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Ce ne sont que des cheveux blancs - 21/03/2018
Un jour plus calme que les autres, je me regarde. Prise d’ennui, j’ai pris le temps de me contempler de près.
Non, de loin d’abord, de loin d’abord, en face d’un moi-même sur un plan incliné. 
J’ai pris la bonne habitude de perdre cette mauvaise habitude de compartimenter les zones à haut potentiel de complexe. Hanches et fesses, de profil et de face, cuisses et hauts de cuisse, ventre, seins, bras. Je me retourne et tente de me voir de dos comme il n’a jamais été possible, n’est pas possible, et ne sera jamais possible de bien faire. On se tord le cou à vouloir voir son derrière, toujours le même pourtant. Mais on ne sait jamais, il a peut-être changer. Alors on oublie que c’est impossible et on tente la posture du hibou. On ne change ni les gens ni son derrière. Ce sont les gens et notre derrière qui se changent de leur plein gré.

Aujourd’hui est un jour mâture. Je me vois en un, d’un coup, un être composé de.. mais d’abord un être d’abord. composé de… mais d’abord un tout… un tout… un… tout et non… et non pas des parties collées les unes aux autres qui auraient mieux fait d’être plus comme ça, moins comme ci, pourquoi moi pourquoi moi, trop gras trop petit trop mou, d’après les photos des autres corps des autres femmes sur la planète.


La fierté d’être sans couture mentale. 


Aujourd’hui, ce même aujourd’hui que tous ceux des dernières années, je me regarde en être unique comme on regarde l’esprit de quelqu’un en l’écoutant dire ce qu’il pense de quelque chose de sensible. Une sensibilité matérialisée par des bras, des jambes et des fesses et des cuisses et des hanches. Mes hanches pensent comme personne. Elles ont une sacrée personnalité. Elles ont leur propre point de vue sur ce qui se passent à ma droite et ma gauche et ça personne ne pourra leur enlever. 
Je suis un tout et ça fait du bien.
Aujourd’hui, Un jour plus calme que les autres, je me regarde. Prise d’ennui, j’ai pris le temps de me contempler de près. Je me suis approchée pour zoomer sur moi-même et j’ai arrangé mes cheveux pour déplacer la raie sur le côté. Des chemins blancs nombreux partent de la raie et traverse ma chevelure. 
L’âge tisse sa toile sur mon crane et m’inscrit dans une temporalité foudroyante. Quelque chose a disparu, quelque chose est parti à jamais. Plus de retour en arrière possible. J’aurais beau tenter de surveiller mon derrière, je n’empêcherai pas l’araignée de tricoter tricoter tricoter sur le sommet de mon corps. 
Prendre de l’âge. Mais le prendre à qui ? À soi-même peut-être. J’ai pris l’âge que j’avais. Je l’ai bouloté. L’araignée chronophage a mangé mes âges et les a digérés pour en faire des fils. Et chaque fil est un moment. Les chauves n’ont plus de souvenir. Ce sont des anorexiques de la mémoire. J’analyse d’encore plus près un des cheveux pour savoir de quel souvenir il s’agit. Je souris et mes dents sont encore là , une chance. Je détourne et ne me sens pas plus vielle qu’avant d’avoir vu cette prolifération de fils blancs dans mes cheveux.
Ce ne sont que des cheveux blancs.
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