#jardins des feuilles riantes
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barbiepinklady · 10 months ago
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coovieilledentelle · 3 months ago
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C'était travail au jardin cette après-midi...
Mon jardin si petit, si riant, si coquet Propose gentiment son calme et sa fraîcheur Groupant toutes ses fleurs, il forme un grand bouquet Le chèvrefeuille ocré diffuse sa senteur....
Le rosier vermillon croule sous le portail Offrant au vent léger son parfum épicé Et s'ouvre pleinement en un large éventail Sur le support ancien de bois entrelacé. Le lierre allègrement monte le long du mur Dans ses feuilles parfois se faufile un oiseau Ce minuscule Eden couronné par l'azur S'arrête court devant les perles d'un rideau.
Marie-Antoinette CORDINA-FONTANA
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mediefictions · 5 months ago
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Bonjour à toutes et tous, ma campagne Ulule continu.
Faisons un retour sur les oblats et les périls qui se sont dressés sur leur route de Lhynn aux jardins de Sainte Hildegarde
LES BRITS
Les aides de camp de Brida la Brit ne sont pas des enfants de chœur. Ils bastonnent les nageurs à la moindre incartade et même, au moindre manquement. Il ne fait pas bon se rebeller, comme l'apprendra un pauvre hère dès le tome 1, au chapitre : le sang coule.
Continuons avec la partie plus méta - Jeu de rôle. Comme tout personnage évoqué, les brits ont un passée, du passif et une feuille de perso. N'hésitez pas à visiter le site de pathfinder pour y dénicher des pépites !
HISTOIRE DES AIDES DE CAMP
Ils s'appellent Aethelflaed, Aelfwynn, Eadwin, Eathelstam, et leur histoire personnelle n'est pas très différente. Malheureusement pour eux, elle reste tragique.
Ces quatre demi-elfes sont le reliquat d'un temps ancien, quand les barons à moitié angélisés versaient un impôt à l'exarque d'Armandia, mais aussi un tribut au terrible royaume d'Albion, par delà les montagnes. Afin de former des alliances, les roitelets et les barons britons s'étaient alliés aux elfes de la forêt au centre dans l'ancienne province angélique de Britia. Qui dit alliance, dit mariage et pour que les mariages soient valides, ils devaient être fécond.
Nos quatre demi-sang sont des filles et fils de sang bleu, des filles et fils de sang. Mais ces époques furent révolues quand la cité impériale d'Ornan récupéra la suzeraineté sur les anciens territoires Britons et que les jardins d'Hildegarde furent édifiés.
Dès lors, il n'était plus question de compromissions avec la perfide Albion.
Castelwit, la puissante forteresse et citadelle-port menait une guerre impitoyable au dernier grand royaume Kelt.
Comme tous les demi-sang bâtards, Aethelflaed, Aelfwynn, Eadwin et Eathelstam furent contraints à l'exil alors qu'ils n'avaient pas encore quitté le sein de leur nourrice. Renvoyés des terres humaines, ils ne purent trouver refuge auprès des elfes. En effet, ces derniers continuaient de se refermer sur eux-mêmes et sur les insondables souffrances de la forêt. Une guerre violente éclata alors, car les elfes rejoignirent la perfide Albion. De nouveau, après 300 ans d'absence, les druides kelts arpentaient les profondes forêts britonnes. Grâce à la souffrance et à la fureur de la nature, ils déchaînèrent leurs terribles pouvoirs. Certains anges des forêts se joignirent à eux, mais d'autres restèrent fidèles à Kernunos, le dieu-ange cornu.
Aethelflaed, Aelfwynn, Eadwin et Eathelstam furent élevés à la frontière entre ces deux mondes, sur une mortelle zone de conflit. Pour survire, ils durent se cacher et subsister en rapinant l'un ou l'autre camp. À cette époque, les quatre malheureux rentraient dans l'adolescence, après une enfance de souffrance et de privation. C'est alors qu'ils rencontrèrent Brida la Brit. De lointains liens familiaux les unissaient, et celle qui s'était un jour appelée Aethelwynn de Hwistaetan décida de materner ces jeunes gens. Elle leur apprit à tuer, à utiliser un arc, mais aussi à profiter de la vie en chantant, riant, jouissant. Brida la Brit fréquentait alors, entre autres mâles, un druide apostat qui avait décidé de suivre les enseignements de Kernunos. Il est possible que ce prêtre-druide des anges des forêts soit le père de Bridilia, mais rien n'est moins sûr.
Les mœurs très libres prêchées par les anges des forêts eurent un impact sur les quatre adolescents qui apprirent à jouir de l'instant présent, mais en silence, car la menace d'être découverts et tués marqua jusqu'à l'âme les quatre malheureux.
Il fallut se rendre à l'évidence : l'avancée humaine était inéluctable. Elle entraînerait des conséquences dévastatrices, et il fallut fuir, encore. Si Sainte-Hildegarde installa les anges des forêts et leurs forestiers sur ses terres, ils ne furent pas admis dans les abbayes. Rejetés une fois encore, ces forestiers purent néanmoins s'établir dans les contrées sauvages à l'est de la Gwarna, sans pour autant s'avancer sur le territoire de la Reine Rouge. Aethelflaed, Aelfwynn, Eadwin et Eathelstam décidèrent de suivre Brida dans ses aventures. Ils n'avaient connu que la fuite, la dissimulation et le rejet, aussi ne purent-ils rejoindre les communautés forestières.
De leur passé, les quatre aides de camp conservent une haine farouche à l'encontre des humains, un attachement profond pour la capitaine Brida, une indifférence à la souffrance d’autrui ainsi qu'un réflexe communautaire maladif.
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tolivealone · 4 years ago
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✾ Nature, vous avez fait le monde pour moi Pour mon désespoir et ma joie  Le soleil pour qu'il glisse entre mes bras étroits Et l'air bleu pour que je m'y noie ! Vous avez fait l'odeur du lin, du mélilot Et de la verveine si bonne Pour que mon âme soit comme un riant îlot Que l'immense ivresse environne. Vous avez fait pour moi le sensible oranger Les soirs percés d'étoiles vives La feuille courbe où la cigale vient loger Les eaux avec leurs belles rives ! Mais quand je suis, si chaude et tout ivre de moi Debout dans les jardins du monde La rose de mon rêve enfonce dans mon doigt Son épine la plus profonde : Savoir qu'un jour ma tiède et légère beauté N'aura plus ses rayons qu'on frôle Savoir que je n'aurai plus l'âge de l'été Cela fait si mal aux épaules ! Cela blesse le cœur, la langueur, le désir Le sang, plus qu'on ne pourrait croire  Ô juvénile ardeur, voluptueux plaisir C'est vous la seule verte gloire ! Ô animale terre, amoureuse du jour  Ô soleil fier d'un beau visage  Vous savez que je n'ai d'orgueil, de grave amour Que le doux honneur de mon âge Que ferai-je plus tard du délicat dédain Qui gonfle mon cou vif que j'aime  Vous verrai-je souffrir pendant le bleu matin Mon orgueil plus fort que moi-même  Attendrai-je que l'ombre atteigne mes genoux  Que les regrets sur moi s'avancent  Il faudrait, quand on est aussi tendre que nous Mourir au cœur des belles chances...
~Anna de Noailles
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traitor-for-hire · 5 years ago
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Le Camp Laurence
Beth était la receveuse des postes, car étant le plus souvent à la maison, elle pouvait s'en occuper régulièrement, et elle appréciait beaucoup sa tâche quotidienne de venir déverrouiller la petite porte et distribuer le courrier. Un jour de juillet elle rentra avec les mains pleines, et traversa la maison en déposant lettres et paquets, comme le facteur.
« Voici ton bouquet, Mère, Laurie ne l'oublie jamais, » dit-elle en disposant les fleurs fraîches dans le vase du « coin de Marmee », toujours approvisionné par l'affectueux garçon.
« Miss Meg March, une lettre, et un gant, » continua Beth en livrant les articles à sa sœur, qui était assise près de leur mère pour coudre des manchettes.
« Quoi ? J'ai laissé une paire là-bas, et en voici un seul, dit Meg en regardant son gant de coton gris. Tu n'as pas laissé tomber l'autre dans le jardin ?
—  Non, j'en suis sûre, il n'y en avait qu'un dans le bureau de poste.
—  Je déteste avoir des gants dépareillés ! Peu importe, on pourra peut-être trouver l'autre. Ma lettre n'est que la traduction d'une chanson allemande que je voulais. Je suppose que c'est Mr. Brooke qui l'a faite, ce n'est pas l'écriture de Laurie. »
Mrs. March jeta un coup d'œil à Meg, si jolie dans sa robe de guingan, avec les petites boucles qui retombaient sur son front, et si féminine derrière sa table à ouvrage couverte de rouleaux blancs soigneusement ordonnés. Inconsciente du tour qu'avait pris les pensées de sa mère, elle cousait en chantant, l'esprit plein de rêves de jeune fille aussi frais et innocents que les fleurs qui ornaient sa robe ; et Mrs. March sourit, satisfaite.
« Deux lettres pour Docteur Jo, un livre, et un drôle de vieux chapeau qui recouvrait tout le bureau de poste, » dit Beth en entrant dans l'étude où Jo écrivait.
« Quel gros malin, ce Laurie ! J'ai dit que j'aurais aimé que la mode soit aux grands chapeaux, parce que je prends des coups de soleil dès qu'il fait chaud. Il a dit, "Pourquoi se soucier de la mode ? Porte un grand chapeau, et sois à l'aise !" Je lui ai dit que je le ferais, si j'en avais un, et il m'a envoyé celui-ci pour me tester. Je le porterai, pour m'amuser et lui montrer que je me moque de la mode. » Après avoir posé l'antique chapeau à larges bords sur un buste de Platon, Jo lit ses lettres.
L'une, venue de sa mère, lui mit le feu aux joues et lui emplit les yeux de larmes, car voici ce qu'elle disait :
« MA CHÉRIE,
« Je t'écris ce petit mot pour te dire avec quelle satisfaction je vois les efforts que tu fais pour réformer ton caractère. Tu ne dis rien de tes épreuves, de tes échecs ou de tes succès, et tu penses peut-être que nul ne les voit en dehors de l'Ami dont tu demandes l'aide quotidiennement, à en juger par la couverture bien usée de ton petit livre. Mais j'ai tout vu, moi aussi, et je crois de tout mon cœur en la sincérité de ta résolution, puisqu'elle commence à porter ses fruits. Continue, ma chérie, courageusement et patiemment, et sois toujours sûre que personne ne sympathise davantage avec toi que ta mère aimante. »
« Voilà qui me fait du bien ! Cela vaut bien des millions de dollars, et des boisseaux de louanges ! Oh Marmee, je fais de mon mieux ! Je vais continuer d'essayer, et de ne pas me lasser, puisque tu es là pour m'aider. »
Reposant la tête sur ses bras, Jo laissa tomber quelques larmes de joie sur son petit roman, car elle avait effectivement pensé que personne ne remarquait ni n'appréciait ses efforts pour être bonne, et cette lettre lui était doublement agréable, car inattendue et venue de la personne dont l'approbation lui était la plus précieuse. Se sentant plus forte que jamais pour affronter son Apollyon, elle épingla la lettre dans son corsage, comme un bouclier et un rappel, de peur d'être prise au dépourvu, et ouvrit son autre lettre, prête pour toute nouvelle, bonne ou mauvaise. De son écriture grande et élégante, Laurie avait écrit,
« CHÈRE JO,
« Salut !
« Quelques garçons et filles d'Angleterre viennent me voir demain, et je veux passer un bon moment. Si le temps le permet, je planterai ma tente à Longmeadow, et nous y irons tous en canot pour pique-niquer et jouer au croquet - faire un feu à la bohémienne, et avoir toutes sortes d'aventures. Ce sont des gens sympathiques, qui aiment ce genre de choses. Brooke viendra, pour garder les garçons à l'œil, et Kate Vaughn veillera sur les filles. Je veux que vous veniez toutes, même Beth, à tout prix, et personne ne l'embêtera. Ne vous souciez pas des provisions - je m'en occupe, et de tout le reste - mais venez, soyez gentilles !
« Ton LAURIE, très pressé. »
« En voilà une bonne nouvelle ! » s'écria Jo en se précipitant pour l'annoncer à Meg. « Bien sûr que nous pouvons y aller, n'est-ce pas, Mère ! Ça aidera beaucoup Laurie, car je peux ramer, et Meg aider au dîner, et les petites seront utiles d'une manière ou d'une autre.
—  J'espère que les Vaughn ne sont pas des gens trop raffinés. Sais-tu quelque chose à leur sujet, Jo ?
—  Seulement qu'ils sont quatre. Kate est plus âgée que toi, Fred et Frank, des jumeaux, ont à peu près mon âge. Et il y a une petite fille, Grace, qui a neuf ou dix ans. Laurie les a connus en Europe, et s'est pris d'amitié pour les garçons ; j'ai cru comprendre, à la façon dont il fait la moue en parlant d'elle, qu'il n'apprécie pas trop Kate.
—  Je suis si heureuse que ma robe à imprimé soit propre ! C'est juste ce qu'il faut, et elle me va très bien, observa Meg avec complaisance. As-tu quelque chose de décent, Jo ?
—  Mon habit de canotage gris et rouge, bien assez bon pour moi ; je veux ramer et bâtifoler, aussi je ne veux rien d'empesé. Tu viendras, Bethy ?
—  Si tu ne laisses aucun des garçons me parler.
—  Pas un seul !
—  J'ai envie de faire plaisir à Laurie, et je n'ai pas peur de Mr. Brooke, il est si gentil. Mais je ne veux ni jouer, ni chanter, ni parler. Je travaillerai dur, et ne gênerai personne, et tu prendras soin de moi, Jo, alors j'irai.
—  Bravo ! Tu essaies de combattre ta timidité, et je t'aime encore plus pour cela. Il n'est pas facile de lutter contre ses défauts, je le sais bien, et un mot d'encouragement aide beaucoup. Merci, Mère, » et Jo donna un baiser reconnaissant à la joue maternelle, bien plus précieux à Mrs. March que s'il lui avait redonné l'éclat de la jeunesse.
« J'ai eu une boîte de truffes au chocolat, et la gravure que je voulais copier, » dit Amy en montrant son courrier.
« Et j'ai eu une note de Mr. Laurence qui me demande de venir jouer pour lui ce soir, avant qu'on allume les lumières, et je n'y manquerai pas, » dit Beth, dont l'amitié avec le vieux monsieur faisait de grands progrès.
« Maintenant mettons nous à l'ouvrage, et faisons le double de travail aujourd'hui, pour pouvoir jouer l'esprit libre demain, » dit Jo en se préparant à remplacer sa plume par un balai.
Quand le soleil pointa dans la chambre des filles, tôt le lendemain matin, annonciateur d'une belle journée, il fut accueilli par un spectacle des plus comiques. Chacune s'était préparée pour la fête de la manière qui lui avait semblé la plus appropriée. Meg avait une rangée supplémentaires de papillotes sur le front, Jo avait copieusement badigeonné de cérat son visage brûlé par le soleil, Beth avait dormi avec Joanna pour se faire pardonner de la séparation à venir, et pour couronner le tout, Amy s'était couchée avec une pince sur le nez, pour redresser l'appendice récalcitrant. C'en était une du genre que les artistes utilisent pour maintenir la feuille sur la planche à dessin, et donc tout à fait appropriée et efficace. Ce drôle de tableau sembla amuser le soleil, car il brilla avec tant d'ardeur que Jo se réveilla, et réveilla ses sœurs en riant de bon cœur de l'ornement d'Amy.
Soleil et rires étaient de bons augures pour une fête réussie, et bientôt un joyeux remue-ménage commença dans les deux maisonnées. Beth, prête la première, rapportait en continu ce qui se passait chez les voisins et animait la toilette de ses sœurs par de fréquents télégrammes depuis la fenêtre.
« Voici l'homme avec la tente ! Je vois Mrs. Barker en train d'emballer le dîner, dans deux grands paniers. Maintenant Mr. Laurence regarde le ciel, et la girouette ; j'aimerais qu'il vienne, lui aussi ! Voici Laurie, qui ressemble à un marin - qu'il a bon air ! Oh, miséricorde ! Voici une voiture pleine de gens - une grande dame, une petite fille, et deux horribles garçons. L'un d'eux est infirme, le pauvre, il a une béquille ! Laurie ne nous l'avait pas dit. Dépêchez-vous, les filles ! Il se fait tard. Juste ciel, voici Ned Moffat. Regarde, Meg ! Est-ce que ce n'est pas le jeune homme qui t'a saluée bien bas quand nous faisions des emplettes ?
—  Si, c'est lui ; c'est étrange qu'il vienne ! Je croyais qu'il était dans les montagnes. Voici Sallie ; je suis contente qu'elle soit revenue à temps. Suis-je bien mise, Jo ? s'écria Meg, dans tous ses états.  
— Une vraie fleur des champs ! Relève ta robe et redresse ton chapeau, il te donne l'air sentimental incliné de cette façon, et il s'envolera au premier courant d'air. Bon, maintenant, allons-y !
—  Oh, oh, Jo ! Tu ne vas pas porter cet horrible chapeau ? C'est trop absurde ! Ne va pas te ridiculiser, » protesta Meg comme Jo nouait avec un ruban rouge le vieux chapeau de paille aux bords immenses que Laurie lui avait envoyé pour la blague.
« Oh mais si ! Il est épatant ; très léger, très grand, et il m'abritera bien du soleil. Ce sera amusant, et je me moque d'être ridicule, si je suis à l'aise. » Là dessus Jo s'en fut, et ses sœurs la suivirent ; elles étaient toutes radieuses dans leurs robes d'été, quatre visages joyeux sous les coquets chapeaux à large bord.
Laurie accourut à leur rencontre, et les présenta à ses amis, d'une façon des plus cordiales. La pelouse servit de salle de réception, et durant quelques minutes il s'y joua une scène des plus animées. Meg fut heureuse de constater que Miss Kate, bien qu'elle eut vingt ans, était vêtue avec une simplicité que les jeunes américaines feraient bien d'imiter ; et fut très flattée des assurances de Mr. Ned qu'il était venu tout spécialement pour la voir. Jo comprit pourquoi Laurie « faisait la moue » en parlant de Kate, car la jeune femme avait un air froid et guindé qui contrastait fortement avec l'attitude libre des autres jeunes filles. Beth observa les nouveaux garçons, et décida que celui qui boitait n'était pas « horrible », mais gentil et faible, et qu'elle serait bonne avec lui. Amy trouva en Grace une joyeuse petite personne aux bonnes manières ; et, après s'être dévisagées bêtement pendant quelques minutes, elle devinrent soudain très bonnes amies.
Les tentes, le pique-nique, et le matériel de croquet ayant été envoyés sur place en avance, les jeunes gens eurent vite embarqué, et les deux canots partirent ensemble, laissant Mr. Laurence sur la rive en train d'agiter son chapeau. Laurie et Jo pilotaient l'un des canots, Mr. Brooke et Ned l'autre ; tandis que Fred Vaughn, le plus chahuteur des jumeaux, faisait de son mieux pour les renverser tous deux en allant et venant à bord d'un bachot, comme une punaise d'eau agitée. Le drôle de chapeau de Jo méritait des remerciements, car il se montrait d'utilité générale ; il avait permis de briser la glace dès le départ en provoquant les rires ; il créait une brise rafraîchissante tandis que Jo ramait, en s'agitant d'avant en arrière ; et, dit-elle, il ferait un parapluie parfait pour tout le monde, en cas d'averse. Kate avait l'air assez étonnée des manières de Jo, en particulier quand elle s'exclama « Par Christophe Colomb ! » après avoir perdu son aviron, et quand Laurie, qui lui avait marché sur le pied en prenant sa place, lui dit « Je t'ai fait mal, camarade ? » Mais après avoir porté sa lorgnette à ses yeux pour examiner l'étrange jeune fille à plusieurs reprises, Miss Kate décida qu'elle était « bizarre, mais plutôt intelligente », et la gratifia d'un sourire, de loin.
Meg, dans l'autre canot, était délicieusement placée en face des deux rameurs qui admiraient tous deux la vue, et maniaient leurs avirons avec « un talent et une dextérité » peu communs. Mr. Brooke était un jeune homme grave qui parlait peu, aux beaux yeux bruns, et à la voix agréable. Meg aimait ses manières calmes, et le considérait comme une encyclopédie vivante, pleine d'un savoir utile. Il ne lui parlait jamais beaucoup, mais la regardait souvent, et elle était sûre qu'il ne la voyait pas avec aversion. Ned, étant à l'université, prenait bien évidemment les airs que les étudiants de première année se croient obligés de prendre. Il n'était pas très avisé, mais d'une nature très amicale et joyeuse, et, finalement, quelqu'un de tout à fait plaisant pour un pique-nique. Sallie Gardiner était très occupée à préserver sa robe de piqué blanc, et discutait avec Fred, qui était partout à la fois et terrifiait la pauvre Beth avec ses farces.
Il n'y avait pas loin jusqu'à Longmeadow, mais la tente était dressée, et les arceaux en place quand ils arrivèrent. Un agréable champ verdoyant, avec trois gros chênes au milieu, et une belle bande de gazon pour le croquet.
« Bienvenue au Camp Laurence ! » dit le jeune hôte comme ils accostaient avec des exclamations ravies. « Brooke est le commandant en chef, je suis l'intendant général, les autres garçons sont officiers d'état-major et vous, mesdames, êtes l'aimable compagnie. La tente est réservée à votre usage spécial, et ce chêne est votre salon. Celui-ci est le mess, et le troisième est la cuisine du camp. Maintenant jouons au croquet avant qu'il ne fasse trop chaud, et nous verrons pour le dîner ensuite. »
Frank, Beth, Amy et Grace s'assirent pour regarder la partie. Mr. Brooke choisit Meg, Kate et Fred ; Laurie prit Sallie, Jo et Ned. Les Anglais jouaient bien, mais les Américains jouaient mieux encore, et disputaient chaque pouce du terrain, comme animés par l'esprit de 76. Jo et Fred s'accrochèrent plusieurs fois, et en une occasion manquèrent d'échanger des mots. Jo avait passé le dernier arceau, et avait manqué son coup, ce qui l'avait pas mal contrariée. Fred n'était pas loin derrière elle, et son tour vint avant celui de Jo ; il donna un coup, sa boule frappa l'arceau et s'arrêta tout juste du mauvais côté. Personne n'était à proximité, et en se pressant pour aller voir, il poussa légèrement la boule du bout du pied pour la faire passer du bon côté.
« Je suis passé ! Maintenant, Miss Jo, je vais m'occuper de vous, et passer en tête, » s'écria le jeune homme en balançant son maillet pour un autre coup.
—  Vous l'avez poussée, je vous ai vu, c'est mon tour maintenant, dit vivement Jo.
—  Je vous jure que je ne l'ai pas touchée ! Elle a peut-être roulé un peu, mais ce n'est pas interdit ; alors écartez-vous, je vous prie, et laissez-moi atteindre le piquet.
—  Nous ne trichons pas, en Amérique, mais vous le pouvez, si vous voulez, dit Jo avec colère.
—  Les Yankees sont les plus retors, tout le monde le sait. Et voilà, » dit Fred en croquant la boule de Jo, ce qui l'envoya au loin.
Jo ouvrit la bouche pour répliquer avec rudesse, mais se retint à temps, rougit jusqu'au front, et resta là une minute à marteler un arceau, tandis que Fred frappait le piquet et quittait le jeu avec jubilation. Elle partit chercher sa boule, et mit longtemps à la trouver, au milieu des buissons ; mais elle revint, l'air calme et détachée, et attendit son tour patiemment. Il lui fallut plusieurs coups pour regagner la place qu'elle avait perdue, et quand elle y parvint l'autre camp avait presque gagné, car il ne restait que la boule de Kate dans la course, et très proche du piquet.
« Fichtre, c'est fini pour nous ! Adieu, Kate, Miss Jo vient prendre sa revanche, » s'écria Fred avec excitation, quand ils se rapprochèrent tous pour observer la fin de la partie.
« Les Yankees ont cette manie de se montrer généreux avec leurs ennemis, » dit Jo, avec un regard qui fit rougir le garçon. « En particulier quand ils les battent, » ajouta-t-elle, en gagnant la partie d'un coup habile qui ne toucha même pas la boule de Kate.
Laurie jeta son chapeau en l'air, avant de se rappeler qu'il ferait mieux de ne pas s'enthousiasmer de la défaite de ses invités, et s'interrompit au milieu d'un « Hourra ! » pour venir murmurer à son amie :
« Bien joué, Jo ! Il a triché, je l'ai vu. Nous ne pouvons rien lui dire, mais il ne recommencera pas, je te le garantis. »
Meg la prit à part, sous le prétexte de rajuster une tresse défaite, et dit avec approbation :
« C'était terriblement provocant, mais tu es restée calme, et j'en suis très heureuse, Jo.
—  Ne me félicite pas, Meg, car je pourrais bien le gifler en cet instant. Ma colère aurait certainement débordé, si je n'étais pas restée au milieu des orties jusqu'à la maîtriser suffisamment pour tenir ma langue. Elle bouillonne encore maintenant, aussi j'espère qu'il ne me cherchera pas, » répondit Jo, qui se mordillait les lèvres tout en jetant un regard noir à Fred par dessous son grand chapeau.
« Il est l'heure du dîner, » dit Mr. Brooke en regardant sa montre. « Monsieur l'intendant général, veuillez faire le feu, et aller chercher de l'eau, tandis que Miss March, Miss Sallie et moi-même mettons la table. Qui sait faire du bon café ?
—  Jo ! » dit Meg, heureuse de recommander sa sœur. Et Jo, sentant que ses récentes leçons de cuisine allaient lui faire honneur, vint veiller sur la cafetière, tandis que les fillettes ramassaient du petit bois et que les garçons allumaient le feu et puisaient l'eau à un ruisseau proche. Miss Kate dessinait, et Frank parlait à Beth qui tressait des joncs pour en faire des assiettes.
Le commandant en chef et ses aides eurent tôt fait d'étendre la nappe et d'y disposer tout un étalage de nourriture et de boissons, avec un joli décor de feuilles vertes. Jo annonça que le café était prêt et tout le monde s'installa pour prendre un copieux repas, car la jeunesse souffre rarement d'indigestion, et l'exercice avait avivé les appétits. Ce fut un dîner des plus joyeux, car tout semblait neuf et amusant, et les fréquents éclats de rire surprirent un vénérable cheval qui paissait non loin. La table était plaisamment inégale, ce qui provoqua de nombreux accidents avec les verres ou les assiettes ; des glands tombaient dans le lait, des fourmis vinrent prendre part aux festivités sans y avoir été invitées, et des chenilles poilues descendaient de l'arbre pour voir ce qui se passait. Trois enfants passèrent la tête par dessus la barrière pour les observer, et un chien désagréable aboya après eux de toutes ses forces depuis l'autre côté de la rivière.
« Il y a du sel, si tu préfères, dit Laurie en tendant à Jo une soucoupe de baies.
—  Merci, mais je préfère les araignées, » dit-elle en repêchant deux de ces étourdies noyées dans la crème. « Comment oses-tu me rappeler cet horrible dîner, quand le tien est parfait en tout point ? » ajouta Jo, et ils rirent en chœur, tout en mangeant dans la même assiette, car il en manquait.
« J'ai passé un moment extraordinaire aujourd'hui, et je ne m'en suis pas encore remis. Je n'ai aucun mérite, tu sais, je n'y suis pour rien. C'est toi, et Meg, et Brooke qui avez tout fait, et je vous en suis infiniment reconnaissant. Que devrions-nous faire quand nous aurons fini de manger ? » demanda Laurie, qui avait l'impression d'avoir joué sa carte maîtresse avec le dîner.
« Jouer à des jeux de société jusqu'à ce qu'il fasse moins chaud. J'ai apporté le jeu des auteurs, et je suis sûre que Miss Kate connaît des jeux nouveaux et intéressants. Va lui demander ; elle est ton invitée, et tu devrais passer plus de temps avec elle.
—  N'es-tu pas mon invitée, toi aussi ? Je pensais que Brooke l'apprécierait, mais il ne fait que parler avec Meg, et Kate se contente de les regarder avec cette lorgnette ridicule. J'y vais, ainsi tu n'auras pas à tenter de m'enseigner ce qui est propre ou non, alors que tu en es incapable. »
Miss Kate connaissait en effet plusieurs nouveaux jeux ; et comme les filles ne voulaient plus manger, et que les garçons ne le pouvaient plus, ils se retirèrent dans le « salon » pour jouer à Rigmarole.
« Quelqu'un commence une histoire, ce qui lui plaît, n'importe quoi, et raconte aussi longtemps qu'il le veut, en prenant seulement soin de s'arrêter à un moment palpitant, pour que le suivant continue, et fasse de même. C'est très drôle, quand c'est bien joué, et crée un parfait mélange de fantaisie tragi-comique des plus amusants. Commencez s'il vous plaît, Mr. Brooke, » dit Kate avec un geste autoritaire qui surprit Meg, qui traitait le tuteur avec autant de respect que n'importe quel gentleman.
Étendu sur l'herbe au pied des deux jeunes filles, Mr. Brooke obéit et commença l'histoire, ses beaux yeux bruns fixés sur la rivière, étincelante sous le soleil.
« Il était une fois un chevalier, ne possédant rien d'autre que son épée et son bouclier, qui partit dans le monde chercher fortune. Il voyagea longtemps, presque vingt-huit ans, et connut des moments difficiles, jusqu'au jour il arriva au palais d'un vieux et bon roi qui avait offert une récompense à qui dompterait et dresserait un poulain magnifique mais très sauvage, qu'il aimait beaucoup. Le chevalier accepta d'essayer, et progressa lentement, mais sûrement, car le poulain était une noble bête qui apprit bientôt à aimer son nouveau maître, bien qu'il soit capricieux et emporté. Chaque jour, quand il donnait sa leçon à cet animal royal, le chevalier le montait à travers la ville, et ce faisant, cherchait un certain beau visage qu'il avait souvent vu dans ses rêves mais n'avait jamais trouvé. Un jour, alors qu'il caracolait dans une rue tranquille, il vit la charmante figure à la fenêtre d'un château en ruines. Ravi, il demanda qui vivait dans la vieille demeure, et apprit que plusieurs princesses y étaient retenues captives par un sort, et filaient toute la journée pour gagner assez d'argent pour acheter leur liberté. Le chevalier souhaitait de toute son âme pouvoir les libérer, mais il était pauvre, et ne pouvait que passer dans les parages, pour regarder le doux visage, et se languir de le voir un jour à la lumière du soleil. Enfin, il résolut d'entrer dans le château, et de demander comment il pouvait les aider. Il frappa à la porte, qui s'ouvrit en grand, et il vit -
—  Une dame sublime, qui s'exclama avec ravissement, "Enfin ! Enfin !" », poursuivit Kate, qui avait lu de la littérature française et en appréciait fort le style. « "C'est elle !" s'écria le comte Gustave, qui tomba à ses pieds, en extase. "Oh, levez-vous", dit-elle en lui tendant une main d'une blancheur de marbre. "Jamais ! Tant que vous ne m'aurez pas dit comment je puis vous secourir", jura le chevalier, toujours à genoux. "Hélas, un sort cruel me condamne à demeurer ici jusqu'à ce que mon tyran soit détruit. —  Où est le misérable ? — Dans le salon mauve. Allez, brave cœur, et sauvez-moi du désespoir ! — J'obéis, et reviendrai victorieux, ou mort !" Sur ces paroles ardentes il partit en trombe, et, ouvrant à la volée la porte du salon mauve, était sur le point d'y entrer quand il reçut -
—  Un énorme dictionnaire de grec sur la tête, lancé par un vieil homme en robe noire, » dit Ned. « Sir Je-ne-sais-plus-quoi se reprit aussitôt, jeta le tyran par la fenêtre et fit demi-tour pour rejoindre sa dame, victorieux, mais avec une bosse sur le front. Il trouva la porte verrouillée, déchira les rideaux et se fit une échelle de corde, en avait descendu la moitié quand elle rompit, et plongea tête la première dans les douves, vingt mètres plus bas. Nageant aussi bien qu'un canard, il fit le tour du château jusqu'à trouver une petite porte gardée par deux hercules. Il cogna leurs têtes ensemble jusqu'à les fendre comme des coquilles de noix, puis, dans une démonstration de sa force prodigieuse, il enfonça la porte, monta quelques marches couvertes d'une épaisse couche de poussière, de crapauds gros comme le poing et d'araignées qui vous auraient plongée dans l'hystérie, Miss March. En haut de ces marches il trouva un spectacle qui lui coupa le souffle et lui glaça le sang -
—  Une grande silhouette, toute en blanc, le visage dissimulé par un voile et une lanterne dans sa main décharnée, » continua Meg. « Elle lui fit signe de la suivre, en glissant sans bruit devant lui le long d'un corridor aussi sombre et froid qu'un tombeau. De chaque côté se tenaient des statues en armure, un silence de mort régnait, la lampe produisait une lueur bleue, et la figure fantomatique se tourna vers lui, montrant la flamme d'yeux terribles à travers son voile. Ils atteignirent une porte derrière un rideau, au delà de laquelle résonnait une douce mélodie ; il se précipita en avant, mais le spectre le retint, et agita devant lui, d'un air menaçant, une -
—  Tabatière, » dit Jo d'une voix sépulcrale qui fit se tordre de rire son auditoire. « "Merci bien", dit poliment le chevalier en prenant une prise. Il éternua alors sept fois, si violemment que sa tête se détacha de son corps. "Ha ! Ha !", rit le fantôme, et, après avoir observé par la serrure les princesses qui filaient encore et encore, l'esprit maléfique ramassa sa victime et la plaça dans une grande boîte en fer-blanc où se trouvaient déjà onze autres chevaliers sans tête, serrés comme des sardines, qui se dressèrent tous et commencèrent à -
—  Danser la gigue, » la coupa Fred quand elle reprit haleine, « et tandis qu'ils dansaient, le vieux château décrépit se changea en un vaisseau de guerre aux voiles déployées. "Hissez le foc, serrez la grand voile, et armez les canons", rugit le capitaine, alors qu'apparaissait un navire pirate portugais arborant un pavillon d'un noir d'encre. "À l'abordage, et rapportez-moi la victoire mes gaillards", dit-il, et une terrible bataille débuta. Bien sûr les Britanniques l'emportèrent - ils l'emportent toujours - et après avoir capturé le capitaine pirate, ils abordèrent le schooner, au pont jonché de cadavres et aux dalots dégueulant du sang. "Maître d'équipage, ligote-moi ce forban et fais le marcher sur la planche s'il ne confesse pas ses méfaits sur le champ", dit le capitaine britannique. Le Portugais tint sa langue et fit le plongeon, sous les hourras des joyeux marins. Mais le fourbe nagea jusque sous le vaisseau de guerre, le saborda, et il coula, toutes voiles dehors, "jusqu'au fond de la mer, mer, mer", où -
—  Oh, bonté divine ! Qu'est-ce que je vais pouvoir dire ? » s'exclama Sallie quand Fred eut terminé sa rigmarole, dans laquelle il avait mélangé en vrac phrases nautiques et passages d'un de ses livres préférés. « Eh bien, ils arrivèrent au fond de la mer, et furent accueillis par une jolie sirène, qui fut très triste en découvrant la boîte de chevaliers sans têtes. Elle les conserva gentiment dans la saumure, espérant percer un jour le mystère qui les entourait, car étant femme, elle était de nature curieuse. Finalement, un plongeur passa dans les parages, et la sirène lui dit "Je vous donne cette boîte de perles si vous arrivez à la remonter", car elle voulait rendre la vie à ces pauvres créatures mais ne pouvait pas soulever elle-même la lourde charge. Alors le plongeur remonta la boîte sur le rivage et fut très désappointé de ne pas y trouver de perles en l'ouvrant. Il l'abandonna dans un grand champ isolé, où elle fut découverte par -
—  Une petite gardeuse d'oies, qui conduisait cent oies grasses dans le champ, » dit Amy quand Sallie fut à court d'idées. « La petite fille fut désolée pour les chevaliers, et demanda à une vieille femme ce qu'elle pouvait faire pour les aider. "Tes oies te le diront, elles savent tout", dit la vieille femme. Alors elle leur demanda ce qu'elle pourrait utiliser pour remplacer leurs têtes, puisque les anciennes étaient perdues, et toutes les oies ouvrirent grand leurs becs, et crièrent -
—  "Des choux !" continua promptement Laurie. "J'ai juste ce qu'il faut", dit la fillette, et elle courut chercher douze beaux choux dans son jardin. Elle les mit en place et les chevaliers reprirent vie aussitôt, la remercièrent, et s'en allèrent tout joyeux, ne s'apercevant jamais de la différence, car les têtes comme les leurs ne manquaient pas de par le monde. Le chevalier qui m'intéresse partit retrouver l'aimable figure, et apprit que toutes les princesses avaient gagné leur liberté, et étaient toutes parties se marier, sauf une. Dans un état de joie fébrile, il enfourcha le poulain, qui l'avait suivi contre vents et marées, et se précipita au château pour voir laquelle restait. Jetant un œil par dessus la haie, il vit la dame de ses pensées qui cueillait des fleurs dans le jardin. "Me donnerez-vous une rose ?" dit-il. "Vous devez venir la chercher, je ne peux venir jusqu'à vous, ce n'est pas séant", dit-elle de sa voix de miel. Il tenta de grimper par dessus la haie, mais elle semblait grandir et grandir encore, puis il essaya de passer au travers, mais elle se fit de plus en plus épaisse, et il était au désespoir. Alors il cassa patiemment brindille après brindille, jusqu'à avoir fait un petit trou, par lequel il implora, "Laissez-moi entrer ! Laissez-moi entrer !" Mais la jolie princesse ne sembla pas le comprendre, car elle ramassa ses roses sans dire un mot , et le laissa se frayer un chemin par lui-même. Quant à savoir s'il y parvint ou non, c'est Frank qui va nous le dire.
—  Je ne peux pas ; je ne joue pas, je ne joue jamais, » dit Frank, consterné de l'embûche sentimentale de laquelle il devait tirer l'étrange couple. Beth avait disparu derrière Jo, et Grace dormait.
« Donc le pauvre chevalier reste coincé dans la haie, c'est cela ? » demanda Mr. Brooke, qui contemplait toujours la rivière en jouant distraitement avec la rose sauvage à sa boutonnière.
« Je suppose que la princesse lui a offert une fleur, et a fini par ouvrir la porte, » dit Laurie en souriant à part lui et en jetant des glands à son tuteur.
« Quelles absurdités ! Avec la pratique nous arriverions peut-être à quelque chose de sensé. Connaissez-vous "La Vérité" ? » demanda Sallie quand ils eurent bien ri de leur histoire.
« Je l'espère, dit gravement Meg.
—  Je veux dire, le jeu ?
—  Qu'est-ce que c'est ? demanda Fred.
—  Eh bien, on empile nos mains, on choisit un chiffre et chacun retire une main à son tour, et celui dont le tour tombe au chiffre choisi doit répondre franchement à toute question posée par les autres joueurs. C'est très amusant.
—  Essayons, » dit Jo, qui aimait les nouvelles expériences.
Miss Kate et Mr. Brooke, ainsi que Meg et Ned, déclinèrent, mais Fred, Sallie, Jo et Laurie joignirent les mains et comptèrent, et le sort tomba sur Laurie.
« Qui sont tes héros ? demanda Jo.
—  Grand-père et Napoléon.
—  Quelle jeune fille trouvez-vous la plus jolie ? demanda Sallie.
—  Margaret.
—  Laquelle préfères-tu ? fut la question de Fred.
—  Jo, bien sûr.
— Vous en posez, des questions ridicules ! » dit Jo avec un haussement d'épaules dédaigneux tandis que les autres riaient du ton détaché de Laurie.
« Essayons encore, La Vérité n'est pas un mauvais jeu, dit Fred.
—  C'en est un très bon pour toi, » rétorqua Jo, sotto voce.
Son tour vint ensuite.
« Quel est votre plus gros défaut ? » demanda Fred, comme pour éprouver chez elle la vertu dont il manquait.
« Mon caractère emporté.
—  Que désires-tu le plus ? dit Laurie
—  Une paire de lacets pour mes bottes, » répliqua Jo, devinant son intention et la déjouant.
« Ce n'est pas une vraie réponse, tu dois dire ce que tu souhaites vraiment par dessus tout.
—  Le génie ; tu ne souhaiterais pas pouvoir me le donner, Laurie ? » dit-elle avec un sourire narquois devant son air désappointé.
« Quelles sont les vertus que tu admires le plus chez un homme ? demanda Sallie.
—  Le courage et l'honnêteté.
—  À mon tour maintenant, » dit ensuite Fred.
« Ne le ratons pas, » murmura Laurie à Jo, qui acquiesça et demanda aussitôt,
« Est-ce que tu n'as pas triché au croquet ?
—  Eh bien, si, un petit peu.
—  Bien ! Est-ce que tu n'as pas tiré ton histoire du Lion de Mer  ?
—  Plutôt.
—  Ne pensez-vous pas que la nation anglaise est parfaite en tous points ? demanda Sallie.
—  J'aurais honte de moi-même, dans le cas contraire.
—  Un véritable John Bull. Maintenant, Miss Sallie, c'est à votre tour, sans avoir à tirer au sort. Je vais d'abord vous malmener un brin en vous demandant si vous ne pensez pas être un peu flirt, » dit Laurie, tandis que Jo faisait la paix avec Fred d'un signe de tête.
« Quel garçon impertinent ! Bien sûr que non ! » s'exclama Sallie avec un air qui prouvait le contraire.
« Que détestez-vous le plus ? demanda Fred.
—  Les araignées et le riz-au-lait.
—  Qu'est-ce que tu aimes le plus ? demanda Jo.
—  Danser, et les gants français.
—  Eh bien, je pense que La Vérité est un jeu stupide, faisons plutôt une partie du jeu des Auteurs pour nous rafraîchir les idées, » proposa Jo.
Ned, Frank, et les petites filles se joignirent à eux, et pendant la partie, les trois aînés restèrent assis à part à discuter. Miss Kate reprit son dessin, et Margaret la regardait, tandis que Mr. Brooke était étendu sur l'herbe, avec un livre qu'il ne lisait pas.
« Comme c'est beau ; j'aimerais savoir dessiner, » dit Meg d'une voix où l'admiration se mêlait au regret.
« Pourquoi n'apprenez-vous pas ? Je suis sûre que vous avez suffisamment de goût et de talent, répondit gracieusement Miss Kate.
—  Je n'ai pas le temps.
—  Je suppose que votre maman privilégie d'autres talents. La mienne aussi, mais je lui ai prouvé que j'étais douée en prenant quelques leçons en privé, et elle a été d'accord pour que je continue. Ne pouvez-vous faire la même chose avec votre gouvernante ?
—  Je n'en ai pas.
— J'oubliais, les jeunes filles d'Amérique vont plutôt à l'école. De très bonnes écoles, d'ailleurs, dit Papa. Vous allez dans une école privée, je suppose ?
—  Je n'y vais pas du tout, je suis moi-même une gouvernante.
—  Oh, bien sûr ! » dit Miss Kate, mais elle aurait tout aussi bien pu dire « Oh non, c'est horrible ! », et quelque chose dans son expression fit monter le rouge aux joues de Meg, et elle souhaita avoir été moins franche.
Mr. Brooke leva les yeux, et dit rapidement, « Les jeunes filles américaines aiment tout autant l'indépendance que leurs ancêtres, et sont admirées et respectées pour être capables de subvenir à leurs besoins.
—  Oh, oui, bien sûr ! C'est très convenable de leur part. Bien des jeunes femmes respectables et méritantes font de même par chez nous, et sont employées par la noblesse, parce que, 'tant filles de gentlemen, elles sont à la fois bien nées et accomplies, voyez-vous, » dit Miss Kate, sur un ton moralisateur qui blessa la fierté de Meg en faisant paraître son travail non seulement de mauvais goût, mais aussi dégradant.
« Est-ce que la chanson allemande vous a plu, Miss March ? » s'enquit Mr. Brooke, rompant un silence gêné.
« Oh, oui ! C'était très joli, et je suis très reconnaissante à la personne qui l'a traduite pour moi ; » et le visage abattu de Meg sembla s'éclairer.
« Vous ne lisez pas l'allemand ? » demanda Miss Kate, l'air surprise.
« Pas très bien. Mon père, qui me l'enseigne, est absent, et je ne progresse pas très vite toute seule, puisque je n'ai personne pour corriger ma prononciation.
—  Essayez un peu, maintenant. Nous avons Mary Stuart de Schiller, et un tuteur qui aime enseigner, » et Mr. Brooke lui posa son livre sur les genoux, avec un sourire encourageant.
« C'est si difficile, j'ai peur d'essayer, » dit Meg, reconnaissante, mais intimidée par la présence de la jeune lady accomplie.
« Je vais lire un peu, pour vous encourager. » Et Miss Kate lit l'un des plus beaux passages, d'une manière parfaitement correcte, mais parfaitement dénuée d'expression.
Mr. Brooke ne fit pas de commentaire quand elle rendit le livre à Meg qui dit, innocemment,
« Je croyais que c'était de la poésie.
—  Par moments. Essayez ce passage. »
Un étrange sourire flottait sur les lèvres de Mr. Brooke, quand il ouvrit le livre sur la lamentation de la pauvre Mary.
Meg, suivant docilement le long brin d'herbe que son nouveau tuteur utilisait pour pointer sur la page, lit, lentement et timidement, transformant inconsciemment les mots rudes en poésie par la douce intonation de sa voix musicale. Le guide vert descendit sur la page, et, oubliant son audience dans la beauté de la triste scène, Meg lit comme si elle avait été seule, donnant une touche de tragédie aux mots de la reine malheureuse. Si elle avait vu, alors, les beaux yeux bruns, elle aurait stoppé net ; mais elle ne leva pas les yeux, et rien ne gâcha sa leçon.
«  Très bien, en effet ! » dit Mr. Brooke quand elle se tut, ignorant ses nombreuses erreurs, et ayant en effet l'air « d'aimer enseigner ».
Miss Kate leva sa lorgnette, et, après examen du tableau devant elle, referma son carnet à dessin en disant avec condescendance,
« Vous avez un bon accent, et avec le temps, vous deviendrez une lectrice accomplie. Je vous conseille d'étudier, car l'allemand est un talent estimable chez les enseignants. Je dois aller surveiller Grace, elle est en train de faire la folle » ; et Miss Kate s'éloigna, en ajoutant à part elle avec un haussement d'épaules, « Je ne suis pas venue pour chaperonner une gouvernante, aussi jeune et jolie soit-elle. Quels étranges personnages que ces Yankees ! J'ai peur que le caractère de Laurie ne se gâte à leur contact. »
« J'oubliais que les Anglais n'ont pas une grande opinion des gouvernantes, et ne les traitent pas de la même façon que nous, » dit Meg en la regardant s'éloigner, avec une expression ennuyée.
« Les tuteurs ne sont pas mieux lotis, à mon grand chagrin. Il n'y a nulle part comme l'Amérique pour nous autres travailleurs, Miss Margaret, » et Mr. Brooke avait l'air si joyeux et satisfait de son sort, que Meg eut honte de s'être plainte.
« Je suis heureuse d'y vivre, alors. Je n'aime pas mon travail, mais j'en tire tout de même une certaine satisfaction, après tout, aussi je ne me plaindrai pas. Je voudrais seulement aimer enseigner, comme vous.
—  Je pense que ce serait le cas, si vous aviez Laurie comme élève. Je serai navré de le perdre l'an prochain, » dit Mr. Brooke, occupé à creuser des trous dans la pelouse.
« Il va à l'université, je suppose ? » demanda Meg à voix haute, mais ses yeux ajoutèrent, Et qu'en est-il de vous ?  
« Oui, il est grand temps qu'il y aille, il est presque prêt ; et sitôt qu'il sera parti je me ferai soldat.
—  J'en suis contente ! s'exclama Meg. Je pense que tout jeune homme devrait vouloir faire de même, quoique ce soit bien difficile pour les mères et les sœurs, qui restent à la maison, ajouta-t-elle tristement.
—  Je n'ai ni mère ni sœur, et très peu d'amis, qui se soucieraient que je vive ou meure, » dit Mr. Brooke avec amertume, tandis qu'il plaçait distraitement la rose fanée dans le trou qu'il avait creusé et la recouvrait, comme une petite tombe.
« Laurie et son grand-père s'en soucieraient beaucoup, et nous serions toutes très tristes s'il vous arrivait quoi que ce soit, dit chaleureusement Meg.
—  Merci, c'est très gentil, » commença Mr. Brooke, l'air ragaillardi ; mais avant qu'il puisse continuer sa phrase, Ned, monté sur le vieux cheval, s'amena dans leur direction pour faire montre de ses talents de cavalier devant les jeunes dames, et il n'y eut plus un moment de paix ce jour là.
« Tu aimes monter à cheval ? » dit Grace à Amy, tandis qu'elles se reposaient après avoir couru tout le tour du champ avec les autres, menés par Ned.
« J'adore ça. Ma sœur Meg montait, autrefois, quand Papa était riche, mais nous n'avons aucun cheval maintenant - à part Ellen Arbre, ajouta Amy en riant.
—  Parle-moi d'Ellen Arbre, c'est une mule ? demanda Grace avec curiosité.
—  Eh bien, tu vois, Jo est folle d'équitation, et moi aussi, mais nous n'avons qu'une vieille selle d'amazone, et pas de cheval. Dans notre jardin il y a un pommier, qui a une belle branche basse ; alors je pose la selle dessus, fixe des rênes sur la partie qui se redresse, et nous chevauchons Ellen Arbre autant qu'il nous plaît.
—  Comme c'est drôle ! dit Grace en riant. J'ai un poney chez moi, et je le monte presque tous les jours dans le parc, avec Fred et Kate, c'est très agréable, car mes amis viennent aussi, et le Row est plein de ladies et de gentlemen.
—  Oh, comme c'est charmant ! J'espère pouvoir me rendre en Europe, un jour, mais j'aimerais mieux voir Rome que le Row, », dit Amy, qui n'avait pas la moindre idée de ce qu'était le Row, et n'aurait pas posé la question pour tout l'or du monde.
Frank, assis juste derrière les fillettes, entendit ce qu'elles disaient , et repoussa sa béquille dans un mouvement d'humeur, tandis qu'il regardait les garçons s'activer et faire toutes sortes de gymnastiques des plus comiques. Beth, qui rassemblait les cartes éparpillées du jeu des Auteurs, leva les yeux, et dit, à sa façon timide mais amicale,
« J'ai peur que vous ne soyez fatigué, puis-je faire quelque chose pour vous ?
—  Parlez-moi, s'il vous plaît. Je m'ennuie, assis dans mon coin, » répondit Frank, qui avait de toute évidence l'habitude d'être plus choyé à la maison.
La timide Beth n'aurait pas été plus embêtée s'il lui avait demandé de lui faire un discours en latin, mais elle n'avait nulle part où fuir, nulle Jo derrière laquelle se cacher, et le pauvre garçon la regardait avec une telle mélancolie, qu'elle décida bravement de faire de son mieux.
« De quoi aimez-vous parler ? » demanda-t-elle en manipulant maladroitement les cartes, faisant tomber la moitié du paquet.
« Eh bien, j'aime parler de cricket, de canotage, et de chasse, » dit Frank, qui n'avait pas encore appris à accommoder ses loisirs à son état de santé.
« Seigneur ! Qu'est-ce que je peux faire ? Je ne connais rien à tout ça, » pensa Beth ; et oubliant dans son désarroi la condition du garçon, elle dit, espérant le faire parler,
« Je n'ai jamais vu chasser, mais je suppose que vous savez tout là dessus.
—  Autrefois oui, mais je ne chasserai plus jamais, parce que je me suis blessé en sautant une fichue barrière, donc plus de chevaux et de chiens pour moi, » dit Frank avec un soupir. Beth se maudit pour son innocente bévue.
« Vos cerfs sont bien plus jolis que nos vilains buffles, » dit-elle en se tournant vers la prairie comme pour appeler à l'aide, et bien contente d'avoir lu l'un des livres pour garçons que Jo aimait tant.
Les buffles s'avérèrent être un sujet apaisant et satisfaisant, et, dans son empressement à amuser quelqu'un d'autre, Beth s'oublia, tout à fait inconsciente de la surprise et du ravissement de ses sœurs devant le spectacle inattendu de la fillette en train de parler avec l'un des horribles garçons contre lesquels elle avait réclamé protection.
« Bénie soit-elle ! Elle l'a pris en pitié, alors elle est gentille avec lui, » dit Jo en la regardant depuis le terrain de croquet avec un large sourire.
« J'ai toujours dit qu'elle était une petite sainte, » ajouta Meg, comme si cela ne faisait aucun doute.
« Je n'avais pas entendu Frank rire autant depuis longtemps, » dit Grace à Amy, tandis qu'elles parlaient poupées et fabriquaient des services à thé en cupules de glands.
« Ma sœur Beth est tout à fait fastidieuse, quand elle le veut bien, » dit Amy, heureuse du succès de Beth. Elle voulait dire fascinante , mais comme Grace ne connaissait le sens exact d'aucun des deux mots, fastidieuse sonnait bien et fit bonne impression.
Une promenade, un jeu de l'épervier, et une amicale partie de croquet terminèrent l'après-midi. Au coucher du soleil la tente était démontée, les paniers prêts, les arceaux rangés, les canots chargés, et la petite compagnie descendit la rivière en chantant à pleins poumons. Ned, d'humeur sentimentale, entonna une sérénade au refrain pensif,
« Seul, seul, oh ! malheur, tout seul, »
et arrivé aux vers
« Nous sommes jeunes tous deux, nous avons un cœur,
Oh ! Pourquoi devrions nous rester si distants ? »
il regarda Meg avec une expression si apathique, qu'elle rit tout de bon, et lui gâcha sa chanson.
« Comment pouvez-vous être si cruelle avec moi ? murmura-t-il tandis que tous chantaient en chœur, vous n'avez pas quitté cette anglaise collet-monté de la journée, et maintenant vous me snobez.
—  Ce n'était pas mon intention, mais vous aviez l'air si drôle que je n'ai vraiment pas pu m'en empêcher, » répondit Meg, ignorant la première partie de son reproche, car il était bien vrai qu'elle l'avait évité, se rappelant la fête chez les Moffat et la discussion qui avait suivi.
Offensé, Ned se tourna vers Sallie pour chercher consolation, en lui disant, de manière assez mesquine, « Il n'y a pas une once de flirt chez cette fille, n'est-ce pas ?
—  Pas un gramme, mais c'est un véritable agneau, » répondit Sallie, défendant son amie tout en admettant ses faiblesses.
« En tout cas ce n'est certainement pas une brebis égarée, » dit Ned, essayant de se montrer spirituel, et y parvenant à peu près aussi bien que n'importe quel autre jeune gentleman.
Rassemblée sur la pelouse devant la maison, la petite troupe se sépara avec en se souhaitant bonne nuit et bon voyage, car les Vaughn partaient pour le Canada. Miss Kate regarda les quatre sœurs rentrer à la maison en traversant le jardin, et dit, sans la moindre condescendance, « En dépit de leurs manières démonstratives, les jeunes filles américaines sont très gentilles quand on les connaît.
—  Je suis tout à fait d'accord avec vous, » dit Mr. Brooke.
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vert-sauvage · 7 years ago
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Juliette passion chaussettes
j’aime les épinards la lumière de fin d’après-midi les couleurs de l’automne avoir plein de thés différents mettre des jolies chaussettes même quand personne ne les voit les gros pulls en hiver et surtout les pulls de noël kitsch et les sapins de noël et l’odeur de noël et les gâteaux de noël la cannelle les couchers de soleil regarder le ciel les citrouilles mon chien les renards le canard-dindon les animaux moches que personne n’aime ma collection de vernis porter du rouge à lèvres le chocolat chaud à la fleur d’oranger le café noisette sécher le latin pour aller dans un salon de thé avec la fille-papillon regarder tressauter mes vinyles le brouillard du matin quand la nuit tombe et que je suis bien au chaud sous ma couette les feux de cheminée mes stylos de toutes les couleurs et mes tampons et tous mes masking tapes et mes carnets écrire des lettres aux gens que j’aime et aux inconnus parler anglais voyager dans des villes dont je ne me lasse jamais et découvrir de nouveaux endroits et de nouveaux pays aller chez ikea allumer des bougies qui sentent bon les après-midi toutes douces de l’appartement-cocon passées à lire un livre ou à boire du thé avec la fille-papillon aller faire les magasins et acheter plein de choses ma boîte-valise remplie de tous mes trésors d’écureuil les choses mignonnes et inutiles les écureuils les nuages surtout quand ils ont des formes bizarres mes plantes qui ont toutes des prénoms les jardins botaniques qui donnent l’impression d’être dans un autre monde retourner en alsace les marchés de noël les musées d’histoire naturelle et les cabinets de curiosité un peu étranges les saules pleureurs les vieux manoirs porter des jupes les endroits abandonnés le street art qu’on découvre par hasard et qui fait sourire et prêter attention à ce qui nous entoure mettre des bagues harry potter regarder les étoiles le petit prince avoir tellement de tasses mignonnes que je ne sais plus où les mettre les fleurs les cactus mes pailles de toutes les couleurs le hasard les aventures spontanées les longs trajets en voiture avec la vitre ouverte et la musique très fort me sentir libre ne pas avoir d’obligations lire de la poésie à voix haute raconter des histoires les moments où je me sens d’humeur bête et où je dis n’importe quoi en riant pour tout et pour rien les élans qui me donnent envie d’aller vers quelque chose pendant lesquels je suis incapable de rester en place tellement je suis excitée les sapins les détails des feuilles des arbres les choses bizarres les fantômes boire mon thé à la petite cuillère les stations-service la nuit et tous les endroits où le temps semble s’arrêter et où tout est en décalage après minuit les rêves remarquer des détails regarder des inconnus dans le métro me perdre dans les livres et dans d’autres univers et l’impression d’étrangeté quand je reviens à la réalité comme si ce n’était pas normal les téléfilms débiles de noël et deviner la fin après les cinq premières minutes mais les aimer quand même accrocher des cartes sur mon mur les jolies citations les bateaux les oiseaux en papier accrochés au-dessus de mon lit qui ressemble à un nid les tipis me promener en forêt les grands parcs au milieu de la ville qui nous font oublier qu’on est dans la ville le parfum les choses qui me font penser à quelqu’un que j’aime ou qu’on me dise ça m’a fait penser à toi le sourire de la fille au sourire paillettes récupérer des pellicules chez le photographe faire quelque chose pour la première fois les diabolos à la violette le vert émeraude et le bleu turquoise et le mint et les couleurs pastel les guirlandes lumineuses passer des heures dans les petites librairies jolies les coïncidences retrouver des amis les rencontres éphémères les stylos à encre fouiller dans les greniers les archives du passé la mer la plage les jours gris quand il n’y a personne les endroits déserts les vieux appareils photo mes cheveux quand ils bouclent mes souvenirs de voyage les tatouages écrire les orages les clémentines
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apreslapluielebeautemps · 5 years ago
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Entre dos aguas
Ma mamie aimait rire d’un rien, les rouges à lèvres, les robes à fleurs. Elle disait toujours que j’étais la plus belle. Elle parlait provençal et espagnol. Hier soir, elle a regardé Manon des sources en riant. Elle est parti se coucher, et comme le Papet, ne s’est pas réveillée.
Antoinette, Marie-Antoine, Toinet, Tonija, est morte au petit matin. Elle est partie sur la pointe des pieds, dans son sommeil. Un pouls à peine palpable, puis le néant. Mon père est avec elle, il la regarde, allongée sur le lit, il me dit : « Sur son visage, il n’y a pas de trace de souffrance, on dirait qu’elle dort. »
Elle est morte comme ça, comme une feuille tomberait de l’arbre. On dit souvent ça des personnes âgées. Que du jour au lendemain, elle partent quand on ne s’y attend pas réellement. Malgré ses 90 ans d’une vie bien consommée, on a pas trop envie d’y croire. On aurait voulu que ce ne soit pas pour tout de suite. 
Elle n’a pas souffert, n’a pas eu peur. Elle avait encore toute sa tête, sa mémoire. Elle marchait, mangeait, discutait, rigolait. S’asseyait toujours en bout de table, se mettait à crier quand on se disputait. Pleurait à chaque fois que je lui disais au revoir. Me disait qu’elle m’aimait. Elle assurait parfaitement son rôle de matriarche. Sa perte est un déchirement qui éclate notre famille.
A 600 kilomètres des miens, le monde m’a dépossédé de mon deuil, paralysé par une guerre bactériologique qu’il mène de front contre un virus baptisé Covid-19. Ma grand-mère est morte, et je ne peux pas aller la voir. Mon arme à moi, c’est de rester enfermée, « confinée », ce mot à la mode, dans mon appartement, prise au piège entre quatre murs.
Je ne pourrai pas dire au revoir à ma grand-mère.
Je ne pourrai pas me glisser dans les bras de mon père pour pleurer. 
Demain après-midi, Antoinette sera enterrée dans un huis clos terrifiant, sans fleurs, sans embaumement, sans cérémonie religieuse. Ce soir, elle passe une nuit de plus dans son lit, il n’y a pas de funérarium. On viendra la chercher à 16 heures, elle ira rejoindre ses parents, son mari.
J’ai demandé à mon père de récupérer la petite carte rose de la Bonne Mère, qu’elle avait accrochée près de son lit, sur un mur plein de fleurs. Je lui ai demandé ce qu’on ferait des plantes. De la broderie sur sa table de chevet, du réveil couleur pastel, des tiroirs remplis de cartes postales et de photos. Du jardin dans l’arrière cour laissé à l’abandon depuis la mort de mon grand-père, il y a sept ans. Du cerisier, de la longue corde à linge rouillée. 
C’est la fin de notre vie ensemble.
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omgmykpopfictionsandstuff · 6 years ago
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Open up your eyes
Aujourd'hui c'était un grand jour. Ils allaient enfin faire face aux  nouveaux propriétaires... et quand Mark observa son nom sur l'affiche il resta interdit. Il avait été prit pour apparaître dans un clip de la Grande Patronne. Il tremblait comme une feuille quand son manager l'emmena sur le tournage. Une réplique d'un château médiévale s'y trouvait et il vit au loin une femme habillée de noir.... Elle faisait peur.
« She looks like Morticia... » fit Mark effrayer.
« Yeeahh » Fit Elrick en arrivant « You haven't heard the song boy ? » fit-il amusé
« Nan. » marmonna Mark quand il vit la dame se tourner vers eux « Elle fait peur... »
« Aha » Elrick mourrait de rire en regardant Morganna s'approcher d'eux. « Mona babe, the baby is scared of you. » fit-il calmement
« Oh poor thing. » fit Morganna en caressant les cheveux de Mark « Faites lui écouter la chanson et qu'on lui explique. » dit-elle en sortant de la salle
Et elle commença les shooting pour les close-up de son visage. On fila deux trucs a Mark. Un script et un Ipod. Il lut le script du clip et écouta la chanson pour mieux comprendre. Morganna incarnait une reine noire... lui son fils. Il fixa Morganna traverser plusieurs styles, plusieurs robes... Une robe de mariée, une robe rosé du bonheur et enfin la robe noire... Il entra en scène vêtue d'habits d'époque noirs, la tête basse. On lui demanda des expressions pendant le premier couplet ou Morganna chantait de dos à lui. Devant un trône  effrayant.
«  It's time you learned a lesson, it's time that you understand. Don't ever count on anybody else in this or any other land...I once hoped for friendship to find a place among my kind... But those were the childish wishes.... of someone who was blind. » Elle se tourna vers lui dramatiquement devant le trône et entama le couplet du refrain «  Open up your eyes, see the world from where I stand. Me, among the mighty.You, caged at my command. Open up your eyes give up your sweet fantasy land » Elle descendit les marches du trône et vint prendre son menton entre son index et son pousse. « It's time to grow up and get wise....Come now, little one, open up your eyes » Elle quitta la salle du trône, suivit dans les couloirs par Mark « We all start out the same with simple naive trust shielded from the many ways. That life's not fair or just. But then there comes a moment, a simple truth that you must face » Elle avait chanter de dos puis se tourna vers lui prenant sa main d'une mine très grave. « If you depend on others, you'll never find your place » Elle continua d'avancer avant de s'arrêter dans un jardin devant une tombe...ça c'était le moment des flashback de la Reine noire qui perdait son mari à cause des hommes du Roi Blanc puis Morganna se changea dans une armure noire, enfourcha un frison tout aussi noir, alors que Mark monta sur un cheval gris. « And as you take that first step upon a path that's all your own. You see it all so clearly the best way to survive is all alone » Elle se tourna vers lui alors qu'elle montrait un champ qui serait incrusté d'un village a feu et à sang « Open up your eyes. See the world from where I stand. Me, among the mighty. You, caged at my command. » Elle fit demi-tour avec son cheval et passa à côté de Mark « Open up your eyes ... and behold the faded light. It's time to grow up and get wise. Come now, little one, open up your eyes. » elle le fixa dans les yeux avant de s'en aller « Open up your eyes! » et on arrêta ....
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Taeyong regardait le MV et cligna des yeux.
« Wohhh...c'était badass.. » fit Taeyong
« Comme quoi il se démerde pas trop mal. » fit Haechan amusé.
« Et si on suit le MV toi, t'es le fils de Morganna et Yunho ? » fit Jeno
« Ouais... la classe hein ? » Mark se fit légèrement mousser
« J'ai pitié d'eux... » fit Haechan en riant « Un fils comme toi. »
« Ah j'vous emmerde. » soupira Mark
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« AND YET ANOTHER FANDOMETRICS / KPOPSTYLE ! » Fit Miyuki en riant « Open up your eyes is the first song to be released after the anouncements concerning the upcoming drama 'Game of Chess' Evil against Good, good against evil... Who's gonna be the big winner ?  I'm rooting for evil to be honest because look at the Black side ... we have Mark from NCT and Morganna... and boi have you seen the guards ? No ? Well I did aaaand having Siwon, Amber and Yoona on the Evil part sided by Minho... heck I'm waiting for the White Side but my ultimate bias is actually Evil soooo i'm holding my breath for the upcoming MV's... »
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alphabetpoetique-blog · 7 years ago
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Jardin léthargique
Dans la douceur automnale du matin La salle de classe devient jardin Et le soleil passant par les fenêtres Dessine sur les tables les pauvres êtres Avachis, vaincus, rabougris Par le sommeil et par l’ennui
Les plantes désespérées se tournent Comme de mimétiques tournesols Vers les vitres entrouvertes Leurs lourdes têtes molles Leurs tiges alanguies Et leurs feuilles, plus si vertes A force d’attendre la sonnerie
Devant eux, un chêne noueux Enfonce dans le sol ses racines Et sournoisement rapine Des plantes l’énergie A force de problèmes épineux Qu’il déroule dans leurs esprits fermés Tout entiers dans l’attente, tournés Sans plus donner signe de vie
Là, une belle rose s’inquiète de son teint Un sulfureux camélia exhale son parfum De complices roses trémières s’entremêlent Comme heureuses de retrouver celle Avec qui elles se sentent complètes De timides pervenches pointent leur tête Voulant participer à la fête De ce doux jardin, et à sa vie secrète
Au fond, les pois batailleurs Se touchent, frappant leurs cosses Cherchant le plus fort, le meilleur Se prenant pour de terribles colosses Mais n’étant que des plantes immatures Rêvant de voyages et d’aventures Dans le secret de leur sève
Et le jardin semble léthargique Comme engourdi de silence De sérieux, de réflexions, de devoirs Et les plantes meurent, pathétiques Se flétrissent et se tendent de noir Le chêne les achève sans le savoir
Alors la sonnerie déchire l’air Des plantes, se lèvent des enfants Qui sortent, chahutant, riant Oubliant du jardin le souffle mortifère
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nikkimagnesia-blog · 7 years ago
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Seven sur l’autre rive
L'air frais se boirait presque ; le ciel bleu se fonce, pur, entre l'or roux des réverbères. 
Un tout petit chien double crème promène une vieille en tas de chair à rideaux. Il est aussi précieux qu'elle est laide. Elle a un léger réflexe de protection craintive lorsqu'elle croise mon regard amusé sur son clebs déguisé en panache d'écureuil. 
Un peloton de trois ou quatre cycles grillent un feu ; des types aux cheveux très longs filent en riant aux éclats dans leurs costumes perle.
Le coin de cette rue-là est saturée de leds d'un vert hurlant : pharmacie de la surenchère et passages cloutés signalent un danger invisible. Trois pas plus loin, à la fontaine d'huîtres en tas, c'est la même éblouissance épileptique, l'écran-cascade numérique du fond des mers, et les voituriers qui fument. 
Mini-rue pavée. 
Et cette persistance de campagne lorsque les feuilles vertes des riches qui ont des jardins débordent des murs, alors qu'un clocher sonne la mort du jour.
J'adore travailler dans les hauts quartiers.
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feluz9 · 7 years ago
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Je vais sur la pelouse humide
Charles Guérin
Je vais sur la pelouse humide de rosée, D'un pas léger, les yeux riants, l'âme brisée De tendresse, de joie indicible et d'amour. Le jour descend en moi comme un baiser, le jour Me pénètre et m'enlève à la terre. J'adore. Le jardin resplendit sous le ciel frais. L'aurore A troué les pins drus et noirs d'un rouge orteil. Une perle d'eau claire étincelle au soleil. L'herbe est comme une mer où l'onde poursuit l'onde. L'allée a de lascifs contours de femme blonde. Le lierre en feu frissonne à la crête d'un mur. Un oiseau que le vent balance dans l'azur Chante sur le bouleau sans feuille encore. Je rêve, Au sein d'une lumière heureuse, ivre de sève Et d'air, le front tourné vers l'orient, et tel Qu'un jeune dieu qui vit son matin immortel. Ainsi, dans le jardin lustré de pousses vertes, Je vais, joignant les mains et les lèvres ouvertes Pour répandre l'amour dont mon cœur s'est gonflé Devant l'aube, le vierge azur, le lierre ailé. L'oiseau chante, le ciel sourit et l'herbe pleure. « Seigneur, dis-je, votre œuvre est belle et voici l'heure, Père infiniment bon et sublime ouvrier, Où je voudrais des mots surhumains pour prier, Des vers religieux et purs comme les psaumes Qu'entonnent sous le vent les pins aux vastes dômes. Par un hymne de joie et d'adoration, Rendre grâce à l'auteur de la création, Oui, Seigneur ! Mais je porte, hélas ! Pauvre poète, La malédiction d'une langue muette : Tout ce qui chante en moi de confuse beauté S'éteint dans mon esprit avant d'avoir été, Et ce brin d'herbe avec la perle qui le courbe, Rit de ma plume où point une goutte de tourbe. » Ayant dit, et soudain déchu de mon orgueil, Je m'arrête et j'embrasse encore, d'un long coup d'œil, Le grand jardin natal aux brillantes allées ; Derrière elle laissant les heures écoulées, L'ombre plus courte atteint le milieu du cadran. Chaque toit bleu chatoie au soleil comme un paon ; Et tandis que le ciel de midi sur le sable Epanche en flots de feu son urne intarissable, Indifférente au drame obscur de mon esprit, La nature féconde et forte me sourit.
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thalia-rose · 8 years ago
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Hier, pour rentrer chez moi je devais traverser le parc. Il avait plu sur L' Île-de-France pendant plusieurs jours. Le ciel était devenu juste un peu plus clair en milieu de journée. La pluie avait cessé mais les pelouses, la terre et les bancs restaient trempés. Les oiseaux chantaient sautillant de branches en branches d’où tombaient les fraîches gouttes de pluie. Les feuilles mortes de l’automne dernier s’enchevêtraient aux pétales des camélias rouges, roses et blancs, des rhododendrons violines et des magnolias étoilés qui volaient et chutaient délicatement sous le vent. Les cerisiers du Japon aux ravissantes fleurettes laiteuses roses et blanches les dominaient. Peintres et photographes n’auraient pu rester insensibles au charme enchanteur de ce tableau d'un début de printemps très précoce. Pourtant en cette fin d’après-midi le parc est désert, vide, probablement à cause du temps mi-figue mi-raisin. Est-ce dû à mon enfance passée à jouer dans les jardins de mon village, je reconnais de loin l’odeur d’une fleur, d’un fruit, d’une plante. Des notes de parfum exceptionnelles saturaient l’air, celui des jacinthes, mais je ne les voyais pas. A ce moment-là, un homme d’une quarantaine d’années déboucha du sentier, s’arrêta : « C’est beau ! J’aime les fleurs ! me dit-il en riant de tout son cœur ». « Oui, j’adore cet endroit, lui répondis-je ». « Est-ce que vous êtes allée de l’autre côté ? demanda-t-il, tout en tournant sa tête vers l’Ouest. » « Je lui confiai, pas encore. » « Vous verrez, c’est fabuleux ! ajouta-t-il d’une voix puissante et  joyeuse, avec un fort accent, roulant les r. Il s’éloigna à grandes enjambées. Je vis qu’il portait un lourd sac à dos bleu marine. L’odeur suave et enivrante des jacinthes me conduisit au jardin potager et arbres fruitiers. Les jardinières façon terre cuite géantes grouillaient d’harmonies de pensées soyeuses, de narcisses lumineux à côté de quelques tulipes jaunes, orange et roses se faisant remarquer par leur rareté tandis-que des dizaines et dizaines de jacinthes en rangs serrés les unes contre les autres se mêlaient en s’accordant à toutes les autres fleurs. ©rose ceraudo - La Banlieue Parisienne
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traitor-for-hire · 5 years ago
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Entre voisins
« Qu'est-ce que tu vas faire maintenant, Jo ? » demanda Meg par un après-midi enneigé, quand sa sœur traversa le couloir d'un pas lourd, en bottes de caoutchouc, vieux manteau et capuchon, avec un balai dans une main et une pelle dans l'autre.
« Je sors faire de l'exercice, répondit Jo avec une lueur malicieuse dans l'œil.
— J'aurais pensé que deux longues marches ce matin t'auraient suffi ! Le temps est froid et sinistre, et je te conseille de rester au chaud et au sec près du feu, comme moi, dit Meg avec un frisson.
— Comme si j'allais t'écouter ! Je ne peux pas rester tranquille toute la journée, et je n'ai rien d'un matou, je n'aime pas somnoler près du feu. J'aime les aventures, et je vais en trouver. »
Meg s'en retourna se rôtir les pieds et lire Ivanhoé, et Jo commença à creuser des chemins avec beaucoup d'énergie. La neige était fraîche, et avec son balai elle eut tôt fait de déblayer un chemin tout autour du jardin pour que Beth puisse se promener et faire prendre l'air aux poupées invalides quand le soleil sortirait. Il faut savoir que le jardin séparait la maison des March de celle de Mr. Laurence. Toutes les deux se trouvaient dans un quartier en banlieue de la ville, qui avait encore des allures de campagne, avec des bosquets et des pelouses, de grands jardins, et des rues calmes. Une haie basse séparait les deux propriétés. D'un côté se trouvait une vieille demeure aux murs bruns, l'air nue et miteuse en l'absence des plantes grimpantes qui la couvraient durant l'été et des fleurs qui l'entouraient alors. De l'autre côté se tenait un majestueux manoir de pierre, qui respirait le confort et le luxe, depuis le grand hangar pour les voitures et les jardins bien entretenus jusqu'à la serre et à toutes les belles choses que l'on pouvait entrapercevoir entre les luxueux rideaux.
Pourtant cela semblait être une maison solitaire et dépourvue de vie, car nul enfant ne jouait sur la pelouse, nulle figure maternelle ne souriait aux fenêtres, et peu de personnes entraient et sortaient, à l'exception du vieux monsieur et de son petit-fils.
Pour l'imagination vivace de Jo, cette belle maison était un genre de palais enchanté, plein de splendeurs et de délices dont nul ne profitait. Elle avait depuis longtemps voulu contempler ses trésors cachés, et faire connaissance avec le jeune Laurence, qui avait l'air d'en avoir envie, lui aussi, s'il savait seulement par où commencer. Depuis la fête, elle avait été plus décidée que jamais, et avait planifié bien des façons de se lier d'amitié avec lui, mais il ne s'était pas montré dernièrement et Jo commençait à penser qu'il était parti quand elle avait repéré un jour une tête brune à une fenêtre de l'étage, regardant tristement vers leur jardin où Beth et Amy se lançaient des boules de neige.
« Ce garçon manque cruellement de compagnie et d'amusements, se dit-elle. Son grand-père ne sait pas ce qui est bon pour lui, et le garde enfermé tout seul. Il a besoin d'une bande de joyeux garçons pour jouer avec lui, ou de quelqu'un de jeune et plein de vie. J'ai très envie d'aller sur place et de le dire au vieux monsieur ! »
L'idée amusa Jo, qui aimait à faire des choses osées et scandalisait toujours Meg par ses actes saugrenus. Ce plan « d'aller sur place », ne fut pas oublié. Et quand vint cet après-midi de neige, Jo se résolut à tenter ce qu'elle pouvait. Elle vit Mr. Laurence quitter la maison en voiture, et elle se creusa un chemin jusqu'à la haie, où elle s'arrêta pour observer les environs. Tous les rideaux étaient fermés aux fenêtres les plus basses, les domestiques hors de vue, et rien d'humain n'était visible à l'exception d'une tête aux boucles brunes inclinée sur une main fine, à une fenêtre de l'étage.
« Le voilà, pensa Jo. Pauvre garçon ! Tout seul et malade en ce jour lugubre. Comme c'est dommage ! Je vais lui jeter une boule de neige pour le faire regarder au dehors, et lui dire quelques mots gentils. »
Une poignée de neige s'envola, et la tête se tourna vivement, montrant un visage qui perdit son air apathique dans l'instant, comme les grands yeux s'illuminèrent et la bouche commença de sourire. Jo hocha la tête et rit, et agita son balai en appelant :
« Comment allez-vous ? Êtes-vous malade ? »
Laurie ouvrit la fenêtre, et croassa d'une voix rauque :
« Je vais mieux, merci. J'ai eu un mauvais rhume, et je suis resté dans ma chambre toute la semaine.
—  Je suis désolée. Avec quoi vous amusez-vous ?
—  Rien du tout. C'est aussi morne qu'un tombeau ici.
—  Ne lisez-vous pas ?
—  Pas beaucoup. On ne me laisse pas faire.
—  Personne ne peut vous faire la lecture ?
—  Grand-père le fait parfois, mais mes livres ne l'intéressent pas, et je déteste devoir tout le temps demander à Brooke.
—  Faites-venir quelqu'un pour vous voir, alors.
—  Il n'y a personne que je veuille voir. Les garçons font trop de tapage, et j'ai mal à la tête.
—  Il n'y a pas de gentille fille pour vous faire la lecture et vous distraire ? Les filles sont calmes et aiment jouer les infirmières.
—  Je n'en connais pas.
—  Vous nous connaissez, commença Jo, qui rit et s'interrompit.
—  C'est vrai ! Voulez-vous venir, s'il vous plaît ? s'écria Laurie.
—  Je ne suis ni calme ni gentille, mais je viendrai, si Mère le veut bien. Je vais le lui demander. Fermez la fenêtre, comme un gentil garçon, et attendez que je vienne. »
Sur ce, Jo repartit vers la maison, le balai sur l'épaule, en se demandant ce que les autres lui diraient. Laurie était tout excité à l'idée d'avoir de la compagnie, et se précipita pour se préparer, car, ainsi que Mrs. March l'avait dit, il était « un petit gentleman », et pour faire honneur à l'invitée à venir il passa une brosse dans ses cheveux bouclés, enfila un col propre, et tenta de mettre de l'ordre dans la pièce qui était tout sauf rangée, malgré la demi-douzaine de domestiques. À ce moment retentit un coup de sonnette, puis une voix décidée, qui demandait à voir « Mr. Laurie », et une servante stupéfaite vient en courant annoncer une jeune dame.
« Très bien, faites-la monter, c'est Miss Jo, » dit Laurie en allant à la porte de son petit parloir pour retrouver Jo, qui apparut, les joues roses et l'air ravie et tout à fait à son aise, avec une assiette couverte dans une main et les trois chatons de Beth dans l'autre.
« Me voici, avec armes et bagages, dit-elle sans préambule. Mère vous envoie son amour, et était contente que je puisse faire quelque chose pour vous. Meg a voulu que je vous amène un peu de son blanc-manger, qu'elle réussit fort bien, et Beth a pensé que ses chats vous apporteraient un peu de réconfort. Je savais que vous en ririez, mais je ne pouvais pas refuser, elle avait tellement envie de faire quelque chose. »
Il se trouva que la drôle d'idée de Beth était juste ce qu'il fallait, car tout en riant des chatons, Laurie oublia sa timidité, et devint aussitôt plus sociable.
« Cela semble trop beau pour être mangé, » dit-il en souriant de plaisir quand Jo découvrit l'assiette pour lui montrer le blanc-manger, entouré d'une guirlande de feuilles vertes et des fleurs écarlates du géranium préféré d'Amy.
« Ce n'est rien, elles ont toutes eu envie de faire quelque chose pour vous. Dites à la femme de chambre de le mettre de côté pour votre thé. C'est un mets si simple que vous pouvez en manger, et si moelleux, qu'il glissera sans vous faire mal à la gorge. Quelle belle chambre est-ce là !
—  Elle le serait si elle était mieux rangée, mais les domestiques sont paresseuses, et je ne sais pas comment les faire obéir. Cela me dérange, néanmoins.
—  Je vais arranger ça en deux minutes. Il y a seulement besoin de balayer l'âtre, comme ça, et de redresser ce qu'il y a sur le manteau de la cheminée, comme ça, et de mettre les livres ici, et les bouteilles là, et de détourner votre sofa de la lumière, et de regonfler un peu les oreillers. Voilà, maintenant, vous êtes bien installé. »
Et en effet, tandis qu'elle parlait et riait, Jo avait remis les choses en place et donné un air bien différent à la pièce. Laurie la regardait dans un silence respectueux, et quand elle lui fit signe de s'installer sur le sofa, il s'assit avec un soupir de satisfaction, en disant avec gratitude :
« Comme vous êtes gentille ! Oui, c'est ce que je voulais. Maintenant s'il vous plaît prenez le grand fauteuil et laissez-moi vous distraire.
—  Non, je suis venue vous distraire, vous. Voulez-vous que je lise à voix haute ? » dit Jo en regardant avec affection en direction de livres très tentants juste à portée de main.
« Merci ! J'ai lu tous ceux là, et si cela ne vous dérange pas, j'aimerais mieux discuter, répondit Laurie.
—  Cela ne me dérange pas du tout. Je parlerai toute la journée si vous me laissez faire. Beth dit que je ne sais jamais quand m'arrêter.
—  Beth, c'est celle aux joues roses, qui reste souvent à la maison et sort parfois avec un petit panier ? demanda Laurie avec intérêt.
—  Oui, c'est Beth. C'est ma petite fille à moi, et elle est très gentille.
—  Meg est la jolie jeune fille, et celle aux cheveux bouclés est Amy, je crois ?
—  Comment savez-vous cela ? »
Laurie rougit, mais répondit franchement, « Eh bien, vous voyez, je vous entends souvent vous appeler les unes les autres, et quand je suis seul ici, je ne peux m'empêcher de regarder vers votre maison, vous avez toujours l'air de bien vous amuser. Je vous demande de pardonner mon impolitesse, mais parfois vous oubliez de baisser le rideau de la fenêtre aux fleurs. Et quand les lampes sont allumées, c'est comme regarder un tableau ; voir le feu, et vous toutes autour de la table avec votre mère. Son visage est juste en face, et elle a l'air si douce, derrière les fleurs, que je ne peux pas m'empêcher de regarder. Je n'ai pas de mère, voyez-vous. » Et Laurie se mit à tisonner le feu pour dissimuler un léger tremblement des lèvres qu'il ne pouvait contrôler.
L'expression solitaire, avide, de ses yeux toucha le cœur tendre de Jo. Son éducation simple l'avait dotée d'un caractère droit, et à quinze ans elle était aussi innocente et franche qu'une enfant. Laurie était malade et seul, et se rendant compte combien elle était riche de son foyer et de son bonheur, elle tenta avec joie de les partager avec lui. Son visage empourpré était très amical, et sa voix perçante inhabituellement douce quand elle dit :
« Nous ne tirerons plus jamais les rideaux, et je vous autorise à regarder autant que vous le souhaitez. Mais j'aimerais mieux que vous veniez nous voir, au lieu de nous observer. Mère est si merveilleuse, elle vous apporterait beaucoup, et Beth chanterait pour vous si je la suppliais, et Amy danserait. Meg et moi vous ferions rire avec nos accessoires de théâtre, et nous nous amuserions bien. Est-ce que votre grand-père ne vous laisserait pas venir ?
—  Je pense que si, si votre mère le lui demandait. Il est très gentil, même s'il n'en a pas l'air, et il me laisse plus ou moins faire ce que je veux. Il a seulement peur que je dérange des étrangers, » commença Laurie, de plus en plus animé.
« Nous ne sommes pas des étrangers, nous sommes voisins, et vous n'avez pas besoin de penser que vous dérangeriez. Nous voulons faire votre connaissance, et je tentais d'y parvenir depuis un moment. Nous ne sommes pas là depuis très longtemps, voyez vous, mais nous avons fait la connaissance de tous nos voisins à part vous.
—  C'est que, Grand-père vit parmi ses livres, et ne s'intéresse pas trop à ce qui se passe au dehors. Mr. Brooke, mon tuteur, ne reste pas ici, vous voyez, et je n'ai personne avec qui sortir, alors je reste juste à la maison et me distrais comme je peux.
—  Ça n'est pas une bonne chose. Vous devriez faire un effort et accepter toutes les invitations que l'on vous envoie, ainsi vous aurez plein d'amis et d'endroits plaisants où vous rendre. Ce n'est pas grave que vous soyiez timide. Ça ne durera pas si vous persistez. »
Laurie rougit à nouveau, mais ne s'offusqua pas d'être accusé de timidité, car Jo était de si bonne volonté qu'il était impossible de ne pas voir la gentillesse derrière son franc-parler.
« Aimez-vous votre école ? » demanda le garçon, changeant de sujet, après une courte pause durant laquelle il avait contemplé le feu tandis que Jo regardait autour d'elle, l'air contente.
« Je ne vais pas à l'école, je suis homme à tout faire - fille, je veux dire. Je m'occupe de ma grand-tante, cette chère vieille ronchon, » répondit Jo.
Laurie ouvrit la bouche pour poser une autre question, mais se rappelant juste à temps qu'il est impoli de trop mettre le nez dans les affaires des autres il la referma, l'air mal à l'aise.
Jo aimait ses bonnes manières, et rire aux dépens de Tante March ne la dérangeait pas, aussi lui fit-elle une description vivace de l'impatiente vieille dame, de son caniche obèse, du perroquet qui parlait espagnol, et de la librairie qui faisait sa joie.
Laurie s'en amusa immensément, et quand elle lui parla du vieux monsieur guindé venu un jour pour courtiser Tante March, et comment, à son grand désarroi, Poll lui avait arraché sa perruque au milieu d'un beau discours, le garçon rit de si bon cœur que des larmes roulèrent sur ses joues, et une bonne vint passer la tête à la porte pour voir ce qui se passait.
« Oh ! Cela me fait un bien fou. Continuez, s'il vous plaît, » dit-il en détachant son visage rougi et rayonnant du coussin du sofa où il l'avait enfoncé.
Enhardie par son succès, Jo continua, et lui raconta tout de leurs pièces et de leurs plans, leurs espoirs et leurs craintes pour Père, et tous les évènements les plus intéressants du monde où elle vivait avec ses sœurs. Puis ils en vinrent à parler de livres, et au ravissement de Jo il se trouva que Laurie les aimait tout autant qu'elle, et en avait même lu davantage.
« Si vous les aimez tant, venez voir les nôtres. Grand-père est sorti, aussi vous n'avez pas à avoir peur.
—  Je n'ai peur de rien, répliqua Jo en relevant fièrement le menton.
—  Je vous crois ! » s'exclama le garçon en la regardant avec admiration, tout en pensant qu'elle aurait de bonnes raisons d'être effrayée si jamais elle croisait le vieux monsieur dans un de ses accès de mauvaise humeur.
Comme il faisait bon dans toute la maison, Laurie put les mener de pièce en pièce, laissant Jo examiner tout ce qui attirait son attention. Ainsi ils parvinrent enfin à la bibliothèque, où elle joignit les mains et se mit à bondir sur place, ainsi qu'elle le faisait toujours quand elle était particulièrement ravie. Les murs étaient tapissés de livres, et il y avait des gravures et des statues, de petits cabinets pleins de pièces et d'autres curiosités qui attiraient le regard, des fauteuils capitonnés, des tables, des bronzes, et, cerise sur le gâteau, une large cheminée toute entourée d'une élégante mosaïque.
« Quelle richesse ! » soupira Jo, en sombrant dans les profondeurs d'un fauteuil en velours et en regardant autour d'elle avec un air d'intense satisfaction. « Théodore Laurence, vous devriez être le garçon le plus heureux du monde, ajouta-t-elle solennellement.
—  Personne ne peut vivre rien qu'avec des livres, » dit Laurie en secouant la tête, perchée sur une table en face d'elle.
Avant qu'il ne puisse en dire plus, une cloche sonna, et Jo se leva d'un bond en s'exclamant, alarmée, « Miséricorde ! C'est votre grand-père !
—  Eh bien, qu'est-ce que cela fait ? Vous n'avez peur de rien, après tout, répliqua le garçon d'un air malicieux.
—  Je pense que j'ai un peu peur de lui, mais je ne sais pas pourquoi je le devrais. Marmee a dit que je pouvais venir, et je ne pense pas que vous vous en portiez plus mal, » dit Jo en se donnant une contenance, quoiqu'elle ne quittât pas la porte des yeux.
« Je m'en porte même bien mieux, et je vous en suis très reconnaissant. J'ai seulement peur que vous en ayez assez de me faire la discussion. C'était si plaisant, je ne voudrais stopper pour rien au monde, dit Laurie.
—  Le docteur est ici pour vous voir, vint appeler une servante.
—  Cela vous dérangerait-il si je vous laissais une minute ? Je suppose que je dois aller le voir, dit Laurie.
—  Ne vous occupez pas de moi. Je suis comme un poisson dans l'eau ici, » répondit Jo
Laurie s'en vint, et son invitée s'amusa par ses propres moyens. Elle se tenait devant un beau portrait du vieux monsieur quand la porte se rouvrit, et sans se tourner elle dit avec conviction « Je suis sûre maintenant que je ne devrais pas avoir peur de lui, car il des yeux pleins de bonté même si sa bouche est sévère, et il a l'air d'avoir une volonté formidable. Il n'est pas aussi bel homme que mon grand-père, mais il me plaît.
—  Merci, m'dame, » dit une voix rude venue de derrière elle, où se tenait, à sa grande détresse, le vieux Mr. Laurence.
La pauvre Jo rougit jusqu'à n'en plus pouvoir, et son cœur se mit à battre la chamade tandis qu'elle pensait à ce qu'elle avait dit. Pendant un instant elle eut la folle envie de fuir, mais cela aurait été lâche, et ses sœurs se seraient moquées d'elle, aussi résolut-elle de rester et de se tirer d'embarras comme elle le pouvait. Au second regard elle s'aperçut que les yeux, sous les sourcils broussailleux, étaient plus aimables encore que ceux du portrait, et qu'il s'y trouvait une lueur espiègle, ce qui atténua grandement ses peurs. La voix du vieux gentleman était plus rude que jamais quand il reprit abruptement, après ce terrible moment de pause, «  Alors vous n'avez pas peur de moi, hein ?
—  Pas beaucoup, sir.
—  Et vous ne me trouvez pas aussi bel homme que votre grand-père ?
—  En effet, sir.
—  Et j'ai une volonté formidable, n'est-ce pas ?
—  J'ai seulement dit que je le pensais.
—  Mais je vous plais tout de même ?
—  Oui, sir. »
Cette réponse plut au vieux monsieur. Il émit un rire bref, lui serra la main, et, lui passant un doigt sous le menton, fit pivoter son visage et l'examina gravement avant de dire avec un signe de tête,
« Vous avez le courage de votre grand-père, si vous n'avez pas ses traits. Il était séduisant, ma chère, mais mieux encore il était brave et honnête, et j'étais fier d'être son ami.
—  Merci, sir. » Et Jo fut tout à fait à l'aise après cela, car cela lui convenait parfaitement.
« Qu'avez-vous donc fait à mon garçon ? fut la question suivante, posée avec brusquerie.
—  J'ai seulement voulu être une bonne voisine, sir. » Et Jo lui raconta comment elle en était venue à leur rendre visite.
« Vous pensez qu'il a besoin de s'amuser davantage, alors ?
—  Oui, sir. Il semble un peu solitaire, et voir d'autres jeunes personnes lui ferait peut-être du bien. Nous ne sommes que des filles, mais nous serions heureuses d'aider si nous le pouvons, car nous n'avons pas oublié le splendide cadeau de Noël que vous nous avez envoyé, dit Jo avec empressement.
—  Ta ta ta ! C'était l'idée du garçon. Comment va la pauvre femme ?
—  Elle va bien, sir. » Et Jo se lança en parlant à toute allure, et lui raconta tout sur les Hummel, sur lesquels sa mère avait attiré l'attention d'amis plus riches.
« La même façon de faire le bien que son père. Je devrais venir voir votre mère un de ces jours. Dites-le lui. Voilà qu'on sonne la cloche pour le thé, nous le prenons plus tôt à cause du garçon. Venez donc et continuez d'être une bonne voisine.
—  Si vous voulez bien de moi, sir.
—  Je ne vous le demanderais pas, si ce n'était pas le cas. »
Et Mr. Laurence lui offrit son bras avec une courtoisie un peu vieux jeu.
« Que dirait Meg de tout cela ? » pensa Jo tandis qu'il l'escortait dans la maison, ses yeux pétillant d'amusement comme elle s'imaginait raconter l'histoire en rentrant.
« Hé ! Eh bien, que diable arrive-t-il à ce garçon ? » demanda le vieux monsieur quand Laurie surgit en descendant les escaliers quatre à quatre et stoppa net à la vision étonnante de Jo bras dessus bras dessous avec son redoutable grand-père.
« Je ne savais pas que vous étiez là, sir, » commença-t-il, tandis que Jo lui lançait un regard triomphant.
« C'est évident quand on voit le fracas que vous faites en descendant. Venez prendre votre thé, sir, et conduisez-vous comme un gentleman. » Et après avoir affectueusement tiré sur les cheveux du garçon en guise de caresse, Mr. Laurence continua son chemin, tandis que Laurie s'adonnait dans leur dos à toutes sortes de pitreries, qui faillirent faire exploser de rire Jo.
Le vieux monsieur ne dit pas grand chose tout en buvant ses quatre tasses de thé, mais il observa les jeunes gens, qui bavardaient bientôt comme de vieux amis, et les changements survenus chez son petit-fils ne lui échappèrent pas. Il y avait maintenant de la couleur, de la lumière, de la vie sur le visage du garçon, de la vivacité dans ses manières, et un franc amusement dans son rire.
« Elle a raison, cet enfant est solitaire. Je vais voir ce que ces petites filles peuvent faire pour lui, » pensa Mr. Laurence tout en regardant et en écoutant. Il aimait bien Jo, pour ses manières étranges et brusques, et elle semblait comprendre le garçon aussi bien que si elle en était un elle-même.
Si les Laurence avaient été ce que Jo appelait des gens « raides et guindés » ils ne se seraient pas entendus du tout, car les personnes de ce genre l'intimidaient et la mettaient mal à l'aise. Mais les trouvant honnêtes et simples, elle fut tout à fait elle-même, et fit bonne impression. Quand ils sortirent de table elle proposa de s'en aller, mais Laurie dit qu'il avait encore quelque chose à lui montrer et l'emmena dans les serres, qui avaient été illuminées à son intention. Cela sembla bien féérique à Jo, de se promener dans les allées, profiter des murs fleuris de chaque côté, de la douce lumière, de l'air humide et parfumé, et des merveilleuses plantes grimpantes et des arbres qui l'entouraient - tandis que son nouvel ami coupait les plus belles fleurs jusqu'à avoir les mains pleines. Puis il les lia en un bouquet, et dit, avec l'air heureux que Jo aimait tant à voir, 
« Veuillez les offrir à votre mère, s'il vous plaît, et dites-lui que j'aime beaucoup le remède qu'elle m'a envoyé. »
Ils retrouvèrent Mr. Laurence dans le grand salon, mais toute l'attention de Jo se porta sur un grand piano, qui était ouvert.
« Vous jouez ? demanda-t-elle à Laurie avec respect.
—  Parfois, répondit-il modestement.
—  Jouez quelque chose, s'il vous plaît. Je voudrais l'entendre, pour le raconter à Beth.
—  Ne voulez vous pas jouer d'abord ?
—  Je ne sais pas jouer. Je suis trop stupide pour apprendre, mais j'aime énormément la musique. »
Aussi Laurie joua et Jo écouta, le nez voluptueusement plongé dans les héliotropes et les roses thé. Son respect et sa considération pour le jeune Laurence s'accrurent considérablement, car il jouait remarquablement bien et ne prenait pas de grands airs pour autant. Elle aurait voulu que Beth puisse l'entendre, mais n'en dit rien, et lui fit compliment sur compliment jusqu'à ce qu'il ne sache plus où se mettre et que son grand-père vienne à la rescousse.
« C'est assez, c'est assez, jeune fille. Trop de cajoleries ne lui valent rien. Il ne joue pas mal, mais j'espère qu'il s'en tirera aussi bien dans des matières plus importantes. Vous partez ? Eh bien, je vous suis très reconnaissant de votre visite, et j'espère que vous reviendrez. Mes respects à votre mère. Bonne nuit, Docteur Jo. »
Il lui serra affectueusement la main, mais avec un air contrarié. Quand ils furent dans le hall, Jo demanda à Laurie si elle avait dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Il secoua la tête.
« Non, c'est à cause de moi. Il n'aime pas m'entendre jouer.
—  Pourquoi cela ?
—  Je vous le dirai un de ces jours. John va vous raccompagner, puisque je ne le peux pas.
—  Nul besoin. Je ne suis pas une dame, et ce n'est qu'à deux pas. Prenez soin de vous, voulez-vous ? 
—  Oui, mais vous reviendrez, je l'espère ?
—  Si vous me promettez de venir nous voir quand vous irez mieux.
—  Je le ferai.
—  Bonsoir Laurie !
—  Bonsoir, Jo, bonsoir ! »
Quand Jo eut raconté toutes les aventures de l'après-midi, toute la famille fut prise d'envie de visiter leurs voisins, car chacune avait trouvé quelque chose d'attirant dans la grande maison de l'autre côté de la haie. Mrs. March souhaitait parler de son père avec le vieil homme qui ne l'avait pas oublié, Meg se languissait des serres, Beth soupirait après le grand piano, et Amy avait grande envie de voir les beaux tableaux et les statues.
« Mère, pourquoi est-ce que Mr. Laurence n'aime pas que Laurie joue du piano ? demanda Jo, qui était curieuse.
—  Je ne suis pas sûre, mais je pense que c'est parce que son fils, le père de Laurie, a épousé une Italienne, une musicienne, ce qui a déplu au vieux monsieur qui est très fier. La dame était bonne et belle et talentueuse, mais il ne l'aimait pas, et il n'a jamais revu son fils après son mariage. Ils sont morts tous les deux quand Laurie était petit, et son grand-père l'a recueilli. J'ai l'impression que le garçon, qui est né en Italie, n'est pas de constitution très robuste, et que le vieil homme a peur de le perdre, c'est ce qui le rend si prudent. Laurie a un talent naturel pour la musique qu'il tient de sa mère, et je pense pouvoir dire que son grand-père craint qu'il ne veuille devenir un musicien. En tout cas, son don lui rappelle cette femme qu'il n'aimait pas, et c'est pourquoi il "faisait la tête", comme a dit Jo.
—  Mon Dieu, que c'est romantique ! s'exclama Meg.
—  C'est stupide ! dit Jo. Qu'on le laisse faire de la musique s'il en a envie, au lieu de lui gâcher l'existence en l'envoyant à l'université, alors qu'il déteste ça.
—  C'est pour cela qu'il de si beaux yeux noirs et de si jolies manières, je suppose. Les Italiens sont toujours charmants, dit Meg, qui était un peu sentimentale.
—  Qu'est-ce que tu sais de ses yeux et de ses manières ? C'est à peine si tu lui as jamais parlé, s'exclama Jo, qui n'était pas sentimentale pour deux sous.
—  Je l'ai vu à la fête, et ce que tu racontes prouve qu'il sait se tenir. C'était très joli, ce qu'il a dit sur le remède que lui a envoyé Mère.
—  Il parlait du blanc-manger, je suppose. 
—  Comme tu es bête ! Il parlait de toi, bien sûr.
—  Vraiment ? » Et Jo écarquilla les yeux comme si cela ne lui était pas seulement venu à l'esprit.
« Je n'ai jamais vu une fille comme toi ! Tu ne sais pas reconnaître quand on te complimente, » dit Meg, avec l'air d'une jeune dame qui connaissait son affaire.
« Je pense que ce ne sont que des sottises, et je te prierais de ne pas être ridicule et de ne pas me gâcher mon plaisir. Laurie est un gentil garçon et je l'aime bien, et je ne veux pas entendre parler de choses sentimentales à propos de compliments et d'autres sornettes. Nous serons toutes gentilles avec lui parce qu'il n'a pas de mère, et il pourra venir nous rendre visite, n'est-ce pas, Marmee ?
—  Oui, Jo, ton ami est le bienvenu, et j'espère que Meg se souviendra que les enfants devraient le rester aussi longtemps qu'ils le peuvent.
—  Je ne me vois plus comme une enfant, et je n'ai pas encore treize ans, observa Amy. Qu'est-ce que tu en dis, Beth ?
—  Je pensais à notre Voyage du Pèlerin, répondit Beth, qui n'avait rien écouté. À comment nous avons quitté le Marais de la Tristesse et passé le Portail en prenant la résolution d'être bonnes, et comment nous avons commencé de grimper la colline en faisant de notre mieux. Et que peut-être cette maison pleine d'objets splendides sera notre Palais Merveilleux.
—  Il nous faudra passer les lions d'abord, » dit Jo, comme si cette perspective l'enchantait.
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