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https://radionotredame.net/emissions/leditorial/03-04-2017/
« Nous, médecins et chercheurs des sciences de la vie et de la santé, demandons aux pouvoirs publics de reconsidérer la reconnaissance d’utilité publique de la fondation Jérôme Lejeune. » Telle est la revendication majeure qui ressort d’un libelle, qui se veut pompeusement un « J’accuse » à la manière de Zola, mais qui n’en a ni la force, ni le style. 140 médecins et scientifiques ont, en effet, signé ce texte pour manifester leur mécontentement face aux principes éthiques dont se réclame cette fondation Jérôme Lejeune, notamment à l’égard des recherches sur l’embryon. On sait que cette question divise les milieux de la recherche. Mais il m’apparaît gravissime qu’en vertu de ce désaccord qui relève de la conscience, on veuille interdire à la fondation d’exprimer ses convictions. Je cite, en effet, ce passage du libelle où les signataires regrettent « que les prises de position de cette fondation dénaturent et dégradent le débat éthique qu’il convient de mener sur les évolutions des sciences de la vie et de la santé. » En d’autres termes, il s’agit d’interdire la parole, en imposant un point de vue officiel et en réclamant la fin d’une institution qui déplaît.
Car c’est bien la mort de la fondation Jérôme Lejeune qui est réclamée. En demandant aux pouvoirs publics de reconsidérer sa reconnaissance d’utilité publique, on veut la priver des moyens qui lui permettent d’exister et notamment de prendre en charge de nombreux patients, surtout ceux porteurs de trisomie 21, comme le reconnaît pourtant le texte. Pour désaccord idéologique, on veut stopper aussi les recherches expérimentales et cliniques poursuivies par un organisme unique en son genre.
Je m’honore d’avoir connu cet homme éminent et rayonnant qu’était le professeur Jérôme Lejeune. Son dévouement inlassable à l’égard de centaines de patients, notamment des enfants, dont il connaissait tous les prénoms, lui vaut la reconnaissance des familles. Beaucoup savent aussi comment il a changé le climat à propos de la trisomie 21, dont il fut le découvreur. J’espère que nous serons nombreux à nous dresser contre le diktat de ceux qui voudraient abolir son œuvre, dans le mépris d’une magnifique cause humaine.
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La provocation de Donald Trump https://t.co/s4PfgwmY9E
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard) 31 janvier 2017
Depuis qu’il est entré à la Maison-Blanche, Donald Trump se charge de montrer qu’il ne s’est pas payé de mots durant sa campagne électorale. Ce qu’il a dit, il le fait, en publiant décret sur décret. Le dernier en date provoque la tempête plus encore que les précédents. En interdisant l’entrée aux États-Unis des ressortissants de sept pays musulmans, il a non seulement provoqué des manifestations dans le pays, notamment dans les aéroports, mais soulevé une intense émotion dans le monde. Selon tel éditorialiste, ce serait la démocratie qui serait à l’épreuve, donc l’État de droit dans son ensemble. Le nouveau président se défend d’avoir pris une initiative anti-musulmane. Il veut uniquement protéger les États-Unis du risque terroriste. Évidemment, on ne l’entend pas de cette oreille, et il y a une forte probabilité que le trouble s’amplifie, en provoquant une véritable crise internationale.
Nous savions que Donald Trump était un provocateur, mais nous ne soupçonnions sans doute pas qu’il pourrait aller aussi loin, en procédant à une déstabilisation qui ne peut qu’inquiéter les gens raisonnables. Mais en même temps, on est bien obligé de constater que cette action offensive a ses partisans et qu’elle se justifie par l’inquiétude qui traverse l’ensemble des pays occidentaux à l’égard du fondamentalisme musulman. Et il y a des raisons sérieuses à cela. Inutile des les rappeler. De quelque façon que l’on aborde le problème, on se trouve sur un terrain miné. Et il est bien difficile de concevoir la sagesse qui correspondrait à une période de grand péril.
Dimanche, François Fillon s’est félicité que Pascal Bruckner ait gagné son procès contre ceux qui l’accusaient d’islamophobie. Bruckner publie un essai intitulé Un racisme imaginaire, qui concerne complètement le sujet, où il explique que « l’accusation d’islamophobie n’est rien d’autre qu’une arme de destruction massive du débat intellectuel ». Sans doute, mais comment instaurer les conditions indispensables à ce débat intellectuel ? Tout semble s’acharner à le rendre impossible. Pourtant, il serait le point de départ minimum pour obtenir les clarifications nécessaires, le préalable au retour fragile et difficile de la paix des peuples et du monde.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 31 janvier 2017
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L'après synode https://t.co/RWijVqsBST
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard) 26 Octobre 2015
#Synode2015Interview du Card @avingttroisOu l'on comprend q rien n'a changé sur accès sacrements #DivorcésRemariéshttps://t.co/n8abgl1weP
— fautpaspousser ن (@fautpaspousser) 25 Octobre 2015
Reste 1 ambiguïté @avingttrois jugement objectif (moral):hésitat° révélatrice "vie chrétienne,ds la foi chrétienne" https://t.co/1sfKxOyuWo
— fautpaspousser ن (@fautpaspousser) 25 Octobre 2015
Ainsi donc le second synode sur la famille a pris fin hier, dimanche. Déjà une avalanche de commentaires nous est tombée dessus, de la part de gens plus ou moins bien inspirés, avec des grilles d’analyses discutables. J’avoue, pour ma part, avoir besoin de temps pour digérer l’événement et sa portée, d’autant plus que les véritables conclusions seront données par le pape lui-même dans plusieurs mois. C’est d’ailleurs un des paradoxes de la situation actuelle : d’un côté on envisage plus de décentralisation dans les affaires ecclésiales, et par ailleurs on fait appel au successeur de Pierre pour qu’il trouve le point d’équilibre nécessaire entre les avis contrastés qui se sont exprimés. Cela n’étonnera pas ceux qui connaissent l’histoire de l’Église.
Mais il y a l’objet même du synode : le mariage, la famille. En dépit de l’avertissement de François, l’attention s’est portée presque exclusivement sur la question des divorcés-remariés. Je ne veux pas la minimiser, elle est incontestablement cause de troubles dans la vie pastorale. Mais je suis obligé de constater que les solutions envisagées relèvent toutes de ce qu’on appelle traditionnellement la casuistique. Un mot qui désigne exactement ce dont il s’agit, c’est-à-dire l’étude approfondie des cas particuliers, afin de relever dans les histoires personnelles ce qui peut être l’objet d’un jugement approprié. Mais qui dit casuistique exclut les généralités. Et on ne doit pas attendre de solution massive et globale à la question posée. C’est pourquoi, en dépit de beaucoup de gloses répandues ici et là, on doit craindre finalement beaucoup de déceptions, l’attente ayant été quelque peu démesurée.
Je n’entends décourager personne et j’entends aussi l’appel du pape à un grand mouvement de miséricorde qui englobe tous les membres de notre famille, notre Église n’étant pas seulement celle des saints. On verra comment pourra se déployer sur le terrain cette ouverture manifeste. Mais je m’interroge aussi sur d’autres dimensions qui me paraissent presque plus graves que celle du divorce dans nos pays d’Occident. Nos évêques se sont-ils vraiment interrogés sur le refus de l’engagement et donc sur le refus du mariage, qui n’a cessé de s’amplifier depuis les années soixante ? Avant même les ruptures douloureuses, il y a globalement une crise de l’institution, celle dont le non-chrétien Pierre Legendre clame depuis longtemps le caractère crucial. Refuser le mariage, c’est refuser d’instituer la vie. C’est singulièrement grave et cela mérite toute l’attention de l’Église.
#gerard leclerc#@leclercgerard#Famille#Eglise#foi#synode2015#avin#@avingttrois#cardinal andré vingt trois
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Psychologiquement, la situation se tend en France et en Europe, devant ce que certains appellent « la déferlante migratoire ». Le pape François demande à toutes les paroisses et communautés catholiques d’accueillir chacune une famille, alors que le même jour à Marseille, Marine Le Pen se montre absolument intraitable. Il semble qu’une grande partie de l’opinion publique française soit du même avis, malgré diverses initiatives qui vont dans le sens de l’appel du Pape. Il est probable que dans les jours qui viennent, les porte-parole des deux positions antagonistes vont continuer à s’opposer et il est prévisible qu’à l’occasion des élections régionales le ton va encore monter et que le problème de l’immigration dominera tous les autres dans les affrontements.
Il est quasiment impossible de parler d’un pareil sujet la tête froide. Certes, j’entends bien l’avertissement de cet excellent observateur qu’est le sociologue Jean-Pierre Le Goff, qui nous prie instamment de ne pas nous laisser prendre par une émotion qui bride la raison. Mais au-delà de l’image d’un petit garçon mort sur une plage qui a fait le tour de la Terre, il y a cette réalité incontestable de tout un peuple à la dérive. J’ai affirmé ici à maintes reprises qu’il fallait secourir cette détresse d’urgence. Cela suppose donc des mesures d’accueil en proportion de la masse de ces pauvres gens qui nous tendent la main. Mais il serait irresponsable de ne pas penser sur le champ à la suite des événements. Ces réfugiés vont-ils s’installer durablement chez nous ? Est-ce souhaitable pour eux-mêmes et pour leurs pays d’origine ? Mgr Pascal Gollnisch, responsable de l’Œuvre d’Orient, est d’avis qu’il faut songer d’ores et déjà à leur réinstallation dans les pays d’origine, notamment en Syrie et en Irak. Mais on sait comment ils ont été chassés, du fait de la guerre impitoyable menée par Daesh. Ce retour suppose un renversement de situation encore problématique. Les politiques comme les militaires hésitent devant la perspective d’intervenir directement au sol contre l’État islamique. Or c’est là que se trouve la source de l’énorme séisme humain auquel nous assistons. L’assistance humanitaire et caritative est d’une urgence absolue mais il est aussi urgent de savoir si nous aurons les moyens de rétablir l’équilibre de notre Mare Nostrum, notre chère Méditerranée.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 7 septembre 2015.
Une « déferlante migratoire » ? http://t.co/I8P2L1Jyl1
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard)
7 Septembre 2015
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Chrétiens d'Orient. Enfin, une prise de conscience ? http://t.co/8IOXmt8Tgg
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard) 9 Avril 2015
Quelque chose est-il en train de bouger dans l’opinion française, en ce moment ? À propos des chrétiens persécutés notamment. Certes, il y a eu l’affiche censurée par la direction de la RATP, qui a déclenché un tollé que l’on pourrait dire transfrontières. Car les protestations sont venues de partout, de la droite et de la gauche, et même du Premier ministre. L’odieux d’une censure qui interdisait l’affichage du mot « chrétien » dans les couloirs du métro a soudain provoqué une prise de conscience, qui s’élargit au-delà d’un scandale. Pascal Bruckner, retour d’un voyage à Erbil, au milieu de réfugiés chassés par Daesh, s’insurge dans Le Figaro : « La RATP se soumet à l’autocensure préventive et insulte les victimes (…) En France dès qu’il s’agit de chrétiens, s’installe une rumeur de mépris. » Et d’ajouter : « On nous intime de ne pas céder à l’islamophobie mais alors que de la Mauritanie au Pakistan, les chrétiens sont persécutés, condamnés, tués, le mot même de christianophobie n’a pas cours dans la langue. Formidable subterfuge. Les victimes sont désignées comme des bourreaux et inversement. »
Il y a avait eu déjà l’initiative de Jacques Julliard et de Jean d’Ormesson en faveur des chrétiens du Proche Orient en voie de disparition. Quand des foules vont-elles déferler dans nos rues pour crier : « Nous sommes tous des chrétiens irakiens ou pakistanais » ? Il y a peu de temps, nous étions tous Charlie, sans d’ailleurs toujours mesurer la signification de ce slogan. Était-ce en faveur de la liberté d’expression ou était-ce en faveur d’un certain état d’esprit ? La disparition brutale de l’équipe du journal satirique nous faisait pressentir l’ampleur de la menace. Et quand il s’agit de millions de chrétiens dans le monde, et pas seulement de chrétiens ? Ça vaudrait peut-être la peine qu’on se secoue ! Comme l’écrit à côté de Bruckner, Pierre Vermelen :« Croire que la purification ethno-religieuse du Moyen-Orient sera sans conséquence sur les civilisations alentour, et sur l’européenne en particulier, est naïf (…) Croire que notre civilisation cosmopolite et maternante cohabitera avec une rive Sud de la Méditerranée nettoyée de ses minorités est stupide. » Oui, il est grand temps de se réveiller.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 9 avril 2015.
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Des Pâques endeuillées http://t.co/yvniNbGja1
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard)
6 Avril 2015
La journée de Pâques a eu, cette année, une tonalité assez particulière. Certes, tous les ans, nous avons l’habitude d’entendre les papes énoncer, depuis la Place Saint-Pierre, les inquiétudes et les drames du monde. Et souvent les mêmes régions sont en cause, avec des conflits qui ne s’éteignent pas. Mais cette fois-ci, il y avait eu le drame de Garissa au Kenya, révélant la volonté explicite de tuer des chrétiens. La pape François s’est élevé contre l’indifférence à l’égard de ces crimes comme l’avait fait, lors de l’Office de la Passion, le père Cantalamessa : « Nous risquons tous – institutions et individus du monde occidental – de devenir des Ponce Pilate qui se lavent les mains. »
C’est un fait : ce sont aujourd’hui les chrétiens qui sont le plus directement menacés par le terrorisme djihadiste. Notre pays est sans doute en train d’en prendre conscience. Le fait que Laurent Fabius ait posé la question dans les termes les plus nets à l’ONU doit être salué. Faut-il interpréter dans le même sens le message tout à fait inédit du Premier ministre, insistant pour saluer les chrétiens de France à l’occasion de leur grande fête pascale ? C’est en tout cas mon sentiment. Il est possible aussi que Manuel Valls ait voulu réagir à l’impression désastreuse produite par la direction de la RATP, refusant obstinément de mentionner la cause des chrétiens du Moyen-Orient sur les affiches annonçant un concert des « Prêtres ».
Cette affaire est insupportable. Il n’y a pas que les chrétiens à avoir réagi, mais on est en droit de s’interroger sur l’étrange détournement du concept de laïcité et de celui de neutralité d’une entreprise publique, que suppose cette censure qui s’apparente à la police de la pensée selon Orwell. Il y aurait ainsi des mots interdits ! En premier lieu, celui de « chrétien ». On a souligné à juste titre l’inconvenance grave qui consistait à refuser de prendre partie en faveur de personnes en grand danger face à une entreprise terroriste. La justice, étrangement, va devoir trancher, là où le sens commun devrait suffire à établir le droit. Voilà une des raisons qui ont assombri cette Pâque. Mais nous savons que la victoire de la Vie suppose un combat qui ne cessera pas tant que nous serons encore en chemin, in via, vers l’accomplissement du Royaume.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 avril 2015.
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Les deux cités. Sur la concomitance de la fête des Rameaux et d’un jour d’élection http://t.co/CxptKhTKjK
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard) 30 Mars 2015
La concomitance de la fête des Rameaux et d’un jour d’élection nationale est peut-être une occasion pour réfléchir aux relations entre ce que saint Augustin appelait les deux cités. Jésus entrant solennellement à Jérusalem ne revendique-t-il pas la royauté ici-bas ? Dans sa grande étude sur Jésus de Nazareth, Joseph Ratzinger n’hésite pas à écrire que Jésus revendique de fait un droit royal. Certes, ce droit est nettement d’ordre messianique : « Jésus ne se fonde pas sur la violence ; il n’engage pas une insurrection militaire contre Rome. Son pouvoir est d’un caractère différent. C’est dans la pauvreté de Dieu, dans la paix de Dieu, qu’il reconnaît l’unique pouvoir qui sauve. »À travers l’histoire, il n’a pas toujours été aisé de reconnaître cette spécificité. Cela est si vrai qu’aujourd’hui encore certains affirment que le christianisme a renoncé aux moyens de la puissance parce qu’il y a été contraint.
Je ne puis rentrer dans les complications historiques qui demanderaient de longs discernements. Le discernement essentiel, c’est l’entrée de Jésus à Jérusalem qui nous l’impose, avec la singularité d’un événement à la fois glorieux et tragique. On croit souvent que c’est la foule unanime de Jérusalem qui acclame d’abord Jésus, puis se renie au point de réclamer sa mort à Pilate. Mais selon Joseph Ratzinger, ce n’est pas exact. L’entrée messianique dans la ville est accompagnée par l’ensemble des amis de Jésus. Mais l’accueil de Jérusalem elle-même est d’une autre nature : « Quand il entra dans Jérusalem, dit Matthieu, toute la ville fut agitée. » (21,10-11) C’est le trouble qu’apporte ce Messie dont on ne sait pas clairement si son royaume est vraiment de ce monde.
Quelle leçon en tirer pour aujourd’hui ? Oui, le royaume messianique et eschatologique est toujours en marche. Mais il se distingue de la cité d’ici-bas. N’empêche que cette distinction n’implique pas séparation. Le Christ continue à nous troubler, parce que la charte des béatitudes implique un autre regard sur la cité, parce qu’une puissance de transformation intérieure est à l’œuvre pour changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair. Ce n’est pas rien que l’entrée du Christ dans la ville. Nous le savons avec la Semaine sainte. C’est toute la dramatique humaine qui se trouve désormais aux prises avec la dramatique divine.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 30 mars 2015.
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Bellamy et Onfray en débat http://t.co/QQ6hTu8J3S
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard)
26 Mars 2015
Bellamy et Onfray en débat
par Gérard Leclerc
A priori, François-Xavier Bellamy et Michel Onfray sont sur des positions philosophiques diamétralement opposées. Le premier est un chrétien affirmé, le second continue de proclamer son athéisme. Je n’ai pu faire encore que quelques incursions dans son nouveau livre, monumental, Cosmos (Flammarion), mais j’y ai retrouvé les thèses de son Traité d’athéologie qui date de 2009. Il développe notamment sa thèse sur un christianisme qui ne serait qu’un assemblage de tous les plus vieux mythes de l’humanité. Thèse qui postule l’inexistence historique du Christ. J’ai déjà souligné le paradoxe qu’il y avait, de sa part, à se réclamer de son maître Lucien Jerphagnon, qui montrait au contraire l’originalité étonnante de Jésus. Ce qui m’étonne surtout, c’est ce combat de titan que Michel Onfray a engagé contre le christianisme et qui témoigne d’une étrange obsession.
Mais j’en reviens à son face à face avec François-Xavier Bellamy, organisé par Vincent Tremolet de Villers et Alexandre Devecchio dans Le Figaro d’hier. Malgré leurs différences, les deux philosophes sont étonnamment proches à propos de la régression culturelle qui est la nôtre et se traduit par la crise de notre système scolaire. « Je partage avec vous, dit François-Xavier Bellamy, l’impression de voir une civilisation s’effondrer, et le sentiment que personne n’en a encore pris la mesure. » L’un et l’autre mettent aussi en cause ce qu’Orwell aurait appelé « la police de la pensée », sous l’effet d’une idéologie dominante. Onfray, qui se réclame toujours de la gauche, s’insurge contre une gauche officielle adhérente au libéralisme le plus cynique, celui qui, par exemple, marchandise les corps.
Pourtant la différence entre les deux hommes se redessine au terme de leur conversation. À la question « Que dire à un jeune de vingt ans ? », Michel Onfray répond lapidairement : « Le bateau coule, restez élégant. Mourez debout. » François-Xavier Bellamy lui rétorque que « L’histoire n’est jamais écrite d’avance : le propre de la liberté humaine, c’est de rendre possible ce qui, en apparence, ne l’était pas… »Cette différence, n’est-ce pas le christianisme qui l’explique, avec la Pâque qui a fendu définitivement le temps cyclique ? Celui des mythes, par la dynamique de l’espérance ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 26 mars 2015.
------------------------------------------ ------------------------------------------ Entretien avec Michel Onfray et François-Xavier Bellamy, paru dans le Figaro du 25 mars 2015. Propos recueillis par Vincent Tremolet de Villers et Alexandre Devecchio. . LE FIGARO – Michel Onfray, dans Cosmos, le premier volume de votre triptyque philosophique, vous rappelez la beauté du monde. Nous ne la voyons plus ? Michel ONFRAY – Nous avons perdu l’émerveillement. De Virgile jusqu’à la naissance du moteur, il nous habitait. Mais depuis, nous avons changé de civilisation : de leur naissance à leur mort, certains individus n’auront vécu que dans le béton, le bitume, le gaz carbonique. Des saisons, ils ne connaîtront que les feuilles qui tombent des quelques arbres qui restent dans leur rue. Il s’agit d’une véritable rupture anthropologique et ontologique : la fin des campagnes, la mort de la province et de la paysannerie au profit d’une hyper cérébralisation. Le vrai problème n’est pas l’oubli de l’être, comme disait Heidegger, mais l’oubli des étants qui constituent le Cosmos. François-Xavier BELLAMY – Il faut aller plus loin encore : l’homme n’est plus en contact avec la nature qui l’environne, ni surtout avec la nature dont il se reçoit… Nous avons perdu le sens des saisons, mais aussi celui du rythme naturel de notre propre vie. Le citoyen est devenu citadin, et il a oublié que l’homme ne se construit pas ex nihilo, qu’il n’est pas un produit parmi d’autres, artificiel et transformable, dans la société de consommation. Cette négation du vivant va jusqu’au déni de sa propre mort. Prenez la loi sur la fin de vie : le fait de transformer la mort en sédation, en un simple sommeil, par le prodige de la technique, est une façon pour l’homme d’écarter tout ce qui fait sa condition naturelle. Faut-il être conservateur ? M. O. – Ni conservateur ni réactionnaire. Contrairement à Alain Finkielkraut ou Éric Zemmour, je ne crois pas que nous puissions restaurer l’école d’hier ni même que ce soit souhaitable. Si je partage leur pessimisme concernant la destruction de la civilisation occidentale par le néolibéralisme qui dicte sa loi, je me distingue d’eux sur les solutions. On ne peut revenir en arrière, sauf à entrer dans une logique de dictature où l’on demanderait à un nouveau César de se couper totalement de l’Europe et du monde en restaurant les frontières. Cela ne me paraît ni possible ni souhaitable. La vérité cruelle est que notre civilisation s’effondre. Elle a duré 1 500 ans. C’est déjà beaucoup. Face à cela, je me trouve dans une perspective spinoziste : ni rire ni pleurer, mais comprendre. On ne peut pas arrêter la chute d’une falaise. F.-X. B. – Je partage avec vous l’impression de voir une civilisation s’effondrer, et le sentiment que personne n’en a encore vraiment pris la mesure; mais la sagesse ne peut pas être qu’un consentement résigné à ce qui advient! Nous pouvons encore décider, dans nos vies personnelles comme dans nos choix collectifs, de recevoir et de transmettre ce qui dans notre culture demeure fécond, et plus actuel que les faux progrès qu’on nous vend. Malheureusement, de ce point de vue, le débat politique et intellectuel oppose plutôt des liquidateurs de faillite que des décideurs capables de tracer des perspectives. Plus que la liberté de pensée, la première menace n’est-elle pas l’impossibilité de penser dans la frénésie du monde contemporain ? M. O. – Un tweet, s’il est bien fait, peut être l’héritier des aphorismes des moralistes du XVIIème siècle. Mais la durée du papillon n’est pas celle de la civilisation. La culture de l’instantané nous empêche de nous projeter dans l’avenir et de nous situer par rapport au trajet qui nous conduit de Constantin à nos jours. F.-X. B. – Toute l’histoire de la philosophie porte la trace des résistances que chaque époque a opposées à l’effort de la pensée. Chercher une pensée juste, c’est toujours rencontrer bien des obstacles, y compris en soi-même. Mais au-delà des sectarismes et de la médiocrité, qui ont toujours guetté les consciences, notre époque, fascinée par la vitesse, risque singulièrement de priver la réflexion du temps même qui est nécessaire à sa maturation. L’immédiateté du numérique est sans doute la forme la plus concrète de ce risque. L’aphorisme, écrivait Nietzsche, est fait pour être ruminé, longuement médité. Qui médite sur Twitter ? Le débat intellectuel est de plus en plus étouffant… M. O. – Cette surveillance, je l’ai expérimentée avec mon livre sur Freud, Le Crépuscule d’une idole. Une avalanche d’insultes m’est tombée dessus. J’ai vu des gens qui, au nom de la liberté d’expression, voulaient interdire la diffusion de mon cours sur France Culture ! On a dit ou écrit que je réactivais le discours de l’extrême droite, que j’étais un pédophile refoulé ou bien encore un antisémite. J’ai alors découvert les dégâts de l’idéologie dominante issue de ce que Jean-Pierre Le Goff nomme justement le «gauchisme culturel» qui est parole d’évangile médiatique. Aujourd’hui, la gauche me méprise tandis que la droite me courtise, ce qui ne m’est pas forcément agréable (rire). Mais, au fond, ça m’est devenu égal car je ne me préoccupe plus de ces catégorisations-là. Je refuse la logique des chiens de Pavlov ! Quand Pierre Bergé dit qu’on doit pouvoir louer les corps des femmes pauvres à des bourgeois riches qui veulent s’offrir des enfants, je dis que ce ne sont pas des propos de gauche, qu’il n’est pas un homme de gauche. Que la gauche au pouvoir souscrive au pire du libéralisme qui marchandise et loue les corps des pauvres est une obscénité : on ne me fera pas croire que je cesse d’être de gauche en ne souscrivant pas au renoncement de la gauche libérale à être de gauche. F.-X. B. – On mesure le degré de la pression qui s’exerce sur les esprits, la puissance de cette oppression silencieuse, à l’évolution assez rapide des normes qu’elle impose et à l’adaptation conséquente de l’opinion commune. Il y a quelques années, on pouvait encore être contre la gestation pour autrui ; osera-t-on encore l’avouer demain ? Il y a quinze ans, s’opposer au Pacs était réactionnaire ; mais on pouvait être contre le mariage homosexuel, comme d’ailleurs l’immense majorité des élus de gauche à l’époque, sans se voir reprocher d’être homophobe… Aujourd’hui, c’est impossible. Tous ceux qui demeurent cohérents seront accusés un jour où l’autre de «déraper» ; mais les seuls qui dérapent progressivement, au sens littéral du terme, sont ceux qui se laissent aller, par manque de courage et de constance, à ces renoncements successifs. Vous enseignez tous deux dans des structures parallèles à l’école. Pourquoi ? M. O. – En 2002, Jean-Marie Le Pen arrive au second tour de l’élection présidentielle. Il est évident qu’il ne sera pas élu. La question est simplement de savoir si Jacques Chirac l’emportera avec 60 % ou 80 % des voix. Personnellement, je ne me sens pas concerné par ce genre de débat qui relevait de la déraison pure. Il n’était pas question pour moi d’aller crier «le fascisme ne passera pas» en compagnie du patronat et de l’Évêché. Je souhaitais donc, dans la mesure de mes moyens, créer une structure qui travaille à « rendre la raison populaire » pour utiliser les mots de Diderot. Ce fut l’Université populaire de Caen. Certes, c’est une goutte d’eau dans l’océan, mais à ceux qui me rappellent que ça n’a pas changé grand-chose, je demande : qu’avez-vous fait, vous, pour changer les choses là où vous étiez ? F.-X. B. – Il faut multiplier les lieux pour transmettre cet héritage philosophique qui, même lorsqu’il vient de loin, est d’une profonde actualité. Parce que, nous le constatons tous deux, la soif de réflexion est immense… « Les Soirées de la Philo » sont nées de cela. La philosophie est marquée par une forme de gratuité, mais elle répond à un besoin plus profond que jamais, celui de mettre des mots justes sur les questions que nous rencontrons, de susciter un peu de clarté au milieu de la confusion des débats contemporains. Regrettez-vous l’abandon du latin ? M. O. – Mon père était ouvrier agricole. Il a quitté l’école à 13 ans, pourtant il savait lire, écrire, compter et penser. Il était capable de faire une lettre sans faute et, quand bien même il n’aurait pas su orthographier quelque chose, il avait le culte du dictionnaire. Depuis, l’idéologie issue du structuralisme a dévasté l’enseignement. Elle considère que la langue est déjà là, avant même notre naissance, hors de l’histoire ! Dans ces conditions, plus besoin de l’apprendre… La théorie du genre procède également du structuralisme négateur d’histoire et de réalité : pas de corps, pas de sexe, pas de biologie, pas d’hormones, pas de testostérone, mais de la langue et de l’archive. Nous ne serions que des constructions culturelles. C’est de cette idéologie datée mais active comme un déchet nucléaire dont il faudrait se débarrasser; ensuite, on pourrait poser la question du grec et du latin. Mais l’affaire est déjà pliée… F.-X. B. – Sur la question du latin, la gauche au pouvoir consacre une nouvelle fois le triomphe du marché : le latin n’est pas utile pour l’emploi et la croissance, supprimons-le. C’est la poursuite d’une logique qui consiste à penser que l’école a d’abord pour fonction de préparer le futur adulte à la vie économique. Cette logique achève en même temps de condamner un enseignement qui aurait pour but de transmettre les fondements de notre culture. Notre système scolaire est voué à la déconstruction plutôt qu’à l’apprentissage. Mais ceux qui organisent cette école de la négation -qui dénonce la langue comme sexiste, accuse la lecture d’élitisme, morcelle l’histoire, bannit la mémoire, condamne les notes et adule le numérique- ont oublié ce qu’ils en avaient eux-mêmes appris. Le propre de cette génération, c’est une immense ingratitude, qui se complaît à déconstruire la culture dont elle a pourtant reçu toute sa liberté… Le retour du religieux est-il une bonne nouvelle pour l’intelligence ? M. O. – On pensait que la sortie de l’ère religieuse verrait la naissance de l’« ère philosophique et positive » pour reprendre le vocabulaire d’Auguste Comte. Il n’en est rien. Les gens préfèrent toujours des mensonges qui les rassurent à des certitudes qui les inquiètent. Néanmoins, je crois qu’on assiste moins au retour du religieux qu’à l’avènement de l’islam. Je ne suis pas sûr que le judaïsme ou le christianisme se portent très bien. Certes, des chrétiens descendent dans la rue pour protester contre le mariage homosexuel, mais cela signifie-t-il pour autant la grande santé chrétienne, du moins en Europe ? Je ne crois pas… Une civilisation se construit toujours avec une religion qui utilise la force. Si l’Église est tolérante aujourd’hui, c’est parce qu’elle n’a plus les moyens d’être intolérante. L’islam a aujourd’hui les moyens d’être intolérant et ne s’en prive pas. Reste que c’est la spiritualité chrétienne qui a rendu possible l’Occident. Aujourd’hui, une religion laisse la place à une autre religion. Quand le pape François, dont le métier consiste à apprendre à la planète entière qu’il faut tendre l’autre joue, affirme qu’il frapperait celui qui parlerait mal de sa mère, on se dit que le christianisme est mort ! L’islam qui lui succède fait l’économie de dix siècles de philosophie : quid du cogito, de la raison, de la laïcité, de la démocratie, du progrès ? La raison disparaît quand la foi fait la loi. Et la disparition de la raison n’est jamais une bonne nouvelle… F.-X. B. – Un positivisme mal digéré nous a fait exclure la question de Dieu de la sphère de la raison. C’est une catastrophe. S’en est suivie une conception très sectaire et dogmatique de la laïcité, qui voudrait que parler de Dieu soit contraire à l’ordre républicain. On vivrait bien mieux la réalité du fait religieux, qui fait partie depuis toujours de l’expérience humaine, si on pouvait en parler ensemble dans l’espace public, du point de vue de la raison commune. Après tout, dans le monde occidental, aux États-Unis par exemple, il y a dans certaines branches de la philosophie une théologie rationnelle qui se porte plutôt bien, et qui discute sérieusement de la question de l’éternité du monde ou de la représentation de Dieu… De notre côté, nous avons voulu refouler de force la religion dans l’ordre de la psychologie, de l’intime. Du coup, nous prenons en pleine figure l’émergence d’un islam qui se déploie par le pathos, par l’affect, et avec lequel nous nous sommes rendus incapables de discuter. C’est peut-être l’une des raisons de la violence qui resurgit, et qui naît de l’impossibilité du dialogue. Que dire à un jeune de 20 ans ? M. O. – Le bateau coule, restez élégant. Mourez debout… F.-X. B. – Nous sommes vivants. Quelles que soient les circonstances, l’histoire n’est jamais écrite d’avance : le propre de la liberté humaine, c’est de rendre possible ce qui, en apparence, ne l’était pas… Retrouvez la suite de l'entretien croisé ici ou dans Le Figaro du 25 mars. http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/03/24/31003-20150324ARTFIG00413-francois-xavier-bellamy-michel-onfray-vivons-nous-la-fin-de-notre-civilisation.php http://www.fxbellamy.fr/blog/2015/03/28/vivons-nous-la-fin-de-notre-civilisation/ -----------------------------------
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La France, comme la Corée du Nord ? http://t.co/tLObxsaMUz
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard) 25 Mars 2015
La France, comme la Corée du Nord ?
par Gérard Leclerc
Sortons quelques instants de notre actualité brûlante. Comment échapper au plaisir malicieux d’une citation provocante du cinéaste, écrivain, linguiste, et j’en passe, Eugène Green. Le Monde lui consacre deux pages dans sa dernière édition à propos de son film La Sapienza, qui fait d’ores et déjà les délices des cinéphiles et des amateurs de son style tout à fait particulier. Interrogé sur son goût affirmé pour le religieux, il expose sans précaution son sentiment sur une atonie spirituelle qui le révolte :« L’Europe a renoncé à sa civilisation : tout est à vendre. L’homme ne peut vivre ainsi. La France est le seul pays, avec la Corée du Nord, où l’athéisme est une religion d’État. » Je confesse avoir bien ri de cette formule, en pressentant qu’elle susciterait quelques fureurs ici ou là. Mais la provocation n’est pas gratuite, elle est destinée à nous faire réfléchir.
Il n’est pas de jour où l’on ne nous vante la laïcité comme le remède absolu à tous nos maux. La plupart des politiques semblent s’accorder là-dessus, de Jean-Luc Mélenchon à Marine le Pen en passant par Manuel Valls et les autres. J’ai suffisamment exprimé mes opinions sur le sujet pour ne pas accorder quelques mérites à ce qu’il y a de vertu dans une laïcité qui distingue les domaines et facilite la concorde publique. Mais je suis bien obligé de donner raison en même temps à Eugène Green. La laïcité n’est pas le sésame infaillible que l’on vante sans cesse. C’est un moyen utile. Si ce moyen en vient à immobiliser un pays dans un climat d’agnosticisme et d’indifférence aux questions supérieures, il devient un poison.
Une société qui ne respire pas par le haut est promise à l’atonie et à l’anémie. C’est pourquoi il convient d’inventer ce que le regretté Jean-François Mattéi, dans un livre testament (L’homme dévasté, Grasset) appelle une architectonique, c’est-à-dire une construction sociale, qui prend en compte tous les étages et tous les ordres, y compris celui de la charité. Ce n’est pas pour autant que l’on décrètera une religion d’État. Il s’agira simplement d’envisager que la construction comportera de larges ouvertures pour les requêtes de ce que Saint Paul appelle l’homme spirituel. Sans lui, il y a quelque chose qui ne marche pas du tout. Merci à Eugène Green d’avoir le courage de le dire.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 25 mars 2015.
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Sur Michel Onfray http://t.co/L9isBJDUkS
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard) 11 Mars 2015
Michel Onfray fait beaucoup parler de lui en ce moment, et je trouve qu’il assume son rôle critique avec un vrai courage et une réelle indépendance. Ce n’est pas pour autant que je me rallierai à son panache philosophique. S’il m’arrive d’apprécier telle ou telle de ses positions et si je partage son admiration pour Albert Camus, je reste imperméable à son athéisme et à son mode de pensée épicurien. Dans le numéro d’hier de Libération, il réitère sa posture anti-religieuse qu’il tient à distinguer de toute phobie à l’égard des juifs, des chrétiens et des musulmans. Je n’oublie pas qu’il a signé le manifeste de Jacques Julliard pour la défense des chrétiens du Moyen Orient. Pourtant, j’aurais quelques remarques à faire à propos de sa critique de la religion du seul point de vue de la raison. Tout d’abord, je suis perplexe face à la proposition qu’il fait à la gauche non libérale, celle de Mélenchon, dont il est proche, de s’inscrire fermement dans la même perspective intellectuelle que la sienne. Certes, cela peut se concevoir, cela s’est vu dans le passé et il existe une évidente complicité de certains politiques avec des conceptions anti-chrétiennes. De là à inscrire une dimension directement anti-religieuse dans le combat des partis, il y a risque de mélange des genres et je redoute des glissements dangereux.
Mais Michel Onfray pose un autre problème lorsqu’il aborde le cadre de sa critique. Au nom de quelle raison entend-t-il analyser les textes religieux ? Je ne suis pas sûr qu’il ne s’empierge pas dans ses références. En effet, lorsqu’il prend à témoin l’exégèse d’un Richard Simon au XVIIe siècle, il oublie que ce dernier était d’une parfaite orthodoxie catholique et qu’il ne partageait nullement son point de vue rationaliste. Il faudrait pourvoir discuter franchement là-dessus. Je me permettrai simplement de lui rappeler ce qu’écrivait sur le sujet quelqu’un qu’il vénère et qui fut son maître, Lucien Jerphagnon [1] : « Tout au long du dix-neuvième et au début du vingtième, l’idéologie rationaliste va dégénérer en sectarisme, avec ce que Merleau-Ponty a appelé “le petit rationalisme”, en opposition au grand, celui de Descartes et des cartésiens. » Tout dépend, en effet, de ce qu’on appelle raison et de ce qu’Urs von Balthasar appelait« les dimensions de la raison ».
http://www.france-catholique.fr/Sur-Michel-Onfray.html
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La tentation pélagienne
« On n’éprouve plus le besoin d’être sauvés. La promesse du Salut devient inopérante, inutile, inaudible, quand elle est encore ouvertement formulée, ce qui n’est pas si fréquent. Pour la première fois, depuis des siècles, l’homme occidental ne se reconnait plus comme blessé et une Église affaiblie n’ose plus prétendre le guérir. » Cette déclaration est tirée d’un article de Jean-Pierre Denis, directeur de l’hebdomadaire La Vie qui s’exprime dans le mensuel La Nef. Son intervention se situe dans le cadre d’une enquête fort intéressante sur les catholiques en France. J’ai été très sensible à l’accent de Jean-Pierre Denis, qui veut exprimer non pas un désarroi personnel, mais le malaise qu’il éprouve et se traduit par cette simple formule : « En France, le christianisme va mal. Très mal. »
Comment lui donner tort face à l’évidence aveuglante de la sociologie religieuse et des statistiques ? Certes, j’aurais envie de lui rétorquer qu’il y a des choses qui vont plutôt bien et qu’il y a ici ou là des surgeons de la foi, ce que se charge de rappeler d’ailleurs le dossier de La Nef. Mais je ne veux pas esquiver cet avertissement véhément, parce qu’il sonne juste sur l’essentiel. Et il met en évidence une dimension sur laquelle nous aurions intérêt à nous concentrer quelque peu. Cette dimension, je l’appellerais de façon un peu cuistre, pélagienne. Je n’ai pas le temps de faire tout un développement là-dessus, mais saint Augustin n’avait pris Pélage pour cible que parce que celui-ci professait l’hérésie majeure qui est encore d’actualité aujourd’hui. Comment s’intéresser au Salut apporté par Jésus Christ mort et ressuscité pour nous, alors que nous sommes à peu près persuadés, même chrétiens, que c’est nous-mêmes qui nous nous sauvons.
Et comment le monde adhèrerait-il à l’espérance du Salut, lorsque nous-mêmes sommes de si piètres chrétiens ? Je suis persuadé, pour ma part, que la grande dépression du catholicisme français dans les années soixante-dix est de nature pélagienne. Comment adhérer au Christ sauveur, alors que c’est l’auto-suffisance qui règne avec toutes les idolâtries qui lui correspondent ? Le sens du Carême que nous vivons, c’est précisément de nous arracher à cette auto-suffisance et à toutes ces idolâtries.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 2 mars 2015.
La tentation pélagienne. Rebond sur un article de @jeanpierredenis http://t.co/41tl65LybM
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard) 2 Mars 2015
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Jean-Jacques Annaud, bien connu en tant que réalisateur talentueux au cinéma, sort un nouveau film « Le dernier loup », qui raconte l’amitié née entre un jeune étudiant chinois et un loup. J’ai été frappé par la formule qu’il emploie dans un entretien auFigaro : « J’ai découvert l’animal qui était en moi. Ce n’est pas l’homme que je vois chez l’animal, c’est la bête que je vois en chacun de nous qui me fascine. » En soi, cette formule ne me choque pas, car il est incontestable qu’il y a de l’animalité en nous. Une animalité particulière qui imposait au philosophe grec de définir l’homme comme un « animal rationnel », ce qu’il est sans aucun doute, et beaucoup plus encore. Notre proximité avec l’animal peut se traduire par un trouble quasi ontologique. Elle se traduit aujourd’hui par une revendication en faveur de nos frères inférieurs, qui pourrait produire une véritable révolution morale. J’ai sur mon bureau le livre de Mathieu Ricard, ce moine bouddhiste fils d’un philosophe français rationaliste. Il est intitulé Plaidoyer pour les animaux et prône ce qu’il appelle « une bienveillance pour tous », qui devrait, en fait, déboucher sur la fin de toute consommation de viande animale. Mathieu Ricard ne procède pas en philosophe, il s’adresse à ses lecteurs en moraliste qui veut susciter l’horreur face aux souffrances que l’humanité fait endurer aux animaux.
Je ne puis résoudre une telle question en quelques phrases. Je dirais simplement que je respecte le combat de Mathieu Ricard, qui était aussi celui de mon ami Jean Bastaire. Je souhaite qu’on revienne sur le problème philosophique de notre proximité et de notre différence, en souhaitant tout de même qu’on prenne garde de ne pas effacer ce qui fait le propre de l’humanité. Car j’observe par ailleurs, dans certains courants extrêmes, un déni de différence ontologique qui tourne au procès d’un espace éthique, spirituel propre à à l’homme. Nikos Kazantzakis, le romancier grec, fait dire à un de ses personnages : « Je n’étais donc pas fils de Dieu, mais fils de singe ? » Non, je suis bien fils de Dieu, et c’est ce qui me donne, notamment, une obligation particulière à l’égard de la création.
http://www.france-catholique.fr/La-question-animale.html
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 26 février 2015.
La question animale http://t.co/G9nFyncq78
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard) 26 Février 2015
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On apprenait, hier, que l’autel – l’autel, c’est le terme employé – à la mémoire des 17 victimes des attentats de Paris avait été saccagé pour la quatrième fois, Place de la République, les couronnes de fleurs arrachées et les dessins déchirés. Émoi, colère, incompréhension. C’est qu’il y désormais un véritable culte Charlie Hebdo, les autres victimes des attentats étant assimilées à celles du journal dans un même souvenir. Est-ce à dire pour autant qu’il existe une identité parfaitement claire, reconnue deCharlie, en dehors de la cause de la liberté d’expression ? La question se pose, et d’abord aux intéressés, les survivants, les héritiers, qui vont devoir continuer le journal, ce qui n’est pas une tâche évidente. Dans un excellent papier, publié dans le supplément magazine du Monde, notre collègue Raphaëlle Bacqué nous fait participer aux affres d’une rédaction, qui n’est pas délivrée de son cauchemar et s’interroge sur son avenir.
Il faut sortir, en effet, du mythe Charlie et envisager les réalités. « Les dernières années, les rangs des amis de Charlie s’étaient clairsemés. Les jeunes ne les lisaient pas. D’autres ne les trouvaient pas drôles. » Déjà, il fallait réfléchir à l’évolution du contenu, à des collaborations nouvelles. Exigences qui se sont encore renforcées. Mais il ne semble pas qu’il y ait abondance de candidatures. Par ailleurs, il faut bien convenir que le style a complètement changé. De l’insouciance goguenarde d’autrefois on est passé au souci lancinant de la menace permanente, celle qui justifie un engagement tendu, qui risque de se concentrer sur un adversaire.
Quel adversaire ? Le djihadiste totalitaire, assassin de la liberté ? Sans aucun doute. Mais comment échapper aux amalgames et à la stigmatisation de l’ensemble des musulmans ? Là-dessus, la controverse à gauche fait rage, et des reproches cinglants jaillissent, tels ceux d’Emmanuel Todd qui déclare : « Blasphémer l’islam, c’est humilier les faibles de la société que sont les immigrants. » Quoi qu’on en pense, le défi apparaît radical et la mutation accomplie décisive. Le vingt-et-unième siècle affirme sa différence avec le vingtième, où fut conçu le projet d’un journal bête et méchant, surtout lorsque la méchanceté vous surplombe, rendant dérisoires les armes d’autrefois.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 23 février 2015.
http://www.france-catholique.fr/L-avenir-de-Charlie-Hebdo.html
L'avenir de Charlie Hebdo http://t.co/wdfYARRQFf
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard) 23 Février 2015
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Le thème de la liberté d’expression domine les esprits en ce moment pour des raisons évidentes. Mais il ne constitue nullement une nouveauté. Je garde le souvenir d’épisodes plus anciens qui donnèrent lieu à des oppositions frontales. Ainsi en 1988, Martin Scorsese blesse gravement la sensibilité chrétienne avec son film intitulé La dernière tentation du Christ. Les protestations émanent alors des rangs catholiques, avec notamment l’intervention des cardinaux Lustiger et Decourtray qui donne lieu elle-même à des répliques. Pour certains, l’intrusion de l’autorité religieuse dans le domaine de l’art est insupportable. Scorsese trouve d’ailleurs des défenseurs même dans la personne d’un évêque catholique, avec des arguments qui frisent souvent le sophisme. Le cardinal Lustiger explique que Jésus n’est pas une figure de la mythologie, qu’il s’agit d’un personnage historique, qui a droit au respect de son intégrité morale et de la véracité de son existence.
C’est une question sérieuse. Dans une société si prompte à défendre les droits des individus et dont la justice est appelée sans cesse à arbitrer sur des atteintes à la dignité personnelle, on devrait quand même être sensible à cette dimension. A-t-on le droit de trafiquer, au nom de l’imaginaire, sur une personnalité historique, au surplus vénérée par toute une population ? Au nom de la création artistique, tout est-il permis, y compris les plus absurdes travestissements de la réalité ? Il semble que quelques-uns s’attribuent tout privilège dans ce domaine, même la protestation est interdite. Celle de l’archevêque de Paris de l’époque est associée, malhonnêtement, à l’acte criminel d’un petit groupe qui a incendié un cinéma du boulevard Saint-Michel.
Je sais bien qu’il est difficile de trouver un juste équilibre. Je suis moi-même opposé à l’idée d’un État répressif et d’une justice vindicative. Mais ce n’est pas une raison pour légitimer une sorte de pouvoir absolu qui serait conféré à quelques-uns pour dominer l’espace public et interdire la légitime indignation des offensés et des humiliés, piétinés par les sarcasmes de ceux que Philippe Muray appelait parfois les matons de Panurge.
http://www.france-catholique.fr/Sur-la-liberte-d-expression.html
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 24 février 2015.
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Copenhague après Paris http://t.co/hzpltTIRML
— Gérard Leclerc (@LeclercGerard)
16 Février 2015
Après Paris, Copenhague. Les mêmes procédés, la même rage déterminée. Malheureusement, on ne peut s’en étonner. Il ne suffit pas d’une grande marche conjuratoire pour mettre fin à un pareil phénomène, dont l’ampleur est mondiale et dont les racines plongent profondément dans une sorte de névrose intellectuelle et spirituelle. Il en a existé d’autres exemples dans l’histoire. Nous nous sentons tragiquement impuissants face à un mal qui se développe aussi dans nos murs, tout près de chez nous. Je ne puis m’empêcher de penser à la fameuse formule de notre pape François, sans cesse à nous recommander de nous rendre aux périphéries. L’expression est métaphorique à souhait. C’est d’ailleurs son avantage. Elle nous oblige à chercher autour de nous ceux qui vivent loin de nous, matériellement ou spirituellement.
Nos djihadistes armés de kalachnikovs sont surement sur nos périphéries. C’est cela qui rend les choses singulièrement irritantes. Nous concevons qu’un tel phénomène se déploie dans des contrées lointaines où les champs d’exercice s’ouvrent à des affrontements sanglants, comme en Afghanistan, en Syrie, en Irak, en Libye, au Nigeria. Mais chez nous ? Nous qui vivons dans une société structurée par le droit, les institutions les mieux régulées, l’école éducatrice des esprits. Et bien non, cela ne suffit pas. On en est même à se demander si notre système scolaire n’est pas à revoir de fond en comble. Est-ce suffisant, est-ce même la question ?
La question, cela va peut-être étonner, mais je la vois admirablement posée par un de ceux qui furent assassinés avec ses amis de Charlie Hebdo, l’économiste Bernard Maris. Drôle d’économiste qui se moquait des économistes et qui a écrit un petit livre admirable sur Michel Houellebecq [1], où il détecte de la façon la plus sure la maladie profonde de notre civilisation qui engendre ces révoltés. Ces révoltés qui tuent à Paris et à Copenhague. Je lui laisse le dernier mot : « Le désir fou d’argent, qui n’est qu’un désir d’allonger ce temps, est enfantin et nuisible. Il nous fait oublier le vrai désir, le seul désir adorable, le désir d’amour. »
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 16 février 2015.
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