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EXCLUSIF - Pour la première fois au monde, 30 historiens des religions ont analysé le texte sacré en le restituant dans son contexte historique. Le Figaro Magazine révèle de larges extraits de ce Coran des historiens.
Publié aux Éditions du Cerf, Le Coran des historiens est d’abord le fruit d’un travail scientifique rigoureux et exemplaire, mais aussi une arme pacifique contre ceux qui font du livre fondateur de l’islam une lecture littéraliste, un texte inspiré de la seule parole d’Allah, une pure révélation divine qui ne saurait être analysée, étudiée, critiquée. Nous en publions des extraits en exclusivité.
1. Mahomet, cet inconnu
Le Coran est malheureusement d’une pertinence très limitée pour reconstruire la vie de Mahomet et les divers événements relatifs à sa carrière prophétique. En effet, le Coran est un texte profondément anhistorique. À la différence des Évangiles du Nouveau Testament chrétien, par exemple, il n’y est pas question des événements de la vie de Mahomet ou de l’histoire ancienne de la communauté religieuse qu’il a fondée. Le Coran sert plutôt avant tout à réunir des fragments de traditions bibliques et arabes plus anciennes par l’intermédiaire de la figure du Prophète, en excluant de son champ les aléas du temps et de l’espace. En ne se fondant que sur le Coran, on pourrait probablement déduire que le protagoniste du Coran est Mahomet, qu’il a vécu en Arabie occidentale et qu’il en voulait amèrement à ses contemporains qui récusaient ses prétentions à la prophétie. Mais on ne pourrait pas dire que le sanctuaire se trouvait à La Mecque, ni que Mahomet lui-même venait de là, et on ne pourrait que supposer qu’il s’était établi à Médine.
En cherchant à lire le Coran à contre-courant des récits traditionnels sur les origines de l’islam, il est possible de déterrer une strate plus ancienne dans le développement de la foi musulmane
Le Coran des historiens
2. Un Coran à contre-courant
Le Coran est notre unique porte d’entrée dans le premier siècle de l’islam. Bien qu’il ne révèle que très peu de choses sur les événements de la vie de Mahomet et de l’histoire ancienne de la communauté religieuse qu’il a fondée, il est toutefois censé conserver des traces de son enseignement. En tant que document littéraire musulman le plus ancien, et même seul document littéraire du premier siècle de l’islam, le Coran constitue un témoin précieux pour comprendre les croyances religieuses de Mahomet, telles qu’elles furent interprétées par ses disciples les plus anciens. Ainsi, le Coran nous offre la meilleure chance de soulever le voile sur le mythe des origines islamiques.
En cherchant à lire le Coran à contre-courant des récits traditionnels sur les origines de l’islam (et non en conformité avec ces récits), il est possible de déterrer une strate plus ancienne dans le développement de la foi musulmane. Cela n’implique bien évidemment pas d’interpréter systématiquement le Coran en allant contre la tradition établie. Il s’agit plutôt, en suivant les méthodes des études bibliques, de repérer les endroits où le texte coranique semble en tension avec les récits traditionnels sur les débuts de l’islam, tout en cherchant des anomalies parallèles dans la tradition ancienne qui, de la même manière, ne s’accordent pas avec l’image généralement véhiculée par les récits postérieurs. En mettant à jour de tels écarts herméneutiques entre le texte sacré et la tradition, on découvre un espace qui nous invite potentiellement à découvrir une autre sorte d’islam dans ses tout débuts - un mouvement religieux qui n’était peut-être pas complètement différent de ce qu’il deviendra, mais qui possédait tout de même des caractéristiques bien distinctes.
3. L’influence du christianisme oriental
A) Les invocations
En Orient, domine la confusion entre les différentes chrétientés que Byzance a jugées hérétiques, principalement les monophysites et les nestoriens. Elle a profondément marqué le milieu dans lequel est né l’islam. Ainsi, pour ne donner que deux exemples de la profonde influence nestorienne, la fameuse formule qui introduit chaque sourate du Coran («Au nom de Dieu: celui qui fait miséricorde, le Miséricordieux») semble traduire le début de la troisième prière eucharistique de Nestorius: «Ô Seigneur Dieu, le Clément qui fait miséricorde, le Compatissant». De même, il ressort que l’origine de la confession de foi de l’islam («J’atteste qu’il n’y a pas de divinité en dehors de Dieu») doit être également cherchée dans un milieu nestorien.
Dis aux croyantes de baisser leurs regards, d’être chastes, de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît. Qu’elles rabattent leurs voiles sur leurs gorges !
Le Coran
B) Le voile
La Didascalie des apôtres (une exhortation chrétienne du IIIe siècle en Syrie) était en circulation en Arabie avant l’émergence de l’islam et constituait un document de pertinence plausible pour l’auditoire originel du Coran. À propos du voile de la femme, la Didascalie syriaque dit en effet ceci: «Si tu veux devenir une femme croyante, sois belle pour ton mari seulement. Et lorsque tu marches dans la rue, couvre ta tête avec ton habit, afin que grâce à ton voile, ta grande beauté puisse être couverte. Et ne peins pas les contours de tes yeux, mais baisse ton regard. Et marche voilée.» L’objectif de ces instructions est de contenir l’attraction sexuelle à l’intérieur de la sphère autorisée du mariage.
Or, dans le Coran (24: 30-31), Dieu ordonne à son prophète de dire aux croyants - à la fois hommes et femmes - ce qui suit: «Dis aux croyants qu’ils baissent leurs regards et soient pudiques. Ce sera plus décent pour eux. Dieu est bien informé de ce qu’ils font. Dis aux croyantes de baisser leurs regards, d’être chastes, de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît. Qu’elles rabattent leurs voiles sur leurs gorges! Qu’elles montrent seulement leurs atours à leurs époux, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs époux, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs époux, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou à leurs femmes, ou à leurs esclaves, ou à leurs serviteurs mâles que n’habite pas le désir [charnel], ou aux garçons qui ne sont pas [encore] au fait de la conformation des femmes. Que [les croyantes] ne frappent point [le sol] de leurs pieds pour montrer les atours qu’elles cachent! Revenez tous à Dieu, ô croyants! Peut-être serez-vous bienheureux.»
Tandis que la Didascalie ne s’adresse qu’aux femmes, le Coran s’adresse à la fois aux hommes et aux femmes. Tandis que dans la Didascalie, la beauté d’une femme croyante est réservée exclusivement à son mari, le Coran énonce des exceptions pour cinq groupes. Mais tout comme la Didascalie, le Coran cherche à canaliser l’attraction sexuelle et à la restreindre à la sphère du mariage. En plus des parallèles thématiques clairs entre les deux textes, il se trouve aussi de nets parallèles linguistiques. Ces parallèles thématiques et linguistiques prouvent l’existence d’un environnement légal commun qui suggère que l’auditoire du Coran connaissait la Didascalie syriaque. À l’instar de ce qu’il a fait avec la Bible hébraïque et le Talmud, le Coran en modifie certaines règles afin de les adapter au contexte arabe.
Paris, octobre 2019. Karim Daher
C) Les interdictions alimentaires
Durant le Ier siècle de l’ère commune, comme le rapportent les Actes des apôtres, certains des membres du mouvement initié par Jésus ont insisté sur le fait que les croyants païens devaient observer la loi de Moïse, tandis que d’autres, tels Pierre et Paul, soutenaient que cette charge ne devait pas être placée sur les «nuques» des païens. Les deux groupes opposés trouvèrent un compromis. Les apôtres et les anciens envoyèrent deux représentants à Antioche munis d’une lettre informant les païens croyants au Christ qu’ils étaient tenus de s’abstenir de seulement quatre pratiques mosaïques: «L’Ésprit saint et nous-mêmes, nous avons en effet décidé de ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inévitables: vous abstenir des viandes de sacrifices païens, du sang, des animaux étouffés et de l’immoralité. Si vous évitez tout cela avec soin, vous aurez bien agi.»
En 683-684, ce passage est cité presque mot pour mot par Athanase de Balad, le patriarche jacobite d’Antioche, dans une lettre encyclique écrite en syriaque. Il se réfère entre autres aux mots des Apôtres qui avaient ordonné aux croyants païens de «se tenir à distance de la fornication». Il ajoute que les croyants païens doivent aussi se tenir à distance «de ce qui est étouffé et du sang, ainsi que de la nourriture issue de l’abattage païen, sans quoi ils s’associeraient aux démons et à leur table impropre».
Pour sa part, le Coran (5: 3-5) indique: «Illicites ont été déclarés pour vous [la chair de] la bête morte, le sang, la chair du porc et de ce qui a été consacré à un autre [dieu] que Dieu, [la chair de] la bête étouffée, de la bête tombée sous des coups, de la bête morte d’une chute [ou] d’un coup de corne, [la chair de] ce que les fauves ont dévoré - sauf si vous l’avez purifiée -, [la chair de] ce qui est abattu devant les pierres dressées, ainsi que de consulter le sort par division par les flèches - tout cela est perversité.»
Bien que l’ordre de présentation diffère de celui des deux autres textes, les Actes des apôtres et la Lettre Athanase, le Coran prescrit les mêmes interdits aux croyants. Là encore, les parallèles thématiques et linguistiques indiquent l’existence d’un environnement juridique commun.
4. Le modèle manichéen
Des matériaux archéologiques récemment découverts en Haute-Égypte et en Asie centrale mettent en évidence combien le manichéisme se caractérisait comme «religion du livre», autrement dit endossait l’idée d’une essence immuable de la théologie. Sur cette base, la religion qu’embrassaient les manichéens apparaissait comme la fondation d’une communauté nouvelle formée de toutes les nations, la religion de l’histoire accomplie. La signification de la formule impliquait aussi dans ces milieux une prolifération matérielle de livres pour y sustenter l’activité prosélyte. Dès l’émergence de ce courant, la prééminence de l’écrit alla de pair avec le foisonnement de textes les plus divers dans l’entourage immédiat du fondateur. La plupart de ces écrits étaient à usage interne, mais plusieurs d’entre eux étaient destinés à la société politique. Le but recherché était bien s��r missionnaire et apologétique. Mais ceux qui pensaient et écrivaient restaient proches de la cour et de l’administration de l’État.
Le Coran des historiens, s
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The Divine Guide In Early Shi'ism ~ Mohammad Ali Amir-Moezzi
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“Two thousand years before creation, Muhammad and ‘Ali were one Light (nur) before God.” – Imam Ja’far al-Sadiq, (Mohammad Ali Amir-Moezzi, The Divine Guide in Early Shi ‘ism, p. 31) #Ismailis #Ismailism #AgaKhan #AhlAlBayt #ProudIsmaili #HazarImam #OneJamat #DiamondJubilee #CanadaCelebratesDJ #ProudToBeACanadianIsmaili #USAVisit
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HISTOIRE : Lire le Coran « avant l’islam » 78682 homes
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HISTOIRE : Lire le Coran « avant l’islam »
Le Coran des historiens, Sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, Cerf, 2386 p., 89 €Une recension d’Anne-Bénédicte Hoffner, la-croix.comSous la direction de deux islamologues, Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, paraît une ambitieuse synthèse d’une partie de la recherche historique sur le Coran.Depuis les années 1970 et plus encore ces dernières années, le Coran et les origines de l’islam suscitent un « bouillonnement scientifique », marqué par une multiplication d…
homms2013
#Informationsanté
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Footnote 21 from "Icon and Meditation: Between Popular Art and Sufism in Imami Shi'ism" by Mohammad Ali Amir-Moezzi, in The Art and Material Culture of Iranian Shi'ism, ed. Pedram Khosronejad.
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Pour la première fois dans le monde, trente spécialistes ont décrypté le livre saint de l’Islam. Ils livrent une analyse circonstanciée du texte, accessible au grand public, dans le "Coran des historiens" (éditions du Cerf). Rencontre avec l’un de ses codirecteurs, Mohammad Ali Amir-Moezzi.
Pour la première fois dans le monde, trente spécialistes ont décrypté le livre saint de l’Islam. Ils livrent une analyse circonstanciée du texte, accessible au grand public, dans Le Coran des historiens. Rencontre avec l’un de ses codirecteurs, Mohammad Ali Amir-Moezzi.
Marianne : Depuis quand êtes-vous travaillé par cette idée d’une contextualisation du texte saint pour les non savants ?
Mohammad Ali Amir-Moezzi : Le travail de contextualisation du Coran est ancien, il remonte au XIXe siècle avec le début des études scientifiques sur le Coran notamment par les biblistes allemands et de grands savants juifs. Ce qui intriguait ces derniers, c'était justement la présence massive du judaïsme dans le texte saint.
Depuis la fin du XXe siècle, on a assisté à une accélération des études sur le Coran. Pour y voir plus clair, j’ai commencé moi-même avec la publication du Dictionnaire du Coran en 2007 (Robert Laffont). Il s’agissait de présenter la pluralité des perceptions musulmanes du livre fondateur de l’Islam, souvent perçu à tort comme un bloc monolithique.
Le Coran des historiens s'inscrit dans une autre démarche. L'idée est de mettre à disposition d'un large public une synthèse des études scientifiques sur ce texte depuis le XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui augmentée de réflexions actuelles. Avec Guillaume Dye, nous avons mis sur pied une équipe de chercheurs internationaux composée d'historiens et de spécialistes du Coran. Pour la première fois au monde, nous avons donc contextualisé ce texte saint et l’avons commenté en amont de ce qu’en disent les sources islamiques.
Comment avez-vous procédé, tant pour le choix des 30 spécialistes que pour la méthodologie ?
Nous avons décidé d'étudier le texte du Coran "à l’état brut", en amont de ce qu’en disent les sources musulmanes. Celles-ci ont été déterminées par l'histoire politique et doctrinale très mouvementée au début de l’islam. Les commentateurs voient dans le texte ce qu'ils ont envie d'y voir selon leur appartenance théologico-politique. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les apports des scientifiques depuis deux siècles ainsi que sur les recherches des plus grands spécialistes actuels.
Une très grande introduction (Vol. 1) s’avérait nécessaire afin de revenir sur le contexte du Proche et Moyen-Orient à l'époque de l'avènement de Mahomet et de la genèse du Coran. On trouve aussi des études sur les manuscrits, les données archéologiques, le droit... Nous avons fait appel aux meilleurs chercheurs reconnus chacun dans leur discipline respective, et aussi à de jeunes spécialistes particulièrement brillants que nous voulions faire connaitre.
Le deuxième volume est un commentaire continu du livre saint, du début à la fin. Pour ce travail, nous avons collaborés avec des historiens du Coran, c'est-à-dire ceux qui travaillent selon la méthode historico-critique sur le Coran en tant que texte historique, religieux, et littéraire du VIe et VIIe siècle.
Il faut savoir que pour très peu de croyants musulmans le Coran est une source directe
Le Coran est considéré par bon nombre de croyants comme une source directe de la foi, sans interprétation possible. La contextualisation n’est-elle pas perçue comme une menace à l’égard de la foi par les fidèles ?
Tout d'abord, il faut savoir que pour très peu de croyants musulmans, le Coran est une source directe. En effet, le texte est écrit dans un arabe archaïque, généralement différent de l'arabe littéraire dit "classique". Seuls 15% des musulmans dans le monde sont arabes ou arabophones. Les plus grands pays musulmans sont le Nigeria et l'Indonésie, qui n'ont rien à voir avec la culture ou la langue arabe. La moitié de la population musulmane mondiale se trouve dans le continent indien (Pakistan, Inde, Bangladesh). Vous ajoutez à cela l'islam turc, africain, balkanique... Tous ces gens là ne connaissent pas l'arabe. Et même dans les pays arabophones, le nombre de personnes analphabètes et/ou peu lettrées est conséquent. Seul un pourcentage infime de musulmans comprend directement le Coran dans la langue. Ce qu'apprennent les croyants passe par le filtre de commentateurs, de la littérature secondaire. Les interprétations sont donc extrêmement variées (mystique, juridique, philosophique, politique...), issues de diverses traditions. Le Coran est donc loin d'être une source directe !
Pour revenir à votre question, il est certain que certains perçoivent cette mise en contexte comme une menace, mais à mon avis sans raison. La foi porte sur des sujets essentiels, intimes de l'existence du fidèle. Parfois, pour avoir une bonne connaissance de ce qui est essentiel, il faut aussi connaître ce qui est accessoire. Une étude philologique du Coran avant les ajouts exégétiques peut même consolider la foi. En effet, il s’agit de se pencher sur ce que dit véritablement ce texte avant l’exégèse des traditions - dépendant souvent d’un contexte différent de celui qui a vu naître le Coran.
Il est vrai qu'une vision distanciée, sereine des choses la foi est le fruit d'une histoire occidentale (avec l’exégèse biblique médiévale, l'Humanisme, les Lumières...). Cette approche critique fait partie des fondements de la pensée moderne dont la tolérance est une des composantes majeures. Cela a pris du temps et provoqué nombre de conflits, mais finalement la mentalité occidentale, aussi bien chez les juifs que les chrétiens, a intégré une vision contextualisée, du fait religieux. A l'inverse la grande majorité des musulmans n'a pas encore intégré cette histoire. La vision critique des choses de la foi n'est pas encore assimilée. Cependant, je crois que les choses sont en train de changer.
Une distinction peut donc être faite entre les croyances et la foi
Dans quelle mesure cette somme peut-elle alors trouver un écho dans la sphère religieuse ?
Il y a dans le monde musulman ce que je nomme "l'apprentissage par la souffrance"… Il peut paraître banal de préciser que les premières victimes de l'islamisme violent sont les musulmans mais rappeler les évidences s’avère souvent utile. On observe de plus en plus de frémissements chez des penseurs musulmans qui ne peuvent plus se satisfaire de dire "tout ce qui arrive aux musulmans c'est la faute du sionisme, de l'impérialisme, du colonialisme !" Certes, les éléments géopolitiques ne peuvent être niés, mais les intellectuels musulmans estiment, de plus en plus, que quelque chose dans nos propres traditions pose problème. Dans l'Orient musulman, par exemple en Iran, de plus en plus de savants religieux affirment qu'il faut regarder nos traditions avec de nouvelles lunettes (sans doute par réaction aux conséquences violentes de la révolution islamique.) Et ces nouvelles lunettes sont souvent d’ordre scientifique !
Cela peut faire écho à ce qu’expliquaient certains penseurs de l'islam médiéval comme Ghazâmî ou Ibn Arabî : parfois, la perte d'un certain nombre de croyances consolide la foi. Une distinction peut donc être faite entre les croyances et la foi, et il y a des croyances qui polluent la pureté de la foi. L’étude non-idéologique aide à clarifier cette distinction. Il est alors essentiel d’historiciser, de contextualiser, et d’introduire l'histoire et la géographie dans les choses de la foi afin d’y neutraliser la perception absolutiste qui favorise le fanatisme
Ce Coran des historiens remet-il en question des croyances communément admises chez les croyants aujourd’hui ?
Contrairement à ce que dit la tradition islamique issue des conquêtes et de la naissance de l'empire pour qui l'Islam serait en rupture avec les monothéisme antérieurs et qui présente le Coran comme un livre supérieur à toute les Écritures, le Coran ne constitue pas une rupture avec les Écritures saintes du judaïsme ou du christianisme. Il y a un continuum. Le Coran lui-même en est la preuve ! Il appartient à la tradition textuelle monothéiste de l'Antiquité tardive, à chaque page on voit les traces d’une connaissance particulière de ce qu’on pourrait appeler la spiritualité biblique.
Le Coran a-t-il été "dénaturé" par l'histoire politique ? Ce texte saint semble devenir un texte politico-religieux après les califats et les conquêtes arabes…
Dans la religion, le temporel et le spirituel sont immanquablement liés. Par exemple, dans l'Ancien testament, la venue des Hébreux de l’Égypte vers la Terre promise est un évènement à la fois religieux et politique. Attention au piège de l’anachronisme, il ne s’agit pas de juger ces textes avec nos lunettes actuelles. Ils appartiennent au temps et au lieu qui sont les leurs. . Ainsi, si Mahomet était né au Mexique, ou s'il avait vécu au IVe siècle avant J.C, le discours n’aurait pas été le même. La question est : comment aborde-t-on ces textes saints ? Des parties violentes existent dans le Coran comme dans l’Ancien Testament. Or, l’immense majorité des juifs a accepté que les aspects temporels de leurs Écritures relèvent de textes historiques que l’on ne peut plus appliquer à la lettre, contrairement aux aspects spirituels qui concernent la vie intérieure des fidèles. Ce travail de contextualisation est également nécessaire pour l’islam.
Le texte coranique appartient à son temps
L’historien n’a pas pour mission de régler les questions théologiques. Néanmoins que nous dit le Coran sur la place des femmes, les minorités juives et chrétiennes ?
D'abord, une précision. Les Juifs et surtout les chrétiens deviennent minoritaires plusieurs siècles après les conquêtes. Contrairement à ce qu'affirment les sources apologétiques, la mise en place d'une religion est très lente, tout comme les conversions.
Le texte coranique appartient à son temps. En effet, selon l'anthropologie coranique le musulman est supérieur au non-musulman, l'homme libre est supérieur à l'esclave, l'homme est supérieur à la femme. Mais la femme dispose quand même un certain nombre de droits. Il faut savoir également que l'évolution du droit musulman est souvent non-coranique, voire anti-coranique. Par exemple, selon le Coran, la fille hérite de ses parents la moitié de ce dont hérite le fils. Pourtant, dans beaucoup de pays sunnites aujourd’hui, la femme n'hérite de rien tant qu’il reste des hommes héritiers.
Lire aussiQue dit vraiment le Coran sur les juifs ?
Par ailleurs, le Coran est un corpus qui contient des contradictions. C'est pour cela que les musulmans ont mis sur pied une science - assez curieuse - qui est la science de l'abrogation, afin de justifier ces contradictions. Ils ont donc établi une chronologie arbitraire, au sujet de laquelle les savants divergent, selon laquelle les versets anciens en contradictions avec les plus récents sont abrogés. Par exemple, sur le vin, le Coran propose trois positions : le vin est un breuvage paradisiaque, il peut être bu en dehors du temps de la prière, enfin il est diabolique donc absolument interdit. La chronologie exacte ne pouvant pas être déterminée, on se demande pourquoi l’orthodoxie a toujours opté pour la position la plus dure. Cette ambivalence concerne juifs et chrétiens. On trouve des versets extrêmement élogieux où les descendant d’Israël sont appelés "le peuple élu". Les chrétiens pieux sont considérés dans certains versets comme les hommes particulièrement aimés de Dieu. Et puis, on trouve aussi les versets guerriers, avec l'appel au combat contre les mêmes. Encore une fois, l'Islam a opté pour l’abrogation des versets "plus doux", conservant les versets "plus durs".
Comment expliquer ces versets si opposés ?
Plusieurs hypothèses ont été avancées par les savants. Il est possible que tout le Coran ne date pas de l'époque de Mahomet. Des parties ont pu être rédigées après les conquêtes, les versets les plus guerriers serviraient à justifier la domination des peuples conquis par le pouvoir califal. Une autre explication peut se trouver dans l'entourage de Mahomet, composé de différentes catégories de croyants. Il y avait des apocalyptiques pour qui la fin du monde était très proche, pacifistes vis-à-vis des autres religions, et qui croyaient à l’avènement imminent du jugement dernier. A côté de ces gens là, et parfois contre eux, se trouvaient des fidèles belliqueux, bien plus conquérants, en quête de pouvoir et butins. Le Coran serait un texte de compromis entre les idées de ces deux groupes. Ce sont des pistes de recherche et l’historien n’a pas encore de réponses définitives à ces questions.
Il est impossible de faire une biographie historique du prophète
Que sait-on de Mahomet ?
Très peu de chose si l’on se fonde sur le Coran ! Celui-ci parle infiniment plus d'Abraham, Moïse ou Noé que de Mahomet qui n'est cité que cinq fois dans l’ensemble du texte, contre 136 fois pour Moïse (le plus cité) ou 69 fois pour Abraham. Si nous lisons le texte sans les filtres exégétiques qui ont vu Mahomet partout, nous n'apprenons rien sur la vie du Prophète. Chez les spécialistes de l'Islam, on aime à dire que "le Coran est un texte sans contexte". Dans l'introduction de notre ouvrage il y a un long chapitre sur les vies de Mahomet particulièrement intéressant me semble-t-il car il explique les raisons pour lesquelles il est impossible de faire une biographie historique du prophète.
Ce qui est possible c’est une histoire des représentations de Mahomet créées par la tradition islamique (images politique, ascétique, eschatologique, mystique...). Il y a de multiples figures du prophète, souvent contradictoires avant le travail tardif d’uniformisation des textes, mais sa réalité historique demeure impossible à saisir. Et pourtant son existence est certaine : même des sources non-islamiques contemporaines parlent de lui. Il est fascinant de voir qu'il est présenté comme appartenant à la tradition biblique. Des textes de traditions juives décrivent un prophète arabe, envoyé par Dieu pour libérer Jérusalem du joug byzantin. Dans des textes chrétiens on évoque un prophète arabe qui annonce la fin des temps et la venue du messie, et ce messie "est le nôtre", précisent-ils.
Lire aussiCe que l'islam a de juif et ce que les Arabes ont de chrétien
La rareté de Mahomet est étrange dans un texte qui devrait le concerner avant tout...
Il est vrai que cet aspect est problématique. A propos de Mahomet, le Coran dit même que c'est un homme comme les autres. Il a l'image d'un homme ordinaire, mais investi d'une mission divine, qui est d'avertir de la fin imminente du monde et demander aux gens de revenir vers Dieu. En effet, le Coran, dans ses couches les plus anciennes, est un texte apocalyptique.
Ce travail représente-il un risque pour les auteurs du Coran des historiens ?
Non, je ne pense pas. Ce que nous écrivons dans cet ouvrage n'a rien d'outrancier à l'égard de l'Islam et son livre saint. J’ajoute que les réactions violentes n'ont pas attendu ce livre pour exister. Nous avons essayé, en tant qu'historiens, d'être objectif, et sommes toujours respectueux de notre objet de recherche comme c’est le cas dans toute investigation scientifique.
Est-ce qu'il va être distribué à l'étranger ?
Certainement. Il aura sûrement moins de lecteur dans les pays musulmans car il n'y en a pas beaucoup qui lisent le français. Mais parmi les francophones, des intellectuels, des lettrés, voire des religieux seront intéressés par ce que l’on dit. Ils ne seront peut-être pas d'accord avec tout ce que nous affirmons… Mais même entre historiens, y compris les auteurs de ce livre, nous ne sommes pas toujours du même avis !
>> Le Coran des historiens, sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye, coffret de 3 volumes, éditions du Cerf, 2019
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“Our walāyah is the walāyah of God. Every prophet was only ever sent for it; the walāyah of ‘Alī is inscribed in the books of the prophets; a messenger was only ever sent to proclaim the prophethood of Muḥammad and the walāyah of ‘Alī.” – Imām Ja‘far al-Ṣādiq, (Mohammad Ali Amir-Moezzi, The Spirituality of Shi‘i Islam, 258) #Ismailis #Ismailism #AgaKhan #AhlAlBayt #ProudIsmaili #HazarImam #OneJamat #DiamondJubilee #CanadaCelebratesDJ #ProudToBeACanadianIsmaili #USAVisit #IndiaVisit Please visit www.ismailignosis.com or ask.ismailignosis.com or visit our Facebook page www.facebook.com/IsmailiGnosis for more gems about Mawlana Hazar Imam, the Imamat, and Ismaili history and philosophy.
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