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Je suis l'enfant maudite qui marche dans la nuit, traverse le couloir à tâtons doucement et entrouvre les portes des chambres interdites. Moi seule possède les clefs de ces pièces poussiéreuses aux grands lits jumeaux trônant dans chacune d'elles. Les rideaux riches et lourds ne sont plus que lambeaux où se glissent les rayons d'un soleil pâle comme lune. Toujours je viens ici et mes pas évoluent vers les tapis brodés, dansant toute la nuit durant à m'en brûler les pieds, nus et sales, sans jamais parvenir à m'arrêter avant que vienne l'aube salvatrice qui estompe alors la musique affolante. La petite musique si douce et rassurante à nos oreilles lorsque nous l'entendons pour la première fois, que nul ne saurait se retenir de l'écouter encore et encore jusqu'à s'enivrer, jusqu'à une overdose de l'esprit, jusqu'à la déraison la plus totale. Ensuite, avec le jour, naît le requiem, messe des morts en hommage à cette défunte nuit qui toujours ressuscite quand nous quitte le soleil. Admirable jour, éternellement pur et empli de bonté, tu offres à la nuit tout ce que tu as, cette merveilleuse mélodie qui chaque fois se fait neuve et envoûtante.
Ainsi la rosée fond lentement sur ma langue, comme une confiserie colorée et sucrée, et bientôt la soif me dessèche et m'affaiblit, me laissant crier au sol, implorant encore cette liqueur sucrée, lent poison de douceurs.
« L'enfant maudite est folle » déclarent les voix d'un jour, finalement pas si bon pour juger ainsi une petite fille irraisonnée. Alors je pense doucement, laissant bouger mes lèvres sans prononcer les mots, que ce sont eux les fous. Oui, car qui dicte les lois de la normalité et de l'équilibre de l'esprit? Dans mon monde, ils sont tous étranges, mais moi, je me sens juste normale et ce depuis toujours, et d'un petit sourire espiègle je pourrais les faire tous disparaître si je ne craignais tant la solitude.
Je ne conserve finalement qu'un seul de tous ces fous, une petite fille qui me ressemble comme un miroir un peu sale, mais c'est moi le reflet. Elle est l'enfant bénie qui brille comme un ange et son sourire rempli d'un sang fluide et chaud, d'une légère allégresse, tous les cœurs asséchés. Maintenant sa jupe, elle me salue d'une gracieuse révérence.
D'un charmant rire perlé elle saisit ma main moite et m'entraîne vers une chambre close, juste à la nuit tombée. C'est la seule chambre dont je ne possède pas la clef, celle qui se trouve en haut des escaliers, dans l'ombre inquiétante de l'inconnu. L'enfant bénie tire de son petit corsage une large clef de métal froid, liée à son cou par un ruban de velours noir, puis ouvre l'imposante porte de la chambre. Les mûrs y sont d'un rouge ardent finement brodé d'or et un lit aux proportions démesurées occupe la majeur partie de la pièce. Il me semble profaner le boudoir d'une marquise morte un jour de chagrin, dont le spectre pleure encore quelque part dans l'ombre.
J'ignore qui a bénie cette enfant, comme j'ignore qui m'a maudite, mais ce soir pour la première fois mes pas ne me conduisent pas à une danse infernale et douloureuse. Alors si je pouvais la bénir moi même, je le ferais. Elle n'a plus lâché ma main toujours plus moite depuis qu'elle l'a saisie, et doucement elle me pousse devant une petite coiffeuse de bois sculpté. Je m'assois sur le siège face au grand miroir et seulement alors elle lâche ma main pour saisir un peigne de nacre blanc. Délicatement, elle le passe dans mes longs cheveux défaits, je pourrais m'asseoir dessus. Nos visages se rapprochent dans le reflet de la coiffeuse puis quatre regards se croisent sans plus savoir qui regarder, en un sursaut le peigne tombe au sol. Ses mains enfantines parcourent mes épaules nues, découvrent ma poitrine et caressent tendrement mes petits seins naissant. Ma robe tombée au sol n'est plus qu'une coquille vide dont nul ne se soucie, belle dépouille oubliée. D'un souffle imperceptible renait mon petit corps, parcouru de frissons jusqu'alors inconnus, me voici nue, offerte, sur le lit d'une dame. Ma sœur, mon amante, couchée auprès de moi serre d'une étreinte de vie ma chair éveillée, puis doucement s'abreuve de mon humidité, doux nectar, source nouvelle mais déjà abondante. Les bras le long du corps s'animent doucement et je laisse ma main tremblante parcourir sa silhouette, caresser cette étoffe qui la recouvre encore et rechercher l'ouverture vers son intimité. Elle est mon reflet, je la connais par cœur. Indissociables à présent, maudite ou bénie, vêtue ou dévêtue, qu'importe. Le miroir se meut et se fond, la glace se brise en milles éclats de verre lorsque l'ultime cris transperce le silence. Un cris pour deux gorges, puis plus rien.
Au matin, elle marche dans la lumière, gravit l'escalier qui monte vers l'éternité, avant de disparaître sous des nuages imaginés. Elle est l'enfant bénie qui disparaît dans la lumière. Je suis l'enfant dénudée qui ce soir dansera à nouveau jusqu'à l'aube.
L'aube n'est jamais revenue.
#victor#lizzie#victor lunel#lizzie saint septembre#texte#vanité#enfant#maudite#benie#miroir#reflect#gemeaux#dualité
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Bel enfant du monde
Saisis cette main tendue vers toi
Elle t'entraînera dans ma course folle
Vers l'étoile du berger
Belle Venus enneigée
Ce soir, allons contempler les lumières
Des rues en fête et de l'hiver
La nuit nous appartient
Nul autre ne la tient
Personne ne la veut
Ce soir
Bel enfant de la nuit
Prends ce corps offert à toi
Au gré de tes caprices
Les plus osés et les plus fantasques
Épuise-le de fantasmes
Vide-le de moi
Et souille-le de toi
Cette leçon de piano sur mon corps exaltant
Trempé sans nuages d'une pluie de soupirs
Torture mes gémissements jusqu'au petit jour
Intenable tourmente, implosant pour
L'exquise chaleur de ta belle substance
Inondant brusquement mon bas-ventre
Cette nuit
Bel enfant de l'aube
Naissant au creux des draps
Tes cheveux sous mes doigts
Tes songes étaient aux rois
Et mes yeux endormis pleurent
Ta fuite accablante et furtive
Sous une absurde bruine austère
Au souvenir de cette apparition
À peine crédible
Juste irréelle
Ce matin
Tu es là
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Été 2009 - Les Cailloux
Encore une journée à baptiser chaque petit caillou devant la maison, à écrire mille noms différents sans jamais pouvoir terminer. Puis, à cours d'inspiration, je trace les lettres de mon prénom au feutre bleu, encore et encore, je veux être certaine de pouvoir me retrouver, ne pas me perdre dans ce lieu inconnu.
Le second jour déjà court à sa fin, il me semble avoir à peine eu le temps de me lever, vêtue d'une courte robe framboise je m'assois là, sur ce canapé bleu, et laisse retentir les notes de piano dans la vaste maison, comme j'aimerais savoir jouer ! Mais ce n'est que musique enregistrée, pâle copie de notes artificielles, sublimes à l'origine. Elle court, et m'envole vers des pensées lointaines, moi, partie si loin des habitudes pour oublier ce qui ronge l'âme. Alors je songe encore à l'amant aimé, au garçon volage et au jeune homme d'une nuit, ils sont les ombres de mes tourments, brûleurs de raison. Que fait-il à présent? Pourra-t-il un jour se souvenir de moi? Et ce petit pianiste dont les mains s'affolent sur l'instrument, à quoi pense-t-il quand il joue? Je peux l'imaginer libre et défoul�� lorsque le public l'admire les yeux fermés, puis triste et solitaire lorsqu'il se relève pour saluer, avec pour seule mélodie celle des applaudissements, suivis d'un silence pesant.
Je pourrais avoir quatre ans, comme je pourrais en avoir cent, je cours éternellement à travers le jardin sur l’herbe humide d’un soir d’été, et ma robe légère vole chaque fois que mes pas s’envolent, dévoilant légèrement mes cuisses, un peu de ma culotte. Au cœur de cette soirée que l’alcool rend étrange, sa voix m’appelle tout doucement et murmure au creux de mon oreille les mots doux que je n’attendais plus, attention inespérée qui m'emplie d'allégresse, elle est comme la voix de Dieu. Mais comme chaque fois que la joie retentit, une sorte de petit Cupidon hargneux viens poignarder mon cœur de glace et je laisse sa lame de fer rouge vaincre mon âme lasse. Traitre petite amie qui embrasse la haine dans un baiser drogué, je te regarde de loin, cachée derrière la fenêtre. Tu me vois finalement, et me cris quelque mots que je ne peux traduire à travers un musique bien trop bruyante. Je m’en vais comme tu m’agaces et me rends triste, et tu reviens m’offrir tes lèvres cendrées que je refuse. A présent tout s’est brisé et je les vois rire et s’amuser autour de moi sans pouvoir participer. Tapie dans un coin sombre je me sens bouillonner un peu plus à mesure qu’ils sont heureux et cette jolie voix Divine qui me berçait paisiblement m’a oubliée elle aussi. Musique toujours plus assourdissante, toujours moins mélodique et la nuit tombante me nargue de son beau manteau noir, bientôt je n’y verrai plus.
Ils m’ont tout pris depuis le début, mon lit et mes rêves sans se demander ce que je pourrais désirer. Qu’importe, à leurs yeux je ne suis qu’une toute petite fille, capricieuse égoïste, une amusante poupée que l’on peut tourner et retourner dans tous les sens avant de s’en débarrasser comme d’un chiffon sale. Écoute les rires au loin, toujours plus forts, ils ne se sont pas rendu compte de la disparition du jouet, au pire ils penseront qu’elle boude et que rien de tout cela n’a d’importance. Il n’auront pas tord, et je retourne vers eux, la bouche emplie d’amertume.
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À l'aube, les rêves donnent une indication sur la situation, trop tard pour une prémonition Percutent la réalité de plein fouet Un spectacle au levé du soleil sur la terrasse : La photographie parfaite. Premier réflexe, instinct, animal : tuer. Des cheveux blonds entre mes doigts, crinière de la louve, et je marche au plafond Le cadavre respire toujours et accepte de me faire l'amour En bon prince Je m'allonge sur la route déjà chaude et cogne ma tête contre la planète Je me ferai un collier de perles de sang échappées de mon front Rouge hématome Mes jambes, ces bâtons de marche en squelette d'enfant malade, à pois bleus lorsque je me relève. J'ai sauté la barrière, entièrement nue, désemparée, inconsciente. De l'autre côté du monde, je m'éveille en pleine chute et retombe sur mes pattes brisées. Chaleur chérie de l'été, il est cinq heures, peut-être six, il est bon de ne rien porter, de pleurer en duo au milieu du chemin qui n'est rien d'autre qu'une impasse. Photo: Lizzie by Yves Pirès
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Allongée au fond de son lit, Louison ne parvient pas à fermer l'œil de la nuit. Écarquillé, injecté de sang, un peu vitreux. Sombre, presque noir, bleu nuit. Déjà minuit. Elle songe aux étoiles, à l'univers, et elle s'angoisse en pensant qu'il est infini. Comment est-ce possible. Qu'y a-t-il ensuite ? Tout au bout du bout ? Et après la mort ? Avant la vie ? Finalement, la vie n'est qu'une plus ou moins lente agonie. Une longue course contre le temps, où l'on cherche constamment à empêcher que le corps ne se nécrose autour du squelette. Qu'il tienne encore un peu le choc de l'existence. Vanité, vanité, vanité. Vous pourrissez à petit feu, et vous savez que les asticots ont déjà servit l'apéro. Sentez-vous vos dents qui s'abîment et se meurent les unes après les autres si elles ne sont pas chaque jour impeccablement nettoyées, et quand bien même. Remarquez-vous vos cheveux qui tombent, se font rares, blanchissent. Vos yeux voient de moins en moins bien, plissez les, pour voir. Votre peau se détend, s'use et se tache. Et cetera. Plus rien ne tient, tout fout le camp, vous nécrosez vif, et c'est douloureux. Alors vous dépensez votre argent chez le médecin, le chirurgien, l'esthéticien. Argent que vous avez gagné en vous abîmant la santé. Quelle jolie ironie. Cercle vicieux, le serpent se croque la queue. Au crâne ? À l'estomac ? Au dos ? Où avez-vous mal, à présent ? Faites "Aaah". Inspirez. Expirez. Inspirez. Expirez. Oui, Expirez. Stop. Vous ne pouvez rien contre le temps, la vie, la mort, l'univers tout entier qui vous englouti à l'infini. Ouvrez votre penderie, et choisissez soigneusement la tenue que vous souhaiteriez porter le jour de vos propres funérailles (Pour elle, c'est fait depuis longtemps, la jolie robe de princesse, évidemment) Quand ça aura fini par lâcher quelque part. Du côté du palpitant, ou des entrailles. Ou partout. Et c'est tout ? Vous décidez de tout brûler quand il en reste encore un peu ? Qu'en est-il de votre squelette ? Le cœur s'est vidé, la cervelle a lâché, le reste n'était encore pas si mal. Votre âme ? En avez-vous une ? Envolée. Louison respire de plus en plus fort, puis s'endort d'un sommeil de mort. Elle a mouillé son lit, encore.
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Ce matin, j'ai pénétré dans ma fusée pour la première fois, après sept longues années à la regarder en espérant la voir s'envoler, laissant derrière elle un épais nuage de fumée polluée. Et comme une étoile filante triste et sale, atteindre la pleine lune, s'y poser enfin. J'y ai déposé une veilleuse, avec une petite flamme frêle, vacillante, déjà mourante. Au pied d'une Marie à la figure bienveillante, impassible, absente, de pierre. Son enfant ne la voit pas, il est trop petit pour porter un monde entier. Assise sur un banc de fortune, j'ai attendu le décollage en sanglotant comme une enfant perdue, je pensais qu'elle carburait aux larmes, mais elle ne fonctionne qu'à la bave de crapaud. Les grenouilles ont commencées à se faire de plus en plus nombreuses, leurs coassements ont définitivement chassé toute entité fictive que j'aurais pu espérer rencontrer. Ma fusée est restée terre à terre, gardant dans son vaste ventre la petite lueur de désespoir que je lui ai donnée à manger. Probablement indigeste. Je ferais n'importe quoi, En fusée, sur la lune, Pour toi.
photo: Thomas Boivin
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Le limbe des petits poissons morts
(passage des limbes d'après L'enfer de Dante)
Un crissement de pneus dérapant furieusement contre le trottoir retentit dans le petit appartement parisien, suivit d'un bruit de moteur toujours plus lointain, un claquement de porte, puis plus rien, pas même un ange. Louison venait à peine de rentrer de vacances et sa trop lourde valise pesait encore au bout de son bras maigrelet. Ce n'était pas qu'elle appréciait le fait de la porter, bien au contraire, elle n'avait eu qu'une hâte depuis sa sortie du train c'était d'arriver enfin à la maison et de se vautrer dans la canapé en s'abrutissant devant l'émission la plus insensée qu'elle trouverait à la télé. Seulement, cette fois ci elle avait été retenue dans son élan, pétrifiée soudainement, plus par stupeur que par effroi. Elle sentait à présent le sang glacial traverser tout son corps, remplaçant aussitôt celui que le soleil du sud avait si bien réchauffé. Une petite tache rouge flottait dans le vase de cristal empli d'une eau trouble et glauque qui rappelait celle de la Seine. Cette petite tache rouge, elle était son unique ami ici, sa seule compagnie qu'elle chérissait bien des fois. Lorsqu'elle se sentait seule au monde, elle le contemplait des heures durant, nageant dans l'eau limpide qu'elle prenait soin de changer régulièrement. Il était si majestueux avec ses nageoires flamboyantes aux milles reflets brillants ! Pourtant, cette jolie tache rouge qu'elle prétendait chérir, elle l'avait oublié dans les saveurs de l'été.
Le bruit de la valise heurtant le parquet usé la sortie de son ébranlement inerte, et lentement, sans prendre la peine d'ôter ses souliers qui allaient salir la maison, elle se dirigea vers le petit cadavre écarlate. Elle demeura ainsi, droite et immobile devant le triste aquarium veuf, fixant le petit œil devenu blanc, léger cercle opaque ne laissant plus paraître qu'une infime tache sombre. La partie non immergée du corps sans vie déjà commençait à noircir, et tout autour de la créature des lambeaux rougeâtres ne savaient plus s'il fallait flotter ou non. Et pourtant, dans l'horreur putréfiée de ce funeste tableau, l'animal conservait un pose majestueuse, comme s'il savait en mourant, dernière volonté d'une ultime agonie, que l'enfant viendrait le contempler une dernière fois et qu'alors il faudrait qu'elle l'admire encore. Évoquant ces femmes évanouies dans une exquise posture, si délicatement portées par leur sauveurs, nymphes aux pâles mains fines, petits pieds gracieux, et longue chevelure dégoulinant au sol. La créature aquatique semblait portée par Neptune, venu le chercher pour le mener vers la mort, vers l'eau delà, le paradis des poissons...Mais Louison chassa cette idée absurde de son esprit, non pas qu'elle remettait en cause l'existence de Neptune ou du paradis des poissons, mais juste parce qu'elle savait pertinemment n'avoir jamais pris le temps de baptiser son ami. Alors, le pauvre mortel sans nom, celui qui finalement ne fut que poisson rouge de décoration, était condamné à errer éternellement aux enfers des poissons, la ou il n'y a ni eau, ni algues, juste du feu, un peu d'air et quelques prédateurs toujours à l'affut. Le limbe des petits poissons morts.
Louison ferma les yeux, tenta d'imaginer un instant le poisson vivant, comme auparavant, mais rien n'y faisait, il avait disparu. Elle ne parvenait plus à voir qu'un bocal vide, un vulgaire vase à fleurs. Elle rouvrit les yeux, regarda la dépouille désespérément semblable et immobile, lui jeta un peu de nourriture, juste pour voir s'il se réveillait du détestable coma, puis tourna les talons d'un air boudeur, sans même prendre le temps de regarder si le poisson venait manger. Elle savait pertinemment qu'il n'en était rien.
Tirant du placard une fine plaque de chocolat bien noir et amer comme elle aimait toujours à le déguster, elle partie s'enfermer dans sa chambre. Elle s'assit dans le lit et se couvrit, comme d'un linceul, de l'immense drap noir. Appréciant la chaleur et le réconfort d'un large lit douillet, elle entreprit de dévorer ce chocolat dont la seule pensée lui stimulait les sens. Il était le remède à tout. Le laissant parfois fondre lentement sur sa langue ou ne lui laissant pas le temps de distinguer son palais tant elle l'engloutissait avec empressement, bientôt la tablette ne fût plus. Cette sombre pensée lui remît à l'esprit ce défunt qui hantait le salon. Elle en était effrayée à présent. Se terrant sous la couette en une petite boule tremblante, elle décida de ne plus jamais y retourner.
Des heures passèrent et plus rien n'avait bougé, ni du côté de l'aquarium, ni de celui de la couverture frissonnante. Louison revoyait en pensée les petits yeux blancs que son esprit apeuré faisait sans cesse grossir, la fixant d'un regard assassin, d'une lueur cruelle, et ses gigantesques nageoires pourpres et nécrosées voulaient l'entourer, la serrer contre son corps pourrissant, l'étouffer, elle qui possédait des poumons, elle qui respirait. Elle qui l'avait tué.
La petite fille effrayée par ses propres idées noires, poussa un cris strident de terreur, un appel au secours, inaudible à ses imperturbables voisins, puis se leva d'un bond, irritée et farouche. Elle n'avait pas peur! Ni de la mort, ni de rien, et ce stupide poisson, elle s'en moquait bien!
Elle retira alors sa bague de peur de la salir, saisit le lourd bocal nauséabond et, le portant jusqu'aux toilettes, y déversa violemment le contenue répugnant. Mais le poisson se refusait à glisser en ces lieux et ne voulant pas jeter les jolis cailloux de verre colorés qui ornaient le fond du bocal, elle saisit entre ses doigts nus le minuscule corps incroyablement léger de l'animal et le jeta dans le trou béant, grotesque porte vers l'infini d'un Paradis prohibé. Des petites écailles rouges lui restèrent sur la peau, humides et glacées. Puis, l'enfant appuya d'un coup sec sur la poignée de la chasse d'eau, appuya encore un coup, puis un autre au cas ou. Elle sourit.
« Adieu, stupide poiscaille! »
Le haut sommeil fut rompu dans la tête de Poisson rouge
par l'indélicate chasse d'eau, et il reprit ses sens
comme un poisson qu'on éveille de force;
il tournait autour de lui l'œil reposé,
immobile, et il regardait fixement
pour connaître le lieu où il était transporté.
En vérité il se trouvait sur le rebord
de la vallée d'abîme douloureuse
qui accueille un fracas de plaintes infinies.
Elle était noire, profonde et embrumée;
en fixant son regard jusqu'au fond,
il ne pouvait rien y discerner.
« Descendons à présent dans le monde aveugle »,
commença un poisson-lune en pâlissant,
« je serai le premier, toi le second. »
Et Poisson rouge, qui avait remarqué sa pâleur dit:
« Comment viendrai-je, si tu crains,
toi qui réconforte mes doutes? »
Et lui: « C'est la souffrance des ombres
qui sont ici, qui peint sur mon visage
cette pitié que tu prends pour la peur.
Nageons, le long chemin nous pousse. »
C'est ainsi que Poisson-lune entra et qu'il fit entrer Poisson rouge
dans le premier cercle qui entoure l'abîme.
Et là, à ce qu'il entendit,
il n'était pas de pleurs, seulement des soupirs,
qui faisaient trembler l'eau éternelle;
cela venait de douleur sans torture
subie par ces bancs, qui étaient grands,
de bébés poissons, de femelles et de mâles.
Poisson-lune dit: « Tu ne demandes pas
quels sont les esprits que tu vois?
Or je veux que tu saches, avant d'aller plus loin,
qu'ils furent sans péchés; et s'ils ont des mérites,
ce n'est pas assez, car ils n'ont pas eu le baptême,
qui est la porte vers le paradis des poissons;
et s'ils vécurent dans le plus sain des aquarium,
ils n'adorèrent pas Neptune comme il convient:
Je suis moi même de ceux-là. Moi qui n'ai pas de nom.
Pour un tel manque et non pour d'autre crimes, nous sommes perdus et notre unique peine,
est que sans espoir nous vivons en désir. »
Douleur prit au cœur de Poisson rouge lorsqu'il l'entendit,
car il comprit que de très nombreux et de très grands poissons
étaient suspendus dans ce limbe.
Et au loin, là ou même de toutes les forces de ses nageoires il ne pourrait jamais aller, il vît une immense salle de bain aux dalles nacrées. En son centre trônait une somptueuse baignoire à baldaquin dont les pieds de fonte émaillée évoquaient de longues nageoires. Sur les mûrs, seul un gigantesque miroir, majestueusement encadré d'arabesques d'or, tel un précieux tableau de maître, reflétait entre deux pans des lourds rideaux de bain, une merveilleuse mais déplorable scène. Louison, nue et étendue dans l'eau brulante et presque débordante du bassin, jouait en chantonnant comme une petite enfant, faignant d'attraper un poisson rouge impétueux. Il lui était en tout point semblable, oui, c'était celui qu'il n'avait pas été.
« Tim... »
(Texte et Photo: Lizzie 2008)
#Poisson#Texte#2008#Lizzie#Lizzie saint septembre#Victor#Victor Lunel#Louison#red#fish#dante#enfer#limbe
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Balthazar de l'au-delà
I- Apparition
Une longue journée d'hiver s'achève enfin, je m'engouffre dans le métro bondé, quitte à être écrasée entre une bedaine et des aisselles mouillées, prête à tout pour rentrer chez moi au plus vite et avec la ferme intention de vider le chauffe-eau par une douche brûlante en arrivant. Un peu de chaleur. Saint Lazare, tout le monde descend, ou presque. J'en profite pour m'asseoir dans le petit carré de sièges. Une extravagante mal fagotée se déplace à grands coups de "Priorité !" en brandissant une carte d'invalidité photocopiée et vient s'assoir à mes côté. Une brève accalmie. Mes écouteurs dans les oreilles, branchés à mon Smartphone, branchés au silence, j'entends tout, l'air ailleurs. En face de moi, le nez collé contre la vitre sale du wagon, un petit garçon. Dans ses mains, un paquet de bonbons.
"-J'aimerais aller au cirque, pour voir des trapézistes tomber du ciel."
Un regard au siège de gauche, à l'extravagante, puis à l'amas d'adultes debout derrière...à qui peut-il bien parler ? À moi ? Visiblement, non. Personne ne l'accompagne, et cela semble être son quotidien, il ne s'en formalise plus et se fait lui-même la conversation.
"-Tu veux un bonbon?"
"-Oui, plein !"
Il ouvre le sachet et en choisit consciencieusement un pour lui, et un autre pour lui aussi. Deux rouges en gélatine transparente qu'il se met à mâchouiller comme du chewing-gum. Petite tête brune, les cheveux un peu longs, comme si personne n'avait songé à les lui couper depuis longtemps, mais ça lui allait bien, il n'avait pas l'air d'un de ces gosses trop bien dressés du quartier dans lequel je travaille. Il semblait aussi avoir lui-même choisi ses vêtements. Une grosse écharpe rouge écarlate comme ses bonbons préférés était enroulée autour de son cou de vilain petit canard, par dessus un manteau noir, un vieux jean et des chaussettes dépareillées dans ses converses usées.
II- La Trottinette
Quelques temps plus tard, alors que j'avais oublié cette histoire, je sors du métro pour rentrer chez moi. Au milieu de l'avenue, je vois l'enfant, le même, seul sur une trottinette. Il traverse dangereusement en plein cœur du carrefour, les voitures klaxonnent, pilent, il s'en moque. Un jeune homme s'approche de moi, énervé.
"-Mais surveille ton fils, madame ! Tu veux qu'il se fasse écraser ?
-Je ne connais pas cet enfant."
Il a poursuivi son chemin en roulant sur le trottoir, bousculant les piétons sur son passage. L'homme, lui, ne partait pas pour autant.
« -Comment tu t'appelles ? On peut faire connaissance ? Viens, on va fumer un pétard chez moi. Tu habites ici ? Ou ça ?... »
Un long monologue qui me suivit jusqu'à mon digicode. J'y tapais les chiffres aussi vite que possible et m'engouffrais dans le hall d'entrée en claquant la porte derrière moi. Ouf, enfin la paix. J'aperçu vaguement dans mon champs de vision, l'homme qui s'agitait derrière la vitre, ne me retourna pas. La chasse n'a pas été bonne aujourd'hui.
"-Bien joué, c'était vraiment un connard coriace celui-là!"
Assis sur les marches en bas de l'escalier, il n'avait plus de trottinette et me regardait avec un sourire amusé. Et toujours les mêmes vieilles fringues.
"-Tu m'invites ?"
III-L'enfantôme
"-Qui es-tu ?", lui demandais-je.
Il me regarda avec de grands yeux bleus dans lesquels on pouvait aisément plonger, et répondit:
"-Balthazar, de la planète terre."
"-Non, je veux dire, qu'est-ce que tu fais ici tout seul ?"
Il ne répondit pas, baissa ses yeux couleur cieux, et en guise de réponse, traversa le mur de son corps spectral. Je restais, hébétée, plantée la, devant le mur et n'avais nul besoin de me frotter les yeux pour admettre qu'il ne s'agissait pas d'une vision.
"-Hé, tu viens? Je t'attends !" Fit la petite voix, à présent en haut de l'escalier.
"-Comment ça se passe ? Il faut que je t'invite à entrer comme un vampire ? Ce n'est pas risqué ?"
"-Oui, sinon je vais me mettre à saigner de partout, ce sera un vrai carnage !"
Il n'en était rien. En réalité il était déjà venu à plusieurs reprises jouer au ballon dans mon appartement. À présent je me souvenais parfaitement l'avoir déjà entendu, mais il ne s'était jamais manifesté physiquement. La plupart du temps, il jouait sur le toit. Voilà pourquoi la voisine du dessous affirmait entendre des bruits de pas, même lorsque j'étais absente. Je venais de trouver de quoi la rendre complètement folle.
IV-La voisine
Elle a immédiatement mordu à l'hameçon. J'ai d'abord fait semblant de quitter mon appartement pour quelques courses et suis allée attendre en bas de l'immeuble. Bal a sautillé deux ou trois fois sur mon parquet et déjà elle était là, à la porte, et sonnait, sonnait, sonnait. Excédée. J’ai tranquillement remonté l'escalier.
"-Bonjour Madame, vous cherchez quelque chose?"
"-C'est pas bientôt fini ce boucan chez vous ?"
"-Mais enfin, il n'y a personne, voyez par vous même."
"-Bizarre. Je vous assure que j'entends des bruits de pas infernaux!"
"-Oh, ce doit être le petit garçon mort qui hante mon appartement. Il a été emmuré vivant."
Je lui montrais qu'effectivement, là où chez moi il n'y avait qu'un mur blanc, à l'extérieur étaient encore les volets d'une ancienne fenêtre, et lui racontais comment le pauvre enfant avait été torturé et combien était grande sa soif de vengeance. Il était resté des jours durant à ne rien pouvoir faire d'autre que fixer la rue tout en agonisant, debout, sans nourriture, sans rien. Cette interminable torture lui avait permis de cogiter des plans diaboliques pour faire payer le monde entier et il était bien décidé à faire de sa vengeance un plat glacé. Elle se signa le front d'une croix, rentra chez elle et n'en ressorti plus. Bal riait aux éclats et dansait de plus belle. Un vacarme sur le parquet ciré.
V-Le cirque
J'ai repensé à ma première vision de Bal et ai décidé de l'emmener au cirque pour son anniversaire de disparition. Le 16 décembre, peu avant Noël. En espérant qu'aucun trapéziste ne tombe. Nous sommes allés au cirque électrique, un nouveau spectacle, en plein sur le périphérique. Bal fut subjugué par une petite voltigeuse, qui s'élançait dans le vide les yeux fermés, et retombait toujours sur ses pattes, une agile féline au visage de poupée. Dans son justaucorps bleu nuit constellé de paillettes, son corps se déployait comme celui d'une longue panthère noire, une chatte porte-malheur. Il ne la quittait plus des yeux, il voulait l'attraper au vol, l'épouser et l'emmener vivre loin d'ici. Loin de tout, comme dans les vieux contes de fées. Son petit cœur mort battait la chamade.
Il me questionna alors sur l'amour, sur ma vie sentimentale et je commençais à lui parler de Day. Jusque la, je ne l'avais jamais évoqué craignant de le froisser, je n'avais jamais non plus conté mes aventures à Day. Aurait-il pu me croire ?
Le cirque ne l'intéressait plus, il se posait trop de questions, me posait trop de questions. Je finis par lui dire que ça ne le regardait pas, que ça ne le regarderait jamais. Entrée en scène d'un clown lamentable. Ni amusant, ni effrayant. Fin de la représentation. Salutations.
VI- La petite culotte
Day est venu à la maison, et nous avons fait l'amour. Dès le début de la soirée, Bal n'avait pas du tout apprécié la venue de celui qu'il considérait déjà comme un intrus. Day avait froid, terriblement froid, comme jamais, et pourtant le chauffage carburait. Balthazar avait envahit la pièce d'une épaisse ambiance glaciale, alors nous sommes allés sous la couette, nous tenir chaud peau contre peau.
Cette nuit la, nous buvions de l'absinthe, dans le lit. Il en fit couler quelques gouttes dans mon nombril, pour les laper de sa langue pointue, puis entre mes lèvres gercées, pour boire à ma bouche. Un filet d'alcool glacé coula le long de ma joue jusqu'à ma nuque, un autre au fond de ma gorge. Enivrant. J'embrassais sa peau et pressais mon désir contre le sien. Il fit glisser prestement ma culotte le long de mes jambes, embrassa mon sexe humide avant de venir s'y loger, le corps empli de plaisir, le membre empli d'un sang bouillant. Bal saisi immédiatement la culotte et couru la jeter par la fenêtre d'un geste violent, mais nous ne remarquions rien. J'oubliais le monde dans les bras de Day, je m'y agrippais en caresses griffantes, et au bord de l'ultime extase, prête à imploser, je senti comme une gifle froide, un coup de glaçon. Mon petit fantôme s'est volatilisé dans une fumée de jalousie.
Le lendemain, je retrouvais ma culotte dans la rue, une peu salie et n'osais la ramasser. Day était parti travailler, Bal parti bouder. Je savais que quelque part il bouillonnait de colère et de déception.
VII-Oui-Ja
Alors je lui ai préparé une table de Oui-Ja, grande et belle, avec des lettres en chocolat. Du chocolat au lait, évidemment son préféré. Et j'ai dit:
"-Balthazar, es-tu la ?"
Et il a croqué le O, puis le U et enfin le I. Son père faisait parti de ces hommes qui un jour s’en vont chercher des allumettes, et sa mère, de ces femmes qui ne s'en remettent jamais. De chagrin, elle s'était noyée dans l'alcool et était tombée dans la drogue si profondément qu'elle en avait oublié son propre enfant. Lui, s'effaçait un peu plus de jours en jours, jusqu'à devenir totalement invisible. Il avait bien tenté de revenir la voir, mais elle ne se souvenait pas avoir jamais eu un fils, il était devenu un étranger, il était mort pour elle, et donc pour le monde tout entier. Ce jour la, il était parti en traversant le mur pour la première fois et ne s'en était pas étonné. Elle non plus.
Ou alors, il avait vraiment été emmuré. Ou écrasé sur la route dans un accident de trottinette. Ou passé sous un train par inadvertance. Ou...
VIII- Disparition
"-Je m'ennuie"
Il était de ces petits êtres si fragiles qu'ils n'iront jamais bien. Un tourment ambulant, un mal de vivre, mal de mourir, mal d'être mort, etc.
"-Je veux mourir, répétait-il pour la énième fois. Personne ne m'aime, je vous déteste tous. Je vais tuer tout le monde, et ensuite, je me tuerai !"
Il hurle, tempête, les objets volent dans la pièce. Il ouvre la fenêtre avec fracas et s'y jette en un saut périlleux et un effroyable cri de guerre. Le quadruple saut de la mort, plus extraordinaire encore que les pirouettes de la petite chatte du cirque, une spectacle hors-norme, du jamais vu. Pourtant, dehors, personne ne remarqua rien, show sans publique, démonstration solitaire. Mais les fantômes ne meurent pas, ils doivent juste accepter de partir de l'autre côté, au royaume des morts. Au royaume des leurs. La planète terre, comme il l’avait si bien dit le jour de notre rencontre, ne lui était plus adaptée, elle ne l'avait jamais été. Balthazar, de l'au-delà.
"Aller au ciel, pour voir des trapézistes tombés du cirque."
Là-haut, Bal emmènera au bal sa petite ballerine des airs, en admettant qu’elle voltige jusqu’aux nuages. Bal dansant dans les étoiles plein les yeux. Il a remonté les escaliers en pleurant, comme un enfant qui marche encore maladroitement et qui serait tombé de toute sa hauteur seulement. Pas même un genou égratigné pourtant, mais un peu trop d'hématomes au cœur. J'ai saisi dans mes mains son beau visage, et j'ai embrassé ses petites joues grises et son front de cendres bleues. Il s'est évaporé comme une brume matinale, tout en douceur, presque imperceptiblement. Un nuage sucré. Bonbons rouges - chocolat au lait. Il n'est plus jamais revenu.
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Le 6 janvier 2013, Flânant dans les rues marchandes, Louison remarque une belle robe en dentelle anglaise, gracieusement portée par un mannequin de vitrine. Elle entre dans le magasin et l'essaye en blanc, mais se retrouve toujours en train de l'acheter en oubliant comment elle lui allait et retourne en cabine pour l'essayer. Encore et encore. Au loin, se dresse un grand bâtiment clair, perché au bord d'une falaise. Gaëlle explique que c'est un tombeau pour célébrités, on y trouve notamment la tombe du dépeceur de Montréal, Luka Rocco Magnotta. "Je le déteste car il m'a fait beaucoup de mal." Dit-elle à l'inattentive Lou qui meurt d'envie d'aller voir cette sépulture, animée par une curiosité morbide. Les voilà en haut de la falaise, c'est un immense site touristique surplombant des hauteurs, une sorte de bout du monde. Un interminable escalier de pierre descend à pic le long de la falaise. Louison le prend, très lentement et terrorisée par le néant, juste en dessous d'elle. Son père lui cri de ne pas y aller, mais elle s'obstine, n'écoute rien. Ses doigts s'agrippent à chaque marche autant que possible, ce sont presque des barreaux d'échelle. Une longue descente vers un enfer terrestre. Arrivée en bas, il n'y a plus personne. Un lieu étrange, le bâtiment est un arc de cercle au milieu duquel il n'y a rien d'autre que de la terre battue. En face, le vide. Louison poursuit son chemin et se promène en prenant des photos avec son téléphone, elle veut pouvoir les retrouver à son réveil. Des photos souvenir de son rêve. Les tombes sont de grandes vitrines occupant les rez-de-chaussées de maisons mitoyennes à l'anglaise. Les morts y sont exposés, maquillés et apprêtés comme au funérarium. Au dessus, ce sont des habitations, comme si les tombes étaient des vitrines de boutiques, sauf qu'ici les mannequins ne sont pas en plastique, juste en décomposition. Et pas de petites robes à essayer. Les rues sont désertes, il lui semble se trouver au cœur d'un village fantôme. Elle pénètre dans l'une des maisons dont la porte est entr'ouverte, veut s'approcher du mort, l'observer, le toucher, le photographier. Elle se faufile à l'intérieur, en passant par une cuisine à l'ancienne et s'approche de la dépouille. Mais elle croit entendre un bruit, peut-être quelqu'un, caché quelque part, ou le mort lui même... Le cœur battant à raisonner dans sa tête et le corps tremblant comme une feuille au vent, elle s'empresse de rebrousser chemin et de quitter ce lieu peu rassurant. Elle claque la maudite porte. Déjà le soleil se couche, Lou décide de rentrer avant qu'il ne fasse trop sombre. Arrivée au sommet, elle croise des indiens marchands de puces, ils vendent de drôles de fioles de toutes sortes. Voulant en acheter une (jolie, en verre bleuté avec l'inscription "poison"), elle commence à chercher son portefeuille, mais se ravise et décide finalement de payer avec une bouchée au praliné. Ses parents arrivent et lui disent qu'il est temps de partir, qu'ils l'attendent depuis déjà un bon moment, mais elle réalise alors qu'elle a oublié d'aller visiter Magnotta. Elle redescend, ils crient. Sa tombe est dans le fameux bâtiment des célébrités, juste en bas. Elle n'avait pas remarqué la première fois toutes les petites vitrines qui s'y trouvaient. Elle trouve enfin celle de Rocco, il est figé en boule, comme pris dans un bloc de ciment. Ses bras et ses jambes coupés dépassent en laissant les moignons bien apparents. Elle se demande s'ils l'ont exécuté en lui faisant subir le même sort que sa victime, elle voudrait ne jamais participer à une séance de spiritisme, de peur de voir revenir cet esprit malveillant. Même dans la mort son visage est inquiétant, un air provocateur, à croire qu'il n'a pas dit son dernier mot. Elle remonte. Les indiens l'attendent, tous les autres sont partis. Ils lui disent qu'elle a de la chance qu'ils soient honnête car elle avait laissé toutes ses affaires. Puis ils lui rendent le rocher au praliné à moitié mangé et fondu, sorti de leur poche. Au réveil, Louison s'empresse de consulter son smartphone dans l'espoir d'y retrouver ses photos prises au village-cimetière. Elles ont disparu.
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Victor
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Toute la campagne est inondée, je me suis réfugiée sur le toit d'une maison avec trois inconnus. Un énorme asiatique aux allures de sumo, accompagné de sa femme, une petite dame menue, presque transparente, et un homme étrange. Sur notre minuscule îlot de fortune, il reste à peine la place pour la table de jardin et les chaises pliantes que nous avons péniblement installées durant le déluge. Autour de nous, l'eau s'étend à perte de vue, une arche de Noé. Tous assis autour de la table, nous jouons aux cartes en attendant la décrue. Le temps passe, lentement, l'eau touche presque nos pieds à présent, pourtant le ciel est d'un bleu superbe et parfaitement uni, pas l'ombre d'un nuage. Énième partie de carte, et nous n'avons rien à parier, l'argent est noyé et nous sommes trop peu vêtus pour un strip-poker digne de ce nom. L'homme obèse se permet alors une blague de très mauvais goût, que personne n'approuve mais qu'il trouve lui-même très amusante. Chacun le regarde, perplexe. L'étrange, assis juste en face de lui, brandit subitement un sabre semblant sorti de nulle part et transperce l'énorme cuisse de part en part. Encore hilare, il meurt sur le coup, un large sourire figé sur son visage bouffi. Voyant la face blême et horrifiée de la nouvelle veuve, assise à la droite du radieux cadavre, un peu en retrait, il lui déclare: "Tu devrais être heureuse, je t'ai fait un bouddha !" (photo: In bed with Lucile Haute)
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