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Marcher la nuit, à Bruxelles
Men are afraid women will laugh at them. Women are afraid men will kill them.
Cette phrase, c’est une amie qui l’a vue sur internet et elle a été le sujet de notre discussion. Elle me disait à quel point elle enrageait. A quel point elle enrageait de se dire que se déplacer à pied dans certains quartiers de la ville comme le sien à minuit pour un trajet de 10 minutes était source d’une angoisse sans nom. Que pendant dix minutes de marche, les pires scenarios avaient lieu dans sa tête. Qu’elle devait subir ces pensées, cette terreur alors que le pire affront que pouvaient subir ses connaissances masculines était de voir leur virilité brisée quand elle repoussait leurs mains un peu baladeuses.
Ensuite, elle m’explique qu’elle aimerait, une seule fois, se promener dans les rues et se dire que le pire qui pourrait lui arriver c’est de se faire racketter.
Et c’est là que je me prends mon deuxième uppercut dans la mâchoire. Parce que pendant de nombreuses années, cela a été ma seule crainte en me promenant dans Bruxelles. Et bien que je savais qu’en tant qu’homme, j’étais exposé à un risque bien moindre que celui des filles ou femmes de mon âge, je n’avais jamais réalisé la marque que cela pouvait laisser.
Que si un jour j’élevais une fille, elle devra probablement subir les mêmes angoisses, alors que j’ai pu pendant mon adolescence jouir du luxe de n’avoir « que » peur de me faire agresser par un pickpocket assez lâche pour s’attaquer au plus fragiles de tous les babtous de la rue. Parce que je suis le premier à dire qu’il ne faut pas blâmer la victime, et que jamais je ne pourrais empêcher ma fille de mettre une jupe un peu courte pour sortir, je sais qu’en la voyant sortir de ma maison, j’aurai une boule au ventre en pensant au risque qui pèse sur elle par rapport à celui qui pèse sur mon fils en short.
Il risque peu de choses, lui. Sauf si pendant cette soirée, il devait tenir la main d’un garçon.
Pendant de nombreuses années, je suivais les faits divers des agressions homophobes avec un œil effaré mais distrait. Cela fait quelques temps, qu’il n’y pas eu une semaine sans que les journaux ne relatent l’histoire d’un de ces hommes qui s’est fait tabasser pour avoir enlacé un autre homme dans la rue, l’histoire d’une de ces femmes qui finira ensanglantée pour avoir câliné son amoureuse dans un bus, l’histoire de cette femme transgenre humiliée dans une station de métro. Personne ne peut aujourd’hui ne peut nier l’importance de ces agressions.
Leur impact, ce n’est seulement aujourd’hui que je réalise leur ampleur. Depuis que moi aussi, j’ai un copain, et depuis que moi aussi j’ai peur de me montrer affectueux envers lui si nous sommes à deux dans la rue. Depuis que dès le début de notre relation, j’ai compris à quel point les Autres risqueront toujours d’être un obstacle. J’ai réalisé à quel point, si l’on prenait la totalité des jeunes de mon âge, le risque de finir la soirée aux Urgences simplement parce que nous sommes qui nous sommes était terriblement différent d’une personne à l’autre, quand lorsque j’ai fait mon coming-out à mon père, une des premières émotions que j’ai décelé chez lui, était la peur.
Pas le dégout, le rejet, la haine ou la tristesse que craignent les jeunes qui sortent du placard auprès de leurs proches. La peur. Celle de voir son fils devenir lui aussi un fait divers. En quelques minutes, il devenait semblable au père qui voit ses filles sortir en boite avec cette fameuse jupe trop courte. En quelques minutes, son fils sortait de la catégorie verte des gens à moindre risque vers celle de ceux qui étaient sujets à figurer à la page 7 de La Libre du lendemain, racontant la manière donc ils ont perdu deux dents, ont trois côtes fracturées et un syndrome de stress post-traumatique parce qu’en marchant vers leur arrêt Collecto à 4h, ils ont embrassé la personne qu’ils aimaient ou on simplement osé poser la tête sur l’épaule du gars qu’ils venaient de rencontré. Son fils rejoignait cette catégorie, celles dans laquelle 50% de la population se situe, cette catégorie qui force les femmes à toujours sortir en groupe dans la rue, à regarder droit devant elles et à accélérer le pas si une voiture ralentit à leur hauteur. Cette catégorie qui force un grand nombre d’entre elles à avoir des difficultés énormes pour avoir confiance en elles et en la gent masculine.
Une ��tude récente de l’ULg montre que 23% des étudiantes belges ont subi une tentative de relation sexuelles non désirée impliquant une pénétration, contre 14% des étudiants, et que 6% des étudiantes ont subi une relation sexuelle non consentie.
Face à ces chiffres, comment pourrais-je dire à mon amie, qui enrage de peur, qu’elle ne doit pas s’en faire. Que le monde n’est pas si terrible. Comment pourrais-je lui dire, droit dans les yeux, que ses craintes sont fondées mais que c’est l’affaire des autres.
À tête reposée, je me dis que de cette conversation il y a quelques éléments simples à retenir. Que je suis conscient que les hommes ne sont pas tous violents, que la majorité ne veut de mal à personne.
Je me dis également que malheureusement, de l’extérieur, c’est presqu’impossible de savoir qui vous veut du bien ou du mal. Et qu’à nouveau malheureusement, il appartient donc aux bienveillants de faire savoir qu’ils sont bienveillants.
Que tant que chacun n’aura pas compris que non c’est non, et que l’absence de réponse signifie non également, que tant que l’éducation à l’ouverture n’aura pas pris le dessus sur les idées rétrogrades qui se propagent dans les foyers, que tant que chaque personne n’aura pas compris que le consentement n’est pas signé après un baiser sur la bouche et que ce même consentement n’est pas absolu et définitif quand il est donné. Que tant que chaque homme n’aura pas compris qu’accoster une dame dans la rue de manière insistante, la faisant se sentir plus proche du morceau de viande que de l’individu avec une valeur relève de l’agression, que tant que les victimes d’agression sexuelle et de viol ne seront pas entendues par les autorités. Que tant que les soignants ne sauront pas prendre ces dames en charge avec humanité. Que tant que tenir la main de quelqu’un qu’on aime dans la rue ne sera pas perçu comme une conduite à risque. Que tant qu’il ne faudra pas vérifier à gauche et à droite avant d’oser dire au revoir à son amoureux en l’embrassant sur le pas de sa porte pour être sur de ne pas être à risque de se faire interpeler. Que tant qu’être une femme à minuit à Bruxelles dans la rue ne sera pas une source d’angoisse pour sa vie.
Que tant que le monde n’aura pas changé, on aura besoin que les hommes nous montrent leur bienveillance. On aura besoin que ceux qui ne nous veulent pas de mal le fassent comprendre.
Tant que la femme se sentira en danger parce qu’elle est une femme, il sera du devoir de l’homme bienfaisant de lui faire comprendre qu’avec lui, elle est sauve. Il faut qu’il comprenne que cette donnée, qui est naturelle pour lui, ne l’est pas pour celle qui est face à lui.
Et ce constat est dramatique, il est dramatique de se dire qu’il est justifié pour une femme en 2019 d’avoir de la méfiance envers l’homme lambda qu’elle croise dans la rue. Il est dramatique de se dire que son premier instinct soit de fuir quand une voiture s’arrête à sa hauteur, même si c’est pour demander son chemin.
C’est aussi dramatique, parce que les hommes en payent le prix, leur relation avec les femmes en sortira tachée de la méfiance causée par le comportement de leurs pairs.
Mais on arrivera au changement. Il n’y a pas d’autre choix que d’avoir confiance en la nouvelle génération. Entre temps, il ne nous reste plus qu’à nous éduquer, entre nous, individuellement. De défaire des comportement qui pouvaient paraitre inoffensifs ou bon enfants, alors qu’ils étaient totalement du contraire. Cela est possible. Ça doit l’être !
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L’étudiant en médecine et le reste du monde
Tu es étudiant, et tu viens de t’inscrire en médecine. Tu as vu énormément de séries qui parlent des études universitaires dans leur globalité. Tu as lu quelques livres sur le sujet, et tu entres aujourd’hui dans la cour des grands.
Tu es prêt.
Tu te l’es promis, tu donneras tout pour être à la hauteur de la sacrosainte médecine. Bien sur tu feras la fête, tu feras peut-être ton baptême, mais surtout, tu donneras ton énergie, ton corps et ton âme pour prouver ta valeur. Tu te vois en bibliothèque, avec tes large cup of coffee, tes textbooks, voire étudier ton cours de biologie la nuit, le sommeil étant pour les faibles. Les cours commencent, tu en mesures la conséquence et c’est parti, game is on, bitch.
Et peu à peu, tu t’enfonces dans ce schéma. Tes études de médecine deviennent ton quotidien, et c’est à cela que tu t’identifies. Il y a même de fortes chances que ta biographie sur Instagram comporte un « Med student ». Parce que très vite, tu en viens à être défini par ta formation. Bien sûr, le soir, tu regardes quelques épisodes d’un show américain, tu es probablement à jour dans Grey’s Anatomy, et tu n’es pas à l’aise à l’idée que la saison 8 de Game of Thrones puisse sortir pendant ta session de janvier.
De temps en temps, tu vois tes camarades de rhéto dans un bar, mais très vite la bibliothèque d’Erasme devient plus présente dans ta vie que leurs soirées.
Arrivent les fêtes de fin d’année, avec leur petit frère batard, le blocus. Les choses se corsent, on t’en a beaucoup parlé, mais tu paniques un petit peu. Le jour de la rentrée, c’est l’examen de chimie et ses potentiels redox qui t’accueillent, accompagné de ses interrogations cousines.
Les résultats tombent, tu t’en es pas mal sorti. Il se peut que tu aies tout réussi avec brio, et ce que tu sois fier de toi, avec raison. Et tu continues sur cette voie qui semble toute tracée pour toi. La deuxième année n’est qu’un deuxième obstacle que tu abats, et la troisième avec ses cours plus orientés sur la clinique s’offre à toi. Et c’est merveilleux. Jusqu’à ta première remise en question.
Ou alors, il se peut aussi que tu sois déçu de tes résultats, et que tu sois confronté à l’échec dans l’une ou l’autre matière. Tout ça pour ça ? Ici, c’est de cette manière que tu opères ta première remise en question, un peu plus rapidement que dans le cas de figure précédent.
Cette remise en question, c’est celle que tout personne traversant une passe difficile viendra à se poser un jour : A quoi bon m’infliger tout cela ?
La réponse sera différente d’un individu à l’autre, mais comporte souvent une composante invariable, commune à la majorité : rien de tout cela n’en vaut la peine, si l’on ne se tourne pas vers le monde extérieur.
Quel est l’intérêt d’étudier des milliers de pages, de diapositives, d’écouter des heures de podcasts assommants, de mémoriser le cycle de reproduction de la fougère par cœur, de retenir toutes les structures nerveuses du plexus brachial ou toutes les formes cliniques de la tuberculose et les différents types d’anticoagulants, s’il n’y a rien à côté.
En effet, tu réalises à cet instant que le monde n’a pas arrêté de tourner. De nouveaux livres sont sortis, de nouveaux très bons films ont reçu des prix ou ont été ignorés par la critique. Tes amis poursuivent leur vie. La guerre continuent, les injustices aussi. Certaines personnes construisent leur bonheur, et Britney Spears continue de sortir des albums sans que l’on ne sache vraiment pourquoi. De nouvelles pièces de théâtre sont jouées tous les jours à Bruxelles, des expositions fleurissent partout en Belgique, et tu n’en as vu aucune. On a ouvert de nouveaux bars dans le centre, et on n’y parle pas de médecine. Les gens que tu croises dans le métro ne connaissent pas l’histologie du système musculo-squelettique, et ils n’en sont pas malheureux pour autant.
Et merde, tu es tombé dans le piège. Tu as été victime de l’idée selon laquelle l’étudiant en études médicales doit sacrifier sa vie et son bonheur à Esculape.
Mais tout cela est faux.
Aucune étude, aucun professeur, même s’il tente de le faire comprendre, aucune autorité, aucun syllabus n’a le droit de s’arroger le droit de te couper du reste du monde. N’a le droit de te priver de culture, n’a le droit de t’empêcher de devenir un citoyen à part entière. Pire que cela, il serait en tort de le faire : le médecin que tu souhaites devenir ne sera personne s’il n’y a plus d’Humain qui réside en lui. Et l’humain existe au travers de ses actions, qui d’une part sont la science et la technologie qu’on t’enseigne et que tu mémorises, mais également l’art, la littérature et le spectacle. Enfin, il n’y a pas d’humain s’il n’y a pas de vie en société, et s’il n’y a pas les erreurs qui en découlent, et qui nous forgent. N’est-ce pas plus bénéfique de faire une soirée remplie d’excès d’où tu rentreras avec la mauvaise personne, d’aller voir une terrible pièce de théâtre dont tu riras dans des années, de faire un city trip mal organisé dont les anecdotes seront gravées dans ta mémoire, qui forgeront ton expérience, plutôt que de délaisser ce monde extérieur dans son ensemble, avec ses hauts comme ses bas, au profit de ton étude inconditionnelle ? Il y a fort à parier que dans 20 ans, quand tu auras atteint une grande partie de tes objectifs, tu aies envie d’être serein, et de pouvoir regarder en arrière en te disant que, putain, ces années étaient belles, et ont forgé la personne que tu es dès à présent, dans sa globalité.
Par pitié, ne laisse pas la médecine te priver de ta jeunesse, de ta vie. Qu’Erasme ne soit pas la seule réalité que tu connais.
(Mais n’oublie pas d’étudier tes examens, ne fais pas de moi le génie du mal qui veut t’entrainer dans la décadence. Tu restes tout de même à l’université. L’université, qui est bien plus qu’un lieu d’enseignement. C’est une fabrique à Humain. Avec un grand H.)
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Conférence burnout et anxiété
On m’a demandé de parler un peu de moi, de mon expérience en faculté de médecine.
Entrons dans le vif du sujet. Ce sujet, celui du bien-être étudiant, est un sujet réellement important pour moi, et je ne doute pas qu’il l’est pour une grande partie des personnes présentes dans cette salle.
Je plante le contexte pour ma petite histoire personnelle
L’année passée, j’étais en troisième année de médecine. Pendant la session de janvier je repassais également des cours de deuxième année, mon horaire était tout ce qu’il y a de plus répugnant. Il faisait dégueulasse, j’étais fatigué, ma copine et moi avions rompu quelques mois auparavant et je n’arrêtais pas de bouffer et de gonfler à vue d’œil.
En sortant d’un examen que j’étais persuadé d’avoir raté (et que j’ai raté), j’ai craqué. Le trop plein de caféine, la fatigue, et la situation faisaient que je me suis retrouvé à trembler comme une feuille à la cafétéria du bâtiment F avec quelques amis avec le regard vide d’un zombie. Je suis rentré en voiture chez moi,(sans faire d’accident, miracle) je me suis mis dans mon lit, et je n’ai pas quitté celui-ci pendant 2 jours. Zéro énergie, zéro motivation, zéro moral.
Finalement, j’ai réussi à aller au bout de cette session, sans la réussir à 100% mais en sauvant les meubles un minimum. C’était loin d’être fameux mais un bon rattrapage de dernière minute. Je suis parti au ski avec des amis, on s’est bien amusé, et j’espérais mettre cet espèce de sentiment de trop plein ou de trop peu derrière moi.
Mais les cours ont recommencé, et avec une petite poussée de motivation est arrivée.
J’ai été vite calmé dans mon élan quand j’ai du me mettre à étudier, et que toujours un peu instable, j’ai commencé à me disputer avec mes proches plus souvent. J’étais dans une période creuse avec certains de mes amis que je voyais moins, et je n’avais plus qu’une seule envie : envoyer tout chier. Je n’en pouvais plus de cette pression qui était mise sur nous. De devoir supporter le mépris de certains professeurs. Je n’en pouvais plus de devoir étudier des cours remplis d’informations superflues, de ne pas réussir assez par rapport à mon investissement. En tant que délégué de ma promotion, je n’en pouvais plus de l’ingratitude de certains autres étudiants qui estimaient que nous étions à leur service comme une sorte d’esclavagisme volontaire.
Dès lors, on peut se demander comment avec tant de positivisme et de bonne humeur il y a à peine un an, je peux me retrouver à vous parler aujourd’hui de cette expérience avec un presque sourire.
D’une part, je me suis rendu compte que j’étais loin d’être le seul. J’ai la chance d’avoir des amis géniaux, à qui je peux parler. Et j’ai de là, j’ai pu me remarquer que certains d’entre eux traversaient à des degrés divers le même genre d’histoire. Et loin de me nourrir du malheur des autres, savoir qu’on n’est pas qu’une petite bête fragile dans un coin d’Erasme donne un élan d’espoir.
Ensuite, une étudiante a diffusé une enquête pour son mémoire sur la santé mentale des étudiants en médecine. Rebelotte, on en parle entre nous, les résultats tombent, et c’est accablant.
Il m’a fallut tout ce temps pour me rappeler d’une vérité, qui maintenant ne me quitte plus : avant d’être des étudiants en médecine, desquels on attend une sorte d’investissement surhumain et contre-nature, nous sommes simplement des jeunes personnes dans leur vingtaine, avec leurs besoins, leurs besoins de vie sociale, d’amis, de famille, d’amour, de soirées, d’excès, de sport, de sexe, de rires, de pleurs, de culture, d’investissements, de projets, de réussites et mêmes d’échecs.
De mon côté, rien que de parler avec des gens qui comme moi avaient ou avaient eu du mal, de m’impliquer dans un sujet qui m’étais cher, j’allais un peu mieux. Le fait de me dire que de mon expérience, qui était clairement tout ce qu’il y avait de malheureusement plus banal, je pouvais faire quelque chose de bien pour les autres, et cela me donnait envie et l’énergie pour arrêter de m’enfermer dans cette sorte de spirale de négativité.
J’ai pu tester diverses techniques de méditations, dont on vous parlera aujourd’hui telles que la mindfulness, qui m’ont permis de relativiser et d’affronter la réalité de manière
Loin d’être en dépression, je pense aujourd’hui que je traversais une grosse période anxieuse, et que c’est mon entourage qui m’en a sorti. On traverse tous des périodes difficiles, certains d’entre vous en ont traversé des bien pires que celles dues à l’université et doivent voir ce petit récit comme étant dérisoire. Certains d’entre vous sont d’éternels positifs et vivent leurs études comme dans un film américain, ou le héros étudie dans la bibliothèque d’Harvard heureux d’y être, avec des cups de café plus grands que leurs bras et habillés fièrement de leur pull facultaire. D’autres s’enferment dans un stress chronique, s’en rendant compte ou non. Et c’est à ces gens-ci que nous venons offrir des solutions.
Tout le monde n’a pas la chance d’avoir des proches pour parler, ou d’avoir un entourage doté d’une intelligence sociale qui leur permet de soulager leur interlocuteur, comme j’ai pu avoir. De même, tout le monde ne connait pas toutes les techniques, toutes les solutions qui s’offre à eux.
Enfin, permettez moi de vous dire une dernière chose : dans l’état actuel des choses, si l’un de vous se sent mal, c’est normal. Entendez-moi bien : ça ne devrait pas l’être, ça ne devrait pas être ok de se sentir déprimé à cause de ses études. Mais nous vivions la même expérience, et dès lors je vous le garantis : il n’y a aucune honte aujourd’hui d’être au plus bas.
Je vous le promet, en mon nom mais surtout en celui du BEM et je pense pouvoir dire du Bemot, que jamais nous n’arrêterons d’œuvrer pour que la faculté de médecine et la FSM soient des endroits où le bien être étudiant sera une priorité, et que le pôle santé ne soit pas que ce campus perdu au fond de Bruxelles où tout le monde est gris et démoralisé par ses études. Nous serons des professionnels de la santé, et pour bien faire notre travail, nous devrons être en bonne santé mentale. Croyez bien que nous le savons.
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L’humanisme et la médecine
Peu nombreux sont ceux qui se lancent dans les études de médecine sans avoir pesé le pour et le contre. Personne ne peut prétendre ne pas savoir que cette formation est parmi les plus difficiles qui soient : elle vise à faire de nous des humains avec un cerveau encyclopédique, sortes de créatures hybrides.
Mais rares sont ceux qui pouvaient prétendre savoir réellement dans quoi ils se lançaient en commençant cette aventure. Un mélange de cours intéressants (il y en a), assommants (il y en a plus), et déprimants (il y en a trop).
Cependant, qui pourra nier le paradoxe qui réside en la formation de soignants humanistes, quand ceux-ci sont considérés comme moins que leur numéro de matricule ?
L’euphorie de la JAPS passée, l’étudiant se rend vite compte des modalités (mot entré dans son vocabulaire dès le premier jour) selon lesquelles il sera cuisiné. Il apprend vite que les décrets se superposent et se contredisent en sa défaveur, qu’on ne souhaite pas sa réussite et que les bâtons qu’on coincera dans ses roues sont déjà tous prêts à être utilisés.
Et ça arrive très vite : auditoires étouffés d’ambiance anxiogène, mépris des professeurs vis-à-vis de l’échec (qui n’est certes pas une valeur, mais bien souvent une étape qui permet d’atteindre la réussite), surcharge de travail inutile. Instauration de filtres. Délibérations à la virgule près. Interprétation de décrets en sa défaveur. Quand il arrive à passer la première année, il se retrouve face à sa principale désillusion : ce n’est pas mieux après. Il n’est pas considéré comme quelqu’un de valable tant qu’il n’a pas les meilleures notes, tant qu’il ne sacrifie pas ce qui lui est cher sur l’autel de la réussite. Tant qu’il n’est pas prêt à voir sa fierté laissée au vestiaire, tant qu’il n’est pas prêt à laisser une quelconque autorité déterminer elle-même de sa valeur, à l’aide de questionnaires à choix multiples automatiquement corrigés.
Mais il veut être médecin, donc il prend sur lui. S’il ne craque pas, c’est parce qu’il a des amis et des proches qui vivent cela avec lui. L’étudiant se rend compte qu’il n’est pas seul à subir le même traitement. Qu’il doit s’entourer, se blinder. Il réalise également que s’il veut réussir et gagner le jeu, il doit jouer selon ses règles : mettre l’humain de côté pour se robotiser. Cesser de tenter d’être malin pour ingurgiter les diapositives, les syllabi et les résumés.
Attends ? Mettre de côté l’humain ? Pour être médecin ?
Et là, il réalise qu’il y a un problème. Il comprend que la qualité que le patient recherche le plus chez un docteur est celle qu’il doit sacrifier pour réussir le mieux. Medicine, fucking my life to save yours
L’horripilante phrase que l’étudiant en médecine aime afficher est en réalité pleine de sens. Le problème est qu’elle ne devrait pas être juste, qu’elle ne devrait pas être un motif. L’étudiant qui s’engage dans ce cursus ne fait pas un sacrifice de sa vie à la société, il désire simplement soigner et exercer sa passion. Il veut devenir un bon soignant, être quelqu’un de bien qui prolonge et rend la vie d’autrui meilleure.
Mais à quel prix ? Celui du stress chronique, de la perte ou la prise massive de poids, du burn-out et de l’humiliation ? De la destruction de son cycle de sommeil, de sa confiance en lui et de son sens-critique ? Et si c’était différent ? Et si l’on empêchait les étudiants de perdre toute forme de motivation en l’encourageant ? Et si l’on souhaitait sa réussite ? Et si la faculté de médecine ne devenait pas une plateforme de sélection artificielle mais un lieu d’apprentissage humain ? Si tu as souri à la lecture de cette phrase tant elle te parait absurde, c’est que tu es cet étudiant qui a réalisé à quel point ces concepts recherchés chez le médecin sont aux antipodes du traitement que tu as subi depuis que tu es ici.
De nombreux médecins qui sont passés par là s’accordent sur l’importance du loisir, de la culture et du rire en dehors des études. Parfois, le meilleur remède c’est l’évasion. L’évasion au travers d’un sport, d’un film, du folklore, d’une passion. Si ses études ne lui apprennent pas à être passionné, l’étudiant en médecine le sera à l’extérieur d’Erasme. Et quand il sera médecin, parce qu’il le sera, il n’oubliera pas de traiter ses futurs pairs avec humanité, parce qu’il sait que c’est peut-être le plus beau métier du monde, qui ne peut être bien exercé que par de belles personnes. Et la beauté (intérieure, si tu n’as pas suivi), ça s’entretient. Et surtout, ça ne s’évalue pas à coups de QCMs.
Publié dans l’Organe, journal facultaire de la faculté de médecine de l’Université Libre de Bruxelles
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Bruxelles a la gueule de bois
Bruxelles a la gueule de bois
On commence dans la joie. C’est un texte que j’ai écrit au lendemain des attentats du 22 mars à Bruxelles. C’est larmoyant à souhaits mais je le ressentais sur le moment.
22 mars 2016, 8h05.
Une journée qui commence bien : je rate ma sortie d’autoroute pour aller à l’université, j’arrive en retard, mais le sourire aux lèvres parce que le soleil brille déjà ce matin, et que j’ai pu chanter ma nouvellechansonpréféréedelasemaine très fort dans la voiture.
Arrivé dans l’auditoire, je m’assieds à côté d’un ami aussi ponctuel que moi, et le laisse m’annoncer que l’aéroport de Bruxelles a subi deux explosions. On n’en sait pas plus. Ne pas s’alarmer, ce n’est qu’une fuite de gaz, et le métabolisme des lipides que mon professeur de biochimie pathologique essaye de m’enseigner est plus important.
Mais je laisse le doute monter en moi.
Je prends mon téléphone, me connecte sur les sites d’informations.
Et merde. Ça y’est. Je peux rajouter Bruxelles, ma ville, mon chez moi, sur la liste des lieux déchirés par ces sans-couilles.
Après avoir passé une heure à me renseigner, je profite de la pause pour en parler avec mes amis, contacter mes parents.
Ce n’est que quand le cours reprend que j’apprends que ces raclures-de-fond-de-slip ont attaqué le métro.
Les nouvelles fusent, les rumeurs se contredisent : Schuman ? Maelbeek ? Simonis ? Montgommery ? Les quatre ? Une seule ? Bruxelles est-elle devenue en une heure un bain de sang ? Ça ne sera « que » la station de Maelbeek, mais qu’importe, la plaie est là, béante.
Je panique, je quitte la salle. Je dois parler à ma famille, je dois respirer, prendre l’air, mettre les choses au point. Les premières images arrivent, et je vois ces lieux que je connais saccagés, je vois cet aéroport que j’ai traversé des dizaines de fois éventré. Je pense à la panique de ceux qui sont sans nouvelles des leurs alors que le réseau téléphonique sature. D’autres étudiants sortent, pleurent, ils ne savent pas joindre leurs parents.
Finalement, aucun d’entre eux n’aura perdu un proche, mais c’est pourtant à ce moment que je me rends compte que tout a basculé. En quelque sorte, rien ne sera jamais plus comme avant. Ils nous ont eus aussi. Uppercut droit dans la mâchoire.
Après le cours, après des échanges d’amitiés et d’amour, j’emmène une amie coincée sur le campus – il n’y a plus de transports en commun – chez moi, où je trouve ma mère atterrée devant la télévision. Elle souffre de la situation, comme assommée par une matraque invisible. C’est le cas pour nous tous, nous avons été matraqués.
Pendant deux heures, on répond à nos amis qui s’inquiètent, on rassure nos amours, on cherche le réconfort, on regarde les informations. On se noie dans les images, les témoignages, les vidéos. La nausée monte, et ne nous quitte plus. Le bilan s’alourdit. 10, 15, 30 morts. 80, 100, 200 blessés. Ces connards ont gagné : la Belgique, la petite sœur fière et batarde de la France saigne, se nécrose, est à genoux.
Quand les frères couards sont entrés dans la rédaction de Charlie Hebdo, j’ai eu envie de pleurer, j’avais l’impression qu’on m’avait attaqué personnellement.
Ce sentiment s’est décuplé quand on a attaqué la ville de Paris : j’ai été traumatisé par la mort de ces 130 parisiens, non que leur vie ne vaille pas celle de n’importe quel être humain, mais je m’identifiais à eux : c’est égoïstement que je me mettais à leur place. L’éternel « çaauraitpuêtremoi » !
Mais à ce moment-là, j’étais loin de ce que je pouvais ressentir ce 22 mars. J’ai été Charlie, j’ai été Paris. Mais aujourd’hui, plus que jamais, je suis Bruxelles. Je suis chez moi.
Et pour la première fois, j’ai peur. J’ai peur parce que c’est nouveau : aussi proche que la France puisse être de la Belgique, je n’avais pas laissé cette boule de colère, de tristesse, d’incompréhension et de mépris monter à ma gorge. Ce n’était pas réel. C’était une horreur qui arrivait à notre grande sœur.
Ce 22 mars, des sombres chiures ont mis à terre cette petite fierté, cette grande dérision belge. Le fanatisme a gagné un round. Mais le fanatisme est faible, ses adeptes sont mous, et nous sommes forts et puissants.
Nous sommes puissants mais abasourdis.
Un jour après, je n’ai pas encore pu sortir de chez moi pour me rendre en ville, rendre hommage, faire en sorte que Bruxelles soit un peu plus vivante et un peu moins morte, que ma main tendue en soit une de plus pour permettre à la Belgique de se relever. Mais je le ferai. Je suis là Bruxelles.
Mon université est un des rares établissements à avoir ouvert ses portes ce matin et j’en suis extrêmement fier. Cependant, je ne suis pas allé en cours, parce que je me sens comme frappé d’une énorme gueule de bois ce matin. Pire. J’ai l’impression de m’être réveillé dans un monde dans lequel Bruxelles est vivante, mais dans lequel Bruxelles a changé. Elle est plus sage. Elle a été punie injustement pour un méfait qu’elle n’a pas commis.
Aujourd’hui, je me suis réveillé, et j’ai peur. J’ai peur parce que je sais que tout a changé.
Mais aujourd’hui, je sais que j’apprendrai à vivre dans ce nouveau monde. Hier j’ai pleuré ma ville, aujourd’hui je prends les armes. Nous n’arrêterons pas d’étudier. Nous te reconstruirons Bruxelles, ma belle, nous panserons et suturerons tes plaies, nous te réapprendrons à te tenir debout, et tu seras plus forte. Pour que plus jamais, tu ne tombes.
Ne te laisse pas envahir par le fanatisme qui va tenter de te bouffer de l’intérieur, qui va essayer d’infecter tes plaies : ne laisse personne dire qu’une communauté n’a pas de place en ton sein, ne laisse personne te détruire. Tu es belle parce que tu as mille visages. Je t’en prie, fais en sorte que chacun d’entre eux, dans un geste d’ultime mépris montre toutes ses dents. Montre leur que contre toute apparence, ils ne t’ont pas eu. Ils ne nous ont pas eus.
Ce matin, je me suis réveillé. J’avais peur, mais j’ai aussi confiance.
Aujourd’hui, Bruxelles a la gueule de bois. Mais demain elle fera la fête.
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