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jecrieraiplusfort · 2 years ago
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"Le viol correctif"
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Aujourd'hui nous étudierons le doux concept de �� viol correctif ».
Oui « correctif », avec deux R bien rugueux, pas « viol collectif » qui contient une autre horreur encore – somme toute assez proche.
Un viol correctif, selon Wikipedia : « L'expression « viol correctif », ou « viol homophobe », désigne une pratique criminelle [...] où des personnes LGBTQIA+, principalement des lesbiennes, sont violées dans le but de prétendre les « guérir » de leur homosexualité et de changer leur orientation sexuelle. »
Août 1974 : deux femmes belges passent des vacances tranquille en couple près de Marseille. Un homme vient les accoster, devient insistant, elles le repoussent. Ils reviendra la nuit avec deux amis, pour les tabasser, les séquestrer, puis les violer.
(Lors du procès en 1978, une déferlante de haine à l'encontre des victimes et de leur avocate Gisèle Halimi secoue les médias. Sous les crachats et les injures, Maître Halimi se fera même gifler devant le tribunal par un manifestant.)
Viol correctif, donc.
Allons, ne me dites pas que vous êtes choqué.e.s d'apprendre ce terme. Je n'y crois pas.
Que vous soyez surpris.e.s, que vous tombiez des nues. Allons.
Vous saviez. Quelque part.
Nous savons toustes.
Dans le fond de l'air ambiant, que l'on tente d'assainir chaque jour, dans ce fond de l'air vous sentez vous aussi cette odeur-là : il faut punir les femmes. Cette logique-là, vous la connaissez déjà. Vous la connaissez par cœur, parce qu'elle fait très profondément partie de notre culture, parce qu'elle affleure chaque jour, dans tout un tas d'interactions qui jalonnent nos existences, et trop souvent, qui y mettent même fin.
Il faut particulièrement punir les femmes qui ne se soumettent pas aux hommes. Or, les lesbiennes ne sont pas soumises aux hommes.
Elles leur échappent.
Dans la sphère intime, privée, amoureuse, sexuelle, et domestique. Et dans l'espace public, et politique. Les meufs qui aiment les meufs ont un terrain de jeu qui leur est propre et n'ont à priori besoin d'aucun homme pour vivre leur vie.
Et ça c'est im.par.don.nable. Intolérable.
Voilà pourquoi des hommes qui ne supportent pas de ne pas pouvoir asseoir leur domination sur ces femmes, commettent des viols « correctifs ».
Pour bien leur rappeler qu'elles n'y échapperaient pas.
Qu'elles leur appartiennent quand même, malgré tout.
Que le corps dit « féminin » restera un lieu de pillage et de violence. Pire encore si ce corps est de couleur, pire encore quand ce corps est trans, pire encore si ce corps est handicapé. Ces différences fétichisées, détestées, exotisées, méprisées, alterisées jusqu'à l'extrême, les lesbiennes qui n'étaient pas blanches ou pas cisgenre ou pas valides, ces dissidences-là ces femmes les ont payé le prix fort, et ont dû affronter une indifférence sociale absolue, une double invisibilisation.
Le viol est un procédé de destruction.
Le viol « correctif » ajoute une dimension d'une autre violence encore, celle du besoin de rappeler à l'ordre : que tu en veuilles ou pas, tu prendras de la bite hétéro.
Tu seras obligé.e de subir la sexualité des hommes cisgenre hétéro de manière violente, humiliante, salissante, parce que rappelle-toi bien que quelque soit ton identité et ta sexualité, si tes organes génitaux sont ceux qu'on considère comme appartenant aux hommes cis hétéro, tu leur en dois l'accès. Et si tu es femme avec d'autres organes, à l'instant où l'on t'aura identifiée dans le camp des victimes, tu es perdue. C'est ton destin. Et de toutes façons, tout le monde s'en fout de qui tu es.
Le viol te réduit à un mouchoir, une chaussette, un pot de yaourt vide, un emballage de jambon ouvert.
Le viol correctif te laisse en plus au fer rouge la marque du rappel : tu ne peux pas nous échapper. C'est une vengeance.
Quant aux viols correctifs commis sur les hommes gays, il signent un rappel à l'ordre tout proche: tu n'échapperas pas à la masculinité obligatoire. Si tu refuses de la performer, alors tu t'en désignes victime, et tu devras au moins en subir la violence.
Tu n'échapperas pas non plus à la violence réservée à celleux qui s'écartent des règles du jeu. On y trouve la même détestation, la même peur viscérale de voir s'échapper les dissidents, mais ils se teintent aussi de cette attirance latente et interdite des « correcteurs » pour leurs victimes. Ils auraient pu te demander gentiment. Ils ont préféré te détruire. Tout plutôt que d'admettre qu'ils sont peut-être bien un peu pédés eux aussi.
De l'homophobie bien intégrée, et parfaitement redistribuée.
Le viol correctif est une vengeance : tu ne dois pas nous échapper.
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