de la fin de l’année 2015, deux émotions contradictoires reliées à une même personne. Cette fois, le temps a bien passé : nous parlons de titres de livres et portons tous les deux un bonnet.
Une sévère otite s’empare de mon oreille droite. Le seul ORL disponible à l’heure du déjeuner mesure un mètre cinquante de haut sur un mètre cinquante de large. Il a 93 ans. La consultation est légendaire : dans une pièce sombre, il me tend un casque poussiéreux et me fait écouter une série de sons à peine perceptibles sortant d’une machine archaïque. Puis, trois quarts d’heure durant, il fourrage douloureusement mon oreille, sans résultat, et je ressors plus mal en point qu’à mon arrivée. Sur Internet, je regarde les avis sur cet effrayant nonagénaire : Partez loin de ce médecin ! – Fuyez, c’est une pure logique – Notre santé en danger – Agressif, insultant, me forçant à boire un produit sans me dire ce que c’était et ensuite m’a insulté. Le reste de la semaine, je me gave d’antibiotiques, d’antifongiques et, pour préserver ma flore intestinale, avale chaque jour des gélules contenant chacune douze milliards de bactéries, douze milliards, ce qui me fascine pour quelque temps. L’alcool étant tout à fait proscrit avec ce traitement, je n’en bois pas une goutte, et fête mon anniversaire dans un bar, à la grenadine et au Perrier citron. Je suis agréablement surpris de conserver tout mon humour et de sentir une odeur d’alcool sur les joues roses de mes ivres amis.
Je regarde ma nièce. Elle a de grands yeux bleus et des sourcils de curieuse. J’aime l’air poli et intrigué qu’elle aborde face aux choses et aux gens. Elle ne dit rien, encore, et bouge dans son fauteuil comme elle se débattrait dans l’eau. J’ai lu que les nouveau-nés remuaient beaucoup dans leur sommeil paradoxal pour mémoriser les mouvements. Les muscles se souviennent de leur aptitude à fonctionner. Ils s’auto-expérimentent. Dans la pénombre de sa chambre, je la garde longtemps dans mes bras jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Vingt minutes plus tard, persuadé de mes qualités apaisantes, je risque un regard vers son visage et la découvre les yeux grands ouverts, à scruter la pièce noire. Son corps est lourd et calme. En bas, des bruits de couverts et de fin de repas. Je me demande ce qu’il adviendra de toutes ses pensées pré-langagières.
Dans le métro, ligne 2, je pioche une phrase au hasard dans le gros livre de ma voisine, et lis : « Il soutint son regard sans baisser les yeux ». Un bruit strident se fait entendre entre Jaurès et Stalingrad, au passage d’une zone de travaux qui dure depuis des mois. Je ne m’y habitue pas. Comment peut-on écrire et publier une phrase pareille ? Il soutint son regard sans baisser les yeux. Je me tenais debout sans m’assoir. Je passe le reste du trajet à ruminer sur ces auteurs et éditeurs qui écrabouillent l’énergie des verbes une seconde après qu’ils aient été posés sur la feuille. Au fond, je me délecte avec plaisir de ces colères faciles et un brin prétentieuses.
Grammaire : Elise, lisant la première mon manuscrit enfin achevé, tique sur mon emploi récurrent de la forme « commencer de » plutôt que « commencer à », comme dans l’exemple « L’eau commence de tomber sur les assiettes et les verres ». Si les deux formes sont aujourd’hui acceptées, il demeure une subtilité : « commencer à » indiquerait le début d’une action vague, sans limites de temps, quand « commencer de » serait le point de départ d’une action allant d’un point A à un point B. Au fond, dis-je à Elise, le plus gros souci est d’ordre euphonique, c’est-à-dire que le choix se porte sur la qualité sonore du texte. Et c’est sur ce point justement que nous tombons en désaccord. Elise de conclure : « c’est toi le chef ». Je suis pris de doutes. Dois-je, parce que je suis écrivain, imposer au lecteur des décisions totalitaires ? Je m’en remets à mon oreille, toujours bouchée par l’otite, hélas, et qui ne me transmet plus les informations du monde extérieur qu’à un tiers.
Au travail, je suis emmitouflé dans la grosse écharpe qu’Elise m’a offerte. Je me promène avec l’application Yuka, scanne les produits que mangent mes collègues et leur annonce s’ils vont vivre ou mourir. Mon capital sympathie vire du mieux au plus bas.
Des phrases : L’émotion, c’est la même chose que l’intelligence, en moins prétentieux. (Jacques A. Bertrand, Le Pas du loup)
Il aimait dire : « Ne pense jamais que le nom est la chose, car il n’y a que la chose qui existe, les noms ne sont que des pièges, des pièges pour t’aider à t’en souvenir. » (Gabriel Tallent, My Absolute Darling)
Et puis ce livre incroyable, Les saisons de Maurice Pons, dont étonnamment je n’ai su dégager aucun extrait mémorable, tant c’est l’ensemble qui l’est.
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Tous les indicateurs – nombre de divorces, baisse de la conjugalité, traitement des violences conjugales – démontrent que le couple est une institution en crise, une entité amenée à disparaître », écrit Marcela Iacub, chercheuse au CNRS dans son essai La Fin du couple(1) . Quant à l'écrivaine Virginie Despentes(2), c'est avec un humour jubilatoire qu'elle pulvérise notre idéalisation de la vie commune : "Si on veut se mettre en couple, l'important c'est d'être réaliste. Une fille mettable, qui fait à bouffer, qui n'a aucune habitude dégoûtante et te supporte tel que tu es, sans chercher à te mettre au pas et te faire aimer les légumes verts, on ne peut pas en demander beaucoup plus à l'amour."
Radicales, nos figures féministes ? Lucides, plutôt, si on s'en tient aux statistiques de l'Institut national d'études démographiques (Ined) : en France, en cinquante ans, la norme conjugale a laissé place à un certain désordre amoureux : 44 738 divorces pour 350 000 mariages en 1968 contre 128 000 divorces pour 229 000 mariages en 2018. Mais depuis la révolution de mai, être en couple, ce n'est plus forcément avec la bénédiction de l'Eglise. Depuis vingt ans, le mariage traditionnel a été complété par d'autres formes d'unions, comme le Pacs – 186 000 en 2017 – qui incluent les couples homosexuels, et le mariage pour tous(3) . Aujourd'hui, chaque année, il y a plus d'unions enregistrées devant les autorités qu'en 1968.
La transformation du couple
Le couple n'est pas mort, il s'est transformé. "On assiste à une augmentation du nombre de relations amoureuses dans les trajectoires individuelles. La première mise en couple prend ainsi de plus en plus la forme d'une expérimentation d'un mode de vie et s'inscrit de moins en moins dans une perspective éventuelle de mariage et de constitution d'une famille », analysent les chercheurs de l'Ined(4) . "Je sortais depuis un mois avec un collègue tout juste divorcé, raconte Emmanuelle, 25 ans, professeure d'anglais à Paris, j'étais très amoureuse mais quand il m'a lancé, “on est en couple maintenant”, j'ai été un peu déstabilisée. Etions-nous déjà un couple ?"
Dire qu'on est en couple, c'est appartenir l'un à l'autre, et être capable d'imposer à l'autre la fidélité. Et l'union est définie par le fait de vivre ensemble sous le même toit
La réponse est plus simple quand on est comme Laurent Toulemon, directeur de recherches à l'Ined : "Dire qu'on est en couple, c'est appartenir l'un à l'autre, et être capable d'imposer à l'autre la fidélité. Et l'union est définie par le fait de vivre ensemble sous le même toit." Et comme pour Emmanuelle, un quart des premières unions se font désormais avec un conjoint qui a déjà vécu en couple. Avec la libération sexuelle, les femmes ne s'interdisent plus de vivre plusieurs histoires d'amour : "A peine 7 % des femmes nées en 1950, mais 50 % de celles nées en 1985 ont connu plus d'une union avant l'âge de 25 ans", poursuit le chercheur.
"Pour être un individu, il vaut mieux être deux"
"Pourquoi le couple existe encore" serait donc la vraie question. "C'est une énigme, répond le philosophe Pierre-Henri Tavoillot(5) . Dans une société individualiste, la réponse qu'on pourrait avancer est que pour être un individu, il vaut mieux être deux. On avance ensemble et, contrairement au mythe du self-made-man, on ne se fait pas tout seul. Mais le grand défi du couple, c'est comment grandir et vieillir ensemble. Grandir, ce n'est pas la même problématique que vieillir, il faut rester sur le même timing."
C'est la bonne nouvelle et la mauvaise. Quand ça se passe bien, c'est formidable, mais ça peut se dégrader très vite. Etre en couple demande un investissement et une qualité d'échanges infiniment plus importants que par le passé.
Parmi nos couples témoins*, Anne Nivat et Jean-Jacques Bourdin parlent d'une "évolution partagée", Nicole et Jean-Jacques Picart disent "nos personnalités ont évolué parallèlement", un équilibre fondé sur la complicité, le partage et l'égalité. "Sauf que nous sommes des individus formidablement libres, et totalement démunis, poursuit le philosophe. C'est la bonne nouvelle et la mauvaise. Quand ça se passe bien, c'est formidable, mais ça peut se dégrader très vite. Etre en couple demande un investissement et une qualité d'échanges infiniment plus importants que par le passé. Les codes ne nous tombent pas du ciel, il faut les inventer au quotidien." Le piège est de rester sur des modèles traditionnels alors que l'égalité des sexes est (normalement) acquise. "C'est à la fois très important et déstabilisant. Il y a 50 ans, la femme était encore parfois mineure, avec moins de droits. Le couple est désormais formé de majeurs dont le grand défi est de partager les tâches. On est presque dans une petite société démocratique avec deux personnes qui ont égalité de voix et il ne tient qu'à eux d'organiser leur existence."
"Plus égalitaires en termes de partage des tâches"
Cette liberté et nos échecs qui parfois en découlent nous fragilisent. "Le préjugé à la mode au XVIIIe est qu'on ne doit pas aimer son mari, on rentrait dans la ronde des adultères, il n'y a pas alors de responsabilité morale de l'individu, explique Claude Habib, professeure de littérature du XVIIIe 6) . Dans la société moderne où il n'y a plus de pression familiale, où chacun est responsable de son choix érotique, l'échec est plus douloureux. Certes, on ne croit plus au couple avec la foi du charbonnier qu'avaient nos grands-mères, mais je pense qu'il résiste grâce à la certitude et la mémoire de ce qu'on vit. Le récit d'une existence a une autre saveur quand il a été partagé, "tu te rappelles ce jour-là, tu portais ta petite robe noire et tu as dit… ”. La mémoire individuelle est volatile, la vie commune efface, elle, l'indécision de ce qu'on a vécu, l'autre en est le témoin et le dépositaire, c'est équilibrant. Les existences solitaires sont plus menacées par la dépression."
Si vivre seule est apparemment une gageure, une petite révolution détectée par les démographes de l'Ined est passée inaperçue. Pendant longtemps, les femmes les plus diplômées aux revenus élevés étaient plus vouées au célibat. "Elles faisaient peur aux hommes, ou se mettaient trop tard à la recherche d'un compagnon, explique Laurent Toulemon. Cela a changé, il y a eu récemment un retournement de situation. En France et dans d'autres pays occidentaux, aujourd'hui, à 40 ans, les femmes cadres diplômées sont autant en couple, voire plus, que les femmes peu diplômées et sans profession. Contrairement aux autres, elles ont moins de réticences vis-à-vis de l'hypogamie, cela ne les gêne pas de vivre avec des hommes moins diplômés et moins bien payés qu'elles. On constate d'ailleurs que ces couples sont plus égalitaires en termes de partage des tâches."
Une preuve, s'il en fallait, que le couple échappe à tout mode d'emploi.
Le couple, contre toute attente est encore à la mode!
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Star de l’intelligence artificielle, ancien patron de Google en Chine, capital-risqueur installé à Pékin, Kai-Fu Lee, de passage à Paris, explique comment la Chine est en train de devenir le leader de cette technologie. Mais il se refuse à être pessimiste. En avant-première de l’essai choc qu’il publiera en France à l’automne, intitulé La plus grande mutation du monde, il revient sur son espoir d’une société de service humanisée.
Propos recueillis par Charles Jaigu
Dans mes livres et mes interventions publiques, j’essaye d’expliquer pourquoi l’intelligence artificielle va effectivement changer le monde, et j’ai choisi d’adopter à ce sujet une approche optimiste. Être optimiste ne veut pas dire être techno-béat. Car il va y avoir beaucoup de problèmes à régler. Tout comme il y en eut quand l’électricité et d’autres révolutions techniques ont entraîné beaucoup de désordres, de guerres et de chaos. Nous faisons face au même genre de défis. Je ne dis pas que tout se passera en douceur, mais qu’à la fin nous réussirons à dépasser ces problèmes. A la fin des fins, la technologie produira plus de bien que de mauvaises choses.
D’après mes calculs et ceux d’autres économistes, on peut supposer que dans vingt ans, environ 40 % des métiers disparaîtront. C’est beaucoup! Malgré la force du marché privé et les bonnes intentions des entrepreneurs sociaux, les laissés-pour-compte seront nombreux. Les inégalités criantes et la pauvreté extrême qui affligent encore une grande partie du monde aujourd’hui ne pourront pas être acceptées comme telles. Pour refondre totalement les structures économiques, il faudra souvent avoir recours à l’Etat. C’est pourquoi l’écriture d’un nouveau contrat social pour l’ère de l’intelligence artificielle va nécessiter d’actionner beaucoup de leviers. Les associations bien sûr, mais aussi les politiques publiques.
De quel droit le gouvernement dicterait-il aux individus la façon dont ils doivent s’occuper ? Cette réaction reflète une vision de la société peuplée d’utilisateurs plutôt que de citoyens
Certains voudraient régler cette situation nouvelle par la distribution d’un revenu universel de base. La nature inconditionnelle de ce revenu est en adéquation avec le laisser-faire emblématique de la Silicon Valley. De quel droit le gouvernement dicterait-il aux individus la façon dont ils doivent s’occuper? Cette réaction reflète une vision de la société peuplée d’utilisateurs plutôt que de citoyens, de clients plutôt que de membres d’une communauté.
Mon approche est bien différente. Je refuse de vivre dans une société divisée en castes technologiques, avec une élite enfermée dans un univers d’une richesse presque inconcevable et comptant sur des allocations dérisoires pour s’assurer que les masses inemployées restent sagement à leur place. Nous devons créer un système qui subvienne aux besoins de tous les membres de la société et qui utilise la richesse produite par l’intelligence artificielle pour construire une société plus compatissante.
Face à la transformation complète du marché du travail, je crois que nous pouvons faire quelque chose, et cela peut être une combinaison entre une meilleure éducation et la réinvention d’un statut social valorisé pour les métiers de service qui supposent de la compassion, et la relation bienveillante avec d’autres personnes. Il y a quelques années, lorsque j’ai appris que j’avais un cancer, cela m’a fait changer de point de vue sur la vie et j’ai découvert l’importance de la relation avec les autres, en premier lieu avec ma famille. J’ai alors été bouleversé par l’approche très différente du monde qu’avaient les moines bouddhistes vers qui je m’étais tourné.
Dans les monastères, d’innombrables volontaires accomplissent ces actions d’aides et de soutien. Ce sont ces actions qu’il faut valoriser. Car ce sont elles qui vont rester quand toutes les tâches routinières seront assurées par des algorithmes ; il faut donc redonner à ces activités liées aux relations humaines un sens fort d’utilité sociale et une très haute considération. Il nous incombe d’exploiter l’abondance économique générée par l’intelligence artificielle pour encourager ces activités. Nous aurions là les piliers d’un nouveau pacte social qui valoriserait et récompenserait les activités socialement bénéfiques de la même façon que le sont actuellement les activités économiquement productives.
Je suis convaincu que ces activités seront suffisamment variées pour que tous les travailleurs évincés par l’intelligence artificielle puissent trouver leur voie. Les individus dotés de bonnes capacités relationnelles choisiront peut-être de se tourner vers les soins. D’autres pourront s’inscrire dans des programmes de formation professionnelle. Et ceux qui sont inspirés par une cause sociale auront la possibilité d’opter pour un métier de service ou de défense des droits. Dans une économie dont les machines intelligentes seront devenues les rouages principaux du nouveau marché du travail, j’espère que nous saurons valoriser l’ensemble de ces domaines d’activité comme faisant partie d’un nouveau projet social: bâtir une société plus humaine.
La plus grande mutation du monde, de Kai-Fu Lee (Les Arènes).
Lee Kai-Fu Source: premium.lefigaro.fr
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