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Il était très sympa, c'est pas la question.
Il voyait la poésie dans le quotidien. Et il en mettait aussi : dans les interphones vidéo, il mettait systématiquement sa tête tout près de la caméra pour que ça soit marrant. Il faisait ça moins pour faire rire la personne qui devait lui ouvrir, que pour faire sourire les passant·es qui le voyaient comme ça. Un homme adulte seul qui fait une blague.
Mais il confondait les mots bouquetin et bouquin. Je pensais qu'il le faisait exprès. Mais ensuite, j'ai capté qu'il confondait premier degré, non seulement les mots, mais aussi les notions. Ça posait de vrais soucis, en particulier quand il a voulu ranger des bouquetins.
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Je mange un biscuit en visio, je ramasse une miette sur la table et je la mange. Merde, c'est un bout de plastique. Je fais quoi, je crache ? Allez, je coupe ma vidéo et je recrache toute ma bouchée.
-Qu'est-ce que t'en penses Chloé ?
Merde. Allez, j'avale vite. Tant pis, ça me fera un peu de ma carte bancaire du mois au moins. J'active le micro.
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Suite et fin du précédent texte
Andrea serre avec joie dans ses bras toute sa famille, parfois plusieurs à la fois.
Il reste avec son frère (Luca, 13 ans) et sa sœur (Serena, 13 ans) dans un coin du salon. Il ne leur a pas amené de cadeau. Bien mieux à cet âge, il leur a amené des histoires. Il ne veut pas de cette distance qui s'installe quand des enfants de la même famille se toisent de part et d'autre de l'adolescence. Il a toujours voulu un lien fort avec Luca et Serena, malgré leur gemellité, peut-être à cause de leur géméllité. Il a toujours voulu ce lien, mais c'est peut-être seulement maintenant qu'il parvient vraiment à le faire vivre.
C'est une surprise, son arrière grand-mère est là aussi. Il ne connait pas son prénom, il l'a toujours appelé Nonna car sa mère l'appelait Nonna. Même son père et tout le monde l'appelle Nonna. 98 ans, et elle tient. Elle ne dit pas grand chose. Mais quand elle dit, elle a une énergie singulière dans la voix. On dirait qu'elle est forme. Mais en fait non, elle est fatiguée. Elle tient de printemps en printemps, parce qu'elle adore l'odeur des lilas. C'est son secret de longévité, l'odeur des lilas. Alors, oui, elle passera l'hiver.
C'est déjà l'heure de l'aperitivo. Le feu est allumé depuis le midi, le salon est bien rempli, il commence à faire chaud. Andrea va retirer son pull. C'est l'occasion. En retirant son pull, il dénudera son tatouage, et ça lui donnera l'occasion d'expliquer. Ça ne manque pas. Sa mère est la première à le voir. Andrea explique calmement que oui, il s'est fait tatouer. On l'écoute. Il s'attendait à du jugement, point du tout.
Il accepte un verre d'Asti, et il continue. Il dit ce que ça signifie pour lui. Il dit qu'il aime les femmes, mais aussi les hommes, et en fait il peut potentiellement être attiré par tout le monde, y compris les personnes qui ne sont ni femme ni homme. C'est-à-dire ? demande sa grand-mère. Il explique la non-binarité. Il refuse l'assiette de jambon cru car il est devenu végétarien. Il explique ensuite que lui se sent non-binaire, son père fronce légèrement les sourcils. Andrea explique. Sa mère explique à Nonna. Luca et Serena sont debout autour de la table. Luca grignote un roulé à l'aubergine en faisant la grimace. Il en goûte un par an pour se souvenir qu'il n'aime pas ça. Serena demande à l'oreille de son père si elle peut prendre un peu d'Asti. Il n'entend pas, il écoute Andrea qui raconte son histoire amoureuse avec un garçon. La situation est beaucoup plus banale que ne l'avait anticipé Andrea. On lui pose des questions sur cet amoureux. Il raconte qu'il se sent tout petit sous ses mains, qu'il trouve ça beau de trouver un garçon vulnérable, de le faire frissonner, que tout le monde devrait essayer. On l'écoute comme s'il racontait qu'il prend des cours de qi gong. Ce n'est pas que sa famille s'en fout. On écoute. On respecte. On comprend. On trouve ça bien pour lui. On n'en fait pas un fromage.
Ça gêne Andrea d'avoir monopolisé la conversation. Alors on parle du repas, qui arrive, de la fille de la voisine, des travaux sur la place, des trains de moins en moins nombreux et de la difficulté de Nonna à sortir acheter son tabac. Mais Andrea n'a pas tout dit.
Il lui faut reprendre la parole, de façon plus formelle cette fois. Une fois le dessert terminé, Andrea lèche bien sa cuillère pour en retirer toute la panna cotta, et la fait tinter contre son verre à pied. "Voilà, je voulais ajouter que j'allais entamer un traitement hormonal de substitution. Ça veut dire que je ressemblerai moins à un homme, et plus à une femme. Je ne me sens toujours ni homme ni femme, mais je souhaiterais qu'on me genre au féminin. Je vais aussi changer mon prénom officiellement, et j'ai choisi Sara. Évidemment, je comprendrais si c'était difficile pour vous, mais je veux vous dire que je vous aime toujours autant, et que je veux continuer à vivre ces moments avec vous. En tant que Sara." Elle ajoute qu'elle ne serait pas blessée si dans un premier temps c'était difficile de la genrerau féminin, ou d'adopter ce nouveau prénom. Elle ajoute qu'elle aime aussi son prénom de naissance, et voudrait garder Andrea en second prénom. Mais Sara est celui qu'elle a choisi, et elle demande à ce que ce soit respecté.
Elle ne s'attendait pas à ça. Après un bref silence, les réactions sont modérées. Sa tante et sa mère commencent à débarrasser. Elle se demande si tout le monde a bien compris. Elle débarrasse elle aussi. "Entendu, ma fille, je suis fier de toi", lance son père, avant de demander si tout le monde a chaud ou si c'est que lui, et d'aller baisser le chauffage. En cuisine, sa mère la félicite. "Ça me fait plaisir que tu nous le dises, que tu nous fasses confiance comme ça, tiens va demander combien il y a de café, tu seras gentille."
Sara se demande si elle rêve. Elle retourne au salon. Ça parle prix du gaz. Elle demande combien il y a de café. On la genre correctement. Serena lui dit qu'elle est contente d'avoir une sœur et que Sara c'est très classe comme prénom. Luca lui demande depuis combien de temps elle est décidée. Il y a de la curiosité sans intrusion. Ça commence à parler de Meloni. Il y a 5 cafés.
Elle retourne en cuisine et prépare la cafetière moyenne, positionnée là où elle l'a toujours vue : placard du bas, entre la petite et la grande. Le café sort avec ce bruit et cette odeur de son enfance et son adolescence. Elle installe la cafetière au centre du plateau, et le sucre pour sa grand-mère. Sa mère compte les tasses autour, il y en a 5. Elle se dit que Sara s'est trompée et en ajoute une 6ème. Sara lui fait remarquer qu'elle sait très bien compter et que si elle ne lui fait pas confiance, elle n'avait qu'à pas la charger d'aller compter le nombre de cafés. Le ton monte légèrement, la tante veut calmer le jeu et les emmène toutes les deux au salon pour recompter.
Elle doit hausser le ton pour passer par-dessus les conversations sur la mort de la gauche : "Reno, Nonna, Maman, toi Alessa, Sara et moi. 6 !"
"Non, pas moi", réponds Sara. Silence général. "Je ne bois plus de café". Sa mère lâche le plateau, brisant les 6 tasses et répendant le précieux liquide sur les carreaux de terrazzo.
On se regarde. On ne sait quoi dire. On regarde Sara comme si c'était une étrangère, comme si elle n'était plus chez elle ici. Et c'est un peu vrai : Sara regarde la maison où elle a grandi, les visages qui l'ont toujours accompagnée, qu'elle a aimé, admiré. Et elle voit ce truc insidieux qui s'installe doucement et apparaît d'un coup : la distance. La gorge chargée de sanglots, la mère de Sara lance "Bon, je vais ramasser tout ça", elle part dans la cuisine chercher la pelle et la balayette pour pleurer.
"Mais prenez un café, c'est bien si ça vous fait plaisir, moi j'en ai pas envie." Son père la coupe et la prend par le bras pour lui parler dans le couloir : "écoute, je ne sais pas ce qu'on t'a mis dans la tête à Bologne…" Il a dit Bologne avec les yeux en l'air comme pour mimer un air hautain. "…mais ici, on boit du café. Point. Maintenant, tu te débrouilles comme tu veux, tu peux le laisser refroidir puis le jeter dans l'évier en cachette si c'est ça que tu veux, mais je te demande une chose : ne fais pas de scandale, pas devant Luca et Chiara, pas devant Nonna." Sara reste bouche bée. Le regard de son père s'est attendri, il y a une pointe de pitié là-dedans. "S'il te plaît, ma fille. Elle a 98 ans. Pas de scandale, d'accord ?" Les yeux de Sara ne clignent plus. Elle n'en revient pas de cette situation. Mais d'accord. Sara baisse la tête sans rien dire, elle est d'accord.
Reno revient dans le salon en traînant Sara par la main. "Ah ! Elle voulait dire qu'elle prenait un déca le soir ! N'est-ce pas ? Ahah ! Tu nous as eu·es !" Un temps suspendu. Sara confirme d'un sourire : "Oui, voilà, un déca !" L'ambiance se détend doucement. Comme un long soupir. Luca, Serena et leurs jeunes cousines ne montrent pas de soulagement.
Les adultes peuvent faire semblant de croire à quelque-chose, les enfants et les ados non.
Sara s'installera à table, la mine sombre, la mâchoire serrée. Elle laissera la tasse de déca refroidir sous son nez, et ira la vider plus tard dans l'évier en débarrassant toutes les tasses. Personne ne l'y aidera. Les années suivantes, elle essaiera de revenir, de retrouver quelque-chose. Mais ce soir là, seule dans la cuisine, au-dessus de la faïence brune, Sara a déjà compris qu'elle ne trouverait plus de lien sous ce toit.
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16h20, le train en provenance de Bologne arrive en gare de Battipaglia. Andrea descend, la vingtaine fringante. Un mince sac à dos sur une épaule. Il aperçoit sa mère au loin sur le quai, elle ne l'a pas encore vu. La joie est réelle, il n'a pas vu ses parents depuis 2 mois. Mais il n'a plus 5 ans, il ne va quand même pas courir pour lui sauter dans les bras. Il a joie adulte. Sourire discret, regard tranquille et pétillant.
L'étreinte est ferme, entière. Elle dure jusqu'au départ du train. Il contient bien sa mère dans ses bras maintenant. C'est pourtant elle qui lui demande d'emblée s'il a bien mangé, s'il n'a pas froid comme ça, juste avec une veste en jean molletonée. "Non, Maman, ça va, ne t'inquiète pas. Je te ferai une bonne tisane en rentrant à la maison. D'accord, merci Maman. Ton père attend à la voiture, tu es sûr que tu n'as pas froid ?"
Andrea est soucieux, il a pourtant bien mangé, bien dormi. Mais il a quelque-chose à annoncer ce soir. Il se l'est promis. Ce soir, c'est le bon soir. Il y aura tout le monde à table. Et mieux vaut le faire au début des vacances qu'à la fin. Il a répété les mots, plusieurs fois, il va le faire. Ça fait des années qu'il a ça en lui. Et maintenant, c'est le bon moment. Il a regardé les horaires des trains de demain, au cas où ça se passait mal.
Son père attendait effectivement dans la voiture. Il n'a pas pu la stationner, et à peine sa mère et lui sont-iels monté·es qu'il démarre. Andrea lui fait malgré tout un câlin en entourant l'appui-tête depuis la banquette arrière. Son père jure, mais blague quand même. Il est heureux de voir son fils et lui dit, il lui montre. Dans cette famille, on se dit les choses.
Le soleil se couche déjà, avec ces couleurs qui l'ont accompagné toute son enfance. Il garde un peu le silence pendant que ses parents discutent. "Mais puisqu'il te dit qu'il n'a pas faim, laisse-le un peu ce petit. Quand même, je m'inquiète. Eh oui, c'est la vie. Qu'est-ce qu'il avait besoin d'aller à Bologne, j'aurais été plus tranquille s'il avait été à Salerno, ou même à Rome, moi je te le dis. Ah, ça ! Hein mon chéri, j'ai parlé à la voisine, sa fille est allée faire du droit aussi, mais à Salerno, il y a un très bon programme de droit aussi à Salerno, et puis sa fille, la petite Chiara tu te souviens ? elle rentre voir ses parents tous les week-ends, elle pourrait même rentrer tous les soirs, mais elle veut aussi avoir sa via là-bas, tu pourrais même faire le trajet avec elle le vendredi soir tu vois, c'est dommage, tu m'entends, Andrea ? Alessa, laisse-le un peu ce petit, non ?"
Comme quand il n'est pas là, ses parents ne parlent que de lui.
Andrea sourit. Il tourne la tête vers la gauche. Il sait qu'au virage suivant, il pourra apercevoir la baie. Il profite de la solitude, et de la présence de ses parents. C'est un sas avant d'entrer dans une ambiance de Noël, retrouver son petit frère, sa petite sœur, sa grand-mère, sa tante avec Giorgia, Guilia et Noemi.
Quand il sortira de la Suzuki 3 portes, en se contorsionant, il leur donnera ce qu'il a apporté. Une bouteille de Campari et un Panettone. Comme un grand. C'est la première fois qu'il fait un cadeau en arrivant chez ses parents, ça met une distance. C'est tout juste s'il n'a pas apporté des fleurs. Sa mère s'offusquera, et ce ne sera pas feint. Elle dira qu'il ne fallait pas. Et il insistera. Comme un grand.
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On est quand même très cool dans leurs yeux. Nous les adultes. On sait réserver des billets de train. On sait les redescendre de leur siège enfant sur le vélo. On sait cuisiner une tarte. On sait acheter et brancher une guirlande lumineuse.
Pour l'enfant, je dois avoir des super pouvoirs. Il doit ressentir un mélange d'admiration et de jalousie.
Dans l'autre sens, je me sens comme lui. Ce n'est pas symétrique. J'aime aussi me concentrer sur une matière, faire des allers et des retours avec la pulpe de mon index, puis avec l'ongle, et me raconter des histoires dans ma tête, et la tâche sur le canapé devient un paysage. J'aime le faire, mais je ne le fais pas.
Lui aussi a ses super pouvoirs. Je ressens un mélange d'admiration et de jalousie.
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Entendu à la table d'à côté : "non je vais faire de l'escalade, mais de façon thérapeutique". Et à mesure que j'écris ça, j'imagine un malware anti-écrivaillon de café qui lirait avec une synthèse vocale volume à fond tout ce que j'écris. Ce ne serait que justice.
Ne m'en voulez pas, table d'à côté, car si j'écris, c'est de façon thérapeutique.
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A défaut de partir en vacances à l'étranger, j'aimerais pouvoir éteindre ma compréhension du français. Ainsi, les "allez allez là, on monte, messieurs-dames" ou les "mais dépêche-toi putain" du chauffeur de car me paraîtraient exotiques.
Autrement, tout y serait. L'heure pas à l'heure. Le pare-brise géant. Les villes moyennes du Poitou sur les panneaux qui ne me disent rien (on pourrait aussi bien être en Andalousie, ou en Basse-Saxe). Les successions de rond-point entre des enseignes éclairées où je ne vais jamais, pour atteindre un arrêt où personne ne monte.
Il ne manquerait plus que le Portugais, le Suédois, pour que je me sente vraiment en vacances.
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Rudy a eu :
-le nez cassé
-si peu de cheveux qu'il les a rasés
-huit mois de réclusion
-un deuil à gérer depuis ses quatre ans
-un truc qui s'est éteint dans ses yeux, il ne saurait pas dire quand, c'est venu petit à petit
Et aujourd'hui, il s'installe au piano de la gare. Il courbe son cou, ouvre légèrement la bouche. Il ne voit plus rien autour. Les deux iris noirs fixes sur ses deux index raides. Il tâtonne. Il cherche une mélodie perdue. Le pied enfoncé sur la pédale de droite. Trois cabas Auchan crient des paysages colorés contre le piano noir. La campagne, la mer, et encore la campagne.
Rudy porte un costume noir aux fines rayures blanches offert par son premier employeur (un magasin de vêtements à Barbès), des chaussures en cuir noir cirées pour la dernière fois à sa sortie de prison. Des chaussettes airness visibles quand il est assis car il n'avait pas tout à fait fini sa croissance quand on lui a offert le pantalon.
On reconnaît les mélodies de Francis Cabrel, Laurent Voulzy, Elton John. Alors, on devine un peu de l'enfance de Rudy. Les goûters chez une voisine après l'école. Il n'a pas beaucoup de technique. On devine alors qu'il n'y avait pas de piano chez cette voisine. En effet, c'est en prison, qu'il a découvert le piano. Avec une prof qui venait toutes les trois semaines avec son clavier, mais surtout seul, pendant des heures avec un des octaves imaginaires, dessinées sur un rouleau de tissu.
Pour les dizaines de passagèr·es qui l'entendent de loin, c'est mauvais. Rudy, il faut le voir pour qu'il nous touche.
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Intercités, carré famille. Dans une de ces rames aux sièges rayés boursouflés mises en service entre 1975 et 1989.
L'enfant et moi côte à côte. En face : deux sœurs septuagénaires. J'ai une fascination pour les personnes qui fréquentent encore leurs adelphes à un âge mûr.
L'une est plus âgée que l'autre. Elle répond à ses questions sur les vacances de quand elles étaient enfants. "Non, ça c'était seulement avec Maman", "Oui, c'était en Corse la maison avec les citronniers".
Elles ouvrent côte à côte chacune un Paris Match différent. L'image est belle. Ça fait un W : 4ème, 1ère, 4ème, 1ère de couverture. Et au-dessus, des regards concentrés. De temps en temps, en asynchrone, elles tournent une page.
Elles font des commentaires sur l'apparence des gens connus (leurs rides ou leurs vêtements), sur les membres de leur famille qui sont morts. Elles parlent des gens qui sont morts quand ils étaient vivants.
Mais nous, avec l'enfant, on fait quoi ? A les regarder, j'en ai oublié de proposer une activité, et il s'ennuit. Il me sollicite. Je n'ai pas le temps de réfléchir, je propose spontanément de parler de quand les gens vivants seront morts, à commencer par les deux dames en face de nous, comment elles vont mourir, selon toi ? Qui découvrira chez elles des montagnes de Paris Match ? Je m'interromps.
Aux trois regards sur moi, je devine que c'est une mauvaise idée.
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Oui, les personnes âgées dont on dit qu'elles regardent la télé et votent extrême-droite vont mourir. C'est heureux, d'un côté. Mais de l'autre, ce sont aussi elles qui font vivre les centres de nos petites villes : qui va encore chez le fleuriste, ou dans ces salons de coiffure aux miroirs fumés ? Qui a encore un compte en banque dans une agence bancaire et achète ses chaussures dans un magasin de chaussures ?
L'extrême-droite est peut-être le prix à payer pour maintenir nos villes et villages en vie.
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Elle disait "et mon frère est arrivé à Berlin en 2005, il a joué de la guitare dans le U-Bahn, à la fin de la journée, il se payait une pizza et une bière, ça lui a plu, alors il s'est installé".
J'ai eu dans le corps une chaleur qui dit que la vie est simple. Je sais qu'elle est pas si simple, mais c'était mon émotion du moment. Et de temps en temps, alors que je suis en train de détourer une image à l'agence, l'émotion revient. Je repense à elle, et je me dis que la vie était simple avec elle.
Je fais le raccourci automatique, alors que c'est même pas elle qui s'est installée à Berlin en jouant de la guitare, c'est son frère. Elle a dû y aller quelques fois pour lui rendre visite, ou peut-être même pas.
Mais son histoire lui a bénéficié. Elle m'a attachée à elle. Et c'est bien légitime, si elle raconte bien les histoires...
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Le trajet jusqu'à mon rendez-vous est un gros trait bleu sur mon téléphone.
Il surligne sur 1 km le trajet entre chez moi et mon premier travail sur les pistes cyclables au bord du canal. Je retrouve une odeur d'alors.
Je bifurque au carrefour sur les boulevards. Là, ça me rappelle le premier baiser avec mon premier copain, en attendant le petit bonhomme vert. Il avait fait une blague sur un commerce en face, mais je me souviens pas laquelle, et le commerce a changé depuis.
Le trajet sur les boulevards, sur 4,5 km, c'est celui que je faisais quand j'étais avec Joris, avant d'aller vivre chez lui. Je pensais à ma culotte et au fait qu'il allait peut-être me lécher le soir, et je me disais qu'après le vélo il y avait des chances que ça pue un peu. Au début, je me douchais chez lui, mais de plus en plus, je me douchais chez moi avant. A mesure que l'amour grandissait, je me détendais avec ça. J'ai jamais senti qu'il sentait un truc qui le dérangeait.
Et je fais ce trajet aujourd'hui. Et je croise des gens d'aujourd'hui qui tissent des histoires d'aujourd'hui sur mes lieux d'hier. Hier, je croisais des gens d'hier qui avaient en ces lieux des histoires d'avant-hier. Et comme ça, on remonte jusqu'au 17ème siècle. Parce que les gens en peinture, en gravure, avaient aussi des histoires, ce lien sensible aux lieux et aux trajets.
Il est trop froid ce trait bleu. Il passe sur des récits intimes merveilleux, et il est bleu ?
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-Tu connaissais ici ?
Elle s'installe à la table d'à côté.
-Oui, j'étais déjà venu deux ou trois fois, j'aime bien !
Je suis seule à la table d'à côté.
-C'est végé, c'est ça ?
Il a pris la banquette en l'attendant.
-Vegan, même !
Et non pas la blanquette. (Ahah.)
-Trop bien.
Je pense qu'iels sont frère et sœur, y a une sorte de familiarité sans trop en faire.
-T'es végé, toi aussi ?
Ah. Non, ça doit être des collègues.
-Oui. Pas vegan, mais végé.
Elle indique qu'elle a trop faim. La conversation s'éternise. Elle parle beaucoup. Puis il parle beaucoup. Et il propose, puisqu'elle a faim, de peut-être d'abord commander avant de discuter. Elle dit :
-Oui ! T'as raison ! Allez !
Le serveur passe. Iels commandent. Iels tendent les cartes et reprennent où iels en étaient.
-Parce que t'as quel âge, toi ?
Non, c'est un date !
-32, et toi 31, c'est ça ?
J'aurais dit plus.
-Ça fait combien de temps, alors ? 10 ans ?
Ah, zut.
-Mmmm quand même pas. Je dirais 8 ou 9.
Des ancien·nes potes.
-T'as des nouvelles toi, de Tom, Victor ?
Qui ont fait leurs études ensemble.
-Pas trop. Bah, ils me parlent plus trop depuis.
Depuis quoi ?
-Sérieux ?
Depuis quoi ??
-Ouais, ça faisait un peu "je choisis mon camp", j'ai l'impression.
Attends…
-Ah ouais ? Chelou. Je leur ai jamais rien dit sur toi. Et je les ai un peu perdus de vue pas longtemps après notre séparation, en plus. Je pensais que tu les voyais toujours.
Vas-y, je suis nulle à ce jeu, j'arrête. Je vais me concentrer sur la table d'à côté.
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Quand j'aurai 60 ans, je serai peut-être cette personne. Mes enfants me diront que je suis sclerosée dans mes principes. Qu'il est temps de voir les choses différemment et d'embrasser le changement dans le monde.
Je leur dirai que ça a toujours été comme ça et que ce sera toujours comme ça. Je comprendrai leur logique, je refuserai simplement d'y souscrire. Ce serait trahir 60 ans de vie. Et des siècles de tradition avant moi.
Mais je leur répéterai qu'iels ont raison de vivre avec leur temps. Que je trouve ça bizarre d'avoir un calendrier basé sur le chiffre 10. Pour moi, un jeudi, ça restera un jeudi. On aura beau me dire que c'est lunaire, c'est trop ancré chez moi.
Iels lèveraient les yeux au ciel quand j'admetterai que je trouve ça pratique que les choses reviennent tous les 7 jours, et que je suis pas la seule car dans mon cours de théâtre, on se dit qu'on continuera de se voir 2 heures tous les mardis soir. On me répondra "et pourquoi pas tous les 10 jours pour 3 heures?", je hausserai le ton '"mais parce que ça a toujours été comme ça, c'est un repère!", et je verrai moins mes enfants.
Je me poserai sincèrement la question. Je me dirai que je pourrais changer. Mais je renoncerai. Ce ne serait pas moi. Et puis, ça me m'énerverai, parce que ça me paraîtra bien arbitraire leur truc.
Sur les nouveaux médias, les gens comme nous auront un nom. On nous appelera les "hebdo-normé·es", bientôt les "hebdo-borné·es". Iels souhaiteront un prompt renouvellement des générations. Un coup de balai sur les poussières, un glissement inexorable qui leur donnera raison, et mécaniquement, leur donnera tort.
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On est le 9 octobre. Je me dis que les personnes qui sont nées le 9/10 étaient pas loin de la perfection, et vivront toute leur vie avec une marge de progression.
Je passe devant un parc. J'entends "Regarde!" et je regarde. C'est un enfant au sommet d'un toboggan. Sa maman ne regarde pas, alors il répète "Regarde!". Il me voit le regarder, alors je détourne le regard, et je continue de marcher. Combien de fois je n'ai pas regardé quand mon petit m'a dit "Regarde!" ? Qu'est-ce que je donnerais aujourd'hui pour regarder !
Je passe devant un café. J'entre pour demander à remplir ma gourde. Au pire si on refuse, ça me fera quand même un petit moment de socialisation. On accepte, c'est sympa. A la table près du comptoir, deux jeunes parlent de cul sans pudeur. La femme dit qu'elle prend ses accessoires BDSM sur materiel-medical.fr pas seulement parce que c'est moins cher, mais surtout parce que ce serait "plus professionnel". Je pense qu'elle est déjà dans un jeu de domination quand elle raconte ça.
Le mec qui l'écoute a une casquette. Je devine au fait qu'il la porte à l'intérieur qu'il la porte tout le temps. Il doit avoir les cheveux gras, ou les cheveux chauves, plus probablement un peu des deux. Sa casquette était rouge. Elle est rose. Le soleil l'a altérée autant qu'il a préservé sa peau. Tissu martyr.
On me rend ma gourde. Merci. Je ressors. L'eau est très froide. La prochaine fois, j'irai la remplir moi-même aux toilettes avec de l'eau tempérée.
Il se met à pleuvoir. C'est bien. Parce que c'était prévu. Ça mouille, mais c'est rassurant.
Mais il commence quand même à faire froid. Ça n'est plus tout à fait une pluie d'été. Je me dirige vers la gare. J'ai l'impression qu'avec l'automne qui vient, je vais passer de plus en plus de temps à la gare. Ma passion pour la botanique va en prendre un coup. A la gare, un gars joue du piano. Son look ne laissait pas deviner une telle sensibilité, il joue très bien. Je crois que je passe une heure à le regarder d'un peu trop près. Il me propose de jouer avec lui. Je lui réponds que je sais pas faire. Je m'installer carrément là. Il joue ensuite à quatre mains avec une autre personne qui l'écoutait, puis il lui laisse la place. Je regarde les mains qui se baladent.
Le lendemain, j'y retourne. Le pianiste est toujours là. Il me salue. Je l'écoute. J'observe ses mains.
Le lendemain, il n'est pas là. Le surlendemain non plus (je n'ai fait que passer, il faisait beau). C'est le lundi suivant qu'il revient. Il joue, je le regarde. Il me propose de m'apprendre. Je m'installe. Et je comprends que c'est une nouvelle passion. Une simple pression de mes doigts fait résonner un son magnifique dans toute la gare. C'est quand j'enchaîne les touches que le son est moins gracieux. Mais j'apprends vite, il me dit. Il veut m'apprendre. On a rendez-vous tous les jours de pluie ou les jours de froid. J'y passe plusieurs heures, à chaque fois.
Je sais que je m'accroche facilement aux hasards. C'est comme la fois où j'ai appris le Portugais pendant 2 mois, juste parce que dans la rue, j'ai entendu parler Portugais, alors que si ça se trouve c'était du Turc.
Je me passionne pour trop de choses quand je m'ennuie en ville. Si je passe devant une plaque de cabinet d'avocats, j'envisage la fac de droit. J'aperçois un laveur de vitre, je me scotche dessus jusqu'à ce qu'il ait parfaitement terminé de passer la raclette. Et même un peu après. Je voudrais apprendre à faire comme lui, je voudrais aspirer l'expérience de sa vie.
Je le dis à mon prof de piano, que j'ai l'organe de la passion bien développé, et celui de la persévérance tout atrophié. Je lui dis que ça va se finir comme ça. Si un jour de froid, je ne suis pas là, c'est que j'ai trouvé autre chose.
Maintenant, il me laisse jouer seule quelques morceaux. Il fait la quête avec son chapeau et me donne tous les sous. Il fait discrètement pour pas qu'on se fasse virer. Je mange très peu, je joue. Je perds du poids, mais au moins je joins les deux bouts.
J'arrive au pied d'un grand immeuble vitré de 4 étages avec ascenseur apparent. La porte tambour rejette un enfant qui dit "c'était la meilleure journée de ma vie à égalité". A égalité avec quoi ? Je me pose la question en levant les yeux pour contempler le bâtiment. Si ce que j'aime, c'est vivre les vies qui ne sont pas à moi, je serai bien ici. Au moins pendant l'hiver. Je me prépare à entrer à la médiathèque municipale.
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Je me lève avec la ferme intention de faire l'ouverture du jardin botanique. J'y passe toute la matinée sans avoir pris de petit-déjeuner, et avec le visage gras. J'ai accueilli une brève pluie de grosses gouttes, on devait être au bord de l'orage.
Pour y aller depuis l'appartement, je longe le canal et je passe sous un pont métallique avec de gros rivets. Ça doit être très difficile d'enfoncer ces rivets. Je pense aux hommes du XVIIème siècle qui ont dû le faire - sans compter qu'ils ont creusé ce canal avant toute révolution industrielle.
Au point le plus haut du jardin, on peut voir l'Université de Médecine et une partie de la vieille ville. J'y vais rarement, car ce qui m'intéresse, ce sont plutôt les végétaux (je connais maintenant presque par cœur toute l'allée centrale et la principale perpendiculaire). Ce matin, je monte au point de vue. Il y a une centaine de marches pour atteindre le sommet. Mais ce qui m'intéresse, ce sont plutôt ces marches. Elles sont en pierre massive - typiques de la région. Je suis déjà essoufflée en les gravissant, je me demande comment j'aurais été en les soulevant. Encore une fois, je jouis de l'œuvre de personnes qui travaillent plus dur que moi.
Je passe une matinée à errer. C'est ma vie en ce moment. Avant ça, j'ai été secrétaire médicale, puis employée chez un opticien. Je n'ai jamais vidé les poubelles dans lesquelles je jette mes déchets. Je n'ai jamais fait chauffer les panini que je mange. Je n'ai jamais nettoyé les routes et trottoirs sur lesquels je circule. Je n'ai jamais évacué les corps de toutes les violences qui ont eu lieu ici. Je n'ai jamais vissé au sol le banc sur lequel je suis assise. J'ai une dette infinie envers les générations passées, et les travailleureuses actuel·les. Globalement, j'aurai traversé la vie en tant qu'utilisatrice.
Vers 14h, j'ai faim, je repasse sous le pont et rentre à l'appartement pour manger mon panino froid. Je fais un point sur l'argent. Il me reste 2 euros 26, en plus des 50€ de caution de la voiture de location. Sur mon compte, je ne sais pas. Je passe au Crédit Mutuel pour retirer mes derniers sous. Je demande au distributeur 100€, je n'ai pas assez. J'abaisse ma demande par tranche de 10€ et je parviens finalement à retirer 70€.
Je prends la carte d'identité que j'ai trouvée hier. J'apprends à épeler le prénom et le nom avec aisance : Clothilde avec un "H", Hernandez, sans acccent. Je m'entraîne à mentionner automatiquement la date et le lieu de naissance. Je range la carte et j'entre dans l'agence. Je demande à ouvrir un compte, ce qui se fait facilement. Dans un monde concurrentiel, on est arrangeant dans les procédures, du moment qu'on y voit un intérêt particulier.
Ce compte au Crédit Mutuel à mon nouveau nom. Je parviens ainsi à changer le nom de ma facture EDF, et ainsi avoir un puissant justificatif de domicile qui me permettra d'avoir une carte vitale et de trouver du travail si besoin. Une nouvelle vie, en somme.
Je passe le reste de l'après-midi au jardin botanique. Une vieille dame et trois enfants passent près de moi. Les enfants posent des questions auxquelles la dame ne sait pas répondre. Je propose de leur répondre. Les enfants apprécient les informations. La dame aussi. Je me fais offrir une crêpe et une discussion sur la botanique. Le jardin ferme rapidement ensuite, on passe en horaires hors-saison. Les enfants et la dame me remercient chaleureusement.
Cette crêpe constituait leur goûter, mais ce sera mon dîner. Je crois que j'ai trouvé une vocation.
Je repasse sous le pont avec l'idée d'avoir un rôle dans ce monde. Je ramasse quelques cartons dans la rue. Ce soir, je me confectionne un panneau : "Balade botanique guidée - Prix Libre". Je me couche tard. Pour ne pas penser à la faim, je regarde la peinture qui s'écaille au plafond. Je ferme les yeux en y projetant un archipel imaginaire.
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Les autres adultes expliquaient qu'il fallait se mettre à la place de l'enfant. Moi, je me souvenais très bien. L'enfance, c'était pour moi hier, et voilà que j'allais accueillir un enfant.
Je sentais très bien la sensation que ça faisait d'arriver dans une nouvelle rue, de prendre le train, de renverser un verre. Je n'avais pas besoin de ces conférences sur la parentalité pour me reconnecter à ça. J'avais une idée très précise du parent idéal que je serais.
Et à mesure que l'enfant grandissait, 1 an, 2 ans, 3 ans, mon expérience de parent remplaçait celle de l'enfant. Je ne savais plus ce que c'était que d'avoir 4 ans, 5 ans, 6 ans, je savais ce que c'était que d'accompagner un enfant de 7 ans, 8 ans, 9 ans.
Son expérience effaçait la mienne comme un second feutre velleda repasserait un premier trait sur une ardoise.
Et j'ai toujours l'odeur du feutre velleda. Plus pour longtemps.
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