PictureS[...] – 8. Photo N°8 – L’oiseau
C’était comme si un bruit de piano lourd raisonnait dans sa tête. Devant, l’eau. En dessous, le vide. Dans son esprit, une musique sèche et angoissante faite de petits aigües piquants qui semblaient s’entremêler à des basses oppressantes. Puis rien. Ou plutôt, le réveil.
Ouvrant ses yeux d’un coup, Camille haleta. Son cœur battait à lui rompre la poitrine. Sa transpiration avait mouillé ses draps. Il lui fallut bien plusieurs secondes pour retrouver un semblant de calme et reprendre ses esprits. Elle était dans sa chambre, dans son lit, à l’aube d’une nouvelle journée au lycée, en plein mois de mai, quelques semaines à peine avant la fin des cours et le début du bac.
Incapable de se rappeler de quoi elle avait rêvé, l’adolescente se leva et se jeta sous la douche. Oublier, c’était bien. Il fallait oublier et laisser ses angoisses derrière elle. Avancer.
Depuis la fin des vacances de printemps, son quotidien s’était fait de plus en plus douloureux. Les remarques et moqueries à longueur de journée étaient devenues la norme, la faute à un petit groupe qui ne supportait ni son apparence changeante, ni même que le lycée lui ait autorisé à apporter ses « médicaments » en cours. S’il fallait soigner ce type, c’était en lui enlevant sa partie du cerveau malade et en lui passant une camisole de force. Pas en lui laissant prendre ses cachets avant le repas du midi.
Le pire, dans toute cette aigreur, c’était qu’elle était souriante. Alec et ses amis n’étaient plus des collégiens. Ils n’étaient pas stupides au point d’aller directement injurier leur victime en face des profs. C’était bien plus subtil et pernicieux que ça. Des moqueries écrites sur un tableau entre deux cours, des « casse-toi, m’approche pas, tu vas me contaminer » à chaque fois qu’elle passait dans le couloir, des bousculades marquées et laissant des traces bleutés, toujours accompagnées de fausses excuses pour faire croire à leur caractère indésiré, des messes basses emplies de rires gras dès qu’elle tournait le dos, et parfois même des questions gênantes tout sourire, afin de lui faire piquer une crise et de la pousser à la faute : « Tu vas vraiment te faire couper les couilles ? Tu crois que tu seras lesbienne ? On pourra te faire jouir de la chatte ? ». Ce qui rendait la chose insupportable, c’était autant l’effet de répétition que le désintérêt de plusieurs profs, qui n’hésitaient pas à ajouter un « monsieur » bien senti devant son nom de famille en adressant la parole à Camille en classe, comme pour l’humilier publiquement ou lui faire comprendre qu’ils ne cautionnaient pas ses choix, invraisemblables à son âge.
Les élèves cons et les profs intolérants étaient peu nombreux. Minoritaire, même. La majorité du lycée soutenait très clairement l’adolescente. Chaque petit geste de sympathie était déjà quelque chose. Une main sur l’épaule, un sourire, un pronom bafouillé mais cherchant à faire plaisir. Sur l’ensemble, Camille n’avait même pas à se plaindre. C’était sans doute ça, le pire. La gentillesse et la compréhension du plus grand nombre effaçait aux yeux de tous la débilité profonde d’un petit groupe. Tout allait pour le mieux et, à l’exception peut-être de de Margot, presque personne ne voyait Camille pleurer seule dans les toilettes un jour sur deux. Et pour ceux qui captaient ces larmes, l’explication la plus rassurante était toute trouvée. Les hormones féminines, forcément, ça jouait sur le tempérament. C’était tout du moins ce qu’on leur avait expliqué, afin qu’ils ne se soucient pas trop et ne jugent pas leur camarade à ses sautes d’humeur incontrôlée. En plus, la fin d’année était presque là. Tout un chacun était focalisé sur autre chose de bien plus important : le bac, les études supérieures, les vacances… Le lycée Voltaire respirait en ce mois de mai une douce quiétude qu’elle n’avait pas connu depuis des années.
Suivant les conseils de son homme et de sa meilleure amie, Camille avait décidé de tenir bon, de ne pas faire d’esclandre et surtout de ne pas rentrer dans les jeux d’Alec et des trois-quatre abrutis de sa bande. Sur le devant de la scène, ils croyaient briller, mais leur obsession ridicule les faisait passer pour de véritables bouffons, sans qu’ils n’aient l’intelligence nécessaire pour s’en rendre compte.
C’était peut-être sous-estimer Alec. Ce que les gens pouvaient penser de lui, il s’en foutait. Certes, il ne cachait pas son inimité totale pour Camille, ni sa colère contre l’établissement qui se montrait toujours plus laxiste dans l’application du règlement, dès qu’il était question de l’adolescente. Avec les beaux jours, son tatouage s’était affiché à la vue de tous, sans que personne ne s’en émeuve finalement plus que ça. Un tatouage de propagande, indigne dans un établissement public, pourtant. Qu’aurait-on dit si, à la place de ce logo, quelqu’un était venu avec une croix, une étoile ou un croissant sur l’épaule, même stylisé ? Une véritable faute, et personne ne disait rien, là où lui et ses potes étaient souvent recadrés pour leurs écarts de langages irrespectueux et primitifs. La belle affaire.
À trop le prendre pour un imbécile, les gens en oubliaient qu’il était peut-être le moins con de sa bande. Et peut-être aussi le seul à ne pas considérer toute cette haine comme un simple jeu, mais comme quelque chose de plus profond et justifié. Raison de plus pour ne pas trop s’impliquer directement. Mieux valait laisser ses potes gérer le quotidien. Les pauvres, avec le bac qui approchaient, ils avaient bien mérité de se défouler un peu. En jouant par exemple au rugby lors de la pause du matin avec un sac pris « au hasard » dans la cour intérieure pendant que lui faisait l’arbitre à l’extérieur de la mêlée. Il tenait d’ailleurs que cela soit vu au moment où arrivaient les engueulades. Lui ne touchait jamais le ballon !
Courant après ses affaires, Camille hurla de rage et exigea qu’on les lui rende. Le pire, c’était qu’elle ne pouvait même pas crier à la transphobie vu que cet amusement était devenu une sorte de jeu traditionnel à Voltaire depuis qu’un certain blond en avait décrit les règles l’année précédente, en interdisant notamment les coups de pieds et en décrivant la ligne d’en-but. À cela près que le blond utilisait ses effets personnels pour amuser la galerie, et pas ceux des autres.
Ereinté par ces comportements de gamin, Camille grommela pendant les deux heures suivantes, et arriva naturellement de mauvaise humeur à la cafétéria pour le repas du midi. En plus, il y avait la queue pour les paninis, ce qui obligea l’adolescente à se rabattre sur une petite salade afin de rapidement rejoindre Margot et Kenna qui l’attendaient. Son rayon de soleil de la journée. Depuis leur très agréable après-midi de décembre, ces trois-là avaient décidé de partager au moins deux ou trois repas par semaine. À la surprise générale, le « mufle coureur de jupon » était bien resté accroché au même bras toute l’année, ce sur quoi personne n’aurait parié en septembre en le voyant se rapprocher de Margot. Malgré tous leurs efforts pour contenter les langues de vipères, ils n’avaient jamais réussi à suffisamment s’engueuler pour justifier une rupture. C’était ballot. Du coup, vu qu’ils s’entendaient particulièrement bien, se complétaient et adoraient leurs petits cinq à sept au domicile de l’un ou de l’autre avant le retour de boulot des parents, ils avaient décidé de rester ensemble. Tout simplement.
Au fil des mois se succédant, Camille avait fini par considérer Kenna comme un ami et le fait qu’il soit en couple avec Margot comme une pure normalité. Cette dernière méritait le mieux, et autant moralement que physiquement, il fallait bien avouer qu’il n’était pas dégueulasse, euphémisme pour dire que si jamais un plan à trois ou quatre se programmait d’ici les vacances, elle se chargeait de convaincre Cléo. Proposition alléchante devant laquelle Kenna préférait botter en touche. Tout du moins pour l’instant, il avait besoin d’y réfléchir. S’il faisait les comptes, même si Camille se définissait comme une fille, ça commençait à faire beaucoup de bites. Sa fierté masculine autant que son postérieur avaient de sérieuses chances d’en prendre un coup dans le feu de l’action. D’autant plus que Margot ne trouvait strictement rien à y redire. Au contraire, même. Elle assumait adorer l’idée et était persuadée que Kenna kifferait aussi.
Les déjeuners étaient donc l’occasion de décompresser, de parler et de rigoler entre deux longues demi-journées de cours, avec toujours le même rituel. Les trois camarades se jetaient sur une petite table le long du mur, à côté d’une fenêtre puis comparaient les plats qu’ils avaient choisis. Juste avant de se souhaiter un bon appétit, Camille sortait de son sac la petite boite en plastique comprenant son traitement. Si une bonne partie de ce dernier passait par des crèmes et injections, le médecin lui avait aussi prescrit inhibiteurs de testostérone et œstrogènes en cachet ou fiole, ainsi que quelques compléments alimentaires pour palier à des carences en fer et en vitamine. Devant la multiplication des cachets et des couleurs, afin de ne pas se planter dans les quantités à ingurgiter, Camille avait confié le soin à son père de s’occuper de l’approvisionnement et de la confection des doses quotidiennes, qu’il plaçait le week-end dans des petites boites numérotées, une pour chaque repas de la semaine. Plus qu’un besoin, cette intervention était surtout symbolique. Elle permettait à l’adulte de s’impliquer dans la transformation de sa fille, signe de son soutien.
Ce midi-là, Camille tiqua. Dans la boite du jour se trouvait deux petites capsules orangées, absentes de celle de la veille et de celle du lendemain. Une nouvelle sorte de vitamine que son paternel aurait ajouté en voyant sa tête déconfite et ses traits tirés du matin ? L’adolescente haussa des épaules et avala la première avec une rasade d’eau, avant que Kenna ne se jette sur sa main pour récupérer la deuxième. Les yeux écarquillés, le garçon observa le cachet sous toutes les coutures, avant de fixer nerveusement Camille. Cette dernière, étonnée et choquée, commença à trembler. Cette attitude n’avait rien de normal ou naturel. Sèchement, elle lui demanda des explications :
« Pourquoi tu fais cette tête ? Kenna ? Tu me fais peur, là. »
Le jeune garçon eut du mal à trouver ses mots. Bégayant, il botta tout d’abord en touche :
« Nan, toi, pourquoi tu prends ça… Tu sais ce que c’est au moins ? »
Livide, Camille lâcha simplement un « des vitamines ? » hésitant et grimaçant. Déjà, ses yeux se chargeaient. Comme abattu, son camarade ouvrit grand la bouche avant de souffler en plongeant sa tête dans sa paume gauche, laissant échapper un simple « oh putain » déboussolé de sa gorge.
« C’EST QUOI BORDEL ? », hurla Camille en se levant d’un coup dans un état de stress qu’elle avait rarement connu jusqu’alors, faisant sursauter l’ensemble des tables avoisinantes. « QU’EST-CE QUE J’AI AVALÉ ? »
Effrayé et tremblotant, Kenna s’agrippa au rebord. Il était encore plus livide que la jeune fille. Obligé de déglutir à trois reprises et d’attendre que son cœur se calme avant de parler, il murmura à voix basse la réponse tant redoutée.
« Je ne dis pas que ça en est à cent pour cent… Mais… je connais ce médoc, mon père en a pris après une perte de libido suite à une grosse chirurgie cette année… »
Là, Camille sentit ses jambes la lâcher. C’était une blague ? Kenna ne pouvait pas être sérieux ? Quelqu’un allait forcément débarquer en criant « caméra cachée » avant de se prendre une baigne dans la tronche pour avoir osé une plaisanterie aussi cruelle ?
Il n’en fut rien. Après une courte hésitation, le jeune homme lâcha le nom du produit :
« C’est de la pantestone. De la testostérone brute, des hormones masculines, quoi… »
Le hurlement de douleur que Camille lâcha à ce moment-là fit trembler les murs et s’entendit même jusqu’au bureau du directeur, au dernier étage et au fond de l’aile administrative. De mémoire de professeurs, jamais cris rauque et profond, jamais « RHAAAAAAAAA » rageux, jamais larmes acides n’avaient à ce point coupé le souffle à un lycée dans son ensemble. Il fallut bien trois personnes pour maîtriser la jeune transgenre dans sa folie, après qu’elle se soit plongé les doigts au fond de sa gorge pour se faire vomir, obtenant en quelques secondes l’effet désiré et gerbant à genoux à même le sol de la cafétéria en serrant des poings. Kenna eut bien essayer de la rassurer en lui disant que les doses étaient trop faibles pour agir, Margot eut beau se jeter à son cou pour la calmer, rien n’y fit. La rage, la colère et la souffrance qui se lisaient dans ses yeux l’empêchait de raisonner. Son visage ne ressemblait plus qu’à une horrible grimace rouge, rongé par ses cris incessants. Rien ne pouvait lui faire plus mal. Rien ne pouvait la faire pleurer plus abondement. Rien ne pouvait être plus cruel. Rien, pas même la mort. Inconsolable et incapable de se calmer, elle fut conduite de force par deux adultes à l’infirmerie.
Puis enfin, le calme revint, accompagné d’un lourd silence pesant. L’appétit coupé, les élèves n’osèrent pas retournée à leurs assiettes. Choquée comme jamais, Margot fusilla Kenna du regard, qui bredouilla en retour qu’il n’y était pour rien, mais qu’il n’avait pas eu d’autre choix que de lui dire. Lui-même en avait l’estomac retourné. Surtout, il ne comprenait pas plus que sa copine comment cette foutue capsule avait pu se retrouver dans cette boite. Timidement, il accusa le dernier à avoir touché à la préparation, à savoir le père de l’adolescente, ce à quoi Manon répondit par une gifle violente, dont le claquement ferme fit à nouveau sursauter l’assistance, pas encore vraiment remise de ses émotions.
« Jamais Jean-Marc n’aurait fait ça à Camille ! Jamais ! Ni volontairement, ni par inadvertance. Il l’aime trop… »
Dans toute la cafet, une seule table avait réussi à garder son calme. Pire encore, elle alla jusqu’à trinquer à l’eau. Un sourire malicieux aux lèvres, Alec leva son verre à ses amis. Comme quoi, personne n’était à l’abri d’une bonne nouvelle où d’une petite réjouissance inopinée. Il fallait savoir les déguster.
Entendant ces saloperies, le sang de Margot ne fit qu’un tour. Seul l’intervention de Kenna qui fit barrage de son corps l’empêcha de dépecer vivant la bande de petits salauds. Ça, et l’arrivée en trombe de Musquet, prévenu par des élèves que quelque chose de grave s’était passé en bas. Incrédule à l’écoute de l’explication du jeune homme, le CPE dût se frotter les yeux comme pour s’assurer qu’il ne rêvait pas. Cela ne pouvait pas venir du lycée. Personne à sa connaissance ne pouvait avoir l’esprit assez vil pour penser à une plaisanterie aussi basse.
Camille ne se montra pas pendant les deux heures de cours suivantes. Allongée, immobile, la mâchoire bloquée, elle avait profité de ce temps pour reprendre ses esprits – ou tout du moins essayer – et refaire le film de la journée dans sa tête. Qui avait osé rajouter des cachets dans sa boite, qui dans son souvenir ne les contenait pas lorsqu’elle l’avait prise sur la table de la salle à manger le matin ? Quand avait-il réalisé le tour de passe-passe ? Comment avait-il procédé ? Et pourquoi, surtout ?
Répondre à cette dernière question était le plus simple. Pour lui faire mal. La détruire. La briser. Comment peut-on se montrer plus cruel avec une jeune transgenre se gavant d’hormones féminines qu’en lui faisant avaler de la testostérone contre son gré ? Elle-même avait beau réfléchir, elle ne voyait pas. Cette duperie était digne du banquet offert par Atrée à Thyeste et méritait au moins sa malédiction éternelle, ce qui pour le coup était même particulièrement miséricordieux par rapport à ce qu’elle souhaitait faire du cadavre du coupable. En revanche, ce qui était finalement assez clair, c’était le modus operandi. À un seul moment dans la journée son sac avait échappé à sa vigilance, passant de mains en mains et disparaissant sous des corps agglutinés.
Comprendre tout cela ne la calma pas, mais la rendit encore plus folle. Enragée était peut-être le mot qui correspondait le mieux. Ce fut en tout cas dans cet état qu’elle se jeta hors de l’infirmerie lorsque sonna la cloche indiquant la pause de l’après-midi, puis qu’elle se mit à courir dans les couloirs jusqu’à la cour, avant de se jeter comme une furie au cou d’Alec et de commencer à le taper et griffer en hurlant tout sa rage :
« CONNARD ! C’EST TOI ! C’EST FORCÉMENT TOI ! J’VAIS T’BUTTER T’ENTENDS ? J’VAIS T’BUTTER CONNARD ! »
Ce second round fit presque autant parler dans le lycée que le premier, autant pour la réaction d’Alec qui se dégagea immédiatement et maitrisa Camille d’une clé de bras avant de la renvoyer valdinguer lourdement vers Margot et Kenna qui avaient accouru à son secours que pour la joute verbale qui suivit, d’une aigreur et d’une violence rarement atteinte jusqu’alors. Étrangement calme malgré son visage légèrement tuméfié, le jeune garçon nia de toute ses forces. Il n’avait jamais touché ce sac, en tout cas pas pendant le rugby du matin. Tout le monde pouvait en témoigner.
Cette vérité était indiscutable. En larmes, Camille ne réussit pas à la nier. Pourtant, c’était lui. Cela ne pouvait être que lui… L’explication était au demeurant fort simple. Camille la dégueula, retenue par Margot pour ne pas repartir au combat.
« Si c’est pas toi, c’est un de tes potes à qui tu l’aurais demandé… Mais c’est la même chose… »
Échec au roi ! Ou pas. Plus stratège qu’il n’y paraissait, Alec connaissait les rudiments du jeu de plateau et savait très bien les retranscrire dans la vie réelle. Ce qui comptait, ce n’était pas d’attaquer avec son fou sans réfléchir, mais d’avoir une vision à long terme de la partie. De tendre des pièges et de se délecter en voyant son adversaire plonger dedans. Souriant comme jamais, il se posa le dos contre un mur, joignit ses mains sous son menton, puis enfin lâcha sa réponse savamment préparée :
« Ça, chérie, tu ne pourras jamais le prouver… »
C’était un aveu, mais un des pires qu’on pouvait obtenir. Alec ne niait pas être à l’origine de toute cette histoire. Il se délectait même du fait que Camille le pense. Pire, il souhaitait qu’elle en soit convaincue, et ce d’autant plus fort qu’il se savait intouchable. On ne pouvait l’accuser de rien directement, et c’était lui qui s’était fait sauvagement agresser dans la cour par une furie dont tout le monde avait pu jauger le caractère instable et la dangerosité. Il était donc en force pour rappliquer et lui balancer enfin ses quatre vérités, celles qu’il avait gardé coincées au fond de sa gorge depuis si longtemps. Là, personne ne pourrait le lui reprocher. Sa haine tomba, coupante comme la lame d’une guillotine.
« Le mieux, ça serait que tu meurs ! Ça serait mieux pour tout le monde ! Ça aurait été mieux si c'était toi qui était mort plutôt que ta sœur ! Tu l'as tuée ! Tu lui as volé sa vie, et maintenant t’essayes de prendre sa place ! Tu me dégoutes ! Pas parce que t’as honte de tes couilles, mais parce que t’es un monstre ! »
Dans un état second, Camille ne sut pas quoi répondre. Ses larmes de rages laissèrent sa place à l’humidité du désespoir et de la culpabilité. L’adolescente tomba à genoux, malgré le soutien de Margot qui essayait de la porter. La cruauté des mots était encore plus violente et destructrice que celle de la mise en scène du midi. Lui reprocher ça, c’était ignoble. Comme si Camille ne s’était pas déjà assez blâmée pour cet accident. Comme si elle n’avait pas fait que regretter et regretter encore ce jour où, partie chercher son père qui tardait à rentrer, elle n’avait pas laissé Maxime seule à la maison. Comme si elle avait pu supporter l’incendie domestique qui avait suivi et qui lui avait pris sa sœur ?
Jamais haine ne s’était montrée plus violente. Jamais Camille ne s’était d’ailleurs posé la question qui lui brulait à présent les lèvres. Cette toute bête question dont la réponse n’était semblait-il pas de la simple transphobie. Cette toute bête question qu’elle balança en couinant, implorant une réponse :
« Pourquoi tu me détestes ? Pourquoi tu me détestes depuis tout ce temps ? »
La bonne blague. Cette réaction fit sortir Alec de ses gongs. Comme si ce n’était pas évident. Comme si cela ne l’avait pas été dès le premier jour… Il hurla.
« PARCE QUE TU L’AS TUÉE ! J’ÉTAIS AMOUREUX D’ELLE ET TU L’AS TUÉE ! ELLE T’ADORAIT ET TU L’AS TUÉE ! »
Camille n’avait jamais fait attention à ça. En fait, ses propres souvenirs étaient flous. Et pourtant. C’était donc pour ça ? Pour ça qu’Alec l’embêtait au primaire et collait à chaque fois Maxime jusqu’à ce qu’elle accepte de lui claquer une bise ? Pour ça qu’il s’était renfermé sur lui-même au collège et refusait de lui adresser la parole ? Pour ça qu’il se montrait si impitoyable ? Parce qu’il était amoureux de Maxime et tenait son « frère » pour responsable de ce qu’il s’était passé ? Voyant son adversaire à moitié K.O, Alec s’approcha en serrant des points et assena le coup final. Une larme orpheline sur sa joue gauche accompagna son venin.
« J’aurais pu te pardonner en grandissant. Me dire que ce n’était pas ta faute, que c’était le destin. J’ai ravalé ma colère et j’ai voulu passer à autre chose, vraiment. Mais te voir heureux ? Te voir heureux et faire… ça ? Porter les tenues qu’elle aurait dû porter ? Souhaiter la vie qu’elle aurait dû avoir ? Effacer son existence en prenant sa place ? J’ai pas pu. T’avais pas le droit. T’avais pas le droit de vouloir devenir une fille. T’avais pas le droit de lui faire ça. Putain, qu’est-ce que je regrette que tu ne sois pas mort à sa place. Si seulement ça avait été toi ce jour-là… »
Vidée de son énergie, le regard vitreux et éteint, Camille lâcha le sourire du désespoir. Elle n’avait plus la force de se battre. Et à quoi bon ? Comme si elle pouvait nier qu’elle et Maxime n’étaient pas nés dans les bons corps à la naissance. Comme s’il ignorait que, si la nature avait bien fait les choses, cela aurait été lui qui aurait succombé ce jour-là, étouffé par la fumée. Tout cela était tellement vrai. Une pure dose de vérité brute. Elle l’avait tellement fui, aussi. Trop longtemps. Alors que Margot lui intimait de se ressaisir, elle secoua la tête de gauche à droite. Ses larmes accompagnèrent ses derniers mots prononcés à faible voix, les derniers que le lycée entendit cette après-midi-là.
« Il a raison… »
Camille n’assista pas à la dernière heure de cours. Quand Musquet arriva dans la cour en courant, il était déjà trop tard, l’adolescente avait fui par la porte d’entrée, refusant d’être accompagnée ou de parler à quiconque. Ne pouvant que constater la situation et la fugue, le CPE convoqua Margot et Kenna dans son bureau. Il ne voulait pas les engueuler, juste comprendre, et il ne voyait personne de mieux placés que ces deux-là pour lui résumer la situation et lui permettre d’y voir clair avant de devoir prendre des décisions.
Pendant près de quarante minutes, les deux adolescents détaillèrent la journée, du jeu du matin avec le sac jusqu’à la confrontation du soir, sans oublier naturellement l’incident du midi. À plusieurs reprises, l’adulte leur demanda de répéter, et dut même se lever pour aller ouvrir la fenêtre et se gorger les poumons d’air frais. Margot lui raconta toute l’histoire familiale de Camille, nécessaire à la bonne compréhension de la scène finale. Musquet le concéda. C’était à vomir. Des horreurs, il en avait vues. Des atrocités, il en avait entendues. Mais là, il restait sans voix, sincèrement choqué comme rarement il l’avait été dans son petit bureau du deuxième étage. Le pire et le plus insupportable était que, sur le fond, Alec avait raison sur un point : rien ne permettait de l’incriminer, pour quoi que ce soit.
Alors qu’il allait libérer ses deux témoins pour réfléchir calmement aux suites à donner à cette affaire, le téléphone sonna. C’était le standard, qui voulait lui passer un père paniqué. Musquet pria pour que cela ne soit pas l’homme à qui il pensait et appuya sur le haut-parleur. Ce fut malheureusement le cas. Margot reconnu immédiatement la voix qui s’échappait du combiné. Jean-Marc semblait perdu et effrayé.
« Camille m’a appelé en larmes tout à l’heure, ses propos étaient incohérents, je ne comprenais rien. Je lui ai dit de rentrer à la maison et de m’attendre. Je suis arrivé aussi vite que j’ai pu, mais une fois arrivé, il n’était plus là. Il a juste laissé un mot sur la table, à la place de tous ses cachets de la semaine. S’il vous plait, dites-moi que vous l’avez vu et qu’il est revenu au lycée… S’il vous plait… »
Sans prévenir, Margot arracha le combiné des mains de son CPE. Loin de calmer Jean-Marc, elle lui demanda de lire le mot. Connaissant Camille, il pouvait sans doute contenir une information… La voix de plus en plus hachée, l’adulte obtempéra.
« Ni un mec, ni une femme, ni une tortue ! À peine un piaf qui mérite de se foutre en l’air… »
Brisant le silence qui s’était immédiatement installé, l’adulte réagit lui-même à vive voix à l’horreur qu’il venait de déclamer. Il pleurait.
« S’il vous plait, aidez-moi à le retrouver… Si jamais il… elle… je n’y survivrais pas… »
Ni Musquet ni Margot ne surent quoi répondre. L’une était trop paniquée, l’autre trop abattu. Restait Kenna qui, les deux poings serrés sur ses cuisses et le regard dans les chaussettes, tentait de retrouver ses esprits et de réfléchir. Après quelques secondes à se mordiller la lèvre sans ouvrir la bouche, il tenta timidement de reprendre la parole :
« J’ai… Je pense avoir une idée… »
Le bruit du piano s’était éteint. Mais devant elle, Camille pouvait voir l’eau s’étendre, noueuse. En dessous, le vide, forcément. Son esprit l’était tout autant. L’angoisse l’avait quittée. Elle se sentait calme. Enfin. Comme si, plongée dans un rêve, elle pouvait enfin tranquillement songer à ne plus jamais se réveiller. La balustrade rouge semblait l’appeler. Elle ne savait pas combien de temps elle avait pu marcher et errer ainsi dans la ville en jean et débardeur blanc, ne s’arrêtant que pour monter dans le bus qui l’avait amenée au vieux Lyon. Sa destination. Son terminus. Elle ne savait même pas qu’elle heure il était, et s’en fichait. Cela n’avait plus trop d’importance. Son téléphone était resté à la maison. Voilà. Tout était dit. Alec avait parfaitement résumé la situation et sa vie. Cette dernière n’était qu’une supercherie, une tromperie, un mensonge.
Ce monde n’était peut-être pas fait pour la différence. Camille se devait de se l’avouer : elle ne s’était jamais sentie à sa place. Ou il. Pour ce que cela changeait. Pourquoi diable vouloir continuer ainsi ? Pourquoi chercher à se duper soi-même avec des médicaments et des espoirs futiles. Il était un homme, né homme, et il mourrait homme. Rien ne pourrait jamais changer ce foutu chromosome qui lui avait pourri la vie. Pas même la médecine ou la chirurgie, et certainement pas sa volonté, ni ses rêves. Cela se servait à rien. La passerelle l’avait happée. Elle leva la tête vers les quelques nuages peuplant un ciel presque aussi bleu que ses yeux. Ou il la leva, tel un oiseau. Pour ce que cela changeait… encore. L’un ou l’autre ne changeait plus rien. Son mensonge pouvait bien écraser la vérité, il ne la changerait jamais.
Grimper sur la rambarde ne fut pas difficile. De là, Camille trouva la vue sur le vieux Lyon et Fourvière plutôt belle. Maxime avait raison. Le vent s’engouffrant dans les cheveux et les vêtements donnaient l’impression de pouvoir s’envoler. Sortant ses cachets et son traitement de son sac, l’adolescent observa tout cela tomber dans l’eau et s’amusa des plocs plocs à peine perceptibles que leur contact avec la Saône avait provoqué. Elle n’en aurait plus besoin.
À quelques mètres, des voix commencèrent à lui crier des choses qu’il n’écouta pas. Cela ne l’intéressait pas. Elle préférait sourire en sentant l’air qui lui glissait sur le visage. Il ferma les yeux. Elle se sentait bien. Enfin. Dire qu’il suffisait d’écarter les bras pour se sentir pousser des ailes. Il en rigola lui-même. Que la réponse à tous ses problèmes soient aussi simples… Voler. Il suffisait de s’envoler et de laisser le vent la porter. Une bourrasque le déséquilibra. Elle se sentit partir en avant, prête à rejoindre ces petites pilules à qui elle avait cru naïvement pouvoir confier son futur. Un violent coup dans le ventre lui provoqua une intense douleur, sans qu’il ne comprenne d’où il venait. La gravité l’attirait vers le bas. La vie la retint vers l’arrière. Le choc fit mal, mais resta sec. Quand Camille rouvrit les yeux, elle se trouvait les fesses sur le pont, enlacée par la taille par un garçon tremblant au rythme de son cœur, incapable de s’arrêter de battre à toute vitesse. Un garçon à bout de souffle qui la serra fort contre lui. Un garçon à la fois furieux et soulagé qui l’embrassa frénétiquement plusieurs fois dans le cou avant de lui hurler dessus :
« MAIS C’EST PAS BIENTÔT FINI CES CONNERIES ? GROSSE CONNE ! »
Camille essaya de répondre. Déjà qu’elle n’était pas grosse, ensuite que la biologie l’empêchait d’être « conne », malgré ses désirs. Les mots ne sortirent pas de sa bouche. La petite voix masculine qui résonnait au fond de sa tête s’emblait s’être envolée à la place de son corps. Ne restait plus que ce dernier, inerte, qui ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas. Ni pourquoi elle était encore là, ni comment Cléo avait fait pour la retrouver alors qu’elle avait veillé à ne surtout pas l’inquiéter. Par lâcheté.
La réponse à cette question était assez simple. Il avait couru.
Alors qu’il sortait à peine de cours, Jean-Marc l’avait appelé, paniqué et lui avait résumé la situation en trois mots et deux phrases. Camille avait fugué. C’était grave. Point. À partir de là, le jeune adulte avait retenu son souffle et simplement écouté les consignes. Camille avait laissé un mot. Kenna s’était souvenu d’une certaine discussion en décembre qui l’avait particulièrement marqué et touché. Il avait eu une idée, et, persuadé qu’il avait raison, avait su se montrer assez insistant pour qu’on le prenne au sérieux. Cléo était physiquement le plus proche de l’endroit auquel il pensait. Ni une, ni deux, le préparationnaire avait attrapé ses deux colocataires par le cou et leur avait ordonné de le suivre pour l’aider à chercher. Fabien avait immédiatement hoché la tête sans poser de question. Mikaël avait râlé car il devait absolument réviser, avant de se lancer à la poursuite de ses deux amis en courant. À bien y penser, il pouvait bosser dans le bus, en fait, ce n’était pas un problème. Les trois jeunes gens s’étaient immédiatement dispersés dans la zone du vieux Lyon en criant et en interpelant les passants. Cléo, lui, avait foncé près du pont dont Jean-Marc lui avait parlé. Là, trouvant enfin Camille au loin, déjà en train de monter sur la balustrade, il en avait lâché son appareil qu’il avait embarqué dans l’idée de montrer aux clampins des photos de sa bienaimée, puis s’était mis à courir sur toute la passerelle en hurlant, poussant d’un coup d’épaules les quelques imbéciles immobiles et attroupés, avant d’enfin se jeter sur Camille de tout son poids au moment où, déséquilibrée, elle semblait partir en avant.
Et là, alors qu’il reprenait enfin un peu son souffle et ses esprits, il n’avait forcément eu qu’une seule idée en tête : gueuler en serrant le plus fort possible contre lui cette pauvre créature déboussolée, ce afin de s’assurer qu’elle était bien là et qu’il ne l’avait pas ratée.
Une fois cela fait et sa colère passée, il la tira à bout de bras jusqu’à la terre ferme, où les attendaient Mikaël et Fabien, alertés par le bruit et la foule. Tous respirèrent un bon coup. Fabien se chargea d’appeler Jean-Marc au nom de Cléo. De son côté, Mikaël ramassa l’appareil photo, légèrement cabossé, et injuria les curieux qui leur tournaient encore autour. Baltringues qui n’avaient rien d’autre à foutre que de les coller et de les faire chier ! Ils ne voyaient pas que le couple avait besoin d’un peu de calme pour discuter ? Quand bien même c’était lui qui faisait le plus de bruit, ça, il n’en avait rien à foutre, lui il avait le droit, il était coloc d’un des concernés. C’était presque la famille !
À genoux dans les bras de son homme, Camille craqua et, la gorge asséchée, lâcha les quelques larmes qui lui restaient encore au fond de ses paupières. Sa vie n’était que souffrance. Malgré les moments joyeux, malgré son espoir et son sourire, il n’en pouvait plus. Cette journée l’avait brisé et lui avait surtout ouvert les yeux. Il était un connard égoïste qui ne méritait pas de vivre et qui pourrissait le quotidien de tous ses proches avec ses problèmes. À ces mots, Cléo se mit à pleurer à son tour, ce qui ne l’empêcha pas de gifler l’imbécile qui se lamentait, comme jamais avant il n’avait levé la main sur personne.
« JE T’INTERDIS DE DIRE ÇA ! », ordonna-t-il en criant à s’en rompre les poumons.
« De dire quoi ? », répondit immédiatement Camille, la tête baissée vers le sol.
« Tout ! Déjà, que t’es un connard ! Tu peux dire que t’es une connasse si tu veux, mais un connard, ça, je te l’interdits, tu m’entends ? On n’a pas fait tout ce chemin ensemble pour que tu utilises le masculin en parlant de toi ! Et pour te dénigrer, en plus ! Ça, t’as pas le droit ! T’as pas le droit ! »
Interloquée, la jeune femme déglutit. Elle s’attendait à tout, sauf à ça. Elle acquiesça. Elle était une connasse. Soit. Elle n’avait pas la force de se rebeller. Etrangement, cela la fit sourire. Ce signe de joie s’effaça immédiatement au profit de sa rage. Elle vida son sac. Cléo répondit à chaque fois du tac au tac sous le regard interloqué de la foule, toujours en train de se faire copieusement insulter par Mikaël qui cherchait à la disperser.
« Ma vie est merdique ! »
« Ma vie est merveilleuse depuis que t’es dedans ! »
« T’as pas perdu ta sœur ! »
« Nan, juste mes deux parents ! Toi, t’as encore ton père ! »
« Qu’est-ce que ça peut te faire que je veuille mourir ? »
« Moi aussi je voulais crever, abrutie. Et c’est toi qui m’a sauvé ! Parce que je suis tombé amoureux de toi ! Avant, j’y pensais tout le temps ! Mais je n’y ai pas songé une seule fois depuis qu’on est ensemble ! Pourquoi, à ton avis ? Parce que tu me rends heureux ! HEUREUX ! Alors arrête de prétendre le contraire ! »
Cette fois-ci, Camille ne sut plus quoi répondre. Ou plutôt, elle n’y arrivait pas. À la place, toujours nichée en pleine rue dans les bras de Cléo, elle raconta sa journée, ce qu’Alec avait osé lui faire. Son pétage de plomb. Sa peur. Son sentiment de perdition. Sa certitude d’avoir volé la vie de Maxime. Et d’achever sa trahison en se faisant fille.
« T’as transition n’a rien à voir avec ta sœur ! », coupa son petit ami qui la serrait toujours plus fort. « C’est de toi dont il est question, ça a toujours été de toi, uniquement de toi. Même si je ne l’ai jamais connue, je suis sûr qu’elle t’aurait encouragée et aurait été fière de te présenter comme sa frangine ! »
Cette fois-ci, Camille accepta la sentence. Les yeux fermés et les mains agrippés aux manches de son homme, elle ne rajouta plus rien. L’orage venait de passer. Elle n’avait plus qu’une seule envie : se reposer. Elle avait sommeil. Tellement sommeil. Pour l’aider à s’endormir, dans l’attente d’une voiture pour la ramener chez elle, Cléo lui murmura une dernière chose à l’oreille :
« Je vais te venger. Je te le promets. Mais à la manière de tous ceux qui t’aiment. De cet abruti de blond sans qui je ne t’aurais jamais adressé la parole et de ce connard de Gabriel. Sans violence, juste avec toute ma haine, mais j’te promets que ça restera dans les mémoires et que tu seras vengée… »
*****
Extrait de l’album photo de Cléo
Emplacement n°8
Nom de la photo : « L’oiseau »
Effet : noir et blanc
Lieu : passerelle Saint-Georges à Lyon
Date : une fin d’après-midi de mai
Composition : j’ai découvert l’image alors que j’essayais de redresser mon appareil cabossé par une chute. C’est moi qui ai pris cette photo par accident, en appuyant surle déclencheur alors que je le jetais par terre. L’appareil était réglé sur un filtre noir et blanc, zoom poussé au maximum. Camille est seul sur le cliché, coupé à la taille, debout sur le rebord, de trois quart dos, regardant au loin, le vent faisant voler ses cheveux en arrière. Il ressemblait à un oiseau, prêt à s’envoler. Un oiseau que j’ai pu rattraper juste avant et enfermer à nouveau dans la cage formée par mes bras.
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