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#la maison aux fenêtres qui rient
alexar60 · 3 years
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L’hôtel particulier (39)
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Chapitres précédents
Chapitre 39 : L’inconnu aux roses bleues
Extraits du journal intime de Diane
« Depuis quelques jours, je trouve sur mon lit des roses déposées comme une offrande. Je n’ai pas encore trouvé leur origine et je suspecte un employé de la maison. Je sais que Jean, le barman en pince pour moi. Seulement, il nie toute implication et refuse d’admettre en être l’auteur. Cela ne peut pas être le pianiste qui est ouvertement attiré par les hommes. Tandis que les autres hommes ne vivent pas ici. Ils arrivent au matin et repartent en fin de soirée….
…Ce matin, j’ai encore trouvé une rose bleue sur mon lit. Je suis inquiète car j’avais fermé la porte à clé. Comment est-elle parvenue jusqu’à moi ? Et qui est-cette personne qui persiste à m’offrir des fleurs. Je me suis décidée à en discuter avec les filles. Avant, je n’avais aucune confiance parce que je ne voulais pas que ces cadeaux deviennent un prétexte à dispute. C’est vrai qu’elles sont magnifiques, d’un bleu éclatant. Aucune des filles n’a pu répondre et surprise, Jeannou et Féline ont aussi trouvé des roses à leur pieds au réveil. Féline me cache quelque-chose. Elle semblait inquiète. Je la connais. Elle qui, d’habitude rit tout le temps, sa figure est devenue blanche, elle avait une larme à l’œil comme si elle retenait un secret. Demain, je discuterai avec elle…
…Les fleurs m’intriguent de plus en plus. Elles ont un charme certain et je veux rencontrer celui qui les apporte. Je sais que c’est un homme ! Féline a à moitié craché le morceau. Elle m’a parlé de rêve. De plus, cet après-midi, j’ai vu une silhouette me regarder par la fenêtre de ma chambre alors que je faisais de la balancelle avec Marceline. Maintenant, je suis certaine qu’un inconnu vit caché quelque-part dans la maison…
…J’ai veillé tout la nuit pour surprendre mon inconnu aux roses bleues. Il était quatre heures passé lorsque je me suis endormie et au matin, une fleur rayonnait à mes pieds. Il est entré sans faire de bruit. Je ne crois pas qu’il m’ait touché parce que je portais toujours ma robe de nuit au réveil. C’est étrange mais les fleurs attirent de plus en plus mon esprit vers cet homme dont je ne connais même pas le visage…
…Je ne retiens jamais mes rêves. Pourtant celui de cette nuit me marque encore alors que j’écris ces mots avant de me coucher. En fait, je suis excitée par ce rêve et j’espère le revivre car j’ai eu cette sensation de l’avoir vécu. Je suis dans mon lit et je suis réveillée par un chant étrange. Cela provient de l’entrée. Je descends pour découvrir un groupe de personnages costumés comme dans les livres d’histoire. Les hommes aussi bien que les femmes portent des perruques, ils sont fardés de poudre, leurs lèvres sont d’un rouge vermillon éclatant. Ils rient dansent et discutent. C’est alors que je réalise qu’il n’y a qu’une immense salle à l’exception d’une cuisine. Je rêve tellement bien qu’une odeur de viande rôtie vient jusqu’à mes narines. J’ai soudainement faim. Alors, tout le monde se retourne vers moi. Ils arrêtent de parler et me regardent avec des sourires qui me glacent le sang. J’ai tout-à-coup peur. Mais, je ne devrais pas parce qu’en fait, ils regardent un homme qui se trouve dans mon dos. Je me retourne, il est beau comme un dieu. Son regard envoutant m’hypnotise. Il prononce quelques mots à l’assemblée puis me prend la main. A ce moment, je découvre qu’il vient de déposer une rose bleue. Je reste stupéfaite, subjuguée par cet homme au regard charmeur. Il y a un côté Rudolph Valentino dans son visage, en plus ténébreux. Il me sourit et m’invite à le suivre. Tout le monde s’écarte pour nous laisser passer. Il m’emmène dans une cave qui se trouve dans la cuisine. L’endroit est sombre malgré les torches allumées. A ce moment, il lâche ma main, me laisse comme paralysée au milieu d’une salle remplie de meubles glauques. Je me sens mal à l’aise. Brusquement il arrache le haut de ma chemise de nuit, pelote atrocement mes seins tout en embrassant mon cou. Je faillis et me laisse entrainer par ses baisers et ses caresses. Je me sens partir, je soupire, lui demande en vain d’arrêter mais je veux qu’il continue. Il profite de moi et de mon désir. Il profite de ma bouche et de mon sexe. Ensuite, il m’a allonge sur une table, m’attache et je constate des regards autour de moi. Il sort des instruments m’effrayant et il commence à entailler ma chair. Je me suis réveillé à ce moment…
…Je me suis réveillée en réalisant que je me masturbais en plein sommeil. J’ai encore rêvé de cet homme et quand j’ai ouvert les yeux, alors qu’il faisait toujours nuit, j’ai eu une sensation d’être épiée. Il y avait une ombre contre le mur. J’ai cru à une illusion, une tache d’humidité mais ce matin, la tache a disparu. J’ai encore trouvé une rose bleue…
…Ce soir, la patronne a organisé une fête. Alors, nous nous sommes habillées avec notre plus belle robe. J’ai rencontré un homme charmant. Un militaire borgne et amputé d’une jambe. Nous avons discuté. J’ai aimé ses manières délicates. Il savait que je suis une putain et pourtant, il m’a parlé comme à une femme du monde. Nous sommes montés dans ma chambre, nous avons fait l’amour et il s’est passé quelque-chose de curieux pendant nos ébats. En effet, il s’est retiré de moi, s’est assis au bord du lit comme s’il était fatigué. Cependant, il a vite reprit ses esprits et m’a proposé de me caresser. J’ai bien entendu accepté. Au moment où je m’attendais à être touchée par ses mains, il s’est levé, a pris une des roses dans le vase et alors que je gardais les jambes écartées, il s’est amusé à glisser la fleur sur mon corps. Je reconnais avoir pris plaisir quand la tige caressait mon sexe ou le bout de mes seins. Après avoir pénétré les pétales dans ma propre fleur, il s’est amusé à frôler ma bouche avec délicatesse tout en me demandant de lécher mon odeur. C’était agréable ! Ensuite, il s’est endormi comme une souche et ce matin, il ne se souvenait de rien…
…Pendant le déjeuner, Jeanne a raconté avoir fait un rêve étrange. J’ai de suite pensé aux miens surtout qu’elle a évoqué la présence d’un homme d’une grande beauté. Nous avons ri. L’une de nous a parlé d’un certain Freud qui interprète les rêves. Apparemment, elle refoulerait le désir de trouver le prince charmant. Si c’est cas, je serais aussi dans cette situation. Je n’ai pas trop compris mais nous avons ri comme des folles. Comme à ses habitudes, Louison nous a demandé de redevenir sérieuses. Je n’ai rien dit sur le rêve de cette nuit. En fait, il m’a fait peur. Cet homme est venu, il m’a baisée devant ses amis en perruque puis, il m’a torturé. J’ai senti les tenailles arracher mes tétons, j’ai senti le sang couler à chacune des coupures sur ma peau. J’ai senti le fouet arracher mon dos et mes fesses, j’ai senti un pique transpercer ma langue et le bord de mon sexe. Le pire, j’ai aimé ça ! Ce matin, mon lit était trempé…
…Encore cette nuit, Renaud est venu me chercher. Nous avons marché dans la maison. C’était un véritable labyrinthe tellement cela a duré une éternité. Pourtant nous sommes juste montés dans le grenier mais, les petites chambres aménagées pour les copines avaient été transformées en espèce de couloir interminable. Je l’ai suivi comme une fidèle dévouée à son être jusqu’à la chambre du fond. Elle est magnifique avec ses murs verts. Une fois dans la chambre, il a défait ma robe de nuit. Ensuite, je me suis assise sur le lit et il s’est approché en tendant son vit pour l’enfoncer dans ma bouche. Pendant qu’il tenait mon crane, il dirigeait son sexe en tortillant des hanches. Il me fascine, il m’attire comme jamais ! Cependant, il me fait peur parce qu’il se montre imprévisible. Par exemple, pendant la fellation, il a prévenu que s’il sentait mes dents, il me les arracherait et il en est capable. Alors, je l’ai laissé me prendre. Et j’ai joui…
…Mon maitre vient toutes les nuits me visiter. A chaque fois, je l’attends avec impatience. Je brûle de désir, je me retiens tellement je rêve d’être entre ses bras. Il entre, m’emmène pour aller soit dans le grenier soit dans cette cave qui n’existe que dans mes songes. Cette nuit, nous sommes partis dans la cave. Je me suis agenouillée et devant une ribambelle de personnes masquées, j’ai lapé du lait dans une assiette. Après, j’ai fait le tour de la cave à quatre pattes sous les regards libidineux et moqueurs. Puis, mon maitre a posé une selle sur mon dos, il s’est assis dessus. J’ai avancé et fait un second tour sous les coups de fouet sur mon fondement. J’ai promis de me montrer sage et de faire un troisième tour avec lui sur mon dos s’il arrêtait de me frapper. Alors, pour montrer sa confiance, il a enfoncé le manche du fouet dans mon anus. Ainsi j’avais une jolie queue. Son humiliation est terrible mais je ne résiste plus. C’est trop fort pour moi et j’en redemande. Je ne me comprends pas…
…Mon dieu, j’ai cru que c’était un cauchemar ! Cette nuit, je suis descendue de mon plein gré dans la cave. Il attendait assis sur une chaise. Je me suis agenouillée à ses pieds, j’ai léché sa main froide. Il m’a ordonnée de m’étendre sur la table de torture puis il m’a attachée. Allongée sur le ventre, je n’ai pas un homme entrer. Par contre, j’ai senti des griffures sur ma hanche. J’ai retenu mes cris, j’ai laissé les larmes couler tellement la douleur était insupportable. Cela a duré toute la nuit. Et quand il m’a relâché, il a dit que maintenant mon âme lui appartenait. Je me suis réveillée avec une douleur à la taille. En regardant dans le miroir, j’ai découvert ce tatouage. C’est une rose bleue. J’ai rêvé qu’on me faisait un tatouage et je me réveille avec ! C’est horrible ! J’ai envie de hurler, d’en parler aux autres mais mon maitre me l’interdit, sinon il me tuera… »
Alex@r60 – mars 2021
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evehistorycriative · 3 years
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Chaprite 1:
Cette nuit-là mon frère, Will est revenu sans dire un mot, au fond je voulais comprendre ce qu'il avait dans la tête, il est juste passé devant moi, m'a souhaité bonne nuit et regardait par la fenêtre, comme s'il regardait quelque chose. Le lendemain matin, je ne l'ai pas trouvé mais il avait laissé le petit déjeuner prêt et une note disant ayez bon goût, en buvant du café, cela m'a rappelé des moments où je l'ai vu sourire, comment il m'a serré dans ses bras, m'a rappelé comment étaient nos parents plus heureux, il y a eu un moment très spécial que je chéris toujours, c'était nous 4 en train de pique-niquer dans un parc près du château de Versailles, j'ai été impressionné, comme c'est beau, j'ai toujours demandé à ma mère pour qu'un jour où je pourrais y aller, elle m'a toujours dit qu'un jour nous pourrions y aller et visiter. ce jour-là, c'était mon 5e anniversaire, mon frère m'a offert une petite réplique du château de Versailles, quand je m'en souviens, ça m'attriste de savoir que je n'aurais plus jamais rien d'aussi spécial. Alors que j'arrive à l'école, je rencontre un des amis de mon frère à la porte, il me voit et lui fait signe de partir et je le fais, quand un autre ami de mon frère John sort en tenant un lycéen par le bras, il passe à côté de moi et me dit bonjour en me caressant les cheveux, je lui souris et ils mettent le garçon dans la voiture et partent.
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cette fin d'après-midi, en rentrant à la maison, je me dis « qu'est-ce que John faisait à l'école ? » et « qu'est-ce que le garçon a fait pour être emmené de cette façon ? » confus avec ce que j'ai vu, la désuétude demande à mon frère Will dès qu'il rentre à la maison. quand je rentre à la maison, je remarque qu'il y a de la musique et des gens qui rient et jouent et quand j'ouvre la porte, je vois les mêmes gars et mon frère habillés de la même manière, avec une fille à côté de lui. ma réaction n'est pas du tout agréable à ça, mon frère Will le remarque et s'approche de moi et me dit "ne t'inquiète pas, ce sont mes amis, mais je veux te présenter quelqu'un" une grande fille aux cheveux noirs courts, mince avec les yeux marrons, portant des vêtements en cuir, s'approche de moi et me dit "salut Katherine, je m'appelle Abigail et je suis la petite amie de ton frère, nous serons de grands amis", elle tend la main et je fais de même, et je les regarde tous les deux et ils lui disent que je suis belle et que ça va très bien s'entendre avec moi , quand j'essaye d' aller dans ma chambre il dit " aujourd'hui tu vas coucher avec madame velcaw , tu n'es pas en âge de rester à une soirée " . Je ferme mon visage vers lui , et prends ce dont j'ai besoin pour y aller avec Mme Velcaw , quand j'ai fini , elle m'attend déjà , malgré avoir pris soin de moi et de mon frère tout ce temps , je n'aime pas être loin de lui , et quand le mien réalise mon malheur, essaie de me convaincre que quand j'ai le bon âge je peux aussi aller à des fêtes et Mme Velcaw est d'accord et quand je vais avec elle mon frère essaie de m'embrasser le front mais pour la première fois je l'étranger, s'écartant un peu de lui, sa copine lui demande, pourquoi est-ce ma réaction et il dit que j'ai un fort caractère et que bientôt je m'habituerai à sa présence.
English:that late afternoon, coming home, I'm thinking "what was John doing at school?" and "what did the boy do to be taken that way?" confused with what I saw, disuse asks my brother Will as soon as he gets home. when I get home I notice there's music playing and people laughing and playing and when I open the door I see the same guys and my brother dressed in a similar way, with a girl next to him. my reaction is not at all pleasant to that, my brother Will notices and comes up to me and says "don't worry, it's my friends, but I want to introduce you to someone" a tall girl with short black hair, thin with brown eyes, wearing some leather clothes approaches me and says "hi Katherine, my name is Abigail and I'm your brother's girlfriend, we'll be great friends", she reaches out and I do the same, and I look at them both and they tell him that I am beautiful and that will get along very well with me , when I try to go to my room he says " today you are going to sleep with madam velcaw , you are not old enough to stay at a party " . I close my face to him , and grab what I need to go with mrs velcaw , when I finish , she already waits for me , despite having taken care of me and my brother all this time , I don't like to be away from him , and when mine realizes my unhappiness, tries to convince me that when i'm the right age i can go to parties too and ms velcaw agrees and when i go with her my brother tries to kiss my forehead but for the first time i the stranger, pulling away little about him , his girlfriend asks him , why is this my reaction and he says that I have a strong temper and that soon I will get used to her presence .
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fallenrazziel · 5 years
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Les Chroniques de Livaï #437 ~ LES COEURS HEUREUX SE RIENT DU FROID (décembre 845) Erwin Smith
L'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. ​Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité… Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me suis mise en devoir de répondre à ces questions en vous livrant ma propre vision de sa vie, de ses pensées, des épreuves qu'il a traversées, ainsi que celles des personnes qui l'ont côtoyé, aimé, admiré, craint, détesté. Si j'essaie le plus possible de respecter le canon, quelques libertés seront prises sur les aspects de sa vie les plus flous. Quelques personnages seront également de mon invention. Livaï, un homme que l'on croit invincible et inatteignable… Est-ce bien sûr ? Jugez-en par vous-mêmes. 
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Je redresse le col de mon manteau et savoure l'air bien froid. Il est vif et piquant, et apporte un parfum de neige venu des montagnes de Sina. On ne le sentait pas si fort auparavant, dans les plaines de Maria. Ce n'est qu'une maigre compensation. Il me faut absolument trouver un nouveau quartier général digne de ce nom. Le QGR ne pourra pas loger tout le monde indéfiniment, surtout que je compte recruter encore d'autres effectifs. Entre les expédition prévues et les prospections immobilières nécessaires, je vais devoir me préparer à des nuits blanches...
Je remonte à grandes enjambées la rue principale de Trost, sans but autre que celui de penser. J'aime l'isolement de la foule. Celle-ci n'est pas très dense aujourd'hui mais bien suffisante. Je passais parfois des heures accoudé à la fenêtre de la maison à regarder les gens passer en me demandant quelles pouvaient bien être les vies menées par ces inconnus pressés. Aujourd'hui, les têtes sont coiffées de bonnets de laine, les mains bien protégées par des gants épais, si bien que je distingue peu de physionomies. Des enfants s'amusent à descendre une rue avec une luge tandis que des marchands proposent des marrons chauds. Personne ne fait attention à moi, ce qui est très reposant.
Sans mon bolo et mon uniforme, on me reconnaît moins facilement. J'ai eu l'idée d'ébouriffer un peu mes cheveux afin d'avoir l'air moins strict, et ma barbe non rasée donne encore moins à réfléchir sur qui je suis. Je voulais me déplacer incognito aujourd'hui, profiter de cette saison de calme sans être importuné. Ce ne sont pas les sollicitations qui manquent. J'ai déjà reçu des demandes d'entretiens, mais aussi des invitations de futurs donateurs qui pourraient s'avérer très fructueuses ; me promener de cette façon me donne l'impression de pouvoir légitimement laisser tout ceci de côté pour un moment, sans me sentir coupable.
Yule commencera officiellement dans quelques jours. Comme je le pensais, les décorations cette année seront moins impressionnantes. Les grands sapins traditionnels poussent dans les plaines de Maria, et les citadins devront se contenter cette année d'arbres plus modestes. Pas de feux d'artifices, l'Etat a plus urgent à traiter. Les indigents se sont multipliés et la délinquance sévit de plus en plus ; pour cette raison, les commerçants habituels sont moins nombreux sur l'avenue.
Il en reste cependant quelques-uns, des irréductibles, qui proposent sucreries et pâtisseries. L'odeur m'allèche beaucoup, je fais semblant de ne pas les regarder, mais j'en ai très envie. Avec un air de regret, je pince sous mon manteau un pli de chair sur ma hanche et entends confusément la voix de Livaï me faire la leçon... Au diable les scrupules ! Je me dirige vers un étal et achète au marchand un genre de croissant laqué fourré de crème et parsemé de sucre. Je ne sais pas quel goût ça a, mais la vision me plaît bien...
Je m'apprête �� mordre dedans quand, dans une ruelle transversale, j'aperçois un gamin, en haillons, maigre à faire peur, grelottant. Il serre les pans de sa vieille chemise dans ses petites mains décharnées et me regarde avec envie... Cela me coupe l'appétit d'un coup et je ne peux que m'arrêter pour le regarder en retour, alarmé par ses genoux bleus et ses joues sales.
Il y a de plus en plus de miséreux de ce genre dans les villes. Parfois, des familles entières s'entassent dans les rues les plus isolées. Ces gens étaient autrefois des fermiers, des agriculteurs, des éleveurs... Habitués à vivre près de la terre, ayant tout perdu durant la Chute, ils se sont trouvés incapables de se forger une nouvelle vie et attendent désespérément que le gouvernement les aide. Ils passeront l'hiver dehors ou, avec de la chance, ils trouveront une place dans un refuge avant que l'hiver ne devienne insupportable.
J'ai du mal à admettre que ce gamin passera l'hiver...
C'est étrange, mais la vision de cet enfant me rappelle alors les récits que Livaï m'a parfois fait de sa vie sous terre. Quand il évoquait son enfance, je m'imaginais un petit garçon ressemblant fortement à celui-ci. Une figure concentrée, un peu hargneuse, triste aussi, mais déterminée à vivre, en ne s'attendant absolument pas à ce que quiconque lui fasse des cadeaux, et sûrement pas la vie. Enfin, je suppose que si quelqu'un peut au moins lui en faire un aujourd'hui...
Je m'approche du gamin et il recule de quelques pas. Je tends vers lui mon gâteau encore fumant, et, la salive au coin des lèvres, il essaie de l'atteindre sans trop s'approcher. Allez, prend-le. Je n'y ai pas touché. Et puis, cela te profitera plus qu'à moi, je dois perdre quelques kilos. Il me l'arrache presque des mains, et s'éloigne de nouveau, mâchonnant un morceau de pâte sucrée. Ses yeux s'éclairent et je crois discerner en eux un merci silencieux. Je n'ai pas besoin de plus.
Je promets à voix basse, sans qu'il puisse m'entendre, de reprendre le Mur Maria un jour.
Cette petite aventure me remet Livaï en tête, mais aussi Hanji. Selon son programme, elle devait aller servir à la soupe populaire aujourd'hui. Je crois que c'est dans cette direction... Je reviens sur mes pas et tourne vers l'est. Durant le trajet, Livaï et Hanji alternent dans mon esprit sans que je parvienne à trouver un fil logique à mes songes ; puis, je découvre ce que je cherchais. Un petit projet sans prétention, mais pour lequel il me faut de l'aide. Hanji sera parfaite pour cela.
Les mains dans les poches, je rejoins l'entrepôt militaire gardé par la garnison, vers lequel se presse une foule affamée, dans l'attente de rations de nourriture. Je ne m'immisce pas dans la file d'attente, ne m'annonce même pas et tente de m'approcher des tables de distribution. J'aperçois Hanji, une louche à la main, le sourire aux lèvres, distribuant de grandes rasades de soupe chaude dans des bols. Sa bonne humeur est si communicative qu'elle doit réchauffer le coeur de ces malheureux par sa seule présence... Hanji ne se rend pas toujours compte du bien qu'elle fait - ou de son inconscience par certains moments. Elle se contente d'être elle-même tout simplement et je lui envie cette franchise. Livaï est un peu comme ça aussi, mais dans un tout autre registre... bien que je sache comment orienter son humeur maintenant.
Je lui fais un signe de la main et elle me remarque enfin. Elle se déplace et je distingue alors juste à côté d'elle la jeune Nadja, occupée elle aussi à servir les nécessiteux. Hanji s'étonne de me voir ici et me demande ce qui m'amène. Oh, et bien, je me disais... Mike sera pris pour Yule - il a promis de le fêter avec sa nouvelle escouade, afin de resserrer les liens -, donc cette fois, nous serons seuls, Livaï, toi et moi. Je me demandais si nous ne pouvions pas organiser quelque chose, juste pour nous trois.
Elle semble enthousiaste, et je lui expose mon idée. Je vais avoir besoin de ton aide, de tes conseils, pour quelque chose de particulier. J'aurais bien demandé à Mike, mais il n'est pas là, alors...  Elle rétorque que j'aurais pu le proposer à Livaï. Je ne peux pas le faire pour une raison que tu vas comprendre. Tu es toujours partante ? Alors va te changer et retrouve-moi dans la rue.
Je pense que cela nous prendra l'après-midi si nous ne parvenons pas à nous décider...
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lalignedujour · 5 years
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La lettre arrive sur le bois dur de la table. Il hésite à l’ouvrir. Richard sait qu’ensuite il devra ouvrir une bière, puis une autre, puis une autre, puis ouvrir le placard avec la bouteille de Whisky - il en a justement acheté deux nouvelles hier. Bref, sa journée risque d’être foutue.
Il décide plutôt de faire un feu. Grace aime ça les feux. Elle est si amoureuse lorsqu’elle le voit fourrer les bûches bien sèches, coupées de la veille, échardes encore apparentes, écorce craquelante, dans le feu naissant aux brindilles à peine chaudes. Elle est habituellement si câline lorsque le feu jaillit enfin et brûle toute la pièce d’une lumière rouge. Mais Grace passe devant lui sans le regarder, en soupirant. Exactement comme s’il avait déjà laissé tomber sa tête sur le bois dur de la table. Alors autant y aller maintenant. Richard ouvre une bière, l’engloutit immédiatement sous le regard indifférent de Grace, en ouvre une deuxième et s’installe à son bureau.
Toujours dans un parfait Anglais Britannique, le corbeau invoque la loi. L’Irlande ne prévoit pas de délai de prescription concernant les crimes sexuels. Ça, il le savait. Mais c’était la loi de Dieu qu’il craignait davantage. Plus encore : il obéissait à la loi du village, cette main invisible qui fait et défait les réputations, on ne sait comment. Pour Dieu et pour le village, c’était déjà foutu. Il allait falloir fuir, c’était sûr. Mais où ? En prison jusqu’à la mort, ou juste un peu plus loin ? En Écosse ? En Islande ? Non. Pas chez ces putains de protestants. Richard regarde sa deuxième bière et se félicite. Il n’y a pas touché. Elle est encore pleine, une goutte de condensation atteint l’étiquette, s’arrête une seconde sur le bord supérieur pour grossir, puis se laisse glisser le long du papier. La loupe de la goutte passe sur les lettres “Hol” de “Royal Grolsch Holland”. Aux Pays-Bas, ils sont catholiques. Il y a des souvenirs d’étudiant à la Technische Universiteit Eindhoven. Il pourra y faire sa nouvelle vie.
Il retourne la lettre, écrit “Meet you in Eindhoven, pub at the Central station, Thursday 12pm. Wear a red hat.”, plie grossièrement la feuille et l’enfourne dans une enveloppe, sur laquelle il inscrit à la hâte l’adresse de la boîte postale indiquée. Il met le tout dans la poche extérieur d’un sac de sport qui n’est pas sorti du placard depuis un moment. Richard ajoute quelques affaires essentielles : vêtements, chaussures, brosse à dents, papiers, crucifix, bières, fusil. Grace passe à nouveau dans la pièce, indifférente. Richard file à la Poste.
*
Antoine, Léa et Laora sont inséparables. Les trois amis ont rassemblé ensemble les papiers à envoyer au CNAOP, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles. Après avoir expédié toutes les pièces, ils sortent tous les trois du petit bureau de Poste de l’avenue Daumesnil dans une espèce de joie administrative.
Ils traversent la place Félix Éboué et s’installent comme ils en ont l’habitude au comptoir du bar-tabac le plus banal. Peut-être s’appelait-il le Café de la Place, le Va-et-Vient, le Balto ou le Narval. Peu importe. Ils se perchent sur les tabourets en bois, s’accoudent sur le comptoir en zinc, Antoine au centre, commandent trois cafés, puis trois demis avec des cacahuètes. C’est devenu leur rituel.
Seul le patron remarque qu’Antoine regarde un peu plus Léa que Laora. Mais il ne le signale pas, ce n’est pas son affaire, et puis d’ailleurs, il a un allongé à servir, et puis il y a du monde qui veut valider sa grille de PMU.
Les trois jeunes dessinent mille famille à Antoine, des fratries de dix à travers le Monde, une mère peintre exilée en Bolivie. Les filles lui cherchent des traits communs avec des femmes connues. Ils rient, rient encore jusqu’au quai du métro. Léa et Laora partent dans un sens. Antoine dans l’autre. Il va rejoindre sa vraie famille. Ce soir, c’est l’anniversaire de Thomas à la maison Delestrange.
*
Mohammed Benali est un homme d’affaires froid, droit, et honnête. Son arcade sourcilière est si prononcée qu’elle laisse à peine voir ses yeux. Il a le regard dur par défaut, depuis tout petit. Il était gentil au fond. Mais à être vu comme un dur, il a dû coller à sa réputation.
Il a toujours fait un peu d’extorsion de fonds à côté de sa carrière d’ostéopathe. Mais il y a six ans, il a dû s’y mettre à temps plein. Les applications de mise en relation entre patients et praticiens se sont généralisées. Son visage dur sur la photo de profil a attiré une clientèle en quête de craquages de dos violents. Mais son approche sur les flux et les énergies n’est pas parvenue à les fidéliser. Son cabinet se vidait et le grand banditisme lui tendait les bras.
Au départ, Mohammed ne voulait tuer personne. Juste faire peur. C’est son métier. Mais aujourd’hui, qui sait, s’il devait tuer, il serait peut-être prêt à le faire.
*
Richard poste la lettre et se prépare à récupérer son argent dans tous les bars du coin. L’alcool a ruiné sa vie et celle de ses proches. Et en plus de ça, il a l’a laissé sans économies. Sans rien de substantiel à léguer à son fils Antoine. Même en ne comptant que la Guinness, à 3,20€ la pinte, ça faisait 16€ par soir, 6 soirs par semaine, depuis 26 ans, l’âge de sa fille. Richard fait le calcul au volant de sa voiture, conduite nerveuse, sang chaud. Il arrive à 130.000 euros. Divisé par les quatre pubs habituels, ça faisait 26.000 à récupérer par établissement. En pénétrant dans le Muddy Farmer, Richard renonce à calculer les intérêts. Avant de le saluer, le patron saisit un verre de Guinness et se dirige vers la tireuse. Mais Richard ouvre le feu et réclame 26.000 euros en liquide. Il n’en obtient que 3.200 plus quelques montres.
Au Tigh Neachtain's, Richard récolte un peu moins de 3.000. Mais le O’Connors est plus gros, il en sort avec 6.800 euros supplémentaires. Les habitants sont alertés, on le regarde bizarrement. Mais pas de police en vue. Il remet des cartouches. Il a juste le temps d’aller au Brennan's Criterion et de filer. Richard ne s’est jamais senti aussi vivant.
Il récupère un peu plus de 4.000 à la caisse, et pense à l’arrière-salle ou des joueurs de poker jouent très gros. Il a déjà perdu et gagné ici dans sa jeunesse, jusqu’à ce que Grace lui interdise de jouer. Aujourd’hui, il a de la chance, c’est jour de tournoi. Ils sont au moins 50. Et ils ont l’air sérieux. Ils sont là pour gagner gros. Il descend les trois marches qui mènent à l’arrière-salle, saisit un jeune homme par le col et demande à tous les participants de vider leurs poches. Ceux-ci ne bougent que lorsque Richard donne le premier coup de fusil.
-Le prochain, il est pour lui !
Certains joueurs commencent à rassembler leurs jetons. Son ancien collègue Martin dit timidement à Richard qu’il est le seul à garder l’ensemble des droits d’entrée. Le reste, c’est des jetons.
-Bon. Alors, donne-moi tout.
Personne ne bouge.
-Vite ! Donne-moi tout ou je saigne le môme !
Le coup est parti tout seul dans le pied du jeune homme. C’est là que Richard a reconnu le fils de Martin. Tout le monde s’exécute.
Richard court vers sa voiture avec son t-shirt replié vers lui pour porter davantage d’argent. Une cinquantaine d’enveloppes. Ce n’est qu’une fois arrivé au port de Liverpool qu’il compte l’argent des enveloppes. 850 euros par enveloppe. Très exactement. Martin a toujours été rigoureux quand il organisait quelque chose. Richard pioche un billet de 50 pour payer sa nuit d’hôtel. Il monte, compte et range consciencieusement cet argent durement gagné, auquel il ne doit pas s’attacher. Demain, il fera du stop pour ne laisser aucune trace. 59.500 euros. Le corbeau n’en réclamait que 55.000. Le reste, ce sera pour lui. Pour se reconstruire un honneur.
Richard ouvre la fenêtre qui donne sur un parking avec poubelles, mais il inspire à pleins poumons l’air du large. Grace, Tina, Laura, la voiture, le fusil, les souvenirs de toute sa vie, et sa réputation resteront pour toujours de l’autre côté de la mer Irlande.
La réputation a ça de pratique : elle ne sait pas nager. Quant à la police, on poursuit les violeurs par-delà les mers. Pas les voleurs.
*
Caché entre les touillettes en bois et les sucres roux, Richard a tout de suite reconnu le corbeau, assis à la terrasse du pub - c’est une de ces terrasses qui ne sont ouvertes que sur le hall de la gare. Grande veste noire, chemise noire, regard noir, chapeau de cow-boy rouge à facettes qui a probablement servi avant cela à une jeune femme dans une fête costumée. C’est sûr, c’est lui.
Mohammed est là, il regarde autour, imagine lequel de ces hommes de 50 à 65 ans pourrait être le violeur. Il regarde son téléphone. Déjà 11h15, et toujours aucun signe. Est-ce qu’il aurait fait le voyage pour rien ? Ce porc lui aurait aussi volé une journée, une grasse matinée et 208€ de train. Et s’il y avait plusieurs pubs, ici ? Celui-ci est sombre, plein de cuir, de cuivre, et de vert foncé. La typographie gaélique est dorée, sur la carte un elfe court une bière à la main et un trèfle à quatre feuilles sur le chapeau. Non, vraiment, c’est forcément là.
11h20, Mohammed enfile sa veste. Il en a assez d’imaginer lequel de ces vieux a pu violer l’amie de sa cliente. Il se lève et hurle comme un Irlandais en fin de soirée “Fermanagh! Where are you?”. Alors qu’il tourne sur lui-même au milieu du hall, n’attirant aucun regard, il sent un poids dans sa poche droite. C’est une grande enveloppe kraft roulée en boudin avec du chatterton. Derrière l’adhésif, il aperçoit une lettre dont il reconnaît l’écriture hâtive. Mohammed est incrédule. Fermanagh a forcé l’accès à la poche de son manteau alors qu’il ne se méfiait pas. Il a le même sentiment que la fois où il a été victime d’un pick-pocket, dans le métro. Il est pourtant riche à présent. Il tient dans sa seule main droite 55.000 Euros en liquide. Mohammed remet l’enveloppe dans sa poche, va prendre un train un peu plus tôt et ne comptera tout ça qu’une fois à Paris : exactement les 50.000 euros demandés + sa commission.
Dans le brouhaha de la gare, puis du train, puis de la gare, puis du métro, Mohammed ne l’a pas remarqué. Mais dans le fond de sa poche, dans une ultime tentative de repentance, Richard a également déposé un hochet pour son fils. Il finira dans la poubelle de la Gare du Nord.
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actually-a--raccoon · 6 years
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Les Sirènes - Nouvelle
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(Photo: Ophelia, par Dorota Grecka)
C’est dans la voiture immobile qu’elle se réveilla. Pourtant, elle ne se souvenait pas qu’elle se fût endormie. Sur le siège conducteur, Maman dormait aussi. « Tu ne devrais pas dormir, Maman, il faut conduire. Maman? » mais elle ne se réveilla pas. Elle dormait profondément. La radio était muette. Le moteur était éteint. La fille sortit de la voiture.
Elle regarda autour d’elle, anxieuse. La lumière blafarde de la lune se reflétait sur la route luisante d’eau de pluie. Il ne pleuvait pas, pourtant, quand elle est partie avec Maman. Il n’y avait rien aux alentours; pas d’arbre, pas de maison, pas de lampadaire. Rien. Il lui semblait, à cet instant précis, qu’elle avait pénétré en une mystique partie du monde qui ne se trouvait nulle part. Que du noir à perte de vue, et cette route cimentée qui s’enfonçait dans la gueule béante de la nuit. Elle essaya de se souvenir où elles allaient. Elle essaya de se souvenir d’où elles venaient. Elle n’y parvint pas.
Derrière elle, la voiture silencieuse la dévisageait de ses deux phares éteints. Elle fit un pas hésitant. Son ventre était tordu. Quelque chose n’allait pas. Elle devait retourner avec Maman. Comme elle mettait la main sur la portière, un grand coup de vent souffla. Elle vacilla, trébucha. Elle voulut se relever, mais le vent soufflait. Ses cheveux lui fouettaient le visage. Elle appela sa mère à l’aide. Elle n’obtint aucune réponse. Appela encore. Elle ne discernait plus la silhouette sur le siège conducteur. Maman n'était plus dans la voiture. Elle tomba à genoux, ferma les yeux.
Tout à coup, le vent se tut. Un silence écrasant se fit. Autour d’elle, tout était noir, sauf la lune, loin, très loin dans le ciel d’encre. Il n’y avait pas d’étoiles.
Il fallait qu’elle retrouve Maman. Il fallait qu’elle bouge. Dans la pénombre, elle fit un pas. Le pas de trop. Sous son pied, le sol se déroba, et elle tomba.
Un liquide glacé s’infiltra dans sa bouche et ses narines. Elle distinguait, malgré la vision trouble, des éclairs de lumières qui zébraient des milliers de galets polis de toutes tailles. Seules les algues visqueuses qui s’y accrochaient arrivaient à en altérer la brillance. Le lieu était d’une beauté hypnotisante.
Elle aurait dû être effrayée, mais elle ne l’était pas. La fille était légère. Elle se laissait porter par l’eau comme si elle n’existait pas. Elle n’était plus qu’une infime particule la composant, unique et partout à la fois.
Elle était l’eau.
Un pneu de voiture passa devant elle, à la dérive, suivi d’autres pièces de ferraille. Bercées par les flots, elles semblaient aussi légères que des plumes. Puis, comme une tache parmi tout ce métal, des doigts blancs et maigres apparurent sur les galets. Ils les accrochaient, les raclaient pour progresser. De longs cheveux verdâtres aussi visqueux que les algues suivirent bientôt les bras, puis un long corps dont la blancheur était souillée de boue fit son apparition. L’être se rapprochait de plus en plus de la fille. Elle ne broncha pas d’un centimètre lorsque la créature serra sa taille de ses bras fins.
Elle approcha lentement ses lèvres de l’oreille de sa proie. Les notes d'une mélodie en surgirent, déformées par les flots. Les mots se perdaient dans l’onde, mais la fille savait que c'était joli. Les bulles de son souffle chatouillait ses oreilles. Ses membres se resserraient autour d’elle, toujours plus. Les longs cheveux sombres et collants lui caressaient le visage avec une douceur si exquise que la fille resta coite lorsque les filaments s’insinuèrent dans son nez et dans sa bouche.
La mélodie se transforma en cri, plus aigu que tout ce que la fille avait entendu de sa vie. Elle voulut avaler un hoquet de surprise, mais elle n'avala que de l'eau, une tonne d'eau. Son cœur battait violemment. Sa tête devenait de plus en plus lourde. Elle s’agrippa désespérément aux liens de chair et d’os qui la maintenaient immergée et y enfonça sauvagement ses ongles, griffant, tirant, si bien qu’elle sentit enfin la pression sur ses côtes s’amoindrir.
Elle parvint à la faire reculer. Elle poussa. Les cheveux de la créature s’évaporèrent. Dans un sifflement, la créature détourna son visage.
Sans crier gare, elle dénoua ses bras de sa taille et disparut, aussi vive qu'un poisson.
De l’air. Une grande bouffée d’air.
« Elle est vivante! »
Un infirmier est penché sur elle. Partout autour d’elle, des éclairs rouges et bleus fusent, martyrisant ses yeux accoutumés à la pénombre. Des sirènes. La fille se redresse de peine et de misère. À ses côtés gît une personne, couverte d'un drap de la tête au pied. Elle reconnaît, de la main qui dépasse, la bague de sa mère. Plus loin, par-delà le garde-fou défiguré, elle distingue une masse de fer informe presque entièrement engloutie par les flots de la rivière. La voiture.
Elle aurait presque pu croire que les prunelles opalines n’avaient été qu’un songe, si ce n’eut été des longs filaments entortillés autour de ses doigts.
***
Le soleil brille haut dans le ciel. Dehors, les gens rient, les gens boivent, les gens plaisantent. La pelouse est un arc-en-ciel de serviettes éparpillées, désertées par les filles qui, par la chaleur de cette journée d'été, les ont abandonnées pour la fraîcheur de la piscine.
Elle est restée assise, à même l'herbe fraîchement tondue, arrachant quelques brins ici et là. Ses amies n'ont pas insisté pour qu'elle les rejoigne, et elle n'a pas insisté pour qu'elles restent avec elle. Les regarder s'éclabousser joyeusement et rire lui suffit. L'oncle de son amie s'approche d'elle.
« Tu ne vas pas te baigner? »
Elle secoue la tête et lui adresse un pâle sourire. À ce mouvement, les ecchymoses qui lui restent de son accident la lancent. Il la charrie un instant. Elle rit, plus par politesse que par humour. Elle détourne le regard pour qu'il la laisse tranquille, mais il n'en décroche pas. Pour lui faire plaisir, elle s'assied sur le bord de la piscine et enfonce ses pieds dans l'eau jusqu'aux chevilles. Elle retient le haut-le-corps qui s'empare d'elle. Elle scrute le fond bleu. Ses amies lui font des signes de la main, s'approchent d'elle pour lui parler, tant et si bien qu'elle en oublie l'eau. Les flots autour de ses chevilles se réchauffent, et elle les fait clapoter à petits coups.
L'une de ses amies émerge devant elle et lui adresse un grand sourire. Elle ouvre la bouche pour lui parler, mais elle la referme. Ses yeux s'écarquillent, fixent un point derrière elle et, avant qu'elle ait le temps de se retourner, des bras se glissent sous ses jambes et dans son dos et elle est projetée dans les airs.
Elle frappe la surface de l'eau dans un claquement. Des milliers de gouttelettes s'envolent autour d'elle avant que l'eau se referme sur elle.
Elle agite les bras et les jambes dans tous les sens. Elle pousse un cri, qui se mue en un nuage de bulles muet. Elle sait nager. Elle doit nager. Elle s'exhorte au calme. Le corps humain flotte. Elle cesse de se débattre et agite maladroitement les jambes. Son visage brise la surface calme de l'eau, et elle aspire une grande goulée d'air. Elle s'accroche au bitume, s'y écorche un coude, et respire. Elle sent son cœur battre dans ses tempes. Dans la rue, une ambulance passe, toutes sirènes allumées. Un instant, elle croit qu'elle est morte, mais l'ambulance passe son chemin.
Elle lève le regard. L'oncle de son amie est parti. La terrasse est vide. Elle se retourne. Ses amies ne sont plus là. Elle est seule dans la piscine.
Non. Elle n'est pas seule. Sous l'eau, quelqu'un nage. Elle appelle le nom de son amie, mais elle ne réagit pas. Sous l'eau, elle ne l'entend pas. Elle se retourne, prête à s'extraire, quand des mains se posent sur ses hanches. Elle demande à son amie de la lâcher, « arrête, ce n'est pas drôle ». Les ongles s'enfoncent dans sa chair, des ongles gris et sales et, doucement, on la tire. Elle s'enfonce petit à petit. Elle appelle à l'aide, mais il n'y a personne pour lui répondre. Ses doigts glissent sur la pierre. Elle griffe le sol pour s'accrocher, s'accrocher à n'importe quoi, mais il est lisse. Et, inexorablement, ses doigts glissent.
La panique la gagne. Ses mains s'égratignent sur le bord de la piscine, laissant un filet de sang derrière elles. Elle ne réussira pas à s'accrocher. Avec l'énergie du désespoir, elle donne un coup de pied. La chose qui la tire pousse un grognement. Elle en donne un nouveau. Elle ne la lâche pas. D'une main, elle agrippe celle plantée dans sa taille et la griffe de toutes ses forces. La main inconnue relâche sa prise et, d'un mouvement leste, la fille s'extrait de l'eau.
Lorsqu'elle se retourne, assise sur le rebord taché de son sang, ses amies la fixent. L'oncle est agenouillé à côté d'elle. Sa bière est tombée et s'écoule sur la pelouse. Une main sur son épaule, il se confond en excuses. Sur la terrasse, toutes les conversations se sont arrêtées. On ne regarde qu'elle.
« Ça va? On dirait que tu as vu un fantôme. »
« Ça va » mentit-elle.
Pourtant, une douleur cuisante lui brûle les hanches là où les ongles se sont enfoncés. Elle ramasse sa serviette et, sans se retourner, rentre chez elle.
***
La salle de bain est nimbée de la douce lumière du luminaire. Dehors, le soir tombe. Elle entend, au rez-de-chaussée, le bruit confus de la télévision et les pas de son père dans la cuisine. Elle les entendra toute la nuit. Aujourd'hui encore, il ne trouvera pas le sommeil. Elle ouvre le robinet du bain, et elle n'entend plus que le bruit de l'eau qui s'écrase sur la paroi de porcelaine.
Une douce vapeur flotte dans la pièce et embue le miroir. Elle ouvre la fenêtre pour aérer la pièce. Elle croise son reflet trouble avant de mettre un pied dans le bain. La chaleur de l'eau picote sa peau, mais elle n'est jamais assez chaude. Elle tourne rajoute de l'eau chaude avant de s'asseoir.
L'eau la submerge jusqu'au ventre. La sensation du liquide qui lèche sa peau la fait frissonner. Autrefois, elle s'en immergeait complètement. Elle ne la laisse plus aller plus haut que sa poitrine. Ses doigts blêmes agrippent la poignée glissante d'humidité et elle ferme le robinet. Un mince filet d'eau termine de s'en échapper, et s'écrase goutte à goutte au-dessus de ses pieds dans un claquement entêtant.
Elle passe ses mains mouillées sur son visage. Une douleur sourde se répand là où l'accident a laissé des ecchymoses, ces éternelles ecchymoses qui semblent ne jamais s'en aller. Elle grimace de douleur avant de s'abandonner à la fatigue. Elle laisse sa tête tomber vers l'arrière, posée sur la dureté du bord du bain, sans se soucier de son inconfort. Dans un soupir, elle ferme les yeux.
Son esprit s'égare dans les méandres d'un rêve éveillé. Elle revoit la route, la voiture, puis le noir, son réveil dans la nuit, et l'ambulance, les sirènes, les sirènes qui crient et qui l'aveuglent, aiguës, assourdissantes, oppressantes, bleu, rouge, bleu, rouge.
Elle ouvre les yeux.
Un hoquet de panique la secoue. Ses doigts s'accrochent aux bords du bain et elle se redresse tant bien que mal. L'eau s'agite en vagues et en bulles, ses pieds nerveux raclent la porcelaine. Par la fenêtre, elle entend des sirènes passer, puis le son se fait plus ténu, et elles disparaissent.
Elle se rassied, tentant de dompter sa respiration désordonnée. Tout va bien. Elle est chez elle, dans sa salle de bain. Tout va bien. Ses mains molles retombent dans l'eau. Tout va bien.
Elle essaie de se détendre, mais un son sourd attire son attention. À ses pieds, le robinet est ouvert, et l'eau s'en échappe à grandes goulées. L'eau rase son cou, menace de déborder du bassin. Elle fronce les sourcils. Elle était certaine de l'avoir fermé. Toute cette histoire la rend dérangée. D'un geste las, elle tend la main pour le fermer.
Un silence déplacé envahit la salle de bain. Elle n'entend plus la télévision. Elle n'entend plus marcher son père. Elle n'entend rien.
« Papa? » appelle-t-elle. Pas de réponse. Sous la porte, aucune lumière ne filtre.
Il fait une chaleur lourde. La fenêtre est fermée. Sur son front, des gouttes de sueur se mêlent aux gouttes d'eau. La vapeur est si dense qu'elle la voit flotter devant ses yeux fatigués. Elle pourrait la faire virevolter en bougeant la main.
Elle fait un pas hésitant hors de la baignoire. Elle entend un clapotis. Son pied dérape, et elle se rattrape de justesse au mur. Une vague de douleur se répand dans sa cheville. Le carrelage blanc est noyé par une mince couche d'eau qui s'égoutte paresseusement par l'espace sous la porte. Elle tâtonne autour d'elle à la recherche d'une serviette, un pied dans le bain, l'autre dans la flaque d'eau au sol. « Papa? » appelle-t-elle à nouveau. En vain. Elle fait un mouvement pour sortir de la baignoire. Son pied bloque. Un mouvement brusque l'y ramène. Elle perd l'équilibre et s'écrase lourdement dans le bain, cognant son menton sur la surface froide du rebord. Ses dents claquent violemment. Un goût de fer se répand dans sa bouche. Un goût de bile s'y ajoute lorsqu'elle baisse les yeux.
De longs filaments noirs s'échappent du trou du bain, tache noire sur fond blanc, et s'enroulent autour de sa cheville. Un cri se bloque dans sa gorge. Figée, elle les regarde onduler au fond de l'eau, puis ses mains retrouvent leur usage. Elle agrippe les filaments et les tire pour libérer sa jambe. Les filaments se resserrent sur ses doigts. Elle essaie de se libérer. Échoue. « Papa! » hurle-t-elle.
Les filaments remontent sur ses bras, comme des serpents, chatouillant sa peau parcourue de chair de poule. Ils engluent ses épaules et son ventre. Elle essaie une fois de plus de se dégager. Les filaments la serrent davantage. Un bourdonnement s'empare de son pied, puis elle ne le sent plus. Il gît, bleui, au fond de la baignoire. Sa respiration hachée se fait de plus en plus difficile. Elle étouffe. Sa cage thoracique va éclater.
De petits points noirs brouillent sa vision. Ses doigts sont gourds. Son dos glisse lentement le long de la baignoire. Sa bouche et son nez s'immergent. Juste avant que sa vision se brouille, elle voit un bras livide surgir du trou. Les doigts s'agiter pour ramper vers elle. L'eau l'engloutit. Elle ferme les yeux.
« Réveille-toi! Bon sang, réveille-toi! »
Sa tête bouge d'avant en arrière. Ses cheveux dégouttent sur elle. Une lumière crue perce ses paupières et l'oblige à ouvrir les yeux. Elle inspire bruyamment. De l'air. Penché sur elle, son père la dévisage, le visage décomposé. Il passe une main sur son visage. Ses cernes semblent s'allonger de quelques centimètres. Il ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais aucun mot ne s'en échappe. Son visage entier se plisse en une moue de désespoir. De larmes perlent au coin de ses yeux et roulent sur ses joues. Il la serre contre lui, fort, plus fort que les filaments.
« Mais comment peut-on se noyer dans un bain? Ne me fais plus jamais ça. Jamais! »
Elle hoche la tête, hagarde. Ses yeux errent dans la pièce. La fenêtre est ouverte. Le robinet est fermé. Le plancher est sec.
De longs cheveux noirs parsèment la baignoire.
***
Elle n'a jamais été lève-tôt, mais depuis qu'elle ne dort plus, le petit matin est devenu son ami. Le ciel commence à peine à se teinter de rose lorsqu'elle descend au rez-de-chaussée à pas de loups, chaussures aux pieds. La télévision est encore allumée. Son père est avachi sur le canapé. Il a fini par s'abandonner au sommeil. Elle ferme l'écran avant de quitter la maison.
Dehors, tout est couvert d'une épaisse couche de brouillard. Elle n'arrive pas à voir à vingt mètres d'elle. Elle songe que c'est une drôle de température, pour le mois de juillet. Heureusement, elle sait exactement où elle se dirige.
Ses cheveux se collent sur son front tant l'humidité est dense, mais elle ne s'en formalise pas. C'est le moindre de ses soucis. Ses pieds se placent l'un devant l'autre, mus par un geste mécanique. Son cœur aussi.
Elle reconnaît la rue qu'elle longe. La pancarte qui annonce la fin des limites de la ville. La route qui s'enfonce dans la brume. Elle devine les silhouettes des arbres à la périphérie de sa vue. Elle devine le panneau qui annonce le pont. Elle retient son souffle. Comme si elle n'était jamais sortie de l'eau.
Le garde-fou est comme s'il ne s'était jamais fait percuté de plein fouet par une voiture. Elle s'y penche. Elle le scrute. Elle veut le défoncer avec ses yeux. Mais pas la moindre égratignure, pas la moindre bosse sur l'acier. Le trou a été réparé. C'est comme s'il n'avait jamais existé. Elle en souhaiterait autant pour les siens, mais certains trous ne se réparent pas avec des planches et un marteau.
Elle entend l'eau sans la voir. La rivière gronde sous ses pieds. Elle célèbre d'avance l'orage qui s'annonce et qui la rendra plus forte. Elle crie à la fille. Elle lui dit « Viens. Viens te mesurer à moi. »
Elle enlève ses chaussures. De petits cailloux s'enfoncent dans ses pieds. Elle enlève ses vêtements. Sous eux, elle a enfilé un maillot de bain, déjà humide de brouillard. Il la serre comme une seconde peau. Il fait chaud, mais elle frissonne. Elle passe une jambe par-dessus le garde-fou. Son pied est incertain, son genou tremble, son buste s'effondre, et elle agrippe le métal, à califourchon sur la barrière. Sous elle, elle ne voit que les ténèbres, mais elle sait ce qu'elles cachent. Ce ne sont pas les ténèbres de sa chambre la nuit, ni celles de l'anniversaire surprise de son père de l'an passé. Ce sont les vraies. Celles qui dévorent. Un sanglot la secoue.
« Je ne peux pas. »
Les tremblements possèdent son corps. Elle réussit à lever son pied qui menace de glisser dans le vide. Elle n'a plus qu'à le faire revenir du côté de la rue, juste là, sur la terre ferme, et à rentrer chez elle.
Elle s'arrête dans son geste. Proche, un moteur gronde. Quelqu'un qui travaille aux aurores et qui se demandera ce que fait une fille en maillot de bain sur le bord d'un pont. Elle lève la tête pour voir le véhicule arriver.
Des lumières. Pressantes, aveuglantes. Elle plisse les yeux. Bleu, rouge, bleu, rouge. Des sirènes crient. Deux phares percent le brouillard, droit vers elle. Elle ouvre la bouche pour crier, mais elle n'en a pas le temps. Le véhicule la frôle dans un boucan de sirènes. Ses mains glissent sur la tôle, lâche prise, et tout son corps bascule. Elle étire ses doigts pour se retenir, mais ils ne rencontrent que le vide. Elle tombe.
Son dos frappe l'eau dans un choc qui lui brûle les omoplates. Elle est froide. Plus froide qu'elle ne devrait l'être en plein été. Elle engourdit sa tête immergée. Elle sait qu'elle doit retourner à la surface, mais elle ne distingue plus le haut du bas. Autour d'elle, tout est noir. Elle agite ses membres pour nager sans savoir où elle va. Si elle se laisse flotter, naturellement, son corps devrait remonter.
Mais l'eau est lourde, et elle la maintient en suspension, immobile. Le besoin de respirer se fait de plus en plus urgent. Elle doit remonter. La panique la gagne. Elle perd le contrôle de son corps. Il se débat par lui-même, désespéré, priant pour de l'oxygène.
Elle ferme ses yeux aveuglés par l'eau, puis les rouvre, sans que cela fasse une différence. Elle les ferme. Les rouvre encore. Les écarquille. De la lumière.
De la lumière.
Au-dessus d'elle, un point lumineux ondule. Son corps s'y jette comme une flèche. Ses pieds et ses mains battent les flots, les déchirent. Elle nage comme elle n'a jamais nagé de sa vie. Pourtant, elle ne trouve pas la surface. Le point lumineux la nargue de loin, sans s'approcher. Ses poumons brûlent de l'effort que lui demande ses mouvements et de prendre une goulée d'air. Des bulles s'échappent de son nez et dansent devant ses yeux, de plus en plus petites.
Ses cheveux flottent autour de son visage dans un nuage éthéré. La lumière les caresse et les fait briller d'une douce lueur. C'est joli. Ses membres cessent de se débattre. Elle est à bout de souffle.
Les cheveux deviennent noirs. Pourtant, les siens sont châtains. Ils deviennent de plus en plus sombres, jusqu'à ce qu'elle flotte parmi eux, et que le point lumineux disparaisse. Elle les tire pour les rejeter derrière elle, mais elle ne sent rien, et de nouveaux s'en rajoutent. Ce ne sont pas ses cheveux.
Quelque chose effleure ses bras sur toute leur longueur. Des doigts blêmes, lumineux dans les ténèbres. Le nuage de cheveux l'enveloppe, tout autour de sa taille et de ses jambes, mais elle n'a plus la force de se battre. Elle n'en peut plus.
Elle se laisse porter par la créature et par les flots. Elle est fatiguée. Le destin l'a rattrapée, là où il aurait dû s'arrêter, et a gagné la course. Elle est prête à suffoquer.
Mais les bras ne la serrent pas. Ils ne la serrent pas comme ils l'ont fait dans la baignoire, dans la piscine. Ils ne l'enfoncent pas, ils ne la remontent pas. Ils la tiennent.
La fille passe ses mains sur la peau visqueuse. Perdue dans la forêt de cheveux, elle ne peut pas la voir, mais elle sait qu'elle est là, et qu'elle est douce. Elle écarte du bout du doigt quelques-uns des sombres filaments. Un bout de nez pointe à travers le nuage d'encre et un éclair de lèvres apparaît puis disparaît. Elle ne les entrevoit qu'une demi-seconde, mais elle sait qu'elle les a déjà vus. Elle le sait.
Un léger coup de main supplémentaire, et les cheveux dansent de nouveau dans les flots. Derrière ce rideau, deux yeux la fixent. Bleus. Pâles. Froids.
Une boule se forme dans sa gorge. Elle connaît ces yeux. Des deux mains, elle empoigne la longue chevelure. Les doigts de la créature s'agrippent à ses poignets comme un étau et les tire vers le bas, mais la fille résiste. Un sifflement s'échappe des lèvres de la créature. Ses ongles s'enfonce dans sa peau. Un filet rouge s'échappe de ses poignets et se perd dans l'onde. Mais la fille ne lâche pas prise.
Elle secoue ses bras, mais n'arrive pas à se libérer. La chose est accrochée à elle comme une sangsue. Une vive douleur lacère ses poignets. Elle la fait revenir à la réalité. Ses poumons la supplient pour de l'oxygène et sa tête tangue tant elle est lourde. Elle est sous l'eau. Elle se noie.
Elle lance un coup de pied dans le ventre de la créature. Sous l'impact, son emprise se relâche, et ses ongles s'extraient de sa chair. La créature recule. Mais l'emprise de la fille, elle, ne se relâche pas. Elle tient la tignasse au fond de ses poings à s'en faire blanchir les jointures.
Elle écarte la chevelure dans un mouvement ample. Les cheveux s'éparpillent dans une auréole, dévoilant le nez, et les lèvres, et les yeux. Différents d'avant, mais reconnaissables entre mille. Les yeux de la fille s'écarquillent. Son cœur s'arrête.
- Ma... maman?
Le visage pâle de sa mère se tord en une grimace. Un cri perçant lui écorche les oreilles. Elle y plaque ses mains, ferme les yeux. Elle les entrouvre pour voir la silhouette de sa mère disparaître dans la noirceur de la rivière. Elle tend une main, et effleure la chevelure une dernière fois.
Son corps mou est précipité à la surface et la brise. Elle inspire profondément, aussi profondément que si elle venait de naître. Des larmes coulent sur ses joues. Ou des gouttes d'eau. Elle ne sait pas. Elle voudrait se laisser dériver. Mais ses bras s'animent, malgré elle, malgré tout, et elle rejoint la berge avec ses dernières forces.
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giallofever2 · 6 years
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42 years ago ... 1976/20/August
La Casa dalle finestre che ridono
(On Set/Promo shoots)
Also Known As (AKA)
The House with Windows that Laugh
Brazil A Casa das Janelas Sorridentes
Brazil (DVD box title) A casa das janelas sorridentes
Germany Das Haus der lachenden Fenster
Spain Contrato de Sangre
France La maison aux fenêtres qui rient
France (video box title) La porte de l'enfer
Greece (transliterated) To spiti me ta gelasta parathira
Greece Το σπίτι με τα γελαστά παράθυρα
Hungary A nevető ablakos ház
Mexico La casa de las ventanas malditas
Netherlands (informal literal title) Het huis met de lachende vensters
Poland Dom smiejacych sie okien
Portugal A Casa das Janelas Malditas
Soviet Union (Russian title) Дом со смеющимися окнами
USA (DVD title) The House with Laughing Windows
USA The House of the Laughing Windows
USA (DVD box title) The House with Laughing Windows
Yugoslavia (Croatian title) Kuca s nasmijanim prozorima/La Casa dalle Finestre che Ridono
Directed by PUPI AVATI
Music by Amedeo Tommasi
Writing Credits
Pupi Avati ... (screenplay) (story)
Antonio Avati ... (screenplay) (story)
Gianni Cavina ... (screenplay)
Maurizio Costanzo ... (screenplay)
Release Dates
Italy 20 August 1976
Italy 26 August 1976 (Rome)
Portugal February 1983 (Fantasporto Film Festival)
UK 25 September 2006 (DVD premiere)
Germany May 2012 (DVD premiere)
Greece 16 November 2013 (Panorama of European Cinema)
technical specifications
Runtime 1 hr 50 min (110 min)
Filmming Locations
Lido degli Scacchi, Ferrara, Ferrara, Emilia-Romagna, Italy
(villa where the main chararacter lives)
San Giovanni Triario, Minerbio, Bologna, Emilia-Romagna, Italy
(church)
San Martino in Soverzano, Minerbio, Bologna, Emilia-Romagna, Italy
(restaurant)
Incir De Paolis Studios, Rome, Lazio, Italy
Cento, Ferrara, Ferrara, Emilia-Romagna, Italy
Comacchio, Ferrara, Ferrara, Emilia-Romagna, Italy
Cast
Lino Capolicchio ... Stefano
Francesca Marciano... Francesca
Gianni Cavina... Coppola
Giulio Pizzirani ... Antonio Mazza
Bob Tonelli ... Mayor Solmi
Vanna Busoni ... Teacher
Pietro Brambilla ... Lidio
Ferdinando Orlandi ... Police Marshall
Andrea Matteuzzi ... Poppi
Ines Ciaschetti ... Concierge
Pina Borione ... Paraplegic Woman
Flavia Giorgi ... Poppi's Wife
Arrigo Lucchini ... Grocer
Carla Astolfi ... Chambermaid at Boarding House
Luciano Bianchi ... Franchini the Librarian
Tonino Corazzari ... Buono Legnani
La casa dalle finestre che ridono
La Casa dalle Finestre che Ridono
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darkpalmor · 4 years
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18 JANVIER 2021
Louis Armand, encore et à suivre...
« Dis-moi dix mots » (15 minutes) : Édition 2020-2021. « Dis-moi dix mots qui (ne) manquent pas d’air ! » « aile, allure, buller, chambre à air, décoller, éolien, foehn, fragrance, insuffler, vaporeux. » La nouvelle édition invite chacun à s’inspirer des mots qui évoquent l’air sous toutes ses formes. L’air est en effet une ressource naturelle, un bien commun à préserver pour l’avenir de l’humanité. On l’associe également à la vie, à l’énergie, à la santé, mais aussi à la mobilité et à la circulation. Source de sensations, selon qu’il est chaud ou froid, qu’il embaume ou empeste, l’air est aussi ce souffle de vie qui nous relie aux autres. Il évoque symboliquement l’aventure, une frontière à franchir. Dix mots vous sont proposés ici, comme autant d’invitations au voyage, à la réflexion, au plaisir, à la poésie. Laissez-vous porter par le souffle de votre imagination… On essaiera d’écrire un texte, narratif ou rêveur, descriptif, réaliste ou non, dans lequel se trouveront les dix mots.
Souvent pour s’envoler, les albatros en cage Déploient une vaste aile au-dessus des marins. Sans peur du gouffre amer ils vont à toute allure, Ils bullent, ces flemmards aux ailes de géant, Sans fatigue, et se laissent porter par le vent ! Plus vite qu’un vélo crevé devant derrière, Respirant un grand coup, gonflant leur chambre à air, Ils décollent bien loin des hommes d’équipage Qui fument une pipe et leur lancent des flèches. Dans ce monde éolien, maritime et salé, Ils se croient à Davos et attendent le foehn. Ça sent bon le foin sec, la lavande et la vache, Ces fragrances alpines qu’ils insufflent en vrac. Remplissant leurs poumons d’oxygène et d’ozone, Ils deviennent poème et se rient des élèves Qui sèchent leur bac blanc, ayant mal révisé. Leur plume vaporeuse emporte tout au loin. Baudelaire a cru bon d’en faire des héros, Juste pour embêter les futurs bacheliers. Voilà un écrivain qui ne manquait pas d’air ! ! !
Marie CH.
Voilà mon petit début. Depuis des années que je l’espérais, aujourd’hui ma montgolfière a réussi à décoller. Une fois son enveloppe gonflée, c’était une immense chambre à air perdue dans l’infinité du ciel. A son allure, elle a parcouru le monde insufflée par le vent. Dans son périple, elle a pu observer le vol élégant des aigles royaux et leurs ailes soyeuses.
Arthur C.
Prête ? Prête ! Tout semblait parfait : le soleil, les montagnes, la chaleur, le foehn qui faisait onduler les nombreux brins d’herbes qui m’entouraient. Et cette piste, faite de terre battue, finissant par le vide d’une falaise abrupte. Les pieds sur les pédales je m’élançais, j’activais les mini hélices d’éoliennes que j’avais fabriquées, ayant pour objectif de m’élancer dans ce vide que peu d’entre nous osent affronter. Les chambres à air gonflées au max, tout se passait comme prévu. L’allure de mon vélo - équipé d’ailes - et de mini hélices prenait de la vitesse, et la distance qui me séparait du vide diminuait. Soudain, une secousse, un haut-le-cœur presque imperceptible, et le décollage avait eu lieu. J’insufflais l’air, un air frais, vaporeux, celui des montagnes et du grand air, qualifiable de fragrance. J’étais là, les pieds dans le vide, tel un oiseau découvrant le bonheur de voler. Je bullais, ou plutôt j’appréciais, je ne sais plus très bien, le souvenir était flou tant l’émotion du moment était forte. Mais quelquefois, dans la nuit, mon esprit me joue des tours, me renvoie sur ce vélo, sur cette montagne et je revis cet instant où suspendu dans le vide, je me prenais pour un oiseau.
Gladys G.
J’aime être un oiseau car on peut s’envoler dans d’autres horizons quand celui ci ne nous plait pas. L’allure d’un paon est d’une remarquable beauté, j’ai toujours voulu en être un. Je suis en train de buller, j’étais posée sur une magnifique voiture bleue quand soudain un bruit retentit... La chambre à air a soudain éclaté ! Paniquée je décollai à toute allure, insufflant alors une odeur fragrante. C’était l’odeur du Foehn qui sentait ainsi, m’appelant dans cette direction, je m’envolai avec tous mes compagnons dans cette nouvelle aventure.
Véronique G.
Si j’avais des ailes, je décollerais à toute allure et j’irais buller sur le nuage le plus vaporeux. Je m’envelopperais d’une exquise fragrance et, pour ne pas m’ennuyer, je demanderais à mes amis de me rejoindre en prenant le premier mistral ou foehn venu. Nous insufflerions beaucoup de joie dans notre chambre à air !
Chrystèle M.
A tire d’ailes et vive allure, le vol des étourneaux se déployait sous l’horizon bleuté. J’observais leurs arabesques m’insuffler leurs poésies et leurs jeux éoliens me ravissaient. Moi je bullais, étendue sur la mousse dans une fragrance de sous-bois vaporeuse. Je me sentais décoller sous le foehn, gonflée d’air pur et m’imaginais telle une chambre à air prête à éclater.
Photo mystérieuse (10-15 minutes) : Qui est là ? Voici une photographie représentant une scène à plusieurs personnages. Il s’agit d’écrire un récit explicatif de ce qui s’y passe, comme si on y avait participé soi-même, ou comme si on avait entendu l’explication de la scène par un tiers. On choisit un seul des personnages, on lui donne une identité, un cadre spatial et temporel, une existence sociale, morale, psychologique, des aventures, etc.
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Joseph Ferrand, le bouvier, part à la pêche, avec son labrador dressé pour rapporter les poissons trop lourds, et ses deux bœufs qui tireront le chariot rempli. Il faut dire que dans la région, Joseph est le meilleur. Sa gaule n’est pas déguisée en aiguillon, il cache en réalité un filet de braconnier sous son gros pull tricoté par la tante Berthe. La rivière en bas de la prairie est son terrain de prédilection, il connaît les coins à carpes et à brochets mieux que le fond de la mare. Mais il n’a guère eu le choix du métier, le pauvre Joseph. Le gros en cravate, c’est le propriétaire de la ferme, des bœufs, de la prairie, et du restaurant où il faut livrer du poisson tous les mardis, jour de marché ! Alors le père de Joseph, Marcel, celui qui a tellement honte qu’il se cache derrière la vitre et les rideaux, a bien dû donner son fils à M’sieur Richard, le patron. Dès l’enfance, on lui a appris à tendre le filet, à le remonter sans à-coups, à étaler les poissons sur un lit d’herbe fraîche avant de les remonter par une desserte dissimulée jusqu’à l’arrière du restaurant. On a exigé qu’il ne dise rien aux gendarmes, ni à personne du hameau. Le petit garçon en col blanc, c’est le petit Richard, celui qui apprend, à 7 ans, comment on dresse un journalier, comment on domine le reste du monde. Les deux bœufs sont anonymes : juste un prénom, Legauche et Ledroit, qu’ils ont mémorisé dès les premiers jours de leur dressage, sous l’aiguillon du père de Joseph. Le chien, c’est Gaston. Gaston Trois, dans la lignée. C’est lui qui écoute les confidences de Joseph, mais il ne sait pas écrire. Alors, Joseph, pour chasser sa honte de faire un métier d’esclave et de malhonnête, a tout dicté à sa sœur, celle qu’on ne voit pas sur la photo car les filles ne se montrent pas aux photographes, en 1923. C’est moi, Justine Ferrand, qui vous écris.
Gladys G.
Chaque vacances, je les passais avec mon père, Alexandre au grand Bornand en Savoie. Tôt le matin il allait promener les vaches avec notre chien Maïki. Chaque matin ça me rendait triste de le voir partir sans moi... Je le regardais par la fenêtre d’un air triste en espérant qu’il m’ emmène. Mais comme à chaque fois je restais avec ma mère Angelina qui m’apprenait à tricoter. Nous allions ensuite donner à manger aux oiseaux et faire des roulades dans les prés. Mon père arrivait et c’était déjà l’heure de déjeuner. Que j’étais heureuse de le voir à chaque fois car je savais que l’après-midi il serait avec moi, rien qu’à moi.
 Arthur C.
J’sais pas ce qui s’est passé ni comment on est arrivé là. Enfin bref, j’étais avec ma sœur Fleurette, on avait réussi à s’enfuir du champ et puis on s’est retrouvé dans une salle. Une salle avec plein de petits enfants, des longs bureaux et un grand monsieur qui se tenait droit et dont le regard était sévère. La pire chose dont je me souviens était les cris, ces horribles cris que les petites cordes vocales des petits écoliers faisaient du moment où nous sommes entrées dans la salle jusqu’à ce qu’on l’ait quitté. Heureusement que ce bon vieux Médor, le chien du voisin, nous a trouvés. Il nous a dit de ne pas s’inquiéter et de le suivre. On l’a donc suivi et nous avons retrouvé l’air frais de dehors et le silence qui y régnait. Le maître de Médor était sur le point de nous raccompagner quand un grand flash blanc apparut de nulle part. Quelle terrible journée, désormais c’est décidé, je resterai bien sagement dans mon champ. 
Chrystèle M.
C’est jour de foire, mon oncle Jean au premier plan va présenter au concours agricole ses deux beaux bœufs magnifiques. Il espère gagner un bon prix et une médaille à placer au dessus de la porte de son étable, preuve de son sérieux dans l’élevage bovin. Avec mon père, nous sommes collés contre le mur dans nos plus beaux habits du dimanche car c’est jour de fête. Nous voulions être sur la photo, tout comme notre chien Toby que les deux bœufs fixent du regard en disant : « hé ho, il ne va pas nous voler la vedette celui-là... »
Marie CH.
Ha oui… cette photographie, je m’en souviens très bien. C’était un beau jour de mai de 1932, le 15 je crois, ton père revenait du village où il avait gagné un défi contre son vieil ami Roger. Tu ne le vois pas sur l’image, mais il était en réalité tout pompette : pour remporter les deux bœufs que tu vois sur la gauche il avait réussi à boire 3 bouteilles de vin blanc sans s’écrouler. Alors que ton oncle, qui est debout derrière, était à la maison avec ton cousin, ton père est rentré et ils ont eu une grosse dispute concernant l’image d’idiot que renvoyait ton père. Sauf que 5 minutes après le retour de celui-ci, un photographe s’est présenté à la maison pour faire apparaître ton papa dans le journal, mettant ainsi fin à la discorde avec ton oncle. Ils sont alors tous sortis dehors pour faire bonne figure, néanmoins tu peux quand même lire le sérieux et la colère sur le visage de tonton Jean. Moi, ta maman, n’aimant pas être prise en photo comme tu le sais, je suis tout simplement restée à l’intérieur mais tu peux quand même m’apercevoir à la fenêtre. Une fois la photographie prise, ton oncle et ton cousin sont partis et je me suis occupée de ton père qui ne tenait plus debout, le pauvre. C’était très marrant parce qu’il était incapable de faire quoi que ce soit mais il était tout de même fier de ses deux acquisitions.
Et les membres de l’Atelier du mercredi ne sont pas en reste !
Élisabeth M.
Quel bonheur que l'écriture Quand elle s'apprête à m'insuffler L'énergie qui, à toute allure, Me fera bientôt décoller. Je me sens pousser des ailes Et gonflée à bloc telle une chambre à air. Le foehn me porte de ciel en ciel Dans le vaporeux de l'atmosphère. Alors je me surprends à buller Comme un rotor éolien en vacances Goûtant du cosmos l'immensité Et la douceur de ses fragrances.
Ce jour de l'été 1913, Jeannot, le valet de la ferme des Bordes, venait de rentrer des labours avec les deux jeunes bœufs acquis récemment par le fermier, Monsieur Ranquière. Celui-ci était venu s'informer des performances des deux bovins, soucieux de s'assurer que son métayer, Monsieur Georges, avait fait le bon choix à la foire de Brignon en accordant sa préférence à des bêtes d'un âge tendre. Monsieur Ranquière était accompagné de son fils unique, Célestin. L'enfant se tenait bien droit dans son costume marin aux côtés de son père, fier de la responsabilité que celui-ci lui avait octroyée, en lui demandant de choisir un nom pour chacun des deux bœufs. Célestin les avait longuement examinés puis s'était prononcé: Celui dont le poil roux dominait dans la robe avait été baptisé "Le Rouquin", tandis qu'au second, au pelage marron clair, le nom de "Brunet" avait été attribué. Les deux bœufs avaient été délestés de la charrue, mais on n'avait pas ôté le joug qui les reliait. Monsieur Georges s'était rendu sur les lieux pour immortaliser la scène avec la dernière acquisition faite par Monsieur Ranquière, à l'initiative de son épouse, éprise de modernité: un appareil photo dernier cri, muni d'un large soufflet qui le faisait ressembler, une fois déplié, à une sorte d'accordéon. Jeannot fixait l’œil de l'appareil avec un mélange de curiosité et de méfiance. Monsieur Georges lui avait recommandé de ne plus bouger. Pour se donner une contenance, Jeannot flattait machinalement de sa main droite la tête de Pipeau, le chien de la ferme, tandis que sa main droite tenait à la verticale son aiguillon, comme le fusil d'un soldat à la revue. Jeannot retint soudain sa respiration lorsqu'il aperçut, face à lui sur le chemin, Madeleine, dite Mado, la toute jeune servante de la ferme voisine. Cela faisait plusieurs semaines qu'il la chérissait en secret, n'osant cependant pas lui déclarer sa flamme par crainte qu'elle ne le repoussât. Il l'avait en effet aperçue, lors du bal de la St Jean, lancer des œillades énamourées en direction de Firmin, le vacher. Que n'avait-il pas l'assurance et le bagout de ce dernier!
Jacqueline M.
Aile...L...Oiseau LIBERTÉ De l'air ! De l'air ! Cesser de buller, Percer la chambre à air, Décoller, tourbillonner, se laisser porter Par la bise, le foehn, la vaudaire... Inspirer l'exaltante fragrance Du vaporeux génie éolien Offert comme une délivrance. Conserver ce précieux lien Pour l'insuffler à tout l'univers. Et le cœur léger, Rêver sur l'aile de l'oiseau...
Réveil en sursaut...
- Papy ! Papy ! Regarde ce que j'ai trouver dans la grande malle du grenier ! Tout essoufflé, Guillaume surgit dans le salon interrompant brutalement ma sieste digestive. Il brandissait sous mon nez une vieille photo sépia poussiéreuse. Me redressant péniblement dans mon vieux fauteuil, j'attrapai à tâtons ma paire de lunettes posée plus loin sur le guéridon. - Mais qu'as-tu encore déniché ? Grognai-je. Quand Guillaume me rend visite, il adore en profiter pour se lancer à la chasse aux trésors parmi les vieilleries entassées dans le grenier. Parfois, il y passe une bonne partie de l'après-midi et réapparaît ensuite tout heureux, les yeux brillants, des toiles d'araignées prisonnières dans ses cheveux et toujours à la main une trouvaille extraordinaire. Une fois de plus, il m'avait rejoint tout excité, impatient de partager sa découverte. - Papy ! Tu sais qui sont les personnes sur cette photo ? - Voyons...Voyons...Oui ! M'exclamai-je. Je me souviens... "Là, tu vois derrière ? Eh bien, c'est moi aux côtés de mon père, ton arrière-grand-père que tu n'as pas connu. J'étais tout gamin à l'époque : je devais avoir huit ans à tout cassé. On passait souvent les week-end et les vacances en famille à la ferme chez mes grands-parents. Et là, au premier plan, c'est Jean Vauchez, le bouvier, avec ses bœufs, son aiguillon et son chien Léon, son fidèle compagnon que j'adorais. Cet animal était très doux et obéissait au doigt et à l’œil. Son maître me laissait souvent jouer avec lui. Je me rappelle très bien de Jean Vauchez car j'étais fasciné par son adresse à dresser les bœufs. Mon grand-père l'embauchait pour la période des labours. Tu sais, il n'y avait pas de tracteur à l'époque ou très peu, chez les riches fermiers et le travail du bouvier était pénible. Jean attelait tôt le matin et rentrait tard le soir. La pause de midi était courte. Mais il aimait son travail. Il était à la fois doux et ferme avec ses bêtes et en prenait grand soin. Jamais il ne les forçait dans les champs et respectait leur allure. Le soir, épuisé, son Léon toujours sur les talons, il les conduisait à l'étable après avoir détaché la charrue. Et avant de s'accorder le moindre repos, il enlevait le joug, nourrissait et étrillait ses bœufs. Alors seulement il rejoignait la tablée familiale avec son chien pour le repas du soir, les traits tirés mais toujours souriant et satisfait du travail accompli. Oui, Jean Vauchez était bon bouvier et un brave et fier gaillard !"
Claudine L.
Je suis une bulle d’air, tout juste sortie du nid. Un seul battement d’aile et me voici légère, libre et aérienne. Chaque inspiration est une bouffée d’air pur, une énergie nouvelle. Je me sens gonflée comme une chambre à air. Je viens juste de décoller. Assez bullé au fond de mon nid, à moi le grand air, l’azur et les moutons blancs, vaporeux, qui dansent avec le vent. Autour de moi, les souffles éoliens fredonnent en harmonie. Bise fraîche, foehn tiède et alizés me transportent. Mille fragrances issues de tous les horizons les accompagnent pour mon plus grand plaisir. C’est un grand vent d’espoir et de promesse, insufflé dans mon être.
Colette M.
Il y a des moments magiques. Ça commence par il était une fois, ou un jour.... Un jour, j'ai vu et participé à un de ces moments. Nous étions en balade, la randonnée était magnifique. Nous l'avons remarqué, il était sur une hauteur, pas très loin de nous. Il ne s'est pas préoccupé de notre présence, il a décollé. Avec ses ailes articulées, prolongements éoliens de ses membres, il s'est envolé. Ce danseur vaporeux surfait sur le souffle chaud d'un foehn puissant, par dessus les cimes, au travers des nuages. De son allure gracieuse, il flottait, roulait, sautait, pirouettait, il semblait buller, léger et libre. Chorégraphie merveilleuse et enchanteresse d'un homme-oiseau, nous étions fascinés par ce spectacle. Têtes levées, ce ballet insufflait dans nos poitrines gonflées comme des chambres à air, un air pur chargé des fragrances célestes. Rêve ou réalité ? Qu'importe, c'était un moment magique.
Orane Ch.
Quand elle allait à bicyclette - chambres à air gonflées à bloc -, elle avait l’allure d’un grand oiseau dont les ailes fendaient souplement le ciel, y laissant ses traces blanches légèrement bleutées, comme s’il s’était agi de celles, vaporeuses, d’un bel avion d’antan. Le foehn tiède et doux, paraissait vibrer dans sa chevelure détachée, insufflant à son corps entier, la sensation de décoller. Tout simplement. La puissance de l’éolien la faisait oiseau, elle la faisait cheval fou tant elle filait, libre et heureuse. Quand enfin, épuisée, elle s’arrêtait auprès de sa maison, elle se faisait chatte pour buller, blottie alors dans les nombreux coussins du canapé diffusant une fragrance de lavandin, si favorable à l’assoupissement.
Chantal B.
Vous ne trouvez pas que j'ai une bien drôle d'allure à buller sur ma chambre à air, sous le regard d'une tribu d'éoliens, alors qu'il ferait si bon disposer d'une paire d'ailes qui m'insufflerait le goût de décoller dans la chaleur d'un foehn vaporeux transportant la fragrance de l'automne naissant ?
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christophe76460 · 4 years
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Qu’est-ce que la masculinité selon la Bible? Vous connaissez la radicalité de la Bible, hé bien, la masculinité n’y échappe pas non plus!
La masculinité est l’appropriation joyeuse de notre responsabilité sacrificielle, rien de moins. C’est notre réponse à l’appel de Dieu. J’espère ouvrir une fenêtre sur la masculinité en me référant à son rappel le plus naturel et le plus pratique de ma vie : comment apprendre à mes deux jeunes fils à se comporter comme des hommes. Pour ce faire, je vais décrire sept souhaits que j’ai pour mes garçons alors qu’ils grandissent en maturité vers l’âge adulte.
1. Je veux que mes garçons grandissent pour être de vrais hommes de Dieu: premiers arrivés, derniers partis, riant plus fort que tout le monde
Autour de chez moi, c’est notre façon d’exprimer l’appropriation joyeuse de la responsabilité sacrificielle. Il s’agit d’un résumé des paroles du roi Lune d’Archenland sur la royauté dans « Le cheval et son garçon » (Les Chroniques de Narnia):
Car c’est ce que signifie être un roi: être le premier dans chaque attaque désespérée et le dernier dans chaque retraite désespérée, et quand il y a la faim dans le pays (comme cela doit être de temps en temps pendant les mauvaises années) de porter des vêtements plus fins et de rire plus fort que tout homme dans votre pays devant un repas plus maigre.
“Le cheval et son écuyer”, Les Chroniques de Narnia, C. S. Lewis
La royauté (et par extension la vraie masculinité) signifie être le premier dans la bataille. S’il y a un danger à affronter, l’homme véritable ira le premier le combattre. S’il y a un fardeau à porter, l’homme le portera en premier. L’homme veillera à ce que la douleur et les difficultés retombent sur lui avant de tomber sur ceux dont il prend soin. Trop d’hommes pensent que le leadership masculin signifie exiger des choses, obtenir ce qu’ils veulent comme ils le veulent et faire le tour du quartier sur un grand cheval. Mais un leadership selon Dieu ne nous donne pas le droit d’asseoir notre autorité sur les autres; cela signifie, comme le dit mon ami Toby Sumpter, que c’est notre gloire de mourir en premier.
Alors que beaucoup d’entre nous ne seront jamais appelés à se battre dans une bataille physique pour protéger nos familles, nous sommes tous appelés à rechercher des opportunités pour être les premiers arrivés, les derniers partis et ceux qui rient le plus fort. « En effet, le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup. » (Marc 10.45).
Par conséquent, un homme de Dieu rentre à la maison non pour être servi, mais pour servir. Après une dure journée de travail, un homme de Dieu rentre chez lui, non pas avec une liste d’exigences, mais avec l’empressement de vouloir donner. Il revient pour alléger les fardeaux de sa femme, pas en ajouter. Il revient pour jouer avec ses enfants, et non les renvoyer dans leur chambre pendant que lui se repose sur le canapé.
Je veux que mes fils aspirent à être des hommes qui donnent jusqu’à ce que ça fasse mal et sifflotent en le faisant. Je veux qu’ils se sacrifient avec un rire invincible dans leur cœur. « Quant à moi, je ferai très volontiers des dépenses et je me dépenserai moi-même pour vous-même », dit Paul aux Corinthiens (2 Cor. 12.15).
La masculinité selon Dieu devrait être la chose la plus heureuse que vous ayez jamais vue. Les yeux qui pétillent, un sourire éclatant, toujours riant, telles sont les qualités d’un homme qui a fixé ses pieds sur le Rocher et ne sera pas ébranlé lorsque la terre sera bouleversée et que les flots de la mer écumeront (Ps. 46.1-3).
2. Je veux que mes fils embrassent leur vocation de protecteurs des faibles
L’une de mes principales responsabilités en tant que père envers mes fils est de les préparer à la guerre. Chez nous, jouer avec des épées est une leçon de vie pratique. Lorsque nous revêtons nos armures en plastique et prenons nos épées en mousse, nous nous préparons à de vrais sacrifices. Je veux qu’ils voient que le principal fardeau de défendre leur incombe – qu’il s’agisse de la maison, de la famille, de l’église ou du pays. Le monde est rempli de jardins et, comme le dit un pasteur, les jardins attirent toujours des serpents. Par conséquent, ma prière est qu’ils mettent leur armure, gardent leurs épées aiguisées et assurent leur rôle d’homme.
De plus, une partie de leur apprentissage consiste à savoir tomber et se relever. Je veux que mes garçons tombent. Je veux qu’ils aient les genoux écorchés, la tête pleine de bosses et les bras meurtris. Je veux qu’ils ressentent la douleur (à petites doses) pour qu’ils apprennent à en rire. Je leur demande: « Que faisons-nous lorsque nous tombons? ». « On rit et on continue à jouer », me répondent-ils.
La masculinité consiste à prendre la responsabilité de la sécurité physique, émotionnelle et spirituelle des personnes dont nous avons la charge. Pour moi, cela signifie, entre autres, de verrouiller les portes la nuit, de faire des câlins et des baisers comme si mon affection paternelle était de la neige dans un hiver du Minnesota, et de prier pour que de puissants anges avec des épées enflammées gardent les chambres pendant que nous dormons. Cela signifie identifier les menaces et les ennemis de toute nature et prendre des mesures pour protéger et garder ceux qui me sont confiés. Plus important encore, cela signifie tuer le dragon qui se cache dans mon propre cœur. La plus grande menace pour mes proches est mon propre péché et ma rébellion. Par conséquent, protéger les autres exige de moi de poursuivre la sainteté résolument et joyeusement.
3. Je veux que mes fils se soumettent à l’autorité légitime avec joie
La condition préalable pour être en position d’autorité est de reconnaître que l’on est toujours sous autorité. Beaucoup d’hommes pensent que le leadership consiste à être « le patron », alors qu’en fait il s’agit d’abord et fondamentalement de reconnaître que Dieu est le Patron (Éph. 6.9; Col. 4.1). La masculinité accueille avec joie la redevabilité, l’autorité et la surveillance. Le fondement de la virilité selon Dieu est l’obéissance joyeuse à l’autorité légitime. Un homme ne peut pas s’attendre à l’obéissance des autres s’il n’est pas d’abord désireux d’être lui-même obéissant à ceux qui sont au-dessus de lui dans le Seigneur. Je veux que mes garçons grandissent avec une conscience profonde que leur père est un homme soumis à l’autorité. Je veux être un modèle pour eux d’une soumission joyeuse à Dieu selon sa Parole, aux anciens de notre église, à mon patron au travail. Dieu les appelle à m’honorer, à me respecter et à m’obéir; par conséquent, je veux leur montrer comment.
Le verso de la soumission à l’autorité légitime est la résistance à l’autorité illégitime. Une partie de l’enseignement de l’obéissance selon Dieu à mes fils consiste à les aider à saisir les différences entre l’autorité établie par Dieu et celle qui est usurpée par des hommes qui ne suivent pas Dieu. Et je veux qu’ils défient les seconds précisément parce qu’ils désirent obéir à Dieu. Cela signifie se réjouir d’exemples d’hommes comme l’apôtre Pierre (« Nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » – Actes 5.29), Martin Luther King Jr. (« Une loi injuste n’est pas du tout une loi » – citant saint Augustin), et Robin des bois (« Si être un hors-la-loi est le dernier travail disponible pour un honnête homme en Angleterre, alors je serai un hors-la-loi ») [1].
4. Je veux que mes fils trouvent la joie qu’il y a dans la pratique de la maîtrise de soi
Paul choisit la maîtrise de soi comme l’un des appels fondamentaux pour les jeunes hommes (Tite 2.6) et les plus âgés (2.2). Cette maîtrise de soi est le résultat de la grâce de Dieu dans l’Évangile (Tite 2.11-12). C’est la grâce qui nous entraîne à renoncer à l’impiété et à vivre la maîtrise de soi dans nos vies pendant cette époque. Paul identifie la maîtrise de soi comme un fruit de l’Esprit (Gal. 5.23), ce qui signifie qu’elle est plus que notre simple volonté. L’un des objectifs fondamentaux de l’Esprit de Dieu est de me redonner le contrôle de moi, afin que je fasse des efforts sur ce que Dieu travaille (Phil. 2.12-13).
La Bible enseigne que la gloire des jeunes hommes est leur force. Mais la force inactive est l’oisiveté et la passivité, et donc la force doit être dirigée vers un but. D’un autre côté, une force non bridée est imprudente et dangereuse, elle fait rapidement du mal et est destructrice. Une force gouvernée par la sagesse, une force guidée par l’Esprit de Dieu, une force visant le bien des autres – c’est ce que Dieu recherche.
Pour mes fils, cela signifie contrôler leurs colères et leurs débordements, ne pas se mettre à pleurnicher et à s’agiter quand ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent, et apprendre quels sont le temps et le lieu pour faire les idiots, les fous et être bruyants. À mesure qu’ils grandissent, la maîtrise de soi sera nécessaire pour sortir du lit pour aller à l’école, terminer les devoirs avant de jouer dehors et résister à la tentation sexuelle.
Dans un de ses écrits, l’écrivain Chesterton a fait remarquer que la raison pour laquelle l’ordre et la structure existent dans le monde de Dieu c’est de faire de la place pour que les bonnes choses puissent se déchaîner. Dieu érige des murs autour de la ville afin que la vie puisse avoir lieu à l’intérieur. Dieu établit des limites pour que la joie puisse se déchaîner. Un homme de Dieu respecte et apprécie les clôtures construites par Dieu, puis monte à cru à travers la plaine délimitée, le vent fouettant ses cheveux.
5. Je veux que mes fils célèbrent les merveilles de la féminité
Trop souvent, magnifier les vertus d’un sexe entraîne le dénigrement de l’autre. Mais Dieu a conçu la masculinité et la féminité pour se compléter l’une l’autre. Les hommes et les femmes ont été faits pour danser ensemble. Et tout l’intérêt du fait que ce soit les hommes qui dirigent dans la danse est de mettre en valeur la beauté des femmes.
Par conséquent, il ne peut y avoir de masculinité selon Dieu où la vertu féminine n’est pas célébrée. Les hommes de Dieu aiment la gloire des femmes, parce que la gloire de la femme est la gloire de l’homme (1 Cor. 11.7). Cela signifie qu’en général, nous pouvons mesurer la fidélité des hommes par l’épanouissement des femmes. Dans une famille chrétienne, les fruits que portent la femme et les enfants sont la preuve que Dieu fait reposer sa bénédiction sur le mari. Si vous voulez voir si la masculinité biblique est présente dans une assemblée, regardez les femmes et les enfants. Est-ce qu’ils s’épanouissent? Font-ils l’objet d’une attention particulière ? Sont-ils saints, heureux et pleins d’espoir?
Je veux que mes fils soient impressionnés par la brillante force et la vivifiante sagesse des femmes. Je veux qu’ils entendent leur père chanter les louanges de leur mère, qu’importe la saison de la vie dans laquelle nous nous trouvons. Quand je les bénis avant de dormir, je veux qu’ils espèrent ardemment que mes prières pour eux se réalisent: « Que le Seigneur penche son visage sur toi et te donne la paix, et t’accorde un jour une femme semblable à ta maman. » Je veux qu’il n’y ait aucun soupçon de supériorité ou de domination masculine, mais uniquement de la reconnaissance envers Dieu pour l’énorme bénédiction que sont les femmes.
6. Je veux que mes fils mettent à mort tout vestige de fausse masculinité
Mes garçons sont nés en tant que fils d’Adam, ce qui est « assez d’honneur pour faire relever la tête du mendiant le plus pauvre, et assez de honte pour faire s’abaisser les épaules du plus grand empereur de la terre » [2]. Adam a été appelé à garder et à protéger le jardin (tout comme les Lévites gardaient et protégeaient le tabernacle), mais au lieu de cela, lorsque le serpent s’approcha de sa femme avec ses paroles mensongères, Adam se tint là passif et silencieux. Dieu lui avait ordonné de ne pas manger de l’arbre interdit, mais quand sa femme lui a offert le fruit interdit, il a choisi de défier son Père, d’écouter la voix de sa femme et d’adorer la créature plutôt que le Créateur. On s’attendait à ce qu’il assume la responsabilité de protéger sa femme et de pourvoir à ses besoins, mais quand Dieu l’a appelé pour rendre compte de son péché, il a accusé sa femme, exigeant de fait que Dieu la mette à mort pour leur péché commun.
Passivité, idolâtrie, abus. Ce sont les caractéristiques de la masculinité adamique. C’est le contraire de la bonne responsabilité sacrificielle. Au lieu d’être le premier entré, dernier sorti, riant le plus fort, nous sommes le dernier entré, premier sorti et toujours en train de nous plaindre. Je veux entraîner mes garçons à reconnaître le vieil homme qui vit dans leur cœur et leur enseigner à prendre leur croix et à le mettre à mort quotidiennement.
Je ne me fais aucune illusion : la masculinité adamique ne sera jamais complètement détruite dans cette vie. Mais il peut y avoir des progrès, et nous devons commencer là où le premier Adam a échoué: en assumant notre responsabilité et en nous repentant. Lorsque je prodigue des conseils à des hommes nouvellement mariés, je leur rappelle que dans un mariage de pécheurs, le conflit est inévitable. Certains disent que l’amour consiste à ne jamais avoir à dire que vous êtes désolé. Pour un mari qui suit Dieu, l’amour signifie que vous avez le privilège d’être le premier à dire que vous êtes désolé.
7. Je veux que mes fils voient Jésus-Christ comme le fondement et le but de leur masculinité
Christ est le fondement de notre masculinité. Il a emmené l’humanité adamique dans la tombe avec lui et il a été ressuscité avec une nouvelle façon d’être humain et une nouvelle façon d’être un homme. Contrairement à Adam, Christ a tué le dragon pour obtenir la fille. Et il a tué le dragon en mourant lui-même. Quand il a vu sa fiancée marcher sur le chemin large de la voie de la destruction, qu’a-t-il fait? Il n’a accusé personne, il a versé son sang. Il n’a pas condamné, il est mort. Il n’a pas râlé, grommelé ni gémi. Au lieu de cela, il s’est donné tout entier pour elle avec joie et avec grâce, afin de purifier et de rendre sa fiancée encore plus belle.
Christ est mort pour les péchés d’Adam et de tous les fils qui suivent ses pas, afin de nous tracer un chemin vers notre Père et retrouver notre vocation royale. L’Évangile de Jésus-Christ est le seul espoir pour les hommes défaillants et déchus, et c’est une espérance vivante et durable.
Ma prière pour mes garçons (et pour moi-même et les hommes qui lisent ceci) est que nous embrassions cet Évangile et répondions à l’appel du Christ à être ses petits frères, le suivant dans la brèche, sacrifiant nos vies pour les autres et le faisant pour la joie qui nous précède. Premier entré, dernier sorti, riant le plus fort.
Notes:
[1] Jim Veiss, Une version racontée des Trois mousquetaires – Robin des bois, CD audio (Charlottesville, VA: Greathall Productions, 1999).
[2] C. S. Lewis, “Prince Caspian: Le retour à Narnia”, Les Chroniques de Narnia.
Cet article est adapté de Designed for Joy: How the Gospel Impacts Men and Women, Identity and Practice (Conçus pour la joie: comment l’Évangile impacte les hommes et les femmes, Identité et pratique) édité par Jonathan Parnell et Owen Strachan.
Merci à Nathanaël Delarge pour la traduction de cet article
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marlenecollineau · 4 years
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Nantes 2049. En sortant de chez moi…
On est fin janvier. Au détour d’une conversation, Christine me propose de participer à un concours de nouvelles organisé par l’association qu’elle préside, La Plume et le Clavier, avec la maison d’édition-librairie L’Atalante. Il n’a pas fallu insister beaucoup pour que je m’y colle. Début juin, les résultats tombent. Surprise et fierté, si je ne suis pas sur le podium, je suis une des dix nouvelles remarquées ! Le sujet ? “Nantes 2049. En sortant de chez moi…”
Vite, qu’on y plonge
Lundi 18 heures
Ma grand-mère me le dit toujours : ne rentre pas après le couvre-feu, tu pourrais t’attirer des ennuis. Elle a raison ma grand-mère, elle est du genre malin. Si elle savait… Me voilà coincé dans ce tunnel, à ne pouvoir ni avancer, ni reculer. Sans garantie aucune si je mets la tête hors de terre. Je ne vais pas pouvoir rester là bien longtemps. Je suis caché. Je ne suis pas à l’abri. Il me faut réfléchir à une solution. C’est à moi seul de savoir quoi faire. Maintenant. Oui mais quand même, elle dirait quoi, mamie ? Elle ferait quoi ?...
Lundi 8 heures
Dedans, il est bien trop tôt. Dehors, le soleil est bien trop bas. De toute façon, le soleil… Elle se lève. Les muscles tirent franchement. Vieillir, se dit-elle. Elle ne se lamente pas, elle constate. Après tout, vieillir c’est vivre. Exister encore. Pas encore l’âge de la retraite et pourtant pas d’heure d’embauche, pas de rendez-vous, pas de bus à prendre ni de pointeuse à attendre qu’elle badge mécaniquement. Elle enfile une paire de jeans, le T-shirt de la veille, des baskets. Pas de place à l’improvisation. Dans la cuisine, elle prépare un café filtre. Un plein bol verseur. Elle hésiter à jeter un œil dehors mais se ravise. D’épais rideaux de velours masquent les ouvertures, séparent deux mondes.
Lundi 9 heures
La cuisine s’emplit tranquillement. Les enfants sont levés. Habillés, chaussés. On ne sait jamais. Leur café est agrémenté d’une goutte de lait parce que, convenons-en, c’est un peu amer. Les nouvelles habitudes s’acquièrent vite. Les anciens goûts sont oubliés. Les traditions perdues. Pour estimer le temps passé, elle dessine à l’aide d’un couteau des bâtons sur le plan de travail en bois. Tous les sept bâtons, elle se cache pour verser quelques larmes. À l’abri des regards des deux têtes blondes qui font son bonheur quotidien. Elle se laisse envahir par l’inquiétude, une crainte tenace.
Lundi 10 heures
Elle sort. Non sans rappeler vertement les consignes. N’utiliser que le tunnel qui part de la chambre. Ne pas prendre avec soi une source de lumière, quelle qu’elle soit. Ne pas répondre si on croise quelqu’un qu’on ne connait pas. Si d’aventures il faut se rendre hors de terre, baisser la tête quand on croise la police. Enfin, être à la maison avant le couvre-feu. Elle utilise l’autre tunnel, le chemin est plus court. Il contraint davantage à sortir aussi. Mais elle est du genre malin. Et ne craint pas vraiment les bleus. Sa seule crainte, c’est de laisser ses petits-enfants seuls. Définitivement seuls. Elle devrait avoir fait les courses et être revenue dans une heure. Elle pourra rejoindre la cellule. Elle a hâte. Hâte de se rendre utile. Hâte d’exister encore un peu.
Lundi 11 heures
Ça n’avance à rien. En sortant de chez elle, elle comptait une heure aller, retour, commissions comprises. Pourtant, elle est là, terrée comme des dizaines d’autres, attendant son tour. Un à un, ils émergent, vérifient que la rue est libre, s’engagent, rejoignent rapidement la énième entrée, nichée dans une ancienne armoire électrique, cachée par un prunus mal taillé. Elle soupçonne certains de profiter de l’extérieur pour lever le nez. Respirer à plein poumons, voir distinctement le ciel, sentir la chaleur du soleil. Si cette intuition la met en rogne, elle se raisonne immédiatement, se souvenant combien, elle aussi, elle aimait ça. Et combien le manque est cruel.
Lundi 12 heures
Elle rejoint la cellule. La réunion est achevée. Elle salue rapidement les présents. Il y a des nouveaux, c’est bien. Elle se tient informée des missions du jour. Pirater les vidéosurveillances du quartier Saint-Félix, creuser à hauteur de Saint-Similien. Ses muscles se rappellent à elle. Les outils sont là. Elle ne peut s’empêcher de sourire en imaginant quelle idée elle se faisait jadis de ce que serait l’avenir. Sa folle modernité, ses batailles numériques, ses armes chimiques. Et ils sont là, grattant la terre, creusant le sol, imaginant des galeries comme autant de chemins vers une liberté volée par un sombre État policier.
Lundi 19 heures
Nantes 2049. En sortant de chez moi après le couvre-feu. Vulnérable. Pathétique hors-la-loi. Assurément filmé de toute part. Mon intégrité, ma vie, tiennent à l’hypothétique sabotage d’un centre opérationnel par une cellule. Je me faufile, je cherche des entrées. Je cherche comment entrer. Des semaines que je n’avais pas mis le nez aussi longtemps dehors. Des caméras partout. Des hommes paraissant être des robots au loin. Des rues cafardeuses. Et moi. Je m’interroge. À quel moment ont-ils perdu la bataille ? À quel moment ont-ils cédé ? Je songe aux livres que me donne à lire ma grand-mère. Les enfants, hauts comme moi, semblent insouciants. Ils jouent, ils rient. Et moi. Moi qui ne ris pas. Qui joue seul, vigilant, sans cesse à l’affût du moindre signe, d’un mouvement suspect. Concentre-toi. Dépêche-toi. Terre-toi.
Lundi 13 heures
Ils font une pause rapide pour déjeuner. Une équipe de filous est parvenue à détourner de l’électricité pour alimenter un écran. Tous s’agglutinent autour. L’écran dégueule les mauvaises nouvelles. Mais ce sont déjà des nouvelles. Des semaines qu’ils se demandent ce qu’ils se passent en haut. Ils voient des images de dignes avançant machinalement sur les trottoirs, se rendant au travail. Ils écoutent attentivement les faits divers. Ici, un homme tasé d’avoir fumé dans la rue. Là, un autre attaché, panneau lumineux autour du cou, qui crache en boucle les mots « je ne respecte pas l’ordre établi ». Il risque de perdre sa dignité. Personne ne sait vraiment ce que ça ne signifie ni ce qu’il advient de ceux-ci.
Lundi 14 heures
Une équipe commando propose d’aider le malheureux. Il semblerait qu’il soit localisé et que les images aient été tournées non loin de là. Ça débat sur la stratégie à adopter. Sur l’heure d’intervention. Il faudra faire vite et convaincre l’homme de les suivre. Évidemment, après des années de sourde obéissance, il n’est pas aisé de se laisser embarquer dans la clandestinité. Qui plus est par des inconnus sur lesquels il filtre de terrifiantes rumeurs. Le pouvoir ment. Il mate toute critique. Il réprime toute attitude contraire à l’ordre établi. Il violente et tue. Si habitués qu’ils sont, les braves gens dont les uniques libertés restent de respirer de l’air frais et de voir les nuances que seul le ciel peut prendre, se taisent. Et acceptent.
Lundi 15 heures
À dire vrai, beaucoup comprenaient et beaucoup auraient donné cher pour contempler les nuages. Au lieu de cela, ils vivaient comme des rats. Ils creusaient de longues galeries qui les reliaient mais pour faire quoi. Parfois, une cellule imaginait bondir de terre, armes dans les mains, et se battre. La raison les ramenait bien vite à la cruauté de la réalité dans laquelle ils avaient vécu, une société vidéosurveillée, sans panne ni angle mort. Ils en étaient partis non pas pour échapper aux consignes, non pas pour échapper aux sanctions, mais pour s’échapper tout court. Ils créaient un monde de pleutres, impuissants, résignés, sous les pieds d’un État policier. Ils ne résistaient pas, ils avaient abdiqué.
Lundi 20 heures
Elle m’a vu, merde. Elle m’a vu. Cours, cours. Dépêche, allez ! J’ai repéré une entrée. Vite que j’y plonge. Allez ! Stupide que je suis. Idiot. Irresponsable. Plus vite.
« Stop. »
Trop tard.
« Arrêtez-vous. Déclinez votre identité. »
« Je m’appelle Julian Meirieu. Je vis avec ma grand-mère. J’ai huit ans. »
« Où résidez-vous ? »
« Je l’ignore. J’ai huit ans. »
« Bien. Vous êtes en état d’arrestation. Veuillez suivre la lumière rouge. Ne tentez rien qui nous obligerait à faire usage de la force. »
Lundi 16 heures
Elle rentre. Même si le couvre-feu prend effet à 18 heures, il n’est pas utile de tarder. Il fera bientôt nuit et les quelques commerces cellulaires seront fermés. Chemin faisant, elle passe par les fermes aquaponiques. Les récoltes seront de bonne qualité. Elle croise quelques connaissances, s’apitoie sur le sort d’une femme sans nouvelle de son compagnon. Un épouvantable mal de crâne la saisit dès qu’elle prend congé. Ses enfants lui manquent. Il n’est pas pire violence que l’ignorance. Elle ne sait pas où, comment, ni quand ils sont partis. Elle ne sait pas où, comment, ni quand ils ont disparu. Il est quelquefois où elle espère leur mort. La mort de ses propres enfants, tant elle s’inquiète de la cruauté du régime. À tous les coups, elle se ravise de cette effroyable pensée. On ne sait jamais, s’ils revenaient.
Lundi 17 heures
Sa petite Lili est là, près de la fenêtre mais toujours à distance raisonnable. Elle l’informe de la sortie de Julian. Il reviendra avant le couvre-feu. Lili a quatre ans. Son frère, huit. Ce sont de gentils enfants. Elle se souvient combien, à leur âge, elle ne leur ressemblait pas. À quel âge avait-elle croisé un premier homme en uniforme policier et pour quelle occasion ? Elle imagine qu’il devait s’agir d’un contrôle routier et que ça n’avait rien d’inquiétant. Grandissant, elle avait vu le monde évoluer, les attentes des citoyens glisser. Bientôt, la société ne réclamait plus la sûreté mais son droit personnel à être assuré de sa propre sécurité. Les limites étaient allègrement franchies, chacun s’équipait d’alarmes, de caméras, d’armes. Les flics dépassaient les bornes, mataient les contestations. La bascule s’opérait.
Lundi 21 heures
Elle explose. Elle meurt. Pire, elle est morte-vivante. Elle ignore comment son cœur fonctionne encore. Elle ne comprend pas comment son cerveau parvient à être irrigué. Elle ne sombre pas dans la folie, elle sombre. Elle n’a que faire de ses propres pensées qui lui répètent sa propre responsabilité, sa propre lâcheté. Elle ne comprend plus pourquoi sa raison s’entête à vouloir prouver sa culpabilité. Bien sûr qu’elle l’est ! Il n’y a plus aucun espoir, pas de solution. Il n’existe pas de chemin pour qu’à nouveau tout aille. C’est fini. Des mois que c’est fini. Des années peut-être. Il y a eu les matchs de foot où de la tête aux pieds ils se faisaient palper, comme du vulgaire bétail, alors qu’elle n’avait pas trente ans. Il y a eu les manifs où elle se rendait et où elle voyait ses amis tomber sous les coups des matraques, saignés comme des veaux, éborgnés, jugulés.
Lundi 22 heures
Il y a eu les fêtes où la jeunesse mourait de danser trop longtemps. Il y a eu l’embrasement dans les quartiers populaires où l’un des leurs laissait sa vie d’avoir voulu échapper aux bleus. Il y a eu l’apathie de tous les autres. Il y a eu l’indifférence habituelle, l’engourdissement morne. La révolte s’est tue. Plus personne ne s’est élevé. Plus personne ne s’est relevé. Et, au milieu de cet assoupissement, il y a eu celles et ceux qui, comme elle, n’ont plus cru à rien. Alors ils se sont terrés, fermant portes et fenêtres, grattant la terre. Ils étaient là à n’être plus rien de leur entier gré. Ils n’étaient déjà plus là. Maigre consolation, ils en aimaient quelques-uns et voilà qu’après ses enfants, Julian disparaissait. Il ne réapparaîtrait pas. Personne ne savait ce qu’il advenait des repris. Lâcheté ultime, personne ne cherchait à le savoir vraiment.
Lundi 23 heures
Je me réveille. Où suis-je ? J’ai les lèvres engourdies. Les membres engourdis. La pièce est claire. Un blanc lumineux. Près de moi, une femme et un homme. Ils m’appellent par mon prénom. Julian. Ils semblent me connaître. Mon fils. Leurs fils ? Ma tête me fait mal. J’ai l’impression qu’une machine me broie le front. Je suis entouré d’une femme et un homme qui m’appellent par mon prénom et semblent me connaître. Je ne comprends pas mais j’aime ce que je vois. Ils portent des combinaisons semblables à celles de mes souvenirs. Orange pour l’homme. Bleue pour la femme. Je me penche douloureusement pour me regarder. Je suis vêtu d’une combinaison orange. J’ai mal mais tout va bien. Mes parents sont à mes côtés.
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Le Disparu
I VIATIQUE
Il a frappé à ma porte une nuit. Il pleurait. Je l’ai porté jusqu’à la chambre et l’ai déposé sur le lit défait. Où suis-je ? Dans l’hiver, sur la route obscure bordée d’oiseaux muets qui menait autrefois au bord de mer, dans le train qui serpente sous l’orage, dans les bras de ta mère.
Il n’a pas dit son nom. Il pleurait. Pourtant rien ne m’attriste; j’ai le coeur rugueux et le regard épais comme un mort. Sous la fenêtre le chien répète: J’y suis ! J’y suis !
Et toi tu pleures.
Gabriel, je te donne ce nom pour que les autres ne nous accusent pas. Vita, tu me donnes ce nom bleu pour me sauver des loups. Quand tu dors j’enlève de tes cheveux les papillons crevés. J’aime la poussière à ton front et le pli de tes paupières.
J’entends son rire remuer l’appartement. Gabriel a envahi le lit; nous partageons cette amitié immédiate que seuls éprouvent ceux qui sont obscurs. Peut-être est-il un ogre venu m’emporter loin de ce pays ?
Loin de chez toi tes amis ne te connaissent plus Une nuit tu as pris des chemins inconnus
-Des années à les entendre bruisser aux abords de la ville fragile-
En silence dérivé des jours entiers sans croiser quiconque sur la route immense Dans ton sac l’écho d’un jeu de clés te rappelait que l’errance avait commencé quelque part Un point infime sur une carte dessinée à la hâte clignotait doucement lorsque tu te tournais vers l’horizon déchiré
Là-bas, les hommes. Alors tes lèvres articulaient le mot maison.
J’y suis !
Peut-être existes-tu seulement dans le récit de tes pas. Cette fable un peu solennelle dans laquelle les mots t’emportent, où tu t’étires à l’infini, multiple et guerrier, puis t’interromps, la poitrine soudain vidée de tout son air.
L’air malade il bégayait, évoquant le brouillard qui enrobait lentement nos vies pour nous contraindre à une indolence de fortune. Son corps s’agitait au rythme des voix que déversait en flot continu la radio; commentaire sans affect de nos étreintes.
Tu m’entends ? Dis que tu m’entends ! Où met-on les gens comme nous ?
Au matin, le passage des éboueurs sonnait la fin de la trêve.
Gabriel, je voudrais que tu n’aies plus jamais froid mais je vois sur ton visage hideux que tu appelles le grand hiver. Cette image faite autrefois de toi, endormi dans ta chambre, contient un geste qui s’efface. Tu ne sais plus qui l’a prise.
Il demande qu’on lui apporte un verre de lait, un réconfort. Nous faisons l’amour; nos regards joints dans un visage inconnu.
Parfois les mots rendent malade mais il ne change jamais de sujet.
Toute cette parole
Je porte ma main à ton front
Toute cette parole
Je deviens incessamment, dans le désir dans l’inquiétude dans ma chair dans le scrupule et la trahi- son dans le massacre de mes pairs dans l’instant que je profane. Mes racines son pieuses et servi- les; je pries parfois pour passer le temps. Mais le ciel m’exhibe ses rondeurs et je fais comme font les chiens errants; je ne résiste pas, me contentant d’assouvir tranquillement ma faim. Le mystère du sang m’enseigne comment faire du bruit lorsque je tombe, gratter la terre avec mes ongles, gémir pendant l’accouplement. Je veux faire en sorte que la vie existe et se distingue de moi.
Gabriel mon ressac, tu ne sais pas qu’il m’est impossible d’accoster.
Il parle vers le haut, la bouche grande ouverte et Vita prie en silence qu’il l’avale toute entière, que c’en soit fini d’elle, de sa silhouette de femme, des contours flous sur l’image d’un soir, des cris de vigueur. Qu’elle devienne le souffle tout au bout de sa voix à lui, pierreuse.
Il raconte aux gens que nous sommes des bêtes assoiffées de réel Jamais ne dit son âge car vieillir lui parait inaccessible
Ce n’est pas vieillir c’est être lentement corrodé. Rien ne dit par quoi.
Il savait en entrant ici qu’il ne pourrait pas s’éteindre. Je veille sans bouger à la clarté de sa pré- sence. Pour qu’il ne me voit pas, j’envoies au devant de mon ombre le corps d’une autre seulement fait pour danser; il faut qu’il croit au charme.
Laisse-nous faire silence dans l’amalgame de nos corps et de nos légendes. Laisse le monde et tous ses fléaux prendre la forme d’un orchestre qui ne jouerait que pour nous. Prends la main qui veut nous tirer hors de la parole, maintenant.
Ne sens-tu pas l’urgence de la rédemption ?
Gabriel résonne à la manière d’une armure vide; il pense pouvoir occuper tout l’espace jusqu’à l’excéder.
Je me coule en lui, Je veux l’abreuver Il est ma soif violente.
Vita Vita Vita Vita écoute, écoute les enfants qui jouent dans le square au bout de la rue, ne te rap- pellent-ils pas que nous sommes saufs?
La grâce d’un seul dans la foule des corps, les feuilles d’arbres sur le rebord de la fenêtre, la noyade muette dans l’étreinte; tout cela qui dit la victoire, prenons-le et fuyons avant le prochain matin.
Vita nous sommes des profanateurs; cette nuit nous marcherons dans la ville déserte à la recherche d’histoires sacrées et d’anciens rites que nous feront nôtres.
Mais sans doute que rien n’est assez sacré une fois le soir venu.
Nous sommes maintenant capables de magie.
Gabriel mon enfant bagarreur et perfide étend ses bras raidis par le froid dessus les chapeaux des gens et les fait danser. Depuis qu’il a passé la porte, j’ai appris à faire entrer le Monde dans ma maison. Depuis qu’il a passé la porte, je marche sans me méfier de la Mort.
Nous dansons la bouche ouverte dans la brume des parcs La bouche ouverte et rien pour combler l’appel du repos Nous dansons la bouche ouverte jusqu’à nous dessécher Jusqu’à ce que le souffle s’épuise.
En rêve nous habitons le corps des rois qui dorment sous la pierre Le corps somptueux des rivières Le ventre de chaque femme aimée Le silence géométrique de millier d’anonymes
Figés
Dans leurs gestes sans devenir Nous faisons la guerre oui la guerre sans comprendre ce que cela veut dire Nous sommes des enfants puissants et cruels Armés jusqu’aux dents Les ombres de nos chars font trembler les rues et s’écrouler ce qui reste des villes.
Gabriel et Vita galopent contre le vent, s’enlacent dans le sang, rient très fort de la douleur puis le soir venu, s’effondrent sur le même lit usé, enfin prêts à chérir l’obscurité qui les maintient en vie comme deux insectes aveugles évoluant sous terre.
Je ne pense pas que les choses finissent. Elles s’étirent et remuent dans la fraîcheur de l’air, paroles inextinguibles appelant nos aïeux.
Je suis devenue légère, plus légère encore que ma robe de soie. Sur l’image on me voit m’agiter dans le vent Je suis notre étendard Le drapeau noir hissé au mat du navire
Tout cela est très sérieux.
Ce n’est pas un jeu vois-tu c’est la lutte à mort contre le coeur contre la maladie contre eux tous les morts-vivants contre tout ce qui entrave ou veut nous interrompre.
Je suis devenue légère Parfois je tangue puis me renverse mais il n’est plus primordial de savoir si je suis debout. Nous sommes des somnambules Appelés hors de nous-même Là où les signes de l’espace et du temps sont pour jamais indéchiffrables Voilà comment il devient possible d’aimer.
Te rappelles-tu le nom de ce livre d’images ? A l’intérieur les portraits de tous ceux qui ont bien voulu nous accueillir les nuits où il faisait trop froid pour rebrousser chemin. Nous, sans reflet, dormant au hasard, ne parlant plus qu’aux inconnus et aux absents; tellement évidents que nous en étions désœuvrés.
Je ne connais pas tes langues secrètes ni les luttes qui t›ont donné un corps. Quand je songe à ta dis- parition, je réalise qu’elle était inévitable.
J’étais étendue sur le lit, fumant une cigarette dans la pleine conscience du matin; lui devant moi enfilait ses vêtements
Un à un Comme pour se préparer à envahir la pièce.
Un matin de janvier frais et sec Tout habité de crépitements et de prières Il sort de sa poche un couteau et se tranche les veines.
Voilà notre enfant, il n’a pas de nom je l’ai sculpté dans ma chair pour nous rappeler que cette guerre ne doit pas finir. Regarde bien comme j’ouvre et referme mon poing Vita il ne se passe plus rien.
Gabriel a l’air endormi. Il a l’air de courir. Il a l’air de rire. Il a l’air heureux. Il coule le long de mes cheveux et de mes jambes. Ce sont mes mains qui s’ouvrent et ma bouche qui se tord pour célébrer la façon dont il s’est écarté du monde. Et le Monde est désert.
Une nuit il me fit la remarque que les feuilles dans la tempête demeuraient inertes, comme coulées dans du bronze.
Ce jour-là Vita enfile sa robe de soie et s’en va, légère, marcher dans le vent qui terrorise.
© 2017 L.A Vacquié
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Nostalgie
Nino est un petit garçon. Il est brun, il est jeune, il est adorable. Il a de grands yeux noisettes et des joues toutes douces. Il aime courir dans l'herbe, les gâteaux au chocolat et les yeux bleus de son amie Fanny. Il n'aime pas quand il fait trop chaud, les brocolis en bouillie, ni les vielles personnes qui grognent. Nino a une grande passion dans la vie : prendre des photos. Il prend des photos de tout et tout le monde, et les garde dans une boîte magique. Il dit que si quelqu'un l'ouvre, les photos vont brûler. Alors personne ne l'ouvre, et Nino est heureux. Aujourd'hui, Nino a grandi. Il est toujours brun, un peu moins jeune, et plus tellement adorable. Des lentilles sont posées dans ses yeux noisette et il doit se raser pour garder ses joues douces. Il aime jouer du piano, les pâtes au fromage et le corps de son amie Justine. Il n'aime pas le rose, faire des mathématiques, ni quand on lui rappelle quand il était bébé. Nino a une grande passion dans la vie : la photographie. Il prend des photos de tout et tout le monde, et les fixe sur son mur. Il dit que si on les retire, une partie de lui brûlera. Alors personne ne les retire, et Nino est heureux. Mais aujourd'hui est un jour terrible pour Nino : il doit déménager. Il doit dire au revoir à ses amis, à sa maison, et à son mur de photos. Bien sûr, il les emporte, mais il est très triste. Il pleure en se remémorant toutes ces belles annés qu'il a vécu. Il revoit le jour de son arrivée dans sa nouvelle école, après son premier déménagement. Il se dit que c'est là que tout a commencé. Mais il se trompe, et il ne le sait pas encore. Il faut attendre deux cent quatre-vingt sept secondes pour que Nino, un peu déshydraté, se dirige vers la cuisine où, pour la dernière fois, il fait couler l'eau du robinet et se serve un verre d'eau. En buvant, il repense aux batailles d'eau que ce robinet a permis, aux étés de grande chaleur où il faisait sans cesse des aller-retours pour remplir une petite bouteille, et aux bombes à eau qu'il a rempli pour les balancer sur les voisins. De retour dans sa chambre, un coffret noir aux bordures dorées est posé sur le sol de sa chambre vide. Plus de lit, plus d'armoire ni bureau, juste les dernières photos du mur et le coffret, accompagné d'un mot. "Nous ne savions pas quoi en faire, alors nous te l'avons passé. Maman et Papa." Il fait tourner la clé, ouvre le coffret et regarde. Un album photo. "Nino." Il tourne la première page. Il se voit des étoiles de couleur plein les mains. Sur la photo de droite, il est sur un vélo rouge. Nino ne le sait pas encore, mais il est sur le point de commencer un nouveau voyage. Le voyage. Celui où la destination est la plus incertaine. Celui où à l'arrivée on ne sait ce qu'il nous attend. Celui vers le coeur de sa mémoire. Nino vole, porté par le vent des pages de l'album qu'il fait tourner. Il se pose sur un nuage, et regarde. Un petit garçon est assis en tailleur dans une salle de classe, à jouer avec des gommettes de toutes les couleurs. Son papa entre dans la salle. Il se lève et court lui donner un dessin. Son papa le soulève et le fait voler. L'enfant rit aux éclats, puis grandit. Il pédale à toute vitesse dans la longue descente en face de chez lui, son papa vient de lui enlever les petites roues de son vélo rouge. Il évite une voiture, puis une autre. Il freine trop brusquement et tombe sur le bitume caillouteux. Son papa vient le prendre dans ses bras. L'enfant pleure de douleur, puis grandit. Nino est maintenant sous l'eau. Des petits poissons de toutes les couleurs tournent autour de lui. Il se rappelle de ses poissons, il se rappelle de sa soeur. "-Dis Lola ? -Oui Nino ? -Comment ça marche, les souvenirs ? -Oh, c'est une grande question ça. -Papa m'a dit que c'était dans le cerveau, mais il dit plein de mots compliqués... -Alors que c'est très simple ! La mémoire, c'est ce qui garde les souvenirs, c'est comme un grand océan, et dedans, il y a les poissons. C'est eux les souvenirs : il y en a des petits, des gros, des rouges quand tu as été en colère, des bleus quand tu as été heureux. Certains se noieront, mais c'est comme ça, on ne peut pas se rappeler de tout si rien ne nous le rappelle. -D'accord Lola ! Je prendrai des photos pour ne rien oublier !" Et tout a commencé ici. Porté par le flux des vagues, Nino échoue sur une plage de sable chaud. Il découvre. Il s'enfouit. C'est doux. C'est chaleureux. C'est sa maman. Il est dans une cuisine avec elle. Ça sent le chocolat, les rires et l'amour. Un petit "ting !" se fait entendre, signe que le gâteau est cuit. Sa maman sort le gâteau et le pose sur le rebord de la fenêtre. C'est chaud, alors le garçon attend. Il respire la fumée sucrée qui s'échappe de dehors. Une odeur de vanille se fait sentir, c'est la préparation d'une crème anglaise. Un sourire gourmand s'étire sur ses lèvres, il s'assoit sur les vielles chaises de bois et attend. Il ferme les yeux, et quand il les ouvre, il voit une part de gâteau recouvert de crème, avec des fraises Tagada sur le côté, ses bonbons préférés. Il mange, et remercie sa mère par un câlin. L'enfant lui dit qu'il l'aime, puis grandit. La terre commence à trembler, Nino tremble. Il court. Une explosion retentit, il a peur et se cache vite sous une table, manquant de se faire transpercer le visage par un éclat de verre. La chute d'une larme se fait entendre, c'est encore la sienne qui résonne dans sa couverture humide. Un bureau aux murs de papiers peint, une énième visite parentale dans le bureau de la directrice. L'enfant ne comprend pas que ses parents doivent s'en aller pour le travail, il croit qu'il est puni. La chaleur de l'été n'en finit pas, la froideur de l'hiver n'arrive toujours pas. Des cartons d'emballage, des souvenirs que l'on range, des rires qui s'éteignent et des amis qui s'oublient. L'enfant se sent abandonné, puis grandit. Ses larmes se perdent au creux des fougères. Cette forêt ne lui dit rien du tout. Seul, au milieu de toutes ces plantes inconnues, une nouvelle vie commence pour le jeune adolescent : de nouveaux visages, de nouveaux sons, de nouveaux lieux, de nouveaux liens... Il vit de nouvelles expériences en de belles compagnies. Le premier amour allongé dans les herbes, le premier baiser sous le gui, la première fête avec cette cabane... La simplicité des amitiés, des rires et des souvenirs. Il est encore heureux et insouciant. Ses journées se succèdent au fil de ses sourires. Il court dans les champs, le regard fixé sur l'horizon. L'album photo s'arrête ici, mais quand il le soulève, il voit un amas de clichés dessous. Ses photos. Il sent qu'il est presque arrivé. Les mystérieuses plantes ont fait face à un sol cotonneux, accueillant. Il se sent chez lui. Deux poissons rouges dans un bocal. C'était Nemo et Bubulle, il les nourrissait chaque jour. Des empreintes de pas dans le sable. C'était quand ses parents l'emmenait à l'océan. Une fille, un garçon, une autre fille. Il les a aimé, tant d'histoires. Une barbabapa dans une piscine, un câlin dans un lit, un sourire qui se perd dans un baiser... Un torrent de souvenirs remonte en lui, à la surface de sa mémoire, pour venir couler par ses yeux et dévaler la pente de son visage, traverser un triste sourire et se reperdre dans la boîte noire. Il continue le voyage. Un tourbillon de feuilles mortes autour d'un ours en peluche rose à la fête foraine d'automne, un bonhomme de neige après une bataille hivernale, un bouquets de roses dont il était particulièrement fier. Les années ont passées mais au fond de lui il est resté le même, le petit Nino qui aimait son appareil photo. Mais le temps passe si vite, finis les gommettes arc-en-ciel, le doux parfum maternel de la vanille et les nombreux ours en peluche. Le voilà déjà si grand. Il lève les yeux. Des nuages noirs obscurcissent le soleil, et juillet laisse place à novembre. Perdu dans la valse des sentiments, des choix et des questions, le garçon avance, recule, tourne en rond, court, s'arrête. Son coeur se remplit d'amitiés et son esprit de souvenirs. Mais il change, et déjà il n'est plus l'enfant qui grimpait dans les arbres. Les ténèbres sont en lui, recouvertes par les lumières de son rire et de sa futilité. On le trouve immature, il sait qu'il est. On pense que son monde est rose, c'est ce qu'il veut. On dit qu'il n'ira pas loin, c'est sûrement un fait. Mais personne ne se demande pourquoi. Il s'en fiche, pour lui tout a une fin et tout recommence. Il marche toujours dans la nuit pluvieuse et le froid de l'automne, virevoltant avec les larmes du ciel, au gré des notes du piano et des violons du naufrage outre-atlantique. Il court, son esprit vole tel l'albatros dans la tempête, mais son corps reste au sol, engourdi par l'arsenic de l'oubli. Comme le bateau, son coeur se noie dans les flaques sur le bitume. Comme Orphée perdant son Eurydice, il voit s'éloigner sa jeunesse de gourmandise, de jeux avec l'eau du bain ou à s'imaginer être un héros sauvant le monde pour une princesse. Un dernier souvenir lui revient. C'est la fin des cours. La dernière sonnerie vient de retentir, et il court dans le couloir, traversant le bâtiments. Des cris de joie se font entendre, c'est ses amis. Ils en rejoignent d'autres au parc pour boire, fumer et rire. Il ne fait ni chaud, ni froid, ni triste. Il se sent parfaitement bien. Ils rient et dansent. Il sait que c'est son dernier jour, mais il l'oublie. La pluie se met à tomber, peu l'importe. Un ami lui demande une câlin, il sourit et accepte. Tout n'est qu'éphémère, seuls les souvenirs restent. Ils s'embrassent. La scène s'évapore et son esprit revient dans la chambre. Il essuie ses larmes, le coeur lourd, et retire les dernières photos de son mur pour les rajouter dans le coffret. Nino est un grand garçon maintenant, il a fait le Voyage. La terre inconnue n'a plus de secret pour lui. Alors il prend son coffret sous le bras, dit "au revoir.", et ferme la porte de sa chambre.
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alexar60 · 5 years
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La fille du train
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Comme souvent dans cette situation, j’entrai en gare du nord soit trop tôt soit trop tard. J’attendis donc patiemment en faisant les cent pas tout en parcourant la station d’un bout à l’autre. Comme toujours, une fois le quai indiqué, je partis monter dans un wagon situé de préférence au milieu du train.
Le compartiment était vide, je m’assis avant de sortir un livre de mon sac. J’entamai une lecture qui m’endormit presqu’immédiatement. Le toussotement de ma voisine me réveilla. Les yeux dans la brume, je ne la remarquai pas. Je ne savais pas combien de temps j’avais sommeillé ; Peut-être cinq minutes ou dix. Le wagon était au trois-quarts plein. Je me passai de mon livre en le déposant sur la petite table dépliée au-dessus de mes genoux. Le train venait de démarrer quand j’aperçus une connaissance sur le quai. Il discutait devant la porte d’un train en arrêt, me faisant réaliser m’être trompé de train. Je paniquai et regardai autours de moi cherchant à savoir vers quelle gare je partais. Puis, voyant un contrôleur traverser le couloir, je l’accostai afin de lui expliquer mon erreur. Il me regarda étrangement, ses yeux semblaient ailleurs. Cependant il conseilla de ne pas descendre au prochain arrêt et tout se passera bien. Ensuite il reprit sa marche ne m’écoutant pas le remercier. Je restai intrigué par son : « tout se passera bien ».
Le train fila à une allure normale. La nuit étant tombée, je ne vis rien du paysage, ne me permettant pas de reconnaitre le trajet ni vers où j’allai. Je ne remarquai pas le silence qui régnait dans le wagon ; d’habitude, des passagers discutent, rient, parlent de leur journée. On entend quelques téléphones sonner même si cela est interdit. Mais durant le trajet, rien de tout ça. J’essayai en vain de regarder à travers la fenêtre quand elle apparut, lisant un livre, surement un roman. Son visage était magnifique, elle avait un aspect angélique à tel point que je pouvais caresser son aura du bout des doigts. Elle sembla passionnée par sa lecture, elle devait être envoutée. De temps en temps, elle levait les yeux, comme pour regarder le paysage défiler. Je constatai chez elle un regard triste, mélancolique et heureux à la fois. Ses yeux bleus reflétèrent dans la vitre laissant croire qu’elle m’observait aussi. Puis elle retourna dans sa lecture, se mordillant la lèvre supérieure pour je ne sais quelle raison. Je sentis en moi une envie de l’aborder, seulement ma timidité prenant le dessus, je me gardai de me lever, laissant mon imagination créer un film dans lequel elle m’invitait à m’assoir à côté d’elle afin d’apprendre à nous connaitre. Soudain, ma main droite devint subitement froide. A croire qu’elle était coincée dans un énorme morceau de glace. Elle était posée sur le petit plateau quand je remarquai la main de ma voisine en train de la caresser. Je ne réagis pas tellement je fus surpris par son comportement. En fait, ce n’était son comportement qui me surprit mais la blancheur extrême de sa main et son contact glacial. Elle était pourtant jolie, belle cependant si anormalement blanche que mon sang se glaça de peur. Je n’osai pas la regarder, pensant qu’elle était aussi blanche que sa main ou capable de transformer quelqu’un en statue de glace au moindre regard. Je n’osai pas crier ni lui parler car le silence dans le wagon fut si pesant que je craignais de devenir un spectacle. Je laissai ma main posée sur la petite tablette tout en observant cette main fine, aux ongles soignées mais trop blanche pour être vivante, serrer en douceur la mienne. Toutefois, je ne ressentis aucune agressivité de sa part.
Alors, pour m’évader, j’admirai de nouveau cette jeune femme assise plus loin et dont je tombais amoureux du reflet. Je l’imaginai à mon côté, je rêvai de sa main sur la mienne comme à ce moment avec celle de ma voisine. Je fermai les yeux pour mieux dessiner ses lèvres, sa bouche que j’approchai et embrassai doucement afin de réveiller une passion torride. J’alternai entre la regarder et l’imaginer, la sublimer….l’idéaliser
Le train ralentit, signalant qu’il arrivait bientôt en gare. Effectivement, j’entrevis quelques bâtiments dans une pénombre remplie de brume. Enfin les lumières des lampadaires éclairèrent le quai. Le train s’arrêta dans un fracas rappelant les locomotives à vapeur. Tout le monde se leva. Je fus étonné de découvrir qu’il ne restait plus que moi dans le wagon. Sur le quai, je vis la jeune femme au livre enlacer un jeune homme. Ils souriaient, ils étaient heureux de se revoir ; en apparence ils ne s’étaient pas vus depuis longtemps. J’ai envié ce gars, voulant être lui. Je remarquai d’autres passagers enlacer, embrasser des amis, des proches qui les attendaient. Ils étaient heureux. Par contre, je découvris une jeune femme assise sur un banc, qui me regardait. Je la reconnus de suite malgré sa blancheur. Sa famille habitait ma rue, de même nous étions voisins de table en primaire. Elle m’adressa très peu la parole, préférant le contact visuel. Chaque fois, son regard était humide et brillant quand je lui demandai quelques-chose. Elle me suivait partout, prétextant jouer avec ma sœur pour m’approcher et partager des après-midis dans le jardin de la maison de mes parents.
Elle avait toujours ce même regard. Puis elle leva la main, cette même main qui serrait la mienne pendant le voyage. Elle me fit un salut quand le train repartit. Je restai assis, un peu perdu, réalisant que j’avais loupé quelque-chose dans mon enfance. Je me levai pour aller aux toilettes, ma traversée du wagon confirma être le seul passager. J’urinai péniblement à cause des secousses, j’évitai de me salir. Après être lavé les mains, je sortis et découvris avec effroi que le wagon était occupé par d’autres voyageurs. En retournant à ma place, un ami m’appela. Nous discutâmes. Je reconnus en face de lui, la connaissance qui était sur le quai pendant mon départ. Nous parlâmes deux-trois minutes avant de me rassoir. Un monsieur était assis à côté de mon siège, il me laissa passer.
Durant le reste du trajet, je repensai à cette fille de mon enfance. Je réalisai seulement maintenant qu’elle était amoureuse de moi. Je m’avouai l’avoir aussi été. Mais les garçons fonctionnent différemment : Ils préfèrent jouer au foot ou à la guerre dans la cours de récréation plutôt qu’à la marelle ou à l’élastique avec les filles. Je repensai à cette fille qui lisait. J’avais ce sentiment encore de voir son reflet. Par contre, son visage n’était plus le même, c’était celui de ma voisine. Je ne savais pas ce qu’elle était devenue. Un déménagement, un redoublement précédant un changement d’établissement scolaire nous avaient séparés. Je décidai donc de renouer contact avec elle. D’autant qu’en tournant la tête sur le journal que lisait mon voisin de siège, j’aperçus un titre qui retint mon attention : ‘on rencontre son âme-sœur pendant l’enfance !’
Le train arriva enfin à destination. Je descendis. Tout en marchant sur le quai, après avoir découvert mon portable éteint, je l’allumai afin de lire d’éventuels SMS. Ma mère avait appelé. Elle laissa un message dont la teneur m’incita à m’appuyer contre la rambarde. Mon ami apercevant ma pâleur, vint à mon secours. Je le rassurai puis réécoutai le message de ma mère : Elle venait d’apprendre le décès de la fille d’une ancienne voisine, qui était avec moi en primaire. Elle a eu un grave accident de voiture en fin de matinée. Je me suis mis retenu sangloter en sachant qu’elle était en train de m’attendre sur un quai de gare.
Alex@r60 – septembre 2019
Photo Hari Roser
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garderunetrace · 6 years
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La 1ère fois où j’ai eu peur
Mon père râlait parce que c’était loin chez Julien et puis ses parents n’étaient pas là, et il le connait pas et y a match. Ok il est dans ma classe depuis la 6ème, ça fait quand même 4 ans mais ça lui fait une trotte en voiture, c’est samedi soir, il aimerait bien être tranquille. J’insiste, prétexte des bonnes notes et une meilleure attitude ces temps-ci, supplie un peu. Ça marche.
Dans la voiture, on parle pas trop avec mon père. Je veux rien dire qui ne risque de le faire changer d’avis et puis je suis si fière que les garçons m’aient invitée. Y aura Julien, Guillaume et Alexandre. Des garçons populaires, beaux gosses, recherchés. Je fais partie des filles populaires du collège aussi mais je comprends pas encore bien pourquoi, j’ai des problèmes de confiance en moi que j’essaye de bien cacher.
C’est un pavillon moche de la banlieue moche voisine de ma banlieue moche. Julien m’accueille et salue mon père de loin. Il me dit en grommelant qu’il serait là à 23h30 et que j’avais pas intérêt à traîner si je voulais qu’il me laisse sortir à nouveau un jour. Il part. On descend tous les deux dans une espèce de garage aménagé par ses parents. Ça ressemble à un garage, ça a l’odeur d’un garage, un mélange d’essence, de poussière et d’humidité. Y a du bordel et des vieux vélos. Alexandre et Guillaume sont assis sur un canapé défoncé, devant une télé assez grande et boivent des bières. Ils ont l’air contents de me voir. Je souris d’une manière que j’espère pas trop crispée. On est en 3ème, la réputation ça compte pour une fille, faut avoir l’air cool pour survivre socialement, l’exclusion et les moqueries sont jamais loin. J’ai un peu peur en voyant qu’ils roulent du shit. J’aime pas l’odeur, y a pas de fenêtre et j’ai des tas d’idées – fausses – sur ce que ça peut produire. Alexandre ouvre son bras et me demande de m’asseoir entre eux deux sur le clic-clac. Julien prend une bière, m’en offre une et s’installe par terre, juste à mes pieds. Je suis mal à l’aise mais je m’accroche. Sois cool. 
Dans ma poche arrière, je sens mon portable et ça me rassure une minute. Puis, je réalise qu’appeler mon père déjà en colère pour lui dire que j’ai des ennuis avec des garçons à la soirée où je l’ai suppliée de m’emmener me fait peur tout pareil. Je souris encore, coincée entre les trois qui commencent à parler de cul. Ils parlent sans filtre d’un sujet qui me met à l’époque affreusement mal à l’aise. Ils rient fort, donnent des détails sur les pratiques qu’ils aiment, qu’ils ont faites, celles qu’ils aimeraient essayer, blaguent sur d’autres filles de la classe, sur moi. D’un coup j’ai peur pour la première fois parce que je suis la seule fille coincée entre 3 garçons physiquement plus forts, alcoolisés et défoncés au mauvais shit. J’ai peur parce que mon père arrivera pas avant 3 longues heures. Guillaume propose de mettre un porno, les autres gueulent d’enthousiasme, je dis non ça me soûle, personne m’écoute, je crois un instant que je vais m’évanouir de trouille. Ils trouvent le film. Je vois des petites taches blanches devant mes yeux, j’entends un peu moins bien, je sais pas si c’est la terreur ou les vapeurs de shit mais ça va pas du tout.
Le film commence. Il y a une fille en gros plan qui fait une fellation à un mec immense dont on voit pas le visage. Le gars l’insulte et lui appuie sur la tête jusqu’à ce qu’elle s’étouffe avec un bruit affreux. Je parviens à sortir mon téléphone de ma poche et commence à rédiger un texto à ma mère, en priant dans ma tête pour qu’elle dorme pas. Alexandre me pique mon portable en rigolant. « Confisqué », il dit. Il le pose sur la table, pas très loin de moi. Sur l’écran, deux gars baisent la fille, en double pénétration. Les garçons font des blagues car c’est un truc qu’ils aimeraient beaucoup essayer. Guillaume fait pause, l’écran se fige sur le visage en pleurs de la fille, avec le maquillage qui fait de grandes traces sur ses joues et il dit « ben en même temps, on peut ! Et même une triple, hahaha ». Ils me regardent tous les trois, moitié hilares moitié sérieux. Ils débattent de longues minutes sur le caractère pratique de faire ça, là, maintenant, dans le garage des parents absents. Après tout, c’est connu, je suis une fille qui a « pas froid aux yeux », « un peu salope » et puis bon, c’est mieux avec les potes et on est dans la même classe depuis la 6ème. Je souris de toutes mes forces et je demande à aller aux toilettes « avant », récupérant mon portable au passage. Je monte, je m’enferme, j’appelle mon père pour lui dire que je me sens pas bien, que j’ai envie de vomir, que je veux qu’il vienne me chercher. Il est pas content, il gueule qu’il est pas à ma disposition, ni un putain de taxi, que s’il s’écoutait il me laisserait dans ma merde jusqu’à la fin du match, que j’avais qu’à rester à la maison si je me sentais pas bien. Je pleure. Il grommelle un « j’arrive, tu fais chier, merde » et raccroche.
En déverrouillant la porte des toilettes, j’ai le cœur à 1000 à l’heure qu’ils aient entendu ma conversation et m’empêchent de partir. Je jette un oeil dans le couloir avec la tapisserie moche, il n’y a personne. Je les entends rire et gueuler en bas. J’attrape mon manteau et je sors, en refermant très doucement la porte d’entrée pour ne pas faire de bruit. Je descends les marches qui mènent du pavillon à la rue et je me planque dans un buisson, juste sur la droite du portail. Accroupie, je mets ma tête entre mes genoux et je commence à vomir, le plus silencieusement possible. J’en ai plein les pompes. J’entends Julien sur le perron de la maison : Ben putain elle est où ? Hey mais les meufs sont chelou ma parole, elle s’est barrée ou quoi ? Il referme.
La voiture de mon père arrive et je m’engouffre dedans en lui demandant de démarrer. Il m’engueule vaguement pour tout, et aussi parce que je sens la gerbe et qu’il me soupçonne d’avoir bu de l’alcool. Je pleure sans rien dire et quand il me prive de sortie pendant un mois, je suis tellement tellement soulagée que je l’embrasserais.
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ash-r-black-blog · 7 years
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à propos de moi #1
Imagine-toi dans le salon d’une grande maison. Très chique, très riche, tu oses à peine respirer l’air ambiant, de peur qu’il soit payant.
J’ai dit « imagine », mais ne ferme pas les yeux, sinon, tu ne pourras pas lire la suite.
Donc, tu te trouves dans le salon, et la fête bat son plein. Les invités, tous âgés de seize à vingt-cinq ans, tiennent un verre à la main.
Verre plein, je te vide, verre vide, je te plains (ou je te plein, au choix).
Déjà bien éméchés, ils parlent fort et rient pour rien. Leurs phrases n’ont plus beaucoup de sens, mais cela ne semble déranger personne. Certains roulent même sous la table, déjà déchirés, alors que la soirée débute à peine.
Des rolling stones. La bonne blague ! Mais la musique n’a rien à voir. Celle qui pulse dans les enceintes et bien plus commerciale. Elle est tellement forte que tu en distingue à peine les sons.
Du vomi auditif !
Dans l’air, flotte un brouillard de chicha, juste au dessus du baby-foot. Tu le vois, ce grand brun au sourire enjôleur, en train de gagner une partie de billard ? Un verre dans la main gauche, une queue dans la droite …
Hé ! Mais, ça va bien, oui ? C’est une queue de billard qu’il tient à la main ! T’as les idées bien mal placées, je trouve !
Je disais… Il est là, les cheveux en bataille, et fête sa victoire avant même la fin de la partie.
Hé ben ce type-là, c’est pas moi.
A un mètre de sa position se trouve un vieux canapé de cuir brun, occupé par un petit groupe de buveurs. En plein milieu, miss popularité / palette de maquillage. On dirait presque qu’elle marchait tranquillement dans la rue, quand soudain, un Nyan-cat sauvage lui est apparu au dessus de la tête pour lui vomir un arc-en-ciel à la figure. Comme si ce n’était pas suffisant, un pit-bull en colère s’est ensuite lancé à sa poursuite pour lui arracher la moitié de ses vêtements.
Ses lèvres, ses ongles, ses paupières, son sac et ses chaussures sont toujours assortis. Si encore elle se maquillait pour elle même, elle ne nous ferait pas tant pitié, à toi, et à moi. Mais on dirait bien qu’elle le fait seulement pour l’un des rares types qui ne lui tournent pas autour. Ne t’en fais donc pas pour elle. D’ici la fin de la soirée, elle sera passée à autre chose. Elle aura trouvé au autre beau gosse au sourire Colgate, Freedent, ou Signal (désolée, je n’ai techniquement pas le droit de faire de publicité), joueur de football ou de rugby… peu importe. Ce type là ne sera, de préférence, pas plus intéressé que le précédent, mais c’est bien lui qu’elle importunera, jusqu’à ce qu’elle trouve une prochaine victime à qui pomper l’air, ou boire le sang. Un peu comme un vampire …
Cette fille non plus, c’est pas moi.
Sa meilleure pote, toujours pendue à son bras, celle qui imite son style vestimentaire et glousse comme une dinde à chacun de ses commentaires acides sur la tenue des autres invités ; celle-ci même qui l’a toujours secrètement détesté et admiré à la fois, qui jalouse sa popularité et sa superficialité… oui, tu vois exactement de la quelle je veux parler : cette effronté sans personnalité dont personne ne se risque à raconter l’histoire de peur qu’elle soit bien trop vide, ce n’est pas d’elle dont je veux te parler.
Elle, ce n’est toujours pas moi.
           A un mètre de distance, sur sa gauche, il y a ce type, un peu gêné, un peu gênant, et pas tout à fait à sa place. Il n’aime pas ce genre de fête, et ce n’est qu’un euphémisme. Il ne comprend pas trop ce qu’il fait ici, mais il reste planté là, droit comme un lampadaire, debout contre un mur, sans trop savoir comment agir. Il a été trainé ici par des amis, probablement après avoir dîné dans un restaurant alentour. Il ne demande qu’à rentrer chez lui. Malheureusement, n’ayant pas encore le permis de conduire, faute de confiance en lui, il ne peut pas rentrer sans ses amis. Ce gars-là, celui qui n’ose pas demander à être ramené, de peur qu’on rit de lui, qu’on le surnomme Cendrillon pour le restant de ses jours, on peut supposer qu’il aurait préféré passer la soirée à discuter dans une voiture, plutôt qu’ici, parmi tous ces inconnus. D’ailleurs, il a dû en émettre la proposition, juste assez bas pour qu’on puisse faire semblant de ne pas l’avoir entendu. De quoi aurait-il parlé ? Du bon vieux temps, sans aucun doute, du collège, du lycée, de tous ceux qui l’ont humilié et qui ne se rappelleront jamais son nom. Toute la soirée, rien que pour meubler, pour étouffer le silence qu’il déteste tant, ce jeune homme n’aurait pas arrêté de débiter son interminable monologue qu’il travaille depuis des années, que ses amis connaissent déjà par cœur.
Ce gars-là, celui qui est bien souvent élu héro des films et des livres pour ados, c’est pas moi.
           Mais observons-le encore un peu, il paraît que c’est un personnage attachant et commercial. Voilà qui me parait bien étrange, d’ailleurs, parce que personnellement, je le trouve d’un intérêt assez limité. Mais passons… Cette histoire est tout autant la mienne que la tienne, puisque je ne fais ici que la moitié du travail : j’écris, et toi, tu imagines. C’est donc à toi de décider s’il t’intéresse. Penchons-nous donc un peu plus sur son cas.
           Du coin de l’œil, il dévisage cette fille. Enfin, pas une fille en particulier, mais un peu toutes les filles, une à une ; Il les détaille, de la tête aux pieds, cherchant à savoir la quelle lui plait le plus. Chaque fois, c’est la même histoire : aucune n’attire son regard plus que la suivante, pas moins que la précédente, ni l’inverse… jusqu’à ce que l’une d’entre elles se risque à lui adresser la parole. A partir de cet instant, il en tombe éperdument amoureux, mais ne se sent pas plus capable de lui parler. Alors il ne dit rien, et attend sagement que la suivante vienne ravir son cœur.
En cet instant, tu le surprends à lancer des regards voulus discrets (mais finalement très mal adroits), dans la direction d’une brune. Pas très grande, pas très pudique, elle parle fort, pour couvrir la musique. Je te présente la descendante directe de Tinder et Meetic. Son passe-temps favori : trouver le « match » parfait pour un maximum de personnes. Ce soir, elle s’est donnée pour mission presque impossible, de « caser ensemble » deux de ses amis. La plus grande difficulté de ce jeu ? Elle ne sait pas encore les quels de ses amis elle voudrait voir ensemble.
J’ai mes défauts aussi, mais je n’ai pas besoin de respirer le poison depuis les poumons de quelqu’un d’autre. J’ai bien assez du mien comme ça, merci !
Dans cette maison, il n’y a pas que des types vantards ou sans profondeur, ni intérêt. Chacun a ses points forts et ses points faibles. Mais je ne suis pas ici. Tu ne m’y trouveras pas. Je me suis déjà risquée dans ce genre de fête, pour essayer, par curiosité, mais ce n’est pas pour moi. J’y suffoque. Où j’y sue phoque… à ce stade-là, je ne saurais plus dire la différence. En tous cas, du point de vue olfactif, il n’y en a aucune.
Que j’ai été invitée ou non, je ne suis pas là. Regarde par la fenêtre, tu m’apercevras peut-être. Je suis dans cette maison, là-bas, au bout de la rue, probablement penchée au dessus d’un manga, ou en train de regarder Orphan black (ou Lost girl, ou Switched at birth) pour la quinzième fois du mois. Si j’ai de l’inspiration, je serais en train de dessiner ou d’écrire. Mais jamais tu ne me trouveras à une fête si peuplée, avec une musique si forte et une telle fumée dans l’air.
« C’est pas comme ça que tu te trouveras un copain ! »
Merci. Et pourquoi tout le monde semble-t-il penser que trouver un copain est une fin en soi ? Qu’est-ce qui vous fait penser que c’est ce que je veux, que j’en ai besoin, qu’on ne peut pas être satisfait de sa condition lorsqu’on est seul ? Ou chercher autre chose ? Je suis fatiguée …
« Sale asociale ! »
Oui, asociale. Pas anti-sociale ! Comme je le disais, on a tous nos défauts, et voilà un des miens. Mes airs renfermés, taciturnes et moi, il paraît que nous pourrions être populaires si nous sortions. Apparemment, les gens préfèrent qu’on les écoute, plutôt qu’on leur parle. Trouvent-ils le silence mystérieux et attractif ?
J’en sais rien. Je m’en fiche. J’ai toujours quelque chose à raconter, mais pas au type près du billard, ni à miss popularité ou à sa pote. Et allez essayer de dire quelque chose à l’autre Rolling stone, sous la table …
Mon cercle d’amis à moi est très restreint, et je ne sors qu’avec eux, ou seule.
Ouais, tu vois exactement le genre… Mais pour l’instant, à travers une rue et deux fenêtres, ma silhouette ne t’apparaît que très floue.
J’entends bien que ce que j’ai à raconter pourrait ne pas t’intéresser autant que le contenu de la boîte vocale de Claude François quand elle est si vide que son téléphone en pleure (oui, bon, on passera sur cette mauvaise blague, on ne peut pas être dôle à tous les coups… ), mais s’il te reste du temps à perdre, tu peux toujours le passer à lire la suite.
Qui je suis ?
Certains de mes amis m’appellent Lily Addams. Une idée de la raison pour laquelle on me colle ce surnom ?
Rien à voir avec l’actrice de Chillers 2, je déteste les films d’horreur. Ils m’ennuient. Aucun rapport non plus avec toutes les chaînes Youtubes que tu pourrais trouver sous ce nom. Non. Mais tape ça sur Google. Quels sont les deux personnages célèbres qui ressortent le plus ?
Lily Munster et Morticia Addams.
Tu saisis l’idée ?
Par exemple, si j’accorde la couleur de mes vêtements, de mes ongles et de mes bottes, c’est seulement pour ne porter que du noir.
Le noir, ça va avec tout. Surtout avec le noir, d’ailleurs.
C’est en partie pour cette raison (du moins je suppose) que les gens me trouvent étrange. Lorsque j’entends les autres filles discuter de la couleur de leur vernis, c’est moi qui les trouve bizarre.
« Non, mais tu vois, cette couleur, c’est plus pour l’automne, alors qu’on est au printemps. »
Comment ça ? Tu portes ce que tu veux quand tu veux, non ? C’est pas le printemps qui t’as dit :
Attends, mais tu portes du saumon, là ? Mais tu m’as pris pour qui ? L’automne ? Encore, t’aurais mis du corail, je dis pas, mais du saumon… DU SAUMON, S’TE PLAIT !!! Non, mais ça va pas du tout, là, ma chérrrrrie !
(oui, je suis intimement persuadée que si le printemps pouvait faire la différence entre le saumon et le corail, il aurait la même tête que Cristina Cordula)
Et puis c’est quoi, d’abord, la différence entre corail et saumon ? C’est juste de l’orange.
Regarde mes ongles. C’est du noir ou rien. Et mes fringues ? Du noir. Et mon sac ? Mais quel sac ? J’ai un soutien-gorge. Autant qu’il serve à quelque chose !
Les vêtements fripés ou déchirés, ça ne me fait pas peur. En fait, ce sont même mes préférés.
« Sale punk ! »
C’est ce que les gens disent.
« Sale goth ! »
Ma sœur le dit aussi.
D’abord, je ne vois pas en quoi c’est sensé être une insulte. Ensuite, je trouve ça très réducteur pour les vrais punks ou les vrais goths ! Je ne suis ni l’un ni l’autre. J’aime porter des vêtements noirs et déchirés (et plutôt du steamgoth). Et ce soir là, alors que tu regardes par la fenêtre, je porte probablement un sweat-shirt trop grand dont les manches recouvrent entièrement mes mains, ou un pyjama pikachu.
Et ça, alors, pikachu, qu’est-ce que ça fait de moi ?
Quelqu’un d’immature, sans conversation. Quelqu’un qui a oublié de grandir, qui a des problèmes dans sa tête.
Ils disent que le premier pas c’est d’admettre que vous avez un besoin d’aide. Si tu veux mon avis, le premier pas, c’est de se rendre compte que quelque chose ne va pas comme il le faudrait. On peut très bien savoir qu’il y a un souci, mais penser qu’un coup de main serait superflu. Un peu comme ma tête de mule et moi, quoi. Mon problème, ma solution, et fichez moi la paix. Mais porter un kigurumi pokémon, jamais ça ne sera un problème. Peu importe l’âge. Non, si j’avais un problème (et je pense qu’il est résolu, car j’ai chassé cette mauvaise habitude), ce serait la maladie du nolife.
C’est ce moment dans ta vie, ou tu réalises que t’as passé tout l’été enfermé dans ta chambre à te gaver de sitcoms ultra commerciales à la Disney channel. Je devais avoir quinze ans, ou quelque chose dans le genre. Pendant deux mois, j’ai passé mon temps sans meilleur moyen d’occuper mes journées. Rien de constructif. Les vacances d’été touchaient à leur fin, et j’ai compris que ma vie allait droit dans le mur. Sur le coup, je n’ai rien changé, mais les grandes vacances suivantes, comme je pensais qu’elles seraient les dernières de ma vie, puisque ma mère voulait que je trouve du travail, je conviais régulièrement mes amis à la maison. Pas n’importe qui. Seulement ceux, qui d’après moi, n’étaient ni trop stupides, ni trop immatures. Nous avons donc construit de solides liens, et je répondais à leurs invitations chaque fois que je le pouvais.
Bien choisir ses amis, c'est important. Si t'es bizarre, ils ont qu'à t'aimer comme ça.  J'avais 15 ans, et c'est ce moment que j'ai choisi pour m'ouvrir aux gens. C'est aussi à partir de cette période que j'ai réalisé que mes camarades de classe agissaient étrangement. Mais la personne la plus bizarre que je connaisse, ça reste moi.  ça y est, on progresse... on dirait bien que mon image est plus nette à tes yeux. Comment je le sais ? Je viens de tourner la tête, et je t'ai vu m'observer depuis l'autre côté de la rue.  Et maintenant, qu'est-ce que tu vas faire ?
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cinemahorreur · 10 years
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giallofever2 · 6 years
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42 years ago ... 1976/20/August
La Casa dalle finestre che ridono
(On Set/Promo shoots)
Also Known As (AKA)
The House with Windows that Laugh
Brazil A Casa das Janelas Sorridentes
Brazil (DVD box title) A casa das janelas sorridentes
Germany Das Haus der lachenden Fenster
Spain Contrato de Sangre
France La maison aux fenêtres qui rient
France (video box title) La porte de l'enfer
Greece (transliterated) To spiti me ta gelasta parathira
Greece Το σπίτι με τα γελαστά παράθυρα
Hungary A nevető ablakos ház
Mexico La casa de las ventanas malditas
Netherlands (informal literal title) Het huis met de lachende vensters
Poland Dom smiejacych sie okien
Portugal A Casa das Janelas Malditas
Soviet Union (Russian title) Дом со смеющимися окнами
USA (DVD title) The House with Laughing Windows
USA The House with Laughing Windows
USA (DVD box title) The House with Laughing Windows
Yugoslavia (Croatian title) Kuca s nasmijanim prozorima/La Casa dalle Finestre che Ridono
Directed by PUPI AVATI
Music by Amedeo Tommasi
Writing Credits
Pupi Avati ... (screenplay) (story)
AntonioAvati... (screenplay) (story)
Gianni Cavina... (screenplay)
Maurizio Costanzo... (screenplay)
Release Dates
Italy 20 August 1976
Italy 26 August 1976 (Rome)
Portugal February 1983
UK 25 September 2006
Germany May 2012
Greece 16 November 2013
technical specifications
Runtime 1 hr 50 min (110 min)
Filmming Locations
Lido degli Scacchi, Ferrara, Ferrara, Emilia-Romagna, Italy
(villa where the main chararacter lives)
San Giovanni Triario, Minerbio, Bologna, Emilia-Romagna, Italy
(church)
San Martino in Soverzano, Minerbio, Bologna, Emilia-Romagna, Italy
(restaurant)
Incir De Paolis Studios, Rome, Lazio, Italy
Cento, Ferrara, Emilia-Romagna, Italy
Comacchio, Ferrara, Ferrara, Emilia-Romagna, Italy
Cast
Lino Capolicchio ... Stefano
Francesca Marciano ... Francesca
Gianni Cavina ... Coppola
Giulio Pizzirani ... Antonio Mazza
Bob Tonelli ... Mayor Solmi
Vanna Busoni ... Teacher
Pietro Brambilla ... Lidio #lacasadallefinestrecheridono #pupiavati #giallofever #italiangiallo #gialloitaliano #italianhorror #horrormovie #thehousewithlaughingwindows
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