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J'ai cassé un verre hier. Comme d'habitude, je suis flegmatique quand il s'agit de ramasser des morceaux de verre. J'accepte mon sort. Mais ça m'embête toujours un peu plus de casser un verre en faisant la vaisselle, car il était presque propre.
En revanche, j'ai entaillé mon annulaire. A l'intérieur du pli. Ça fait mal assez souvent, car c'est une partie que j'utilise beaucoup. Parfois, ça me fait ça émotionnellement : ça me trigger, et donc ça me dit où est-ce que c'est écorché, qu'est-ce qui demande à cicatriser.
Genre, là, pour me connecter à tumblr, j'ai besoin de sélectionner des images de passage piéton pour prouver que je ne suis pas un robot. Eh bien, je fais bien exprès de ne pas sélectionner tous les passages piétons qui sont proches de chez ce connard de Lucas comme ça les voitures autonomes ne vont pas savoir que c'est un passage piéton et vont bien le renverser sa race. Bien fait pour toi Lucas, fallait pas me voler mon dessert à la cantine, et fallait pas m'afficher en cours d'histoire-géo, et fallait accepter de sortir avec moi. Ok, ça fait 8 ans, mais never forget never forgive.
Mais sinon, ça va, je passe une super journée. Et puis, je vais bien en ce moment. Je trouve d'ailleurs que jusqu'à ce que je casse ce verre hier, j'avais globalement de la chance. Souvent, je faisais vaciller ma tasse de café près de mon ordi sans jamais la renverser. Genre le café sautillait au-dessus du rebord mais coulait ensuite comme une larme sur la porcelaine (si c'est de la porcelaine, attends, je regarde... c'est pas marqué, mais c'est fait en Italie, donc on va dire que c'est de la pizza).
Et puis, j'avais de la chance avec pas mal de trucs genre je ratais une marche, mais je tombais pas dans l'escalier. Et puis, je voyais de belles images dans la rue. L'autre jour, une jeune fille attendait le bus et a vu passer sur la route derrière à moto ce que j'imagine être son copain. J'ai vu le regard amoureux qu'elle lui a lancé, et c'est sûr c'était son copain. Elle l'a reconnu, et elle s'est penchée sur son téléphone avec une moue choux, sans doute pour lui écrire qu'elle l'avait vu passer. Tu vois, Lucas, j'aurais pu aussi le faire pour toi, mais au lieu de ça tu vas te faire faucher par une Tesla dans quelques temps, j'irai déposer une plaque en marbre sur ta tombe qui dit "a fauché une panna cotta, est fauché par une Tesla" juste il faut que je me déconnecte et reconnecte à tumblr encore quelques fois, c'est tout. Mais ça arrivera, retour de karma, Lucas.
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Le rendez-vous est à 14h. Je devrais y arriver, mais je pourrai pas manger avant.
Normalement, je mets 10 ou 20 minutes à trouver une voiture. Là, personne ne veut me prendre depuis 12h30. Et si je mange, ce sera pire.
Pourtant, je suis propre d'hier, je suis bien coiffé, je souris. Je me suis mis au soleil, bien visible, 20 mètres après y a un endroit où s'arrêter en toute sécurité.
En face de l'Éléphant Bleu, après la station Total, avant le contrôle technique, je suis aux premières loges pour voir un peu la vie des gens d'ici : laver la voiture, mettre de l'essence dans la voiture, faire contrôler la voiture, et on recommence. (Ou à peu près, en tout cas, c'est la vision que j'ai d'ici : des gens dans des voitures, juste des automobilistes. Peut-être y a-t-il ailleurs des habitations, avec des dîners, des livres et de l'amour. Mais dans l'immédiat, rien ne me le prouve.) J'ai faim.
Mon sourire se délite. Il était franc tout à l'heure. Là, il se teinte d'amertume. On doit y lire que je remets en question mes choix de vie. L'enchaînement de décisions qui fait que vais à mon rendez-vous pôle emploi en stop, à 41 ans, et que c'est pas un accident, c'est mon fonctionnement normal.
Est-ce que les enfants de demain penseront que bleu, c'est la couleur normale des éléphants ? Vu qu'il n'y aura plus d'éléphants à cause des émissions de CO2 des voitures ? Parfois, je me dis que j'aurais pu être un vrai adulte. Passer mon permis B comme tout le monde, aller chez le concessionnaire et acheter une Mégane pour aller travailler. Et j'aurais pas le choix de prendre cette voiture, mais y aurait le vendeur qui me la "vendrait" quand même, par principe, parce que c'est son métier et qu'on a besoin de se sentir utile, c'est à savoir. Il me dirait "celle-ci, je l'ai reçue ce matin!" genre c'est un légume frais, alors que c'est une Mégane 2007.
-Tu vas où ?
-Thiviers
-Allez, monte
J'aime bien quand il y a deux personnes. Les deux parlent ensemble. On échange trois mots, et puis on se laisse tranquille. Moi je les laisse à leur conversation, et ça passe pour de la politesse. Comme ça, je peux penser. Elles me déposent à 5 minutes à pied. Pratique. J'ai le temps de manger 2 tranches de pain.
J'entre à l'agence, il y a un gars devant moi au guichet. Il a l'air trop vieux pour devoir travailler, faut le laisser tranquille ce pauvre homme.
J'attends. Mais les portes coulissantes derrière moi s'ouvrent automatiquement. Personne n'entre. C'est moi qui les ai déclenchées. Je fais donc 2 pas en avant pour m'extraire du champ de détection de mouvement (quelle époque). Je me retrouve donc à 50 cm de ce monsieur. Il raconte une partie de son intimité à l'alternante du pôle emploi. Je sens son haleine d'ici. C'est le genre de choses qui me dérange, d'habitude. Mais là, je sais pas, je trouve ça rassurant comme odeur. J'aime bien. Je respire avec plaisir en attendant mon tour.
Je ressens une boursouflure sous mes orteils. Je regarde mes pieds. Et je suis pile sur la bande autocollante jaune qui dit "zone de confidentialité". Mais j'entends quand même tout, c'est à 50 (cinquante) centimètres ! Il faudrait mettre de la musique à fond, spécifiquement orientée sur cette 2e place de la file pour que ce soit un tant soit peu confidentiel. Ou alors mettre cette bande autocollante avant la porte coulissante.
Enfin, donc j'arrive au guichet. Je n'ai rien d'intime à confier. Je suis à l'aise. Je donne mon nom et l'heure de mon rendez-vous sans avoir eu à répéter ces informations dans ma tête pendant l'attente. Ça m'arrivait avant, mais depuis le nouveau traitement, non.
Pendant qu'elle pianote sur son ordinateur, je regarde autour. Son badge indique que "Fleur" est bien alternante (il a du pif le chômeur, hein?) Et je remarque de mon côté du guichet, un stylo sur une petite plateforme à laquelle il est relié par une chaînette. Je trouve le dispositif "antivol" mignon, mais ce n'est pas ce qui retient mon attention. Ce stylo est 4 fois une couleur. Comme un stylo 4 couleurs, mais avec que du bleu.
J'imagine que c'est une installation d'art contemporain : l'artiste invite à se questionner sur l'illusion de choix ; positionnée sciemment à proximité de la pile de journaux et de périodiques de la salle d'attente, l'œuvre est une vive critique de l'oligopole médiatique contemporain, maintenant le public suspendu dans une diversité de façade, tandis que tout choix conduit inévitablement aux mêmes résultats, conçus à l'avance par un système insaisissable et donc inatteignable, comme e témoigne l'absence de marque sur ce stylo.
Entre temps, une autre personne est entrée, mais a trouvé le moyen de s'extraire du champ de détection de mouvement des portes tout en restant à bien 2 mètres de moi. Elle s'est simplement décalée sur le côté. Comment font les gens pour adopter sans effort des comportements efficaces comme ça, ça me dépasse ?
Dans l'espace d'attente, l'haleine du monsieur est bien présente. Je me jauge, mais vraiment, ça me va très bien cette odeur. Je n'arrive pas à en être dégoûté. J'aime bien, en fait. Je pourrais peut-être lui proposer dume rejoindre son club de bridge.
-Monsieur Lopez !
-Oui. Lopes.
-Suivez-moi.
-Oui. Vous allez bien ?
-Très bien, je vous remercie.
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A la médiathèque François Sagan, j'entends une conversation. Je pensais pas que je l'entendais, mais un mot-clé m'a appelée. Alors, j'ai pensé "tiens, en fait j'entendais la conversation".
Le mot-clé, c'est "Castelnau-le-Lez". J'ai passé mon adolescence à Montpellier, et donc "Castelnau-le-Lez", la commune voisine, c'est un mot qui revenait souvent dans les conversations. Même plut��t juste "Castelnau". Mais là, depuis le 10ème arrondissement de Paris, je m'y attendais pas.
Ça m'a fait remonter pas mal de souvenirs au hasard comme quand je tire un cheveux du siphon de la douche. Soit ça casse, soit ça charie toute sorte de trucs.
J'ai repensé au livre partagé entre les deux tables au lycée, souvent avec un gars qui fumait à l'intercours juste avant, et ça me dérangeait. Je lui disais que quand même, il pourrait se souvenir de prendre son livre d'histoire-géo, mais j'osais pas lui dire que son odeur de tabac me dérangeait. Maintenant, je dis ce genre de choses bienveillante et détendue, et je trouve ça beau.
J'ai repensé à ma mère qui tapait sur l'ordinateur avec ses deux index, alors qu'elle y passait des journées entières. Elle craignait Internet, alors qu'elle y passait ses journées. Elle avait un enthousiasme méfiant : elle avait pas confiance dans les paiements en ligne, ni dans les copié-collé. Aujourd'hui, c'est encore le cas pour les commandes, mais je sais pas pour les copié-collé.
Je me souviens de la façon dont je marchais dans Montpellier. Super vite et en coupant les trajectoires. Le visage fermé. Ça tranchait de la façon dont je marchais avec ma famille, le dimanche. Lentement pour pas perdre ma grand-mère. A bien attendre que le feu soit vert pour montrer l'exemple à mon petit frère en trottinette. Et à parler fort, à s'appeler mutuellement comme ça à plusieurs mètres d'écart, quel enfer.
C'est pour ça que j'appréhendais la ville le plus différemment possible quand je retrouvais mes potes. Chaque sortie était une émancipation. Elle était importante. Et la ville, la même ville, parfois la même place, n'avait pas le même visage le vendredi soir avec mes potes, et le dimanche midi avec la famille.
Une fois, on avait fusionné les sphères : dans la voiture de mon père, il nous accompagnait mes ami·es et moi à une fête chez un ami loin. On était à 4 sur la banquette arrière, il y avait Chloé à côté de moi. Nos jambes se touchaient tout du long. Je sentais sa chaleur, on en a pas parlé.
Toute cette période de 15-17 ans est revenue : le papier glacé et le tabac, ma mère jeune que je croyais vieille, la trotinette qui était à moi avant mais que j'éloignais car c'est pour les enfants, les semelles qui collent à cause de la bière, la cuisse dans la voiture. Elle était courte et fondatrice cette période. Juste avec "Castelnau-le-Lez", alors que je n'y ai jamais habité.
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C'est parti de sa peau. Non. C'est même parti de son t-shirt. Blanc, abîmé, léger, un peu petit pour lui.
Il a dû l'accompagner depuis l'adolescence. Puis, il a pris des épaules, puis du ventre, mais le t-shirt est resté. Ou alors, il a pris ce t-shirt ce matin dans la penderie de la chambre où il dort.
C'est bien le genre de partir en vacances sans prendre assez de vêtements, avec confiance. Moi, j'ai compté 7 jours de samedi à samedi, j'ai pris 7 jours de vêtements. Mais peut-être que lui non. Ça m'échappe. Ça doit échapper à pas mal de monde, ici.
C'est bien le genre à se servir comme ça, sans demander, dans la maison des parents de ses potes. C'est bien le genre à ne pas en faire une histoire. C'est bien mon genre. Oui. Il faudrait pas, mais il est tout à fait mon genre.
Il a porté ce t-shirt deux ou trois jours de suite. A la fin, il sentait même pas mauvais. Il embaumait un mélange de sueur séchée (ah l'odeur de sa sueur !) et de soleil sur le tissu. Ça fait cocktail odeur sexuelle et odeur d'enfance (quand je rentrais le linge avec maman). Le combo est trop fort, ça fait philtre d'amour. On est que mercredi et je le cherche partout, je veux être avec lui tout le temps. Je cherche son odeur, je cherche son rire (il rit souvent, et il rit joli), je cherche son regard, je cherche sa peau.
Il faudrait pas. Il faudrait que je profite un peu des autres, que je profite des vacances, c'est mes seules vacances. Mais non : il va à la plage, je vais à la plage ; il proposer un Time's Up, je fais un Time's Up ; il mange à 14h, j'ai faim jusqu'à 14h.
Et il y a le vendredi soir, après le repas. On n'est plus que 4 ou 5. On rit. Et puis, on arrête de rire, lui et moi. Les autres discutent. Et il me fixe. Il me fixe parce que je le fixe. Il perd son sourire, je gagne son regard. Je ne l'avais pas tellement eu son regard, cette semaine.
Et je sais pas lire. C'est du désir ? C'est de la peur ? C'est de l'intimidation ? C'est de la colère ? Je lâche le regard. Le lendemain, je prends mon train avant lui. 9h57. Je le vois partout.
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Au fond, tout au fond du chariot des livres à ranger, il y a un manuel rouge souple, sans étiquette. La couverture est un squelette au sourire effrayant, avec un chapeau, les bras en l'air, dans un cadre noir.
L'image me paraît familière, elle me parle :
Ce tas d'os que tu vois, ça ressemble à de l'art contemporain, mais c'est aussi le squelette d'un marin de 39 ans, retrouvé là-bas. La légende dit qu'il n'a pas vu la terre ferme pendant une décennie. Alors, forcément, une décennie sans voir la terre ferme, sans voir Londres et ses lumières, sans voir la mise en scène de William Charles Macready, sans entendre Nabucco ou Don Pasquale. Une décennie - imaginez ! Une décennie sans le Yorkshire pudding de Simpson's-in-the-Strand. Une décennie, il y a de quoi devenir fou.
Il y a même de quoi devenir un sac d'os, si on veut mon avis. Moi, par exemple, si je vais chez Simpson's-in-the-Strand. Si on se rend dans les cuisines, par exemple, là - bonjour, faites un peu de place pour le bateau s'il-vous-plaît, pardon du dérangement.
Regardez-moi ce roast beef sur les chariots en argent emblématique du restaurant - chef, ça fait longtemps que vous travaillez ici, vous ? je vous connais pas. Il a commencé comme commis, à l'ouverture en 1828. Il y a une décennie. Il vient d'être nommé chef. À 39 ans, belle carrière. A rester dans sa cuisine une décennie, il y a de quoi devenir fou. Fou. Et il fond. Il fond dans un tas d'os. Il meurt, il meurt de folie. Son squelette s'écroule dans une case rouge, au fond, tout au fond du chariot d'argent.
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J'éclaire une table est carrée. Sur le bord supérieur, une première paire de bras. Les manches sont bleu marine. Le tissu blanc d'une chemise déborde sur le poignet. Les mains sont blanches, une alliance en or blanc.
Sur le bord inférieur, une seconde paire de bras. Les manches de laine noire moulent des poignets fins. Les mains sont blanches, quelques poils noirs et blancs sur l'extérieur.
Les mains décrivent des gestes suaves pour saisir un verre, replier une serviette. Mais elles s'agitent quand elles sont en l'air. Elles ponctuent une discussion. Les gestes vers le centre de la table sont saccadés. Elles frappent parfois la table.
Sur les côtés, d'autres bras passent plus rarement. Des bras à la peau brune. D'autres à la peau noire. Ils sont plus jeunes. Leurs gestes sont précis. Chacun est utile. Il saisit ou dépose sans hésitation, une assiette, une carafe, une bouteille, une corbeille à pain, des déchets.
Le ballet des bras noirs sur les côtés. Et l'improvisation des mains blanches. A la fin de leur repas, les deux se lèveront, l'un déposera quelques pièces sur la table. Elles seront ramassées par le côté. La table sera préparée à nouveau, et on reprendra le même spectacle.
Ils sortiront du restaurant repus. Par l'avant. Dans la rue éclairée.
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Si j'écoute les Red Hot Chilli Peppers, c'est pour fredonner leurs airs dans le car qui nous ramène du sport. Le vendredi matin, on va à la piscine à deux classe. Avec la 4ème B, et il y a des gens cools en 4ème B. Leur style de skaters indique que ça écoute du rock américain. J'ai très envie de connecter avec, donc j'écoute Oasis, The Cranberries, Radiohead, et - donc - les Red Hot Chilli Peppers.
Si Alex, Jess et Mélissa avaient eu un look gothique ou des coiffures dégradées, j'aurais écouté du Rammstein ou du Disiz.
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Des Fiat Brava. Des peaux fripées en maillots. Des fruits ouverts. Des kiosques. Du rouge. Du bleu. Du vert. Du jaune.
Je n'attends que ça du voyage en Abruzzo. Il peut y avoir d'autres choses. Mais je n'attends que ça.
Il y aura aussi des smartphones, des livreurs de colis Amazon, des trotinettes électriques, parce que c'est pas les années 90.
Et ça pourrait gâcher l'image si je n'étais pas déjà heureuse. Alors, je ne crains rien.
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Parfois, j'écoute une musique, ou je bois une tisane, et ça me rappelle une période bien précise, avec son odeur et ses images. Mais si j'abuse trop de cette musique ou de cette tisane, ça ne va plus me rappeler la période cible, mais plutôt la période actuelle.
J'avais dans mon grenier une boîte de yogi tea avec 1 ou 2 sachets de pas mal de thé/tisanes différentes. Machine sensorielle à remonter le temps. Mais je crois que ça a été partiellement saccagé par des souris.
Les souris sont un rappel que tout passe. Un raisin sec, une tapette, et clac terminé.
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Dans le train, de l'autre côté du couloir. Un visage accueillant, un style agréable, une belle voix. Et attrapée au vol, une phrase "moi je ferais bien l'Asie".
Je vais plutôt me concentrer sur mon travail. Ça m'économisera des projections.
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Toi tu as une voiture. Moi je n'ai pas le permis.
J'ai acheté une maison. Tu loues un appartement.
Tu as 32 ans. J'en ai 29. Et aucune de nous n'a l'impression d'être adulte.
On pense que l'autre est adulte, par contre. Parce qu'elle a une voiture. Parce qu'elle a une maison. Parce qu'elle est une marche au-dessus.
En tant qu'enfant, en tant qu'ado, on voit "les adultes" comme un bloc monolithique. Et à mesure qu'on a l'âge qu'avaient nos profs, nos parents, nos grand-parents, on se rend compte que c'est jamais la même chose, que les personnes sont toutes différentes, qu'il peut y avoir des couleurs partout et une nouvelle à chaque âge. Donc notre expérience ne correspond jamais à ce que voulait dire être adulte quand on avait 15 ans. Donc on se dit qu'on est pas encore adultes. Même quand on conduit des voitures et qu'on paye une assurance habitation.
C'est comme si on t'avait décrit "l'Afrique" pendant toute ton enfance comme un endroit avec des huttes et des éléphants partout. Bah tu as beau faire le tour du continent, tu auras jamais l'impression d'être dans ta représentation enfantine de l'Afrique.
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L'enfance n'est pas que transitoire. Elle peut être une fin en soi. J'éduquais Lou que pour qu'il soit un adulte épanoui. Et j'ai capté que c'était cool aussi qu'il soit un enfant heureux. On me répondra que c'est pas contradictoire, mais des fois y a des tensions quand même. Notamment sur les plaisirs immédiats, ou le fait que je maintienne ma parole.
Je me disais qu'en fait c'était important qu'il soit heureux dès maintenant. Comme ça si dans quelques années on crame à cause du changement climatique ou du fascisme, eh bien au moins on aura vécu. C'est pas qu'un projet long terme. Et c'est depuis ce moment que j'ai décidé de me faire tatouer ses dessins. Pour que son stade enfant ne soit pas que transitoire, qu'il soit un peu gravé et vivant tant que je vis.
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J'ai la version écrite d'un cours à livrer. J'en mets les grandes lignes dans ChatGPT et je lui demande de compléter pour que ça fasse 20 pages, que ce soit sérieux pour mes étudiant·es et pour ma hiérarchie.
Pas grand monde n'écoute mon cours, de toute façon, parce que je suis chiant depuis que je suis veuf. Certain·es ne viendront même pas et téléchargeront la version écrite, pour demander à ChatGPT de la leur résumer.
Cette époque nous dépossède de la création comme de l'interprétation. Elle mâche, digère et chie nos écrits. Et tout ça pour se donner le change. Oui, je suis hypocrite avec mes étudiant·es, je n'aurais pas le temps d'écrire mes cours, sinon.
Et je passe mon temps libre sur les applis de rencontre. En ce moment, j'ai une quinzaine de matchs, qui expirent un peu tous les jours. Pareil, l'algo se met entre moi et l'autre et me suggère même des sujets de conversation.
"Max, 36 ans" demande ce que je fais dans la vie. Il a peut-être déjà posé la question hier. Je lui réponds. Je lui ai peut-être déjà répondu.
Ce genre de paradoxe arrive, mais qui le saura ? Je n'ai pas la patience de vérifier. Des matchs vont expirer, et je cherche à être valorisé. Petit garçon, il est temps d'aller se coucher.
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C'est seulement au milieu du CAP que j'ai capté que c'était dégueulasse les cheveux, en fait. J'étais dans le train comme ça, je regardais les cheveux des gens et ça me dégoûtait. Absolument toutes les natures de cheveux, toutes les coiffures me dégoûtaient. Mais je me sentais pas investie de la mission de régler leurs problèmes de cheveux, de dédégueulasser l'humanité. Non, juste, ça me dégoûtait. Comme quand tu répètes 50 fois un mot, après ça te sature. Comme quand tu manges 50 tartines au beurre de cacahuète. Pareil, mais juste à regarder les cheveux des gens dans le train.
Au retour des vacances, je suis partie de mon CAP, et j'ai tout rasé.
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Parfois, je me dis que je réhabiterais bien à Paris. Surtout pour les évènements et les différentes dynamiques de communautés dont j'ai besoin.
Aussi pour la stimulation de la marche à Paris. Un trajet à pied, c'est plein d'idées qui finissent par produire un texte, plus intéressant et imagé que celui-ci. Les enseignes, les looks, les graf, les stickers, les bus pleins ou vides, les odeurs, les bouts de phrases à la volée. Les longues avenues qui font penser à une routine d'il y a quinze ans, les angles de rues qui font penser à un rendez-vous d'il y a dix ans, les noms des rues qui font penser à une chanson de Vincent Delerm ou à un air de Fauve.
Mais je me dis que si j'habitais à Paris, je me sentirais obligée d'aller voir des expos avec des fils qui pendent partout, dont les affiches sur les abri-bus et la photo sur le ticket seraient plus impressionnantes que l'expo en elle-même.
Alors, je suis bien heureuse de ne pas avoir cette injonction, de monter à Paris seulement pour l'essentiel, et peut-être même un peu moins.
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A la question "à quelle époque aurais-tu aimé vivre ?", je peux répondre "une époque sans fascisme". Mais même ça, c'est exigeant.
Il faut bien viser entre les années 30 et les années 30.
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Il ne sert peut-être plus de bruschetta. Il n'existe peut-être même plus. La rue est peut-être renommée. Je ne pense même pas si souvent à cette période de 6 mois vécus dans le 19ème arrondissement.
Mais la brasserie qui sert des bruschettas rue Laumière, elle vient comme ça en souvenir involontaire. Elle est pas invitée, et elle s'impose à moi 15 ans après, pendant que je bosse un jeudi matin.
Il vient super souvent, alors que moi j'y ai été peut-être trois fois max.
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