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Parti.e.s à al découverte du mouvement des travailleurs Sans Terre, nous avons passé une semaine à Maria da Conceição, une occupation de néo-paysan.ne.s dans le Minas Gerais, au Brésil.
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Kasa InvisĂvel
En 2013, alors que les grands Ă©vĂ©nements sportifs Ă venir font polĂ©mique sur lâutilisation de fonds publics, lâannonce de lâaugmentation du prix des tickets de bus fait Ă©clater un grand mouvement de protestation. Manifestations, Ă©meutes, occupations de lieux publiques... un vent de rĂ©volte souffle sur le pays. A Belo Horizonte (« Beaga » pour les intimes), capitale de lâĂ©tat du Minas Gerais, les esprits ingouvernables organisent de nombreuses occupations de lieux dĂ©saffectĂ©s, parmi lesquels la Kasa InvisĂvel (Maison Invisible), ouverte par un collectif libertaire antifasciste.
Construite en 1930, elle est lâune des rares bĂątisses Art DĂ©co de Beaga et lâune des plus anciennes de cette ville planifiĂ©e Ă la fin du XIXĂšme siĂšcle. Le collectif, composĂ© dâune quinzaine de personnes, y organise rencontres, dĂ©bats, projections, crĂ©e une bibliothĂšque et un free shop. Ils piratent rapidement un branchement Ă©lectrique avec lâaide de leurs voisins du centre culturel du 3Ăšme Ăąge et en font Ă leur tour bĂ©nĂ©ficier au morador de rua (SDF) qui sâest construit une petite cabane attenante Ă la maison. Combien de temps tiendra-t-il ici ? Des rafles de SDF ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© organisĂ©es par la municipalitĂ© dans des conditions effroyables pour les Ă©loigner du centre-ville. Certains nâont plus donnĂ© signe de vie.
Lâespace est encore trop petit pour y hĂ©berger qui que ce soit, mais les membres du collectif sây relaient chaque nuit pour prĂ©venir une tentative dâexpulsion. Câest seulement aujourdâhui, aprĂšs cinq ans dâoccupation sans que le propriĂ©taire se manifeste, que la procĂ©dure de titularisation du lieu est entamĂ©e. Ils en profitent pour tenter dây inclure la maison attenante, occupĂ©e plus rĂ©cemment, qui va leur permettre dâavoir quelques chambres, un espace de sĂ©rigraphie et autres joyeusetĂ©s. Un Ă©tonnant passage secret permet dây accïżœïżœder directement depuis la maison principale...
AprĂšs ĂȘtre allĂ©.e.s leur rendre visite Ă lâimproviste, on a Ă©tĂ© chaleureusement accueilli.e.s pendant deux nuits avec nos matelas de camping installĂ©s dans un coin de la salle de rĂ©union. On a eu de belles discussions politiques, analysant entre autre les similitudes entre la mobilisation des gilets jaunes avec les Ă©vĂ©nements brĂ©siliens de 2013, on a profitĂ© de leurs contacts avec le mouvement des Sans Terre, on a dĂ©vorĂ© les brochures de leur infokiosque trĂšs fourni. Parmi elles, on a trouvĂ© une petite pĂ©pite issu dâune communication du mouvement zapatiste au Mexique : en deux mots, « la question nâest pas de savoir si vous faites le choix de voter ou pas, que nous ne jugerons ni positivement ni nĂ©gativement, la question est de savoir si vous vous organisez. »
Cecosesola
On a participĂ© Ă la Kasa InvisĂvel Ă une rencontre avec les co-fondateurs de Cecosesola, un groupement de coopĂ©ratives autogĂ©rĂ©es de la ville de Barquisimeto, au Venezuela, qui existe depuis 1967. Cecosesola a rĂ©ussi avec le temps Ă fĂ©dĂ©rer 1200 sociĂ©taires autour de trois activitĂ©s principales : une production / distribution de produits agricoles de la rĂ©gion (et produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ© importĂ©s) via un marchĂ© hebdomadaire, un service de santĂ© (ayant abouti Ă la construction dâun vĂ©ritable hĂŽpital), un service funĂ©raire (leur plus ancienne activitĂ©). Ces services, rentables malgrĂ© des tarifs 50% infĂ©rieurs au prix du marchĂ©, bĂ©nĂ©ficient Ă prĂšs dâun quart de la population de Barquisimeto. Leur secret pour dĂ©velopper leurs activitĂ©s avec peu de ressources : Les pots communs, auxquels chacun contribue rĂ©guliĂšrement Ă la hauteur de ses moyens.
Ce qui nous a le plus marquĂ© câest la maniĂšre dont ils sâorganisent :
Il nây a pas dâĂ©lus, les responsabilitĂ©s et les tĂąches tournent entre tou.te.s,
Des critÚres collectifs sont établis pour que chacun.e puisse prendre les décisions en toute souveraineté.
Tous les processus valorisent davantage la participation de chacun que lâefficacitĂ© de la prise de dĂ©cision. Les choses avancent donc doucement mais solidement.
Tou.te.s les salariĂ©.e.s gagnent le mĂȘme salaire (sauf les mĂ©decins de lâhĂŽpital qui gagnent un peu plus mais dont le salaire ne varie pas selon la spĂ©cialitĂ©).
Chose particuliĂšrement Ă©tonnante, beaucoup de place est donnĂ©e Ă lâoralitĂ© et les rĂ©unions trĂšs frĂ©quentes ne donnent lieu Ă aucun compte-rendu.
La confiance, le plaisir de faire ensemble et la solidaritĂ© sont prĂ©sentĂ©s comme les piliers de leur organisation, dâautant plus en ces temps particuliĂšrement troubles pour le pays.
Les membres de Cecosesola que nous avons rencontrĂ©s nous ont dĂ©clarĂ© quâils ne se voulaient ni rĂ©formistes (faire des travaux intĂ©rieurs), ni rĂ©volutionnaires (dĂ©truire et reconstruire le mĂȘme immeuble). Ils affirment vouloir transformer les fondamentaux culturels qui entravent lâĂ©mancipation collective : le culte de la compĂ©tence, le dĂ©sir dâaccumulation, le cloisonnement de lâesprit, lâindividualisme, hiĂ©rchisation et les petites faveurs entre ami.e.s.
Lâorganisation nâest pas partisane et ne lutte pas pour une prise de pouvoir politique, mais elle en donne trĂšs concrĂštement Ă ses membres. Elle ne se revendique pas « anticapitaliste » ni « fĂ©ministe », mais elle semble finalement lâĂȘtre de fait Ă travers la mise en pratique de ses valeurs.
Cecosesola a rĂ©ussi Ă rĂ©sister aux attaques des diffĂ©rents gouvernements, y compris des chavistes qui regardent son autonomie politique avec beaucoup de suspicion, et avec lesquels leurs tentatives de dialogue se soldent dâĂ©checs rĂ©currents. Alors que les VĂ©nĂ©zuĂ©liens vivent une crise sans prĂ©cĂ©dent (un million dâexilĂ©s par an), qui prend notamment le forme dâune hyperinflation et dâĂ©normes pĂ©nuries, Cecosesola permet Ă ses membres de continuer Ă bĂ©nĂ©ficier de produits et services de base. Au-delĂ du bienfait de lâorganisation pour ses sociĂ©taires, la coopĂ©rative paie ses salariĂ©s 120 dollars par mois, ce qui les situe dans la tranche des 5% des revenus les plus Ă©levĂ©s du pays.
Organisez-vous, quâils disaient !
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Aldeia MaracanĂŁ ou lâanarco-indigĂ©nisme
âPisa ligeiro, pisa ligeiro, Quem nĂŁo pode com formiga, nĂŁo atiça o formigueiro!â (Marche Ă petits pas, marche petits pas, si tu ne comprends rien aux fourmis nâattise pas la fourmiliĂšre!)
Ce sont les soeurs jumelles, toujours fiĂšres de revendiquer leurs racines indigĂšnes, qui nous ont parlĂ© en premier de lâAldeia Maracana, oĂč elles passent Ă chacune de leurs venues Ă Rio. âAldeiaâ, câest le nom des nombreuses communautĂ©s indigĂšnes, gĂ©nĂ©ralement rurales, qui tentent de se protĂ©ger des assauts du mercantilisme. âMaracanaâ, câest le nom du mythique stade de Rio aux abords duquel se trouve ce lieu de rĂ©sistance urbaine.
Dario, un vieux copain qui y habite, nous y convie pour une soirĂ©e de projection. En arrivant, de nuit, entourĂ©-e-s dâune jungles dâartĂšres et bifurcations, on ne voit quâun monumental bĂątiment en ruine plongĂ© dans la pĂ©nombre, entourĂ© de barriĂšres de protection. Difficile de croire quâil sây passe quelque chose. On fait le tour, circonspects, et on trouve finalement un passage pour pĂ©nĂ©trer sur le site. Nous voilĂ sur une grande friche aux allures de ZAD, parsemĂ©e de cabanes, tentes et tipis, avec en fond le mystĂ©rieux bĂątiment.
Une cinquantaine de personnes se tiennent debout, en cercle, autour dâun grand feu de bois. La cĂ©rĂ©monie est menĂ©e par des indigenas en habits traditionnels, les participant-e-s sont de couleurs et styles hĂ©tĂ©rogĂšnes. Se succĂšdent danses et chants collectifs et incantations contre le danger imminent, qui rĂ©pond au nom de Bolsonaro. Aux abords de la cĂ©rĂ©monie des gens observent, des enfants jouent, des femmes ont Ă©tendu au sol leurs crĂ©ations artisanales. On retrouve une tĂȘte connue lors de la foire du MST, un militant anarchiste noir qui fait vivre un squat dans une favela de la Zona Norte.
On est ensuite tous invitĂ©-e-s Ă rejoindre lâintĂ©rieur du bĂątiment pour assister Ă une projection dâun documentaire sur la plateforme latinoamĂ©ricaine Bombozila
Malheureusement pressés par le temps --on a un bus de nuit pour Belo Horizonte une heure plus tard- notre curiosité nous invite à quitter la salle pour arpenter discrÚtement le lieu.
Le bĂątiment, trĂšs haut de plafond, est densĂ©ment habitĂ© par ses fresques et inscriptions murales. Hormis lâĂ©clairage du groupe Ă©lectrogĂšne qui sert Ă la projection du film, l'intĂ©rieur du bĂątiment dĂ©crĂ©pi est plongĂ© dans l'obscuritĂ©. On le dĂ©couvre Ă la lampe frontale. Au rez de chaussĂ©e cinq ou six trĂšs grandes piĂšces, sous une hauteur de plafond impressionnante. Elles sont quasiment vides, Ă l'exception de quelques tentes. Aux cĂŽtĂ©s de l'une d'elles trĂŽne fiĂšrement une coiffe traditionnelle. L'identitĂ© du lieu se lit sur ses murs, oĂč se cĂŽtoient de toute part fresques et textes de rĂ©sistance indigĂšne et anarchiste, sans que l'on puisse clairement les cataloguer. Quelques extraits:
"Pluriversité indigÚne autonome Aldeia Maracanã, soyez les bienvenu.e.s"
"Ne laissons pas la force brutale du capital conspirer contre notre vocation d'essence pure"
"IndigÚnes et punks en lutte. Si nous dérangeons, c'est qu'ils sentent notre présence. Si nous sommes une menace, c'est qu'ils craignent notre force et notre gentillesse."
"Le pouvoir est l'obsession des faibles."
"Tu veux tuer un peuple? Vole lui sa culture."
"Nous ne faisons qu'un avec la vie cosmique."
"Selva l'affection avec l'Ăąme universelle."
Et celle-ci en guarani et portugais:"Iwak herero aw pe har, kwarahy. Mene, ipurageteary, aze huwiahy iwà kun xig ma'e pumÚ wà , wehakepatu tuwe kwarahy a'e no. Aze pyhaw, heta tetetue zahy tata a'e, pità i zahy ipurà geteahy ma'e a'e kury no." /"Le ciel de mon aldeia, en été, est trÚs beau. Quand le jour est bleu avec des nuages blancs, le soleil est trÚs brillant. Quand il fait nuit, il y a beaucoup d'étoiles et un trÚs beau clair de lune."
Plongé.e.s dans cette atmosphÚre mystique, on veut poursuivre vers l'étage. Pour y accéder, un grand et vieil escalier en bois, craquelé et brinquebalant, auquel il manque une marche sur quatre. On ne s'y risque pas et on rebrousse chemin pour se diriger vers la sortie. Tout juste le temps de croiser un habitant éphémÚre qui nous montre le coin de potager qu'il a travaillé, et il nous faut partir.
On reste sur notre faim. Ce lieu nous intrigue, extrĂȘmement vivant, vibrant, et en mĂȘme temps encore laissĂ© pour compte, trace de la prĂ©caritĂ© de cette lutte urbaine pendant ces 5 derniĂšres annĂ©es de confusion politique et de rĂ©pression des mouvements contestataires.
Quelques jours plus tard, Bolsonaro prend la prĂ©sidence et ne tarde pas Ă dĂ©charger le ministĂšre de lâenvironnement de la mission de dĂ©marcation des territoires indigĂšnes et de la confier par la suite au ministĂšre de lâagriculture, lançant un signal claire : âfini les territoires indigĂšnes, ces terres serviront Ă lâagro-industrie.â La lutte pour les peuples natifs est rude, et la rĂ©ponse ne saurait tarder.
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Premier acampamento: PĂĄtria Livre
Alors quâon dĂ©ambule depuis deux semaines dans les foires de la rĂ©forme agraire pour rencontrer des membres du MST et expliquer le propos de notre voyage maintes et maintes fois, on attend avec impatience dâĂȘtre invitĂ©.e.s sur une occupation. De fil en aiguille on parvient Ă rencontrer Jo, coordinateur de lâacampamento PĂĄtria Livre. AprĂšs une bonne discussion oĂč il nous rappelle leurs fondamentaux, il nous donne le feu vert pour passer quelques jours chez eux. Yeebaaa !
PĂĄtria Livre est un jeune acampamento d'un an et demi, installĂ© sur la commune de SĂŁo Joaquim de Bicas, dans la rĂ©gion mĂ©tropolitaine de Belo Horizonte (BH). Il sâest Ă©tabli sur des terres en friche appartenant Ă Eike Batista, multi-milliardaire BrĂ©silien qui a fait sa fortune dans lâindustrie miniĂšre. Au moment de lâoccupation, aprĂšs une longue prĂ©paration secrĂšte de lâopĂ©ration sur les questions de sĂ©curitĂ©, dâĂ©quipements et de vivres, une centaine de personnes traverse Ă pied la riviĂšre qui borde le site pour y installer leurs premiĂšres barracas de lona (tentes en bĂąches plastiques). TrĂšs vite lâoccupation se massifie, comme ils disent. Le « travail de base » rĂ©alisĂ© par les militants du MST dans les quartiers populaires de BH draine de nouveaux occupants. Des lots de 100m2, agencĂ©s les uns Ă cĂŽtĂ© des autres comme dans un village, sont rĂ©partis auprĂšs de 2000 familles. La vie sâorganise, une vigie permanente est montĂ©e aux diffĂ©rents points dâaccĂšs, des maisons de bois et de taules sont montĂ©es avec lâaide du bambou du coin, les plantations dâarbres et de cultures vivriĂšres sont lancĂ©es. Des noyaux communautaires se forment pour organiser la vie et la production collectives, le noyau central se dote dâune Ă©picerie, dâun centre de santĂ©, dâun freeshop. L'Ă©lectricitĂ©, qui nâapprovisionne que le noyau central, et l'eau sont piratĂ©es sur les rĂ©seaux Ă proximitĂ©. AprĂšs une occupation massive de la SEMIG (entreprise publique gestionnaire de lâĂ©lectricitĂ© dans le Minas Gerais) par des femmes du MST, lâĂ©tat donne son aval pour la crĂ©ation d'une Ă©cole au sein de lâacampamento. Les profs y sont mĂȘme choisi.e.s par le mouvement en fonction de leur conscience politique et de leur approche pĂ©dagogique⊠le portrait de Paulo Freire orne lâentrĂ©e de lâĂ©cole, accompagnĂ© de cette citation : « LâĂ©ducation ne change pas le monde. LâĂ©ducation change les gens. Les gens changent le monde. »
LâactivitĂ© de lâacampamento est organisĂ©e en diffĂ©rents pĂŽles, dont chacun a au moins un.e coordinateur.rice attitrĂ©.e : sĂ©curitĂ©, infrastructure, Ă©ducation, santĂ©, production, culture, communication. Les coordinateur.rice.s des noyaux communautaires (30 Ă 50 familles), Ă©lu.e.s pour deux ans au consensus par les habitant.e.s des noyaux, nomment Ă leur tour les coordinateurs de lâacampamento. Câest Ă peu prĂšs comme ça, par reprĂ©sentation successive au consensus, quâest organisĂ©e la coordination du MST jusquâau niveau national⊠sans parler des nombreuses rencontres thĂ©matiques, formations et assemblĂ©es populaires qui brassent un paquet de militant.e.s. Il nous semble pour lâinstant que ça fonctionne pas trop mal, avec un bon niveau de lĂ©gitimitĂ© et surtout peu de luttes de pouvoir. Ce qui nâempĂȘche pas que le MST et ses lieux de vie restent des organisations grandes et complexes, avec en plus une planification assez souple Ă la brĂ©silienne, et que du coup câest souvent le bordel⊠mais quel beau bordel !
PĂĄtria Livre a la particularitĂ© dâaccueillir beaucoup de citadins qui fuient la misĂšre et cherchent de nouvelles opportunitĂ©s via le mouvement : un espace pour construire une maison, un terrain Ă cultiver et avoir de quoi subsister, une communautĂ© de vie et de lutte, et le vif espoir de se voir attribuer Ă terme par lâEtat une terre cultivable de plusieurs hectares. Au sein de cette masse hĂ©tĂ©rogĂšne qui vient sâinstaller, la consolidation de la communautĂ© nâest pas une mince affaire. Entre celles et ceux qui ne se construisent quâune cabane du dimanche et rechignent Ă sâimpliquer, ceux qui ont des problĂšmes dâalcool et battent leurs compagnes, ou encore celles et ceux qui entretiennent le trafic de drogue⊠Les militant.e.s Ă la coordination doivent rĂ©guliĂšrement gĂ©rer ce genre de problĂšmes, et parfois expulser des personnes de lâacampamento lorsque les rĂšgles, Ă©crites noires sur blanc Ă lâentrĂ©e du lieu, ne sont pas respectĂ©es. LâatmosphĂšre est dense, les tensions sont vives.
Jo
« En tant que gay, de couleur, pratiquant du CandomblĂ© (religion afro-brĂ©silienne) et coordinateur du MST⊠lâannĂ©e va ĂȘtre compliquĂ©e!» Câest lors de la fĂȘte bien arrosĂ©e du mouvement des chiffonniers de Mario Campos, Ă laquelle Jo nous a conviĂ©.e.s, quâil nous livre ça dans lâhilaritĂ© gĂ©nĂ©rale. Mieux vaut en rire⊠Jo a grandi Ă Maria Campos, Ă©levĂ© par sa grand-mĂšre. FormĂ© au travail social, il milite depuis longtemps et a Ă©tĂ© rĂ©cemment candidat sur la liste municipale du PT, dont il nâhĂ©site pas Ă pointer les fautes et les contradictions. Depuis quelques annĂ©es, et dĂ©sormais du haut de ses 35 ans, il a rejoint le MST, ce mouvement de masse et intrinsĂšquement rebelle qui correspond bien Ă son tempĂ©rament. Jo a Ă©tĂ© choisi pour coordonner lâacampamento peu aprĂšs sa crĂ©ation. Comme tout dirigeant du MST, il nâa dâautre choix que dâĂȘtre militant avant tout : aucun salaire, seulement une indemnisation de lâordre de 350 euros par mois. Sur lâacampamento Jo semble Ă la fois partout et nul part. Il est souvent en vadrouille pour rencontrer des gens Ă droite Ă gauche mais, dĂšs quâil est lĂ , il ne sâarrĂȘte plus. Il vogue au grĂ© des problĂšmes Ă rĂ©soudre, des rĂ©unions qui sâorganisent au pied levĂ©, des personnes qui lâinterpellent. Il connaĂźt tout le monde et ne peut pas marcher 10 mĂštres sans sâarrĂȘter pour tchatcher avec Fulano (le « Pierre, Paul ou Jacques » brĂ©silien). Quand il nous prend sous son aile attentionnĂ©e, le programme semble changer chaque minute. Sa personnalitĂ© est fascinante. Bien quâil ne puisse dissimuler une certaine agitation, il dĂ©gage une lĂ©gĂšretĂ© et une douceur dĂ©concertantes. Son Ăąme subversive est pleine de malice, dâenthousiasme et de dĂ©termination. Le rĂȘve et la rĂ©alitĂ© de la rĂ©volution sociale coulent dans ses veines et brillent dans ses yeux. Ayant reçu des menaces de mort, il change constamment de lieu pour dormir et de « chauffeur » (le Fulano disponible du moment) pour se dĂ©placer. Lorsquâil est au bord de la crise de nerf, il se fait une petite balade en forĂȘt et relit « Lâart de la guerre » de Sun Tzu. MalgrĂ© son emploi du temps hyper chargĂ©, il a tenu Ă nous emmener sur un autre jeune acampamento Ă 45 minutes de lĂ : Maria da Conceição, la « grande sĆur » de PĂĄtria Livre. Il nous avait promis « um lugar maravilhooooso, gente ! ». On nâa pas Ă©tĂ© déçu.e.s et on y retourne prochainement⊠à dĂ©couvrir dans nos prochains textes !
David
On est hĂ©bergĂ©s chez David, 24 ans, dâorigine indigĂšne PataxĂŽ, joyeux photographe et coordinateur de la communication et des activitĂ©s culturelles du campement. Il nous apprend quâil a pour mission de nous faire dĂ©couvrir la vie du lieu. Aussi modestes soient-ils, David et tous les acampados que nous rencontrons manifestent leur sens de lâaccueil par une disponibilitĂ© et une gĂ©nĂ©rositĂ© dĂ©bordante qui nous met souvent mal Ă lâaise. On sây fait petit Ă petit⊠David ne se lasse pas de nous raconter les histoires quâil a vĂ©cues depuis son arrivĂ©e. Autour dâun feu de camp, en barbotant dans la riviĂšre, en cuisinant au feu de bois dans sa hutte en tĂŽle dâamiante alors quâon fuit la fournaise, en buvant un cafĂ© du soir Ă la lueur de la lampe Ă pĂ©trole⊠on voit bien quâil enjolive un peu les choses quand on touche du doigt les « vrais » problĂšmes, mais on se rĂ©gale de son enthousiasme et de son amour pour celles et ceux qui lâentourent. Câest dâabord Ă ses cĂŽtĂ©s, puis en prenant doucement notre autonomie, quâon fait un paquet de belles rencontres.
Maria
InsĂ©parable amie de David, du haut de ses 16 ans, elle fait partie de lâĂ©quipe de coordination culturelle du campement, dont lâemblĂšme est un pinceau croisĂ© avec une machette, symbole fort de la lutte pour la terre. Maria a Ă©tĂ© abandonnĂ©e Ă lâĂąge de 12 ans par ses parents et a survĂ©cu deux ans dans la rue. AprĂšs avoir Ă©tĂ© « adoptĂ©e » par une femme qui a croisĂ© son chemin, elle a rejoint lâacampamento avec elle afin de quitter un environnement urbain impossible. Aujourdâhui cette adolescente respire la joie et la lĂ©gĂšretĂ©. Elle donne de sa voix magnifique en nous chantant des histoires dâhĂ©roĂŻnes sacrifiĂ©es. Mauri, le copain de Maria qui lui aussi semble avoir eu plusieurs vies dans la banlieue de BH, nous dira autour du feu : « Le MST vient au secours des frustrĂ©s pour quâils commencent une nouvelle vie. »
Domingos
Câest avec Domingos quâon a rĂ©ussi Ă commencer Ă bosser un peu. La mission : abreuver les centaines de poussins qui viennent dâarriver pour approvisionner les poulaillers collectifs. En faisant le tour des noyaux communautaires, ce coordinateur technique passionnĂ© de politique nous tĂ©moigne sa frustration de ne pas voir la production se dĂ©velopper au rythme quâil souhaiterait. Pour lui comme pour de nombreux autres, « le problĂšme » câest tous ces urbains qui viennent sâinstaller : ils manqueraient de volontĂ©, auraient des difficultĂ©s Ă se former, abandonneraient trop vite la dure vie de la brousse⊠La plupart de ces « nĂ©o-ruraux » nâont aucune connaissance du travail de la terre ou encore dâexpĂ©rience de militance. Pour accompagner lâinstallation et la formation politique des nouveaux arrivants, la coordination met en place dans chaque noyau un « travail de base » qui se traduit par des rĂ©unions dâĂ©change de parole et dâexpĂ©riences, des formations, un accompagnement technique, de la pratique de la militance⊠mais Ă la diffĂ©rence des arbres qui poussent ici aussi vite que les cheveux, on ne devient pas paysan activiste en un jour, et encore moins quand on mĂšne une vie de galĂšre permanente. Cette situation nâaffecte cependant pas lâoptimisme de Domingos qui, chaque jour, prend soin de 2000 poussins, forme les responsables des poulaillers, sâoccupe des quelques hectares de plantations de son noyau, participe aux rĂ©unions de coordination⊠et qui pour rien au monde ne retournerait Ă sa vie dâemployĂ© dâentreprise agricole.
Dona Ana et le jardin merveilleux
Une merveille de grand-mĂšre, une douce sorciĂšre, une femme gĂ©nĂ©reuse, une sage comme on aimerait en avoir dans chaque village. Elle nous ouvre les portes de son jardin oĂč elle cultive une ribambelle de plantes mĂ©dicinales et aromatiques, de fruits et de comestibles en toutes sortes. On se perd parmi ces noms aborigĂšnes, ces tons de vert, de jaune, de rouge, ces feuilles rondes, dentelĂ©es, en biseau, ces arĂŽmes camphrĂ©s, citronnĂ©s, sucrĂ©s des fruits pulpeux. Saisissant lâopportunitĂ© dâun petit lopin de terre, Dona Ana a dĂ©couvert le MST et a rejoint PĂĄtria Livre Ă 70 ans. Le parcours quâelle a derriĂšre elle lui en fait paraĂźtre 80, mais son regard pĂ©tillant et son sourire espiĂšgle sont remplis de vie. Son mari, trĂšs discret, la suit partout Ă la trace. Tous deux sont trĂšs impliquĂ©s dans la vie communautaire, volontaires pour tous les chantiers collectifs. Un sens du devoir qui force le respect⊠vivent les anciens! Câest avec Dona Ana et quelques autres femmes que le collectif fĂ©minin de PĂĄtria Livre se concentre sur lâart des plantes mĂ©dicinales pour approvisionner le centre de santĂ©. Et son imagination lâamĂšne Ă penser Ă dâautres projets pour lâindĂ©pendance Ă©conomique des femmes de lâacampamento, par exemple la fabrication et la vente de balais Ă partir de bouteilles en plastique. Ici, il nây a pas de revenus superflus. On repart de chez elle avec des dizaines de sachets de semences Ă rĂ©pandre sur notre chemin !
Angela
La maison dâAngela est lâun des repĂšres prĂ©fĂ©rĂ©s de Jo dans lâacampamento. Câest chez elle quâon se cache avec lui pour boire de la cachaça et de la liqueur de jabuticaba. Du fait des problĂšmes dâalcoolisme rĂ©currents, la consommation dâalcool est ici seulement tolĂ©rĂ©e si elle est trĂšs discrĂšte. Angela nous rĂ©gale de sa joie dĂ©bordante Ă nous accueillir et de ses histoires trĂ©pidantes de jeune militante de 50 ans. Elle a rejoint le mouvement il y a peu de temps et a rĂ©ussi Ă reprendre de lâĂ©lan aprĂšs une dĂ©pression. Dans la foultitude de parcelles et de cabanons plus ou moins soignĂ©s de PĂĄtria Livre, le petit foyer dâAngela dĂ©tonne. Vu de lâextĂ©rieur rien de spĂ©cial Ă signaler : des montants en bambou, des parois en vieilles plaques de bois et un toit de taule. Mais Ă lâintĂ©rieur câest le « tout confort » : deux chambres, une cuisine tout Ă©quipĂ©e, une jolie salle de bain, des rideaux et tissus dâornement, le tout parfaitement organisĂ© et⊠lâĂ©lectricitĂ© ! Elle nous montre avec fiertĂ© lâappareil qui, reliĂ© Ă un tout petit panneau solaire, lui sert de radio, de chargeur de tĂ©lĂ©phone, et alimente les trois ampoules de la maison. Pour le dĂźner, quâelle nous laisse prĂ©parer avec beaucoup de curiositĂ© pour la « cozinha francesa », yâa quâĂ se servir dans le jardin. Angela exulte en nous racontant lâoccupation massive du siĂšge de NestlĂ© par des femmes du MST, le 8 mars dernier, pour dĂ©noncer la privatisation de rĂ©serves dâeau en cours de nĂ©gociation avec le gouvernement. Une destination inconnue jusquâĂ la derniĂšre minute, 600 militantes rĂ©parties dans une dizaine de cars, une marĂ©e de t-shirts et casquettes rouges, des visages couverts, une journĂ©e dâoccupation qui a permis de rĂ©aliser une belle communication sur le sujet, dâobliger NestlĂ© Ă rĂ©agir et de laisser quelques traces de leur passage.
Les PataxĂŽs
Peu aprĂšs la crĂ©ation de lâacampamento le mouvement invite une communautĂ© native de PataxĂŽs Ă occuper une partie de la zone. Ces derniers se sont vus prendre leurs terres de lâĂ©tat de Bahia par des cumulards de lâagro-industrie. A 200 mĂštres du campement, treize familles de PataxĂŽs se sont donc ainsi installĂ©es aux abords de la riviĂšre, au milieu des arbres, profitant ainsi de la fraĂźcheur et de la discrĂ©tion de la forĂȘt. Ils crĂ©Ă©nt lâaldeia NaĂŽ XohĂŁ, qui signifie esprit guerrier. Sâils prĂ©servent un mode de vie isolĂ© et de fortes traditions, pour lâessentiel ils sâhabillent Ă lâoccidentale et parlent portugais. Leurs habitations mĂȘlent des sortes de yourtes en bois Ă des cabanes de type mobile-home construites avec la contribution dâune ONG du coin. MenĂ©s par AngorrĂŽ, leur cheffe dĂ©tonante de fougue et de prĂ©sence, ils sont Ă peine installĂ©s quâils sâapprĂȘtent Ă attaquer en justice lâentreprise miniĂšre voisine qui dĂ©verse ses effluents polluĂ©s dans la riviĂšre. AprĂšs un accueil chaleureux et une visite des lieux, on se rĂ©fugie de la pluie sous le toit de la grande cuisine collective. On Ă©change quelques graines, on se fait tatouer avec du jenipapo -une teinture noire Ă base de graines-, David se fait soigner sa fiĂšvre par une puissante application Ă base dâail, on contemple les superbes poteries tout juste reçues de la part dâune aldeia du nord du pays. On a mĂȘme le droit Ă quelques chants traditionnels. Au cours de la discussion on apprend quâils nous ont laissĂ© entrer dans lâaldeia car ils sentaient en nous des esprits amis. La classe.
Ce nâest quâĂ quelques kilomĂštres de lĂ que, le 5 novembre 2015, le barrage de FundĂŁo a cĂ©dĂ© en dĂ©versant ses millions de mĂštre cube de boue toxique dans le Rio Doce. Cette catastrophe environnementale est considĂ©rĂ©e comme la plus grave dans lâhistoire du BrĂ©sil. Elle a enseveli trois villages, faisant 19 morts et laissant 1200 personnes sans logement. La boue sâest propagĂ©e sur les 663 km de fleuve avant dâatteindre la mer, dĂ©truisant lâĂ©cosystĂšme du fleuve et ravageant lâĂ©conomie locale des villages qui dĂ©pendaient de la pĂȘche. Au total 500 000 personnes ont Ă©tĂ© affectĂ©es. Samarco, lâentreprise responsable, nâa pour lâinstant payĂ© que 1,5% des amendes auxquelles elle a Ă©tĂ© condamnĂ©e.
Comme dit lâun des slogans les plus fameux du MST :
PĂĄtria livre ! Venceremos !
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Foires annuelles de la réforme agraire de Rio et de Belo Horizonte - décembre 2018
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Nos premiers pas : les foires du MST
Passa lĂĄ na Feira da Reforma AgrĂĄria do MST, vai dar pra encontrar com a galera dos acampamentos" -Venez Ă la foire de la RĂ©forme Agraire, vous pourrez y rencontrer des gens des acampamentos (terres occupĂ©es). C'est ce que nous a rĂ©pondu RaonĂ, coordinateur de la production du MST dans l'Ă©tat de Rio, quand on lui a expliquĂ© avec notre belle naĂŻvetĂ© que nous Ă©tions au BrĂ©sil pour nous immerger dans leur lutte et que nous avions hĂąte d'aller sur un acampamento. On espĂ©rait qu'il nous filerait un contact... RaonĂ est la premiĂšre personne du MST que nous avons croisĂ©e, le lendemain de notre arrivĂ©e, lors de notre visite Ă l'ArmazĂ©m do Campo (l'EntrepĂŽt des Champs), un magasin paysan rĂ©cemment ouvert par le mouvement dans le centre de Rio. On a compris son approche prudente, mais on n'imaginait pas qu'il nous faudrait si patiemment tisser des liens pendant trois jours de foire Ă Rio et remettre ça dans la foulĂ©e Ă Belo Horizonte pour enfin ĂȘtre formellement invitĂ©s sur un acampamento. Nos interlocuteurs successifs, rencontrĂ©s au grĂ© des prĂ©sentations, sont chaleureux et enthousiastes. Ils semblent nĂ©anmoins s'assurer tranquillement que l'on rencontre quelques personnes clĂ©s et que l'on soit clair sur nos intentions avant de nous ouvrir les portes de leur utopie subversive. As Feiras Estaduais da Reforma AgrĂĄria Les Foires de la RĂ©forme Agraire, ce sont les grands Ă©vĂ©nements publics organisĂ©s chaque annĂ©e, au coeur des capitales rĂ©gionales, par les coordinations du MST de chaque Ă©tat du pays. On y trouve trois jours durant des dizaines d'Ă©tales d'acampamentos et assentamentos (terres conquises) qui y valorisent leurs productions agroĂ©cologiques brut ou transformĂ©es, des stands d'artisans amis du mouvement, de la bonne comida da roça (cuisine campagnarde) -y compris une grande cuisine gratuite, un peu en retrait, pour les gens du mouvement et les dĂ©muni.e.s de passage-, des espaces de sensibilisation aux questions de santĂ© et d'Ă©ducation et une grande scĂšne ou se succĂšdent prises de paroles militantes et artistes engagĂ©.e.s aux cĂŽtĂ©s du mouvement. La mise en place est soigneusement travaillĂ©e avec des banderoles arborant reprĂ©sentations de militant.e.s sans terre disparu.e.s ou assassinĂ©.e.s, idoles de la lutte des opprimĂ©.e.s (Frida Kalo, Che Guevara, Simon Bolivar...) et slogans du mouvement:
"Nous semons et alimentons la résistance", "Nous sommes tous des Sans Terre","Nous sommes comme les gouttes d'eau, c'est ensemble que nous avons de la force", "Sans féminisme il n'y a pas d'agroécologie", "A chaque assassinat dans les campagnes germent de nouvelles graines de lutte", "Le patriarcat détruit, le capitalisme est en guerre, les LGBT sont aussi des Sans Terre", "Quand la campagne et la ville s'unissent, les bourgeois faiblissent"... [..."Lula libre": et oui, bien que la réforme agraire n'ait pas plus avancé via les institutions sous Lula ("ça créerait une guerre civile", avons-nous entendu), et que le capitalisme ait continué de progresser à une vitesse efreinée, le travail réalisé par le PT pour renforcer les droits des minorités est largement salué au sein du MST, dont le PT constitue par ailleurs un allié historique. Et quand on voit ce qui attend le mouvement, on peut comprendre qu'il ait mis beaucoup d'énergie à soutenir une nouvelle candidature de Lula.]
La foule est dense, l'Ă©nergie des concerts est transportante. Les nombreuses prises de parole, en majoritĂ© par des femmes, Ă©galement par des reprĂ©sentants LGBT, sont impressionnantes par leur diversitĂ© et leur dĂ©termination. Dans un contexte de choc politique et de peur gĂ©nĂ©ralisĂ©e, les leaders du mouvement donnent du coeur pour prĂ©parer une nouvelle phase de rĂ©sistance. Dans leurs mots, on comprend que le MST reprĂ©sente quasiment Ă lui tout seul notre fameuse "convergence des luttes": rĂ©forme agraire populaire, agroĂ©cologie, fĂ©minisme, dĂ©fense des droits des LGBT, synergie avec les luttes des noirs et des indïżœïżœgenas -les quilombos, communautĂ©s de descendants d'esclaves fugitifs et les aldeias, communautĂ©s indigĂšnes, sont souvent liĂ©es au MST. Le mouvement tisse Ă©galement un lien Ă©troit entre opprimĂ©.e.s des villes et des campagnes: les luttes urbaines sont soutenues logistiquement, les citadins prĂ©caires sont appelĂ©s Ă rejoindre (et rejoignent effectivement) les occupations, et le MST est ouvertement soutenu par de grands syndicats ouvriers. Enfin, les orateurs nous rappellent souvent que la transformation radicale de la sociĂ©tĂ© qu'ils opĂšrent depuis plus de 30 ans ne pourra continuer Ă avancer qu'en poursuivant les efforts d'Ă©ducation populaire et politique via le "travail de base" du mouvement (alfabĂ©tisation, Ă©coles, universitĂ©s...). Bref, le MST s'inscrit fondamentalement en faux avec le capitalisme et tous ses corollaires de domination.
Difficile de transcrire avec des mots la force politique qui se dégage de ces foires, en particulier celle de Belo Horizonte (plus grande, plus ancienne, plus organiséee). C'est ce souffle, toujours aussi rebelle et populaire aprÚs trois décennies d'existence, qu'est venu chercher un copain de Terre de Liens croisé sur place pour tenter d'en insuffler à cette organisation emblématique qui a tendance, comme beaucoup d'autres, à s'institutionnaliser. Bref on est sous le charme et épatés par la vitalité et la capacité d'organisation que dégage le MST à travers ces événements publics. A quand le revers de la médaille? Une réforme agraire populaire en France? On a recroisé Raonà à la foire de Rio et on a réussi, au milieu de la grande agitation du lieu, à lui arracher quelques minutes pour bavarder tranquillement. Au cours de la discussion il nous lance: "Je suis passé en France il y a peu: vous avez aussi beaucoup de Sans Terre." Malgré des différences colossales entre nos pays, il dit vrai, et on est heureux de l'entendre de sa part. En France, combien de personnes sont contraintes depuis des décennies à abandonner leurs terres par l'industrialisation de l'agriculture et l'agrandissement des exploitations? Et combien de personnes sont en difficulté d'accÚs au foncier pour des projets salutaires de retour à la terre? Contrairement aux immenses friches du Brésil jalousement gardées par les latifundiårios à des fins spéculatives, les terres françaises sont quasiment toutes exploitées. Mais une nouvelle réforme agraire, paysanne et écologique, n'est-elle pas néanmoins nécessaire? Indiscutablement. Peut-on espérer provoquer une évolution de ce type via les institutions? Rien n'est moins sûr.
Des copains et copines nous montrent déjà des voies à suivre en Europe.
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Les soeurs jumelles de la Terre Promise
Les yeux pĂ©tillants, Mirian nous raconte avec espiĂšglerie comment elles ont occupĂ© le siĂšge de Globo, le TF1 brĂ©silien, pendant 3 jours avec des centaines dâautres femmes sans terre pour protester contre la manipulation mĂ©diatique du procĂšs de Lula, jugĂ© et condamnĂ© Ă 10 ans de prison pour supposĂ©s faits de corruption.
âOn Ă©taient lĂ pour protester, on a rien cassĂ©!...sauf le dernier jour (rires)!â
Miria et Mirian ont quittĂ© leur travail, leur mari, et leur vie toute tracĂ©e pour sâinstaller dĂ©but 2018 dans lâacampamento Terre Promise dans la rĂ©gion Baixada Fluminense, lâimmense banlieue de Rio de Janeiro, qui devient prairie lorsquâon se rapproche de la rĂ©gion Serrana. Ces femmes, dâune Ă©nergie et dâun optimisme surnaturel, rejoignent le Mouvement des Petits Agriculteurs (MPA) et le militantisme en 2015, en plein dans le mouvement de contestation au BrĂ©sil. Elles obtiennent un âlopin de terreâ de 6 ha tout de mĂȘme, oĂč elles construisent leur âbarracaâ, un patchwork de planches de bois, tiges de bambous, briques de terre, bĂąches plastiques et amiante. FiĂšres de retrouver leurs origines paysannes (la roça) et de pouvoir reconnecter avec leur hĂ©ritage Puri, pour la premiĂšre fois elles mĂšnent leur vie comme bon leur semble.
Tout en prĂ©parant des coxinhas de manioc dans leur cuisine au feu de bois, âcomida da roça criança!â, Miria nous explique lâobjet de notre mission : la construction dâune cabane en torchis Ă multiple fonctions - stockage et conservation de semences, accueil de groupes de parole de sans terre, des formations, cabane pour les copains et copines en visite...oui, elles ont plein dâidĂ©es nos amies et parfois ça part un peu dans tous les sens.
Esti, une basque qui sây connait en bio-construction, mĂšne le chantier et rappelle Ă lâordre nos hĂ©roĂŻnes qui saisissent toutes les opportunitĂ©s pour conter, chanter et danser, mais le chantier doit avancer! On passe ainsi 3 jours Ă couper et fixer du bambou, Ă se raconter des histoires, enduits dans un mĂ©lange de paille, de terre et dâeau.
Sem o feminismo não ha réforma agraria!
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Petite intro au Mouvement des Sans Terre (MST)
Le Brésil est le pays qui présente le taux de concentration fonciÚre le plus important au monde.
- 1% des latifundistes dont les propriĂ©tĂ©s dĂ©tenues dĂ©passent les 1000 hectares se partagent 45% de la surface agricole disponible (en France 17% des exploitations sont supĂ©rieures Ă 100 hectares et reprĂ©sentent 36% de la surface agricole, elles sont considĂ©rĂ©es comme des trĂšs grandes exploitations). Dans lâĂ©tat de Mato Grosso certaines de ces propriĂ©tĂ©s dĂ©passent les 10 000 hectares (un petit dĂ©partement de lâĂźle de France quoi).
Seul 15% de ces terres sont mises en culture, la majoritĂ© sous la forme de cĂ©rĂ©ales destinĂ©es Ă lâexport pour lâalimentation animale. Le reste, en friche, est laissĂ© Ă la spĂ©culation fonciĂšre. En effet sur les 353 millions dâhectares de surface agricole au BrĂ©sil, seul 52 millions sont exploitĂ©es (par lâagriculture conventionnelle).
- 50% des agriculteurs paysans disposent de moins de 10 hectares et se partagent 2% de la surface agricole du pays.
Ceci est le rĂ©sultat dâune longue histoire coloniale qui dure toujours. Du temps des colonies, les terres Ă©taient propriĂ©tĂ© de la couronne portugaise, lâusufruit des terres Ă©tait rĂ©parti entre quelques sesmeiros, des capitaines hĂ©rĂ©ditaires qui usaient de la force des indigenas e africanos esclaves pour une production unique et homogĂšneâŠla canne Ă sucre ! Puis les europĂ©ens se sont mis Ă fumer, et donc de la canne on est passĂ©s au tabac, puis du tabac au cafĂ©, et de lĂ au caoutchoucâŠpour arriver aujourdâhui Ă la premiĂšre production de soja et deuxiĂšme production de viande dans le monde. Et tout cela en arrosage massif de produits bayer et monsanto, le glyphosate nâĂ©tant que lâenfant de cĆur des pesticides utilisĂ©s au BrĂ©sil.
La crise de la fin du millĂ©naire mit en Ă©vidence lâinsĂ©curitĂ© alimentaire dans laquelle vivait les BrĂ©siliens. AprĂšs les rĂ©formes structurelles des annĂ©es 90, 450 mille familles paysannes durent abandonner leur terre au profit des banques. Aujourdâhui le pays privilĂ©gie toujours lâexportation de produits agricoles Ă lâautosuffisance alimentaire. Ainsi avant la mise en place de programmes sociaux sous la mandature de Lula, 25% de BrĂ©siliens vivaient sous le seuil de pauvretĂ©. La rĂ©forme agraire au BrĂ©sil nâa cependant jamais pu aboutir dans les faits : manque de volontĂ© politique ou encore pression des latifundistes⊠et encore moins sous la mandature du duo Lula-Dilma durant laquelle lâagro-industrie ne sâest jamais aussi bien portĂ©e.
Sur le terrain, ce contexte est fĂ©roce pour les pauvres et les minoritĂ©s : Ă©viction et massacre des autochtones, dĂ©forestation massive, pollution des sols et des cours dâeau par lâagro-industrie, esclavage Ă peine dĂ©guisĂ© des ouvriers de lâagroalimentaire, mĂ©pris du bien-ĂȘtre animal, rĂ©pression de la contestation et des militant.e.s (notamment via des assassinats rĂ©guliers, le plus emblĂ©matique de ces derniers temps Ă©tant celui de Marielle Franco, femme noire lesbienne, conseillĂšre municipale de Rio de Janeiro et devenue un symbole de la lutte des minoritĂ©s).
Dans ce contexte dâinjustice sociale et de violence Ă©tatique le MST lutte sans relĂąche :
OCUPAR : Parce que la terre est un bien commun !
Vous lâavez compris, la rĂ©forme agraire au BrĂ©sil ne se fera pas par les institutions. Le MST considĂšre que la lutte pour la rĂ©forme agraire passe nĂ©cessairement par lâoccupation des terres pour lâinstallation de familles. HĂ©ritage des quilombos, les communautĂ©s formĂ©es par les esclaves noir.e.s Ă©chappĂ©.e.s, les communautĂ©s du MST sont peuplĂ©es par les travailleur.e.s pauvres, les oubliĂ©.e.s, les opprimĂ©.e.s, les discriminĂ©.e.sâŠbref tout.e.s les renĂ©gats du capitalisme.
La stratĂ©gie du MST sâappuie cependant sur quelques lois, notamment la Loi n°4504 qui Ă©tablit les conditions dâexpropriation (avec indemnisation par lâĂ©tat) de terres sous-utilisĂ©es et soumet la propriĂ©tĂ© de la terre Ă une fonction sociale obligeant ainsi lâĂ©tat Ă cartographier ces terres improductives. Les occupations sâappuient sur ces cartes pour lĂ©gitimer leur action. Elles donnent lieu Ă des acampamentos lesquelles, aprĂšs expropriation Ă©ventuelle des latifundistes, deviennent des assentamentos.
Grùce aux actions du MST plus de 350 mille familles ont été installées depuis 1984.
PRODUZIR : Parce que la terre est nourriciÚre et non spéculative
Le MST dĂ©fend une agriculture saine et respectueuse de lâenvironnement, la trĂšs grande majoritĂ© des cultures est donc garantie sans toxiques â et absolument TOUT est produit : des lĂ©gumes verts au tubercules de toutes sortes, de la cachaça au cafĂ©, de la vannerie aux produits de soins naturels⊠Produire selon les principes de lâagro-Ă©cologie est aussi une maniĂšre de reconnecter avec les traditions des peuples natifs.
RESISTIR : Porque o MST ! A luta Ă© pra valer !
Le MST avance sur plusieurs fronts : lâĂ©ducation, la santĂ©, le bien-vivre, lâalimentation, la paysannerie, lâengagement politique, le fĂ©minismeâŠagir avec les communautĂ©s rurales comme urbaines pour faire corps, se former en tant que collectif uni et solidaire, et se prĂ©parer Ă rĂ©sister Ă la rĂ©pression pour renverser lâordre Ă©tabli.
Le MST sâattaque donc Ă la spĂ©culation fonciĂšre mais aussi au racisme, au patriarcat, aux violences de genre, bref Ă toutes les formes de domination. Sur les sillons de Freire et de la thĂ©ologie de la libĂ©ration les thĂ©ories du MST nous amĂšnent Ă considĂ©rer tous les opprimĂ©s de ce monde comme des sans terre.
La vie au quotidien dans la brousse est rude, et la lutte est dangereuse : en moyenne depuis 1984 un.e militant.e du MST est tué.e chaque semaine, souvent en toute impunité.
Depuis quelques temps la vague répressive grossit, les perspectives pour 2019 sont sombres, mais les sans terre sont déter et ils ne lùchent rien.
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Bolsonaro : "mais pourquoi?! et maintenant?!"
Petite introduction au contexte actuel tel que nous le percevons avec les informations et discussions que nous avons eues depuis notre arrivĂ©e : Jair Bolsonaro prendra la prĂ©sidence du BrĂ©sil au 1er janvier 2019. Son Ă©lection fait suite Ă un long processus de polarisation extrĂȘme de la sociĂ©tĂ© civile alimentĂ©e par les partis politiques et les mĂ©dias dominants, sur fond de gigantesques affaires de corruption et de dĂ©bat sĂ©curitaire. Pendant 14 ans, Lula puis Dilma Rousseff, du Parti des Travailleurs (PT), avaient rĂ©ussi Ă rester au pouvoir en associant 1) un soutien inĂ©dit aux classes populaires (accĂšs aux droits et Ă l'universitĂ©, allocations familiales, accĂšs au crĂ©dit...), qui sortaient un peu la tĂȘte de l'eau et entraient Ă leur tour dans le grand marchĂ© de la consommation, 2) une intĂ©gration des leaders des syndicats et des mouvements sociaux dans l'appareil du pouvoir qui avait permis d'attĂ©nuer les revendications, et 3) une politique Ă©conomique libĂ©rale qui permettait aux Ă©lites Ă©conomiques de poursuivre leur enrichissement, notamment via un fort dĂ©veloppement de l'extractivisme (minerais, pĂ©trole...) et de la filiĂšre agroindustrielle. Le tout dans une alliance politique contrainte et permanente avec le PMDB, grand parti conservateur de centre-droite. La pĂ©riode de pouvoir du PT a Ă©galement Ă©tĂ© marquĂ©e par une forte montĂ©e en gamme des moyens sĂ©curitaires, justifiĂ©e par les grands Ă©vĂ©nements sportifs (Coupe du Monde, Jeux Olympiques...), et caractĂ©risĂ©e notamment par la crĂ©ation de nouvelles forces de police (ex: les unitĂ©s de "pacification" des favelas) et la mise en place d'un dispositif lĂ©gislatif et de surveillance "anti-terroriste". Cela est Ă mettre dans le contexte de forces de police trĂšs fortement corrompues et impliquĂ©es dans les trafics d'armes et de drogues. Anecdote: en passant Ă Cantagalo, une favela de la zone sud de Rio, on a croisĂ© une voiture de "police pacificatrice" et 50 mĂštres plus loin des traficants armĂ©s protĂ©geant leur point de vente. MalgrĂ© des intĂ©rĂȘts convergents et des alliances avec la politique du PT, les Ă©lites politiques historiques ont Ă©videmment toujours cherchĂ© Ă reprendre le pouvoir. AprĂšs diffĂ©rentes tentatives avortĂ©es, c'est le gigantesque scandale de corruption "Lava Jato" qui leur a permis de rafler la mise. Cette affaire, qui implique Ă peu prĂšs tous les partis politiques du pays, a Ă©tĂ© finement utilisĂ©e pour monter une campagne de dĂ©sinformation politico-mĂ©diatique attisant chez une partie de la population un sentiment de haine viscĂ©rale vis-Ă -vis du PT, de Lula et de Dilma. Cette campagne a conduit Ă lĂ©gitimer publiquement en 2016 le "coup d'Ă©tat institutionnel" (destitution par le parlement) contre Dilma Rousseff, pourtant Ă©pargnĂ©e personnellement par le scandale du "Lava Jato". Le Vice-prĂ©sident Michel Temer, du PMDB, prend alors la prĂ©sidence du BrĂ©sil et entame un processus radical de dĂ©tricotage du droit du travail et du systĂšme de protection sociale, ainsi que de coupes franches dans les allocations familiales (Bolsa FamĂlia) mises en place sous Lula. Sauf que ce dernier, malgrĂ© les accusations de corruption dont il fait l'objet, est toujours une icĂŽne forte chez les classes populaires et se trouve en tĂȘte des sondages pour les Ă©lections prĂ©sidentielles de 2018. Aux cĂŽtĂ©s de nombreuses personnalitĂ©s politiques jugĂ©es suite au "Lava Jato", Lula Ă©cope de 10 ans de prison et se voit dans l'impossibilitĂ© de se prĂ©senter aux Ă©lections malgrĂ© de vastes mobilisations rĂ©clamant sa libĂ©ration en tant que "prisonnier politique". Le juge Moro, qui l'a condamnĂ©, a Ă©tĂ© annoncĂ© comme futur ministre de la justice par Jair Bolsonaro. Pendant toute la campagne Ă©lectorale le pays a continuĂ© son processus de polarisation extrĂȘme entre les pro-PT et les anti-PT, alimentĂ© par les infos-spectacle des mĂ©dias dominants et par de vastes opĂ©rations de dĂ©sinformations/diffamation via les rĂ©seaux sociaux. Pendant que la droite historique et Michel Temer sombraient Ă©galement dans l'opinion publique Ă cause des scandales de corruption, les anti-PT ont pu voir dans l'arriviste Jair Bolsonaro, appuyĂ© par certains hauts dignitaires catholiques et surtout par les trĂšs puissantes Ă©glises Ă©vangĂ©listes, quelqu'un Ă mĂȘme de remettre le pays sur les rails de la morale chrĂ©tienne en luttant contre la corruption et l'insĂ©curitĂ©... ou a minima un vote utile pour se dĂ©barasser du PT. Tous les gens avec qui nous avons Ă©voquĂ© le sujet Ă Rio nous ont dit que quelqu'un de leur famille s'Ă©tait mis Ă soutenir Bolsonaro: il fallait se positionner, et le PT n'Ă©tait plus une option pour bon nombre de BrĂ©siliens. MalgrĂ© ses sorties ouvertement fascistes (jouant sur une nostalgie de la rĂ©cente dictature), racistes, homophobes ou mysogines, Bolsonaro a obtenu le vote de 60 millions de brĂ©siliens (54% des suffrages exprimĂ©s au deuxiĂšme tour, avec seulement 20% d'abstention), y compris au sein des minoritĂ©s qu'il cible directement. Le phĂ©nomĂšne Ă©lectoral a Ă©tĂ© le mĂȘme dans l'Ă©lection concomittante des dĂ©putĂ©s fĂ©dĂ©raux et gouverneurs d'etats. La campagne politico-mĂ©diatique anti-PT, appelant Ă une transformation radicale du pays, a fonctionnĂ©. Le fascisme, qui avait pris le contrĂŽle de nombreux Ă©tats d'AmĂ©rique Latine pendant les annĂ©es 60-70 via des coups d'Ă©tat militaires (soutenus par la CIA), arrive aujourd'hui au pouvoir par les urnes. Elle est pas belle la dĂ©mocratie? Et maintenant? Les sympathisants de gauche, militants de mouvements sociaux et groupes autonomes que nous avons rencontrĂ©s sont dĂ©sormais dans l'expectative. Quel sera le niveau de rĂ©pression qui va s'abattre sur les dissidents? Si les exactions et assassinats par la police et les milices armĂ©es n'ont jamais cessĂ©, en particulier dans les favelas et chez les paysans et indigĂšnes luttant pour la terre, elles semblent s'accĂ©lĂ©rer depuis la destitution de Dilma Rousseff. Au-delĂ des actions "lĂ©gales" agressives qui seront commanditĂ©es directement par l'Ă©tat (expulsions, arrestations, interventions armĂ©es...), il faut s'attendre Ă ce que les juges conservateurs se sentent plus libres de condamner lourdement les opposants, et qu'un sentiment d'impunitĂ© encourage un recours croissant Ă des milices privĂ©es par les propriĂ©taires terriens et les multinationales souhaitant se dĂ©barrasser de minoritĂ©s gĂȘnantes (populations indigĂšnes, paysans sans terre, jeunes favelados...). Il s'agit donc de renforcer, de maniĂšre inĂ©dite depuis la fin de la dictature il y a 30 ans, une capacitĂ© de rĂ©sistance politique et physique. Si beaucoup de militants semblent encore paralysĂ©s et incrĂ©dules suite Ă ce choc Ă©lectoral, on a senti une confiance dans la capacitĂ© de rĂ©sistance et de solidaritĂ© collective. On a aussi entendu dire que Bolsonaro Ă©tait si stupide et inculte qu'il ne serait pas aussi dangereux qu'on le penserait en Ă©coutant ses discours. Mais quel que soit le niveau de la rĂ©pression menaçant les dissidents, le BrĂ©sil s'apprĂȘte Ă vivre des rĂ©formes Ă©conomiquement trĂšs libĂ©rales et socialement trĂšs conservatrices, qui vont tenter de venir Ă bout des progrĂšs sociaux acquis sous Lula et permettre l'accĂ©lĂ©ration de la destruction bien entamĂ©e des Ă©cosystĂšmes du pays. Etant donnĂ© le niveau de polarisation du pays, le climat d'agitation politique des derniĂšres annĂ©es et l'impopularitĂ© des rĂ©formes Ă venir, il semble inĂ©luctable que le BrĂ©sil aille vers de vastes mouvements de contestation... qui seront trĂšs sĂ©vĂšrement rĂ©primĂ©s. L'armĂ©e est dĂ©jĂ intervenue plusieurs fois ces derniĂšres annĂ©es, y compris sous Dilma, pour "maintenir l'ordre" suite Ă de grandes manifestations (qui ont par ailleurs obtenu de petites victoires). En 2017 Ă BrasĂlia des balles rĂ©elles ont Ă©tĂ© tirĂ©es sur la foule, faisant plusieurs blessĂ©s graves. Avec ce nouveau gouvernement, les perspectives sont inquiĂ©tantes.
Restons attentifs et disponibles, les Brésiliens vont avoir besoin de beaucoup de soutien.
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