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La Chouape et la ouananiche
Parmi les rares choses ayant connu une amélioration au Québec ces dernières années, on trouve certainement la fabrication de bières de qualité. Le nombre de microbrasseries a presque doublé entre 2011 et 2017, passant de 102 à 190 entreprises brassicoles, selon l’Association des microbrasseurs du Québec (AMBQ). Concrètement, cette expansion se traduit par une plus grande variété de produits sur le marché, ce qui ne veut pas dire que l’on trouve de tout, partout. Encore aujourd’hui, dans plusieurs dépanneurs de Montréal, on ne trouve même pas de bières de microbrasseries.
Je souhaiterais pouvoir acheter au dépanneur du coin une Morsure du Trou du diable ou une Ambrée amère de La Chouape, deux pale ales que j’aime particulièrement. Même dans la section « microbrasserie » de mon supermarché, on ne trouve à peu près que des produits de Montréal ou des environs. Mais il y a de l’espoir. Avec l’achat par Molson de l’usine d’embouteillage du Trou du diable, ces bières seront possiblement offertes dans davantage de points de vente. On peut se permettre de rêver également du côté de la Chouape. Un article du journal Le Quotidien paru en janvier indiquait qu’en plus d’avoir acquis de nouveaux équipements pour doubler sa production, la microbrasserie vise, par un partenariat avec un nouveau distributeur, à augmenter sa part de marché à Montréal. Wouhou.
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Je dois confesser que mon amour des produits de La Chouape de Saint-Félicien ne témoigne pas uniquement de mon bon goût, mais aussi de mes origines. Je suis née à Saint-Fé et j’y reste attachée. Cet attachement aux origines, porteur de sens, teinte d’ailleurs l’identité de la Chouape. Par la fabrication de bières artisanales, son co-fondateur, Louis Hébert, s’inscrit dans la lignée de ses ancêtres maîtres-céréaliers (la céréale, à la base du malt, est un ingrédient essentiel de la bière). La famille Hébert a entrepris la culture céréalière à Saint-Félicien à la fin du 19e siècle, en bordure de l’Ashuapmushuan, rivière qui traverse la municipalité. C’est de ce cours d’eau que la microbrasserie tire son nom de langue innue, signifiant « endroit où l’on guette l’orignal ».
On pourrait dire que l’Ashuapmushuan aussi, d’une certaine manière, reste fidèle à ses origines. C’est l’une des dernières rivières vierges du Québec. Hydro-Québec a longtemps projeté d’y construire une centrale hydroélectrique, mais a abandonné l’idée en 2003. Cette année-là, le cours d’eau s’est vu attribuer un statut temporaire d’aire protégée (réserve aquatique projetée), qui, l’an dernier, a été renouvelé jusqu’en 2025. À la lumière de la loi sur les hydrocarbures adoptée l’an dernier, on peut se demander quelle est désormais la valeur effective du statut d’aire protégée. En vertu de cette loi, des projets d’exploitation d’hydrocarbures pourraient avoir lieu à 60 mètres de telles zones. Soixante mètres, c’est la longueur d’une patinoire de hockey standard en Amérique du Nord. Un slapshot.
Les eaux de l’Ashuapmushuan sont vitales. Cette rivière est un important affluent du lac Saint-Jean, à qui elle fournit 20% de ses eaux. Elle est aussi une pouponnière à ouananiches, une espèce de poisson très prisée des pêcheurs du lac Saint-Jean. Chaque année, au début de l’été, les ouananiches du Lac reviennent frayer dans les graviers de leurs eaux natales, assurant ainsi la continuité de l’espèce. Ce mouvement se reflète d’ailleurs dans leur nom de langue innue, qui signifie « celui qui va partout ». La ouananiche possède également une valeur symbolique, étant l’animal emblème de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Pour l’anecdote, Maurice Richard était un pêcheur passionné de ce poisson combatif. Monter au Lac et y lancer sa ligne lui permettait de se reposer de son métier de légende vivante du hockey.
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De leur source à leur embouchure, les eaux de l’Ashuapmushuan font un long voyage de 200 km. Juste avant de se jeter dans le lac Saint-Jean, elles coupent Saint-Félicien en deux, comme une cicatrice au coeur de la ville. On peut contempler les flots de la rivière depuis la rue principale qu’elle longe. On peut même le faire en dégustant une bonne pinte sur la terrasse de la Chouape quand la température le permet. Car oui, la Chouape donne sur l’Ashuap’. Et la boucle est bouclée. Tchin tchin.
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Sources : Le Quotidien, Le Devoir, Radio-Canada, La Chouape, Wikipédia, Association des microbrasseurs du Québec, ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pourvoiries Chasse & Pêche (via Fabri-mouches), Bières et plaisirs, Commission de toponymie du Québec.
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Le trou du diable ou l'attrait de l'inconnu
Transiger avec une grande compagnie est-elle une mauvaise chose en soi? En vendant leur microbrasserie à Molson, les fondateurs du Trou du diable ont-ils signé un pacte avec ce dernier? Bien non. Mais la nouvelle annoncée il y a quelques semaines a suscité beaucoup de réactions à Shawinigan, ville post-industrielle où la vente de l’entreprise est perçue par plusieurs comme la perte d’un fleuron de l’économie locale. Les amateurs de bières artisanales craignent pour leur part une diminution de la qualité des produits. Les bières du Trou du diable sont en effet bonnes et abordables, et on souhaite qu’elles le demeurent.
Si j’inaugure mon blogue avec cette nouvelle passée date, c’est que j’aime la bonne bière, Shawinigan est mon patelin et, comme ceux qui y ont grandi, je connais l’existence du Trou du diable depuis longtemps. Bien avant l’ouverture du restaurant-brasserie sur la rue Willow, aux abords de la rivière Saint-Maurice.
Non loin du restaurant, quelque part dans le Saint-Maurice, plus précisément au point topographique latitude nord 46° 31' 49", longitude ouest 72° 45' 45", se trouve le Trou en question. Il s’agit d’une profonde cuve creusée dans le roc par l’effet des rapides de Shawinigan, dont les flots peuvent être étonnamment, fatalement puissants. Ce type de formation géologique porte le nom de « marmite de géant ». Joli, n’est-ce pas?
Comme bien des choses qui inspirent la crainte, le Trou est entré dans l’univers de la légende. On disait que c’était un trou sans fond. Les Iroquois de Assawenegane croyaient que l’endroit était damné et l’appelaient « le trou des mauvais manitous ». Dans la version catholique de l’histoire, c’est le diable en personne qui y vivait. D’ailleurs, s’il y avait tant de morts par noyade aux alentours, ce n’est pas parce que des rapides, c’est foncièrement dangereux, mais parce que monsieur ne laissait pas remonter ceux qui avaient le malheur de tomber dans son antre…
On nous a raconté toutes ces choses, légendes et faits, à la petite école. Dans les années 80. Je devais avoir 9 ou 10 ans. C’était en sciences naturelles. Pour cette matière, j’avais choisi un duo-tang orange. Orange parce que ça faisait naturel, je trouvais. On pouvait choisir nos couleurs de fournitures scolaires dans ce temps-là ; c’est plus directif maintenant, je crois. Je ne sais pas s’ils ont fait des études prouvant que certaines couleurs sont plus facilement associées à des matières, bleu pour le français, rouge pour les mathématiques, etc. J’espère que c’est la couleur orange qui est associée aux sciences naturelles, même si ça ne s’appelle probablement plus « sciences naturelles », c’est beaucoup trop simple comme nom. Mais je m’éloigne du sujet…
Le trou, donc. A frappé mon imagination. Pas le diable. M’en fichait du diable. Pas peur des méchants moi. Au contraire. Les ai souvent préférés aux héros, trop lisses et pastels. Je les trouvais intéressants, sensibles et corrosifs. J’ai eu souvent des kicks sur les méchants à la télé. Donc pas le diable. Mais le trou. Le trou sans fond. Cela a été une révélation. Une chose pouvait ne pas avoir de fin. Je découvrais un nouveau concept, l’infini.
Je me souviens que ce soir-là, au lit, j’ai pensé à ce que pouvait être un trou sans fond. Je me suis imaginée tombant dans un tunnel sans fin. Ce soir-là et les suivants. Je ne sais pas combien de temps j’ai nourri ce songe, mais il me semble que le petit jeu a duré longtemps. Pensais-je au diable sur qui j’aurais pu tomber? Non. Craignais-je d’être en chute libre pour l’éternité? Non plus. J’avais le sentiment confus que je finirais bien par aboutir quelque part, dans un endroit que je ne connaissais pas encore; que l’infini, c’est aussi l’inconnu. J’aspirais à l’inconnu. J’étais aspirée par lui. Cela n’a pas changé.
Quand j’y repense, je ne m’étonne pas d’être insomniaque.
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Sources : Trou du diable, La Presse, Radio-Canada, Wikipédia, Mauricie La Belle d’à côté, Le Devoir, Commission de toponymie du Québec,
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