Tumgik
#éponge maçon
traces-ecrites · 4 years
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Je marche tranquillement le long du chemin qui remonte du centre du village vers la maison où je vis depuis près de 18 ans. C’est un endroit où je suis déjà passée des centaines et des centaines de fois. Il est en train de connaître une véritable métamorphose : son « urbanisation ». De simple chemin, il est en train de devenir une vraie rue. Il y a quelques décennies, à l’époque des premières années de ma vie, alors que je vivais bien loin d’ici, il n’était rien d’autre qu’un chemin de terre, à travers champs, comme tant d’autres dans la campagne autour de Toulouse. La grande transformation d’alors avait été de recouvrir la terre par du bitume, pour faciliter la circulation des voitures. Les talus et les fossés pleins d’herbe verte étaient restés.
Aujourd’hui, sur le côté gauche en remontant vers chez moi, le fossé est en train de se transformer en trottoir. De jour en jour, les changements sont spectaculaires. De gros engins perturbent la circulation dans le quartier. Mais surtout, c’est toute une équipe d’ouvriers des travaux publics qui œuvrent de leurs mains sur ce chantier. En marchant distraitement sur les trottoirs des villes et villages, on ne pense pas forcément à tout ce qui se trouve sous ses pieds. J’admire en passant cette construction souterraine. D’énormes buses en béton forment un long tuyau dans le fossé pour récupérer les eaux de pluie. Elles se raccordent parfaitement, en tenant compte de la pente et sont pourvues par endroits de trappes d’accès. Le tuyau fait maintenant toute la longueur du chemin et est enfoui sous de la terre et des graviers.
L’étape du chantier qui retient maintenant mon attention est la mise en place des bordures de trottoir. J’adore marcher comme une funambule, le long des bordures de trottoir. J’imagine avancer pas à pas en équilibre sur une poutre, au bord d’une falaise de 20 centimètres de haut. J’en aurai bientôt de nouvelles à explorer. Je trouve fascinant de voir avec quelle attention les ouvriers disposent côte à côte les éléments qui forment le fond du caniveau et le bord de la marche. L’alignement s'effectue au cordeau, toujours en respectant la pente et les courbes. C’est magnifique !
En passant à côté, j’observe discrètement les ouvriers qui sont en train de réaliser les joints pour assurer la parfaite continuité entre les blocs de béton. Armés de sortes de grosses éponges et de taloches, ils lissent méticuleusement le ciment des joints, avec des gestes fluides, d’une douceur infinie, qui ressemblent à des caresses. Rien à voir avec l’image du maçon costaud ou du conducteur d’engins avec sa pelle mécanique.
Les premières années où je vivais ici, je rêvais de trottoirs sur lesquels marcher quand j’emmenais mes enfants à l’école. Quand ma fille aînée partait seule au collège, j’aurais aimé qu’elle ne soit pas obligée de marcher sur la route. Aujourd’hui, quinze ans plus tard, la plus jeune de mes trois filles quitte le lycée et, pendant toutes ces années, j’avais fini par m’habituer à ce qu’elle marche sur la route. Il n’y a pas tant de voitures qui circulent dans le quartier. Quand l’une d’entre elles passe un peu vite, on lui fait signe de lever le pied, en lui jetant un regard noir. Demain, les enfants des générations montantes pourront marcher sur de beaux trottoirs tout neufs.
Mon voisin, qui appartient à une génération antérieure à la mienne, me raconte parfois comment c’était « avant ». Il a été l’un des premiers, avec celui à qui j’ai acheté ma maison, à venir construire sur ce bout de coteau. Ils faisaient figure de pionniers, à l’époque. Il n’y avait ni eau ni électricité, encore moins de téléphone. Ils ont creusé des puits pour avoir de l’eau. Pour amener le matériel de construction, ils empruntaient le même chemin qui aujourd’hui s’urbanise. Les gens du village trouvaient original, parait-il, d’aller s’installer aussi loin. Le tout à l’égout n’a été installé que peu de temps avant que je découvre la maison qui allait devenir la mienne. Le quartier est devenu une zone résidentielle prisée. On parle aujourd’hui de raccordement prochain au réseau de la fibre. Et tout cela en quelques décennies, même pas un battement de cils à l’échelle de l’histoire. Ainsi va la vie.
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rvb-france · 5 years
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