#Doré Ogrizek
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KYOTO
AUF DER SUCHE NACH DER VERLORENEN ZEIT. Aber welches Vorurteil kann uns dazu bewegen, wertvolle Tage in diesen häßlichen modernen Städten zu verbringen, wenn weniger als eine Stunde von Osaka oder Kobe die Ruhe und Schönheit Kyotos auf unsere Bewunderung warten? Wie kamen wir eigentlich auf den Gedanken, unsere Ausflüge in Japan allein auf Fuji und Ise zu beschränken? Kyoto bezaubert von vornherein. …
Aber man hüte sich: die Atmosphäre Kyotos hat etwas Berauschendes. Europäer, die sich in der Stadt nur vierzehn Tage aufhalten wollten, sind jahrelang geblieben. Wer nach Europa zurückkehren will, sollte die Stadt nur streifen, um ihr nicht zu verfallen.
Aus: Doré Ogrizek, Japan, 1953.
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Lisbonne dans les années 1950, vue par Botelho, en bas à l’est de la Place du Commerce, en haut à l’ouest jusqu’à Belem
Le Tage est amant de Lisbonne. Amant jaloux, car il est partout. Dès qu’on s’accoude à une fenêtre, à la rampe d’un mirador, On le découvre, à deux pas, et ses poissonnières, pour qu’on ne l’oublie pas, Vont jusqu’au fond des plus lointains quartiers porter dans leur panier sa robuste haleine. Amant violent, car il eut des colères, mais tendre, car il baigne longuement les quais, les places, et devant le Terreiro do Paço, où la ville se met au balcon, il s’attarde et, pour crâner, fait croire qu’il est la mer. Amant généreux, car il a offert à Lisbonne une fortune : un des plus beaux ports d’Europe. Amant délicat, car il a orné sa rive de palais et d’églises, de jardins et de fontaines. Amant fidèle enfin, car lorsqu’il a perdu Lisbonne il va, inconsolable, se jeter dans la mer.
Catherine Domain a ouvert dans l’île Saint-Louis à Paris une librairie de voyages qui est rapidement devenue un lieu culte, c’est la librairie Ulysse. L’été, c’est une annexe, une autre librairie Ulysse, à Hendaye, sur la plage, devant les vagues et les surfeurs, qui ouvre ses portes, un cadre étonnant, le dernier endroit qu’on s’attendrait à trouver là, entre les restaurants, les écoles de surfeurs et les boutiques de souvenirs/bouées/parasols/cartes postales, mais où on reste à fureter et dont on ne peut sortir sans quelques livres sous le bras… Une véritable mine de livres rares, autour du monde, de tous les pays du monde.
C’est ici qu’un livre sur le Portugal, de 1950, à une époque où aucun pont ne traversait le Tage, non pas un guide touristique, mais un livre sur l’histoire, les arts, la culture, les provinces, les mœurs, etc., coincé au fond des rayons, me tombe dans les mains, pour un prix modique, en parfait état, écrit dans un style éblouissant, tout au long de ses 440 pages remplies d’illustrations. Un côté suranné, d’un Portugal d’autrefois, qui a bien changé depuis, surtout de façon extérieure, car le peuple et sa culture sont les mêmes. Il s’agit des éditions Odé, spécialisée dans les livres de voyage.
Les auteurs des textes sont Doré Ogrizek, Suzanne Chantal et son mari, José Augusto dos Santos. Le premier est un auteur mystérieux, dont les initiales inversées on donné le nom de l’édition, la seconde est beaucoup plus connue, comme journaliste, auteur de romans, dans l’après-guerre, notamment une grande saga sur la région de Porto, sur deux siècles, de l’invasion napoléonienne aux années 1960.
Catherine Domain dans Le Monde. A France Inter. Vidéos sur le site de la librairie.
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Un extrait du livre, Estoril et Cascais en 1950, “entre Copacabana et Deauville”. Pour donner une idée de la façon dont on écrivait encore à cette époque…
L’esplanade qui descend du Casino d’Estoril jusqu’aux Arcades est un tapis de fleurs éclatantes : sauges, canas flamboyants, pavots cornus, dessinant des mosaïques sur fond de gazon. Des géraniums roses grimpent au tronc velu des palmiers. Des automobiles allongées comme des cigares glissent sur le gravier crissant, où flânent des joueurs de tennis en flanelle blanche, des femmes en short, des caniches pomponnés. Il y a toujours foule au bar du Palace Hôtel et à la terrasse des tamaris qui domine la plage, croissant de sable peigné au peigne fin, fleuri de parasols, jonché de jolies étrangères un peu surprise que la police interdit les maillots deux-pièces et les slips. Des vélos nautiques font mousser les petites vagues indisciplinées qui déferlent sans violence sur les rochers plats. On apporte des boissons glacées aux dames qui se dorent, étendues sur des chaises longues. On potine languissamment. Le train électrique, qui vient de Lisbonne en vingt minutes, amène les maris que leurs affaires obligent à aller en ville tous les jours, des curieux, des amis venus dire bonjour, et que l’on retient pour dîner. Les soirées sont d’une suavité de miel. A la vérité, les grands hôtels et surtout le casino, construits hâtivement et à une assez mauvaise époque, alors que la fondation d’Estoril apparaissait comme une folie, ne sont pas d’un style excellent, mais sont très assidûment et élégamment fréquentés. On s’habille beaucoup car les nuits sont brillantes, illustrées de galas, de fêtes de charité, avec l’animation jamais ralentie des salons de jeux. Estoril est l’étape fleurie entre Cobacabana dont elle a le rivage lumineux et Deauville avec qui elle peut rivaliser par l’éclat de sa clientèle. Vedettes d’Hollywood, milliardaires des deux Amériques, rois et princes en exil, se croisent dans les allées de palmiers et sur les pistes de danse du Wonder Bar.
On fait à Estoril de l’équitation (un des sports les plus en faveur), du tennis, des régates sur la côte, et le golf est admirable, entre les vastes pinèdes qui autrefois glissaient comme une chevelure des contreforts de la Serra jusqu’à la mer, et où l’on a taillé les parcs de milliers de villas, luxueuses et presque toutes ravissantes, qui ont pris d’assaut les collines d’alentour, jusqu’à Monte Estoril, bouquet capiteux de tamariniers, de bambous, de pins parasols, avec des terrasses, des balcons, des murailles ruisselant d’héliotropes, de bougainvilliers et de clématites à plumets.
Les hivers d’Estoril sont extraordinairement doux, plus tièdes que ceux de la riviera italienne ou française. Il arrive souvent qu’il pleut ou bruine à Lisbonne et que le ciel d’Estoril soit radieux, nuages et brouillard se déchirant comme un manteau gris pour que le soleil baigne à flot sa terre d’élection. On peut reprocher à l’endroit d’être snob, mais c’est pour beaucoup un charme de plus. Ceux qui préfèrent le pittoresque à la mondanité n’ont qu’un bout de route à faire pour arriver à Cascais, avec sa jolie baie incurvée que dominent un cap rocheux et la forteresse où D. Diogo de Meneses résista au duc d’Albe et fut pour cela décapité. Rose au milieu d’une rugueuse enceinte de remparts gris, le palais de Cascais a été la résidence favorite du président Carmona.
Cascais ne fut longtemps qu’un village de pêcheurs. Les estivants, les peintres, l’ont découverte, et les villas ont foisonné, un peu au hasard. Beaucoup de maisonnettes de sardiniers ont été aménagées et ouvrent au ras de l’eau des baies ourlées de pélargoniums et de chintz glacé. Mais la plupart des gens de Cascais ont continué à vivre dans leurs maisons basses, en enfilade au long des rues raboteuses qui vont vers la mer. Chaque jour les barques sortent, ramènent au soir tombant de pleins filets de soles, de daurades, de calmars qu’on vend à la nuitée sur de grands étals en plein vent, sous la lumière crue des lampes électriques. Parfois des dames en robe du soir s’arrêtent, car le spectacle est animé, par les belles nuits, avec les pêcheurs en chemise de laine, les poissonnières aux gestes prompts, le glissant scintillement des écailles, et les pantelants soubresauts des grands turbots qu’on dépèce au couteau.
Estoril a l’apanage des banquets d’apparat, mais c’est à Cascais qu’on organise les déjeuners gourmands, de crustacés et de poisson grillé, les goûters merveilleux, à base de sucreries de coing, d’amandes, de gâteaux fourrés.
La messe du dimanche mêle les deux populations de Cascais, femmes du peuple et dames de la ville, la tête pareillement couverte du châle de dentelle noire. La petite église de l’Ascenção contient quatre primitifs attribués à Gregorio Lopes et inspirés par la vie de la Vierge. On la visite moins que la Bouche de l’Enfer, sur la route de corniche qui domine de vingt mètres la mer, et où s’ouvre une entaille profonde où les vagues s’engouffrent en mugissant, jetant par gros temps des gerbes d’écume qui jaillissent comme des geysers. Le site est grandiose, d’une beauté angoissante. On y compta de nombreux suicides, généralement passionnels.
Ode au Tage Lisbonne dans les années 1950, vue par Botelho, en bas à l'est de la Place du Commerce, en haut à l'ouest jusqu'à Belem…
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