#Gauchisme culturel identitaire
Explore tagged Tumblr posts
vagabondageautourdesoi · 5 years ago
Text
Génération offensée : De la police de la culture à la police de la pensée
Caroline Fourest
Ce n’est pas que dans la coiffure (le port de dreadlocks) mais aussi dans l’art (seuls les musiciens noirs  pourraient jouer de la musique jazz) et la culture (les Ă©tudiants canadiens font supprimer un cours de yoga pour ne pas “s’approprier” la culture indienne) que les inquisiteurs en “appropriation culturelle” envahissent les rĂ©seaux sociaux pour imposer leur vision d’un monde sĂ©grĂ©gationniste et identitaire.
Le nouvel essai de Caroline Fourest “GĂ©nĂ©ration offensĂ©e” dĂ©nonce ce phĂ©nomĂšne qui a dĂ©marrĂ© en AmĂ©rique du Nord et que certains voudraient voir importer dans les pays francophones.
Qu’est-ce que c’est ? L’utilisation d’élĂ©ments de culture par un groupe dit dominant est sujet Ă  controverse puisque ce groupe est supposĂ© avoir une attitude oppressive et d’expropriation. Il est accusĂ© de pillage des cultures des minoritĂ©s.  Dans son analyse, Caroline Fourest dĂ©crit toutes les nuances et les implications de ce phĂ©nomĂšne. 
Les exemples sont nombreux : La marque Zara est obligĂ©e de retirer une chaussette aux dessins ethniques. PolĂ©mique autour du spectacle d’Ariane Mnouchkine qui aurait pu ĂȘtre annulĂ© car il ne prĂ©sentait pas des comĂ©diens des membres des communautĂ©s dont il parlait (2018 – Kanata). La confĂ©rence de Sylviane Agazinski est annulĂ©e Ă  la facultĂ© de Bordeaux pour jugement possiblement homophone par rapport Ă  ces positions contre la PMA ( Octobre 2019). Organisation en Seine-Saint-Denis d’ateliers en non – mixitĂ©s par Sud Éducation. Et l’affaire Mila (2020) Ă©videmment pas citĂ©e par Caroline Fourest, trop rĂ©cente. Cette affaire a dĂ©chaĂźnĂ© non seulement les rĂ©seaux sociaux mais aussi le monde politique et social.
Importer cette lutte des États-Unis est un non sens puisque les bases du racisme ne sont pas les mĂȘmes, comme le rappelle Caroline Fourest. Dans ce pays, la rĂ©fĂ©rence Ă  la religion et Ă  l’ethnicitĂ© est ouvertement annoncĂ©e et revendiquĂ©e et le mot race est affichĂ©. Ce n’est pas le cas en Europe. Aux États-Unis, l’appropriation culturelle va trĂšs loin en crĂ©ant mĂȘme des “Safe Space”, des lieux communautaires pour se remettre des offenses prĂ©sumĂ©es ressenties.
Plus les personnes, souvent jeunes, entrent dans ce schĂ©ma, plus leurs rĂ©actions sont mĂ©diatisĂ©es et plus elles se trouvent conforter dans ce processus de victimisation. Caroline Fourest dĂ©montre que cette gĂ©nĂ©ration Y n’a pas connu les esclavages, les dĂ©portations, les colonisations et le fascisme de gauche comme de droite et Ă  tendance pour se vivre libre Ă  se ressentir comme victime.
Les universalistes ont perdu. Les identitaires sont partout. On pense au roman de Philip Roth, La Tache, oĂč la fiction rejoint la rĂ©alitĂ© avec le triomphe de la pensĂ©e sectaire. Nos banlieues, souvent abandonnĂ©es, sont des exemples Ă©difiants. Une gĂ©nĂ©ration qui considĂšre que la couleur de peau ou la religion ou une idĂ©e donnent stricto-facto accĂšs Ă  plus, puisque sensĂ©e subir une diffĂ©rence nĂ©gative depuis longtemps, mĂȘme si elle entraĂźne une rupture du principe d’égalitĂ© rĂ©publicaine.
Ce qui est intĂ©ressant c’est que Caroline Fourest donne des pistes pour lutter contre ce mouvement identitaire. Il faut apprendre aux jeunes Ă  faire la diffĂ©rence entre protester et censurer. Il faut aussi leur faire comprendre comment ne pas ĂȘtre “offensĂ©s” et aussi facilement “offensables”. Il faut veiller Ă  crĂ©er des espaces oĂč tout le monde peut parler de tout, quitte Ă  offenser. Tout ceci pour ne plus laisser des tyrans individuels faire la loi !
Je n’avais jamais lu d’essai de Caroline Fourest. Facile d’accĂšs, avec des exemples prĂ©cis, “GĂ©nĂ©ration offensĂ©e” est un essai agrĂ©able Ă  dĂ©couvrir, assez court, qui permet Ă  la fois de comprendre ce qu’est l’appropriation culturelle et de veiller Ă  la combattre dans ses accĂšs identitaires.
Ne laissons pas la lutte des races, des ethnies, des minoritĂ©s affirmĂ©e son aspect identitaire en remplacement de la dimension universaliste qui fonde notre histoire ! Voulons-nous une sociĂ©tĂ© de la protestation ou une sociĂ©tĂ© de la censure ? Soyons vigilant pour qu’une poignĂ©e de personnes, jeunes en gĂ©nĂ©ral, Ă©levĂ©es dans le cocon du capitalisme libĂ©ral entraine la sociĂ©tĂ© dans cette dĂ©rive sectaire. Ce livre peut nous y aider !
  Merci #Netgalleyfrance et @EditionsGrasset et @CarolineFourest
pour #Generationoffensee
  Si bien que nous vivons dans un monde furieusement paradoxal, oĂč la libertĂ© de haĂŻr n’a jamais Ă©tĂ© si dĂ©bridĂ©e sur les rĂ©seaux sociaux, mais oĂč celle de parler et de penser n’a jamais Ă©tĂ© Ă©tĂ© si surveillĂ©e dans la vie rĂ©elle.
Au pays du procĂšs en” appropriation culturelle”, la culture gĂ©nĂ©rale est celle que l’on s’approprie le moins.
Peu importe le nombre de loups, puisque la lĂ©gitimitĂ© vient du statut de victime. Rien n’est plus glorieux que d’ĂȘtre le “pot de terre” contre “le pot de fer”.
Si on ajoute que plus aucun pigiste, souvent stagiaire, n’a pas le temps, ni mĂȘme le rĂ©flexe, de trier le signifiant de l’insignifiant, on comprend le nombre de billets consacrĂ©s au moindre Ă©moi.
Le procĂšs en “appropriation” garde son sens si l’on s’en tient Ă  cette dĂ©finition d’Oxford”: l’intention d’exploiter ou de dominer.
La porte est donc ouverte Ă  tous les excĂšs. Puisque le critĂšre n’est plus l’intention – vouloir exploiter ou dominer – le seul fait de mĂ©langer les inspirations culturelles devient suspect. La gauche identitaire vient d’inventer un nouveau procĂšs d’intention proche du procĂšs en blasphĂšme.
La sĂ©grĂ©gation musicale n’a jamais fait reculer le moindre prĂ©jugĂ©. C’est au contraire le mĂ©lange, la source mĂȘme de la crĂ©ativitĂ©, qui permet de composer un monde commun.
La chasse Ă  courre ne s’arrĂȘte pas aux coiffes. AssoiffĂ©s de puretĂ©, les inquisiteurs traquent aussi les “influenceuses” qui auraient eu l’audace de trop bronzer ou de grossir leur fessier pour avoir l’air plus “black”. Une tendance dĂ©noncĂ©e sous le nom de nigger Cushing: “pĂȘche aux noirs” .
Mais le progrĂšs n’est pas l’objectif des inquisiteurs en ” appropriation culturelle” . Leur but est d’exister. Or exister, de nos jours, c’est se dire ” offensĂ©â€.
Le plus terrifiant reste cette phobie du mĂ©lange culturel. ConsidĂ©rer comme ” extrĂȘmement violent” le fait de pouvoir “entrer” et “sortir” d’une culture. Comme s’il s’agissait d’un viol. Et non d’un mĂ©tissage.
Les inquisiteurs de l’appropriation culturelle fonctionnent comme les intĂ©gristes. Leur but est de garder le monopole de la reprĂ©sentation de la foi, en interdisant aux autres de peindre ou dessiner leur religion. C’est le propre des dominants de fonctionner ainsi.
Ce n’est pas “l’art dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©â€ des nazis, mais un art censurĂ© au nom de la gĂ©nĂ©tique. Une censure raciste. Il n’y a pas d’autres mots pour dĂ©signer le fait de vouloir interdire une Ɠuvre en raison de la couleur de la peau de son crĂ©ateur.
Si les inquisiteurs modernes ne dissuadent pas les autres de parler de leur histoire, c’est bien pour pouvoir la rĂ©Ă©crire et la confisquer. Parfois la manipulation va jusqu’à s’approprier l’histoire des autres.
Les références du syndicat ( UNEF) ne sont plus trotskistes, mais bien identitaires et indigénistes.
C’est tout le problĂšme du droit Ă  la diffĂ©rence. Au lieu d’effacer les stĂ©rĂ©otypes, il les conforte, et finit par mettre les identitĂ©s en concurrence.
On finit par se demander si les obsĂ©dĂ©s du procĂšs en appropriation culturelle ne rĂȘvent pas d’un monde multiculturel, oĂč tout le monde s’habillerait, se coifferait et mangerait selon ses origines.
Une part non nĂ©gligeable de l’hystĂ©rie collective actuelle tient Ă  l’épiderme, extrĂȘmement douillet, des nouvelles gĂ©nĂ©rations. Et plus encore au fait qu’on leur a appris Ă  se plaindre pour exister. (
) Les sociĂ©tĂ©s contemporaines ont placĂ© le statut de victime tout en haut du podium. (
) L’excĂšs commence lorsque la victimisation tend Ă  faire taire d’autres voix, et non les dominants.
GĂ©nĂ©ration offensĂ©e – Caroline Fourest
Éditeur : Grasset
Parution : 26 février 2020
ISBN : 2246820189
Lecture : FĂ©vrier 2020
Cet essai "Génération offensée" de Caroline Fourest nous aide à comprendre ce qu'est l'appropriation culturelle et donne des pistes pour la combattre lorsqu'il s'agit de dérives identitaires. A découvrir ici Génération offensée : De la police de la culture à la police de la pensée Caroline Fourest

0 notes
reseau-actu · 6 years ago
Link
Jean-SĂ©bastien Ferjou : Le livre que vous publiez s'appelle Refondation (Ă©ditions de l'Observatoire)mais c'est aussi largement une entreprise de dĂ©molition que vous proposez, que ce soit dans votre description des deux premiĂšres annĂ©es du quinquennat Macron ou de l’état de la droite que vous qualifiez de fĂ©odalisĂ©e. CĂ©dez-vous vous aussi Ă  ce dĂ©gagisme version « chic » qui a permis Ă  Emmanuel Macron de se faire Ă©lire ?
Bruno Retailleau : Non, je ne m'inspire pas de la méthode Macron (rires) ! Mais Emmanuel Macron a gaspillé ses deux premiÚres années. Il a beaucoup dit mais trÚs peu fait. Cela étant dit, je lui donne une circonstance atténuante, c'est que les conditions de l'élection présidentielle ne lui ont pas permis d'exposer correctement, avec clarté, les enjeux à venir.
En ce que concerne Les RĂ©publicains, je ne dĂ©molis rien mais je considĂšre qu’il faut affronter la rĂ©alitĂ© de nos Ă©checs. Si on remonte dans le temps, on voit que la droite a d’abord fui le dĂ©bat d'idĂ©es par peur du magistĂšre intellectuel, universitaire et mĂ©diatique de la gauche. Elle s'est alors rĂ©fugiĂ©e dans l’économisme, et a voulu ĂȘtre gestionnaire. Malheureusement, une fois au pouvoir, elle est souvent apparue en mauvaise gestionnaire. 
Dans un deuxiĂšme temps, elle a cessĂ© de rĂ©flĂ©chir reprenant mĂȘme des idĂ©es de la gauche, des mots de la gauche. Lorsque j'ai entendu un certain nombre de mes amis critiquer François-Xavier Bellamy, par exemple, ils le critiquaient dans le langage de la gauche, avec les mots de la gauche. Il ne faut donc pas s'Ă©tonner si notre Ă©lectorat a Ă©tĂ© totalement dĂ©boussolĂ©. Dans un autre registre, les relations de Nicolas Sarkozy avec Emmanuel Macron ont aussi perturbĂ© certains de nos Ă©lecteurs. 
Ce qui est grave, c’est qu’au fil des annĂ©es, la droite a abandonnĂ© tout un champ idĂ©ologique et sĂ©mantique : l'idĂ©e de transmission, de nation, de libertĂ©. La droite française est sans doute la plus Ă©tatiste du monde et quand je reverrai Finkielkraut je lui dirai d'Ă©crire non pas un livre sur l'identitĂ© malheureuse mais sur la libertĂ© malheureuse.
Justement cette bataille sur les mots vous en parlez dans votre livre, notamment sur les mots piĂ©gĂ©s que sont Ă  vos yeux les mots conservatisme et progressisme. Ce faisant, ne cĂ©dez-vous pas un peu au mĂȘme travers ? Pourquoi ne pas aller au bout des choses en assumant d’ĂȘtre conservateur ? D’autant que vous Ă©crivez en conclusion que la droite doit s’appuyer sur la libertĂ© et l’identitĂ©... libĂ©ral identitaire, est-ce vraiment un qualificatif moins piĂ©gĂ© que liberal-conservateur ?
C'est simple, ces mots sont piĂ©gĂ©s et ils empĂȘchent dans le dĂ©bat politique français de poursuivre un raisonnement. Ils ne sont pas faits pour qualifier une pensĂ©e mais pour la disqualifier avant mĂȘme que vous n'ayez pu commencer Ă  convaincre. 
Ensuite, c'est parce que je me mĂ©fie des mots en -isme. Disraeli se prĂ©sentait lui-mĂȘme comme le plus progressiste des conservateurs avec cette phrase « rĂ©former ce qu'il faut et conserver ce qu'il vaut ». Je pense que lorsque l'on parle de libertĂ© comme d'identitĂ©, l’une comme l’autre sont multiples. Les libertĂ©s sont nombreuses : les nĂ©olibĂ©raux, par exemple, veulent la libertĂ©, or la libertĂ© qu'ils veulent n'est pas la libertĂ© que je veux, je veux une libertĂ© enracinĂ©e. 
Je pense que la pathologie du monde occidental -et ce qui crĂ©e d'ailleurs parfois un dĂ©sir de dĂ©mocratie illibĂ©rale- c’est qu’on est parvenu Ă  une forme d'exaltation libertaire de la libertĂ© qui ne reconnaĂźt plus aucune limite. Moi je veux la libertĂ© mais avec des limites. 
Je ne veux pas une société de marché mais une économie de marché. Je pense que tout ce qui est possible avec la technique n'est pas souhaitable humainement. Il faut que la rhétorique des droits individuels soit bornée par la possibilité de construire quelque chose de commun. 
L’enjeu de la dĂ©cision du conseil constitutionnel sur le texte anti-casseurs Ă©tait celui-lĂ  : savoir oĂč l’on place le curseur entre la possibilitĂ© pour la dĂ©mocratie française de se dĂ©fendre contre les blacks blocs et les cagoulĂ©s d’une part et la dĂ©fense de la libertĂ© individuelle de manifester y compris en cassant d’autre part. Je me fĂ©licite que le Conseil constitutionnel ait rejetĂ© la plupart des arguments des dĂ©tracteurs du texte et validĂ© la crĂ©ation d'un nouveau dĂ©lit de dissimulation du visage. Le Conseil constitutionnel confirme donc que notre dĂ©mocratie peut se donner les moyens de lutter contre l'hyper-violence. 
Donc quelle libertĂ© aujourd'hui ? Beaucoup s'en rĂ©clament mais ma libertĂ© Ă  moi n'est pas celle des nĂ©olibĂ©raux. Pour l'identitĂ© c'est la mĂȘme chose. Que met-on dans l'identitĂ© ? Moi j'y mets par exemple la rĂ©publique laĂŻque. Je ne veux pas qu'on touche Ă  la loi de 1905, je ne veux pas que l'on crĂ©e un islam de France notamment pour des raisons d'efficacitĂ©. Notre identitĂ© c'est tout autant un modĂšle social, j'y tiens, que des droits civiques. 
On a besoin de la liberté et quand on lit les grands philosophes de la liberté, il faut parfois protéger la liberté contre ses fanatiques. Aujourd'hui on en est là.
Vous parliez d’Islam, cette semaine, Ă  l'AssemblĂ©e Nationale, Mme Belloubet a dĂ©clarĂ© que la France avait toujours Ă©tĂ© multiculturelle. Quand vous entendez par ailleurs Mme Loiseau dire que le voile de MĂšre Teresa a la mĂȘme signification qu'un voile islamique, que vous inspirent ces propos ?
Vous avez là l'exemple typique du fait que, chez un certain nombre d'hommes et de femmes politique, le clivage gauche droite ne veut plus rien dire. Il y a, par exemple, une convergence idéologique entre Mme Belloubet qui vient de la gauche et Mme Loiseau qui vient de la droite et qui était juriste sur ce thÚme précis. 
Chez LREM, le néolibéralisme économique et financier fusionne avec le gauchisme culturel, ce libéralisme libertarien, culturel et multiculturel. 
Il y a pourtant une incompatibilitĂ© dans les propos de Mme Belloubet, elle devrait relire ses textes : en France on ne peut pas ĂȘtre laĂŻque et multiculturaliste. Il faut choisir. L'incompatibilitĂ© est totale car nous ne sommes pas un archipel de communautĂ©s.
La laïcité c'est cette idée que l'homme particulier peut se déployer dans un espace privé mais que le citoyen, lui, est universel, et dans l'espace public il relaye au second plan ces choix personnels. 
Le multiculturalisme est une émanation du modÚle anglo-saxon, c'est en ça que Régis Debray avait traité un jour Emmanuel Macron de galloricain. Quand Macron fait l'éloge du multiculturalisme à la tribune du CongrÚs aux Etats-Unis, il sort du modÚle français, qui est l'assimilation, pour embrasser le modÚle anglo-saxon. 
La contrainte c'est d'assimiler nos valeurs : je pense que le mot assimilation dit beaucoup plus que le mot intĂ©gration - on n'intĂšgre pas des valeurs comme la libertĂ© de croyance, l'Ă©galitĂ© hommes-femmes ou la fraternitĂ©, on les assimile. L'assimilation, c'Ă©tait des contraintes et de l'autre cĂŽtĂ© une promesse. Quand on devient français par le cƓur et l'esprit en acceptant l'hĂ©ritage et en entrant dans le destin commun on est alors totalement français.
Comment trouver un Ă©quilibre ? La laĂŻcitĂ© est une notion profondĂ©ment chrĂ©tienne dans son histoire mais aussi parce que le catholicisme n'est pas une religion fondĂ©e sur l'observance. Si vous faites le carĂȘme ça ne va pas beaucoup se voir. Si vous ĂȘtes musulman ou juif, forcĂ©ment l'observance a une forme de visibilitĂ©. En tant que croyant, ne peut-on pas accepter que les autres puissent s'inscrire dans la logique de leur religion dans la mesure oĂč ça ne remet pas en cause les valeurs fondamentales de la RĂ©publique française ?
Si, on le peut mais avec une autre limite, c'est-à-dire celle de la définition moins connue de la laïcité, que j'aimerais voir figurer un jour dans la constitution. 
La définition la plus connue de la laïcité c'est la neutralité : l'Etat ne reconnaßt ni ne subventionne aucun culte. Mais l'autre définition, qui a été confirmée en 2004 dans une grande décision du Conseil constitutionnel, c'est que nul ne peut, s'appuyer sur sa religion pour échapper à la loi commune. C'est ça la laïcité. 
On ne peut pas refuser de voir un mĂ©decin femme dans un hĂŽpital public au motif qu’on est musulman. La loi commune vaut pour tous. La RĂ©publique ne demande Ă  personne d'abdiquer sur ce qu'il est mais il y a une forme de pacte non-ostentatoire qui est important.
Vous parlez dans votre livre de « coup d’Etat intellectuel » au sujet d’Emmanuel Macron. Diriez-vous que le prĂ©sident de la RĂ©publique est une menace pour la libertĂ© ou la dĂ©mocratie, non pas Ă  cause des lois anti-casseurs dont vous ĂȘtes d'ailleurs Ă  l'origine mais peut-ĂȘtre parce qu'il peinerait Ă  respecter la volontĂ© populaire quand elle diffĂšre de ce qu’il considĂšre comme « raisonnable » ?
Ce travers est plus largement celui du progressisme. Pire que de vouloir incarner la raison à tous prix, il s'agit de vouloir incarner le camp du bien. Or, cette rhétorique est dangereuse notamment en ce qu'elle oppose les Français entre eux. 
Quand on a le sentiment d'incarner le bien on a un raisonnement totalement manichĂ©en avec un risque de fracturation de l'Europe comme on n'en a rarement vu. Evidemment, cette espĂšce de moralisme, de sentiment de supĂ©rioritĂ©, c’est une forme de nĂ©gation du dĂ©bat dĂ©mocratique. 
Finalement, Emmanuel Macron en prĂ©tendant dĂ©passer le clivage gauche droite considĂ©rait surtout qu'il rĂ©capitulait en lui-mĂȘme tout dĂ©bat politique. Il a donnĂ© ses initiales Ă  son propre parti politique. C'est nocif pour la dĂ©mocratie. 
Sa vision de la politique est une menace. Il exprimait une forme de saint simonisme : l'utopie technocratique. L'idée selon laquelle quelques experts éclairés pourraient diriger un pays. C'est la négation du peuple. 
Avez-vous l'impression que chez Les RĂ©publicains, vous ĂȘtes rĂ©ellement libĂ©rĂ©s de cette menace ou de cette tentation ?
On ne se libĂšre que par la rĂ©flexion, par l'autodĂ©finition qu'on peut donner de nous-mĂȘmes. Tant que nous n’aurons pas dĂ©fini clairement ce que nous sommes -et pas par des mesurettes ou des gadgets- nous serons condamnĂ©s Ă  la cacophonie. Pire, nous serons condamnĂ©s Ă  nous dĂ©terminer quasi exclusivement par rapport Ă  Emmanuel Macron ou Marine le Pen. 
Vous Ă©voquiez François-Xavier Bellamy. Il fait bien mieux que ce Ă  quoi s'attendaient certains Ă  droite -ceux pour qui le conservatisme ne peut pas ĂȘtre une force politique- donc dans leur esprit il y a une dynamique par rapport au score qu’ils lui prĂȘtaient Ă  priori, Ă  moins de 10%. Dans la rĂ©alitĂ©, il n'y a pas de vraie dynamique dans les sondages mĂȘme s’il bĂ©nĂ©ficie de la mobilisation d’un bloc sociologique. Comment passer de ce bloc Ă  un groupe capable de reprĂ©senter la majoritĂ© de la population ?
François Xavier Bellamy a enclenchĂ© une dynamique. Il lui reste Ă  se dĂ©ployer et Ă  devenir une tĂȘte de liste qui ne soit pas uniquement LR. Il doit aller au-delĂ  de la simple Ă©tiquette. Nous devons avoir suffisamment de modestie pour l'accompagner sans forcĂ©ment le repeindre Ă  nos couleurs Ă  chaque instant. Quand je me suis prĂ©sentĂ© Ă  une Ă©lection je suis toujours parvenu Ă  aller au-delĂ  de l'Ă©tiquette politique. 
Ensuite je pense que le problÚme de l'archipelisation de la société française que décrit trÚs bien JérÎme Fourquet dans son récent livre est préoccupant. Il faut reconstruire du commun. 
C'est la responsabilitĂ© de M. Macron mais c’est aussi la notre Ă  droite. Il faut nous emparer du thĂšme de la libertĂ©, de la remise en marche de l'ascenseur social, du rĂ©galien. Je pense que la droite n'a pas Ă  cĂ©der Ă  un discours socialiste faussement de gauche, faussement gĂ©nĂ©reux pour reconquĂ©rir les classes populaires. On n'a plus le langage de la nation aujourd'hui. Nous pouvons rassembler. Si nous sommes ce que nous devons ĂȘtre, il n'y a aucune raison de ne pas pouvoir prĂ©tendre Ă  rassembler une majoritĂ©. 
Vous citez JaurĂšs dans le livre... « Il y a une chose que la classe moyenne des commerçants  perd peu Ă  peu sous la pression des grands capitaux : c’est l’espĂ©rance d’arriver haut (
) Pourquoi les y-a-t-il eu une rĂ©volution en 1789 contre la fĂ©odalitĂ© territoriale et mobiliĂšre ? Parce que la bourgeoisie française valait mieux que sa condition ». Avez-vous l’impression que Les RĂ©publicains peuvent sortir de leur rĂ©duit sociologique en se contentant de parler de baisse des dĂ©penses publiques et de rĂ©pression policiĂšre, en Ă©tant simplement le parti de l'ordre et de la vertu gestionnaire ?
Il faut que nous soyons le parti de la France et de tous les Français. Et que nous montrions un chemin de prospérité, pour leurs enfants. Car il y a des solutions. Nous devons protéger et réformer. Pas déformer un modÚle social. 
Lorsque la sĂ©curitĂ© sociale a Ă©tĂ© inventĂ©e par exemple, elle l'a Ă©tĂ© comme une institution pilier de la dĂ©mocratie : elle est lĂ  pour signifier qu'il y a un lien entre chaque Français. Avec un principe : vous allez cotiser selon vos moyens et vous recevrez selon vos besoins. Je pense qu'on trouvera dans mon livre un corpus qui doit permettre Ă  la droite d'ĂȘtre fiĂšre de se s valeurs et de ne jamais oublier que la politique doit aussi prendre soin des plus fragiles. 
A ce titre, la poursuite des déficits est une bombe à retardement pour les plus fragiles. Je pense qu'on a une explication de pédagogie à faire. Elle suppose un énorme travail d'abord sur nous. On convaincra les Français par la sincérité, par un projet trÚs fort, en incarnant un idéal. Et cet idéal pour moi c'est la France. Les Français attendent de redevenir un seul peuple, plutÎt que cet archipel de communautés. Je suis convaincu qu'avec un nouveau projet, on peut les convaincre. Mais il faut un projet original, refondé et puis porté fiÚrement.
Le gouvernement doit prĂ©senter cette semaine la synthĂšse du Grand DĂ©bat. Quel « atterrissage » vous paraĂźt-il possible dans la mesure oĂč la crise des Gilets jaunes a rĂ©vĂ©lĂ© que la promesse d'Emmanuel Macron n'a pas vraiment Ă©tĂ© comprise par les Français ? Quand on voit, de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e dans toutes les enquĂȘtes d'opinion que la politique Ă©conomique du gouvernement est perçue Ă  la fois comme "injuste" et "inefficace", que pourrait-il dire qui lui permette de refonder son quinquennat sans passer par la case Ă©lections ?
Je pense que le retour au calme et la reprise du fil de l'histoire du quinquennat devra passer par les urnes. La lĂ©gitimitĂ© vient des urnes, et un rĂ©fĂ©rendum pourrait ĂȘtre une excellente sollution. 
Aujourd'hui, Macron est fortement contesté non pas uniquement à cause de la taxe énergétique mais aussi parce qu'il a trÚs lourdement déçu les Français. Le constat est là. Et c'est pour cette raison, que je pense que rien ne sortira du Grand Débat, notamment parce qu'aujourd'hui s'expriment 30 années de malaise démocratique et de malaise économique. 
Le problÚme de la société française c'est que nous nous appauvrissons et que l'économie française ne parvient pas à créer suffisamment de richesses pour élever le niveau de vie des Français. On a masqué cette réalité par une avalanche de dépenses publiques et une dette massive. Seulement, lorsque que l'on se compare à d'autres pays, il est évident que notre niveau de vie baisse par rapport à celui des Suédois, des Belges ou des Allemands. Or, tant que l'impÎt n'aura pas baisser et que par conséquences les dépenses publiques n'auront pas été réduites, tant que l'on ne fera pas sauter les 35h, on ne s'en sortira pas. 
Emmanuel Macron a trahi deux promesses. Sa premiĂšre trahison c'est de ne pas avoir transformer la France tel qu'il l'avait promis. Alors qu'il devait ĂȘtre le Mozart de l'Ă©conomie, la France se retrouve au 25Ăšme rang du chĂŽmage au niveau europĂ©en. En ce qui concerne les impĂŽts, on est toujours au premier rang des pays occidentaux et sur les dĂ©penses publiques on est au 28Ăšme rang.  Il n'y a donc eu aucun rĂ©sultat au regard de cette promesse de transformation. 
La deuxiÚme trahison repose sur la promesse d'une justice sociale, la promesse d'une réconciliation s'est retrouvée noyée dans l'injustice fiscale. Bien sûr, il fallait mettre la flat tax en place et supprimer l'ISF car les trÚs grandes fortunes y échappaient ce qui était contreproductif pour l'emploi et l'investissement en France ; mais on ne peut pas faire cette politique fiscale qui profite au trÚs riches tout en sur-fiscalisant les retraités. Le résultat, c'est qu'Emmanuel Macron et son gouvernement ont fait bien des cadeaux aux trÚs riches tout en retirant énormément à 98% de la population.
Quelle pourrait ĂȘtre la question soumise Ă  rĂ©fĂ©rendum ? 
Il me semble que la crise des Gilets Jaunes est partie de questions matĂ©rielles c'est-Ă -dire de la baisse de pouvoir d'achat, des impĂŽts jugĂ©s trop importants... auxquelles sont venues s'accoler d'autres problĂ©matiques tel que le mal ĂȘtre et les grandes questions existentielles comme la dĂ©possession identitaire
 
Marcel Gauchet l'a reconnu dans son livre "Le malheur français", c'est sans doute la question de l'immigration qui a depuis 30 ans modifiĂ© le plus profondĂ©ment la sociĂ©tĂ© française dans sa perception de son ĂȘtre collectif. Cette question, on a refusĂ© que le peuple en dĂ©batte. Elle a Ă©tĂ© soigneusement Ă©cartĂ©e par le systĂšme mĂ©diatique et politique. 
De ce fait, je pense qu'une des questions que l'on devrait poser aux Français serait de permettre au Parlement de fixer chaque annĂ©e, sous la surveillance du peuple, des quotas d'immigration pour que la politique d'immigration soit dĂ©battue de façon transparente. Il n'est quand mĂȘme pas normal que l'on ait atteint l'an dernier un pic de 252 000 entrĂ©es sans compter les entrĂ©es illĂ©gales. Alors que nous avions prĂ©cĂ©demment environ 100 000 nous avons bondi de 20% en 2018. Il me paraĂźt donc que questionner les Français Ă  ce sujet s'impose.
Ne serait-ce pas un risque politique car d'une part, bien que la question de l'immigration soit trĂšs importante, la prioritĂ© des Français semble centrĂ©e sur le pouvoir d'achat et d'autre part parce qu’il est difficile de faire respecter les objectifs dont vous parliez ? Est-ce que l'État en a vraiment les moyens ?
Je pense effectivement que l'État en a les moyens, maintenant il faut en avoir la volontĂ©. Il y a par exemple des textes Ă  modifier. Quand j'observe ce qu'ont fait les Danois, ce qu'on fait SuĂ©dois qui Ă©taient une grande puissance humanitaire, ce qu'est en train de faire l'Allemagne qui a limitĂ© le regroupement familial notamment pour les rĂ©fugiĂ©s, je constate que la France est devenue le pays europĂ©en le plus attractif pour les migrants. La politique peut se rĂ©approprier un processus de dĂ©cision qui puisse inflĂ©chir la rĂ©alitĂ© des choses.
Il faut bien sûr traiter la question du pouvoir d'achat mais on ne le fera pas par référendum. Ce problÚme-là se traite de deux maniÚres : en réduisant les dépenses publiques et en mettant plus de travail sur la table. En effet, aucune société ne peut s'enrichir, ne peut se développer, ne peut proposer à sa jeunesse un avenir en se tournant vers le loisir plutÎt que le travail. Dans mon livre, je cite le livre de Jeremy Rifkin " La fin du travail" qui a été une grande illusion mais qui a été une escroquerie intellectuelle.
Vous parlez en termes de valeurs, quid des enjeux macro Ă©conomiques : avez-vous notamment l'impression que l'on prenne suffisamment en compte la question de la crĂ©ation d'emplois en France ? Vous parliez de la baisse des dĂ©penses publiques mais il n’y a pas dans le monde un seul exemple de pays qui ait rĂ©ussi des rĂ©formes structurelles sans avoir eu recours dans le mĂȘme temps Ă  une forme d'assouplissement monĂ©taire. Les SuĂ©dois l'ont fait, le Canada l'a fait, mais ces pays avaient la main mise sur leur monnaie. Est-il possible de rĂ©ussir le mĂȘme type de rĂ©formes dans le contexte europĂ©en ?
Oui, je pense que c'est possible. J'ai une formation Ă©conomique et je n'ignore pas que les exemples que vous citez, le Canada, la SuĂšde
 ont jouĂ© d'assouplissement et de commoditĂ©s monĂ©taires. 
Cependant, aujourd'hui la contrainte monĂ©taire pĂšse assez peu, notamment car elle s'exprime par des taux d'intĂ©rĂȘts qui sont trĂšs bas. Prenons l'exemple, de la France et de l'Allemagne au moment du lancement de l'euro. La France avait alors de meilleures performances que l'Allemagne sur le plan de la croissance et du commerce extĂ©rieur. Peu de temps aprĂšs, la loi sur les 35h entrait en vigueur. On a alors choisi d'abdiquer et de cĂ©der au malthusianisme en traitant l'Ă©conomie comme un fromage Ă  partager Au mĂȘme moment, les Allemands faisaient l'inverse et appliquaient l'agenda Hartz qui leur a vite permis de regagner de la compĂ©titivitĂ©. 
Ensuite nous avons un autre problĂšme. La France, propose des produits Ă  un niveau de gamme comparable Ă  celui des produits espagnols mais Ă  un coĂ»t comparable Ă  celui des produits allemands. Naturellement, la compĂ©titivitĂ© se dĂ©grade. Voici les deux dĂ©ficits sur lesquels nos yeux devraient ĂȘtre rivĂ©s.
D'une part, le déficit budgétaire est catastrophique. Il va, contrairement à ce que dit Monsieur Darmanin, dépasser les 100 milliards d'euros cette année. C'est-à-dire que l'on a une dette qui galope tout en représentant une abdication de notre souveraineté car elle est en partie détenue par des investisseurs étrangers.
D'autre part, on a le problÚme du déficit du commerce extérieur. Moi je sillonne la France et je trouve que l'on a un pays extraordinaire. Nous avons des réserves d'énergie avec d'excellents ingénieurs, des entrepreneurs et un savoir-faire qui permettrait assez facilement de relancer la machine. Sur ce point, je suis trÚs optimiste. 
Sans blñmer l'existence de l’euro en tant que telle, faut-il changer le mandat de la BCE qui se concentre exclusivement sur la lutte contre l'inflation et ne prend pas en compte l'objectif du plein emploi contrairement à beaucoup d’autres banques centrales ?
Je pense qu’incontestablement, le prĂ©sident Italien Ă  la tĂȘte de la BCE s’est rĂ©vĂ©lĂ© meilleur que son prĂ©dĂ©cesseur français. Mario Draghi a considĂ©rablement assoupli la contrainte des taux et la contrainte monĂ©taire. On peut considĂ©rer d'ailleurs que l'inflation sous-jacente est trĂšs basse et que la situation en Europe ne dĂ©pend pas de l'euro mais de la capacitĂ© des pays Ă  conduire leur destin. 
Les deux premiĂšres annĂ©es de François Hollande ont Ă©tĂ© marquĂ© par 37 milliards d'euros de dĂ©penses publiques supplĂ©mentaires. Les deux premiĂšres annĂ©es du quinquennat Macron : 51 milliards de dĂ©penses publiques supplĂ©mentaires. Cet homme est un communiquant extraordinaire pour arriver Ă  cacher cette vacuitĂ©, mais les Français ont du bon sens et ont ressenti cette fĂȘlure et l'Ă©cart entre les discours flamboyants et les actes dĂ©cevants.
Ne pensez-vous pas que le mĂȘme procĂšs, la mĂȘme rĂ©alitĂ© auraient pu s'imposer Ă  François Fillon car la rĂ©alitĂ© du pays aurait Ă©tĂ© la mĂȘme ?
Non, je ne le pense pas, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, car nous voulions mettre en place les vraies réformes nécessaires dans les six premiers mois pour ensuite laisser le temps à la société française de s'adapter. 
Jamais nous n'aurions utilisé la CSG, qui est une sulfateuse pour le pouvoir d'achat, car nous voulions créer une TVA sociale. Cela aurait été beaucoup plus anodin sur le pouvoir d'achat et nous aurait permis de mettre une barriÚre vis-à-vis des produits chinois. En bref, l'idée était de faire contribuer les produits chinois et étrangers à la sécurité sociale et de faire payer les 80 millions de touristes qui viennent en France chaque année sans pour autant trahir les Français.
Par ailleurs nous avions un programme d'assouplissement du marchĂ© du travail, nous voulions faire sauter les 35h et rĂ©duire les dĂ©ficits
 Mais on se souvient que pendant la campagne, la droite a finalement Ă©tĂ© le pire ennemi de François Fillon car elle ne croyait pas Ă  cette vision. Je le dis dans mon livre, j'assistais un jour -juste aprĂšs les prĂ©sidentielles- Ă  une rĂ©union politique LR- lors de laquelle nous devions dĂ©cider des orientations pour les lĂ©gislatives. C'est alors que nous avons tournĂ© le dos aux options qui avaient pourtant Ă©tĂ© largement plĂ©biscitĂ©es quelques mois plus tĂŽt.
Le problĂšme du programme de François Fillon, c'est que pour briller dans les urnes, il faut briller dans les tĂȘtes. Or, je crois que le projet de François Fillon avait Ă©tĂ© construit, non pas par les Ă©lus, mais par la sociĂ©tĂ© civile. Il imposait un projet dans lequel les Ă©lus ne se sont pas reconnus. Ils ne s'y sont pas reconnus car ils sont dans des chemins de routine, ils ont peur de choquer. 
Pour finir, concernant la candidature LR pour les présidentielles 2022, quelle serait votre préférence : des primaires ou une personnalité forte ?
Ma prĂ©fĂ©rence serait qu'une personnalitĂ© s'impose sans passer par les primaires. Nous verrons si c’est le cas. Mais Il ne faut surtout pas que le premier tour de l'Ă©lection prĂ©sidentielle se transforme en primaire de la droite. 
Bruno Retailleau vient de publier "Refondation" aux Ă©ditions de l'Observatoire Pour l'acheter sur Amazon, cliquez ICI
Tumblr media Tumblr media
Source: Atlantico.fr
0 notes
reseau-actu · 6 years ago
Link
Le professeur de science politique fait paraßtre "La nouvelle question laïque". Dans ce livre, Laurent Bouvet analyse en quoi l'islam présente à la République un défi d'intégration inédit; il se livre également à un démontage minutieux d'une lecture libérale de la laïcité qui est progressivement devenue dominante. Entretien.
Si le dernier livre de Laurent Bouvet ne devrait pas faire changer d'avis ses ennemis, il fournira en revanche de prĂ©cieuses cartouches aux dĂ©fenseurs d'une laĂŻcitĂ© rĂ©publicaine. Le professeur de science politique fait paraĂźtre La nouvelle question laĂŻque aux Ă©ditions Flammarion. En 300 pages, le co-fondateur du Printemps rĂ©publicain et membre du Conseil des sages de la laĂŻcitĂ© balaie les problĂ©matiques ayant trait Ă  la loi de 1905 : place de l'islam dans la sociĂ©tĂ© française, critiques de la laĂŻcitĂ© venues de la gauche (dĂ©coloniaux, indigĂ©nistes) et de la droite (identitaires chrĂ©tiens)
 Surtout, et c'est lĂ  son principal mĂ©rite, l'ouvrage revient en dĂ©tail sur une conception de la laĂŻcitĂ© qui, d'aprĂšs Laurent Bouvet, dĂ©tourne l'esprit de la loi de 1905 et travestit la vision de ses pĂšres fondateurs, tout en s'en rĂ©clamant bruyamment : c'est cette laĂŻcitĂ© libĂ©rale, portĂ©e par l'Observatoire de la laĂŻcitĂ© et profondĂ©ment influencĂ©e par le multiculturalisme anglo-saxon, qui s'est peu Ă  peu imposĂ©e jusqu'Ă  devenir majoritaire parmi les Ă©lites mĂ©diatiques et politiques. Entretien avec un rĂ©publicain acharnĂ©.
Marianne : Quelle est cette "nouvelle question laĂŻque" qui donne son titre Ă  votre livre ?
Laurent Bouvet : Pendant trÚs longtemps, la laïcité était comme l'air que l'on respire : aprÚs l'affrontement autour de la loi de 1905, et excepté quelques emballements autour de la "querelle scolaire" comme en 1984, la question laïque ne débordait plus dans le débat public et politique. Or depuis les années 1980, de nouvelles conditions sont venues transformer cette forme d'apaisement, la principale étant l'émergence de l'islam comme religion importante et visible dans l'espace public.
Quand l'islam a pris son essor en France, il a connu au mĂȘme moment une profonde Ă©volution au niveau mondial : ce que Mohammed Cherkaoui appelle « l’islamisation » de l'islam (Essai sur l’islamisation, Presses universitaires de la Sorbonne, 2018), c'est-Ă -dire une rĂ©appropriation Ă  la fois thĂ©ologique et culturelle de la religion dans les pays musulmans, et au-delĂ , qui a conduit Ă  revendiquer l'appartenance Ă  l'islam comme une identitĂ© Ă  dĂ©fendre et Ă  promouvoir. Cela se traduit en particulier par une visibilitĂ© de diffĂ©rentes pratiques : le vĂȘtement et au premier chef le voile, la consommation de nourriture halal, la piĂ©tĂ© dĂ©montrĂ©e aux autres par le biais d’une pratique rigoureuse du ramadan notamment.
L'entrĂ©e de l'islam dans l'Ăąge identitaire a donc Ă©tĂ© concomitante de l’installation de l'islam en France. Et c'est la conjonction de ces deux phĂ©nomĂšnes qui a transformĂ© fondamentalement la question laĂŻque. A ces Ă©lĂ©ments s’ajoutent des facteurs sociaux : la crise Ă©conomique et sociale, « l'invention » des banlieues et la formation de ghettos urbains qui ont concernĂ© d’abord les populations issues de l’immigration. Le dernier Ă©lĂ©ment est plus politique. Les annĂ©es 1980 sont aussi le moment oĂč la gauche accĂšde au pouvoir et oĂč elle opĂšre son « tournant » (abandon de la lutte des classes et de l'anticapitalisme) pour devenir le camp de la dĂ©fense de minoritĂ©s discriminĂ©es, constituĂ©es sur une base identitaire : nouveau fĂ©minisme, rĂ©gionalismes, mouvement de libĂ©ration gay, dĂ©fense des immigrĂ©s venus de l'ancien empire colonial. Ces derniers sont trĂšs vite rĂ©duits Ă  leur religion : en quelques annĂ©es, on est ainsi passĂ© du « travailleur immigrĂ© » au « Beur » puis finalement au « musulman ».
Le basculement vers une nouvelle question laĂŻque est symbolisĂ© par l'affaire dite des « foulards », lorsque trois Ă©lĂšves musulmanes refusent d’enlever leur voile dans un collĂšge de Creil Ă  l’automne 1989. C'est la premiĂšre confrontation avec cette nouvelle aspiration Ă  la visibilitĂ© de l'islam qui va venir sur le devant de l’actualitĂ©, le premier moment oĂč la religion musulmane devient un objet de dĂ©bat public en France. C'est ce qui fonde cette nouvelle question laĂŻque : la laĂŻcitĂ© telle qu'on la conçoit en France, dans le droit et politiquement, peut-elle rĂ©pondre au dĂ©fi posĂ© par l'islam ?
Pour les plus fondamentalistes des musulmans, la politique ne peut qu’ĂȘtre l’application de la parole de Dieu.
L'islam pose-t-il une question spécifique à la société française et à la laïcité ?
La spĂ©cificitĂ© de l'islam peut s’apprĂ©cier Ă  diffĂ©rents niveaux. C'est tout d'abord un nouveau venu dans le paysage français des cultes, notamment en termes institutionnels : la loi de 1905 ne s'applique pas Ă  l'islam puisque le culte musulman n’a pas Ă©tĂ© pris en compte Ă  l’époque. Il n'existait alors pas sur le territoire mĂ©tropolitain, mĂȘme s’il Ă©tait trĂšs prĂ©sent dans l’empire colonial. Le deuxiĂšme problĂšme, c'est l’émergence trĂšs rapide de l'islam en France, qui vient d’une immigration issue de l'ancien empire colonial, ce qui le diffĂ©rencie fondamentalement du catholicisme, du protestantisme et du judaĂŻsme, cultes installĂ©s de longue date et qui ont connu une croissance « interne » – mĂȘme si une immigration catholique a eu lieu au XXe siĂšcle (italienne, polonaise, espagnole, portugaise). TroisiĂšme Ă©lĂ©ment, « l'islamisation » de l'islam dont nous avons parlĂ© plus haut : partout dans le monde, l’islam est travaillĂ© par des courants radicaux qui poussent Ă  une visibilitĂ© plus grande de la religion et de ses pratiques. Ce qui joue un rĂŽle important en France aussi. De tels courants radicaux existent aussi dans les autres religions sur le sol national mais ils sont bien moins forts et surtout bien moins visibles que dans l’islam.
Enfin, se pose la question de la nature mĂȘme de l'islam et du rapport du thĂ©ologique au politique dans l'islam. C'est un sujet qu’abordent aujourd’hui de nombreux intellectuels, par exemple Pierre Manent ou Alain Finkielkraut. À leurs yeux, il y a une incompatibilitĂ© fondamentale entre l’islam avec la civilisation française, avec notre maniĂšre de rĂ©soudre d’une certaine façon la question thĂ©ologico-politique. Dans l'islam, le thĂ©ologique et le politique ne peuvent sĂ©parĂ©s, c'est une diffĂ©rence fondamentale avec le christianisme. D’une part parce que le Coran est un texte « incrĂ©Ă© », il ne s’agit pas d’une interprĂ©tation de la parole de Dieu mais de la parole de Dieu elle-mĂȘme. Dans cette optique, le prophĂšte Mahomet est celui qui comprend, enfin, par rapport Ă  tous les faux ou mauvais prophĂštes qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©, la parole de Dieu et qui la retranscrit exactement. Donc il n'y a pas d'interprĂ©tation, d'amĂ©lioration ou de changement possible du texte divin. Pour les plus fondamentalistes des musulmans, la politique ne peut dĂšs lors, comme toute chose, qu’ĂȘtre l'application de la parole de Dieu.
D’autre part, si l'on aborde la question sous l’angle historico-politique et non plus thĂ©ologique, l'islam est nĂ© et s'est imposĂ© dĂšs sa naissance les armes Ă  la main et non par la soumission Ă  une autoritĂ© politique extĂ©rieure. Sans se battre, Mahomet n'aurait pas pu diffuser l'islam. Pour les fondamentalistes, l'islam est une religion de combat dont l’objet mĂȘme est d’apporter dans un monde de tĂ©nĂšbres et d’incroyance, la parole de Dieu et donc d’imposer les pratiques qu’elle prescrit. Cela pose, au fond, la question de l'incompatibilitĂ© de l'islam avec toute rĂšgle politique, sociale, culturelle
 qui n’en procĂšde pas. Ce problĂšme se pose de maniĂšre particuliĂšrement aiguĂ« lorsque l'islam est minoritaire dans une sociĂ©tĂ© : comment vivre pleinement sa foi et surtout cette conception absolue de la foi dans une sociĂ©tĂ© oĂč cela n’a pas de sens pour la majoritĂ© de la population ? Ce sont tous ces aspects mis bout Ă  bout qui constituent la spĂ©cificitĂ© de ce que l’on pourrait appeler le « problĂšme » musulman aujourd’hui, dans une sociĂ©tĂ© comme la nĂŽtre.
Lire aussi
Ghaleb Bencheikh : "RĂ©concilier la nation tout entiĂšre avec sa composante islamique"
Vous décrivez dans votre ouvrage la dissociation progressive entre la carte et le territoire de la laïcité. Aujourd'hui la laïcité a des ennemis à gauche comme à droite, mais cette opposition est plus ou moins assumée et prend des formes trÚs différentes.
La carte de la laĂŻcitĂ© ne permet plus de lire le territoire laĂŻque. Traditionnellement, pour schĂ©matiser, Ă  gauche on dĂ©fendait la laĂŻcitĂ©, par rejet des religions ou par souci d’émancipation de l’Homme, et Ă  droite on essayait sinon de l’abattre du moins d’en minimiser les effets. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout comme ça que les choses se prĂ©sentent.
La gauche traditionnellement peu intĂ©ressĂ©e par la laĂŻcitĂ© a beaucoup Ă©voluĂ©. Elle Ă©manait Ă  l'origine de la gauche marxiste, qui assimile, logiquement, la laĂŻcitĂ© Ă  tout ce qui relĂšve de la « superstructure » au sens de Marx : elle n’est dans ce cas qu'un Ă©lĂ©ment mobilisĂ© par la bourgeoisie pour tenir le prolĂ©tariat sous sa domination. Cette vision n'existe quasiment plus aujourd'hui. La vraie gauche anti-laĂŻque aujourd'hui vient plutĂŽt des diffĂ©rentes formes de gauchisme des annĂ©es 1960 et 1970, d’aprĂšs la dĂ©colonisation et du moment 68 – c’est d’ailleurs la matrice fondamentale de la deuxiĂšme gauche notamment. Du marxisme, il ne reste finalement que l'assimilation de la laĂŻcitĂ© Ă  la bourgeoisie mais la grille de lecture appliquĂ©e est diffĂ©rente, elle est identitaire : c'est l'identitĂ© propre des individus et non plus la classe sociale qui importe, et dans ce cadre les « dominĂ©s » ultimes si l’on peut dire ne sont plus les prolĂ©taires ou la classe ouvriĂšre mais les musulmans. Ceci s'explique par le fait qu'Ă  partir des annĂ©es 1960, la gauche s'est refait une santĂ© morale sur l'anti-colonialisme, qui lui a servi d’instrument de renouveau idĂ©ologique.
La fin de l’idĂ©ologie communiste et l’abandon du prolĂ©tariat a conduit toute cette gauche Ă  se concentrer sur les minoritĂ©s au sens culturel et sur les critĂšres identitaires qui les dĂ©terminent (race, genre, orientation sexuelle, origine culturelle, religion
). Dans ce cadre, la dĂ©fense des immigrĂ©s venus de l'ancien empire colonial est devenue un nouvel horizon de sens puisqu’ils prĂ©sentaient tous les stigmates de la domination. Aujourd’hui, pour cette gauche trĂšs largement convertie aux thĂšses dites « indigĂ©nistes », toute l'histoire doit ĂȘtre relue sous ce prisme de la domination coloniale qui se poursuit aprĂšs la dĂ©colonisation Ă  travers l’immigration, et donc tout spĂ©cialement des populations de culture et de religion musulmanes. La laĂŻcitĂ© ne pouvant apparaĂźtre dans cette perspective que comme un instrument de domination des occidentaux blancs colonialistes etc. Et Ă  chaque fois que l’un de ces hommes blancs, « non racisĂ©s » comme on le dit dĂ©sormais, dĂ©fend la laĂŻcitĂ© ou tout simplement l’universalisme rĂ©publicain face Ă  des revendications identitaires, communautaristes, essentialistes ou diffĂ©rentialistes, il est mĂ©caniquement coupable de vouloir perpĂ©tuer la domination coloniale.
À droite, le problĂšme est trĂšs diffĂ©rent mais tout aussi liĂ© Ă  un regain de vigueur des inquiĂ©tudes identitaires et des revendications qui en dĂ©coulent. C’est, schĂ©matiquement, en France, le problĂšme du catholicisme au sens culturel du terme, bien au-delĂ  de la religion elle-mĂȘme. Deux orientations dĂ©chirent cette droite autour d'une question : comment faire pour lutter contre un islam qui n’est pas compatible avec une « identitĂ© française" dĂ©finie comme occidentale, chrĂ©tienne, catholique
? Faut-il le faire au nom de la laĂŻcitĂ© ou des « valeurs » (famille, mƓurs, sens de la vie
) ? Faut-il s'allier d'abord avec les laĂŻques pour combattre l’islam ou bien se dĂ©barrasser d’abord des laĂŻques qui sont responsables de l’affaissement de cette civilisation, Ă  cause de la sĂ©cularisation, du dĂ©faut de spiritualitĂ©, de l’écart par rapport aux mƓurs inspirĂ©es par la religion, etc. en s'alliant provisoirement aux croyants que sont les musulmans avec lesquels on partage ces fameuses « valeurs », quitte Ă  se retourner contre eux ensuite en assumant un « choc des civilisations » frontal inspirĂ© des croisades ? La premiĂšre option est proposĂ©e, par exemple, par Marine Le Pen : elle consiste Ă  se rĂ©clamer explicitement de la laĂŻcitĂ© en en dĂ©tournant le sens et l’esprit, en l’instrumentalisant. C'est ce qu'elle disait dans le journal PrĂ©sent dĂšs 2010 : « Il n'y a pas cinquante moyens de lutter contre l'islamisation dans notre pays. Il y a soit la laĂŻcitĂ©, soit la croisade. Comme je ne crois pas beaucoup Ă  la croisade, je pense qu'il faut user de la laĂŻcitĂ© ». La deuxiĂšme orientation convient mieux Ă  une Marion MarĂ©chal par exemple mais on la trouve aussi, au fond, de maniĂšre certes infiniment plus subtile et argumentĂ©e, chez un philosophe comme Pierre Manent. On en retrouve aussi des traces dans le discours de Nicolas Sarkozy au Latran en 2007, lorsqu'il dĂ©clarait que « l'instituteur ne pourrait jamais remplacer le curĂ© ou le pasteur ». Il s'agit ici de mener un combat contre une sociĂ©tĂ© matĂ©rialiste, prĂ©sumĂ©e sans « valeurs », contre un Occident perdu qui s'est dĂ©barrassĂ© de toute spiritualité  Dans cette optique, l'adversaire prioritaire est la laĂŻcitĂ© et les musulmans conservateurs des alliĂ©s de circonstance, avec lesquels on manifeste par exemple contre le mariage pour tous.
L’interprĂ©tation dominante de la laĂŻcitĂ© aujourd’hui est biaisĂ©e, tordue.
Vous consacrez une large partie de votre livre Ă  la « normalisation libĂ©rale » : lĂ  oĂč des parties de la gauche et de la droite s'opposent explicitement Ă  la laĂŻcitĂ©, une large fraction de l'Ă©chiquier politique s'en rĂ©clame
 mais cherche Ă  la dĂ©tourner de son sens originel.
Nous venons d’évoquer des positions trĂšs marquĂ©es, surtout prĂ©sentes sur les bords de l’échiquier politique mais plus on se rapproche de son centre, plus la laĂŻcitĂ© est acceptĂ©e et reconnue comme une forme de consensus qui ne pose pas de problĂšme. Il y a lĂ  toutefois un problĂšme : la vision « centrale » aujourd’hui dans notre sociĂ©tĂ©, celle qui est vĂ©hiculĂ©e trĂšs majoritairement par les mĂ©dias et par les Ă©lites au sens large, est une vision trĂšs particuliĂšre de celle-ci, une vision fortement imprĂ©gnĂ©e par un libĂ©ralisme d’époque, d’origine anglo-saxonne, qui n’est pas celui que contient et implique la tradition rĂ©publicaine française. L’interprĂ©tation dominante de la laĂŻcitĂ© aujourd’hui est biaisĂ©e, tordue d’une certaine maniĂšre. Et ce biais peut ĂȘtre repĂ©rĂ© dans un certain nombre de propositions thĂ©oriques ou d’évolutions juridiques ces derniĂšres dĂ©cennies. On peut rĂ©sumer cette vision particuliĂšre, trĂšs largement idĂ©ologique, de la laĂŻcitĂ© ainsi : sortir celle-ci du rĂ©cit rĂ©publicain français pour en faire un simple Ă©lĂ©ment tĂ©moignant de la progression mondiale de la pensĂ©e libĂ©rale d’origine anglo-saxonne. On cherche ainsi Ă  normaliser la laĂŻcitĂ© française en la faisant rentrer au chausse-pied dans le cadre d’une simple tolĂ©rance religieuse et des droits de l’Homme – il suffit ainsi d’observer l’évolution de la jurisprudence du Conseil d’Etat ou du Conseil constitutionnel ces derniĂšres dĂ©cennies sous l’influence notamment du droit europĂ©en. Par exemple, pour la Cour europĂ©enne des droits de l’Homme, la « libertĂ© de conscience » de la loi de 1905 se rĂ©duit Ă  la « libertĂ© religieuse » de l’article 9 de la Convention europĂ©enne des droits de l’Homme (CEDH). Le « grand penseur » français de cette laĂŻcitĂ©-lĂ  – instituĂ© ainsi par Le Monde dans un article hagiographique – c’est l’historien Jean BaubĂ©rot qui a fait de sa lecture trĂšs particuliĂšre de l’Histoire, rĂ©solument ancrĂ©e du cĂŽtĂ© des religions minoritaires, hier le protestantisme, aujourd’hui l’islam, la matrice de la comprĂ©hension de la laĂŻcitĂ©, contre le gallicanisme, le jacobinisme, le bonapartisme et le radicalisme rĂ©publicain entre lesquels il trace une ligne continue. Cette lecture anti-Ă©tatique se trouve trĂšs Ă  l’aise avec la conception individualiste et ancrĂ©e dans la « rĂ©sistance » de la sociĂ©tĂ© civile contre l’Etat du libĂ©ralisme d’origine anglo-saxonne. Celui qui domine prĂ©cisĂ©ment aujourd’hui nos reprĂ©sentations culturelles et influence trĂšs fortement notre droit.
Lire aussi
Comment l'UDI s'est appuyée sur une stratégie communautariste "made in USA" pour conquérir Bobigny
Au cƓur de ce rĂ©cit libĂ©ral, un argument est rĂ©pĂ©tĂ© en boucle : l'idĂ©e que la loi de 1905 serait un triomphe de la vision libĂ©rale d'Aristide Briand contre les "laĂŻcards" les plus enragĂ©s comme Emile Combes

C'est une fable que racontent Ă  qui veut l’entendre les disciples de la pensĂ©e de Jean BaubĂ©rot ! Une fable selon laquelle Aristide Briand se serait alliĂ© en 1905 Ă  Jean JaurĂšs pour apaiser les tensions et rĂ©concilier les « deux France » (la catholique et la rĂ©publicaine) face Ă  l'intransigeance d’un Emile Combes, d’un Maurice Allard ou d’un Georges Clemenceau. Ce qui s’est passĂ© en 1905, et d’ailleurs avant et aprĂšs, est trĂšs loin d'ĂȘtre le long fleuve tranquille de la concorde française. L'Eglise catholique a Ă©tĂ© dĂ©faite par la RĂ©publique et n’a admis qu’avec difficultĂ© cette dĂ©faite. Tout ceci a d’ailleurs Ă©tĂ© d'une violence extraordinaire, et il y avait bien deux France Ă  ce moment-lĂ  qui ne sont rĂ©conciliĂ©es que bien plus tard, dans les tranchĂ©es de la PremiĂšre Guerre mondiale.
La laĂŻcitĂ© ne se rĂ©duit ni Ă  la libertĂ© religieuse ni Ă  la neutralitĂ© de l’Etat.
Pourtant, Aristide Briand a bien déclaré que la loi de 1905 était "dans son ensemble une loi libérale"...
Quand Briand dit que la loi de 1905 et une loi « libĂ©rale », il n’a absolument pas en tĂȘte le libĂ©ralisme individualiste, atomistique et multiculturaliste anglo-saxon qui domine aujourd’hui et qu’on plaque sur ses mots. C’est un contresens historique total. Il a en tĂȘte ce que l’on appelle le rĂ©publicanisme modĂ©rĂ©, contre le radicalisme, qui commande de ne pas insulter l’avenir et d’offrir la possibilitĂ© Ă  chacun, croyant ou non, de trouver sa place dans la RĂ©publique. D’ailleurs, comme comprendre sinon que JaurĂšs s’allie Ă  Briand pour faire voter la loi ? L’urgence de JaurĂšs Ă  ce moment-lĂ  est de rĂ©soudre enfin la querelle politico-religieuse qui empoisonne la vie politique afin de s'attaquer aux questions sociales et fiscales (les retraites ouvriĂšres, l’impĂŽt sur le revenu
). Bref, il faut se dĂ©prendre Ă  la fois de toute visĂ©e idĂ©ologique et de toute illusion rĂ©trospective lorsqu’on veut comprendre ce qui fut Ă  l’Ɠuvre au moment du vote de la loi de 1905. Ce qui permet de ne pas tordre la laĂŻcitĂ© dans la direction que l’on voudrait Ă  tout prix lui faire prendre. La laĂŻcitĂ© ne se rĂ©duit ni Ă  la libertĂ© religieuse ni Ă  la neutralitĂ© de l’Etat et de ses agents. C’est lĂ  une interprĂ©tation totalement biaisĂ©e des deux articles fondamentaux de la loi de 1905 : le premier parle de « libertĂ© de conscience » et le second induit une « sĂ©paration de l’Etat et des cultes » – la notion de sĂ©paration est double : l'Etat ne force personne Ă  croire ou Ă  ne pas croire, mais aucun culte ne doit dicter Ă  l'Etat ou Ă  n'importe quel citoyen sa maniĂšre de penser et de croire. Le choix des mots des lĂ©gislateurs de l’époque est prĂ©cis. Vouloir leur faire dire autre chose que ce qu’ils ont Ă©crit est une trahison.
Selon vous, ceux qui se réclament de la citation d'Aristide Briand sur la loi de 1905 défendent un tout autre type de libéralisme : le libéralisme anglo-saxon.
Il faut s’attacher Ă  comprendre les complexitĂ©s de l'adjectif « libĂ©ral » qui a profondĂ©ment changĂ© de sens en un siĂšcle. Si l'on se replonge dans le contexte historique de 1905, Briand signifie ainsi que la loi qu’il propose garantisse Ă  chacun la libertĂ© de pratiquer son culte en dĂ©tachant l’Etat de toute influence religieuse. Le libĂ©ralisme de Briand, c’est celui des rĂ©publicains : la libertĂ© de croire, de pratiquer son culte
 est une part mais une part seulement de la libertĂ© de conscience, et non synonyme de libertĂ© religieuse ou d’une simple tolĂ©rance en la matiĂšre. Cette libertĂ© de conscience Ă©tant elle-mĂȘme dĂ©finie et protĂ©gĂ©e par la communautĂ© des citoyens et l’Etat qui en est le bras armĂ©, et non par le droit naturel des individus et les groupes auxquels il peut appartenir dans la sociĂ©tĂ© civile afin de se protĂ©ger contre l’Etat. Nous sommes lĂ  dans deux univers totalement diffĂ©rents. On est ici en face de deux modĂšles philosophiques et politiques : en France, oĂč la Nation s'est constituĂ©e par et autour de l'Etat, c'est ce dernier, garant de la volontĂ© gĂ©nĂ©rale et de la souverainetĂ© populaire, qui assure au citoyen les moyens de sa libertĂ©. Dans le cadre anglo-saxon (avec des variations aux Etats-Unis et en Angleterre), l'individu est protĂ©gĂ© par un droit naturel, traduits dans une constitution, contre toute intervention extĂ©rieure, en particulier celle de l’Etat dont les moyens et la portĂ©e doivent ĂȘtre rĂ©duits ou Ă©troitement contrĂŽlĂ©s.
Le Conseil d’Etat est aujourd’hui bien plus influencĂ© par la libertĂ© libĂ©rale que par la libertĂ© rĂ©publicaine
Ce libéralisme ne relevant pas de la pensée française, comment s'est-il diffusé dans notre pays ?
Ce que l’on appelle depuis une trentaine d’annĂ©es la mondialisation a surtout consistĂ© en une diffusion de cette maniĂšre, anglo-saxonne, de comprendre le monde, l’économie, la sociĂ©tĂ©, le droit
 La construction europĂ©enne a jouĂ© un rĂŽle-clef en la matiĂšre. Si l’on s’en tient, au-delĂ  des multiples reprĂ©sentations culturelles qui favorisent la diffusion de cette maniĂšre anglo-saxonne, amĂ©ricaine dĂ©sormais avant tout, de comprendre le monde, au droit par exemple, cela a commencĂ© dĂšs la CEDH, signĂ©e en 1950, qui consacre cette conception particuliĂšre du droit et de la libertĂ©, notamment dans son article 9 Ă  travers la notion de « libertĂ© religieuse », reconnue et souhaitĂ©e d’ailleurs par les diffĂ©rents cultes. Rappelons que dans ce mĂȘme article 9, la CEDH Ă©tablit explicitement que le droit au prosĂ©lytisme fait partie intĂ©grante dans la libertĂ© religieuse – ce que rappelle rĂ©guliĂšrement la Cour de Strasbourg chargĂ©e de faire respecter cette convention –, ce qui est contraire Ă  l’idĂ©e mĂȘme de laĂŻcitĂ©. L'imprĂ©gnation d’un tel libĂ©ralisme est tout aussi frappante lorsque l'on se penche sur l'Ă©volution de la jurisprudence du Conseil d’Etat en matiĂšre de laĂŻcitĂ©, plus prĂ©cisĂ©ment de sĂ©paration de l’Etat et des cultes ces derniĂšres annĂ©es. En fait, le Conseil a suivi l’évolution gĂ©nĂ©rale de l’idĂ©e libĂ©rale, et il est aujourd’hui bien plus influencĂ©, notamment en raison du droit international et europĂ©en, par la libertĂ© libĂ©rale que par la libertĂ© rĂ©publicaine. Il a notamment intĂ©grĂ© dans sa jurisprudence le droit europĂ©en (CEDH, Charte des droits de l’Union europĂ©enne) et le droit international (le pacte de 1966 sur la protection des droits de l’Homme), autant de textes qui sont le reflet direct du libĂ©ralisme d’origine anglo-saxonne. Ainsi le Conseil d'Etat qui est le garant par excellence du droit public français est-il largement devenu, en matiĂšre de laĂŻcitĂ©, depuis une trentaine d’annĂ©es – on se souvient de son fameux avis dans l’affaire des foulards de Creil en 1989 –, un opĂ©rateur plus ou moins conscient de la diffusion d'un droit libĂ©ral au sens anglo-saxon.
Venons-en Ă  la laĂŻcitĂ© rĂ©publicaine, que vous dĂ©fendez. Elle est rĂ©guliĂšrement accusĂ©e d'ĂȘtre inadaptĂ©e aux enjeux contemporains. Comment la dĂ©fendre sans passer pour un « laĂŻcard » passĂ©iste ?
L'idĂ©e que je dĂ©fends dans ce livre, et que nous sommes nombreux Ă  dĂ©fendre dans le dĂ©bat public, est d’abord que la laĂŻcitĂ©, dans sa conception rĂ©publicaine, est conforme Ă  l'esprit comme Ă  la lettre de la laĂŻcitĂ© telle qu’elle a Ă©tĂ© voulue et inscrite dans le droit par ses fondateurs. Ce qui implique que le rĂ©cit libĂ©ral, dans le sens que l’on a indiquĂ© plus haut, qui en est fait, soit dĂ©construit, pas Ă  pas – c’est un des objectifs principaux de mon livre. Mais il faut ajouter que ce n’est pas lĂ  qu’un enjeu d’histoire des idĂ©es ou du droit. C’est une question essentielle pour nous, hic et nunc. Et ce n’est certainement pas une lubie française, un particularisme un peu dĂ©suet dans l’ocĂ©an contemporain du libĂ©ralisme qui nous vient d’AmĂ©rique. La libertĂ© au sens rĂ©publicain est une conception Ă  la fois pleinement moderne et universelle de la libertĂ© : elle peut s’appliquer partout. Elle induit que dans notre modernitĂ©, il y a une autre voie que celle proposĂ©e par le libĂ©ralisme d’origine anglo-saxonne. La voie rĂ©publicaine n'est en effet pas qu'un rĂ©gime politique, c'est une conception gĂ©nĂ©rale du rĂŽle du citoyen par rapport Ă  l'individu, de l'Etat par rapport Ă  la sociĂ©tĂ© civile, de la maniĂšre de construire le droit Ă  partir d’une communautĂ© de citoyens, souverains et Ă©gaux, qui s'oppose Ă  une sociĂ©tĂ© des individus.
On peut d’ailleurs constater qu’il existe une aspiration gĂ©nĂ©rale, au sein des sociĂ©tĂ©s de culture musulmane comme dans les autres, Ă  ce type de libertĂ©, protĂ©gĂ©e par une communautĂ© de citoyennetĂ© constituĂ©e, qui dĂ©passe l’individualitĂ© de chacun. Une libertĂ© qui nous protĂšge contre toutes les oppressions : celles bien sĂ»r qui viennent de tel ou tel pouvoir politique mais aussi celles qui viennent de tel ou tel groupe, religieux notamment, dans la sociĂ©tĂ© elle-mĂȘme, et mieux encore Ă  l’intĂ©rieur de ces groupes, une libertĂ© qui protĂšge le croyant de l’Etat comme de ses coreligionnaires lorsqu’ils voudraient lui imposer telle maniĂšre de croire ou de se comporter. La libertĂ© ne peut se rĂ©sumer Ă  « c’est mon choix » tout comme la communautĂ© ne peut se rĂ©sumer Ă  « c’est notre identitĂ© ». Il faut pouvoir opposer l’une Ă  l’autre mais surtout permettre Ă  la libertĂ© d’exister au sein de la communautĂ© elle-mĂȘme. L’idĂ©e laĂŻque protĂšge ainsi chacun d’entre nous Ă  l'intĂ©rieur d'un espace de citoyennetĂ© commun parce qu’on y a adhĂ©rĂ© volontairement et non parce qu’il nous est assignĂ© en raison de tel ou tel aspect de notre identitĂ©. Elle permet de choisir un modĂšle de sociĂ©tĂ© en mĂȘme temps qu’une maniĂšre de se gouverner, et pas seulement une maniĂšre de se comporter en raison de ses droits individuels. C’est bien un message universel dont il s’agit, mais d’un universalisme rĂ©itĂ©ratif et non de surplomb, c’est-Ă -dire qui ne s’impose pas mais qui se rĂ©pĂšte dans chaque sociĂ©tĂ©, par delĂ  les diffĂ©rences culturelles.
Tumblr media
0 notes
reseau-actu · 6 years ago
Link
Alors qu'une tribune publiée dans Le Monde Afrique l'accuse de harcÚlement et de racisme à l'égard de Rokhaya Diallo, Laurent Bouvet répond à ces accusations et analyse les ressorts de la rhétorique antiraciste employée par cette derniÚre.
Laurent Bouvet est professeur de Science politique à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il est l'auteur de L'Insécurité culturelle (Fayard, 2015).
FIGAROVOX.- Dans une tribune pour Le Monde Afrique , Hamidou Anne vous accuse d'ĂȘtre un «homme blanc, intellectuel mĂ©diatique qui contribue Ă  l'acharnement raciste contre Rokhaya Diallo» et parle d'«attaques quasi quotidiennes avec une obsession qui frise la pathologie». Que rĂ©pondez-vous Ă  ces accusations?
Laurent BOUVET.- D'abord que ce sont des accusations graves. C'est pour cela que je réponds volontiers à vos questions aprÚs l'avoir fait, briÚvement, sur les réseaux sociaux. Qu'elles soient ainsi relayées par un média comme Le Monde, voilà qui est préoccupant.
Ensuite qu'il s'agit de la partie Ă©mergĂ©e de l'iceberg. Je suis en effet quotidiennement accusĂ© ainsi, de racisme notamment, insultĂ©, pris Ă  partie et mĂȘme menacĂ©, sur les rĂ©seaux sociaux, comme les autres personnes citĂ©es dans cet article d'ailleurs (Gilles Clavreul et RaphaĂ«l Enthoven). Twitter en particulier est devenu le dĂ©versoir d'une haine le plus souvent anonyme Ă©videmment, sans aucun filtre. Tout est permis visiblement, surtout lorsque l'on est cet «homme blanc» dĂ©noncĂ© par l'auteur de l'article. L'essentialisation, caractĂ©ristique du racisme, est clairement de ce cĂŽtĂ©. Ce qui est problĂ©matique, c'est que de telles accusations de racisme ou de harcĂšlement, vis-Ă -vis de Rokhaya Diallo comme d'autres personnalitĂ©s emblĂ©matiques de cette mouvance identitaire indigĂ©niste et dĂ©coloniale (j'emploie les termes dont elle s'affuble elle-mĂȘme), sont dĂ©sormais relayĂ©es par des mĂ©dias traditionnels, ou du moins par certains de leurs journalistes qui ne font plus de diffĂ©rence entre leur mĂ©tier et leur militantisme politique ou associatif.
Qui développe et fait prospérer dans le débat public les thématiques identitaires ? Ceux qui ne cessent, comme le fait Rokhaya Diallo, de mettre à toutes les sauces la « race », qu'il s'agisse de la couleur des pansements, de la texture des cheveux, ou de la présence insuffisante de telle ou telle couleur dans les médias...
Enfin, sur le fond, quiconque se soucie des faits peut constater que si j'accepte volontiers le dĂ©bat public et donc de dire clairement les choses (en particulier sur les dĂ©rives identitaires de cette mouvance indigĂ©niste et dĂ©coloniale qui se prĂ©tend antiraciste alors qu'elle dĂ©veloppe des thĂšmes et des pratiques racialistes voire clairement racistes), je ne harcĂšle personne. DĂ©battre et harceler, ce n'est pas la mĂȘme chose. Et je ne critique pas Rokhaya Diallo Ă  raison de ce qu'elle est, de la couleur de sa peau, de sa religion ou de son genre, mais de ce qu'elle dit. Et je le fais de la mĂȘme maniĂšre avec quiconque tient les mĂȘmes propos. L'accusation de racisme pour rĂ©pondre Ă  la critique dans un dĂ©bat public est aussi indigne qu'absurde. Si je suis le raciste que dĂ©crit l'auteur de cette tribune, alors qu'il me traĂźne en justice. Le racisme est un dĂ©lit pĂ©nal et je suis pour sa rĂ©pression, sans exception.
L'auteur de la tribune qualifie d'«identitaire» votre association «Le Printemps républicain». Est-ce justifié? Pouvez-vous nous parler de cet engagement?
LĂ  aussi, le procĂ©dĂ© de l'inversion accusatoire est bien en place, mĂȘme s'il est Ă©culĂ© et ne trompe personne, du moins pas les gens de bonne foi. Qui dĂ©veloppe et fait prospĂ©rer dans le dĂ©bat public les thĂ©matiques identitaires? Ceux qui ne cessent, comme le fait Rokhaya Diallo, de mettre Ă  toutes les sauces la «race», qu'il s'agisse de la couleur des pansements, de la texture des cheveux, de la prĂ©sence insuffisante de telle ou telle couleur dans les mĂ©dias, les entreprises, etc.? Ou ceux qui dĂ©fendent dans le dĂ©bat public un humanisme universaliste certainement pas aveugle aux discriminations de toutes sortes mais soucieux de construire un espace commun dans lequel elles sont combattues par une vĂ©ritable Ă©galitĂ© des droits plutĂŽt qu'une diffĂ©renciation selon l'origine, la couleur de la peau, la religion, etc.?
Lutter contre les discriminations est un sujet sĂ©rieux, qui devrait concerner tout citoyen. Il me semble en tout cas trĂšs nĂ©faste que certains en fassent un vĂ©ritable business pour faire carriĂšre, dans les mĂ©dias en particulier. MĂȘme si ces mĂ©dias sont friands aujourd'hui de ce diffĂ©rentialisme qui assigne Ă  chacun telle ou telle identitĂ© - c'est plus simple -, l'enjeu est trop important pour le laisser ainsi ĂȘtre prĂ©emptĂ© par des entrepreneurs identitaires racialistes.
Il me semble trÚs néfaste que certains fassent de la lutte contre les discriminations un véritable business pour faire carriÚre, dans les médias en particulier.
La sociĂ©tĂ© du spectacle permet en effet Ă  certains de mener une carriĂšre (trĂšs) confortable en ayant pour seul argument sa couleur de peau, son genre, sa foi religieuse
 Et la victimisation permanente qui va avec mais cela ne fait avancer ni la lutte collective contre les discriminations ni, Ă©videmment, la construction d'un «commun» mis Ă  mal de toutes parts.
Rokhaya Diallo ne subit-elle pas tout de mĂȘme des attaques racistes?
Si bien sĂ»r, et je les condamne trĂšs fermement, d'oĂč qu'elles viennent. D'ailleurs, et c'est intĂ©ressant Ă  noter comme diffĂ©rence entre la position humaniste universaliste, comme la mienne ou celle de RaphaĂ«l Enthoven par exemple, qui dĂ©fend Rokhaya Diallo avec laquelle on est en dĂ©saccord lorsqu'elle est victime d'injures, et la position identitaire diffĂ©rentialiste, comme la sienne, qui ne nous dĂ©fend jamais face aux attaques du mĂȘme genre que l'on subit de la part de ses fans sur les rĂ©seaux sociaux par exemple. J'ai mĂȘme remarquĂ© qu'elle avait plutĂŽt tendance Ă  fĂ©liciter ses fans.
C'est un bon exemple de la diffĂ©rence, fondamentale, entre l'humanisme universaliste et l'identitarisme diffĂ©rentialiste. Pour le premier, une «femme noire» est d'abord et avant tout un ĂȘtre humain qui doit disposer des mĂȘmes droits et de la mĂȘme dignitĂ© qu'un «homme blanc» en toutes circonstances ; pour le second, un «homme blanc» est toujours dĂ©jĂ  coupable, alors qu'une «femme noire» est par «essence» une victime - sauf Ă©videmment si elle tient absolument Ă  adopter une position humaniste universaliste
 Dans ce cas, elle sera vite traitĂ©e de «bounty» (noire dehors mais blanche dedans!) ou de «nĂ©gresse de maison» par tous les fans anonymes que l'on Ă©voquait plus haut. J'invite les lecteurs qui ne sont pas familiers de Twitter Ă  aller y faire un tour pour voir l'inventivitĂ© dans l'insulte dont est capable ce (tout) petit milieu militant. C'est Ă©difiant.
Assiste-t-on rĂ©ellement Ă  une «libĂ©ration de la parole raciste en France», comme l'explique l'auteur? Que pensez-vous de la notion de «racisme d'État», qu'invoque rĂ©guliĂšrement Rokhaya Diallo?
Si l'on en croit les chiffres les plus rĂ©cents parus Ă  ce sujet (je pense ici au 27Ăšme rapport annuel de la CNCDH sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie rendu public en mars dernier), c'est factuellement faux. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de racisme, et surtout cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de discrimination raciale. On en parlait prĂ©cĂ©demment, elle doit ĂȘtre combattue avec force et constance, sous toutes ses formes.
Rokhaya Diallo me semble plus préoccupée de sa carriÚre que de quoi que ce soit d'autre, notamment d'une action collective suivie contre le racisme.
Concernant le «racisme d'État», on est une fois de plus dans la confusion la plus totale. La maniĂšre dont cette expression est employĂ©e laisse en effet penser que l'État serait raciste. C'est Ă©videmment totalement absurde. Qu'on puisse qualifier de «racisme d'État» le rĂ©gime d'apartheid qui a sĂ©vi en Afrique du Sud ou la sĂ©grĂ©gation raciale dans les États du sud des États-Unis entre la Guerre de SĂ©cession et le vote des grandes lois sur les droits civiques au milieu des annĂ©es 1960, c'est Ă©vident. Mais on voit lĂ  qu'on parle d'autre chose. On peut Ă©videmment reconnaĂźtre qu'il puisse y avoir du racisme de la part de certains agents de l'État (de la puissance publique au sens large), mais dans ce cas, il doit ĂȘtre sanctionnĂ©, et il l'est le plus souvent - si ce n'est pas le cas, il faut le dire et le redire, aucun problĂšme avec ça. La sensibilisation Ă  ces enjeux, et la lutte contre le racisme en gĂ©nĂ©ral, Ă©tant une politique publique bien ancrĂ©e aujourd'hui, fort heureusement. MĂȘme si l'on peut toujours faire plus et mieux. C'est le rĂŽle notamment de la DILCRAH.
Hamidou Anne affirme que Rokhaya Diallo «est utile Ă  l'antiracisme moderne». Justement, oĂč en est cet antiracisme moderne? Est-il le mĂȘme que dans les annĂ©es 80?
Je ne pense pas que Rokhaya Diallo soit «utile à l'antiracisme moderne». Pour au moins trois raisons.
D'abord parce qu'elle me semble plus préoccupée de sa carriÚre que de quoi que ce soit d'autre, notamment d'une action collective suivie contre le racisme. L'antiracisme me semble s'assimiler pour elle à un créneau professionnel, un secteur d'activité dont elle tire des revenus. Ce que je ne critique pas en soi mais il ne faut pas alors prétendre servir une cause qui dépasse sa propre personne.
Ensuite parce qu'elle n'inscrit pas son «engagement» dans une perspective cohĂ©rente d'un point de vue politique et thĂ©orique. En fait, elle pratique une sorte de «en mĂȘme temps»: ainsi, par exemple, se rĂ©clame-t-elle Ă  la fois des grandes figures de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis mais aussi de celles du gauchisme diffĂ©rentialiste qui ont critiquĂ© trĂšs durement les grandes figures des droits civiques. Ce qui tĂ©moigne au mieux d'un pragmatisme dĂ©contractĂ©, au pire d'une absence totale de culture politique.
Enfin parce que l'antiracisme n'est efficace - c'est l'histoire rĂ©cente qui nous l'enseigne aux États-Unis comme en France - que lorsqu'il est le rĂ©sultat d'une mobilisation commune de tous, sans aucune considĂ©ration prĂ©alable de «race» ou d'origine.
L'antiracisme ne peut s'accommoder d'un quelconque essentialisme, comme il ne peut ĂȘtre que le rĂ©sultat d'une action collective, et qu'il ne peut donc pas dĂ©pendre de la promotion de figures mĂ©diatiques qui n'ont souvent pas pu faire carriĂšre ailleurs...
Mettre de cÎté les «blancs» en expliquant qu'ils ne peuvent pas comprendre le racisme parce qu'ils ne le subissent pas ou qu'ils sont de toute maniÚre les héritiers aujourd'hui encore des crimes historiques de l'esclavage et de la colonisation, cela n'a jamais fait avancer l'antiracisme, bien au contraire.
Dit autrement, l'antiracisme ne peut s'accommoder d'un quelconque essentialisme, comme il ne peut ĂȘtre que le rĂ©sultat d'une action collective et qu'il ne peut donc pas dĂ©pendre de la promotion de figures mĂ©diatiques qui n'ont souvent pas pu faire carriĂšre ailleurs, pas plus qu'il ne peut ĂȘtre incohĂ©rent politiquement et thĂ©oriquement. C'est lĂ  le drame de l'antiracisme en France depuis les annĂ©es 1980, en partie au moins.
Tumblr media
0 notes
reseau-actu · 7 years ago
Link
Tumblr media
Eric Zemmour a Ă©tĂ© condamnĂ©, le 3 mai, par la Cour d’appel de Paris, pour provocation Ă  la haine religieuse. En 2016, dans l’émission « C Ă  vous », le journaliste avait notamment dit que la France vivait « depuis trente ans une invasion » et qu’ « une lutte pour islamiser un territoire » se dĂ©roulait « dans les innombrables banlieues françaises oĂč de nombreuses jeunes filles sont voilĂ©es ».
HabituĂ© des procĂšs en sorcellerie politique et morale, l’essayiste et polĂ©miste Eric Zemmour a Ă©tĂ© condamnĂ© en appel aprĂšs avoir tenu au sujet de l’islam des propos apparemment insupportables pour l’esprit ambiant de censure et ses bras armĂ©s judiciaires.
youtube
Il importe peu de savoir si l’on est d’accord ou pas avec la vision non politiquement correcte et manifestement blasphĂ©matoire dĂ©fendue par l’auteur du Suicide français. La vraie question posĂ©e par cet Ă©niĂšme procĂšs d’opinion est l’état de la libertĂ© d’expression dans un pays qui, pour s’en vanter abondamment, semble toutefois profondĂ©ment sinistrĂ© dans ce domaine, Ă  un point prĂ©occupant pour la dĂ©mocratie et les libertĂ©s fondamentales.
La France, le pays des droits de l’homme qui se tait
« Il est interdit d’interdire », scandait-on en mai 1968. Pourtant, et tandis qu’on s’efforce de cĂ©lĂ©brer ad nauseam le souvenir de cette Ă©popĂ©e fondatrice d’un gauchisme culturel devenu depuis l’outil idĂ©ologique de domination dans la plupart des instances – dont le Syndicat de la magistrature et son tristement cĂ©lĂšbre « mur des cons » est un bon exemple -, 50 ans plus tard il semble qu’il soit plutĂŽt bien inspirĂ© de se taire si l’on souhaite Ă©viter les bĂ»chers pour pensĂ©e non conforme et non conformiste.
A lire aussi: Georges Bensoussan, le procùs d’un innocent ?
Comme Georges Bensoussan, comme Charlie Hebdo, comme Nicolas Dupont-Aignan, comme Pascal Bruckner, comme Mohamed Louizi et tant d’autres harcelĂ©s cĂ©lĂšbres ou anonymes en raison de leurs opinions, Eric Zemmour fait Ă  son tour les frais de ce que l’on nomme dĂ©sormais un vĂ©ritable « djihad judiciaire », – ici lancĂ© par l’association EuroPalestine qui peut entre autres s’enorgueillir d’avoir portĂ© en 2004 la candidature de DieudonnĂ© aux Ă©lections europĂ©ennes -, tendant Ă  faire interdire toute critique de l’islam. L’autre versant majeur de la censure actuelle consiste Ă  verrouiller la pensĂ©e sitĂŽt qu’il s’agit d’aborder les questions migratoires sous un jour critique.
L’islamophobie, un blasphùme imaginaire
Le moyen soulevĂ© est celui de l’incitation Ă  la haine ou Ă  la discrimination, dont le maniement systĂ©matique, voire systĂ©mique, ouvre doucement mais sĂ»rement la voie Ă  la reconnaissance d’un dĂ©lit de blasphĂšme et d’ « islamophobie ». Cette derniĂšre appellation a Ă©tĂ© abondamment reprise et sans le moindre discernement ni recul critique par les principaux mĂ©dias aprĂšs l’énoncĂ© du jugement, du Figaro au Monde en passant par L’Express, alors mĂȘme qu’on sait dĂ©sormais combien ce « concept » constitue une ineptie dĂ©mocratique et intellectuelle, et l’on ne saurait dire si la presse mainstream a agi ainsi par inculture, par bĂȘtise ou par lĂąche entĂ©rinement idĂ©ologique de l’inacceptable. L’autre consĂ©quence de cette judiciarisation outranciĂšre de l’opinion publique est la gĂ©nĂ©ralisation amĂ©ricanisĂ©e et paranoĂŻde du concept de l’ « offense » oĂč chacun se sentira bientĂŽt victime des propos de tous et inversement.
Est-il encore possible de critiquer l’islam ou certaines pratiques liĂ©es Ă  l’islam sans ĂȘtre pendu en place de GrĂšve par les maĂźtres censeurs d’une pensĂ©e unique qui n’a de pensĂ©e que le nom tant elle rĂ©pugne Ă  toute forme de dialectique et de contradiction ? A-t-on encore le droit de ne pas apprĂ©cier une idĂ©ologie ou une religion sans pour autant ĂȘtre psychiatrisĂ© (dans un but de disqualification intellectuelle) en mode prĂ©tendument « phobique » ? Peut-on encore vĂ©ritablement dĂ©battre ?
La France pensée mécanique
La police de l’opinion se porte au mieux en France, dans un cadre lĂ©gislatif qui, pour tous les spĂ©cialistes de ce domaine, constitue un vĂ©ritable maquis de censures et d’interdictions, sous couvert de « libertĂ© de la presse » : le rĂ©gime de la libertĂ© d’expression est en effet rĂ©glĂ© par la loi du 29 juillet 1881 dont le nom paraĂźt bien trompeur tant il ne fait en rĂ©alitĂ© qu’énoncer depuis ses innombrables ajouts et empilements lĂ©gislatifs successifs toutes les restrictions et limitations apportĂ©es Ă  ladite libertĂ©.
La judiciarisation du champ contemporain de l’expression (et donc, de facto, de l’opinion) traduit une montĂ©e sans prĂ©cĂ©dent du niveau de censure. Les outils privilĂ©giĂ©s en sont certes les atteintes Ă  la vie privĂ©e, les questions de diffamation et d’injure, mais surtout les allĂ©gations d’incitation Ă  la haine qui servent principalement la censure idĂ©ologique actuelle.
Facebook, le réseau qui vous la ferme
Dans ce cadre lĂ©gislatif trĂšs contraint dont les activistes idĂ©ologues ont bien compris tout le bĂ©nĂ©fice qu’ils pouvaient en retirer, Ă  travers des actions judiciaires structurĂ©es et mĂ©thodiques Ă  des fins d’intimidation, la pensĂ©e de gauche française, historiquement anti-libĂ©rale et liberticide, considĂ©rant qu’aprĂšs tout, il n’y a « pas de libertĂ© pour les ennemis de la liberté », se dĂ©ploie comme un poisson dans l’eau de la censure. Le gauchisme libertaire des annĂ©es 1960-70 n’aura quant Ă  lui pas longtemps acceptĂ© de tolĂ©rer l’expression de ce qui peut le contredire, Ă  travers tout ce qui ose formuler une opinion diffĂ©rente de la sienne sur les questions sociĂ©tales dans lesquelles il s’est barricadĂ©, et dont le combat antiraciste des annĂ©es 1980 est Ă  la fois le paradigme et le corset, en lieu et place de toute pensĂ©e politique construite.
A lire aussi: Emmanuel Macron et la « fake » libertĂ© d’expression
Et comme si tout ce maquis d’interdits ne suffisait pas, Emmanuel Macron a annoncĂ© la mise en place d’une loi Ă  venir sur les fake news, sorte de superstructure mondiale de la censure, et qui aura pour principal effet de faire interdire les expressions d’opinions dĂ©clarĂ©es fausses par des magistrats Ă©rigĂ©s en nouveaux experts Ăšs vĂ©ritĂ©, Ăšs dogme, en l’occurrence le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s qui pourra statuer en urgence en pĂ©riode Ă©lectorale et faire ainsi interdire certains contenus : cette disposition extrĂȘmement inquiĂ©tante, dans un pays qui a vu la fermeture massive de plusieurs dizaines de milliers de comptes Facebook entre les deux tours de la derniĂšre Ă©lection prĂ©sidentielle, ou qui vient de voir la suppression du compte Facebook de GĂ©nĂ©ration identitaire, en dehors d’ailleurs de toute action judiciaire, par l’entreprise d’un Mark Zuckerberg devenu pourvoyeur mondial de moraline, laisse entrevoir un rĂ©trĂ©cissement encore plus spectaculaire de la libertĂ© d’expression Ă  l’avenir, rĂ©duite peu Ă  peu Ă  peau de chagrin, prise entre le marteau religieux, l’enclume politique et l’embastillement moral.
0 notes