#j’anticipe un peu mais pas tant que ça
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luma-az · 1 year ago
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Flirt
Défi d’écriture 30 jours pour écrire, 6 août 
Thème : papillon/chat GPT
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« C’est l’ef-fet pa-pi-llon… »
La radio passe une chanson de Benabar. C’est un chanteur que j’aime bien. Je vais le prendre pour un bon signe. J’ai besoin de toute l’aide disponible : si les dieux, les anges gardiens ou tout le folklore qui peuple les cieux décident de se mettre de mon coté, ça me va.
Je reste concentré sur mon message. Il doit être parfait. Et je sais que je suis particulièrement nul à ça. Donc j’ai fait appel à une autre aide, plus concrète. Non, pas un ami, ou plutôt un ami dans le même style que quand on dit que Google est ton ami. J’ai ouvert Chat GPT. Et je viens de passer une demi-heure à lui expliquer la situation.
« Petites causes, grandes conséquences… »
C’est que le cas est grave, et compliqué. Ma relation avec Milène pourrait être le centre de ma vie, le point culminant de mon existence. Si cette relation existait. Ce qui est délicat. Pour tout un tas de raisons que j’ai eu bien du mal à faire comprendre à l’IA. Mais ça y est, il a l’air d’avoir saisi l’enjeu. Il me dit :
Vous voulez formuler votre message de manière romantique, sans sous-entendu qui serait mal interprété. Ai-je bien compris votre requête ?
C’est le mieux que je puisse obtenir, alors je réponds oui et je lui envoie le premier jet de mon message. Quelque chose de très simple : quelques compliments et une demande pleine d’espoir de faire davantage connaissance. Il me faut simplement un petit coup de pouce pour lui donner un peu plus d’allure. Me démarquer du lot.
Chat GPT réfléchit.
« Pourtant joli comme expression… »
Il répond, et sa formulation est parfaite. Exactement ce que je voulais ! Comme si un condensé de tous les écrivains romantiques des deux derniers siècles s’était penché sur mon cas ! Non, il ne faut pas prendre le temps de réfléchir, ni d’hésiter, sinon je ne le ferai jamais : j’envoie !
« Petites causes… dégâts immenses. »
Sa réponse est immédiate. Parfaite. Elégante. Fleurie. Charmante.
Et je n’ai aucune idée de si elle dit oui ou non.
Je regarde Chat GPT sur mon écran.
Il connaitra la solution à ce problème, non ?
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toiledrone · 5 years ago
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je suis placée en ce centre précis je les observe et me demande quand est-ce qu’ils vont finir par bouger ce qui est difficile dans l’attente c’est de ne pas tomber dans l’immobilité des autres ne pas prendre autant de temps que les autres pour nous atteindre nous même dans ce texte tous les personnages me sont connus ce qui ne veut pas dire que vous les connaissez tous et je m’en excuse puisque je m’excuse déjà à chaque deux phrase lorsque je me lève pour me rendre au micro lorsque je pète silencieusement lorsque je colle ma gomme sous la table il y a une qualité je trouve à l’honnêteté totale ce qui ne veut pas dire que tout ce que je vais dire vous sera familier je suis placée en ce centre précis de l’espèce de foule et tous les visages sont reconnus une alternance de couleur ou de lumière vive qui semblent s’éteindre puisque toutes dirigées dans ma direction et tout est tellement pur c’est ça que je me dis “tout est tellement pur lorsque la lumière s’éteint” alors je leur demande de me regarder pour que tout s'assombrisse encore davantage j’aimerais que de ce point en ce centre précis on puisse comprendre le but celui de m’accorder un peu de PURETÉ et lorsque je veux crier le mot “pureté” tout le son semble trembler il est absorbé par l’obscurité que j’ai fait naître à la surface de ma peau 
je suis placée en ce centre précis et j’attend qu’ils viennent vers moi ne me demandez pas comment je sais qu’ils finiront par le faire j’ai ce drôle de don ce drôle de détail de l’observation qui m’annonce à l’avance que ma mère est arrivée et va sonner à la porte ou que quelqu’un que j’aime va me quitter je dis souvent que j’ai peur mais ce n’est pas vrai c’est juste une mauvaise habitude de langue que j’ai prise avec le temps ce que je veux vraiment dire c’est que j’anticipe avec force et que mon instinct défonce les murs de ma membrane avec de petites bottes distinguées le cuir est rouge et glissant dans la neige l’amour me quitte sans cesse par les pores c’est inspirant je trouve parler du linge être capable de ressasser les événements avec cette sorte de vibration le son semble trembler je me sors de sous la couche maigre parce que les policiers font peur à mes chats j’aimerais vous laisser savoir que même lors d’une intervention d’urgence suicide les policiers jouent le bon cop bad cop ce qui est chill puisque ça nous ramène à la routine au quotidien factuel ça nous sort de la torpeur de la mort et du cercle silencieux du mur de son tremblant la sonnette de ma porte gèle lorsqu’il fait trop froid heureusement ma tristesse n’est pas tant coloc avec l’hiver que ça finalement heureusement que le cri est encore la liberté de la porte j’ai fait le saut et lâché tout ce que j’avais dans les mains je ne parle pas de ce qui se trouve dans mes main je laisse ça aux spécialistes ils ont des outils qui fittent avec les miens à ce qu’il paraît 
la première silhouette s’est mise en branle elle se présente sur mon flanc avec une fleur mauve malgré l’intention bleue elle me dit “here I am caliss” mais la fleur n’est pas bleue et mon flanc est réparti sous ses mains comme de la crème j’aimerais lui dire de manger mon flanc bien cuit dans un bouillon chaud  il est une heure quarante six tous les écrans sont bleus il est vingt trois heures trente sur tous les écrans bleus j’étale le bleu pour la chance sur les murs de l’heure bleue de novembre “here i am en criss” comme ce loop perpétuel et les lettres manuscrites pour chaque silhouette je reçois une offrande c’est comme ça la vie tu reste immobile dans le noir en faisant le moins de bruit possible et lorsque plus personne ne peux t’offrir quoi que ce soit tu fais le premier pas et tout disparaît dans la lumière l’envie de l’écroulement ou bien tu reste immobile dans le noir et tu es tout à fait à ta place tu sais parler dans la chaleur ça c’est l’option naturelle rien de plus beau rien pas même la compréhension de la beauté tu ne comprends pas la beauté jusqu’au jour où tu en as assez eu c’est beau comme on dit c’est assez en bon québécois on dit: “c’est beau” pour dire c’est assez et c’est le genre de chose qui me travaille depuis longtemps l’ombre relâche mon flanc et s’en va se coucher dans un grand champ de fleurs bleues elle fume je la vois comme dans un coin de l’espace ça a l’air tellement relax de dormir dans ses gros ronds de fumée 
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laviedeselky · 5 years ago
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Selky te présente quelques jolies découvertes de type nouveautés (ou pas) reçues (ou achetées avec mon denier) ces derniers temps. Une fois n’est pas coutume (enfin quoi que pourquoi pas ?),  je te parlerai aujourd’hui de découvertes “mamounette friendly”. La plupart du temps, je te présente des nouveautés ou bon plans kids friendly, mais aujourd’hui on change un peu la donne. 
Selky porte la culotte
  Je languissais de me faire ma propre idée sur la question de la culotte menstruelle, ce fut chose faite.
J’ai enfin pu tester la fameuse et révolutionnaire culotte de règles FEMPO*. J’étais intriguée, impatiente et j’en attendais beaucoup pour tout te dire. Surtout pour ma Minipréado en devenir de Minimi (mais elle n’a QUE 10 ans, c’est encore un bébé on est bien d’accord)(j’anticipe de l’anticipation).
La culotte de règles kézako ? Une culotte absorbante et lavable, un poil plus épaisse qu’une culotte normale.
C’est économique, écologique et sans aucune cochonnerie dans le dedans. Alors, le crash test est plutôt super positif.
Parlons peu, parlons bien : zéro gène, zéro inconfort, zéro fuite, zéro odeur, et ça pendant plus de 8 heures.
Non non mesdames et mesdames, je n’exagère pas. (j’imagine que pour les flux plus abondants ça sera ptet un peu moins). 
C’est made in France en plous, et y’en a pour les petitsQ (dès le 34).
Punaise mais pourquoi ça n’existait pas 20 ans plus tôt cette affaire !!! Quelle révolution, je suis conquise !!!!!!!!
Il faut en avoir minimum 4 à disposition pour un bon “roulement” portage/lavage/séchage, mais l’investissement vaut le coup y’a pas l’ombre d’un doute !!!
En plus de ça, le code promo “MERCISELKY”, te permet de bénéficier de -10% sur ta première commande FEMPO !
  Selky colle
#gallery-0-6 { margin: auto; } #gallery-0-6 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 50%; } #gallery-0-6 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-0-6 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */
Pour la rentrée à venir, je n’aurai pas besoin de dégainer mon marqueur indélébile pour marquer leurs affaires….  grâce aux étiquettes personnalisées StickerKid*. Mon stock était épuisé depuis belle lurette et mon seul regret : ne pas en avoir eu pour les voyages scolaires des ptisQ…  Bref, je suis parée pour la rentrée avec ce pack complet :
des pitites étiquettes “Mini” (46×6 mm) pouvant être collées sur un peu tout : stylos, lunettes, stick à lèvre, sticks de colle….
des autocollants de taille “Moyenne”(60x18mm) avec deux lignes et petit logo sympa. Tu peux admirer le choix des ptisQ pas du tout “genré”. Ils ont la taille idéale pour le téléphone, la boîte à lunettes, la gourde…
des étiquettes arrondies (38x40mm) : celles ci aussi peuvent contenir 2 lignes de texte et un logo. A coller sur des objets plus volumineux comme une tablette, la boîte à goûter….
Le plus ? La possibilité de les personnaliser : on a choisi ensemble la couleur de l’étiquette, la police et couleur d’écriture, et même le dessin/logo pour les plus grosses ! Pratique aussi la deuxième ligne pour mettre le numéro de téléphone de la future Minipréado qui va au collèèèèègggeeeeuuuuuhh l”an prochain (outaibébéoutai). Rien à redire, ces étiquettes remplissent leur rôle à 100% et je pense qu’elle vont bien me faciliter la tâche pour la rentrée. Oui je suis une procrastinatrice du marquage de nom que se soit sur les zhabits ou objets, je fais souvent ça à la va-vite au marqueur …  En plus de ça, le code promo “Selky-sticker19“, te permet de bénéficier de -10% sur ta commande du 12 au 20 juin 2019.
Selky lit
  “Quand nos souvenirs viendront danser” de notre blogueuse-et-désormais-interplanétaire-écrivaine : j’ai nommé (m’enfin … en ai-je besoin) Virginie Grimaldi. C’est bien simple, j’ai lu tous ses livres et aucun ne m’a déçu. Je crois que celui sera dans mon top 3. Virginie a une plume merveilleuse qui m’embarque direct destination émotion sans oublier les arrêts au stand humour (que j’adore retrouver en story sur instagram quand elle se lâche) !
Anatole et toute la bande des “octogéniaux” sont des personnages déroutants autant qu’attachants.  Leur histoire rocambolesque est une véritable ode au temps qui passe, trop vite…. Une ode à l’amouuuuuuuuuuur aussi, mais surtout à la vie.  J’ai souri, j’ai gloussé, j’ai insomnisé pour vite continuer, j’ai reniflé, j’ai remonté le fil de mes souvenirs, j’en ai rappelé d’autres, j’ai imaginé beaucoup, j’ai chouiné pas mal aussi oui.  C’est tendre, drôle, touchant, profond, humain, émouvant, tellement drôle parfois, rythmé, savoureux, pétillant, frais, vrai, sincère, bouleversant, émotionnant (oui oui), vivant. 
C’est plein de secrets, de souvenirs, de non-dits, de trop-dits, de retrouvailles, d’Amour, de résilience, de pardon, de convictions, de rêves, d’envie, et de vie ! J’ai voyagé dans la rue des Fushias de mon Papi et ma Manine, j’ai pensé à eux, j’ai eu plus que les larmes aux yeux. Bien plus qu’un bon moment de lecture, il nous laisse à penser. Aux nôtres. Au temps. A nos amours. A nos (em)merdes de vie. A la vie.  Merci Virginie. Pour ses bons moments. A vite pour le prochain.  Mais avant… Prends soin de VOUS, tu le mérites tant. 
  Pour de la transparence bloguesque : les produits marqués avec une *  m’ont été offerts.
Selky te présente de la découverte mamounette friendly S19E06 Selky te présente quelques jolies découvertes de type nouveautés (ou pas) reçues (ou achetées avec mon denier) ces derniers temps.
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altitude-times · 5 years ago
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Découvrir le monde à la rough - Entrevue avez Patrick Zielinski
Salut Pat, merci de participer au prochain numéro du Altitude Times! Je sais que tu as beaucoup d’expérience en tout ce qui a trait aux longues, TRÈS LONGUES, randonnées. Pourrais-tu nous dire quelles trails tu as fait jusqu’à présent? (Il me semble que tu as marché Appalachian Trail, Pacific Crest Trail et j’en oublie sûrement d’autres… )
Ça fait plaisir, j’ai bien aimé tes dernières entrevues. C’est sympathique d’apprendre à connaître les intérêts et passions des gens au-delà du cadre du travail.
En lisant la question j’étais indécis, car oui j’ai bien de l’expérience concrète, mais j’ai toujours quitté sur des coups de tête à l’improviste. J’étais inspiré par le livre ‘Roughing It’ de Mark Twain. Bref, je sentais cette envie de partir à l’arrache avec mon sac à dos en main. Je suis donc loin d’être un expert formé en la matière!
Avant de quitter pour la Pacific Crest Trail (PCT) j’ai fais une cinquantaine de randonnées dans différents pays, variant d’un jour à quatre jours.
Peu de temps après l’obtention de mon diplôme, je travaillais depuis quelques mois, mais je sentais le besoin de partir. J’ai donc décidé de tout laisser et tenté une ‘thru-hike’. Une ‘thru-hike’ c’est l’enchaînement de plusieurs sections d’une randonnée pédestre en continu, complétée en une année. La PCT me semblait appropriée, elle passait par plusieurs écosystèmes, et j’avais envie de visiter l’ouest Américain.
Je suis arrivé au mur érigé entre les État-Unis et le Mexique et j’ai commencé à marcher vers le Canada. J’ai fais un peu plus de 100 jours en continu (avec des arrêts dans les petites villes pour me réapprovisionner). C’est environ 2700 kilomètres de marche. En arrivant à la bordure de la Californie avec l’Oregon, j’étais en mauvais état pour continuer. Au lieu de trébucher sur des  roches, c’est mon ego qui m’a fait une jambette et j’ai abandonné l’aventure.
Deux semaines après la PCT, écrasé sur un canapé chez ma tante à Vancouver, j’ai décidé d’aller faire un circuit sur l’île de Shikoku au Japon. J’avais besoin de me changer les idées. C’est environ 1200 kilomètres de circuit. J’ai fait 80% du circuit avant de frapper ce qu’on appelle le ‘hiker wall’; j’ai abandonné encore une fois après 30 jours.
En gros c’est ça.
Quels sont tes futurs défis? As-tu déjà prévu entreprendre d’autres périples du même genre? Si oui lesquels, et où?
Je me prépare pour une traversée de l’état de Washington dans quelques semaines. J’anticipe marcher dans les montagnes pendant trois semaines, peut-être quatre.
Mais je sais déjà que d’ici 2-3 ans je vais être de retour sur la PCT pour une deuxième tentative.
Et je veux retourner au Japon pour refaire le fameux circuit. J’ai l’impression que je dois terminer ce que j’ai entamé. Je suis plutôt acharné de ce point de vue là. Au Japon, ils m'ont dit que ce n'était pas très bon pour mon Karma, de pas boucler la boucle aussi… Hahaha. Ça me suffit comme raison pour y retourner! Je vais m’arrêter là pour l’instant… Juste à y penser, ça me fatigue. Hahaha.
Dis-moi, comment t’as fait pour te préparer pour le Pacific Crest Trail (PCT)? Physiquement et mentalement.
Comme j’ai dit tantôt, j’ai pas eu de préparation spécifiquement pour la PCT. Je me souviens avoir rempli un sac d’équipement, d’avoir marché 10 minutes jusqu’au coin de la rue et de m'être dit avec enthousiasme: “Bon bien je suis prêt!”. J'sais pas si vous connaissez le proverbe suivant:
Failing to prepare is preparing to fail. - Benjamin “Ye Lord” Franklin.
Et donc je suis arrivé à San Diego avec un ***** de gros sac à dos et aucune idée de ce qui allait suivre. Je n'ai vraiment pas été très intelligent dans ma démarche et j’ai payé le prix fort pour mon ignorance.
En ce qui concerne le mental, beaucoup de gens sur la PCT vous diront que le mental, c’est 70% de la bataille. Il faut absolument trouver son ‘POURQUOI?’ avant de partir. Car quand il pleut, qu’on a les pieds mouillés depuis plusieurs jours, on a faim, qu’on est sale et misérable, il sera temps de se rappeler ce qu’on est bien venu faire ici!
Quels étaient tes basics? Ton sac de rando, tes souliers, etc. Serais-tu capable de me faire un top 10?
Hmm, top 5? :)
Les souliers Altra’s avec des semelles super feet c’était mon bread and butter. C’est bon pour 1000 kilomètres, après il faut changer sinon on peut se mériter des fractures. Les souliers sèches vite, j’ai eu pitié des gens qui ont affronté la neige des Sierras avec des bottes en gore-tex qui prenaient des heures à sécher. Les Altras ont aussi des sangles pour attacher des ‘gaiters’. Très utile dans le désert pour éviter que du sable pénètre par le haut des souliers. Le filtre à eau gros format de Sawyer. Il est bon pour tout le voyage. Vous pourrez même boire l’eau qui proviendrait d’une flaque de boue dans le désert avec une paille!
Une lampe frontale, à un moment, j’ai perdu la mienne et j'ai dû utiliser mon cellulaire pour naviguer la nuit. C’était loin d’être le luxe. Des bâtons de randonnée, beaucoup de gens aiment les Leki. Le Z-lite de Therm-a-Rest c’était mon lit. J’ai pas super bien dormi, mais au moins vous êtes certains de ne pas avoir de problème avec un matelas percé, et durant vos pauses, c’est mieux qu’être assis à même le sol. Très durable. J’en ai même fait des pantoufles avec du tape! 
Bonus Pour éviter à 100% les ampoules aux pieds: Enfilez une paire de bas Injiji et par dessus des Darn Tough. Aussi, achetez toujours une pointure un peu plus grande, parce que les pieds ont tendance à gonfler.
Si tu pouvais donner des conseils à toi-même PRÉ randonnée, ce serait quoi? (Dans la même veine que, talking to your young self à 16 ans disons… )
Bonne question!
Jette pas ta map en papier et ta boussole. Même si t'as un téléphone, un GPS ou un tracker satellite… ne dépend pas d'appareil électroniques pour ton voyage.
Aussi, le motto ‘Hike your own hike’ est indispensable. Ne te compare pas à personne et surtout, prends ton temps sapristi!
Et finalement, il faut croire au pouvoir du groupe. Quand ça va mal, tu pourras compter sur tes camarades.
Quelles sont tes ‘’recettes’’ on-the-go, vite fait, pas cher, pas nécessairement tasty. Sur le sentier, on mange pour le fuel, pas pour le côté épicurien de la chose, j’en suis consciente. Perso je pense que j’irais avec beaucoup de riz, avoine, et du beloved jerky. Des basics, rien de fancy.
Tu as raison. Mais je sais aussi que beaucoup de ‘thru-hiker’ après leurs périples (selon les sondages post thru-hike) disent qu’ils auraient aimé s’alimenter mieux. La mode de mélanger du Nutella avec des M&M’S et de la crème fouettée dans un wrap ça va une ou deux fois, mais à long terme ce n’est pas une stratégie rentable.
Ark, ça me lève le cœur... Vivement la simplicité, j'suis clairement Team Gruau & Pastas.
C’est pas tout le monde qui aime ça, mais le gruau, c’est effectivement vraiment pratique. On peut le faire à plein de sauces différentes et c’est pas cher, c’est compact, c’est plein de fibre, c’est facile… etc.
Sinon, mon style c’était d’avoir 2-3 bananes, un avocat et du thon en sachet scellé avec de l’huile d’olive. C’est un peu lourd, mais après ma phase Pop-Tarts pour déjeuner et patates déshydratées pour le lunch, j’ai eu ma dose!!! Il faut se récompenser!
Aurais-tu une anecdote à partager. Aweiiiiille donc! Si tu en as plus qu’une, lâches-toi lousse.
Un jour j’étais fatigué et sale (un thème qui reviendra souvent haha!). J’arrivais à une zone plane parfaite pour dormir, située à côté d’une rivière (C’est du gros luxe en Californie, just saying). C’était l’endroit parfait pour m’arrêter et prendre un bain nature. J’ai érigé ma tente à une cinquantaine de mètres de la rivière et j’ai tout laissé dans celle-ci. J’étais tout nu avec une bouteille de shampoing en main, prêt pour une baignade. Je prends mon bain relax, tout va bien. J’aperçois d’autres randonneurs nus de l’autre côté et on se salue fièrement.
Après mon bain, je reprends le chemin vers ma tente, mais je m’égare (bien sûr, fallait que ça arrive!). Je suis maintenant dans une forêt boisée sans soulier et complètement nu. Je me dis que je peux retourner à la rivière pour reprendre le chemin de la PCT... au pire. Et c’est là, en tournant pour reprendre le chemin de la rivière que j’arrive face à face avec un serpent vert fluo. La bouche ouverte, ses crochets étaient exposés et gigantesques. Soudainement, je transpire beaucoup et mon coeur semble vouloir sortir de ma poitrine, c'est la panique. J'me dis: “Oh fu*k, t’es sérieux?”. Je recule tranquillement, pas à pas sans lui tourner le dos et je réussis à m’évader (qui plus est à retrouver ma tente, fiou!), mais je n’oublierais pas cette rencontre et le bruit effrayant sortant de la gueule de ce serpent.
Il y a d’autres anecdotes bien sûr, mais bon, ça finirait plus!
Je m'en doute! On s'en reparlera au camping Altitudien, autour du feu de camp... ;)
Tu voyages seul n’est-ce pas, de manière générale? Pourquoi as-tu choisi d’entreprendre de tels projets sans être accompagné?
En fait j’ai eu des amis qui m'ont rejoint pour m’accompagner quelques jours, et c’était parfait comme ça.
J’ai tendance à prendre des risques, bien souvent je peux tolérer plus d'imprévus que la moyenne des gens et je n’aime pas l’idée d’entraîner les autres dans mes aventures. Je ne vais pas non plus tenter de convaincre des amis, ils ont leurs rêves, moi j’ai les miens.
De toute façon, on est jamais vraiment seul. Éric Lapointe le dit dans sa chanson Terre Promise:
Poussé par le vent, Partout où la route te mène, Quelqu'un t'attend
Quand on part tout seul, c’est parce qu'on le veut vraiment, et on fera nécessairement de très belles rencontres avec cette vision-là.
Tu pratiques la méditation de manière assidue si je ne me trompe pas. Ayant même créé un groupe et un horaire ici-même au bureau pour une soft practice. Depuis quand cela fait-il partie de ton quotidien et comment as-tu découvert la méditation?
J’avais de la difficulté à comprendre pourquoi j’étais anxieux, fatigué le matin, j’étais incapable de me concentrer et j’avais souvent des migraines. J’ai vraiment eu l’impression que l’école a oublié de m’apprendre “comment vivre”. C’est-à-dire, avoir un cadre qui donne une direction à ma vie, comment faire de bons choix et savoir comment gérer des situations de vie particulières.
Ainsi, je lisais des livres de psychologie et des traités de philosophes grecs. J’ai testé plein de choses, des modes de vie, des diètes et des techniques de relaxation. Ça marchait temporairement, mais je cherchais un changement définitif. Je peux me rappeler de citations de grands penseurs, mais ces gens-là ont vécu pour comprendre. Ce qui veut dire que c’était pas très utile pour moi, bien trop théorique. Cependant, j’imagine qu’il fallait passer par là.
La méditation ça semblait être une activité très différente, très appliquée. J’ai lu un livre intitulé The Method Of Zen en 2014. Et j’ai absolument rien compris! x-) 
...
J’avais quand même décidé de pratiquer, tout d'abord par tranches de cinq minutes, des fois pas du tout. Mais quelque chose d’étrange est arrivé après quelques années suite à la pratique et maintenant la méditation pour moi c’est comme manger ou dormir. C'est un besoin essentiel.
Est-ce que tu as des recommandations musicales pour accompagner nos séances introspectives?
Plutôt, j’invite les gens à être confortable dans un vrai silence. On s’arrête pour mieux reprendre... L’idée c’est de ne pas substituer l’expérience de baigner dans ‘ce qui est’; rien de moins.
Je vois, dans le fond, c'est de ne pas enterrer notre p'tite voix intérieure avec le bourdonnement de la musique, aussi relax max soit-elle... Qu’est-ce que ça t’apporte, as-tu remarqué des changements chez toi depuis que tu pratiques la méditation? As-tu des mentors? Des bonnes chaînes Youtube pour ceux/celles qui voudraient s’inspirer? As-tu des bonnes adresses à Montréal pour le yoga ou la méditation? Si oui, voudrais-tu nous en faire part?
J’avais des objectifs au début, mais à force de s’asseoir avec soi-même on s’oublie, c’est franchement étrange. Voici un passage Zen qui décrit l’expérience:
Au début, les montagnes sont des montagnes et les rivières sont des rivières; plus tard, les montagnes ne sont pas des montagnes et les rivières ne sont pas des rivières; et encore plus tard, les montagnes sont des montagnes et les rivières sont des rivières.
Autrement, je pratique au dojo de la lumière silencieuse sur Gilford proche de la station Laurier. Dans ce dojo, il y a beaucoup de membres qui pratiquent depuis 30, 40 et même 50 ans. C’est pas facile d’accorder du temps à la pratique au dojo, mais c’est une très belle communauté, une famille en quelque sorte pour moi. Surtout, tu viens quand tu le veux, quand tu le sens. J’aime pas les dogmes.
Mokusho Zen Dojo - 982, rue Gilford https://www.dojozen.net/
Mais vraiment, je pense que de s’accorder 5 minutes dans la journée c’est déjà excellent. Sinon pour le Yoga, ça vaut la peine d’essayer les forfaits d’essai un peu partout pour trouver un endroit qui nous plaît.
Personnellement, j'adore le Moksha sur St-Laurent, mais on parle de bikram yoga, ce n'est pas pour tout le monde.
Autre chose que tu voudrais partager avec la Team Altitude?
Un petit dicton Zen que j’aime bien:
Aujourd’hui, mais quel beau jour!
Première semaine: 10 ampoules, un ongle incarné et une éruption cutanée aux pieds. J’ai marché comme ça pendant 2 mois. Je me suis présenté dans un petit hôpital à un moment et le médecin a dit “Dude, are you for real, don't show this to me”.
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aspargusplumosus · 6 years ago
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Retards et grognements
L’une des responsabilité de l’Encadrant-e technique pédagogique et social-e (ETPS) est le bon déroulement de ses chantiers, notamment en terme de temps.
Par exemple pour que le temps devisé ne soit pas trop dépassé et pour que les horaires de chacun soient respectées. En effet, les heures supplémentaires ne sont pas pratiquées, cela serait trop compliqué à financer, avec les subventions etc. Puisque nous exigeons des salariés polyvalents qu’ils soient ponctuels pour le début du travail, ceux-ci comptent sur nous (moi) pour que nous rentrions à l’heure.
Cette semaine, nous travaillons sur une taille de haie, dans un grand jardin, avec des haies de plus de 3m de haut et plus de 2m de large, un client caractériel... bref un “gros chantier”.
Le premier jour, je calcule un peu juste le temps qu’il nous faut pour déposer les “produit de coupe” à la déchetterie puis rentrer, nous sommes en retard de 10 minutes.
Le lendemain, je donne l’ordre du départ à temps mais mon assistant de chantier et les autres salariés ne semblent pas pressés de monter dans le camion... nous partons en retard et arrivons 5 min après l’heure.
Le troisième jour, j’anticipe un départ rapide, mais la circulation est perturbée par les manifestations et les blocages de station service : nous sommes à nouveau en retard de quelques minutes.
Ce jour là, on me rapporte que des salariés d’autres équipes ont grogné contre cette mauvaise habitude et ce défaut que j’ai... Ils ont bavé derrière mon dos, espérant que je sois sanctionnée pour ça... Il y a un peu de passif et donc de vengeance entre nous, sans nulle doute.
Tout d’abord la colère et la vexation : c’est vrai je ne suis pas un modèle de ponctualité, mais qui n’a pas de défaut ? Et qui sont-ils pour me juger ? Quelle lâcheté, récriminer dans mon dos, alors qu’ils ont fait bonne figure, se sont confiés, ont rigolé avec moi les jours précédents...
Mais ces émotions normales passées, je comprends : on n’aime jamais celui qui nous fait changer, quand ces changements sont inconfortables et difficiles. Et surtout sur le moment. Qui ne râle pas contre son médecin qui nous demande d’arrêter de fumer ? De ralentir sur les frites ? Et pourtant on retourne le voir, on l’écoute, parce qu’au fond on lui est reconnaissant de nous amener vers la santé.
Cela peut paraitre prétentieux de voir cela comme ça, nous ne sommes pas des sauveurs, loin de là. Mais nous tentons tant bien que mal de les amener vers une place qui pourrait être la leur dans cette société de production et de consommation. Si cela passe par un mieux-être tant mieux, nous nous y efforçons. Parfois cela demande des remises en questions douloureuses : “non, tu n’es plus capable d’exercer ton métier” ; “Oui tu as un handicap, il te faudra vivre avec, mais ce n’est pas la fin de tout rêve heureux”...
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tcrouzet · 6 years ago
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Carnet de route - Septembre 2018
Initialement publié sur tcrouzet.com
Samedi 1er, Weston
Première sortie Gravel sur la levee (la digue) qui limite les Everglades. Possibilité de rouler durant des heures, tout droit, sans rien de spécial à voir à part quelques volatiles et quelques pêcheurs à la ligne, certains perchés sur des bateaux à fond plat.
Une Levee
Mon gravel bike
Promenade à Miami Beach où nous découvrons Lincoln avenue, que je surnomme aussitôt les Ramblas de Miami, tout ça en me disant que je ne me sens pas trop mal, mais que je préférerais être à Barcelone. Rue piétonne avec ses fontaines, ses boutiques, ses cafés, ses terrasse, sa librairie remplie de belles éditions. La rue se termine sur l’océan à la plage festonnée d’algues rouges. Quand nous lui tournons le dos, des immeubles nous dominent sans nous oppresser, mes yeux s’amusent de ce spectacle en allover. Revenir plus tard dans la saison, traîner là, écrire.
Miami Beach
Miami Beach
Miami Beach
Miami Beach
Dimanche 2, Weston
Journée pyjama. Le soleil va se coucher et je n’ai pas enfilé mon short. Faut dire qu’ici entre le caleçon et le short, ça ne fait pas trop de différence. Reste que je n’ai pas encore mis les pieds dehors, sauf dans le jardin où j’écris maintenant. Il a plu toute la matinée et une partie de l’après-midi. Nous avons fait le ménage, j’ai publié mon journal d’août, j’ai préparé une balade à vélo pour demain, j’ai lu des choses sur Miami, ouvert des pistes de sorties et le temps a filé. Ces journées me laissent un mauvais goût en bouche, parce que je n’ai pas ri aux éclats, parce que je n’ai rien appris, rien vu de neuf. Et voilà que de gros nuages arrivent à nouveau de l’océan.
Mon MacBook Pro 2018 est une véritable friteuse. Il me crame les jambes. Pourtant je ne peux pas accuser la canicule, aujourd’hui. Un petit vent, je suis à l’ombre d’un quassia (sorte d’acacia, mais avec un tronc type ficus géant), il ne fait pas plus de 26/27°, tout devrait aller bien, mais non, Apple se fiche de moi, d’autant que la machine à tendance à planter, peu-être à cause de la surchauffe, beaucoup d’utilisateurs se plaignent. Pendant ce temps, pour survivre, je dois pratiquer à haute de dose des exercices d’orthoptie. L’écran est juste suffisamment différent de ceux des anciens Mac pour que mon hypersensibilité me punisse.
« Lève-toi, vite, me crie Isa. Un alligator. » Je me fiche d’elle, puis je vois la bestiole me jeter un coup d’œil envieux. Il paraît que ces monstres bouffent dix humains par an en Floride. Dernièrement, une femme se promenait, quand un de ces lézards s’est attaqué à son chien. Elle a voulu défendre son toutou et c’est elle qui s’est fait bouffer. On a retrouvé un de ses bras dans le ventre de l’alligator. Le reste du corps avait disparu. Le chien, lui, a survécu.
Lundi 3, Weston
Pluie torrentielle avec risque d’inondation. Coincé dans notre banlieue en ce jour férié. C’est le Labor Day, notre premier mai.
Erika Fülöp se demande « Est-on suffisamment conscient que “écrit” est une anagramme de “récit” – et vice versa…? » La réponse est de toute évidence non pour beaucoup de littéraires. Ils écrivent sans raconter, puis s’étonnent ne ne pas être lus. Ils ont cette idée que l’écriture pure peut provoquer des émotions. Je crois que c’est un fantasme bien confortable, auquel j’ai parfois succombé, un fantasme puissant durant la seconde moitié du XXe siècle, transformant en dinosaures mes contemporains qui s’en revendiquent encore.
Lisa Cron théorise que toute histoire à un personnage principal, même les histoires avec des points de vue multiples. Avec One Minute, j’ai voulu faire exploser ce dogme, démultiplier les points de vue jusqu’à l’infini. Mais finalement, Sara Cash est mon héroïne, celle autour de qui les 365 autres personnages tournent.
Quand je vivais à Paris, je me suis toujours revendiqué Parisien. Je n’ai jamais envisagé de vivre au-delà du périphérique, parce que je ne comprenais pas cette zone périurbaine et ne m’y sentais pas bien. Je disais soit je vis au centre de Paris, soit loin dans le Midi. L’entre deux ne m’a jamais attiré, peut-être parce ce qu’il n’est qu’un compromis entre proximité et pouvoir d’achat. Oui, les compromis ne sont pas mon truc. Me voilà pourtant dans la banlieue de Miami, dans une périphérie-dortoir, avec absolument rien à faire sinon graviter avec une voiture vers le centre.
Depuis où j'écris
Mardi 4, Weston
GPS accroché à la potence du gravel, je fonce vers l’océan, à 35 km de la maison. Je connais le départ pour l’avoir emprunté samedi, je rejoins une piste cyclable qui longe un canal, lui-même longeant une autoroute à huit voies, donc je ne m’entends pas respirer, mais des arbres me protègent assez souvent de la vue bétonnée. Ce n’est pas désagréable. Je ne vais pas dire que c’est le pied, loin de là. Les choses se compliquent quand la piste s’arrête et traverse des routes, souvent des quatre voies. C’est assez flippant, parce qu’ici même aux feus rouges les véhicules peuvent tourner. J’hésite parfois, longe l’aéroport de Fort Lauderdale qui empeste le kérosène, me retrouve sur de petites routes sans piste cyclable et rejoins une belle plage, avec de belles vagues et de magnifiques guérites où des surfeurs se font passer pour des sauveteurs. Retour par un autre chemin moins stressant, mais tout aussi rectiligne. Il y a plus fun pour pédaler. Résultat 77 km parcourus pour 86 mètres de dénivelé, le retour dans mes garrigues me fera mal aux jambes.
À vélo
À vélo
Dania Beach
Dania Beach
Dania Beach
Mercredi 5, Weston
J’ai une veille idée de roman, qui vient, repart, une idée que m’a donné Tim alors qu’il devait avoir sept ou huit ans. Tout en lisant Story Genius, j’applique les conseils de Lisa Cron, j’invente le passé d’un héros, j’imagine le jour où il a fait fausse route, je me demande ce que cette histoire voudrait montrer et quel serait le « Si alors » qui la lancerait. Il me semble que beaucoup d’adeptes des ateliers d’écriture devraient lire ce livre au lieu de se complaire dans des exercices de style qui les éloignent de la narration, l’art le plus difficile, celui de savoir tenir un lecteur. Maintenant, comme tous les conseils d’écriture, il faut les entendre, jouer avec, puis les jeter au loin avant de se mettre au travail.
Jeudi 6, Weston
Un ami est en train de mourir, son cerveau dévoré. Il n’est plus lui même, pratiquement réduit à l’état de bête. Ça pose la question de la transmigration. Mon ami a-t-il déjà quitté son corps ? Ou est-ce l’animal en lui qui ressuscitera ? Où est-ce que mon ami existe encore quelque part, réfugié dans un coin de son cerveau réduit en bouillie par la tumeur ? Je suppose que les croyants ont une explication, moi je n’en ai aucune. Certaines maladies externalisent la mort, elles montrent comment, peu à peu, insidieusement, on ne devient plus rien.
Ne croyez pas que j’admire Lisa Cron. Ses conseils sont souvent caricaturaux. Si tous les écrivains suivaient ses directives, nous autres lecteurs nous emmerderions. Je suis dans un chapitre où elle prétend que tout est lié par des causes et des effets, dans la vie, et dans les romans. C’est mal connaître la vie, c’est nier le hasard, c’est nier à Vers le phare de Virgina Woolf le titre de chef-d’œuvre. Il faut prendre les conseils de Lisa Cron comme des contraintes possibles pour un atelier d’écriture qui aurait pour fonction de mettre, pour un moment, le récit au centre du travail de l’auteur.
Je lis en parallèle un roman débilitant : Signe de vie, parce qu’il est question de contact ET, parce que le sujet m’intéresse toujours, parce que Jos dos Santos écrit des best-sellers et que c’est un mystère pour moi, tant ses bouquins se réduisent à de longs dialogues qui ressemblent à de mauvais cours universitaires, destinés à démontrer l’existence d’une intentionnalité divine, à l’aide d’arguments biaisés, de mensonges et d’omissions. La malhonnête intellectuelle me rend dingue.
Everglades
Everglades
Vendredi 7, Weston
Hier soir, je regarde un reportage sur Picasso. Dès que je croise ses œuvres, leur foisonnement, j’ai envie de travailler. C’est un parfait antidote au découragement.
Ce matin, je me réveille en découvrant la liste des quinze titres sélectionnés pour le Goncourt, quatorze éditeurs majeurs et un petit pour ne pas faire mauvaise figure. Cette mascarade marketing est douloureuse parce que j’anticipe l’année prochaine. Je n’aurais pas d’espoir, juste la douleur de ne pas exister.
Pourquoi alors publier des livres ? Parce que cette forme longue et linéaire me convient, parce qu’elle me repose du Net, parce que le Net ne me nourrit plus, parce que j’aime travailler avec d’autres et que sur le Net nous sommes encore plus seuls que dans l’édition traditionnelle, chacun dressant autour de lui un nuage de mensonges qu’il est interdit de dénoncer.
Le pendant des fake news, c’est la malhonnêteté intellectuelle.
« Il n’a plus les commandes de son cerveau », dit la femme de mon ami mourant. Ce « Il » existerait donc hors du corps, c’est la solution magique, celle de l’esprit platonicien. Un « Il » impuissant là où moi je vois un « Il » qui se désagrège dans une tourmente émotionnelle.
Déjà, je ne vois plus Weston. Je roule, je lis, je m’enferme peu à peu dans une bulle qui pourrait être là ou ailleurs, ce qui, en soi, est dramatique. Je suis un auteur du lieu, nourri par les pierres et le vent, par les arbres et les vagues. En me transportant en Floride, je me suis débranché de ma source d’énergie. J’ai beau chercher, je ne trouve pas de nouvelle prise où me connecter.
D’après Lisa Cron, nous lirions des histoires pour vivre ce dont nous avons peur de vivre dans nos vies, le changement. Je suis donc en pleine histoire en Floride, parce que je n’ai jamais eu envie de vivre à l’étranger plus longtemps que quelques semaines (et dire que j’ai déjà passé quatre ans à Londres). Si donc dans nos vies, souvent, rien ne change, les histoires commencent presque toujours par un changement qui survient dans la vie d’un protagoniste.
Dans Résistants, Kat découvre qu’elle ne meurt pas contrairement aux autres passagers du yacht où elle travaille pour l’été. Dans L’homme qui ne comprenait pas les femmes, Ben le fidèle décide de tromper sa femme. Ératosthène, lui, décide de quitter la Cynérnaïque pour changer le monde. Dans le livre sur mon père, je décide d’étudier sa vie, de la comprendre, pour enfin ouvrir sa lettre testament que sinon je ne lirais jamais. Toutes mes histoires aussi commencent par un changement.
Je me pleins de la Floride pourtant je sais que rétrospectivement ce séjour prendra dans ma mémoire une place disproportionnée, comme mes voyages, même celui en Islande. Parce que l’Islande est si différente de ce que j’aime, j’éprouve parfois le désir d’y retourner, surtout quand comme ici la chaleur m’accable. Ce qui compte peut-être n’est pas tant ce que nous vivons que ce qui reste en nous après. Voilà pourquoi l’exercice du journal est trompeur. Il fait la part belle à l’instant contrairement à la fiction qui creuse en nous.
L’évolution nous a câblé pour affronter les dangers immédiats, voilà pourquoi nous sommes incapables de voir plus loin que le bout de notre nez, sauf grâce à un excès de rationalité, tare guère répandue.
Pourquoi les constantes physiques sont-elles finement réglées pour que la vie apparaisse ? La seule explication que j’ai jamais lue est celle du multivers, une multitude d’univers qui explorent toutes les possibilités, et si, au contraire, l’univers était un espèce d’être vivant, donc subissait l’évolution, il conserverait les structures les plus complexes à chacune de ses itérations ? Cette idée me vient alors que je lis qu’il subsiste peut-être des trous noirs datant d’avant le big-bang, ou du moins leurs vestiges.
Samedi 8, Weston
Hier soir, dîner avec des Français Westoniens depuis dix ans, Américains depuis vingt. « Au début on déteste la vie ici, puis on s’y habitue tant qu’il est difficile d’imaginer vivre ailleurs. » Moi, je doute d’en arriver là. Au moins, un début de socialisation. Demain, j’ai prévu d’aller rouler avec un club local. Il paraît que le vélo, c’est le nouveau golf ici. Tu fais du vélo pour te faire des relations business, voilà pourquoi tout le monde roule avec des monstres à dix ou quinze mille dollars. J’aurai l’air ridicule avec mon gravel déjà hors de prix.
Ballade hebdomadaire à Miami. Petit tour à Little Havana, un quartier débraillé où seuls les joueurs de dominos paraissent à leur place. Puis longue promenade lumineuse dans Wynwood, le quartier où des fresques pop couvrent le moindre mur, un véritable électrochoc esthétique après trois semaines végétatives. De l’énergie en barre, des cadrages fabuleux, des mises en perspective saisissantes. C’est comme entrer dans un manga ou dans un jeu vidéo. Des rues à explorer durant des heures, des cafés où se poser pour écrire. Un seul bémol, tout au fond de l’exposition Wynwood Walls, une galerie où les œuvres des artistes sont exposées à l’ancienne, dans des cadres, et ça ne tient plus, ça ne marche pas. Sur les murs, les images vont à la coupe, arrêtées par le béton des trottoirs et le ciel, traversées par les arbres, les passants, les voitures. Elles sont vivantes, mais cadrées, édifiées, elles s’effondrent, parce que leur place est dans la vie. Un air de Camden Town, avec même un marché où acheter de la junk food et des limonades.
Little Havana
Little Havana
Joueurs de dominos
Miami Downtown
Miami Downtown
Wynwood
Wynwood
Wynwood
Wynwood
Wynwood
Wynwood
Wynwood
Wynwood
Wynwood
Wynwood
Dimanche 9, Weston
En Floride, ils ont une conception du vélo différente de la nôtre. On se retrouve à sept au départ ce matin, trois VTT, quatre gravel, six mecs, une nana. Objectif 72 km sur la levee qui borde les Everglades. On se met en file indienne, moi, en deuxième derrière JP, un grandas que je sais être un gros rouleur grâce à Strava. Il monte la sauce à 28 km/h et me donne le relais après trois bornes, je continue sur le même rythme jusqu’à la fin de mon relais de trois bornes également. Quand je passe à l’arrière, je constate qu’on est plus que cinq, la nana et son copain éjectés, mais on ne ralentit pas. Au contraire, ça accélère, le quatrième mec nous fait un relais de dix bornes à 35 km/h (j’apprendrai à la fin que c’est un ancien pro). Je commence à serrer méchamment les dents. Après mon deuxième relais, je suis cuit. Déjà trente bornes avalées et on n’est plus que trois. On saute une barrière, attend deux des retardataires, l’un jette l’éponge, l’autre reste avec nous. On fait une boucle botanique et zoologique avec commentaires, plutôt cool, on roule calmement, on discute un peu. On se ravitaille. Puis chemin inverse, mais avec une belle brise dans le nez. On roule à 28 km/h. Très vite je me retrouve seul avec JP, que je force à ralentir à 25 km/h, incapable que je suis de prendre les relais. Les deux autres ont craqué, l’ancien pro ne roule plus beaucoup et il s’est grillé lui-même. Tout ça sous 35°, 80 % d’humidité. J’ai terminé lessivé avec 85 km au compteur. Et aussi un conseil, ne jamais rouler seul sur la route, même sur les pistes cyclables. Deux copains cyclistes de JP, des Westoniens, sont morts cette année, renversés par des voitures. Comme JP habite tout à côté de chez nous, il m’a ramené, ne roulant que sur les trottoirs. Je sens que je vais me restreindre aux aller-retour débilitants sur les digues. Au moins, j’ai trouvé des copains d’infortune.
Manifeste pour une littérature de rue : quel serait l’équivalent littéraire du street art ? Comment créer par les mots des sensations aussi puissantes que celles que j’ai ressenties hier à Wynwood ? Un temps, j’ai comparé l’art du blog au street art, une façon de taguer les murs du Net, avec la possibilité de taguer les murs de sa maison, son blog, mais aussi ceux des autres maisons, en postant des commentaires, une façon aussi de peindre les lieux publics, les réseaux sociaux, en les détournant de leur usage. Par exemple, transformer Twitter en plateforme d’écriture et de publication. Cette conception me paraît insuffisante (et écrire sur les murs des villes à côté de la plaque).
Lundi 10, Weston
Sur les murs de Wynwood, la figuration domine, et de fait la narration. Conséquence : la littérature de rue doit être narrative, elle doit dire quelque chose et non pas exprimer des émotions ressenties, comme il est tentant de le faire, mais donner une chance à ces émotions de naître chez le lecteur.
C’est toujours un coup de poing que ces fresques murales nous envoient. Et ça, c’est une particularité des images, surtout quand elles nous écrasent par leur taille. Le texte, lui, a besoin du temps, il se déroule.
Les street artistes ne s’interdisent aucun support. Au 2199, NW 1st Place, ils s’attaquent aux silos d’une cimenterie. Un peu plus loin, ils peignent des poteaux électriques. La littérature de rue ne doit s’enfermer dans aucun support : le livre, le blog… En revanche, elle doit avoir une forme reconnaissable, quel que soit le support, quel que soit le format.
Wynwood, 2016
En 2016, les silos n’étaient pas encore peints. Dans quelques mois, ils seront démontés. L’art de la rue est éphémère, du moins in situ, car rien n’empêche de le capturer et de le représenter ailleurs, par exemple avec une photo, mais en perdant au passage l’essentiel de sa puissante. Ça me fait penser à la littérature interactive que j’ai pratiquée sur Twitter. Il fallait la lire au moment où elle était produite, dans les fameuses rues du Net à l’époque où elles bouillonnaient de vie.
Il y a aussi ce constat : la peinture de rue ne supporte pas l’encadrement, la sacralisation. Peut-être c’est ce que nous faisons avec la littérature quand nous la dispersons en ligne, sans couverture, sans titre.
Toutes ces constatations, toutes ces injonctions, ne m’aident pas à savoir ce que pourrait être cette littérature de rue. Mais la question engendrera peut-être des réponses. Il s’agirait d’adapter l’énergie du street art à la littérature, en reprenant quelques-unes de ses « valeurs ».
Mardi 11, Weston
Dans son roman, Jos dos Santos est plus que malhonnête. C’est un imposteur qui oublie une chose : la science ne détient aucune vérité, elle ne propose que des théories pour décrire le monde au mieux. Ces théories ne sont pas le monde, pas plus que le mot « chaise » est une chaise. Les lettres c, h, a, i, s, e peuvent être assimilées à des constantes physiques. De là à dire qu’elles ont été réglées pour former le mot chaise et donc que leur existence implique une intentionnalité, c’est commettre une grosse erreur de raisonnement. Ces mêmes lettres peuvent en effet former beaucoup d’autres mots. Et, à coup sûr, la chaise a existé avant le mot « chaise ». Les constantes aident à décrire le monde, elles n’ont aucune existence transcendante comme veut nous le faire croire Jos dos Santos.
Pourquoi quelque chose existe plutôt que rien est sans doute la question la plus vertigineuse qui soit. Si on accepte que des choses existent, tout le reste n’est peut-être qu’une conséquence logique de cette existence. Dans un plan, on peut tracer un cercle et déduire la valeur de pi. Et ainsi de suite des constantes apparaissent. Peut-être arriverons-nous par simple déduction logique à montrer que les mathématiques engendrent les constantes physiques que nous observons et non d’autres. Il est peu courageux d’invoquer une intentionnalité dès que nous ne comprenons pas quelque chose, d’autant qu’il devient alors nécessaire d’invoquer l’intentionnalité de l’intentionnalité et ainsi de suite.
Mercredi 12, Weston
Hier soir, de nuit, nouvelle sortie vélo avec les levee riders. Même scénario que dimanche sauf que j’ai terminé dans le second groupe. Ça va vraiment vite, roues dans les roues. On n’est pas là pour parler, mais pour s’arracher les tripes. Je ne peux pas dire que c’est fun, mais au moins je ne pédale pas seul (c’est bien assez difficile d’écrire seul).
Presque incidemment, j’ai commencé à écrire un roman qui pourrait s’appeler La traversé des émotions, un roman impossible à publier au jour le jour, qui exige de l’élaboration et qui peut prendre bien des chemins différents, même si j’en ai un en tête. Pourquoi encore une fois choisir cette forme désuète ? À cause du désir de narration et aussi pour m’échapper de la Floride, et pourquoi pas la découvrir en même temps.
Jeudi 13, Weston
Milieu de la nuit. Incapable de dormir. Je pense à ma vie, à mes échecs, à l’absurdité de ma présence en Floride, tout ça pour que les enfants apprennent l’anglais comme si mal parler anglais me rendait malheureux.
J’ai renoncé à la politique, à changer le monde, je ne crois plus qu’en la bataille esthétique. Si les gens disposaient d’un puissant sens esthétique, Weston n’existerait pas, la vie de banlieue n’existerait pas, le monde serait autre.
Je ne peux répondre au désordre que par la création. Ma raison d’être est de lutter contre l’entropie. Il ne s’agit pas de gagner la bataille en traçant des villes orthogonales, mais de le faire avec art, comme au jeu de go où il ne suffit pas de gagner la partie, mais où il faut le faire avec style. La victoire à tout prix n’a aucun intérêt.
Picasso a passé sa vie à garder la plupart de ses œuvres pour lui. Il avait une telle boulimie de création qu’il ne songeait même pas à les diffuser. Perte de temps, détournement de l’essentiel. Mais il était pour lui facile de le faire parce qu’il était déjà reconnu comme le plus grand artiste de son temps. Il n’avait plus rien à prouver et pouvait se faire rare. Alors, ne pas chercher à prouver aux autres, ne se prouver qu’à soit même avec le risque de la solitude étouffante.
Ma vue me manque, ma lumière me manque, mes chemins me manquent, mes amis me manquent… et rien pour venir combler ses vides, excepté les rues invariablement identiques de la zone périurbaine de Miami.
Réveil avec le poids de l’insomnie et un manque de désir. Aucun briquet n’a encore allumé ma mèche ici. Impression de dépérir. La possibilité de fuir me hante. Par moment, j’ai des flashes de bleu, je vois mon étang, mes collines, mes montagnes. C’est douloureux. Que puis-je attendre de Weston ? Mon seul espoir : finir par rencontrer d’autres gens arrivés ici par erreur. Parce que ceux qui acceptent cet environnement, je ne pourrai jamais les comprendre, à moins qu’ils ne débarquent d’endroits encore plus horribles, ce qui est sans doute le cas pour beaucoup de Latinos. La boule reste au creux de ma gorge. Elle me prive de l’énergie qui me serait nécessaire pour m’ouvrir les yeux. Et puis, nous n’avons qu’une voiture, dédiée au transport des enfants, je suis pour de bon prisonnier. Ce sentiment ne fait que croître, jour après jour.
Je tente de trouver un peu d’air sur le Net. Rien de neuf, surtout pas les aboiements des uns et des autres qui ne valent pas mieux que le bruit des débroussailleuses thermiques. Je tombe sur l’annonce des assises de l’écriture sur smartphone. Je demande à quand les assises de l’écriture sur Post-it ? Pierre Ménard me répond que Will Self écrit sur Post-it depuis longtemps. Sa baraque, aux murs couverts de Post-it, me fait flipper, on dirait un cerveau lobotomisé. Vraiment pas de quoi me changer les idées.
Vendredi 14, Weston
Hier, je n’ai trouvé qu’une solution pour m’aérer la tête : faire du vélo. Après une longue exploration cartographique, j’ai trouvé des chemins qui interconnectent quelques parcs, loin des voitures, avec par moment des airs de campagne.
En discutant avec Didier Pittet, j’ai aussi décidé de l’angle à donner à la la suite du Geste qui sauve, dont j’apprends la sortie en vietnamien. Dix-septièmes traductions, je devrais être fier, mais non, je ne suis jamais satisfait, j’ai toujours l’impression d’être un imposteur et de tout foirer dès qu’il s’agit d’écriture.
Ce nouveau livre s’appellera Adapt to Adopt, c’est un slogan inventé par Didier et qui, en plus de décrire sa philosophie de vie et son œuvre scientifique, peut être généralisé à bien des domaines. Ce sera un puissant fil rouge dont j’ai déjà commencé à dérouler quelques unes des ramifications.
Je lis une critique sur le Net. « Ce livre décrit… » Voilà qui commence très mal. Un livre ne doit pas décrire, mais raconter, il doit nous faire vivre, même un essai, encore plus un texte avec une ambition littéraire. Nous lisons pour vivre, pour éprouver, pour voir… tout ça par nous même. La plupart des auteurs qui publient sur le Net oublient ce b.a.-ba, sous le prétexte de l’art pour l’art, de la beauté de la langue, et d’autres chimères bien confortables, derrière lesquelles il est facile de se cacher, quitte à être incompréhensible. Je veux lire des critiques qui disent « Ce livre m’a fait voyager, très loin, il m’a fait sentir ce que je n’avais jamais ressenti, il m’a fait comprendre ce que je n’avais pas compris, il m’a donné envie de voyager à mon tour, de créer, d’aimer… »
Samedi 15, Weston
Visite de Coconut Grove, le plus vieux quartier de Miami. Nous arrivons sous d’immenses nuages qui donnent à tout ce que nous voyons un côté dramatique. Un parc se termine par une mangrove, avec des détritus stagnants entre les racines des palétuviers. Nous longeons le front de mer, arrivons à une guinguette près d’une pompe où les bateaux viennent faire le plein. Sur les ponts des gamines dansent en remuant les fesses, avec des gestes si convenus qu’ils paraissent faux, comme s’ils avaient été copiés-collés. Le spectacle finit par être laçant, nous marchons plus loin, traversons un garage à bateaux, découvrons un port de pêche, et prenons conscience que nous sommes seuls, avec des voitures. C’est assez déprimant, d’autant que le ciel s’est dégagé, que le soleil écrase tout et que la tension provoquée par l’orage éminent ne réussit plus à nous berner. C’est en voiture que nous traversons le centre du quartier avec des dizaines de cafés, de boutiques et de restaurants.
Coconut Grove
Coconut Grove
Coconut Grove
Coconut Grove
Coconut Grove
Coconut Grove
Dimanche 16, Weston
Je me suis trompé de lieu de rendez-vous pour la sortie vélo dominicale. C’était pourtant clairement écrit « Behind Baseball Field #2 » et j’ai lu « Behind Basketball Field #2 ». J’ai pris conscience de mon erreur trop tard. Ça m’a déprimé. Impression de tout foirer, même le vélo. J’en ai profité pour amener les enfants à Markham Park, un parc d’attractions pour vététistes, où les Floridiens exposent leurs vélos à 10 000 $.
Weston
Weston
Lundi 17, Weston
Je me réveille sans envie, avec le désir d’être au lendemain. Je ne me suis jamais senti comme ça, sauf peut-être quand j’étais à l’armée à batailler pour me faire réformer. Je mets le nez dehors et la chaleur poisseuse est déjà accablante. Je peux passer de longues minutes dans le vide, peut-être même des heures, à regarder le marigot où bouillonnent quelques énormes poissons, ou serpents, ou alligators, parfois agitant l’eau étale de remous argentés, et puis plus rien, tout ça disparaît, rampe pour émerger peut-être à mes pieds, me sauter dessus, sans que j’aie l’envie de fuir. En face, deux maisons identiques à la nôtre, avec le soir venu des gens qui regardent la TV. Ils se lèvent, travaillent, rentrent, dorment, baisent peut-être et ça recommence. Est-ce vivre ? Ici, c’est une prison pour mères de famille pendant que les mecs gagnent ailleurs des tonnes de frics. Alors ils partent en vacances, loin, lors de leurs rares journées chômées. Pas la moindre beauté, tout est préfabriqué, faux, rien n’a été créé par accumulation, c’est une carte postale tellement idyllique que j’étouffe.
Mardi 18, Weston
Le matin, dès que je tente de travailler, ma gorge se noue sans que je sache si c’est à cause de la moiteur épouvantable ou d’une maladie nouvelle chez moi, l’impuissance créatrive. Suis-je victime du syndrome de la page blanche ? Je me suis toujours moqué de ce mal, prétendant que, quand on n’arrive pas à écrire, il suffit de changer de sujet. Ce que je fais en ce moment, en m’étalant dans mon journal, y jouant à l’enfant gâté. Alors, me secouer. Quand ça ne marche pas tout seul, je m’applique une discipline, j’écris pour écrire, maintenant mon cerveau en activité. Contre mon absence de volonté, je m’attaque à Adapt to adopt. Ce ne sera pas un roman, mais pourquoi ne pas glisser ce projet dans les fourches caudines de la méthode de Lisa Cron.
Mercredi 19, Weston
Hier soir, vélo masochiste, de la vitesse pour se faire exploser le palpitant, de nuit, la lampe n’éclairant que la roue arrière du vélo de devant. Un aller sur la digue, un retour. Et voilà que tout le monde boit des bières, coffres arrière des voitures ouverts et transformés en canapés. J’ai du mal à comprendre, d’autant qu’après je dors mal, parce que l’adrénaline met du temps à se dissiper. Cette façon de faire du vélo est à l’image d’une Floride que décidément je ne me sens pas capable d’aimer.
Jeudi 20, Weston
La théorie d’Isa : je ne travaille pas parce que je n’ai pas de bureau. Alors hier, on est allé acheter une petite table que j’ai installée dans le salon, avec vue étroite sur le jardin et le marigot. Je ne suis pas sûr que ça suffise pour me donner envie de me perdre dans le travail. C’est un paradoxe : je ne peux travailler que quand mes émotions répondent au monde extérieur, que quand j’éprouve une grande frustration de ne pas être dehors. Ici, alors que la Floride torride n’a encore pas grand-chose à m’offrir, je suis incapable de m’abstraire parce que je n’ai aucune envie d’explorer. Alors je fais comme tous les Floridiens, j’attends qu’il fasse moins chaud et mon impuissance me fiche les boules. Je ne devrais pas commencer mes journées par me raconter, ça me paralyse, transformant mes plaintes en prophéties autoréalisatrices.
Je souffre peut-être d’un grand manque de curiosité pour le travail des autres. Qui me passionne ? Les scientifiques oui, parce qu’ils avancent, mais du côté des arts ? La musique, j’ai arrêté depuis longtemps. Le cinéma, j’essaie toujours, mais peu d’œuvres contemporaines me touchent, les séries, elles m’anesthésient sans me bouleverser, les vidéos sur YouTube m’agacent. Et la littérature ? Il me faut aller du côté des morts pour y trouver de la stimulation et aussi du réconfort. Les jeux, non, je me bats trop contre mes fils pour qu’ils n’abusent pas, je ne peux pas les imiter. Et la technologie ? Elle ne change pas assez mon quotidien depuis quelque temps pour que je retrouve la fébrilité des débuts du Net. Je réussis qu’à être bouleversé par les paysages, une fois atteints à dos de vélo. Oui, c’est le vélo qui me touche quand il est pratiqué avec art. Peut-être suis-je incapable de vivre deux passions à la fois. Born to Run est le dernier livre qui m’a fait exploser le cerveau. Je devrais écrire Born to bike, sauf que j’ignore quel pourrait en être le fil rouge… un grand voyage à vélo peut-être, ou plutôt des voyages en série, chacun en eux-mêmes n’étant pas extraordinaire, mais tous, mis à bout, racontant un art de vivre.
Quand je poste une vidéo sur Instagram, elle est trois fois plus vue qu’une de mes photos. Est-ce une raison de faire des vidéos ? Non. Est-ce une raison de renoncer au texte ? Non. Reste la frustration : c’est ailleurs que ça se passe et je n’ai pas envie d’y être.
Je suis désormais incapable de provoquer des réactions sur Internet, je n’ai plus l’intuition de ce qui dérange, de ce qui irrite ou chatouille. C’est peut-être une bonne chose, me tenir à distance de l’agitation, mais c’est aussi très frustrant. Pas moyen de me cacher ma solitude.
Le travail socialise, la littérature me désocialise. Je consacre l’essentiel de mon temps à une activité antisociale. Je devrais dérouler cette ligne de pensée et démontrer qu’écrire n’est pas un métier parce que l’écriture ne socialise pas contrairement à tous les autres métiers.
La Floride n’est donc qu’un problème ajouté à un autre problème de plus en plus dérangeant dans ma vie, la Floride n’est qu’une goutte d’eau de trop, peut-être bénéfique finalement, puisqu’elle me pousse à me poser des questions douloureuses.
Il m’est plus facile de socialiser en faisant du vélo qu’en écrivant. Ce fait révèle un bug au cœur de ma vie, sachant que la socialisation est finalement ma raison d’être (et une nécessité physiologique et psychique).
J’écris non seulement pour être lu, mais aussi pour l’échange, l’interaction, la dispute, le débat… Et soudain plus rien, un livre publié de temps en temps, de rares invitations, puis le silence vertigineux de ma ligne mail, comme si je n’écrivais plus que pour la postérité.
Est-ce qu’un jour j’ai eu envie d’être sur TF1 ? D’être un animateur ? Non, je n’ai pas plus envie d’être sur Internet devenu encore plus merdique que TF1. Le truc avec Internet, c’est qu’il existe des bordures, des frontières, où on peut entretenir des rêves.
J’ouvre un compte chat bot dans l’espoir que discuter avec une machine puisse devenir source de littérature. Ça me lasse au bout de cinq minutes stériles. Je fouille les outils IA qui pourraient stimuler la création, l’envoyer dans des directions imprévues… Et je ne peux m’empêcher de penser à des chemins de montagne. C’est ailleurs que je veux être.
Vendredi 21, Weston
Matinée à pédaler. Un trajet sans interaction avec les voitures, sauf pour traverser quelques routes imposantes, mais toujours équipées de passages piétons protégés par des feux. Par moments, j’entre dans des parcs, parfois à l’apparence de forêt, si bien dessinés que j’ai l’illusion d’être dans la nature. Alors je suis heureux, je ne pense à rien, sinon à partager mes chemins avec d’autres cyclistes. Born to bike : je n’ai envie de rien d’autre, de m’intéresser à rien d’autre, passant le plus clair de mon temps à organiser d’éventuelles vacances de Thanksgiving dans l’Arizona, à Sedona, Mecque du mountain bike.
Air de campagne
Air de campagne
Air de campagne
Air de campagne
Idée vieille comme le monde. Un homme aperçoit une femme, mais il ne peut pas s’arrêter (il est dans un train… qui l’amène loin, pour longtemps). Mai cette femme le hante, alors peut-être des mois après, ou même des années après, il décide de la retrouver. On suit son enquête. Le sujet : vivre ses rêves, ne pas les laisser s’échapper. Parce que cette idée n’a rien d’original, elle me paraît intéressante. Fatigué par la surenchère, par l’esbroufe, la provocation.
Samedi 22, Weston
J’attends la nouvelle de la mort de mon ami, d’un instant à l’autre. Une autre amie se bat contre un cancer. Et moi je me demande comment exister aux yeux des autres. Parce que c’est ça écrire, c’est ça créer, c’est en quelque sorte faire des bébés pour que des inconnus viennent nous apporter des fleurs à la maternité.
Samedi 22, Miami Beach
Pour la première fois, j’ouvre mon ordinateur dans un café. Pas de quoi crier victoire, un Starbucks, parce que nous sommes assoiffés, mais ailleurs c’est la java avec des drag queens qui dansent et hurlent, entourées de touristes qui fument la chicha et sirotent à plusieurs pailles d’immenses coupes de cocktail.
Nous ne réussissons pas à trouver notre place. À nous dire, tiens, nous reviendrons parce que nous nous sentons bien. Nous avons déjeuné à Coconut Grove, sans doute le quartier que nous préférons, peut-être parce que calme et à petite échelle, mais sans pour autant que ce soit le coup de foudre. Il faut dire que la chaleur est toujours suffocante à tel point que nous nous demandons si l’hiver finira par arriver.
Nous ne cessons de croiser des filles obèses avec des strings dans toutes les fentes pendant que dans la rue défilent des voitures de sport pilotées par des mecs trop jeunes pour que tout cela soit bien honnête. En terrasse d’un bar d’Ocean Drive, des pin-up perchées sur des plateformes genre surfeur d’argent prennent la pose, montrent leurs fesses, leurs jambes. Plus loin, des serveuses portent des tenues de panthères. Tout cela est d’une vulgarité machiste consommée. La ville devient plus agréable en second rideau entre les maisons Art Deco.
Miami Beach
Dimanche 23, Weston
Parfois, je ris aux éclats en lisant mon fil RSS, avec les derniers blogueurs. Putain, ne pas être relu par un esprit critique avant de publier conduit à dire des âneries monstres. Comme je ne commente plus, comme je ne m’exprime pas sur les réseaux sociaux, je garde pour moi mon grand sourire. Mais tout de même : affirmer que le roman est mort parce que tout le monde sait désormais écrire de bonnes histoires, ça frise le cocasse, non ? D’abord, parce que très peu de gens écrivent de bonnes histoires, ou même moyennes, des histoires en même temps capables de sidérer un grand nombre de contemporains et de renouveler un genre, voire d’en inventer un. J’aimerais bien savoir faire ça, moi. Raté.
Et puis, il y a cette idée que le roman se limite à raconter des histoires, alors que c’est autant, et même avant tout, un combat formel avec le langage pour tenter de saisir en un temps l’esprit de ce temps. Et de fait, selon cette définition du roman, le roman ne peut pas mourir, parce qu’à chaque temps des formes nouvelles seront nécessaires pour le dire. Demain, on appellera peut-être ça autrement, mais il s’agira toujours de romans.
Le roman n’est jamais déconnecté du réel, sinon le roman de genre, surtout attaché à raconter justement, mais le grand roman est toujours dans le réel, c’est un combat avec son temps pour le dire et réussir à le vivre. J’ai toujours pensé que mon carnet pouvait se lire comme un roman, celui d’un homme qui tente jour après jour de raconter l’histoire de sa pensée.
Mon ami vient de mourir. C’était un homme lumineux, avec un large sourire immuable. Je le revois assis méditant au bout de notre terrasse. Il était beau, il communiait avec la vie. Il est maintenant parti se dissoudre dans le bleu. Reste un fond de rage. Il était plus qu’attentif à son environnement, à son alimentation, c’était un gourou du bio et de l’écologie, et ça ne l’a pas protégé du cancer. Des gens pourraient se moquer, mais mon ami n’était pas aussi attentif pour vivre plus longtemps, mais pour mieux vivre le temps qu’il avait à vivre, aussi pour ne pas empiéter sur le temps de ses successeurs.
À vélo
Lundi 24, Weston
En théorie, le numérique ouvre les processus, avec la possibilité de faire des aller-retour, du travail collaboratif, et donc des modifications à tout moment. Mais bien des gens travaillent à l’ancienne. Voilà un truc qui me rend dingue, qui en plus fait perdre un temps fou et abaisse la qualité du travail. Je dis ça parce que je suis en prise avec un tel système carcéral du côté de l’édition. Et je n’en dis pas plus, parce que les noms n’ont aucune importance, parce seule l’idée importe. Et puis ne pas nommer me permet d’inventer, de déformer, de fictionnaliser mon carnet.
Ce carnet, justement, qui revient le centre de mon travail, comme au cours des années 1990, quand je l’éclaboussais de feux d’artifices, impression d’avoir en catimini vécu mon époque la plus créative, époque où j’avais renoncé au roman pour m’attacher au roman de ma vie. J’ai beaucoup écrit dans ces pages, dessiné aussi, j’ai pensé la forme graphique de l’objet, alors manuscrit, j’ai tenté quelques mises en forme en vue d’éventuelle édition, et tout ça s’est retrouvé enterré. Désormais, j’en suis au même point, incapable de donner à mon carnet de route une autre forme que la succession des jours, parce que c’est l’histoire qui avance ainsi, dans l’ordre tel que je le perçois et le vis. Toutes les autres approches me paraissent artificielles.
L’originalité d’un carnet tient à ce qui est révélé autant qu’à ce qui est caché. Cette alchimie fait des carnets d’écrivain des pièces uniques. C’est peut-être dans ces lignes que l’irréductibilité du ton est la plus perceptible, alors que dans les formes plus canoniques elle aurait tendance à s’effacer. Le carnet est matérialiste, il n’invoque aucun idéal, il dit une vie, ses errements, ses changements, ses émotions. Je n’ai jamais autant grandi qu’en lisant les carnets ou les correspondances des autres.
Déjà dix-sept heures. La journée a filé, je me suis perdu dans des riens, à chercher à comprendre pourquoi mon Mac était brûlant, tout ça parce que j’ouvre trop d’onglets sur Chrome, alors j’ai découvert un plug-in qui les met en veille et miracle, puis j’ai préparé mon voyage de la semaine prochaine à New York, question de changer d’air, demain c’est Isa qui s’y colle. Je n’ai fait que relire mon journal d’août, à me demander pourquoi je devrais écrire autre chose tout en sachant que cette autre chose est le terreau de la matière ici retournée.
Tout le monde écrit, mais tout le monde n’est pas capable de rendre sa vie intéressante aux yeux des autres. Un écrivain assis du matin au soir à écrire n’a rien à dire dans son journal. Il faut qu’il lise, bouge, aime, souffre et jouisse. J’ai toujours l’impression d’être en deçà du niveau d’énergie minimal nécessaire, surtout quand je pense à Picasso.
Mon ami mort roule vers Paris, son corps, bientôt réduit en cendres et en souvenirs. Quatre mois pour s’habituer à ce départ, quatre mois à lire sa femme nous relater un effacement progressif, quatre mois pour voir ce départ comme une épiphanie lumineuse. Reste que c’est trop tôt, toujours trop tôt. Les gens qui ne désirent pas la vie éternelle sont hypocrites. Une fois que tu l’as, tu peux toujours l’interrompre. Quand tu ne l’as pas, tu t’en vas bien souvent sans crier gare, en tous cas sans assez de temps pour te préparer, je me demande bien à quoi, d’ailleurs. Un croyant peut se préparer à la mort, mais pour un athée seule la vie existe. J’ai toujours un frisson quand je pense que ces mots pourraient être mes derniers mots. J’en deviendrais presque superstitieux.
Mardi 25, Weston
Pour certains, les objets nous interconnecteraient, pour d’autres, ils nous éloigneraient du monde. Tous ces discours théoriques généralisateurs me font de plus en plus horreur. Non que je sois attiré vers le relativisme, mais j’ai l’impression que ces discours qui touchent à la réalité sociale sont nécessairement bancals, et à coup sûr toujours critiquables. À part engendrer de belles discussions, ils participent moins à la construction de la réalité sociale que nos actes et que nos histoires. Dans le domaine de la technique, il faut se garder de généraliser et s’intéresser à l’usage individuel. Par exemple, mon GPS sur mon vélo me rapproche du monde, il me permet de l’explorer dans ses recoins, d’aller où la plupart des gens ne vont pas. En un mois à Weston, j’ai déjà parcouru bien plus cette partie de la Floride que bien des natifs.
Mes sorties vélo
En tant qu’écrivain, je devrais me battre pour arracher un peu d’attention, je devrais avec mes petites mains jouer dans la même arène que les médias, que Google, que Facebook… Je n’ai aucune chance (et il serait pernicieux de croire que ces médias pourraient m’aider). Que faire alors ? Refuser leurs méthodes, c’est-à-dire me passer d’eux, ne plus en être, ne plus être le sujet de leurs expériences. J’ai peut-être trop longtemps pensé que je pouvais me terrer dans leur recoin. Tout le monde a peut-être cette illusion et nous nous emprisonnons les uns les autres, au nom de nos amitiés, pour assouvir notre voyeurisme et nous adonner à l’exhibitionnisme. Nous en venons à dire que nous avons envie de nous gratter la tête et même si dix personnes voient cette news, c’est autant de temps que nous leur volons. Déjà, en tant qu’auteur, je devrais ne publier que mes textes, rien d’autre, ne pas puiser abusivement dans la ressource attentionnelle par trop limitée.
Mercredi 26, Weston
Je tourne en rond, toujours obsédé par cette idée de pousser le vélo plus loin, d’en faire un art ou de faire de l’art grâce à lui. Et incapable d’avancer sur les autres projets. Un copain me relance. Je lui ai promis une nouvelle sur le thème très vague de Dimensions avec l’idée d’écrire une histoire atemporelle à la One Minute, donc avec un temps zéro.
Un homme tombe d’un immeuble. Quelqu’un lui crie quelque chose depuis le toit. Un laveur de vitres le voit. Un passant aussi. Un drone l’observe. Des satellites. Des hommes d’affaires se félicitent. De l’argent passe de main en main. Peu à peu on comprendrait ce qui se passe et se demanderait si l’homme va mourir ou non. Et pourquoi il tombe pour commencer.
Une autre possibilité. Un détail, puis un plan plus large, puis de plus en plus large… un zoom out. Ou le contraire un zoom in. Tarkovski évoque le procédé utilisé au cinéma. Un long zoom qui peu à peu fait apparaître dans un champ un homme étendu jusqu’à ce qu’on découvre qu’il a été tué d’une balle dans le cœur.
Avant, de telles idées formelles suffisaient à me mettre en route. Désormais, j’ai d’abord besoin d’un thème, d’un sujet, voire du prisme d’un personnage.
De mieux en mieux la Floride. Ce soir, l’air est agréable avec une petite brise. Je m’installe dehors avec mon ordi. Au bout de cinq minutes, je me fais dévorer par des espèces de moustiques, ou de moucherons, ou de mouches… Je n’en sais rien, les bestioles étaient invisibles, mais elles aussi apprécient l’air automnal (pas de quoi crier victoire, il faisait 33 cet après-midi avec un ressenti de 42).
Jeudi 27, Weston
Dans la nuit, mon cerveau m’a donné des précisions sur mon histoire temps zéro. Si un homme tombe, il devient mécaniquement le centre d’attraction, donc le héros, tant bien même on ne lui donne jamais la parole. Je ne veux pas de héros, ce mythe centralisateur. J’ai envie de parler de chacun de nous, de notre rôle de pousseur de grains de sable, toutes nos actions étant aussi importantes les unes que les autres. Je veux montrer une foule de gens qui au même instant effectuent un geste décisif pour chacun d’eux et salutaire pour le collectif. Dans L’homme qui plantait des arbres, Elz��ard Bouffier plante chaque jour cent glands. Dans mon histoire, cent personnes en planteront un. Pas de héros, donc.
Vendredi 28, Weston
Tous mes textes longs ou mes articles de blog ne sont que des papillonnages autour de la colonne vertébrale de mon carnet. Souvent, je cherche une unité dans mes livres, j’en vois peu, parce qu’elle est ailleurs, en dehors d’eux. Je devrais avoir le courage d’éditer mon carnet, m’y attaquer par grandes tranches, à commencer par les années 1990, mais je renonce toujours, de peur de l’effet pernicieux sur moi d’une telle retroplongée.
Certains auteurs choisiraient l’indépendance plutôt que de passer par des éditeurs. Un mensonge de plus. Cent pour cent des indépendants ont envoyé leurs manuscrits à des éditeurs. L’indépendance dans l’édition, c’est le contraire de la liberté. Bien sûr, je généralise. Mais on ne peut être indépendant que si d’abord on a eu la possibilité d’être édité. Si cette possibilité de s’est jamais présentée, l’indépendance est une illusion, une invention marketing qui procède du même discours marchand que celui de l’édition traditionnelle. La façon dont un texte est distribué n’a aucune importance du moment qu’il est lu. Passer du temps à s’occuper de ce détail, c’est tourner le dos à l’écriture.
J’apprends la mort brutale de Jean-François Gayrard. On a été intellectuellement très proche tous les deux avant de prendre nos distances, quitte à nous balancer quelques insultes à la figure. C’est donc ça vieillir, voir son monde peu à peu se dissoudre, sans réussir en même temps à prendre racine dans le nouveau.
Si j’avais été un bon VRP, je ne serai sans doute pas devenu écrivain. Si j’avais été un bon sportif, ou un bon ingénieur, j’aurais fait autre chose de ma vie. Je suis devenu écrivain faute de mieux. Alors me demander d’aller vendre moi-même mes livres est au-delà de mes forces. Je suis très heureux quand un éditeur décide de faire ce travail pour moi. Je l’aide du mieux que je peux, mais faut pas trop m’en demander.
Si un auteur veut l’indépendance, il lui suffit d’offrir ses textes et de gagner sa vie autrement. Il ne peut aspirer à davantage d’indépendance. Lu ou pas lu, ça ne change alors rien. Dès qu’on vend, en direct ou via un éditeur, on devient acteur d’un business avec des dizaines de boucles de rétroaction. Alors adieu l’indépendance. Dès lors, on est sous influence. J’ai d’ailleurs écrit que l’indépendance était un concept tendancieux puisqu’on vivait une époque de grande interdépendance.
Une fois les enfants à la maison, je prends la route. Direction Fort Lauderdale, puis nord le long de l’océan, ou plutôt le long des immeubles qui bordent l’océan. Je m’arrête au détour de quelques cafés colorés et je découvre Fort Lauderdale by the Beach, un coin pas trop bling bling avec une jetée, un café bio et des sargasses qui dessinent des lignes rouges vers le large, apportant un air vicié qui m’attaque la gorge, mais auquel je m’habitue assez vite. J’écris ça au moment où je me mets à tousser.
Je ne sais toujours pas où aller, pourquoi prendre la voiture, je bouge par nécessité, parce que rester immobile serait renoncer, et assez de gens meurent autour de moi pour que j’ai le devoir de vivre. La plage, c’est le bout, une forme de fin, de noyade imposée dans le rien et l’inutile.
Comme toujours depuis mon arrivée en Floride, les nuages m’impressionnent. Ils bourgeonnent au large et se transforment en champignons atomiques au-dessus des terres, mais déjà ils ont moins de force. Il ne pleut pratiquement plus. Les gens ici sentent le temps changer et ils attendent ce changement avec autant d’impatience que les Parisiens la fin de l’hiver.
Fort Lauderdale
Fort Lauderdale
Fort Lauderdale by the beach
Hillsboro Inlet Lighthouse
Hillsboro Inlet Lighthouse
Samedi 29, Weston
Hier, comme ça, incidemment, j’ai commencé ma nouvelle Temps Zéro, j’ai poursuivi aujourd’hui, puis, après une sortie vélo avec les enfants, j’ai été aspiré par un site de grandes randonnées à vélo. Je crois que je suis prêt à tenter ce genre d’aventures en autonomie, me reste à convaincre des copains, parce que se lancer là-dedans tout seul ce n’est pas ce que j’ai en tête. Et déjà j’ai envie d’ouvrir une nouvelle route qui relie les Pyrénées aux Alpes en longeant la Méditerranée, tout cela bien sûr via des chemins.
Dilmanche 30, Weston
Incroyable, j’ai découvert un îlot de vie ce matin durant ma sortie vélo avec les levee riders : une station-service où nous nous sommes arrêtés pour acheter de l’eau. Il y avait foule. Une expo de peinture, des chapiteaux avec des vendeurs de babioles et des sandwiches, partout des gens en grandes discussions autour de bagnoles, de camions ou de motos. Voilà l’Amérique des années 1950, toujours la même, toujours centrée sur ses heures glorieuses.
Centre ville
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frtodaynews · 6 years ago
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Les prix des carburants s'envolent et le portefeuille des ménages prend cher. Les internautes de «20 Minutes» nous racontent comment ils font face…
Strasbourg le 02 06 2013. Illutrastion pompe a essence. Diesel. — G.VARELA / 20MINUTES
Ils n’arrêtent pas de grimper. La flambée des prix des carburants fait très mal au portefeuille. Résultat, selon les calculs de l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), depuis le début de l’année, elle a entraîné « un surplus de dépense compris entre 100 et 225 euros à l’année pour la plupart des ménages ayant une voiture. » Dans ce contexte, les automobilistes sont de plus en plus nombreux à modifier leurs habitudes à en croire les centaines d’internautes qui ont répondu à notre appel dans cet article, sur la page Facebook de 20 Minutes ou en témoignant directement à l’adresse [email protected].
Ils adoptent l’éco-conduite
Jane fait une centaine de kilomètres par jour pour aller travailler. Et pour diminuer sa consommation, elle prend sur son temps : « Je pars plus tôt, je roule un peu moins vite (120km/h autoroute), je change les rapports le moins possible, je garde la vitesse longtemps sans accélérer, j’anticipe les freinages et j’accepte mieux d’être derrière "le mou de service" ». « J’évite d’accélérer bêtement pour freiner 200 mètres plus loin, ainsi je diminue ma consommation de 10 à 20 %. La patience au volant génère sécurité et économie », abonde Janpolek. Pennkhalet tient le même discours : « j’ai adapté ma conduite et ce sont des gains substantiels. Je constate également que la limitation à 80km/h est tout à fait bénéfique sur ce point, n’en déplaise aux détracteurs. Tant mieux pour mon portefeuille et je conduis avec patience. C’est tout bon pour lutter contre le stress ! De plus une conduite plus souple à des effets bénéfiques sur l’usure des freins, des pneus… »
Selon Bison-Futé, l’éco-conduite a un paquet de vertus : conduire moins vite, c’est un risque d’accident diminué de 10 à 15 %, c’est une réduction de sa consommation de carburant de près de 15 % (10 km/h en moins permet d’économiser 3 à 5 litres de carburant sur 500km) et c’est aussi moins de CO² (10 km/h réduit de 12,5 % les émissions de CO² sur 500 km).
Ils font le plein à l’étranger
La semaine dernière, le gazole, carburant le plus vendu en France avec environ 80 % des volumes, s’affichait en moyenne à 1,4454 euro le litre en France. Oui, ça fait mal. Galluc qui réside en Moselle fait désormais son plein de gasoil au Luxembourg à 1,10 euro le litre. Imparable. C’est en Allemagne que Christelle remplit son réservoir. Vingt minutes de voiture et à la clef « une différence de 10 à 20 centimes » par litre.
Ils ont changé de motorisation
Daniel avait « anticipé » le coup « il y a maintenant cinq ans ». Bien lui en a pris. Il a donc opté pour un véhicule hybride boîte automatique et pour alléger encore un peu plus la facture, il privilégie comme de nombreux internautes, « le plein dans les grandes surfaces », plutôt que dans les stations-service.
Pascal ou encore Quentin ont décidé d’opter pour une voiture électrique. « J’ai divisé mon budget déplacements par trois. Je pourrais faire plus si j’avais le pied moins lourd », confie Pascal. Un autre internaute se félicite de son véhicule qui roule au GPL, « toujours à moins de 1 euro le litre ». D’autres ont opté pour le bioéthanol que l’on peut utiliser sur sa voiture à essence après avoir installé un boîtier qui coûte quelques centaines d’euros. Mais l’investissement est vite rentabilisé à en croire Steven : « La pompe non loin de chez moi propose le litre à 0,59 euro le litre, c’est-à-dire un plein d’essence à moins de 25 euros. » « J’aimerais bien pouvoir mettre du bioéthanol, mais les stations qui en fournissent se font rares. Il me faudrait faire beaucoup de kilomètres pour en trouver une », regrette d’ailleurs un autre internaute.
Ils réduisent leurs déplacements
« Nous ne sortons plus que quand cela est nécessaire. Car à la campagne quand il n’y a que très peu de transports en commun, on n’a pas le choix, la note devient vite exorbitante ! », déplore Louve. « Depuis des années, on regroupe nos déplacements pour éviter d’utiliser la voiture pour des "bricoles". Quand on part dans les grandes zones de centre commercial, on gare la voiture au centre des magasins et on fait tout à pied », ajoute Stéphane.
Ils prennent le vélo
Pour Edith, le vélo, c’est plus que pratique. « Je prends mon vélo pour aller au travail (5 kilomètres avec une belle côte) et pour presque tous mes autres déplacements en ville. En vélo, je suis très souvent plus rapide que les automobilistes, surtout dans l’hypercentre. Je me gare rapidement. Je ne perds pas un temps précieux à chercher une place de parking, je n’ai pas besoin de passer à l’horodateur », explique cette Internaute de Chaumont (Haute-Marne). Un autre internaute a même décidé de faire les 28 kilomètres qui le sépare de son travail chaque matin et chaque soir en vélo… électrique. Ça lui permet de ne pas arriver trempé au travail et de réaliser chaque trajet en moins d’une heure.
20minutes Economie
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piloteus · 7 years ago
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C’est la montée, pas la vue
Les deux premiers explorateurs qui ont conquis l’Everest en 1953, ne sont restés au sommet qu’un quart d’heure. Et après leur descente, ils ont décidé de fêter cet exploit historique avec… un bol de soupe. La morale de l’histoire : c’est la montée qui compte, pas nécessairement la vue. Avec des conditions climatiques extrêmes d’un sommet de 9 km, je comprends le choix d’une soupe bien chaude pour marquer le coup. 
Par contre, ce sont des conditions météos superbes qui m’attendent aujourd’hui à Paris. Je décroche le pilote automatique du Boeing 767-300 à plus de 40 km de la piste. On a traversé l’Océan Atlantique la nuit dernière et le soleil vient de se lever sur la City of Light, comme on l’appelle aux Etats-Unis. L’ATIS Mike de Paris-LFPG avait annoncé une tempé de 15 degrés – ce qui est sympa pour une aube de juin – et des conditions CAVOK, "Ceiling And Visibility OK”. Un vent du 070 à 8 noeuds, bref, un vent de face presque dans l’axe de la piste, donc des conditions parfaites pour un atterrissage.
“I’ve never seen anybody disconnect the auto-pilot so soon,” me lance Nate. Nate, un ancien pilote du quadriréacteur KC-135 de la 151e Air Refueling Wing basée dans l’Utah, est le Relief Officer, le 3e pilote qui fait la relève en croisière. Il est maintenant assis dans le siège strapontin, à nous observer pendant la dernière phase de vol. 
Le Commandant de Bord aux cheveux blancs et à la moustache blanche, Norb, égrène les checklists et fait la radio. Tous les deux savent que c’est mon premier atterrissage à Paris, la première fois que je pilote dans l’espace aérien français depuis mon départ vers l’Amérique.
J’étais parti en tant que passager dans un B-767, sans diplôme ni carte verte. Et avec beaucoup de travail, et encore plus de chance, j’ai maintenant le privilège de revenir aux commandes d’un B-767 aux couleurs Delta. Si ce parcours fut mon Everest, alors je n’ai pas encore fini de gravir le sommet : Je viens d’apprendre que je partirai en stage Commandant de Bord. Retour sur moyen-courrier; ça sera sur Boeing 737-900. 
Le pilote automatique et les auto-manettes débranchés, je me rends compte tout de suite de mon erreur. En décidant de piloter cette arrivée ILS en manuel, je manquerai la beauté du paysage français qui défile devant nous. Tant pis pour la vue. Je me concentre sur le directeur de vol et ma vitesse.
Après un cap donné par le Contrôle, j’intercepte l’axe de la piste à un angle de 30 degrés, l’axe représenté électroniquement par une barre sur mon Primary Flight Display. On pèse encore 144 tonnes selon notre FMS, qui suit notre conso de pétrole. Je ne suis plus dans le Cessna 172 à survoler la pleine d’Alsace quand j’avais 17 ans. 
Alors j’anticipe l’inertie du Boeing lors de la capture du glideslope, qui indique mon orientation verticale par rapport au seuil de piste, et je tire doucement sur les manettes de poussées. Je me mets sur un plan de 3 degrés, à plus de 800 pieds par minutes. J’appelle l’extension des volets, puis la sortie du train. Les lumières vertes indiquant le verrouillage s’affichent une à une lentement devant nous. 
Je briefe une éventuelle remise de gaz comme on le fait toujours – même dans les plus belles météos. Derrière moi, il y a plus de 200 passagers, et sous ma main gauche, 60 tonnes de poussées grâce aux deux moteurs Pratt & Whitney. On y est presque.
En courte finale, je fais ma transition visuelle. Mes yeux quittent les instruments et se verrouillent sur le PAPI, les lumières rouges et blanches près du seuil de piste. Un petit coup de manche, un iota de puissance. Je suis doux aux commandes. Et il le faut lorsque le seuil se rapproche en 3D à presque 300 km/h.
A une douzaine de mètres à peu près au-dessus de la piste 09L, je commence à ressentir l’effet de sol. Il y a une augmentation de portance qui donne l’impression de se poser sur un coussin, comme si l’avion résistait une dernière fois à son atterrissage. Tout comme un train qui traverse un tunnel déplace brusquement son air, un avion en descente chasse l’air vers le bas. Mais lorsque l’avion se pose, l’air est légèrement comprimé entre lui et la piste, avant que l’air ne change enfin de direction. Ca donne un bel effet de coussin à l’arrondi. On peut appeler ça un cadeau d’adieu de la part du ciel — ou alors un cadeau de bienvenue de la terre à ses pilotes. Aujourd’hui, c’est un cadeau de Paris à moi, le Frenchie aux licences de pilote américaines.
Je suis à 142 nœuds, soit 263 km/h, quand j’arrondis à quelques mètres au-dessus de la France, puis je relâche doucement le nez du Boeing, et je tire complètement sur les manettes de puissance; les moteurs sont au ralenti. Je maintiens l’assiette de l’avion jusqu’à la touchée légère des trains. Sur les ailes, les freins aériens se déploient instantanément. “Speedbrake up,” mon Captain confirme. 
A cause des procédures anti-bruits, je mets les reverses au minimum en tirant légèrement sur les manettes de poussées. Les auto-brakes font le reste, et je ressens la pression des sangles sur mes épaules. "Eighty knots,” m’indique Norb. On pourra prendre la première bretelle de sortie, Zulu 5. C’est fait, je me dis en esquissant un sourire. Je me suis posé à Roissy, et j’ai traversé l’espace aérien dans lequel on m’avait interdit en tant que pilote français de voler. Comme écrivait St Exupéry dans Terre des Hommes : “Je n'ai plus un seul ennemi au monde.” Je suis au sol, mais je suis également au sommet de mon Everest. Et c’est la montée qui aura compté. 
***
Il est 13:30, on est le lendemain, après une escale rapide de moins de 30 heures et une visite sympa de mes parents. Je suis assis maintenant dans le cockpit d’un B-757 avec lequel on fera la traversée de l’Atlantique à destination de Philadelphie. Je suis aligné sur la piste 27L à CDG, la checklist rangée. Prêt. Paré. 
“You have the airplane,” le Captain me lance. Voilà, passation de pouvoir en simplement quatre mots. “I have the airplane,” je confirme. Une main sur les commandes, l’autre sur les manettes, je ferai le décollage, mon premier depuis Paris. 
“Delta seven-niner, cleared for takeoff two-seven-left,” le contrôleur annonce dans nos télex. Le Captain répond. J’avance doucement les manettes. Les moteurs se stabilisent. “EPR,” j’appelle. Mes yeux seront fixés sur les instruments pendant la procédure SID de départ, et je louperai la vue du paysage encore une fois.
Voilà c’est fait. Un atterrissage à Paris et un décollage. Un vol qui aura mis 20 ans à se réaliser, un journal qui s'achève, et une fin qui manque affreusement de climax. Dans mon premier écrit quand j’étais pilote d’air ambulance, je courais à toute blinde vers un avion turbo-prop. Ici, j’ai déambulé tranquillement dans la passerelle rattachée à mon jet. Je parlais d’orages sur une réserve apache et de brouillard à Washington. Mais à Paris aujourd’hui, à l’instar du Soleil d’Austerlitz, le ciel est bleu, les vents sont calmes. 
Pas d’urgence médicale à bord, pas de panne moteur en finale, pas d’atterrissage contre-QFU avec un bébé qui meurt à l’arrière. Mais un Everest personnel conquis, ponctué par une escale courte, je m’envole à nouveau vers l’Amérique – cap au Nord-Ouest, à survoler la France puis l’Angleterre, orthodromie oblige. 
Et lorsqu’on me donne mon plateau-repas en fin de montée, j’esquisse un sourire en prenant ma cuillère. Je commencerai par le bol de soupe. 
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tcrouzet · 8 years ago
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Carnet de route - janvier 2017
Initialement publié sur tcrouzet.com
Lundi 1er, Monts sur Guesnes
Lundi 2, Balaruc
Nous avons retrouvé le bleu, les déjeuners sur la terrasse, les lunettes de soleil… Les contrastes climatiques n’en finiront jamais de me réjouir. Isa se moque de moi. Elle s’imagine répondre à des interviews longtemps après ma mort et dire : « Il parlait toujours du temps qu’il faisait. Il lui fallait sans cesse rappeler combien le Midi est paradisiaque. »
Mardi 3, Balaruc
Quand je vois un pêcheur sur sa barque, je crois toujours que c’est mon père.
Mercredi 4, Balaruc
J’attache beaucoup d’importance à dater mes notes de journal. Quand j’écris un texte long, cet ancrage dans le temps n’a aucune importance, mais dans le journal il marque l’écoulement de la pensée, il est le métronome de ma vie.
Je commence à réfléchir à un récit géolocalisé qui se déroulerait à Montpellier. Je lis l’histoire de la ville, je mets mon cerveau en marche pour que quelque chose émerge. Dans Wikipédia, je découvre que l’étang de Thau a été entièrement gelé durant l’hiver 1364. Inimaginable, même si mon père parlait sans cesse de la vague de froid de février 1956, qui a gelé la crique de l’Angle, qu’on pouvait traverser à pied. Par grand froid, j’ai déjà vu les rives prises, mais jamais toute l’étendue de la crique.
Vendredi 6, Balaruc
Toujours la lumière éblouissante de l’hiver.
Samedi 7, Balaruc
Hier, le soleil m’incite à la sieste. Au moment de m’endormir, j’ai une intuition pour ma géolecture. Quand j’étais jeune, j’avais le fantasme de m’asseoir quelque part pour lire, puis, au bout d’un moment, de lever la tête pour découvrir une femme sublime lire le même livre que moi. J’ai toujours ce désir de rencontrer des gens qui seraient au même moment que moi au même endroit avec les mêmes idées dans la tête.
Je pourrais travailler ce fantasme dans ma géolecture puisque je connaîtrai avec certitude la position du lecteur. Lui parler comme si je voulais qu’il m’aime puisque j’aurais déjà réussi à l’attirer dans des lieux que j’aime. Faire en sorte que le lecteur tombe amoureux de la voix qui lui parlera à travers son téléphone, et donc faire du téléphone lui-même une sorte de personnage ou d’objet transactionnel.
Samedi 7, Lattes
Pendant qu’Émile fait un stage de robotique, j’esquisse quelques lignes qui pourraient servir de prélude à ma géolecture. Une voix enregistrée parle au lecteur, que je dois éviter à tout prix de sexuer, plus difficile pour la voix elle-même, et si c’était la mienne, celle d’un écrivain voulant séduire son lecteur ?
Dimanche 8, Balaruc
Lundi 9, Montpellier
Onze heures, je me suis installé place Jean Jaures, où se trouvait au moyen-âge Notre-Dame-des-Tables, la première église de Montpellier, reconstruite un peu plus bas après sa destruction durant les guerres de religion.
Je suis en repérage pour ma géolecture. Avant de partir de la maison ce matin, je vois que François Bon a l’idée d’une narration qui reposerait sur des séquences à 360°. La semaine dernière avec ViaFabula qui développera la technologie de ma géolecture, nous avons aussi évoqué les séquences à 360°, pour que les lecteurs qui ne viendront pas à Montpellier puissent s’immerger dans les lieux de lecture. Je suis toujours émerveillé par nos synchronicités esthétiques.
Une chose me chagrine. J’ai eu l’idée de la géolecture sans réellement avoir une idée d’histoire, tout est ouvert. Il m’arrive souvent de lire des textes écrits sans nécessité, écrits parce que les mots sont en stocks. Je n’ai pas envie d’écrire parce qu’on me payera pour le faire, il faut que quelque chose émerge, qu’un propos s’impose.
Je suis passé chez Sauramps à la recherche d’un livre sur l’histoire de Montpellier. Le seul digne de ce nom est épuisé comme je l’avais constaté sur Internet. En quelques requêtes, je m’étais mis au niveau du libraire. Profession en sursis si elle ne se réinvente pas, je ne sais pas trop comment d’ailleurs, peut-être en diffusant des œuvres qu’on ne trouve pas ailleurs : des livres épuisés, des tirages rares, des expérimentations non commercialisées par les géants du Net…
Je change de table à cause trois étudiantes qui fument, et même pas envie de leur expliquer que c’est une habitude ridicule, et je me retrouve près de deux joggers qui parlent régimes sans lactose. Terrain familier pour moi, presque trop familier pour que j’ai envie de me joindre à leur conversation.
Si ma géolecture fonctionne, j’attirerai des lecteurs dans des lieux bien précis. Qu’est-ce que j’aurais envie de leur dire qui aurait moins de sens s’ils me lisaient ailleurs ? C’est toute la question. Les conduire en des endroits qui résonnent pour moi, leur faire ressentir cette vibration et profiter de son onde porteuse pour transmettre quelque chose qui sinon serait de l’ordre de l’indicible.
J’aurais moins de mal sur Sète, ou autour de l’étang de Thau, parce que je suis pénétré depuis l’enfance par leurs lumières. Montpellier reste une ville étrangère, même si j’y ai étudié, même si j’y viens tout le temps. Ce n’est pas une ville d’aventure pour moi. Elle ne m’a jamais inspiré.
Je me promène, mais il fait un froid guère propice à la rêverie. J’atterris au café de la Mer après une boucle qui ne me révèle rien que je ne connaisse déjà, je passe même par une place où nous possédons un appartement. Et je ne cesse me dire que Montpellier n’est pas le lieu. Si je veux me faire aimer d’un lecteur imaginaire, il faut que j’écrive sur un lieu chargé pour moi d’imaginaire, sinon j’en serai réduit à écrire une simple fiction, ce dont je n’ai aucune envie après mon année passée à batailler sur Résistants.
J’ai néanmoins acheté un livre chez Sauramps, une histoire secrète de Montpellier. Je lis quelques pages qui paraissent copiées de la fiche Wikipedia sur Montpellier, à moins que ce ne soit le contraire. J’ai quelques doutes, tant le niveau de langage est identique. Et déjà l’impression qu’il en sera ainsi de page en page, parce que dès le début rien ne se détache sinon le besoin d’écrire un livre pour gagner un peu d’argent. Pour rien au monde tomber sans ce piège.
Je pourrais lancer un appel sur le Net, que les gens me montrent des lieux, me révèlent des histoires… J’en suis à l’étape du conditionnement mental, la plus douloureuse quand tout est possible et que tout paraît d’autant plus impossible.
Musique à la con dans ce café, dont je n’arrive pas à faire abstraction, le garçon qui laisse la porte ouverte pour faciliter ses allers-retours avec la terrasse, et je me caille, alors je pars à la recherche d’un autre lieu. Peut-être le Musée languedocien où je ne suis jamais allé.
Musée fermé, je m’assois au soleil sur un des bancs de l’esplanade, où il fait meilleur qu’à l’intérieur des cafés montpelliérains inconfortables. La géolecture est climatique, et devoir écrire l’histoire en janvier n’est sans doute pas idéal.
Je suis assis sur un banc où quand j’étais encore lycéen je retrouvais une copine les mercredis après-midi. Le souvenir me revient par un effet du lieu sur ma mémoire. Elle s’appelait Isabelle, comme mon Isa d’aujourd’hui, pas si étonnant tant ce prénom a été distribué à tour de bras. Nous connaissons tous des dizaines d’Isabelle nées durant les années 1960 et 1970, un virus mimétique a frappé la génération de nos parents.
Lundi 9, Balaruc
Apple fête les dix ans de l’iPhone. J’ai l’impression que nous avons des smartphones depuis des siècles, tant ils ont profondément affecté nos comportements. Mes fils ont du mal à imaginer que nous n’avons pas toujours vécu avec ces gadgets qui ont leur âge.
Mardi 10, Balaruc
Je réécris et réécris ce qui pourrait être l’introduction de la géolecture, à la recherche du ton, de la forme, de la magie qui me permettra de dérouler la suite de ce texte. Et alors que j’évoque l’influence d’un lieu sur la lecture, je repense Cosey, qui au dos de ses BD propose une bande-son à écouter lors de la lecture.
Mercredi 11, Balaruc
Hier, Narvic me parle La voix humaine de Cocteau, une pièce où une actrice seule sur scène discute au téléphone. Je tombe très vite sur l’article Le Téléphone au théâtre, qui montre que le téléphone entre en France au théâtre presque immédiatement après son introduction commerciale en 1879.
Alors ma géolecture doit-elle tenir du roman ou du théâtre ? Si le texte doit être lu par un acteur, il ne peut être le même que s’il doit être lu par le lecteur.
Je ne me suis jamais essayé au théâtre, parce que souvent les pièces m’ennuient. Mais là il ne s’agit pas vraiment de théâtre, plutôt d’une sorte de livre audio.
Mercredi 11, Montpellier
Je suis contracté, tendu, et loin de la sérénité qui me serait nécessaire pour me projeter dans ma géolecture. La traduction de One Minute s’est mal passée. Ça me prenait trop de temps, le texte anglais divergeait trop du mien, le contredisait souvent, ce qui me forçait à m’expliquer sans cesse, souvent sans effet. J’ai très vite senti que je ne teindrai pas le choc tout au long de l’année. Heureusement que la traduction de Résistants se déroule pour le mieux, d’où l’intérêt de travailler avec des professionnels plutôt qu’avec des amis. Et c’est justement à cause de l’amitié que je ne suis pas bien, parce que je n’ai pas su gérer, pas su expliquer… mais je n’ai jamais été pédagogue, même avec mes enfants ça coince souvent. Je ne vais pas me changer, je connais mes seuils d’incompétence… et maintenant j’anticipe très tôt les catastrophes, sans réussir à les éviter tout à fait.
Jeudi 12, Balaruc
Journée contrastée. Énervement au départ des enfants à l’école, puis ça piétine sur la géolecture, et puis une idée d’Isa me débloque et le projet prend forme, et je me sens soudain léger. Mais je passe le début d’après-midi sur le site UPS à tenter d’envoyer un canapé IKEA à un cousin, un cadeau acheté une semaine plus tôt, avant de voir que ça me coûte plus cher que le contenu lui-même et plus cher que de le faire directement envoyer par IKEA (ce qui est hors de prix et qui explique pourquoi je voulais passer par UPS).
Je suis dans un état lamentable, je n’ai même pas attaqué les bricolages qui étaient au programme. Je file à Sète récupérer les enfants, je reviens avec un ciel merveilleux, puis je pars courir pour me calmer, je tiens les 12 km/h de moyenne et ma montre m’annonce un nouveau record de VO2max. Une douche et je saute dans la voiture, direction Monptellier. Passage par IKEA ramener le canapé où la réceptionniste me jure que je l’ai ouvert…
Il y a des jours où c’est compliqué, des jours de fatigue. Je m’en vais rejoindre des amis au resto. Quand je dévale dans le parking souterrain, j’oublie que je suis avec la Kangou, la galerie fait valdinguer le panneau hauteur limitée, mais trop tard, je m’engage dans le tunnel. L’antenne racle contre le plafond et bing, bing, elle cogne contre chacun des néons. Je vais jusqu’au bout du parking, pas de place, et je reviens vers l’entrée, et bing, bing, à la sortie, la machine me dit que je dois payer, ça m’énerve, et ma CB est refusée en prime, faut cinq bonnes minutes pour que quelqu’un réponde à l’interphone et me libère.
Vendredi 13, Balaruc
Je suis béa devant mes photos de coucher de soleil prises hier. Un souvenir remonte peu à peu. Quand j’étais ado, je dormais face à un trompe-l’œil montrant des palmiers au coucher de soleil, avec des noirs profonds, un embrassement orange. J’ai été en quelque sorte programmé pour aimer ce moment de la journée.
Barbara Murray remarque que le nom Resistants n’existe pas en anglais, c’est un adjectif, donc pas de « s » terminal. Je suis encore en train de digérer cette news.
Il semble que Resistant soit parfois utilisé en anglais en tant que nom, mais n’est pas d’un usage très courant.
Samedi 14, Balaruc
Imaginer un personnage qui souffre de synesthésie, qui transforme ce qu’il entend, ce qu’il sent, ce qu’il touche en couleurs et images.
Dans NewScientist, il est toujours question de spéculations physiques, d’expériences prometteuses, dont on n’entend jamais plus parler parce qu’elles ne donnent pas les résultats escomptés. De fait, on est souvent dans la SF.
Dimanche 15, Balaruc
Je me disperse, j’écris des billets politiques sur le blog, parce que j’ai peur, parce que je vois les meilleures idées dévoyées ou transformées en idéologie que personne ne veut remettre en cause. Alors je le dis, pour me dire que je l’aurais dit, et je me moque au passage de me brouiller avec mes amis, ils ne peuvent pas l’être s’ils refusent mon questionnement.
Line Fromental m’apprend la mort soudaine de mon ami Jacques Bruyère, ancien journaliste du Midi Libre, avec lequel je mangeais jeudi soir. Il était assis en face de moi. Il avait commandé un pot au feu. Je le revois, avec ses doigts rassemblés bout à bout, mimer « Miam miam » et dire en même temps « C’est excellent » de sa voix chantante et bougonne. Nous avons parlé de Montpellier, il m’a conseillé des lieux pour ma géolecture. Quelle absurdité ! Parfois je me demande pourquoi nous acceptons de jouer ? Peut-être parce que nous ne sommes pas seuls, nous le faisons pour les autres, pour leur donner du courage et de la joie. Pour nous-mêmes, vraiment, ça ne compte pas. Avec Jacques s’en va un peu d’amour, je sais qu’il aimait beaucoup, surtout pour mon habitude de donner des coups de pied dans la fourmilière, avec lui un peu d’énergie qui nous connecte s’est effacée. Ce n’est pas simple cette affaire. Après cette nouvelle, je n’ai rien trouvé de mieux à faire qu’à jardiner. Isa m’a signalé qu’on avait un problème d’égout. J’ai dû les déboucher au Karsher. Vraiment, c’est absurde.
Lundi 16, Balaruc
Lundi 16, Montpellier
Repérage photo pour ma géolecture. J’explore les marges de Montpellier, suivant le Lez en direction de la mer. C’est là que je veux perdre mon lecteur pour l’assassiner virtuellement. Le lieu où les eaux qui ont traversé la ville se jettent, et avec elle toutes les mauvaises humeurs en même temps que toutes les extases.
J’aime cet endroit presque sous l’autoroute, avec deux plans inclinés de béton couvert de tags, l’un avec un lapin bleu aux yeux hallucinés. Le bruit de l’eau et du trafic se mêlent et inventent un silence artificiel, un monde de bruit blanc. Je me sens là mieux qu’au cœur de la ville, peut-être parce qu’ici je suis seul et n’ai pas l’impression d’être attiré là par une alléchante publicité.
Je suis passé par l’hôtel de ville construit par Nouvel. C’est une belle chose toute en reflets, avec des jardins, un rien sauvages. Un bâtiment qui ne renie pas la campagne, il s’intègre dans la ville d’aujourd’hui, pensée pour les esprits d’aujourd’hui. Un air de Canary Warf à Londres. Un endroit où je me suis toujours senti bien, peut-être parce qu’il a été pensé et construit par mes contemporains, des gens comme moi, avec les mêmes idées que moi.
Je me suis assis à même le béton, le dos sur le plan incliné froid, le soleil me chauffe, j’ai prévu de remonter peu à peu vers le centre-ville, vers le point où commence mon histoire. Et sur ce trajet, je dois repérer les lieux où j’aurai envie d’amener le lecteur.
Un black dévale le plan incliné, il me regarde surpris, continue son chemin au-dessus du barrage et rejoint l’autre rive où, de temps à autre, passe un jogger ou un cycliste. Plus loin, tout droit, c’est la mer, alors envie de pousser jusque là-bas, pourquoi ne pas y envoyer le lecteur, jusqu’à la plage, jusqu’à l’horizon ?
Mardi 17, Balaruc
Nous avons reçu hier un courrier administratif… écrit sans le moindre respect, avec un dédain manifeste, une haine évidente… tout ça parce que nous avions oublié d’envoyer une déclaration. Dans quel monde vivons-nous ? Pourquoi nous faisons-nous autant de mal ? Un simple rappel aimable et bienveillant aurait eu le même effet que cette missive qui fait remonter toutes les puanteurs de notre société.
Mercredi 18, Balaruc
Ce n’était pas prévu, j’enchaîne les billets sur la liberté et le libre. Ils touchent à des points noirs que je n’avais jamais perçus, et des gens me tombent dessus, non pour s’attaquer au cœur de mon propos, mais pour corriger la périphérie nécessairement imprécise d’une pensée qui se donne en même temps qu’elle se fait. Sur le fond, rien, comme si je jetais des pierres dans un lieu de silence.
Jeudi 19, Balaruc
Nous ne dormons pas à la maison à cause du tournage de Candice Renoir, et je me réveille sans cesse, persuadé qu’il est l’heure de se lever. J’aime avoir une horloge lumineuse dans ma chambre, sinon je ne fais qu’anticiper la sonnerie du réveil. Je suis sans doute trop ponctuel, trop attaché à respecter les règles (même si je passe ma vie à les dénoncer).
Vendredi 20, Balaruc
Coup dur. Martin Blaser refuse d’être dans Résistants, sans bonne raison, sans doute parce ce livre n’est pas tout à son honneur. Les histoires d’ego ralentissent l’humanité quand elles ne la font pas reculer. Stress, me faut réécrire, trouver quelqu’un d’autre pour le remplacer. Quelle idée d’avoir voulu une fiction avec des personnages réels.
Samedi 21, Balaruc
Après mes douze bornes sur la plage, je me remets à l’organisation du voyage en Islande pour cet été. Tous les hôtels sont pris !
Dimanche 22, Balaruc
En réservant jour par jour, j’arrive à trouver des points de chute en Islande, le circuit s’organise peu à peu, mais cette histoire combinée au lâchage de Blaser m’a mis sur les charbons ardants.
Lundi 23, Balaruc
Je lis le journal de Philippe Castelneau dans ma boîte mail et j’en éprouve une sorte d’intimité, comme s’il s’agissait d’un message rien que pour moi. Les textes de Philippe ne me font pas le même effet quand je les pêche sur son blog ou avec mon agrégateur de flux. Je suis même certain que si je lisais son journal sur le Web, je ressentirais autre chose, malgré la similitude du contenu. Sur le Web, c’est pour tout le monde. Dans ma BAL, c’est pour moi, rien que pour moi, bien plus fort que dans un livre, aussi fort que si Philippe avait écrit à la main. Ça me donne à réfléchir pour mon journal, que je publie sur le Web, mais que la plupart des lecteurs lisent dans leur boîte mail. Creuser cette pseudo intimité littéraire qui transforme l’écriture en performance.
Un peu écœuré par l’organisation du voyage en Islande, impression d’être pris pour une carte de crédit. À l’avenir, penser autrement les vacances, créer des liens, échanger… mais on repousse toujours le moment et on finit par consommer bêtement.
Mardi 24, Balaruc
Jeudi 26, Balaruc
Second rhume en deux semaines, peut-être parce les finitions de Résistants n’en finissent pas. Je récolte les commentaires des scientifiques non francophones, ajuste la version française, qui doit à nouveau être traduite. Ce n’est plus de l’écriture depuis longtemps cette affaire.
Vendredi 27, Balaruc
Hier soir, François Bon publie un beau billet sur l’exploration du monde à travers Google Earth et Google Street View, où il évoque l’envoûtant travail d’Olivier Hodasava. Quand j’écris des romans, je passe souvent du temps à explorer les lieux de mes scènes. J’ai commencé en 2008 quand j’écrivais La quatrième théorie, c’est devenu une habitude, mais je me livre à cet exercice que parce que je n’ai pas les moyens de me rendre sur place. Je n’imagine pas de traîner sur le Web juste pour me balader, je préfère encore sortir et envoyer en enfer mes écrans.
Dimanche 29, Balaruc
La VF de Résistants envoyée en corrections finales. Je ne suis pas encore tout à fait débarrassé de ce roman. Je me demande quand je serai capable de passer autre chose. Quel sens de travailler autant pour en toute probabilité ne pas avoir de lecteurs ?
Lundi 30, Balaruc
Je ne devrais écrire que ce qui m’arrive. L’imagination nous trahit plus que la mémoire.
Je repense aux balades photographiques sur Google Earth évoquée par François. J’avais promis à une revue de refaire sur Google Street View le célèbre dépliant Every building on the Sunset Strip d’Edward Ruscha, et je ne l’ai pas fait.
Une autre idée surgit : faire une balade sur Google puis aller sur les lieux pour refaire la balade, et montrer ce que l’écran m’avait caché… dans le but peut-être illusoire de prouver que le réel est supérieur au virtuel.
Je sais au moins une chose : je suis plus heureux quand je ma balade sur mes jambes que quand je reste devant mon ordi.
Après la note précédente, je fais des recherches sur Ruscha et Street View, et j’essaie même de monter la première page de son dépliant. Quelle aliénation de passer des heures à capturer des images. Hans Gremmen mieux fait de fixer une GoPro sur sa voiture plutôt que de copier-coller durant deux ans les paysages du trajet Chicago-LA. Un développeur aurait même pu faire ça automatiquement. C’est risible, et déprimant.
Mardi 31, Balaruc
Comme j’ai mal aux genoux, pas de footing. Je vais faire du vélo et j’en reviens avec encore plus mal aux genoux. Vieillir, tout simplement.
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