redarmand

[redarmand]

Après une journée tranquille, sans grands rebondissements Axel se prépare pour aller voir son ami. Il est content de pouvoir un peu lâcher prise, entre ses obligations de streamer & le côté administratif de son auto-entreprise, il avait sa dose ... Une douche rapide, quelques soins, notamment une belle taille de sa barbe rousse dont il est si fier, et le voilà prêt. Cherchant ses clés & ses lunettes (qu'il égare toujours) il se demande si Armand ira bien ; il a bien senti lors de leur ballade d'hier au parc que le jeune homme s'était une nouvelle fois crispé. Mais pour Axel, le malheur est bon & il est bien décidé à secouer son ami comme un cocotier si il le faut, pour qu'il se reprenne.

C'est justement en tant qu'ami qu'il s'octroi ce rôle, c'est normal, c'est même limite son devoir lui qui est si loyal. Il ne voit rien d'autre de nécessaire. Tout en descendant l'escalier il s'exhorte intérieurement : " Ne le lâche pas, ne l'abandonne pas " . Il a néanmoins un peu peur, il sait son ami fragile & si sensible , il ne voudrait pas le briser, qu'il chute au sol comme la paille d'hiver assommé par un hiver tenace pour ne jamais s'en relever ; alors il s'interroge : peut-être devrait il demander conseil ? Oui, mais à qui ? Fifou leur ami commun ? Un proche ? Il ne sait pas, il hésite ..... Mais ce que Axel ne savait pas à ce moment là c'est que la réponse a cette question viendrait inexorablement & bientôt les entrainerait tous dans le tourbillon du destin.

Armand écoute distraitement l'eau former de grosses bulles dans sa bouilloire. Il pense à ses fantasmes de la veille. Le désir et l'amour sont deux choses différentes, pourtant lorsqu'il essaie de définir ce qu'il éprouve pour Axel les deux sont mêlés indistinctement. Armand chute inexorablement de pensées en pensées, confuses, anarchiques. Ce n'est pas l'anxiété qui prend le dessus cette fois, mais un lourd sentiment de tendresse, la douce acceptation que c'est plus fort que lui et que ce n'est peut-être pas si mal, une idéalisation béante aussi. Il ne faut rien dire, rien faire, les choses sont bien ainsi. Axel ne sait pas et c'est tant mieux, ce sentiment doit rester platonique le plus longtemps possible. Rêver ne fait de mal à personne. Mais ne serait-il pas plus souhaitable de tout avouer? De ne pas laisser de malentendu si les choses devaient durer et devenir impossible à cacher? Armand est totalement déboussolé. Il réalise qu'en vérité, il a envie de se reposer au contact d'Axel, d'ouvrir une brèche dans ses souffrances quotidiennes, de fermer les yeux et de se sentir en paix et en confiance, aimé pour ce qu'il est. Peu importe que cela ne prenne pas la forme d'une romance conventionnelle au fond, peu importe que ce ne soit qu'une douce ambiguïté pour commencer. Il sent bien qu'il n'est pas prêt à s'embarquer dans une grande histoire. Armand ne veut plus poser son cœur à découvert dans les mains de quelqu'un d'autre. Un sentiment de tristesse et de colère l'envahi à cette pensée. Un vielle blessure veut se réveiller. Armand se raisonne, ni l'amour, ni la confiance ne suffisent à garantir quoique ce soit. Il faut vivre avec cette idée et essayer d'être le moins malheureux possible. Mais a-t-il encore seulement la possibilité d'être heureux? Il balaye ce doute immédiatement, versant l'eau fumante sur le sachet de thé.

Quelques heures plus tard, attendant au bas de l'immeuble d'Axel, Armand demeure rêveur, quelque chose de nouveau se profile et s'il ne sait pas encore à quoi s'attendre, son cœur s'emballe à la simple idée de voir cette porte s'ouvrir. Axel appuie machinalement sur l'interphone pour ouvrir, il n'a littéralement eu aucune inspiration pour la bouffe et cela va finir en pizza commandée à l'arrache, il en est certain. Armand monte les quelques marches qui les sépare avec le cœur brûlant. Axel ouvre, Armand plonge son regard bleuté sans âge au fond du sien sans rien dire. La chose est suffisamment rare pour interroger, mais Axel déteste les prise de tête, il se contente d'un geste fraternel sur l'épaule. Après quelques discussions animées sur tout, rien -et surtout rien-, une demi pizza nonchalamment abandonnée sur la table basse, ils décident pour la déconne de tenter le multi des matchs Pokémon. Ils se calent mécaniquement sur le canapé, mi affalés, mi blottis, mi assis, l'un contre l'autre dans un désordre confortable. Armand change de couleur, mais Axel ne remarque rien. 

Ils enchainent ainsi les quart d'heure jusque tard. Vers minuit vingt, la main d'Armand glisse délicatement sur le côté, elle frôle le dos d'Axel dans une caresse presque mécanique remontant vers ses omoplates. Axel se retourne, incrédule. Armand voudrait disparaître dans le pli du canapé, mais il se contente d'un long regard silencieux, crispé, frissonnant. Axel soupire, sincèrement désolé.

”Mec, je suis vraiment pas bon à ce genre de chose. Encore moins entre mecs... Tu me diras j'ai jamais essayé."

Armand semble se dissoudre tant il rougit. Axel lui fait face sans siller, franc, imperturbable, extrêmement rassurant en vérité. Armand s'attendait à pire, il ne sais même pas ce qui lui prend, il s'était pourtant promis quelques heures auparavant de ne rien faire. Axel reprend.

"So what? Si c'est juste un câlin ça va.. Je vois pas pourquoi je t'en voudrais, même si c'est effectivement très chelou comme ça sans prévenir, mec."

Axel serre maladroitement Armand contre lui, assez naturellement. Il se heurte intérieurement à un paradoxe, celui d'être à la fois très attentif aux sentiments d'Armand tout en ne ressentant rien lui-même.

Armand à tout le corps qui brûle d'une tendresse euphorique insoutenable, il n'a pas véritablement mal, mais ce contact provoque en lui des sentiments contraires saturés, incompréhensibles, passionnels. Il tente de se reprendre, tout ceci n'est que de la tendresse. Il n'y aura rien. Ce premier instant de trouble intense laisse place à une douce chaleur, une sorte de baume purement affectif baigne ses angoisses et les apaise. Armand est enveloppé tout contre la peau et l'odeur d'Axel dans une douce osmose. Il se détend complétement. La sensation de confort qu'il éprouve est douce à pleurer. Ce qu'il essaie de ne pas faire.

Sa barbe rousse enchevêtrée dans des mèches châtain l'intéressé ne comprend pas tellement comment un simple câlin peut placer son ami dans de tels états. Peu importe de toute façon, tant qu'il se sent bien, c'est toujours ça de pris, pense-t-il.

Armand relève le visage vers lui, leurs lèvres se frôlent virtuellement une fraction de secondes et s'éloignent aussi vite. Quelque chose a changé dans ses yeux, Axel n'en est pas certain... Sans qu'il ait le temps de réaliser, ni l'envie de s'y opposer, il se laisse emporter par Armand dans un baiser langoureux interminable.

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Songe étrange

À l'heure où les premiers oiseaux chantent, quand le soleil n'est encore qu'une tache pâle et diffuse sous l'horizon, Armand est retenu dans son sommeil par un songe étrange. Il entend une voix androgyne l'appeler dans sa tête. Il ouvre les yeux et devant lui se dresse un miroir immense, alentours l'espace est vaporeux, une sorte de brume d'un bleu sombre avec des gouttelettes d'or s'étend à perte de vue. Il n'y a rien, personne, sauf lui et ce miroir. Il s'y voit nu, incolore, désincarné, tel qu'il se perçoit lorsque le filtre de la dépression lui bande les yeux.

"Je pensais pourtant qu'aujourd'hui tu avais été heureux..."

La même voix androgyne parle dans sa tête.

"Qui êtes-vous?!"

Une forme extrêmement féminine émerge de la brume, son corps se confond avec, ne laissant apparaître distinctement que son buste. À la manière d'un sphinx, elle se penche sur Armand, révélant progressivement son visage rond et ses yeux sombres aux reflets d'automne. Son décolleté disparaît dans la brume en même temps que l'extrémité des longues mèches de cheveux soyeuses comme autant de fines plumes noires tombant en pluie autour de son cou.Son regard semble s'enfoncer profondément jusque dans l'âme d'Armand, il se sent plus déshabillé qu'il ne pourrait l'être, comme démasqué devant l'éternel. Elle ressemble aux allégories pures et angéliques de la Vérité mais ses pupilles ont tout de la gorgone; se dégage d'elle l'harmonie parfaite entre terreur et fascination. Armand s'efforce de rester lucide, c'est un cauchemar, il va se réveiller, tout ceci n'est pas réel.

"Sais-tu vraiment ce qu'est le réel..?"

Le regard s'adoucit, se teintant d'une sorte de tendresse stricte mais bienveillante. La voix reprend d'un ton solennel sans cesser de soutenir son regard, la bouche fine de l'apparition ne bouge pas.

"Je suis l'Aiguilleur du Destin, et je suis ici parce que tu te trouves à la croisées de plusieurs chemins pour l'avenir sans être capable de te décider. Tu es totalement perdu et la souffrance qui t'entoure en plus de celle qui te consume le corps embrume ton esprit. Je suis ici pour t'accompagner sur la voie que tu mérites, et qui est le plus juste au regard de tes actes et de ton cœur."

Armand pâlit. Il voit littéralement sa vie défiler devant lui, se remémorant chaque fois où il a merdé, chaque fois où il n'a pas agi aussi bien qu'il aurait voulu. Ses angoisses lui intiment de croire qu'il est trop tard, il suppose que cette créature va le juger, et peut-être même le dévorer. Il se demande s'il n'est pas en train de devenir complétement fou. L'apparition sourit et son regard prend une teinte espiègle, plus humaine.

"Tu es complétement fou, en effet. Le reste du temps tu ne semble pas te préoccuper plus que ça du Destin. Peu importe. Je ne peux guérir un mal dont on prétend qu'il n'existe pas, mais je peux l'endormir temporairement. Pas tout le temps, pas quotidiennement. Jusqu'à ce que tu aies décidé ce que tu feras de cette guérison lorsque tu auras trouvé par toi-même le moyen de la rendre définitive."

Armand est emprunt d'un mélange déconcerté de tristesse, d'agacement et d'indignation, mais ne parvient pas à parler. Le songe prend une sorte de teinte violacée pendant un moment, et une sensation de sécurité émane des brumes alentours.

"Relax cher ami, navrée de m'être introduite dans ta tête, nous sommes ici dans une part inconsciente de ton esprit, quand tu te réveillera tu pourras te raconter que tout ceci n'était qu'une chimère. Cependant... Tu devra tôt ou tard affronter des peurs, éprouver la force de tes sentiments pour Axel, faire le choix de la vie et de l'évolution. Regarde-toi encore dans ce miroir. Peux-tu seulement y voir un reflet épanoui et non la ruine, pervertie par la dépression, d'un être que tu n'es plus et que tu ne redeviendra pas ? Ne peux-tu donc pas voir ce que tu pourrais devenir d'autre en acceptant pleinement ce que tu es déjà?"

Armand scrute le miroir, il y voit son corps changer, il se voit sourire, il s'entrevoit dans une sorte de défilement accéléré créer de nouvelles choses, partager des moments profonds et apaisés avec ses proches, voyager, être aimé d'Axel et le couvrir d'attentions qui leur donnent à tous les deux une sorte de bonheur et de quiétude... Il a du mal à y croire, ses doutes le rattrapent même ici dans son inconscient. Alors qu'il essaie de s'attacher à ces projections positives et encourageantes, de les faire sienne comme s'il les habitait véritablement, des éclairs et une sorte de tonnerre sourd enflamment la brume bleutée alentour.

"Visiblement même dans les tréfonds de ton inconscient tes angoisses ne te laissent jamais respirer... Il est probablement temps que tu te réveilles.

-Attends, je....

-Nous n'avons plus le temps.

-Est-ce que tout ça est réel?

-Seulement si ton inconscient fait partie du réel. "

Une émotion oppressante, semblant se matérialiser, se rapproche. Un craquement assourdissant embrase la brume d'un éclat orangé. Le miroir renvoie plusieurs reflets d'Armand à des âges différents qui s'expriment dans une cacophonie glaçante, cherchant chacun leur tour à focaliser son attention. Certains suscitent une vive nostalgie, d'autres rappellent des moments qu'il pensait oubliés.

"Qu'est-ce que c'est?

-Ta peur de vieillir."

Le bruit résonne à nouveau encore plus près, et la brume se déforme, instable. Tous les reflets se mettent à hurler, plus particulièrement ceux d'Armand enfant qui poussent des cris stridents.

En un instant, le sol sombre qui soutenait Armand se change en une surface liquide et dense d'un noir brillant au dessus de laquelle il semble flotter. La brume tout autour d’eux est lacérée de larges brèches luisantes et gronde atrocement. Armand n'a pas le temps de comprendre ce qu'il se passe que la main blanche constellée, hybride de coussinets félins, de la sphinge s'abat sur sa joue. À ce contact la vision tout entière se dissout dans un flash aveuglant comme si elle n'avait jamais existé.

Armand se réveille quelques heures plus tard, assommé par une migraine déchirante. Blasé, il se lève comme à son habitude.  Il se prépare à revoir Axel dans quelques heures. En passant dans la salle de bain il ne se souvient que très vaguement d'un cauchemar où il se parlait à lui-même face à un miroir, avec un nuage étoilé bleu sombre à tête de femme comme arbitre, avant de plonger dans un lac de pétrole.

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Le lendemain...

Le soleil est haut dans le ciel quand les deux amis se retrouvent sur un banc du parc Banjan, le plus vert de la ville. Armand est là, posé avec son téléphone, sûrement en train de jouer à Pokémon Go. Un léger sourire fleurit sur les lèvres d'Axel, son pote est décidément impayable. Un vrai accro à cette licence. Beaucoup plus que lui.

Leur passion commune pour Pokémon est une fondation solide de leur relation mais tandis que le jeune homme se dirige vers lui, il se demande si ce dernier n'abuse pas un peu. Il connaît le rythme de vie de son pote, il sait pour les nuits blanches, son isolement, sa dépression .... Mais que peut il faire quand le principal concerné se ferme comme une huître même à lui ? Axel relativise, il se dit que Armand sait bien que sa main d'ami est tendu vers lui ; à lui de la saisir si le besoin s'en fait sentir. Il sera toujours là pour lui, comme ami.

Armand s'efforce d'être naturel, il évite tout contact physique comme à son habitude, mais il sent bien que ses vues ont changé. Une sensation de picotement brûlante est suspendue sur ses lèvres, de petits frissons papillonnent du bas de son ventre jusqu'à ses clavicules chaque fois qu'il croise le regard d'Axel. Le son de la voix de son ami provoque en lui des émotions contradictoires de désir et d'angoisse. Il éprouve simultanément un sentiment de trahison; sa relation avec Axel est de nature fraternelle. Ils se retrouvent comme deux enfants d'une même famille qui continuent de grandir ensemble, de s'intéresser à de nouvelles choses, d'explorer des possibles, de se consolider l'un l'autre avec détachement par leur seule présence. Cette situation leur convient parfaitement et Armand craint que cela change à cause de ses sentiments naissants. Il craint aussi qu'à force d'évitement Axel pense qu'il ne tient pas vraiment à lui en tant qu'ami, cette idée ne l'avait jamais effleuré auparavant avec autant de violence. Il aimerait se livrer davantage alors que jusqu'à présent la saine complicité entre eux lui suffisait. Armand est perdu dans ses pensées, comment même exprimer ce qu'il ressent de toute façon, ses souffrances le dépassent et il n'en vient à bout qu'au prix d'un optimisme absurde, en allant toujours vers la prochaine aventure. Ses sentiments pour Axel lui semblent un cataclysme de plus, intraduisible en mot et en pensée tangible pour autrui. Ce n'est pas qu'il ne veut pas, c'est qu'il... Le fil de sa pensée est rompu tout net, il percute le réel façon crash test instantané. Axel lui tient les épaules le regard inquiet et attentif, il serre nerveusement ses omoplates du bout des doigts.

"Bro tu es sûr que ça va ? T'es vraiment pâle et tu semble être en train de partir..

-T'inquiète j'ai juste vraiment mal dormi..."

Axel a les yeux plantés dans ceux d'Armand, incrédule. Armand détaille le visage d'Axel complètement déconcerté, sans pouvoir finalement échapper à ses yeux. Ils sont d'une teinte indescriptible que le soleil n'éclaire que partiellement en les faisant briller d'un vert-gris bleuté derrière ses lunettes. Armand remarque aussi de petits reflets roux-dorés illuminant la barbe d'Axel faisant ressortir ses lèvres fines et sa peau d'un blanc surnaturel. Axel est magnifique se dit-il comme sidéré par cette vision, pourtant jusqu'à présent il ne lui semblait pas que cette beauté l'ait particulièrement troublée. Armand réalise brusquement que la sensation des doigts d'Axel serrés sur ses épaules le renvoie à ses fantasmes de la veille. Il rougit absolument.

De son côté Axel est déconcerté, il ne comprend pas. Il a beau scruter le visage de son ami dans tous les sens il ne lit rien. Mais il s'inquiète ; Armand lui semble encore plus maigre que la dernière fois ; il sent les os fins de ses épaules sous ses lourdes mains & est persuadé que ce dernier n'a sûrement rien mangé de la journée .... Le jeune homme finit par le lâcher & s'assoit à ses côtés :

" Faut que t'arrêtes sérieux, tout ça va finit par te tuer ... tu peux pas continuer ainsi "

Armand le fixe, avec le sentiment désagréable de savoir où il veut en venir ... il va encore lui parler " d'elle "

" Je sais que c'est pas facile, mais tu dois te reprendre " il souffle un gros coup " les ruptures c'est facile pour personne "

Et voilà, encore une fois la même rengaine ...  Sauf que cette fois il est à côté de la plaque ...

Instantanément le corps d'Armand se crispe dans une sorte d'éruption douloureuse, il compose avec ce type de brûlure somatique depuis des mois maintenant. Il grimace:

"Il n'y a pas de rapport. Je suis juste anxieux de cette maladie qui n'en fini pas"

Axel en convient, après quelques minutes il reprend:

   "Tu penses que tu pourrais retomber amoureux?"

Armand n'a pas le temps d'assembler un début de réponse qu'il sent déjà de violentes décharges lui perforer les côtes et lui soulever le sternum. - Au même moment, à presque 443km de là quelqu'un vient de lâcher une assiette se brisant en morceaux sur ses pieds nus. - Armand a un peu de mal à contenir la douleur cette fois. Axel ne sait que dire ou que faire, ce sentiment d'impuissance l'étouffe, il s'en veut d'avoir ramené ce sujet sur le tapis. Il cherche une diversion pour la suite, en espérant que l'état de santé de son ami se stabilise.

Armand respire de son mieux, la douleur ne faibli pas, elle semble même pire que jamais, mais il parvient à articuler :

   "Je pense que oui, en fait, même si je n'ai pas l'impression que c'est possible. Mais j'ai envie de me dire que ça va arriver, et que quand ce sera là je serais capable de le recevoir. "

-Quelques centaines de kilomètres plus loin, quelqu'un termine de coudre ensemble deux morceaux de tissu en forme de poupée, remplis de fleurs d'aubépine. La jeune femme fait un point d'arrêt, en psalmodiant des mots anciens.-

Axel reprend:

   "Pourquoi tu n'en serais pas capable ?"

Armand est troublé, d'abord parce que ses symptômes ont momentanément cessé, ensuite parce qu'il sent bien que ses sentiments pour Axel ne sont pas illusoires; il meurt d'envie de l'embrasser là tout de suite. Mais bien vite son désir se contamine de doute.

"Les douleurs, les humeurs qui vont avec... J'ai pas envie d'être ce genre d'amour. Je ne peux pas vouloir faire vivre ça à quelqu'un que j'aime.."

Pendant qu'il parle Armand réalise à quel point malgré ce qu'il vient de dire, il aimerait juste une chance d'aimer et d'être aimé à nouveau, quoique ça le terrifie. Sa chance est sous son nez, mais il sait qu'elle ne le voit pas, il ne sait même pas qu'elle serait sa réaction si tout ce dont il a rêvé la veille se concrétisait.

Axel réfléchit.

"Je peux comprendre, mais c'est certain que si tu ne crée pas les conditions pour et ne prends jamais le risque ça n'arrivera pas."

- Facile à dire, mais pas faux..."

Armand propose de marcher un peu en continuant de discuter, Axel change de sujet pendant cette balade ne voulant pas trop insister et préférant qu'ils passent tous deux un bon moment. Ils décident de se revoir le lendemain soir, de manger et jouer ensemble.

Lorsqu'il rentre chez lui, Armand est transi d'une sorte de bonheur incompréhensible, comme si la seule présence d'Axel le comblait et que ces badinages divers dans le parc lui donnaient du plaisir, comme s'il se sentait intensément plus vivant que d'habitude. Il s'étonne de la disparition inopinée de ses douleurs et se demande s'il y a un rapport.

Bien vite ses sentiments l'enveloppent à nouveau d'un voile de désir enthousiaste, et il se rêve dans une expression totalement débridée de lui-même. Il s'allonge, son souffle est lent, sa nuque est parcourue de frissons, sa langue et ses lèvres sont baignés de baisers imaginaires. Il voit Axel partout, en tous sens, il entend sa voix, il tremble au contact de son souffle, il rougit quand sa barbe effleure son cou, il tressaille chaque fois que ce dernier agrippe son torse, ses hanches ou ses cuisses. Armand se consume doucement d'un amour passionnel coupable, parcourant de vibrants désirs tout son corps tendu d'excitation, jusqu'à l'orgasme.

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Jour 1, amour n°1

Les yeux brillants reflétant l'océan de pixel face à lui, Armand flottait dans une confusion émotionnelle distraite par ses interactions jeu-vidéoludiques. Il était beaucoup trop tard. Encore une nuit blanche. Encore ce vide bruyant de messages en tous genre qui l'attendent. Il étire son dos. Passant entre les filtres protecteurs un message prioritaire donc un ami; Axel. Quelques mots désordonnés, un énième date décevant, Tinder une voie sans suite gonflée de désillusions. Armand parcours les lignes entre deux réponses compatissantes, son cœur se serre. Il éprouve une émotion qu'il a peur de reconnaître. Axel continue de lui raconter, ses attentes, ses espoirs avec une sincérité déconcertante. Il semble à Armand qu'il s'enfonce davantage encore dans ce sentiment, il lui perfore la poitrine, à moins que ce ne soit autre chose... Il se voit un instant être cette personne qu'Axel attend, être cette créature impossible et idéale pour lui et y mettre tout son talent. Mais la morsure du doute l'inonde d'angoisse au moment où Axel lui propose de le voir le lendemain. 

Est-il vraiment possible que brusquement à cause de cette simple visualisation quelque chose ait changé en lui au point qu'il ne puisse plus être indifférent? Ce sentiment amoureux était-il déjà là, larvé, endormi depuis longtemps, planqué dans un déni sournois? Axel et lui étaient amis depuis des années, il s'étaient certes rapprochés ces derniers temps, mais il n'avait jamais ressenti le poids de cette ambigüité jusqu'à aujourd'hui... Armand accepte l'invitation, au prix d'efforts démesurés pour ne rien laisser paraître.  Axel lui dans un tourbillon passionnel d'émotions vives et spontanées comme à son habitude, ne perçoit rien. Il semble content à l'idée de pouvoir se reposer de toutes ses aventures sentimentales avec Armand le lendemain, de faire un truc entre potes, comme d'habitude, c'est probablement plus sain que de chercher une nouvelle chimère, se dit-il avant de s'effondrer mollement dans son lit. 

Armand est tout en tensions, il enchaine les parties, les épisodes d'anime, les farms dans tous les jeux possibles, mais le sentiment qu'il éprouve pour Axel ne disparaît pas. Il creuse en lui une sorte de désir ineffable qu'il s'efforce de rationnaliser, sans pour autant vouloir le réprimer. Les heures passent, tout son corps frissonne, ce qu'il a devant les yeux ne le distrait pas des visions fantasmatiques qui l'assaillent. Il pourrait presque sentir la barbe d'Axel frôler ses lèvres sans y être. Il se voit au dessous de lui, se faire déshabiller avec une maladresse touchante, se faire embrasser, lécher et mordre, se faire chercher jusqu'à ce qu'il cède à son excitation complétement. Armand s'endort sur ces visions orgasmiques.

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Avant-propos

Cette fanfiction est née d’une idée originale de donner vie à la blague récurrente d’une possible relation entre Armand et Redemption. Toute ressemblance avec des personnes existantes est purement fortuite, les caractères sont volontairement surjoués et surinterprétés. Les inspirations puisent dans les fanfictions entre Lysandre et Platane, dans l’imaginaire de Minilazy, ainsi que dans les thèmes récurrents des écrits de Nocline. Les épisodes seront publiés les uns à la suite des autres chaque semaine, jusqu’à la fin de l’histoire. 

Bonne lecture !. 

Minilazy & Nocline