#Dis donc Ferré
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Conseils accessibilité graphique
Je me dis que c'est le bon moment pour re-poster ce post de 2021 qui trainait dans mon ordi, suite au message de @petrichorpg !
Point à noter :
L'accessibilité, ce n'est pas tout ou rien. On peut améliorer beaucoup de choses et d'autres seront plus difficiles car nous n'avons pas les connaissances, les compétences, le temps ou l'énergie. Le plus important, c'est de s'y mettre.
Même si je suis un fervent admirateur du design dit universel (bon pour tout le monde), l'accessibilité a aussi ses besoins de personnalisation. Certains handicaps, maladies, neuroatypies requièrent des aménagements précis et qui n'iront pas à tout le monde. -> Exemple : des personnes liront mieux en grand, d'autres en petit (vision tubulaire) ; un dark mode hyper contrasté conviendra bien à quelqu'un mais sera trop "bright" pour d'autres (c'est mon cas, j'adore le dark mode mais souvent, les textes sont trop lumineux pour moi).
Mais globalement, les conseils ci-dessous répondent à beaucoup de besoins et permettent d'améliorer l'accessibilité globalement. Ils sont majoritairement issus des recommandations internationales (et sinon, à travers mon expérience de graphiste).
J'ai encore pleins d'idées sous le coude mais bon, là j'ai déjà corrigé certains éléments de cette liste partagée en 2021. On verra pour le reste un jour aha
Je suis ouvert à toute question, clarification et correction en commentaire !
“Mais souvenez-vous que vous ne faites pas ce design pour des designers. Vous concevez un site pour des utilisateurices varié·es aux besoins divers, et avec différents outils pour y accéder.”
(terminologie : user -> utilisateur·trice / dys’ -> raccourci pour évoquer une partie ou l'ensemble des troubles d'apprentissage dont le préfixe est « dys »)
Typographies :
Textes tout en uppercase/capitales : À éviter sur tout un paragraphe, à garder pour de court mot ou court texte (1 ligne) -> Pourquoi ? Globalement, les textes tout en capitales manquent de lisibilité à cause de l’absence des repères de lectures comme les lettres qui montent (l,d,k) et qui descendent (p,j).En majuscules, toutes les lettres sont à la même hauteur.
Textes tout en lowercase/minuscules : À éviter aussi, les majuscules servent de repère de lecture pour savoir quand une phrase débute ;).
Texte centré : Éviter les textes centrés quand ils sont trop longs (longues lignes ou beaucoup de lignes). -> Pourquoi ? Les lignes d'un texte centré ne débutent pas aux mêmes endroits et la lecture en est impactée. À garder pour de très courts textes type 2 lignes (citation, titre et sous-titre court...)
Texte justifié : Éviter globalement (oui je sais, 98% des forums ont leurs textes justifiés aha....) -> Pourquoi ? Sur le web, on peut difficilement gérer les espaces entre les mots. Un texte justifié va donc créer des espaces + ou - grands entre chaque mot pour combler l'espace et rentrer dans une largeur fixe, ce qui peut complexifier la lecture (l'oeil va plus difficilement sauter d'un mot à l'autre en gros).
Texte aligné sur la gauche : À privilégier au max, surtout les longs textes ! Je sais que le justifié rend plus "esthétique" car tout est aligné. Si on veut les garder, plutôt pour les textes de catégories et privilégier le texte aligné à gauche (dans le jargon on parle de ferré à gauche) pour la majorité des textes type annexes, rp...
Line-height (espace entre les lignes) : Pour les paragraphe, il est recommandé d'avoir un line-height de x1.5 de la taille du texte. -> Exemple : paragraphe en 16px → 16x1.5 = votre line-height. Pour les grands titres, j'ai tendance à descendre à x1.3 généralement car normalement les titres sont courts et grands.
Letter-spacing (espace entre les lettres) : Éviter de changer les espacements de lettres, surtout sur ce qui est titre et paragraphes. Normalement une typographie a des espaces précis pour faciliter sa lisibilité. En ajouter peut créer des difficultés de lecture.
Niveaux de titres (ce qu'on nomme H1, H2, H3) : Choisir plusieurs niveaux de titres et s'y tenir. Il faut que chaque élément ayant le même niveau d’informations soit dans le même style graphique à chaque fois pour aider à comprendre la structure :) -> Exemple : tous les titres d’annexes = tel css / tous les boutons = tel css / tous les sous-titres = tel css. -> Partage d'infos en plus : les Hr ont aussi un rôle de structure pour les lecteurs d'écran (logiciel qui restitue vocalement ou en braille l'information écrite. Ils sont utilisés par certaines personnes aveugles, malvoyantes, qui ont des troubles cognitifs...).Je n'en parlerai pas dans cette liste car je n'ai pas de connaissance sur la facilité d'usage de Forumactif avec un lecteur d'écran.
Taille de texte : Sur le web, il est recommandé d'écrire en 16px minimum pour les paragraphes.
Accent et texte : Garder les accents sur les majuscules (À, É) facilite aussi la compréhension des textes.
Largeur de textes : Normalement sur FA, on n'a pas ce soucis, mais on conseille globalement d'avoir entre 50 et 70 caractères, espaces compris, par ligne pour une bonne lisibilité. Le but n'est pas de calculer chaque ligne mais de se rendre compte de ce que ça signifie visuellement ( j'utilise le site compteursdelettres).
Mise en valeur :
Changement de typographie : Éviter les changements de typographies dans des paragraphes pour mettre en valeur des éléments ! Plutôt utiliser le gras, une couleur différente ou un surlignement en couleur discrète (mais visible, faut juste pas que ça soit TROP visible).
Nombre de mises en valeur : normalement, une mise en valeur ne devrait pas être trop présente car sinon...ça voudrait dire que tout le texte est important aha. Restons utile et efficace : un peu de gras, un surlignement si besoin d'avoir 2 CSS de mises en valeur mais ne faisons pas un sapin de noël.
Italique : Utiliser l'italique avec parcimonie (manque de lisibilité sur certaines typographies). En général, l’italique sert pour des citations courtes, des mots en langue étrangère à celle du texte, des noms propres ou d’ouvrages, pas juste pour “faire joli”.
Soulignement : Éviter d’utiliser le soulignement pour des éléments non-cliquable. C'est un code connu et reconnu dans le web pour visibiliser les liens alors autant l'utiliser comme le cerveau s’y attend :)
Liens et infos :
Élément cliquable (bouton, lien, flèche...) : pas trop petit et éviter des éléments cliquables trop proches les uns des autres. -> Pourquoi ? Une personne qui a des troubles de la vision ou de la motricité pourrait galérer à cliquer au bon endroit si c'est trop petit / trop proche d'un autre élément cliquable !
Lien et css : je conseille toujours de garder le soulignement pour les liens, c'est un code connu du web alors autant de ne pas réinventer la roue. On peut ne pas avoir de soulignement pour ce qui est "logique" (genre les menus, on sait globalement que c'est cliquable) mais un lien dans un texte, on garde le soulignement ! -> Note : Un lien en couleur seule n'est souvent pas suffisant, surtout si on utilise déjà la couleur et/ou le gras pour mettre en valeur (il y a des cas à la marge mais j'essaye de rester efficace).
Cacher du contenu : Éviter de trop dissimuler du texte dans des collapses/accordéons. Plus les textes seront cachés, plus ça créer un sentiment de “mauvaise” surprise chez les users qui se retrouvent à lire 4x plus de texte que ce qu'iels pensaient.
Renseigner ce qu'on va trouver : Sur de longues annexes, ne pas hésiter à préciser le contenu avec une introduction courte qui résume ou avec un mini sommaire. Pourquoi pas y ajouter des ancres (html) pour faciliter la navigation dans l’annexe.Liens entre les informations : Ne pas hésiter en fin d’annexe/contexte à mettre des liens vers d’autres sujets qui serviront à mieux comprendre ce que les membres ont lu juste avant. Pas tous les liens, juste ceux autour des informations évoquées au dessus. En gros, aider les users à mieux comprendre en leur indiquant où se rendre ensuite !
Plan de forum : Sur un site, on conseille d'avoir une page "Plan du site", qui récapitule toutes les pages. Je me dis qu'un post "plan du forum", spécifiquement pour la partie annexe, peut-être très cool.
Couleurs :
Contraste général : Ni trop fort, ni trop faible. Dans les recommandations officielles d'accessibilité, on parle de ratio de contraste. Il existe des outils pour tester les couleurs de texte sur les couleurs de fonds pour voir si on est dans les clous. -> Comment s'y prendre ? Je vous recommande l'outil Color Contrast Analyser qui est un logiciel sur Mac et Windows : vous entrez la couleur de texte (1er plan) et la couleur de fond (2e plan) pour obtenir un ratio de contraste. L'objectif est de viser la conformité sur "texte normal" et "texte grand" du niveau "AA" (je conseille toujours le niveau AA car sinon on rentre dans des choses plus précises type si texte plus de 24px, on peut être moins contrasté etc...)
D'autres site de contraste (si besoin, je serais ravi de faire une vidéo pour montrer comment les utiliser) : Colorsafe.co ou Contrast-finder
Couleurs pures ou vives : Éviter les couleurs dites pures (noir #000 sur blanc #FFF, etc) ou très vives. Privilégier des nuances comme un noir coloré, grisé ou un blanc cassé, une couleur descendue et pas flashy, surtout pour ce qui est texte ! Même si le contraste sera bon, certaines couleurs trop vives peuvent entrainer des migraines ou autre sensibilité à la lumière.
Gifs : Éviter les gifs avec flash de couleurs ( type spot de soirées) ou flash trop rapides / répétition. Ça peut entrainer une crise d’épilepsie photosensible chez les personnes épileptiques (et aussi des migraines). Ou alors prévenir en amont. Donc à éviter sur des headers, à un moment c'était assez tendance. -
Éléments animés : Toujours laisser la possibilité d'arrêter une animation (ex : un fond de forum qui bouge pour donner un côté grain de vieux film -> on a un bouton qui permet de stopper cette animation.) Ça peut être plus complexe à faire mais une animation qui tourne en boucle, niveau concentration, c'est chaud :/
Information et couleurs : Ne pas signaler une information uniquement par la couleur -> Exemple : "info importante en rouge" ou pour diviser une liste d'info "en rouge les malus, en vert les bonus". -> Pourquoi ? Les personnes daltoniennes verront le rouge jaune/marron ou rose (il existe plusieurs types de daltonisme). -> Comment ? En plus d'une couleur, on peut accompagner d'un pictogramme, d'un symbole (triangle rouge = telle info ; carré vert = telle info), ou d'un mot, tout simplement. Ne pas oublier la légende ;) En plus, c'est top pour apporter un peu plus d'identité graphique !
Récurrence d'usage des couleurs : Utiliser chaque couleurs pour les mêmes éléments au fil des pages. -> Exemple : Une palette avec du bleu doux , du gris perle et du bleu marine : le bleu doux pour tous les boutons et liens, le bleu marine pour tous les titres, le gris perle pour les separateurs....
Autres :
Poids des visuels : L'accessibilité concerne aussi l'accès à l'information quel que soit notre matériel ou notre type de connexion. Tout le monde n'a pas la fibre et des headers de 3 mo (oui j'a déjà vu :/) peuvent être très pénibles à charger. -> Conseils : N'oublions pas de diminuer le poids de nos images en passant par des logiciels de compression (compress jpg ; compress png ; compress gif). Il est toujours possible de trouver le juste milieu entre qualité et poids !
Laisser la parole : que ce soit dans un post dédié, un questionnaire en ligne et anonyme, par MP au staff ou dans la fiche de présentation (le forum Maybe this time le propose par exemple), on peut intégrer la possibilité de faire des retours d'accessibilité ou préciser des besoins précis. On ne peut pas penser à tout et peut-être qu'un besoin remonté par un·e membre aidera d'autres qui n'ont pas osé en parlé !
Pour aller plus loin :
En anglais : conseils sur les couleurs pour les personnes avec des handicaps visuels
Designing-for-color-blind-users
Colour-accessibility
En français : accessibilité, design, webdesign
Le site design accessible
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Jour 20
Un jour dédié aux émotions sismiques
Gumri est la 3ème ville d'Arménie. Située au nord ouest, elle est proche de la frontière turque. L'unique voie ferré du pays y mène. Ce matin donc, je me réveilla tôt pour m'y rendre. Allons donc à la gare et découvrons aussi le visage de cette capitale au matin et étonnament, elle est vide. A l'opposé du soir où cohue et bouchons se constrictor. De bon matin, la spectaculaire gare d'Erevan est aussi tout à fait vide. La caisse ouvre à 7h30. Le train part à 7h50. Il se compose de 2 wagons qui se remplissent rapidement. Ça papote sévère. Le tout décolle mollement. Et le tacatacatac rythme l'avancée. Le paysage de type steppe se ponctue parfois d'un gars perdu dans le vaste gardant des vaches ou des moutons brouteurs.
La fatigue du périple commence à m'envahir les vertèbres et les guiboles. Je me dis qu'aujourd'hui il ne se passera rien. Je vois bien qu'il y a des groupuscules de touristes autour d'un guide qui braille ça et là. Donc il doit y avoir de la matière historique à découvrir. Mais non, je fatigue. Cessons de courir et poser des questions. J'opte pour le cimetière, un lieu calme et sans bruit.
Etrangement, dans ce pays, tous les condicteurs de taxis regardent uniquement la trajectoire du GPS et non la destination. La Californie nous envoie dond dans un dépotoir au-dessus du cimetière, bien loin de l'entrée officielle. Tant pis, j'y entre à l'envers, en enjambant la flore épineuse et les bouts de verre.
Ce qui est beau et curieux dans les cimetières en Arménie, ce sont les stèles verticales où les défunts y sont photodessinés en grand. L'autre curiosité, ce sont les bancs, protégés par un auvent, avec une petite table, pour les rituels de lever le verre ou juste être là, assis devant la tombe.
J'erre au milieu des tombes. Oh... voilà justement que j'aperçois une scène qui en dit long. Un vieux monsieur boit une bière et fume une cigarette sur un de ces bancs. Il observe la tombe qu'il vient de fleurir.
Il dit:
Je suis retraité. J'habite un peu ici, un peu à Moscou. C'est la tombe de mon fils.
Ooooh...
J'enlève ma casquette et prononce quelques mots d'affections. Le monsieur les ressent. Il me remercie. Il part.
Je m'approche de la tombe. J'ai quasi le même age que son fils.
Oh... Je découvre la date de son décés: 7 décembre 1988 !!!
Il fait partie des morts de cet immense tremblement de terre qui a détruit la ville, a ravagé la région, a mis à bas toute l'Arménie, a rendu exsangue toutes ses capacités ... Pile au moment de sa libération du joug soviétique.
Oh... Et c'est donc pour cela que sur de nombreuses tombes il y est gravé 11h41... L'heure du séisme.
Je fume une cigarette en hommage au fils de cet homme sympathique qui aurait pu être mon père.
Et là, je comprends Gumri. Une ville où encore bien des habitations restent effondrées, éventrées, éreintées au milieu des reprisées, rebriquées, regonflées.
Tant de 11h41 gravés sur les stèles...
L'onde de l'émotion sismique continue de s'épandre et, en signe de vie actuelle, on porte un toast aux disparus.
Cul sec!
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Dis donc, Ferré
Françoise Travelet, “Dis donc, Ferré..” (1976), p104..: ...Un jour où nous déjeunons ensemble, tout à coup Léo me dit: “En ce moment, j'ai des problèmes avec Baudelaire…Avec Baudelaire, je suis passionné et passionnément critique. Quand j'ai lu le livre de Sartre (sur Baudelaire), j'ai été violemment contre Sartre, puis j'y ai repensé et beaucoup d'arguments m'ont impressionné. A cela près que Sartre est volontairement loin de la poésie. Il n'aime pas Baudelaire, il aime Genet, ce qui d'ailleurs lui fait écrire des lignes extraordinaires pour lui, pas pour Genet. Un livre de morale fantastique qui est le plus beau livre de Sartre ("Saint-Genet, comédien et martyr”)… “ Alors Léo, quels problèmes avec Baudelaire? "Ce n'est pas moi qui ai des problèmes avec Baudelaire, c'est Sartre !” Sartre ? Non ! Lui, oui, parce qu'il a trop aimé Baudelaire et que le livre de Sartre lui a gâché cette amitié. “ ‘ Au poète impeccable ! ’ C'est vraiment lamentable, dégueulasse…Après avoir écrit "Les Fleurs du Mal”, on ne le dédie à personne, et surtout pas à Théophile Gautier !...“…
#Léo Ferré#Françoise Travelet#Dis donc Ferré#Charles Baudelaire#Jean-Paul Sartre#Jean Genet#Saint-Genet comédien et martyr#Théophile Gautier
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Étape 64 : Bercianos del Real Camino
Mardi 25 Juin
Coup dur : 5h15 ce matin, je me réveille, je m’assieds sur le lit et je m’habille. Au moment où j’enfile ma chaussette gauche, un flash terrible dans le dos qui me laisse quelques secondes abasourdi sur le lit. En plus, j’ai hurlé, donc réveillé la moitié du dortoir. Là, j’ai la trouille. J’ai déjà eu (rarement) ce genre de trucs. Soit c’est au lit sans bouger pendant 8 jours avec une douleur à la limite du supportable (ça s’appelle un lumbago), soit cocktail de médocs et ça ne dure que la journée. En plus, je me souviens d’avoir lu quelque part que la marche était bénéfique. Ou plutôt, qu’il ne servait à rien de rester couché. Ca m’arrange. Je fais mon sac à 4 pattes, je déjeune et je me lave les dents en me tenant partout où je peux, et je me redresse doucement. Avec d’infinies précautions, je mets mes souliers, la mochila sur le dos et je me sauve. Tout doucement. Curieusement, quand je marche, je ne sens quasiment rien. Sinon, assis ou debout, bonjour !
Je reste quand même un peu tendu. Je me dis que si je m’effondre avec un lumbago au milieu de nulle part, on n’est pas rendus ! Surtout que l’étape est longue, aujourd’hui. 32,7 kms prévus, j’ai fait en réalité 35,8 kms, je vous raconte après.
La météo, d’abord. Au départ, le ciel est couvert. Il doit faire dans les 20° (il est 6 heures du matin). A Sahagun, il commence à flotter. Pas des trombes d’eau, mais suffisamment pour qu’il faille sortir tout l’attirail de la « mochila » (je fais remarquer que, dans un souci pédagogique, j’emploie des mots étrangers pour le cas où, vous aussi, décideriez d’aller faire le kakou sur les traces de l’apôtre). J’ai un peu peur quand même, les mouvements bizarres, comme ôter le sac à dos, le remettre, me pencher pour chercher dedans, et autres choses me semblent être de nature à coincer mes reins déjà pas trop fiers. Mais bon, j’ai pas le choix. De toute façon, je l’avais déjà fait pour ranger mon repas de midi, acheté au « Lupa » de Sahagun (Lupa, c’est Carrefour ici). Il a flotté environ une heure et demie et le temps s’est éclairci, mais rien de méchant. Quand j’entends qu’en France, c’est la canicule, ici, c’est juste bien. Sauf que demain, jeudi et vendredi, ça pourrait taper. Enfin, c’est ce qu’on dit.
Je ne vous ai pas parlé du petit déjeuner. Parfois, les albergues proposent le petit déjeuner. Ca coûte en général 3,50€. Mais quand ��a les embête, ils le servent à partir de 8 heures. Là, ils sont tranquilles, vu qu’à 6h30, tout le monde est parti. Alors, deux solutions :
- La première, c’est de partir le ventre vide et de s’arrêter au premier bistrot venu. Ils proposent tous des « desayunos ». Mais parfois, c’est plusieurs kilomètres sans le petit café.
- La seconde, c’est d’acheter, comme je le fais, des biscuits « Prince » (ce sont les BN de mon enfance), et des dosettes Nescafé tout intégré. Alors là, méfiance. En fait, ces trucs-là n’ont carrément aucun goût. En réalité, vous buvez de l’eau sale. Vous allez me dire : « Tu n’as qu’à en mettre plus ! » C’est malin. J’ai essayé, ça fait de l’eau encore plus sale, mais sans plus de goût du tout. Mais enfin, à 6 heures moins le quart du matin, du moment que c’est chaud ...
Allez, quelques photos du chemin.
Très fertile, mais très caillouteux. Je sais depuis un moment que c’est loin d’être incompatible (voir Châteauneuf du Pape !)
Jacques de Molay. Il est partout dans le coin. Normal, on est chez lui ! Il y en a parmi vous qui n’ont pas lu « les Rois maudits » ? Si oui, précipitez-vous !
J’ai passé pas mal de temps sur un chemin bordé de ces fleurs-là. Ca faisait comme une haie d’honneur, et en plus, ça sent très bon.
Des dizaines et des dizaines de ces petites bêtes (des souris, des musaraignes ...) On dirait qu’elles jouent avec les passants. Elle se mettent au milieu de chemin, attendent le gars, et dès qu’il est assez près, hop ! Elles filent dans le bas-côté en rigolant (ça, c’est moi qui l’ajoute). Et il y en a qui se moquent complètement des gens et continuent à becqueter tranquillement au milieu du chemin. La preuve :
Et puisqu’on est dans le bestiaire, je ne vous ai pas encore dit, mais partout, au fâite de chaque bâtiment un peu haut, de chaque clocher d’église, un nid de cigogne. Et c’est énorme, un nid de cigogne !
Ca, c’est la sortie de Sahagun. Je ne sais pas qui sont ces deux personnages, mais ça rigole pas
On longe la route sur des kilomètres, mais en définitive, c’est plutôt plaisant :
Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais il ne me reste plus que 339 kms à parcourir avant de boire une bonne cana bien fraîche (une cana, on dit une cagna, mais je sais pas faire les tildés, c’est un demi !) sur le parvis de la Cathédrale Saint Jacques ! Ca rigole plus. C’est pour ça en particulier que ce serait ballot de devoir baisser les bras maintenant ...
Un peu partout, on voit des inscriptions du genre : « Elena, don’t give up » ou « Léa, tu y es presque » ou encore « Javier, no perde el animo » ou d’autres trucs dans des tas de langues qui veulent sans doute dire la même chose. C’est un peu émouvant, quand on imagine Elena, Léa ou Javier qui tombe sur l’inscription écrite au feutre au dos d’un panneau stop, ou sur un gros caillou au milieu de la piste.
Moi, je suis encouragé de partout. Vous ne vous rendez pas compte du bien que ça fait, quand on est en plein doute du genre : « Qu’est-ce que je fous là, alors que les problèmes s’accumulent à la maison », d’avoir des gens qui vous rappellent qu’ils sont dans votre mochila et que vous allez pas les laisser comme ça, en plein milieu de rien ...
Ma fille, déjà, qui n’en rate pas une pour me secouer les puces.
Ma copine Claire-Marie, bonne soeur de son état, qui ne l’a jamais fait, mais qui connaît le Camino mieux que moi.
Mon ami Pierre, avec qui je me chambre régulièrement, mais qui me donne l’impression d’être ses jambes sur le chemin.
Mon copain Joël, que la lecture du journal ennuie copieusement, mais qui me téléphone quasi-quotidiennement pour me demander ce qu’il y a dans le journal. Il s’inquiète pour moi, et il y en a pas tant que ça dans ce cas-là
Tous ceux qui me font un petit mot de temps en temps, pour me rappeler que je suis pas tout seul.
Et ma Agnès à moi, qui m’appelle tous les jours, qui tient la maison toute seule avec sa jambe en moins, et sans qui ça fait bien longtemps que j’aurais abandonné ... Je t’aime, ma copine. Tu me manques et j’ai hâte de te retrouver.
Bon, ça c’est dit.
IL est 21h15, je suis assis sur le bord du lit dans une albergue plutôt sympa. Le gîte est comme les autres et comme je l’ai déjà raconté propre, moderne, fonctionnel ... Il est attenant à un bar. Rock n’roll, le bar. Le patron a une crête de punk et sa compagne (enfin je crois ...) a des tatouages partout.. Mais ils sont très gentils. Pas très organisés, mais très gentils.
J’avais dit, et j’allais oublier, pourquoi j’avais fit près de 36 kms au lieu des 32 prévus.En fait, après Sahagun, il y a un village qui s’appelle Calzada del Coto. Le chemin n’y passe pas. Vous remarquerez que le village où je suis s’appelle « Bercianos del REAL Camino ». En fait, à un embranchement, il y a deux possibliltés : Soit l’ancien chemin qui va à Bercianos directement, soit l’autre, qui passe effectivement par Calzada del Coto et qui va directement à Reliegos (52 bornes !). Et l’embranchement est tellement mal fait en faveur du chemin « Calzada » que tout le monde se trompe. Je prends donc le mauvais chemin, hyper-bien balisé, et je suis avec mon GPS. Et on s’éloigne de la route. De lus en plus on s’éloigne. A un moment, je m’arrête. Trois ou quatre personnes s’arrêtent avec moi. On consulte le GPS et on s’aperçoit de l’arnaque. Gràace à mon GPS, on réussit à couper le fromage et ne pas faire demi-tour. En fait, on a eu drôlement de la chance. En longeant la voie ferrée et en traversant un peu à travers champs, on a réussi à limiter la casse. Mais vous remarquerez que ce genre de péripéties n’arrive jamais lors des étapes à 16 kms. En revanche, passés les 30 kms, tout est possible.
Bo, j’ai encore plein de trucs à dire, mais j’en ai un peu marre.
Juste un peu sérieusement : Je suppose que certains d’entre vous se disent que je les gave avec mes histoires de chaussettes, de lumbago et de café. Moi, je pense que c’est avec ces petits détails du quotidien que je peux vous faire sentir l’ambiance du chemin. Enfin, de mon chemin. Parce que les détails historiques de la Cathédrale de Burgos ou le rendement au km2 des terres agricoles de la Castille, vous trouverez ça dans Gogole, avec des photos bien plus belles que celles que je pourrais vous présenter. Alors que vous dire que les dosettes Nescafé sont carrément dégueulasses, d’abord, vous le trouverez nulle part, ensuite, si vous savez lire entre les lignes, ça vous permet peut-être de vous imaginer à ma place.
Demain, je tente une étape de 27 kms. Après les trois dernières, c’est un peu de la gnognote, non ?
Faites de beaux rêves pas trop caniculaires, si possible
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A PLEIN TEMPS - Donc, un film “social”, qui raconte comment, quand tout s’enclenche de façon à enliser une situation, plus rien d’autre que ce qui va mal, ne peut aller bien. Pas très clair? Normal, c’est le vertige, le tourbillon, tout cafouille, le cercle vicieux a t-on l’habitude de dire. Donc d’emblée un film oppressant, épuisant, culpabilisant pour ceux qui ont des vies normales ou privilégiées, profondément attristant pour ceux qui partagent cette misère en se disant que chez eux, en plus, ce n’est même pas du cinéma.
Bref, le film à éviter? Mais non, pas complètement! Je ne dis pas encore qu’il faille absolument le voir, mais j’annonce que pour un “film social”, il est courageux, pas ennuyeux, et même pas complètement manichéen. Les pauvres ne sont pas tous des bonnes personnes, droites et honnêtes, dévouées et exploitées que tout le monde accuse à tort; et, face à ces “victimes du système”, il n’y a pas que froideur, injustice et cruauté.
Malgré le rythme effréné du tout va de mal en pis, c’est en définitive un film émouvant qui teste notre empathie. Tout n’est pas là que pour raconter qu’un être humain est ferré dans le bocal hermétique du capitalisme effréné et se débat comme un papillon enfermé… Effectivement, pour ceux des grosses métropoles notamment, ceux qui se marient mal, qui divorcent mal et/ou ceux qui n’ont pas le bon emploi, le piège de la vie est toujours tendu sous les pieds des courageux qui tentent les moindres pas. Mais A plein temps reste pourtant un film optimiste, même s’il flatte un peu les guerriers nés.
Le récit ne se confine pas dans la noirceur, déjà parce que le film n’est pas banal, ni ennuyeux. Il a même le souffle d’un thriller; les sons, la musique et les images suivent étonnamment bien le papillon quand il s’affole, quand il se repose (bravo le réalisateur). Et l’actrice qui l’incarne est remarquable de justesse (bravo Laure Calamy).
Et puis justement, le personnage principal n’est pas uniquement dans le sacrifice; elle n’est même pas une sainte. Elle délaisse pas mal ses enfants, oui, mais elle n’a pas le choix, elle “exploite” sa nourrice qui est en burn-out, mais elle n’a pas le choix non plus; elle exerce une position d’autorité mal placée sur ses subalternes au travail, oui mais...
Très humaine dans sa bataille, notre pas-trop-wonder-woman, n’est pas qu’une victime, et c’est ce qui la rend supportable, voire véritablement attachante.
NOTE 12/20 - Parce qu’un film social peut quand même être un bon film!
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Lo straniero
L’étranger di Charles Baudelaire è la poesia di apertura della sua raccolta Petits Poèmes en prose pubblicata nel 1869. Questa poesia è stata musicata e interpretata da Léo Ferré nel 1967 nel suo album "Léo Ferré chante Baudelaire".
La poesia. Lo straniero, Charles Baudelaire, 1862
Lo straniero
- Dimmi, enigmatico uomo, chi ami di più? tuo padre, tua madre, tua sorella o tuo fratello? – Non ho né padre, né madre, né sorella, né fratello. – I tuoi amici? – Usate una parola il cui senso mi è rimasto fino ad oggi sconosciuto. – La patria? – Non so sotto quale latitudine si trovi. – La bellezza? – L’amerei volentieri, ma dea e immortale. – L’oro? – Lo odio come voi odiate Dio. – Ma allora che cosa ami, meraviglioso straniero? – Amo le nuvole… Le nuvole che passano… laggiù… Le meravigliose nuvole!
L’étranger
- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère? – Je n’ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère. – Tes amis? – Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu. – Ta patrie? – J’ignore sous quelle latitude elle est située. – La beauté? – Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle. – L’or? – Je le hais comme vous haïssez Dieu. – Eh! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger? – J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages!
La canzone. L’étranger, Léo Ferré', 1967
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Tu Ne Dis Jamais Rien Tu Ne Dis Jamais Rien Tu pleures quelquefois comme pleurent les bêtes Sans savoir le pourquoi et qui ne disent rien Comme toi, l'il ailleurs, à me faire la fête Dans ton ventre désert je vois des multitudes Je suis Demain C'est Toi mon demain de ma vie Je vois des fiancés perdus qui se dénudent Au velours de ta voix qui passe sur la nuit Je vois des odeurs tièdes sur des pavés de songe A Paris quand je suis allongé dans son lit A voir passer sur moi des filles et des éponges Qui sanglotent du suc de l'âge de folie Moi je vis donc ailleurs dans la dimension ixe Avec la bande dessinée chez un ami Je suis Jamais je suis Toujours et je suis l'Ixe De la formule de l'amour et de l'ennui
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Bafouille # 22 - la peur.
Il m’est arrivé une mésaventure qui me vaut bien le droit, non le devoir, de sortir de mon long silence. Parmi les différents réaménagements de mon existence, mon habitat ne fait pas exception et va subir un lifting intérieur important très bientôt.
Comment vous dire qu’en bon bourgeois que je suis, il m’est devenu insupportable de partager 50m2 avec deux enfants hors de contrôle, même une semaine sur deux ! J’avais deux solutions : 1/ les reléguer au garage pour tenir compagnie au chat. 2/ les faire monter dans l’échelle sociale, jusqu’au grenier. J’ai choisit la 2ème solution et consentit à entreprendre de menus travaux pour aménager les lieux un minimum. Je ne suis pas un sauvage. Juste un ours…
Pour opérer ce changement radical il n’y a pas d’autre choix que de vider les lieux, à proprement parler. Qu’à cela ne tienne, je m’en vais prospecter pour louer un local de stockage temporaire. Le vendeur à qui j’expose la situation, dont je devine le sourire narquois sous le masque, m’emmène visiter le local qui semble le plus adapté à mon besoin. J’ai beau lui dire que c’est pas pour tout de suite, “vous êtes là, tant qu’à faire…” Et comme je n’ai rien d’autre à foutre (oui, je suis toujours intermittent du pestacle), j’accepte. Le discours est rodé, la présentation professionnelle. Le poisson (c’est moi) est ferré, reste plus qu’à le ramener en douceur dans l'épuisette. Au moment de tourner les talons la réplique fatale avec double ration de peur arrive : “par contre y a une promo qui se termine dans 2 jours et c’est le dernier box de cette taille qu’il me reste, si vous attendez je peux pas vous garantir d’avoir une dispo…” dit-il en sortant de sa poche le cadenas et les clés du box, trop sûr qu’il est de finaliser sa vente. Tétanisé je m’imagine dans la rue, avec mes meubles et mes enfants dans le froid de l’hiver, sous une pluie fine glaciale alors que ma maison subit une descente d’organes. Je tombe à genoux, lève les bras au ciel en hurlant “pourquoi !” - top shot - travelling arrière - générique de fin.
Quand soudain, revenant au réel, je réalise alors ce qui est en train de se jouer, la fièvre révolutionnaire me prend et je m’engage alors dans un monologue à faire pleurer Cohn-Bendit : “Nous y voilà mon bon Monsieur, vous n’avez rien d’autre en magasin que votre discours de peur ? Valet de ce monde devenu fou que vous représentez ! A longueur de journée on nous vomit cette peur au visage : “Vous mettez la vie de vos proches en danger en ne vaccinant pas vos enfants ! Vous mettez la vie de vos enfants en danger en les vaccinant ! Vous tuez la planète en roulant en voiture ! Les batteries des voitures électriques les rendent encore plus polluantes que les voitures classique ! Si vous ne votez pas pour moi, l’extrême (droite, gauche, ou les deux, selon le vent) réduira le pays à l’état de cendre ! La dette nous accable ! L’inflation va nous perdre ! Neymar s’est blessé ! “ - j’en passe et des pas mûres - Est-ce donc là ce que vous proposez Monsieur ? Et pourquoi ? Pour que, pris de panique, il ne me reste d’autre choix que de faire ce pour quoi j’ai été programmé depuis ma naissance : consommer ?!” Et, d’une seule voix, avec les clients présents émus aux larmes, nous avons chanté, main sur le coeur, “l’Internationale” !
Je suis reparti, la tête haute, le torse en avant retrouver ceux qui ont la chance (que dis-je l’honneur !) de grandir sous mon toit, dont il vont littéralement se rapprocher bientôt. “C’est quoi ces clés papa ? me demande le grand - les clés de mon box chéri, j’ai eu un prix…” Et ma Golf essence s’est arrachée au parking en disparaissant dans un épais nuage de fumée blanche…
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Sœur Anne, qui voyait tout venir
Elles ont des drôles de noms, ses frangines, femmes, épouses, mères, marâtres ou sorcières. Ça va d’Antoinette à Violette, en passant par Benoîte, Clémence, Élise, Gabrielle, Jeanne-Marie, Laurence, Mariette, Pauline, Philomène, Thérèse, Rose, Simone … Des noms pas « dans le vent », mais qui fleurent bon la France profonde et les baptêmes d’antan. C’est le monde d’Anne, qui a décidé elle-même de changer de nom : Sylvestre. Un nom choisi non pour ses assonances forestières mais, comme on devait l’apprendre plus tard, pour en cacher un autre.
Lyonnaise d’origine, elle deviendra parisienne en suivant ses parents. Lesquels ont dû lui dire souvent Tiens-toi droit ! Mais elle n’est pas fille à marcher droit. Surtout pas à droite, comme le fit son père sous l’Occupation. On lui dit de faire des études littéraires ? Elles en profitera pour écrire ses premières chansons. Mais comment les faire écouter ? Mieux, comment « se faire entendre », quand les tréteaux parisiens sont déjà occupés par les B majuscules (Brassens, Bécaud, Barbara, Béart, Brel). Sans parler des deux F (Ferrat et Ferré). Gagner un strapontin en jouant des coudes ? Que nenni ! Elle se fera un nom en faisant ce que les autres ne font pas, ou si peu : chanter les femmes. Pour les femmes. Pas celles de la haute. Non plus celles de la mode yéyé, qui veulent être « la plus belle pour aller danser ». Mais les veuves de guerre, les mères courage, les porteuses d’eau, les filles délurées et les épouses délaissées. Ce n’est pas porteur ? Qu’importe ! Elle a le sens de la mélodie, du rythme et surtout du texte. Accrochée à sa guitare, elle sera « la troubadoure ». Ayant potassé la poésie médiévale, elle sait que sans le chant des troubadours, n’aurions point les cathédrales. Pour autant, elle ne sera pas une « Brassens en jupons », car elle possède une plume et une voix bien à elle. Mais elle n’oublie pas ce qu’elle doit à l’auteur de Pauvre Martin. Et quand plus tard (Berceuse pour moi, 1975) des gens bien intentionnés lui diront que les chansons de tonton Georges / ne sont pas ce qu´il y a de mieux, elle fermera le ban.
Chanter les femmes du moyen âge, c’est bien beau. Mais au fait, quel est leur sort dans les années 1960 ? Anne regarde autour d’elle et se dit qu’il n’a pas beaucoup changé depuis les bâtisseurs de cathédrales. Écoutons-la répondant en mode bergère à un nobliau du coin, qui entend exercer son droit de cuissage : - Ah dis-moi donc bergère / à qui sont ces moutons ? - Monsieur, à la bergère / qui se les achetions. Et mon pied au derrière / devinez qui l´auront ? Or entre cette Bergère (1975) et Violette (2013) – celle qui se rebiffe quand le boucher la traite de « petite dame » – il y a bien quarante ans de carrière et quelques centaines de chansons. Mais c’est toujours la même Anne, qui dénonce l’inhumaine condition des femmes. Que ce soit sur l’avortement (Non, tu n’as pas de nom, 1974, donc avant la loi Veil), sur le viol et la culpabilisation de la victime (Douce maison, 1978) ou sur toute autre violence faite aux femmes (Juste une femme, 2013), elle blâmera sans répit (et bien avant la déferlante #MeToo) la bassesse de ces messieurs, qui traitent les femmes comme des paillassons, en disant que c’est pas un drame, c’est juste une femme.
Or la société n’est pas faite que de femmes. Il y faut aussi des hommes et des enfants. Éducation, service militaire, mariage, procréation, religion, nationalité, langue, couleur de peau, autant de tiroirs grippés depuis trop longtemps dans un meuble bancal. Tout ��a baigne dans des structures rigides qui menacent à tout moment d’exploser. Mais Sœur Anne a tout vu venir avant les autres. On peut bien sûr compter sur elle pour dénoncer la guerre (Mon mari est parti), le racisme diffus (Ça n’se voit pas du tout), ou pour réclamer le droit de s’aimer autrement (Lazare et Cécile, Gay gay marions-nous). Mais ne lui demandez pas de marcher derrière un drapeau, qu’il soit bleu, blanc, rouge ou les trois à la fois. Ne l’appelez surtout pas « chanteuse engagée ». Car se rappelant l’engagement de son père derrière le collabo Doriot, et sa propre enfance qui en fut dévastée, elle chante en sourdine : Quand on en a pris plein la gueule / on hésite à recommencer / J´aime mieux me chanter toute seule / ma petite chanson dégagée. Ah, s’il y avait eu un parti de gens qui doutent (mais ça ne risquait pas, le parti ayant toujours raison, qui voit plus haut que l’horizon), elle y eût peut-être adhéré. Mais celle qu’on appelait souvent « l’emmerdeuse de service » eût très tôt été exclue pour cause de rouspétance.
A quelques jours de la Saint-Sylvestre, comment se consoler du départ d’Anne Sylvestre ? Pour exprimer à la fois tristesse et gratitude, comment trouver les mots ? Peut-être en les lui empruntant, quand elle s’adresse aux gens qui doutent en disant : « Merci, merci, mille fois merci d’avoir vécu ! »
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Sculpture JLN
JLN et JBL
Ou les gens qui doutent.
J’ai commencé le théâtre comme professionnel parce qu’un jour quelqu’un m’a proposé de rejoindre une équipe de folles et de fous furieux.ses. Genre Action Directe mais avec des armes en plastoques. Un artiste radical, exigeant, pas toujours facile à vivre – mais qui l’est ? C’est lui qui m’a appris l’amour des textes, l’audace et l’intransigeance. Cette intransigeance qui lui a par ailleurs valu quelques notoires injustices de la part du milieu institutionnel. Notre relation a toujours été en « montagnes russes » capables d’être fâchés à mort pendant plusieurs années (et en plus avec des récidives après réconciliations) et en même temps d’avoir les mêmes élans artistiques et humains, de jouer au foot comme des gamins, au ping-pong et surtout Ô surprise de partager des moments insoupçonnés comme je vais le raconter. J’ai toujours de mon côté eu une passion pour la chanson. Je suis capable de tout écouter : De Ferré à Camille, de Patty Smith à Leprest, de Dominique A à Bowie en passant par Léonard Cohen et Nick Cave. Tout me touche : Renaud, Brel, Brassens comme Yun Sun Nah, Baschung comme Christophe ou Barbara. Je suis aussi capable de rester des heures entières à rêvasser sur des playlist de variétés, de suivre comme en ce moment les live de Jean-Louis Aubert et de m’endormir avec de vieux tubes : Le coup de soleil ou Ça plane pour moi en guise de tranquillisants. Je savais partager cette pratique douteuse, mais rarement avouée, avec quelques ami.e.s. Un soir où j’avais invité JLN à une soirée et où je m’apprêtais plus à tanguer sur la langue de Novarina que de « gigoter » sur celle de Dalida, voilà que le dit JLN s’empare de ma petite enceinte JBL bleue Bluetooth et commence à chanter à tue-tête les morceaux de bravoure de Cabrel, de Claude François et de Jo Dassin ! Un karaoké façon « boom dans les garages ». Je connaissais mon penchant Capri c’est fini mais je ne savais pas que JLN avait le cœur grenadine. Et quand j’entends Lavilliers chanter « La musique est un cri qui vient de l’intérieur » je me dis que si nos cris sont parfois des bluettes, cela ne nous empêche pas pour autant de créer sur scène des textes pointus ou de réaliser des œuvres plastiques contemporaines puisque JLN est maintenant passionné de la matière et des formes. Je me suis laissé dire qu’au dernier Noël, il y avait eu une enceinte Bluetooth sous le sapin dans une maison d’artiste. Et pour tout dire pendant que j’écris ces lignes j’écoute Les Gens qui doutent cette magnifique chanson d’Anne Sylvestre interprétée par Jeanne Cherhal, Vincent Delerm et Albin de la Simone. Ce qui va donc donner le sous-titre de ce petit texte.
Patrice Douchet – 3 mai 2020
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Mancora
Enfin, la deuxième étape et destination finale de ce voyage : Mancora ! Pour vous décrire l'ambiance de ce lieu je dirai que c'est un peu l'endroit dont on rêve quand la grisaille parisienne nous pousse à bout et qu'on veut tout quitter. Dans ces moments là il où on veut partir soigner des tortues et donner des leçons de surf, il faudrait aller à Mancora !
A part des plans de carrière plus qu'attractifs, Mancora a beaucoup a offrir ! D'abord un ciel bleu et une température plus qu'accueillante toute l'année (et oui on est près de l'Equateur), beaucoup de calme, une superbe plage, plein d'activités, et surtout de la nourriture, en quantité, de qualité, et très peu chère. Bref c'est un petit coin de paradis terrestre pour les touristes !
C'est surtout la destination idéale pour admirer le coucher de Soleil.
Si vous regardez bien vous verrez que le panneau publicitaire sur la photo juste au dessus dit « This is living », et je trouvais ça bien adapté au contexte de vacances relaxantes dans un lieu magnifique.
Les photos qui suivent ont été prises pendant le voyage du retour, d'ailleurs il mérite d'avoir sa petite anecdote de racontée ce voyage ! Nous avions 20h de bus pour rentrer à Lima, ce qui peut paraître beaucoup quand on pense qu'il s'agit de 3 fois Paris-Lyon et qu'en un seul trajet (soit 6-7h de bus) avec Flixbus on a déjà l'impression d'avoir effectué l’Iliade, mais ne vous méprenez point, les péruviens ont tout compris au bus !
En effet ici il y a assez peu, je dirai même très très peu, de réseaux ferrés et le bus est donc la solution pratique et économique pour voyager, les distances restant tout de même raisonnables. Seulement voilà, les routes ne sont pas vraiment les mêmes qu'en France, donc on peut oublier le 120km/h, ce qui, forcément, rallonge le temps de voyage. MAIS, il y a une offre très variée de compagnies qui sauront vous faire oublier que vous passez 20h en bus, vous oublierez même que vous êtes dans un bus et vous penserez être en avion, avec un stewart qui vous amène repas, boisson chaude et collation, des écrans comme dans les longs-courriers avec des films/séries/jeux à disposition et les fauteuils les plus confortables sur lesquels vous ayez posés votre derrière de votre vie. Bon je ne dis pas que tous les bus au Pérou sont comme ça, mais quand on va y passer près d'une journée ça vaut le coût de payer un poil plus cher pour être bien.
Sur ce, ce n'était absolument pas l'anecdote dont je voulais parler de base donc je vais vous la résumer en 5 lignes parce que ça devient interminable là : nous avons pris nos billets la veille du départ et les places « panoramiques » étaient disponibles, c'est-à-dire les 4 places tout à l'avant du bus à l'étage, qui vous donnent une superbe vue sur la route et probablement une mort assurée en cas d'accident (d'ailleurs c'est peut-être pour ça qu'elles étaient encore en vente...).
Du coup j'ai pris des petites photos durant le trajet avec ce point de vue un peu spécial, et la médiocre qualité de la vitre donne même un petit effet vieilli/overdose de filtres instagram aux photos, si c'est pas chouette ça dit donc ! Ah et il y a aussi plein de tâches et de reflets, c'est la vie hein.
Avouez qu'elle est cool celle là ! On dirait un mix d'un film de cow-boys des années 1970 et d'un film de science-fiction dans un monde parallèle où il y aurait 2 Soleils (c'est un reflet sur l'immeuble en verre, le vrai Soleil est celui de gauche, je le précise, on ne sait jamais).
On admirera le beau reflet de mes écouteurs à gauche de l'arche, on n'y est pas encore niveau professionnalisme. Ah, et pour les non hispanisant, “feliz viaje” veut dire joyeux/bon voyage, et oui elle est polie cette arche !
Ces photos de route avec des petites tâches (pour un effet rétro totalement voulu évidemment), je songe à me reconvertir en photographe pour pochettes d'albums de musique country.
Et c'est sur cette réflexion à propos de mon avenir professionnel que s'achève ce voyage !
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Poème déconstruit
Ça sent l’été. Pas de place ce soir pour le hasard, il se trouve que j’ai rencard. Vous voyez, ça sent l’été.
Je suis sorti aujourd’hui. J’ai marché pendant longtemps. Je ne sais plus du tout jusqu’où et j’ai fini par m’arrêter. Par regarder autour de moi. Je n’ai même pas su pourquoi. A vrai dire, je n’ai pas non plus su quoi faire pour toi. Je m’en rends bien compte maintenant. Peut-être que j’étais trop dépendant.
Ça aurait dû ressembler à un poème d’amour, à un beau texte, plein de courbures et d’envies. Mais je n’ai jamais écrit convenablement alors le poème d’amour… Il aurait dû ressembler aux beaux jours mais j’ai toujours préféré la pluie. Avec un parapluie et des bottes en caoutchouc comme quand j’étais petit. J’allais sauter dans les flaques et ma mère me tirait par le col en hurlant : « Bon sang Pierre ! Quand est-ce que tu grandiras ? » Puis elle soupirait en soufflant que ça finirait bien par partir à la machine à laver. Bien sûr, elle ne me disait pas cela directement, plutôt à elle-même. On aurait pu croire que toute sa vie tournait autour de la propreté. Ça la rassurait de voir les draps blancs quand elle faisait les lits. Blancs et vides. Comme sa vie. Elle s’est réveillée un jour, elle avait 43 ans et une ride venait de s’ajouter sous son œil droit. Alors elle s’est pendue. Je la comprends. Je crois que si je devais me réveiller le matin de mes 43 ans pour voir que ma vie ne se résumait qu’à des rides, je ferais pareil.
Si vous attendiez qu’il y ait une quelconque logique dans mes propos, vous allez être déçus. Je n’ai rien à raconter. Ou peut-être trop. Je ne sais pas. Et puis, vous n’aviez qu’à lire le titre, après tout.On dit que ce qui caractérise l’être humain, ce sont les pensées. Je ne dois pas être tout à fait humain dans ce cas. Mes pensées sont des mots. Des suites de mots. Pas des phrases, juste des mots. Et ça tourne, tourne dans ma tête jusqu’à ce qu’un autre mot s’impose. Une nouvelle image. A cause de cela, j’ai toujours cru être fou. Mais d’une folie saine, quelque part. Je pensais, quand j’étais plus jeune, que ma pensée était en tort avec le monde du commun et qu’il devait être doux et agréable de réfléchir de la même manière que les autres. Je m’en attribuais la faute sans hésiter. Mon cerveau était déréglé, ma réflexion tourmentée ; je devais en assumer les conséquences. J’étais la cause propre de mon mal-être. J’étais anormal, informe, indéfini. Inachevé. Et j’aimais cela. Fou et masochiste, qui plus est. Ça continue encore aujourd’hui, d’ailleurs. Je ne m’en formalise plus. Pas plus que cela, en tout cas.
Dans mon incompréhension complète de la vie, j’avais acquis la certitude, à tort, que c’est toujours la majorité qui l’emporte. La majorité des existences, pour moi, était donc parfaitement normale. J’étais le point noir au milieu du « Carré Blanc sur Fond Blanc » de Kasimir Malevitch. La solitude, que j’adorais, était perçue par mes camarades de jeu comme un affront. Pour eux, j’étais prétentieux, hautain. J’imagine que nous sommes tous plus ou moins égocentriques mais ce n’était pourtant pas là l’image que j’espérais leur donner. A vrai dire, je n’avais même pas l’intention de leur donner un quelconque reflet de ma personne. Je n’étais pas à l’aise avec les gens de mon âge et les personnes plus vieilles m’attiraient incontestablement. Elles renfermaient à mes yeux de gamin perdu ce que je souhaitais arriver à comprendre plus que tout et à atteindre : la Vie. Pas celle dont nos proches parlent en disant que nous avons des enfants, que nous sommes mariés, que nous exerçons tel métier. Cela ne m’intéressait pas. Je voulais saisir l’instantané. Savoir la personne que j’étais, me comprendre, m’analyser sans pour autant sombrer dans une schizophrénie patente. J’étais conscient. Conscient des battements du sang dans ma tête quand je me couchais le soir, de la beauté du ciel quand le soleil brille, de la chaleur que l’on éprouve à faire l’amour.
A regarder au-delà de l’horizon, je n’ai pas su quoi en faire. Tu m’as dit que la plupart des gens ne comprennent pas notre monde : le monde de la conscience, de la lucidité, du beau, de l’Art. Peut-être de l’Amour aussi. Sûrement même. Encore faudrait-il que j’aie réellement aimé et je ne suis pas certain que ce soit le cas. Ou alors, je ne l’ai pas vu. Ou cru. On peut faire tout un tas d’hypothèses à ce compte-là et je parie qu’elles seraient toutes justes, ou presque.
Les hypothèses. C’est assez intéressant comme concept : chercher à imaginer ce qui se passerait, ou se serait passé si l’on avait osé provoquer une action particulière. Tenez, si j’avais appris à jouer du piano, peut-être que je serais un musicien mondialement reconnu aujourd’hui. Autant mettre Paris en bouteille tout de suite. Même le monde entier.
Puis pour le reste, je ne sais pas où c’est passé. Quand je dis le reste, je veux dire mes souvenirs, les personnes que j’ai croisées au cours de ma vie et mes objets aussi. Garder quelque chose ou quelqu’un n’est jamais entré dans mes compétences. Je suis celui qui vient d’ailleurs mais qui ne sait pas d’où. Ça va bien avec le reste du personnage, me direz-vous. J’ai beaucoup pris, mais je ne saurais dire si j’ai donné. Très égoïste tout ça. Mais qui ne l’est pas ? Garder les gens… Perspective qui est aussi dingue que de les perdre de vue, à vrai dire. Chacun sa liberté, c’est là ce que je me suis toujours dit. Personnellement, je ne permettrai à personne de choisir à ma place. Vu que je n’ai aucun contact, tout va pour le mieux.
Ah oui, en parlant de contact. Mon rencard. Figurez-vous que j’ai croisé une jolie fille en marchant dans les rues cette après-midi. Pas aussi jolie que tu ne pouvais l’être mais tout de même. Elle m’a foncé dedans tandis qu’elle marchait en lisant. Elle s’est excusée avant de m’observer et elle a fini par dire très vite de la rejoindre ce soir. Résultat des courses : ce n’est peut-être pas un réel rendez-vous et j’ai mal entendu l’adresse qu’elle s’est empressée de prononcer. Donc je marche sans conviction, en tentant de trouver un troquet dont le nom persiste à m’échapper. Pourtant, les relations dues au hasard, ça ne présage généralement rien de bon. Alors j’hésite. Je crois que je vais rentrer à la maison. Mais pas rue du Faubourg ou d’Alésia comme disait ce bon vieux Léo Ferré. Et il n’y aura personne dans mon lit alors effectivement, je ne me marierai pas. Il serait content, Léo. Il n’y a plus rien, comme il dirait.
Ah ! Je ris ! Je ris de temps de désordre et de tant d’absurdité ! Incrédules ! Incrédules que vous êtes ! Vous partirez un jour ! Vous le savez, non ? Vous l’avez su dès votre naissance et c’est ce qui vous a fait hurler de terreur au sortir du ventre rond de votre mère ! Un grand cri ! Bien retentissant ! Vous avez rejeté le monde, tout comme je l’ai fait. Sauf que moi, je n’ai pas crié quand je suis venu au monde. J’ai tout de suite accepté ma condition d’homme soumis, brisé. A la merci du monde et des errants qui le peuplent. Au moins, je n’aurai pas à me battre contre des moulins mais vous, vous me faites rire. Incroyable, n’est-ce pas ?
Absolument incompréhensible même : rire. Plus on rit fort, plus on a cette impression que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Alors, on en rajoute une couche : un peu plus de confiture sur le pain amer de notre existence. Un grand éclat de rire et l’on s’écoute soi-même produire cette étrange sonorité qui, par à-coups, sort de notre gorge, comme pour se rassurer. Voyez ! Je ris ! Je suis heureux ! Écoutez donc et laissez-moi vous offrir la preuve indéniable de mon bien-être et de ma réussite sociale. J’écrase les autres, mais j’y suis contraint, vous comprenez ? Enfin, je ris quand même, la vie continue, vous êtes d’accord non ?
Tout de même, je me sens un peu déphasé par tout cela. Je n’ai pas laissé grand-chose derrière moi, c’est certain, mais dans mes pensées reviennent souvent les mots « espoir » et « recommencement ». Si mes précédentes paroles ont pu paraître cruelles et dures, c’est parce qu’il n’y a plus rien à comprendre dans ce monde. Du moins, je m’y ennuie. Pourtant j’aurais aimé voir, ne serait-ce qu’une journée, une petite vie, comme j’appelle les jours qui passent, un peu d’humanité entre vous tous. Il est vrai qu’à l’instant où j’ai commencé ce texte, ce poème – car telle était la nature primaire de ma prose -, je te l’avais destiné. Cependant, je me rends peu à peu compte qu’il s’adresse tout aussi bien à toi qu’aux autres, qu’à l’Homme, qu’aux bêtes. Sous mes airs pessimistes, je crois pourtant en vous. Je suis un éternel optimiste, alors je suis sans doute perdu mais qu’en ai-je à faire ?
Mes frères cannibales, vous qui vous marchez dessus à tour de rôle et sans remords, ces mots s’adressent à vous. Je veux mettre dans mon écriture la plaie à vif que nous sommes tous, déterrer, sous des airs de métaphores, les rebuts des êtres humains. Ne fermez pas les yeux, les vers vous les mangeront bien plus tôt que vous ne pouvez le croire. Ouvrez les grands, à la place. Ce sera peut-être votre première prise de conscience.
Vous êtes tellement nombreux à vouloir clore vos paupières tout au long de votre infâme existence. J’ai affirmé, légèrement plus haut, qu’on pouvait sans soucis déceler une part de masochisme en ma personne, liée à ma petite folie. Eh bien, fermez donc vos jolies mirettes, moi j’ai les yeux secs d’avoir si peu cligné. Toujours est-il que je n’en démordrai pas et que vous pourrez toujours dormir la nuit autant que vous voudrez, je sais que cela vous poursuivra où que vous alliez. Même dans votre inconscient. Si je suis masochiste et parfaitement lucide de cette bizarrerie chez moi, alors je ne sais pas ce que vous êtes, mais c’est probablement atrocement pire. Le fait d’être malsain est le trait commun que tous les êtres humains partagent. Au sens propre du terme. Pensez ce que vous voulez. Nos expériences nous mutilent. Panser ces blessures ne sert à rien; ce sont des plaies béantes. Nous sommes ces plaies purulentes à nous seuls et, quand nous mourons, nous pourrissons à nouveau et la vermine nous bouffe. Bref, on pourrit dans la vie comme dans la mort. C’est désastreux. Sauf que nous ne voyons pas la pourriture de notre vie, ou bien nous faisons tout pour ne pas la voir. C’est lâche. Ou dégueulasse. Alors allez-y, continuez donc à suivre votre ridicule instinct de survie et couvrez-vous les yeux d’un rideau opaque. Ça vaut mieux. Ne devenez pas comme moi. Jamais surtout, bons moutons innocents que vous êtes.
Entassez-vous plutôt dans vos maisons, avec vos piles d’argent sur votre table de chevet et l’alarme mise en route. Gardez votre vie bien rangée, la mienne est une catastrophe permanente et dissolue. J’ai pourtant fait ce que j’ai pu, au début. J’avais des projets, des plans, des engagements. Quelques rêves aussi. J’avais la rage. Je ne sais pas de quoi mais ça se terrait au fond de mon cœur comme un renard pris au piège dans son terrier. Ça voulait sortir et tout envoyer en l’air. Jusqu’au jour où je t’ai rencontrée. Toi, à qui ce texte était initialement destiné. Finalement tu n’as fait qu’empirer ce qui restait de ma personne.
Allez, dis quelque chose. Une réponse à cette agression soudaine. Que je puisse te hurler dessus. Faire sortir ma rancœur. Cracher tout le venin que j’ai accumulé contre toi ces derniers temps. Cracher tout mon amour pour m’en débarrasser. Te dire à quel point je te hais et qu’on ne s’imagine pas à quel point les gens ont raison quand ils disent qu’il n’y a qu’un pas entre l’amour et la haine, le dégoût. Laisse-moi. Laisse-moi crever. Oublier tes mains autour de ma taille au moment de dormir, le goût de tes baisers et le sel de tes lèvres. Laisse-moi oublier ton parfum et chaque grain de beauté qui s’inscrivait sur ta peau. Laisse-moi vomir les derniers restes d’amour que j’ai pour toi et qui me rongent de l’intérieur. Fini. Fini d’espérer que tu reviennes. Fini cet espoir fou qui me détruit petit à petit chaque jour qui passe, quand, dans la rue, quelqu’un te ressemble. Vas-y, parle, réponds. J’espère que tu as honte d’avoir fait de moi ce que tu as fait: un junky, un pauvre idiot, naïf, plein d’espoir et d’amour. Un cœur qui débordait dès qu’il te voyait. Maintenant pars. N’apparais plus jamais dans ma vie. Sinon je te tue. Je te jure que je le ferai. Sans hésiter. Pour te tuer comme tu m’as vidé de tout sentiment. Tu n’as fait que le travail à moitié en faisant ce que tu as fait. Ça me fait même rire que tu aies raté à ce point. Tu aurais pu me faire beaucoup plus mal. Tu es lâche et pleine de mensonges. Les mots qui rampaient hors de ta bouche n’étaient que distorsions sans queue ni tête. Je suis en train de pourrir, tu vois. Pourrir entièrement de l’intérieur. Il ne me reste plus qu’à arracher la partie de mon cœur qui te contenait. A renverser à l’envers le reste de mon monde. Tout faire basculer pour te perdre à jamais. Sans plus de regrets. Je vais t’extirper de ma mémoire, déchirer mon cœur, rayer ton nom de tous les endroits où j’ai bien pu l’écrire, gribouiller sur ton souvenir, mettre au feu nos photos, jeter les draps dans lesquels nous avons dormi ensemble, te jeter en pâture au néant de ma mémoire. Et c’est seulement là que je serai en paix, quand je te verrai te faire mâcher par cet oubli, quand j’aurai oublié le son de ta voix, que ton odeur ne me prendra plus à la gorge le soir dans le noir et que je ne sursauterai plus en confondant le vent sur ma nuque avec ton souffle. Tu vois, je me soigne. J’essaie de t’oublier, de recoller les morceaux. Je me ramasse. Je me suis éparpillé. Un peu trop je crois.
Voilà, ça va mieux. A propos, je t’aimais. Il n’y a plus rien à dire maintenant. Je me suis débarrassé de toi, pour de bon. Et tout a basculé. Les lignes précédentes ont dû changer mon état d’esprit car, quand j’ai saisi mon stylo et ma feuille blanche, je n’avais aucune agressivité. Moi aussi, apparemment, je me suis caché des choses. Comme quoi, tout le monde joue à l’aveugle un jour ou l’autre. Le poème d’amour n’est plus qu’une vieille page chiffonnée dans la corbeille à papier imaginaire de mon esprit. Maintenant je sais que les intentions premières et les actions sont deux choses bien distinctes. On en apprend tous les jours : c’est beau la vie.
Quant à vous, qui avez lu ces lignes qui ne vous étaient pas adressées, veuillez excuser mon manque de pudeur et cette colère subite. Après tout, vous ne m’avez rien fait, vous. Je vous aime bien, même.J’ai fini par comprendre beaucoup de choses, après plus de trente ans d’existence. Il n’y pas énormément de choses essentielles finalement : le soleil, la nuit, les étoiles, votre cœur qui bat, quelque part, et le mien qui ne s’arrête pas. Pas pour l’instant. Pourvu que ça dure.
Mon écriture semble faiblir, alors il est temps que j’achève cette démonstration excessive de sentiments. Vous devez sûrement en avoir autant assez que moi.
Alors je vous souhaite d’être heureux, même si je n’y crois pas vraiment. Nous resterons toujours d’éternels insatisfaits ; ce n’est pas trop grave. Soyez-vous. Sans compromission ni exagération. Je vous souhaite des rencontres à n’en plus finir et des discussions jusqu’à l’aube, des soirées où vous vous noierez dans les yeux d’un être en priant pour que ce soit l’instant le plus formidable de votre vie, un verre toujours à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.
Puis je crois que j’ai fini par trouver le bar de la jolie fille. Je peux la voir qui attend à la terrasse. Finalement, l’imprévu apparaît toujours au bon moment.
Prenez soin de vous.
L. Rossi
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LE BATEAU ESPAGNOL et LA MÉMOIRE ET LA MER
LÉO FERRÉ (dans “Dis donc, Ferré” de Françoise Travelet, p15..,27): À Monaco, j’ai souvent embarqué sur des navires imaginaires, quand arrivaient les bateaux charbonniers, les bateaux noirs.. Ceux des milliardaires, les blancs, je ne les regardais pas ! Mais les charbonniers, je les attendais, je les supputais de loin, longtemps à l’avance…Pendant qu’ils déchargeaient, par une sorte de mimétisme, j’embarquais.. à terre, avec un copain. Et les remparts de la ville devenaient un immense bateau… (LE BATEAU ESPAGNOL par JACQUES BERTIN: https://www.youtube.com/watch?v=z8XIKsm_kAo )/..On m’avait dit ce qu’était la vraie mer, avec ses marées, et je pensais que la Méditerranée n’était pas la mer. Je cherchais l’Océan parce qu’il n’était arrêté par rien, qu’il vivait sa vie non fermée sur elle-même. Quand j’ai connu la Bretagne, par grande marée, je l’ai aimée follement. (LA MÉMOIRE ET LA MER par CATHERINE RIBEIRO: https://www.youtube.com/watch?v=5zjvTUjYdZs ).
#LÉO FERRÉ#LE BATEAU ESPAGNOL#LA MÉMOIRE ET LA MER#Dis donc Ferré#Françoise Travelet#JACQUES BERTIN#CATHERINE RIBEIRO
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Etape 11 : Boullay-Thierry
Préliminaire : Je repense à la maison de retraite traditionnaliste d'hier.
Ôtons tout de suite de mon propos les malades mentaux, néo-nazis, black-blocks, islamistes et autres dangereux abrutis qui, au nom de je ne sais quelle idée, croient pertinent de pourrir la vie (au sens littéral) de ceux qui ne la partagent pas (l'idée). Sans compter que généralement, l'idée en question, elle est juste du niveau ... Allez, soyons généreux, 1ère année de fac dans le meilleur des cas.
Non, je parle ici des gens qui ont des façons de voir la vie différentes des miennes. Les fachos, les gauchos ... tous ces attributs qui se balancent avec une facilité déconcertante et qui réduisent une personne à un mot de deux syllabes.
On n'est jamais que le produit de son environnement, mixé avec son éducation, ses relations, et un peu de particularité individuelle. Je suis de droite, de gauche ou d'ailleurs parce que tous ces éléments mélangés m'ont construit ainsi.
Moi, j'ai une dent contre la Fraternité Saint Pie X à cause du schisme de 88. Je trouve qu'ils ont quitté le bateau au moment où il tanguait le plus, et j'aime pas (je ne développe pas, ca va embêter tout le monde)
Mais il faut accepter une dichotomie entre le général et le particulier. Je n'aime pas la Fraternité Saint Pie X en général, mais je peux aimer chacune des personnes qui la composent. Je peux détester tel ou telle option politique et être très copain avec l'un de ses militants. Je comprends que Mme Le Pen puisse être vent debout contre l'immigration et que, en même temps, elle se soit fait une spécialité, en tant qu'avocate, de la défense des étrangers en situation irrégulière. Je peux détester les greffiers et adorer Thérèse (ma chatte)
Je vous invite, à ce propos, à (ré)écouter une chanson de Georges Brassens qui s'appelle "la messe au pendu"
Pour dire vrai, j'ai fait mienne cette phrase de Victor Hugo : "la bonté est la forme supérieure de l'intelligence". Plus j'avance en âge, et plus je me dis qu'il n'y a que ça de vrai ! Bon, j'arrête, je serais à votre place, ça me gonflerait aussi.
Ca attaque le cortex, la marche solitaire, non ?
Pas trop grand'chose à raconter aujourd'hui. 27,8 kms dans le même décor qu'hier, champs à perte de vue, plat absolu.
Ah si, j'ai traversé Dreux. Pas glop. Je sors de 10 kms en pleine nature et je tombe, dans la continuité du chemin, sur la cité "Prod'homme". Des bidonvilles. Puis des maisonnettes délabrées, les "jardins" débordant de cochonneries de toutes sortes (carcasses de bagnoles, vieux meubles, ferrailles ...). Ca sur au moins 1 km. Allez jeter un œil sur Gogole, ça vaut le coup. Je n'ai pas pris de photos, j'ai trouvé ça indécent.
Puis on passe derrière Brico-dépôt, où on traverse un camp de manouches. Des fils électriques venant de nulle part, courent sur la chaussée pour alimenter les caravanes; des chaussures d'adultes, d'enfants sont posées sur la route ... je n'ai vu personne. Et pourtant, je suis sûr qu'il y a de la vie ... Là encore, je n'ai pas voulu prendre de photos.
On avance, et on se trouve dans ce qu'on pourrait appeler une "cité ouvrière". Des petites maisons, accolées, mais pimpantes, identiques, mais avec chacune son originalité, des jardins entretenus, fleuris, avec parfois une figurine où un accessoire ... Rien à voir avec ce que j'ai vu plus haut.
Puis on descend vers le centre-ville ... Je n'ai pas vraiment vu grand'chose, avec 27 kms à faire, j'ai préféré tracer.
Quittant la ville en passant sous la voie ferrée, un monsieur m'interpelle :
- "Compostelle ?"
- "oui, comment vous savez ?"
- "c'est par là, viens avec moi".
Le monsieur est Espagnol, il vit en France depuis une quarantaine d'années et il me fait doctement une conférence de géopolitique sur le mode "la France, ça veut rien dire, moi, je suis un humain du monde". Je suis pas d'accord, je tente la controverse, mais il sait. Donc, je l'écoute sagement, je lance une vanne de temps en temps ... En fait, lui et moi avons fait deux bornes en montée sans sentir le temps passer.
Bon, en termes philosophiques, je suis pas sûr d'avoir avancé, mais on a bien rigolé et on se quitte bons copains.
Je disais : 27,8 kms dans le même décor qu'hier, champs à perte de vue, plat absolu.
Il commence à s'installer une forme de monotonie qui ne conduit pas à l'ennui. Les étapes sont moins dures, et je ne ressens toujours pas le besoin de me "distraire". Ca me coûte même un peu de m'arrêter pour manger. J'ai trouvé un système avec ma gourde pour boire en marchant, j'ai donc marché de 7h15 à 11h sans m'arrêter.
Bon, sans mentir, au bout d'un moment, on n'en peut plus et il faut recharger un peu les batteries. Je m'arrête, j'enlève le sac à dos, pipi, deux Balisto, je me rhabille et en route.
13h, repas au bord du chemin, 14h30, arrivée à Boullay-Thierry.
Agnès avait téléphoné à mes hôtes hier, qui ont l'habitude de recevoir des pèlerins, mais qui enterrent un de leurs très bons amis aujourd'hui à Dreux, et ne seraient pas là de l'après-midi. Ils ont - et je comprends ça - des scrupules à laisser un étranger seul dans leur maison pendant quasi une demi-journée ... Mais en définitive, ils prennent le risque et acceptent de me recevoir.
Comme d'habitude, et comme un rite, je salue mes hôtes, puis douche, puis lessive, puis balade, ou sieste, ou blog.
Ils reviendront vers 20h - 20h30. Pour l'instant, je les ai juste croisés, je sais qu'ils ont fait leur possible pour que je sois bien. Sans compter qu'en ce moment, c'est sur leur ordi que je tape ce billet. Ils ne peuvent donc pas être complètement mauvais ...
Cadeau : Jackye et Yvon sont rentrés, Yvon m’a emmené dans l’église. Nous sommes montés dans le clocher et voici le résultat. sur la dernière photo, le chemin que j’emprunte demain (vous vous en moquez, mais comme je l’ai, par générosité, je vous la partage)
Prochaine étape, Chartres : le Camino, le vrai ! C'est bien, non ?
Bonne nuit à tout le monde
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Ci-gît l’Ecluse... Ici on a chanté...
CI-GIT "L'ECLUSE"... ICI ON A CHANTE... Un soir à l'Ecluse, à St Germain, long de la Seine, un cocktail... On me dit :"vous allez nous en chanter une". Je fais la moue... pas vraiment envie... Puis je me tourne, et j'aperçois Léo... Oui, Léo Ferré ! Il me fait un clin d'oeil, l'air de dire "vas-y petit" ! Alors je m'éxécute (sans être exécuté !) a capella. J'aurais donc chanté à l'Ecluse, même si c'est longtemps après la fermeture du cabaret... Mais il avait presque traversé le temps sans accroc de décoration... On pouvait sentir l'âme de ceux qui avaient, quelques fois souffert de l'indifférence, mais trouvaient ici la chaleur des coeurs attentifs... Ces dernières années, on pouvait également boire du bon Bordeaux... Puis... fermeture... décor chamboulé... tendance gris... seule un fresque créée, rappelant ceux qui ont joué dans ce lieu... je dis joué, car à côté des chanteurs, on pouvaient trouver des duettistes humoristes, des mimes, des marionnettistes, des numéros visuels... Puis re-fermeture. Je passe l'autre soir. Je ne trouve pas "L'Ecluse". Je me dis : "c'est pourtant bien là"... Effectivement, mais c'est devenu l'annexe d'un pub... Seule la plaque dorée rappelle ce qui s'est passé... On se dit qu'on aurait pu classer le lieu (suivez mon regard). On se dit plein de choses. On se rend à l'évidence... Mais ce qui s'est passé ne pourra jamais disparaître, même si les photos jaunissent ou se perdent dans la mémoire des portables... Allo, j'écoute une voix lointaine... C'est peut-être Barbara qui me parle d'amour... On me frappe sur l'épaule : salut Marceau, mime de l'éternité ! Allez... je vais écrire, chanter... A vous aussi de reprendre le flambeau, de refuser la nuit complice... Jean Lapierre
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Jean VASCA : un immense poète nous a quittés
Par Raoul Locatelli
Il est des hivers plus sombres que d’autres, des hivers qu’on voudrait pouvoir chasser de la mémoire.
Le 21 décembre 2016, premier jour de l’hiver, aux petites heures froides qui précèdent l’aube, Jean VASCA s’en est allé dans son sommeil, à l’âge de 76 ans. Rien pourtant ne laissait entrevoir la disparition brutale de cet artiste qui avait joué son « solo solaire » en dévorant la vie à belles dents.
A bien le connaître, on sentait immédiatement à quel point il était porté par le désir de « vivre en flèche ». Je dis à bien le connaître, parce que Jean n’était pas d’un abord facile, à cause sans doute d’une vie quelque peu cabossée qui suintait ici et là dans ses chansons : il fallait oser briser la glace, s’aventurer dans les contrées de l’intime, et le personnage livrait alors ses secrets, ses passions, son ivresse d’être, son humanité.
La Corse ? Il en avait fait, avec Annie, sa compagne de toujours, sa patrie, son île de cœur parmi toutes les îles qu’il portait en lui. Pendant 45 ans, il est venu à maintes reprises pour s’y produire et visiter son petit cercle d’amis. Pendant tout ce temps aussi, nous, les fidèles, les porteurs de parole, les fabricants de rêve, n’avons cessé, au travers de ce qui deviendra la B.I.P. (Brigade d’Interventions Poétiques), d’incarner à notre manière les textes et les chansons de Jean Vasca.
Sa fidélité à la Corse lui valut de recevoir en 1997 la médaille de citoyen d’honneur de la Ville de Bastia. C’est d’ailleurs à Bastia qu’il avait rencontré Léo Ferré, son mentor en quelque sorte. Qu’on se souvienne des belles soirées au Théâtre et puis des nuits à refaire le monde à la Taverne d’Achille… Et si Léo était aussi pour moi un phare, un père spirituel pourrait-on dire, avec le départ de Jean Vasca c’est mon grand frère que je perds aujourd’hui, mon frangin, sans lequel peut-être je n’aurais jamais écrit la moindre ligne.
La dernière fois que Jean s’est produit en Corse, c’était à Bastia et Migliacciaru au lendemain des attentats du 13 novembre. Un chant de partage et de résistance contre l’innommable, l’insoutenable où, avec « quelques amis encore fréquentables » nous étions venus célébrer de la voix et du geste ses 50 ans de chanson et de poésie (oui, la bagatelle de 26 albums, de nombreux recueils de poèmes et de textes et même des thèses consacrées à son œuvre) : Virginie Cervoni, Celia Picciocchi, Paul-Gérard Savelli, Jipé Kahèm et Jean-Jacques Gil n’oublieront pas de si tôt cette rencontre aussi éphémère qu’intense et émouvante.
50 ans de chanson et de poésie donc, avec, dans les années 70, après les cabarets rive gauche, la reconnaissance enfin sous l’impulsion en particulier à Luc Bérimont, poète et animateur de radio qui va mettre Jean Vasca sur orbite. S’en suivront une série d’albums chez RCA avec son ami et arrangeur Michel Devy ; une pléiade de récompenses parmi lesquelles en 1976 le Prix des critiques de variété pour on 7ème album Rêve ou meurs, en 1978 le Grand prix de l’Académie du disque pour Célébrations et en 1979 le Grand prix de l’Académie Charles Cros pour son 9ème album De doute et d’envol ; enfin, outre de nombreuses tournées, des passages dans des salles mythiques comme l’Olympia en 1974 et 1976, le Théâtre de la Ville en 1978 ou le Printemps de Bourges en 1977 et 1987 et plus tard le Théâtre Dejazet en 1989 et le Café de la Danse en 1992.
50 ans sans concession, ce qui lui vaudra d’être mis peu à peu dans la marge mais toujours avec la fidélité d’un public inconditionnel, fervent amoureux du verbe.
De cet auteur-compositeur-interprète hors norme résonneront longtemps encore les mots. Ces mots qu’il savait apprivoiser avec une élégance inégalable, qu’il ciselait comme du cristal pour un hymne à l’été et à la vie (« C’est un matin sucré comme un ventre d’abeille… ») ou bien qu’il taillait avec force dans le granit pour muer la colère en espoir afin de « recoudre les lambeaux de la beauté du monde ».
A propos de son dernier opus Saluts ! paru fin 2015, Jean Vasca me confiait : « Je pense que c’est le dernier, je vais tirer ma révérence ». Un présage qu’on aurait préféré ne pas voir se réaliser.
L’une des plus belles plumes de la chanson contemporaine vient de se taire. Pas pour longtemps. Je suis sûr que les textes de Jean Vasca chemineront au fil du temps et qu’un jour même, si ce n’est déjà fait, leur écho vibrera dans la tête des écoliers comme un chant de fraternité :
« Amis soyez toujours ces veilleuses qui tremblent
Cette fièvre dans l’air comme une onde passant
Laissez fumer longtemps la cendre des paroles
Ne verrouillez jamais la vie à double tour »
Pace a te, O Ghjuvan !
Raoul Locatelli, 22 décembre 2016
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