Orientation sexuelle : l'absence d'attirance pour autrui, quel que soit le genre [Vos questions et commentaires] [Vos contributions et témoignages] [A propos]
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Ce qu’il y a derrière nos mots - nos identités
Nous personnes LGBTQIA+, quand nous nous découvrons différent·e·s, nous faisons en général l’exercice de repérer le ou les bons mots qui décrivent ce que nous ressentons, et à les utiliser pour nous identifier et pour nous expliquer face aux autres.
Pour les autres justement, cet attachement à notre identité semble alors forcé voire malsain. On nous reproche de nous y accrocher comme si nous avions peur de soudain passer de l’autre côté si nous la lâchions, on voudrait penser que notre identité ne tient qu’à un fil �� à un mot.
Mais ce reproche reflète plus leur pensée que la nôtre. En réalité, on nous reproche de nous y accrocher car on souhaite nous voir passer du côté normé et l’on perçoit notre obstination sur cette identité comme la seule chose qui nous en empêcherait encore. Oui, on accepte peut-être de tolérer quelques instants notre remise en question du système et notre questionnement de nous-mêmes, mais on aimerait bien qu’après cette petite rébellion nous soyons prêt·e·s à arrêter de jouer et rentrer dans le droit chemin.
Il y a une confusion de cause et d’effet. Parce que dans un monde normatif être différent doit être revendiqué, on veut croire que derrière nos identités il n’y a que de la revendication creuse, une demande d’attention. Nous exigeons de pouvoir être nous-mêmes, et l’on croit à une performance pour être vus, au lieu de simplement respectés. Nous exigeons que la société regarde en elle-même ce qu’elle construit et en quoi elle peut être meilleure pour ceux qui y contribuent, en quoi de la diversité peut l’enrichir, et l’on ne veut pas remettre en question l’ordre établi, l’on préfère penser à une phase de provocation pure : la vision moderne de l’adolescence.
Mettre l’accent sur notre identité, sur ces mots différents, c’est prolonger le défi. La société normative est autoritaire, elle n’aime pas qu’on lui dise non trop souvent. Elle a très envie de croire que nous sommes juste en train de nous enfermer dans un caprice, dont nous n’arrivons plus à sortir.
Non !
En tout cas, ce n’est pas si simple.
1. Une identité, une réjouissance
Tout d’abord, c’est parce que nous avons passé beaucoup de temps à essayer de nous intégrer à l’autre côté, parfois des années à nous sentir mal, et que cette identité nous a libéré·e·s, que nous avons envie, besoin, de la célébrer, de la partager. Cette identité, c’est le contraire d’un enfermement pour la plupart d’entre nous.
Dans ce monde peu libre et peu respectueux, où toute déviation de la norme est observée, pointée du doigt, commentée, attaquée, un mot qui exprime notre expérience et notre ressenti, partagé avec d’autres comme nous, peut suffire à nous donner une voix, une exhortation à nous respecter nous-mêmes.
Nous reprocher alors de nous réjouir de cette libération, c’est nous préférer malheureux·ses dans la norme plutôt que différent·e·s mais heureux·ses. Est-ce que ça va nous faire changer d’avis ? Plus probablement, ça ne nous donnera simplement plus envie de fêter notre différence avec vous, et nous nous éloignerons émotionnellement.
2. Une identité, une description
Ensuite, halte au cynisme. Tout le monde sait qu’il n’y a pas de permanence de l’être. A quoi ça sert de dire à un adolescent que son premier amour ne durera probablement pas, à de nouveaux fiancés que la moitié des mariages finit par un divorce, à une jolie jeune femme qu’elle va vieillir et flétrir et ne sera plus ni jeune ni jolie à nos yeux ? A quoi ça sert de dire à un enfant qui aujourd’hui n’aime pas les épinards qu’il changera d’avis quand il sera grand, de dire à quelqu’une qui adore une série qu’elle la verra peut-être d’un autre oeil dans 10 ans ? A l’inverse, à combien de personnes hétérosexuelles on rappelle que la sexualité peut être fluide et changer dans le temps ?
Nous apprenons, nous nous formons, nous rebondissons dans la vie, et les choses changent autour de nous, et nous changeons aussi. Plus qu’on ne penserait, parfois. Pas autant qu’on aimerait, souvent.
Pourquoi et pour qui est-ce important de souligner qu’une identité peut changer ?
Si on veut nous pousser à changer d’avis, c’est la pire stratégie ! Allez dire à une autre personne que vous rigolerez bien quand elle changera d’avis sur (insérer ici quelque chose qui lui tient à coeur). C’est du dernier puéril, et heureusement pour elle, cette personne ne programmera (probablement) pas le reste de sa vie de façon à vous donner tort, mais est-ce qu’elle aura envie de partager avec vous les petites découvertes, questions, et nuances de sa situation ? Est-ce qu’il n’y a pas un petit risque que, braquée, elle s’empêche inconsciemment de les explorer ?
La rigidité de la norme, l’intolérance de ceux qui la défendent, sont souvent plus dommageables que les tentatives de rejeter le modèle dominant qui en découlent.
Ce n’est pas tant nous trouver une identité qui risque de nous radicaliser, que la pression de la société pour nous la faire renier.
3. Une identité, un mot
Enfin, et si on nous laissait accorder à nos identités toute l’importance qu’elles méritent — et pas plus ? Ce ne sont pas nos nouveaux avatars dans une révolution mondiale (quoique… d’autres se sentent tenté·e·s ?), ce ne sont pas des camps pour de futures guerres d’un nouveau genre (ha!), ce sont des mots qui décrivent notre expérience vécue. Ils sont importants pour ce qu’ils décrivent. Et ils sont plusieurs ! Si au fil du temps d’autres mots nous servent plus, nous avons le droit de les utiliser, ou même de les créer — les langues vivantes ont cet avantage.
Pourquoi les gens insistent pour utiliser aussi souvent le mot « voiture » ? Parce que c’est plus utile que de trouver constamment des paraphrases pour un véhicule personnel motorisé équipé de 4 roues et carrossé, etc. Nous ne nous accrochons pas aux mots, nous les utilisons pour faciliter notre appréhension des concepts et nos efforts de communication.
Bref. Ce sont des mots, et ils ne sont pas magiques mais ils sont utiles.
Et ils ne sont que le début de la conversation. N’y mettez pas fin trop vite en les refusant. Nous aimerions vous inviter à la suite.
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C’est quoi le désir ? II/ Et si on n’avait du sexe que si on le voulait activement ?
Le problème quand on est asexuel·le et confronté·e au sexe c’est qu’il nous manque deux référentiels :
Le premier : une culture du consentement
Quand on passe beaucoup de temps plaisant avec une personne qui nous intéresse, intéressée par nous, agréable, mignonne, qui nous fait rire, la société nous demande quelles sont nos raisons pour ne pas avoir de sexe.
On entend couramment des messages comme « il faut coucher avec son homme si on veut le garder », « vierge après 20 ans c’est pathétique », « refuser de coucher avec son conjoint sans bonne raison c’est pas cool et il a bien raison de la quitter », etc.
Il faudrait justifier pourquoi on ne veut pas d’une relation considérée comme complète selon les standards établis. Expliquer ce qui nous retient. Et puis, faire un effort, et essayer.
C’est dommageable, et ça ne marche pas.
La question qui devrait être posée c’est : est-ce qu’on a vraiment envie d’un rapport sexuel, là, avec cette personne ? Toute réponse positive serait un feu vert. Toute réticence, hésitation ou raisonnement qui dit « bon, je n’ai pas de raison de ne pas vouloir » serait un feu rouge.
Et qu’est-ce qui peut nous aider à y voir plus clair sur ce feu vert ?
Le second référentiel qui nous manque : la notion de désir
Personne ne définit le désir dans une société où il est sous-entendu que tout le monde le connait un jour. Quand on ne le vit pas et qu’on n’a aucune idée de à quoi ça devrait ressembler, mais qu’on est à l’âge où soi-disant tout le monde comprend, on peut se laisser guider et influencer par tout autre chose.
Pourquoi tout le monde reconnait que la toute première expérience sexuelle est en général minable, surtout pour les femmes hétérosexuelles, et pourtant l’immense majorité des gens, y compris les femmes hétérosexuelles 1) essaye quand même et 2) cherche à recommencer, plusieurs fois ?
S’il fallait « essayer » le sexe pour en avoir envie, et s’il fallait avoir une expérience réussie, il y aurait beaucoup, beaucoup moins de sexe. Il n’y aurait même pas de première fois sauf pour les gens qui cherchent à procréer !
La seule explication logique, c’est que les gens ont des rapports sexuels parce qu’ils en ont envie avant même de passer à l’acte : quelque chose les attire, les y pousse. Et ils sentent que l’acte lui-même répond à ce quelque chose. Cela peut-être sans direction (la libido en éveil) ou dirigé (le désir pour une autre personne), mais il y a bien un moteur.
Or, c’est étonnant mais ce n’est pas du tout le message véhiculé par la société.
Parce que le désir reste sous-entendu et non défini, tout se passe comme si une personne ou une situation était intrinsèquement excitante, et menait naturellement à l’acte.
De l’objectification des femmes et de certaines parties de leur corps (sexy par nature), au script des pornos (une situation de départ crée l’opportunité, qui amène automatiquement au rapport), en passant par les discours autour du sexe qui ôtent toute autonomie personnelle (les hommes et les femmes ne peuvent pas être amis, les hommes ne pensent qu’à ça, une personne en couple ne devrait pas passer beaucoup de temps avec une tierce personne du genre désiré, le fait de ne pas avoir de relations sexuelles fait l’objet de dérision) jusqu’aux dérives des violences sexuelles et de leur représentation (vu ce qu’elle portait évidemment il ne pouvait pas s’en empêcher, elle n’a pas dit non, les hommes en ont toujours envie, c’est une allumeuse si elle l’excite et qu’elle dit non ensuite, une jolie femme qui ne veut pas de sexe c’est du « gâchis »…). Perversement, les femmes sont punies pour leur sexualité dans tous les cas, mais c’est encore autre chose.
Donc je résume :
La grande majorité des gens ressentent du désir, à tel point que personne ne le définit ou ne l’explicite, c’est juste une réalité omniprésente de la vie.
Donc la société nous montre que certaines situations amènent automatiquement aux rapports sexuels, cela paraît naturel et systématique et la suite logique de ces situations, et c’est décrit comme tellement génial et incroyable que tout le monde chercherait à en avoir le plus possible et de la meilleure qualité possible ;
En outre, la société a zéro culture du consentement, et notre entourage nous dit de façon répétée qu’on rencontrera quelqu’un un jour, que ça nous arrivera aussi, qu’il faut essayer, qu’on ne sait pas tant qu’on n’a pas essayé ; en parallèle, cette absence de culture du consentement délivre des messages qui enjoignent à avoir des rapports pour s’épanouir et satisfaire sa·on partenaire
Et maintenant nous voici nous, qui ne connaissons pas du tout le désir, et qui nous retrouvons dans une de ces situations, seul·e avec une personne chouette qui veut coucher avec nous et sans « bonne raison » de dire non, et nous devons nous rendre compte spontanément que nous sommes parmi les rares personnes à ne pas avoir activement envie d’avoir un rapport avec une autre personne ?
J’admire profondément, sincèrement, les personnes asexuelles qui ont eu assez de connaissance d’elles-mêmes, de confiance dans leur ressenti, d'esprit critique face au discours ambiant martelé, pour s’en rendre compte avant de passer à l’acte et ne pas le faire. Moi j’ai « essayé », et je ne m’en veux même plus : je n’avais pas les outils à l’époque pour savoir que je n’en avais pas envie et que je n’avais pas besoin d'essayer.
Si les personnes asexuelles se battent aujourd’hui pour leur simple visibilité, c’est pour donner ces outils aux nouvelles générations : le simple fait de savoir que ne pas avoir envie est une possibilité, ça change des vies. Et ça devrait être une évidence et pourtant dans le monde actuel c’est inimaginable. Alors aidons celles et ceux qui en ont besoin à l’imaginer :
Il est possible de ne pas avoir envie de faire l’amour, sans « bonne raison ».
Mieux : c’est faire l’amour qui devrait nécessiter une bonne raison, et elle peut être différente d’une personne et d’une situation à l’autre, mais que l’on comprenne le désir ou pas, je propose qu’on change de message et qu’on suggère aux gens qu’on devrait faire l’amour seulement si on en a vraiment, activement envie.
Encore mieux : on devrait faire l’amour seulement si on en a vraiment envie et si on s’assure que notre partenaire en a vraiment envie aussi.
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C’est quoi le désir ? I/ Je n’ai pas toujours su que je ne voulais pas de sexe
Je l’ai déjà exprimé, mais la grande difficulté d’une orientation comme l’asexualité, c’est qu’on se définit par la négative : on a bien compris que par rapport à une majorité de gens, y a un truc qu’on n’a pas. Mais comment comprendre ça quand on ne le vit pas, et que personne ne le définit proprement ? Une tentative…
Un jour sur Tumblr j’ai lu un texte qui disait à peu près ceci : « dans l’éducation sur la sexualité, si on parle de consentement, on dit « on ne devrait avoir de rapports sexuels que si on en a envie », mais à peu près tout autour de nous repose sur l’assomption que tout le monde en a envie ».
Alors on finit par internaliser que nous aussi on en a ou on en aura envie, tout ça n’est juste pas très clair…
Par exemple, moi je savais déjà que je n’étais pas très en phase avec mon corps (plutôt très intello) : c’était plus facile de me dire que j’étais moins sensuelle, « physique » que les autres, que de considérer que peut-être il y avait un truc qui clochait dans le discours ambiant et que je n’en avais pas vraiment envie.
Voici les choses que j’ai pu me dire vis à vis du sexe, avant de comprendre que j’étais asexuelle :
je ne l’ai pas encore fait et je n’ai pas d’imagination : peut-être que quand je l’aurai fait je saurais me rappeler que c’est super et j’en aurai envie rien qu’en y pensant, comme les autres
il est drôle et gentil et mignon et respectueux et intéressé, donc ça doit être le « bon » qu’on m’a tant promis, et c’est la suite logique
Et puis pendant (attention, contenu qui peut déranger) :
on a passé un bon moment, on est seuls dans un endroit privé, avec du temps devant nous, on a tout anticipé, donc maintenant c’est ça qui va se passer, il n’y pas de bonne raison de faire autrement
cet acte-là en particulier ne me dérange pas trop donc ça doit vouloir dire que c’est OK de continuer et d’aller plus loin
c’est un peu dégoûtant et gênant mais ça doit être normal, je ne suis pas habituée
c’est plaisant par certains côtés mais c’est aussi très stressant et gênant, il y a beaucoup de choses qui se passent et j’ai du mal à comprendre ce que je ressens vis à vis de tout ça
ça viendra, c’est ce qu’on m’a dit
je me demande quand je vais être assez à l’aise avec ça pour l’apprécier comme ça a l’air de l’être pour la plupart des gens
je l’aime bien et je suis contente qu’il passe un bon moment et d’y contribuer mais j’espère que ça finira bientôt
…
A quel moment l’expérience individuelle (« je ne suis pas sûre de ce que je ressens », “c’est pas vraiment mon truc”) dépasse-t-elle l’injonction collective du désir (tout le monde le fait, en a envie, c’est notre humanité…) ?
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Cette question que vous brûlez de poser à votre proche sur son asexualité...
Je vous propose une règle simple en 3 filtres :
1. Lui avez-vous déjà posé cette question ?
Si oui, ça suffit.
Il faut savoir s’arrêter.
Que votre proche ait refusé de vous répondre, ou que sa réponse ne vous convienne pas, malheureusement pour vous, c’est votre problème. N’en faites pas le sien.
Il ne vous reste plus qu’à respecter son intimité, sa vie, son expérience, ses choix, son confort.
Eh oui, c’est bien de cela qu’il s’agit !
2. Est-ce que c’est vraiment une question ?
Quelque chose vous titille dans l’asexualité de votre proche ? Ce n’est pas tant une question qu’un commentaire que vous avez envie de faire ?
Une solution simple : gardez pour vous votre gêne, votre désapprobation, votre suggestion ou votre envie d’argumenter.
On ne met pas au même niveau notre léger inconfort d’être confronté à une différence qu’on ne comprend pas complètement, et l’inconfort de la personne différente face au poids de la société et de ses normes et jugements.
Là encore, votre rôle est de respecter votre proche, pas de contribuer à lui compliquer la vie - et on vous en remercie !
3. Avez-vous déjà ce genre de conversation ensemble ?
Si vous avez une relation personnelle proche et que vous avez déjà parlé de sujets à ce niveau d’intimité,
ou si votre proche vous en a parlé spontanément en vous disant que les questions ne l’embêtaient pas :
C’est ok, posez votre question, de manière respectueuse et ouverte. Et respectez la réponse ou la non réponse que vous obtenez en retour.
Dans les autres cas : désolée, votre curiosité est sûrement compréhensible mais n’est pas prioritaire sur le confort de votre proche et votre relation.
Vous pouvez vous renseigner sur internet si c’est une question générale, ou exprimer à votre proche que pour vous la discussion sur ces sujets sera toujours ouverte - à condition que ce soit vrai.
Et ce sera super !
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Une histoire d’identités
Le fait que les orientations et le genre au sens queer du terme soient désignés comme des « identités » peut donner l’impression fausse que ce sont des sujets d’ordre personnel. Mon identité est… Je m’identifie comme… Je suis… Un processus interne, privé, en somme.
Pour moi, ces identités n’existent que par rapport aux autres, et naissent dans un contexte culturel et social sans lequel elles n’auraient pas besoin d’être développées et articulées.
Quelle est l’orientation d’une personne seule au monde ? Quel est son genre ? Aucun, ou alors ça n’a aucune importance, car cela ne se fonde sur aucune attirance, aucun code, aucune comparaison, aucune compréhension du sujet.
Je ne sais pas ce qui m’a faite comme je suis, mais maintenant c’est ainsi, c’est (en partie) moi.
Je suis asexuelle, aromantique, et agenre.
Comment se sont construites ces identités ?
Ces trois mots, que je n’ai découverts qu’à 24 ans, restent vrais pour définir mon expérience et mon ressenti a posteriori, du plus loin que je me souvienne.
Pourtant, est-ce que mon identité d’orientation et de genre a commencé à 4 ans, 5 ans, 6 ans ? Evidemment, non. Je n’étais alors qu’un des « monstres » insouciants de ma fratrie.
Il me semble que cette liberté d’exister en petit être apprenant et vivant, définie par ma personnalité, mes intérêts, mes actions, a disparu pour toujours à la puberté.
Et je crois que je ne m’en suis jamais tout à fait remise.
J’ai d’abord compris péniblement qu’être une fille qui n’avait pas l’air d’être une fille et ne s’en souciait pas trop ne permettait pas tout à fait de s’intégrer ni aux groupes de mes pairs, ni aux codes sociaux auxquels mêmes les adultes souscrivaient. Ce n’était pas si grave, ni si intéressant. Jusqu’à ce que des changements de vêtements a priori sans importance me fassent comprendre que j’étais davantage traitée comme une personne et considérée quand je ressemblais à une jeune fille. Je ne vous dis pas le choc.
J’ai commencé à performer la féminité, comme on dit. Sans trop d’idées au début, assez classiquement (parce que, misogynie internalisée à l’appui, trop de féminité semblait presque aussi dégradant que pas du tout), puis en ajoutant jupes, talons, maquillage, décolletés, jusqu’à en faire un jeu, jusqu’à prendre plaisir parfois à des combinaisons improbables et audacieuses parce que quitte à se déguiser, autant s’amuser, et parfois jusqu’à être malade devant la garde-robe, à devoir jouer un rôle pour sortir de chez soi et se sentir une part acceptée de la société.
Est-ce que j’ai toujours eu une réaction intérieure de rejet quand on parlait de moi comme d’une jeune fille, puis d’une jeune femme ? Est-ce que je sentais un goût amer quand je devais me désigner moi-même comme une femme, avec ce sentiment pressant d’imposture ? Oui. Mais c’est bien le rôle qu’on m’avait assigné, et je ne le joue pas si mal.
Qu’importe si j’ai perdu mon inconscience de moi-même et de mon propre aspect ? J’ai peut-être de beaux yeux — et je suis plus écoutée. Le secret ? 3 pinceaux différents, 4 couleurs de fards à paupières, du mascara, et des heures de tutoriels Youtube.
Mais revenons à cette belle époque du milieu de la puberté où tout ça commençait à se jouer.
A ce moment-là, les ados autour de moi grandissaient aussi. Je trouvais que les gens qui tombaient amoureux étaient bien empêtrés dans leurs histoires de coeur. Je me suis dit que ce truc là, je n’en voudrais jamais, c’était trop inefficace et ça faisait perdre du temps et faire des bêtises. Je ne voyais vraiment pas l’intérêt. Ma mère m’a dit « on rira bien dans 10 ans ».
Les gens me fatiguaient tellement. Je me disais que j’aimerais bien être nonne, mais probablement j’aurais envie de sexe avec un peu plus de maturité, puisque tout le monde en a envie n’est-ce-pas, et le voeu de chasteté semblait un obstacle peu justifié à ce désir soi-disant universel. (Bon le fait que je ne croyais pas en un dieu était un autre obstacle mais j’étais encore en quête de foi, ça pouvait venir !). Ermite restait une option intéressante - en plus, les ermites sont toujours représentés avec des gros bouquins. Et une barbe touffue. Mais bon. Des bouquins !
Bref, l’amour je n’y croyais pas trop. En fait, j’étais persuadée que c’était un choix. Les gens choisissaient de se livrer à des comportements absurdes pour avoir des sensations fortes, moi je préférais les manèges, chacun son truc.
Non, ce qui m’inquiétait c’était le sexe. Ça parlait beaucoup de sexualité à l’adolescence, et ça en parlait très mal avec un mélange dangereux d’ignorance et de fascination. Tous les mythes y passaient : ça faisait très mal la première fois pour les filles, et en tout cas pas plaisir, on saignait mais pas toujours surtout si on avait déjà fait du cheval, l’orgasme c’était plus compliqué pour les filles donc il fallait surtout simuler mais si jamais ça arrivait ce serait comme un feu d’artifice, il y avait jouir et jouir, et il fallait essayer de jouir mais si on jouissait c’était bien aussi, et les baisers de cinéma est-ce que ça se faisait avec la langue ? on avait vraiment envie de savoir. Bref. Je vous épargne le reste, le mieux est d’oublier tout ça. Avec internet et de nouvelles vagues féministes passées par là, j’espère que les ados d’aujourd’hui ont accès à de meilleures sources d’information et à des messages plus sains.
Passons les détails du « bon ben il va falloir s’y mettre parce que plus le temps passe, plus j’aurai la flemme et moins j’y arriverai, et je sais que la société a une drôle d’idée de celles et ceux qui arrivent vierges à 30 ans » (eh oui, la pression de tout ce qu’on vous met dans la tête sans même avoir besoin de l’exprimer directement…) Donc, ça c’est fait, passez votre chemin.
J’ai eu juste le minimum d’expérience pour pouvoir en parler comme si de rien n’était dans les conversations, soulagée quand c’était fini.
Quand il ne s’est plus agi que de sexe, j’ai commencé à paniquer.
J’ai tout laissé tomber, je me suis dit que je préférais être cassée, seule, que cassée et faire de la peine à quelqu’un.
Et puis j’ai découvert une identité dans laquelle je me suis complètement reconnue, et j’ai arrêté de culpabiliser.
Est-ce que j’aurais été asexuelle dans un monde où on ne s’attend pas forcément à que tout le monde ait des relations sexuelles ? J’aurais juste pu être moi, à vivre ma vie sans ça et sans rien définir ni justifier.
Est-ce que j’aurais été aromantique dans un monde où on ne s’attend pas forcément à ce que tout le monde s’accouple et veuille partager sa vie avec une personne en permanence ? J’aurais juste pu être moi, à vivre ma vie et passer autant de temps que l’on aurait voulu avec les gens avec qui je me sens bien.
Est-ce que j’aurais été agenre dans un monde où j’aurais juste pu être moi, et dire et faire et porter les trucs qui me passaient par la tête ? J’aurais juste pu être moi.
Et puis y a-t-il un lien entre tout ça ? Peut-être que dans un monde où la sexualité est hyper genrée, ma féminité ne m’a jamais parlé parce que la féminité se construit en complément et en opposition de la masculinité, dans un rapport plus ou moins de séduction qui ne m’intéresse pas. Ou alors peut-être que c’est l’inverse : peut-être que je ne ressens pas d’attirance pour d’autres personnes parce que je ne me considère pas comme un être genré et sexué et que je n’arrive donc pas à me situer sur ce plan par rapport aux autres ? Est-ce que j’aurais été une de ces identités et pas une autre dans un monde légèrement différent ?
Mes identités d’orientation, je les revendique aujourd’hui. J’en suis contente, j’en suis soulagée, parce que je ne sais pas et n’ai pas envie d’être différente de ce que je suis. Mon identité de genre, je n’en parle pas trop - politiquement, socialement, mon expérience est celle d’une femme, et ma solidarité et mon empathie vont aux femmes — et puis, même si l’on ne respecte pas tant que ça les femmes, ça reste mieux que d’être traitée comme un « ça ».
Mais quand on me dit que mes identités m’enferment, ça me donne parfois envie de hurler. Car ce ne sont pas ces identités, ces simples mots qui décrivent des aspects de moi, qui m’enferment. Non, c’est la société et ses attentes, et sa pression, et son carcan dans lequel je ne rentre pas tout à fait. Je sais que je suis loin d’être la seule.
Ces mots, ces identités m’ont juste donné un petit souffle d’air. A les lire, à m’y retrouver, je me suis permis d’être un peu plus moi-même.
Pour le reste… il faudra démanteler le patriarcat, l’(hétéro)sexualité compulsive, et l’amatonormativité. Et toutes les autres intersections d’oppressions. On continue ?
#asexualité#aromantisme#agenre#aromantique#asexuelle#identité#l'asexualité et les autres#expériences asexuelles
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En questionnement
Des fois, on n’est pas sûr·e de ce qu’on est. En fait, ça arrive souvent, quand on n’est pas dans la norme.
Il y a des gens qui n’ont jamais eu à se poser la question. Quand c’est le cas, c’est qu’ils rentrent dans les standards que la société a créés et dans lesquels on les a placés d’office — et qu’ils n’ont jamais ressenti le besoin ou l’envie d’interroger d’autres possibilités. Tant mieux pour eux. Mais est-ce que c’est ce que la société peut faire de mieux ? Des standards qui étiquettent et cadrent des personnes qui n’en auront jamais conscience, et qui occultent et font souffrir toutes les autres ?
Je trouve ça très sain de se poser des questions. De remettre en cause un modèle, de chercher à se mettre à l’écoute de ses propres envies, son propre fonctionnement, ses rapports aux autres.
Est-ce que c’est confortable ? Pas vraiment. Mais c’est important.
1) Si vous vous demandez en passant une fois, deux fois, trois fois si c’est ça, si c’est là, si ça doit être comme ça, si c’est ça pour les autres, si c’est bien ça qu’on vous a dit ? Si vous vous demandez avec angoisse si vous n’êtes pas asexuel·le (ou aromantique, ou…), si vous vous n’avez pas envie de vous voir en couple hétéro monogame classique, si vous vous inventez des attirances ou des aventures, si vous vous forcez à regarder des personnes du « bon » genre pour jauger, si vous n’êtes pas sûr·e de comment vous regardez les autres personnes, si vous êtes hyper confus·e, si vous êtes hyper mal à l’aise, si vous préféreriez faire autre chose et que ça vous tracasse un peu quand même…
… vous n’êtes probablement pas hétéro (voire cis).
Bon ok, c’est pas à moi de vous le dire.
Mais dans ce monde où il est très, très, très facile d’être cis-hétéro et de ne jamais se poser la question ? Si vous vous posez la question, c’est qu’il y a quelque chose. Faites confiance à votre ressenti. Entendez vos propres signaux.
Peut-être qu’à force d’explorations vous saurez exactement ce que vous êtes, peut-être que nous ne saurez jamais vraiment. Techniquement, il pourrait — il devrait — y avoir autant d’identités que d’individus. Peu pratique pour partager des expériences, mais assez logique quand on pense à l’unicité de nos fonctionnement, nos expériences, nos ressentis…
Peut-être que vous trouverez une réponse dans une identité qui existe, peut-être que vous devrez forger la vôtre, peut-être que vous choisirez de ne pas utiliser d’identité spécifique, ou d’utiliser une ombrelle comme « queer » , « questioning » (ça existe !) ou “sur le spectre” ou autre et de créer votre propre façon de vivre. Dans tous les cas : bienvenue !
2) L’asexualité et l’aromantisme, c’est compliqué.
Parce que la sexualité et l’amour romantique, c’est compliqué !
Le sexe est hyper explicite dans notre société, on voit de la nudité et de l’érotisme partout, la pornographie est excessivement accessible sur tous les supports réels et virtuels, mais où sont les discours sur l’intimité, le consentement, l’excitation vs le désir ? Je suis sûre que les hétéros pataugent aussi, mais les aces ??? haha.
On nous a bien expliqué comment prendre ses précautions quand on ferait l’amour, mais jamais de quoi ça aurait l’air quand on aurait envie de faire l’amour, parce qu’on assume que tout le monde ressentira ça à un moment, et saura.
On nous a aussi dit qu’on tomberait amoureux·se un jour, mais jamais de quoi ça aurait l’air — parce que je n’ai encore rencontré personne qui sache expliquer vraiment ce que c’est qu’être amoureux·se — mais on assume que tout le monde ressentira ça à un moment, et saura.
Si on ne sait pas, si on continue à ne pas savoir ?
Oui. Il y a une raison.
Soit vous êtes une personne hétéro absolument indifférente (sexuellement et/ou romantiquement) à toutes ou presque toutes les personnes que vous avez jamais connues au-delà de relations platoniques, soit… vous n’êtes pas hétéro. Qu’est-ce qui est le plus probable ? Les gens confondent la probabilité absolue et la probabilité conditionnelle : quelle est votre chance de ne pas être hétérosexuel·le ? 10% ; d’être ace ou aro ? 1%. OK, c’est pas beaucoup, alors il y a peu de chance, hein ? Mais attendez, quelle est votre chance de ne pas être hétéro sachant que mis·e à côté de n’importe quelle personne (à une ou deux exceptions près) vous n’avez pas éprouvé d’attirance ? Exponentiellement plus importante !
Après, il y a ressentir d’office l’envie, et vouloir explorer. C’est une chose si on apprécie une situation qui nous étonne et qu’on a envie de suivre l’aventure. Mais si on sent qu’on est pas dedans, ou pas comme l’autre personne, ou que quelque chose nous échappe encore ?
On n’a pas besoin d’être sûr·e de notre réponse ou notre identité pour prendre du recul.
3) On n’a pas à se justifier
Et certainement pas face aux personnes qui, elles, sont dans la norme — et ne se posent même pas la question.
Ne nous laissons pas impressionner par les questionnements des personnes qui sont tellement dans la norme qu’elles ne la voient même pas. C’est pas un reproche, je constate seulement. En fait, c’est comme avec la probabilité, les gens oublient facilement ce que c’est qu’une norme, et ne se rendent pas compte que ça veut juste dire que la majorité des gens suivent à peu près ce modèle : ça ne veut pas dire que c’est le seul modèle universel possible ; et ça ne veut pas dire non plus qu’il faut le transformer en injonction alors que c’est juste une description du modèle le plus commun !
On peut rentrer dans le piège du bingo vegan, et on peut même s’en tirer très bien. Faut juste… pas se sentir obligé·e ! Dire « oui, je comprends que les choses sont claires pour toi, tu cherches un·e partenaire de tel genre pour un mariage traditionnel ; pour moi c’est pas forcément mon trip donc j’explore ! », ou autre variation, c’est déjà pas mal.
Parce qu’on part quand même avec un sacré désavantage pour une bonne conversation : d’un côté, on a des personnes qui se questionnent et donc ont du mal à comprendre les concepts et la pratique d’une orientation ; de l’autre, des personnes qui pratiquent sans s’être souvent jamais posé la question ou avoir mis des mots dessus.
Si on se soupçonne d’être asexuel·le, on est peut-être en train de démêler dans notre tête des trucs comme l’attirance esthétique (trouver quelqu’un joli), sensuelle (avoir envie de toucher, tenir la main, faire des bisous ou des câlins), avec l’attirance sexuelle et essayer de comprendre ce qu’on ressent ou pas, et des attentes de couple dans tout ça si c’est quelque chose qui nous intéresse. Si on se soupçonne d’être aromantique on est peut-être en train d’essayer d’y voir clair sur les concepts d’amour platonique, amical, queerplatonique, familial… et de les différencier de l’amour romantique, mais aussi du concept de couple et de mariage et de ce qui relève plus du choix de vie que du sentiment…
Maintenant, face à nous : une personne qui considère qu’être attiré·e par quelqu’un, c’est tout ça à la fois, évidemment, et que tout le monde ressent exactement ça — évidemment. Elle est absolument sûre de son modèle, la majorité, la norme sont de son côté.
Dans ces conditions, l’échange risque de n’être très satisfaisant pour personne, mais particulièrement désagréable et déstabilisant pour la personne en questionnement.
La vérité, c’est qu’on a plus de chance d’être incertain·e quand on n’est pas dans la norme, et encore plus de chance d’être incertain·e quand on comprend que ce qui nous sépare des autres n’est pas quelque chose de différent mais carrément quelque chose de manquant : on essaie de se définir par quelque chose qu’on ne comprend pas et qu’on a l’impression de louper dans la vie des autres. Pour entrer triomphalement dans les définitions, c’est un peu gênant.
Alors je voudrais rappeler ceci : on a le droit de ne pas avoir réponse à tout, ça ne veut pas dire que l’autre a « raison ». On ne parle tout simplement pas au même niveau de conscience et de ressenti d’un sujet !
Par contre, vous savez qui sont les gens très sûrs d’eux ? Oui, ceux dont les croyances sont entrées et chevillées au corps et jamais questionnées.
Si la conversation s’y prête, je proposerais de leur retourner la question :
Pour toi c’est comment, d’être attiré·e par quelqu’un ? D’être amoureux·se ?
Qu’est-ce que tu attends d’un·e partenaire ?
Déjà c’est plus juste : que ce soient les personnes qui vivent les sentiments qui aient à les définir ! Ensuite, c’est plus intéressant, ça désamorce une attaque potentielle, et y a même moyen d’apprendre quelque chose !
Et enfin, c’est plus facile après de dire : « ah oui, ça et ça ? Ouais non, moi je ne le ressens jamais (ou presque jamais), ça confirme mon impression, merci de m’avoir aidé à éclaircir ce point ! ».
Autre renversement de situation possible :
- Tiens, tu vois ta collègue Machine et ton collègue Truc ? Ben pour moi, tous les gens que je rencontre sont comme ça (sauf peut-être un ou deux pour celles et ceux qui sont sur le spectre !). Je peux bien m’entendre avec eux et m’en faire des amis ou relations plus ou moins proches, mais c’est ça. (Le secret c’est de bien choisir les collègues en question, en fonction des goûts de votre interlocuteur·trice et de votre orientation : sexy et/ou pas sexy selon qu’on est aro, ace ou aroace.)
L’avantage : tout le monde a du mal à définir le désir et l’amour romantique, mais le fait de ne pas être attiré·e par quelqu’un ? LÀ, on touche à l’universel, le vrai, tout le monde est pas attiré·e par au moins une personne dans sa vie ! :) Et il y a moyen de faire comprendre le truc :)
4) Il y a des nuances qui ne gagnent pas à être sorties de leur contexte
Quand on discute au sein de la communauté a-spec ou même LGBT au sens large, on peut essayer de comprendre sincèrement ce que c’est tous ces trucs, de réfléchir à ce que pourrait être notre vie et d’exposer nos craintes, de discuter de ce qu’on peut attendre de partenaires sexuel·le·s ou asexuel·le·s, romantiques ou aromantiques…
Face à une personne sûre que son modèle est le seul vrai modèle et qu’on va se rendre malheureux·se et gâcher notre vie, ou qu’on va finir par se rendre compte qu’on est hétéro et qu’on est juste perdu·e, que tout le monde se croit différent mais c’est parce qu’on n’est pas très mature qu’on n’arrive pas à faire la part des choses ? Bien sûr qu’on ne va pas donner du grain à moudre, on adopte une position forte !
Les discussions honnêtes qu’on peut avoir sur nos difficultés, nos craintes, nos doutes ? On les réserve aux gens qui les respectent et ne les utiliseront pas pour nous piétiner. Si on n’en parle pas, ça en dit plus long sur notre interlocuteur·trice que sur nous même.
J’ajouterais que des doutes, des craintes, des attentes déçues ? Ouais, il y en a plein chez les hétéros aussi, promis.
Donc, en résumé :
On a droit de ne pas tout savoir, de se tromper, de ne pas choisir
On a le droit de ne pas tout comprendre, de n’avoir pas réponse à tout
On a le droit de dire qu’on n’a pas de certitude, et de ne pas le dire !
Ne passons pas à côté des discussions importantes qu’on peut avoir : l’intérêt et la chance du questionnement, au-delà de définir ce qu’on ne ressent pas, ce dont on n’a pas envie, est de prendre le temps de réfléchir à ce que nous ressentons, ce que nous avons envie de construire, ou d’explorer. Quel est notre « projet de vie », quelle sorte d’intimité on recherche, tout ça tout ça. Essayons juste de bien choisir les personnes avec qui nous en parlons pour que ce soit bienveillant et constructif !
#asexualité#aromantisme#asexuelle#asexuel#aromantique#questioning#spectre de l'asexualité#l'asexualité et vous
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Assumer son asexualité face aux autres
A l’approche des réveillons de fin d’année, j’écris ce billet autant pour moi que pour aider peut-être d’autres aces… J’ai la chance d’être entourée de gens qui m’aiment et que j’aime ; ce n’est pas le cas de tout le monde et c’est déjà une sacrée chance. Ça ne veut pas dire non plus qu’ils me comprennent ou qu’ils respectent toujours la personne que je suis et la façon dont je vis ma vie.
On ne peut pas forcer les gens à nous aimer et nous respecter ; on ne peut pas non plus forcer les gens à prononcer uniquement les phrases qu’on a envie d’entendre. Alors j’essaie de me préparer doublement avant les fêtes : un peu sur le fond, et un peu sur la forme. Parfois je suis en mode militante… Cette année je suis fatiguée, et je voudrais puiser davantage de force et d’amour et de connexion avec mes proches que de disputes mêmes « gagnées ».
Alors dans les moments où je sais que des mots malheureux arriveront, j’aimerais me rappeler de ça : que j’aime ces personnes, qu’elles ne mettent pas tant en doute mes choix qu’elles s’inquiètent que je m’écarte du schéma « sécuritaire » traditionnel et qu’elles cherchent avant tout à se rassurer sur la qualité et l’amour dans ma vie. Bref, ce n’est pas personnel là où ça blesse — c’est leur vision du monde qui a du mal à intégrer d’autres options — et c’est personnel là où ça compte — elles s’inquiètent parce qu’elles m’aiment, et c’est le principal.
Sur la forme, je ne pense pas qu’une seule stratégie soit pertinente, ce sera plutôt une succession de tons différents en fonction du discours et du contexte :
En mode conversation intime :
Partager un peu de mon expérience : tu sais, je comprends que tu t’inquiètes de mon bonheur, mais quand je croyais être une hétéro ratée ça me tracassait et j’avais honte, et je me suis déjà forcée à faire des trucs dont je n’avais pas envie parce que c’était le seul chemin qu’on me présentait. Aujourd’hui je suis bien dans mes baskets, je me sens bien dans ma vie, j’ai de belles relations et plein d’amour, et je choisis d’être seule parce que j’en ai besoin et que ça me fait du bien. Je n’ai pas envie de revenir à essayer de faire comme tout le monde parce que pour vous ça semble marcher, en me stressant et en me rendant malheureuse.
Faire parler l’autre : je suis contente que ta relation t’apporte autant, j’espère que tu le dis souvent à ton époux.se ? Raconte-nous, qu’est ce que vous vous apportez ?
En mode évitement extrême :
Naviguer les écueils et partir sur des théories de la vie : par exemple moi je suis sûre qu’il y a des gens comme moi qui ne tombent pas amoureux avec cette attirance émotionnelle et physique qu’on se représente aujourd’hui dans une culture où tout t’y pousse, qu’il y a des gens qui seraient tombés amoureux même si on ne leur avait jamais parlé de cette façon de considérer une personne, des gens qui tombent amoureux ou sont attirés par plein de gens et pas forcément sous cette forme exclusive qu’on protège, et des gens qui tombent amoureux parce qu’on les y entraîne intensivement ou qu’on leur vend le truc, ou qu’ils le voient autour d’eux. Au fond ce n’est qu’une forme d’attirance et d’amour… pourquoi vaudrait-elle plus que d’autres ?
Lancer de grandes questions ! (en plus ça peut nous apprendre des trucs) Qu’est-ce que c’est l’amour et le sexe, au début d’une relation, au milieu, après plusieurs années ? Qu’est-ce qu’on ressent, comment on l’explique ? Et l’insatisfaction des femmes, et les taux de divorce, qu’en conclure ? Et laisser parler… :)
En mode psychologie dans les chaumières :
Il y a de plus en plus d’études sur le fait de vivre seul·e, et sur la solitude, et les conclusions sont plutôt intéressantes : vivre seul quand c’est un choix ça se vit en fait très bien ! Il n’y pas de corrélation entre la solitude perçue et le célibat choisi, au contraire, ça peut être en faveur du célibat, et à l’inverse le mariage n’est pas forcément une source de bonheur… surtout pour les femmes !
Et une relation romantique et sexuelle, pour une personne aromantique et/ou asexuelle… ça peut être un vrai cauchemar. Les gens qui sont vraiment heureux seuls sont une minorité, donc ce ne sont pas les gens qu’on rencontre : on rencontre davantage de personnes veuves, divorcées, séparées, qui n’ont pas trouvé de partenaire à leur préférence… et qui en souffrent. Ce n’est pas indicatif de notre destin personnel : nous sommes les 1% !
Le couple répond à des besoins de la majorité (ou qui peuvent s’appliquer à la majorité avec un peu de pression culturelle)… si on n’est pas la majorité, ça ne colle plus. Il faut accepter l’individualité des gens.
En mode parlons peu, parlons concret :
L’idée du compagnonnage dans sa vie est de trouver un certain soutien (ouvrir des bocaux, monter des meubles, partager des frais et des corvées…) et une présence. Mais ce n’est pas magique… par exemple, être au chômage et voir sa·on partenaire partir tous les jours au boulot ne semble pas plus agréable que d’être au chômage seul·e. Être deux pour gérer des problèmes n’empêche pas le fait qu’on a les problèmes de deux personnes, et la présence d’une autre personne amène son lot de gestion de conflits, compromis et aménagements… En revanche, si la présence d’une autre personne est vraiment un besoin, il existe des alternatives qui mériteraient d’être développées : colocations, relations queerplatoniques, vies en communauté…
Est-ce qu’être seul·e serait objectivement plus « dur » ? Je crois qu’il n’y a pas de règle universelle : des personnes qui ont besoin d’être entourées ont plus de chance de mal vivre la solitude, et des personnes qui ont besoin de beaucoup de solitude ou ont des besoins trop différents ont plus de chance de mal vivre une relation de couple, surtout avec des partenaires qui ne pourraient pas respecter leur différence.
Est-ce qu’être seul·e nous rendrait objectivement des personnes plus « dures », plus isolées ? Les études psychologiques sur des personnes seules par choix ont tendance à répondre non, au contraire - en fait, le couple a davantage tendance à se replier sur sa cellule ! (ce qui est aussi mon observation personnelle). Est-ce qu’être seul·e demande de se forger de manière plus indépendante ? Oui, très probablement… Curieusement, on ne m’en a parlé comme d’un problème qu’au sujet des femmes, cela ne semble pas poser question quand il s’agit d’hommes.
En mode restons logique :
Est-ce que l’on croit vraiment que dire à quelqu’un de chercher à se mettre en couple va marcher ? Soit la personne essaie déjà et ça la rendra plus malheureuse, soit non, et alors pourquoi est-ce que ça lui en donnerait subitement envie ? Pourquoi chercher à convaincre une personne qu’elle devrait être malheureuse de sa situation ? On ne s’engage pas dans une relation si on n’en a pas envie avec une personne en particulier (en tout cas c’est le discours culturel dominant), alors même si on était hétéro, on ne pourrait pas se forcer avec n’importe qui… Alors ace, qui n’a jamais été attiré·e par personne et n’en voit pas l’intérêt ? Ça semble plutôt une mauvaise idée pour se lancer !
Comme je l’ai dit plus haut, je n’ai pas forcément l’intention de débattre de ce qui est mieux pour moi dans ma vie, mais j’aime avoir sous le coude des arguments, à plutôt tourner en questions, pour apaiser ou réorienter le flot des conseils non demandés… et idéalement retrouver un échange sincère, et passer à autre chose.
Alors ma résolution : ignorer ou me moquer des gens qui ne m’aiment pas et me jugent, essayer de me rappeler que les gens qui m’aiment ne veulent que mon bonheur même s’ils ne s’y prennent pas toujours bien, et rappeler à toutes et tous que chaque personne aura une vision de la vie un peu différente, et c’est ce qui en fait la richesse.
Bonnes fêtes de fin d’année.
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Votre connaissance ace vous a fait son coming-out… et maintenant ?
De deux choses l’une : vous comprenez sa différence et vous voulez soutenir votre proche ; vous ne comprenez pas sa différence… et vous voulez soutenir votre proche.
1. Exprimez votre support avant tout
Si vous comprenez, vous pouvez reconnaître que c’est quelque chose qui lui ressemble ou qui a du sens, la remercier d’avoir partagé, lui dire que vous ne la voyez pas différemment mais lui demander si peut-être elle, elle aimerait que certains sujets soient abordés différemment quand c’est possible…
Si vous ne comprenez pas, ne faites pas semblant d’accepter pour exprimer des objections plus tard. Evitez de nier ce qu’elle vous dit : ce n’est pas parce que vous ne voyez pas quelque chose que ce n’est pas vrai de sa perspective… ou que votre avis divergent aura une quelconque influence. Essayez plutôt par exemple de lui dire que ça vous pose quelques questions et demander si elle peut répondre aux interrogations que vous avez ou si elle peut vous conseiller des ressources - que je vous invite alors à aller réellement consulter. Vous pouvez aussi dire - si c’est sincère - que vous avez du mal à comprendre mais que ça ne change pas votre relation et que vous serez là pour elle même.
C’est un très bon début… mais attention pour l’instant ce ne sont que des paroles.
2. Démontrez-le
Soyez la·e premièr·e allié·e de votre connaissance : vos échanges doivent devenir des « safe spaces » sur ce sujet, et si possible tout échange incluant d’autres personnes également.
Tenez le cap d’une communication non violente : rappelez-vous que le plus important, c’est votre relation avec cette personne. Pas le fait que vous ayez une opinion ou des inquiétudes sur son orientation.
N’émettez pas de jugement, surtout pas négatif, ne niez pas son vécu, sa perception d’elle-même, sa connaissance d’elle-même, et encore moins son humanité.
Si cela vous évoque des inquiétudes, exprimez-les en prenant la responsabilité de vos émotions : ne dites pas « c’est triste », c’est insultant et cela oblige l’autre personne à justifier son mode de vie - ce qu’elle ne devrait pas avoir à faire du moment qu’elle ne fait souffrir personne. Vous pouvez dire par exemple : « je m’inquiète car le fait de fonder une famille est quelque chose d’indissociable d’une vie heureuse pour moi, et j’ai l’impression qu’avec ce que tu me dis tu ne connaîtras pas ça. Qu’est-ce que tu en penses ? »
Ayez conscience de votre attitude : si vous venez de lui lancer une rafale de 10 questions qui mettent en doute sa capacité à vivre/juger ses préférences/autre, peut-être que vous pouvez faire une pause, lui demander si vos questions la dérangent, si elle préférerait vous parler de comment c’est pour elle…
3. Partagez le contrôle du discours… mais respectez d’abord son expérience
Il y a une différence entre poser plein de questions pour comprendre un concept, et poser plein de questions parce que vous vous faites du souci pour la personne.
Lors d’un coming-out, le moment où on dévoile une différence de la norme en faisant confiance à une personne, on peut craindre un peu les deux.
Souvent, ça ne nous dérange pas de parler de l’asexualité, et ça évite d’ailleurs de glisser trop vite dans l’intime, mais parfois, le moment est déjà assez intense en émotions et on n’a pas trop envie de faire un cours d’éducation sexuelle, on aimerait peut-être juste partager notre vécu personnel avec une personne qui nous est proche.
Le mieux que vous pouvez faire, c’est de laisser des silences, et de lui demander par exemple si vous pouvez poser des questions, avec quoi la personne est à l’aise… et respecter si elle préfère en fait rester aux généralités et en mode « éducatif » ou si elle préfère parler de son expérience, ou s’arrêter là pour cette fois.
Vous êtes peut-être étonné·e, choqué·e, inquièt·e, perplexe… mais il ne s’agit pas que de vous, et rappelez-vous que votre connaissance n’a pas à se mettre mal à l’aise pour gérer vos émotions… sur sa vie.
4. Donnez-lui la parole, et apprenez
En fait, la meilleure réaction que vous pouvez avoir si vous vous préoccupez de son bonheur, ou de son vécu, c’est tout simplement de le lui demander de la manière la plus ouverte possible : « comment tu le vis ? » « est-ce que tu es heureux·se ? » « qu’est-ce que ça change, pour toi ? » « Comment est-ce que tu vois ta vie, sachant cela ? » Et là, elle pourra vous parler de comment elle vit son orientation, l’impact sur sa vie, et si vous savez écouter, vous pourrez obtenir non seulement ce qui peut vous rassurer ou des pistes pour savoir comment soutenir votre connaissance, mais aussi mieux la comprendre.
N’est-ce pas mieux que de projeter vos inquiétudes - ou votre ignorance - sur elle ? Est-ce que vous ne croyez que dans notre société, votre connaissance a déjà entendu parler de couples, d’enfants, d’histoires d’amour ?
5. Intéressez-vous aux ramifications sur sa vie
Bon, cette connaissance ne vous présentera peut-être jamais de « +1 » officiel·le. Mais qui sont les personnes les plus importantes dans sa vie ? Intéressez-vous à elles ! Demandez à les connaître… Incluez-les dans les mêmes occasions où vous inviteriez les conjoint·e·s et familles d’autres personnes, et cherchez à les mettre à l’aise de la même manière.
Une personne qui n’a pas forcément de cellule familiale traditionnelle a aussi une vie riche, qu’il s’agisse de métier, de passions, d’engagement social... Ne vous dites-pas qu’elle n’a rien à partager juste parce qu’elle ne suit pas la même trajectoire de vie !
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Est-ce qu’on peut être A et quand même être en couple ?
Qu’on soit ace ou aro, l’injonction dans notre société de se mettre en couple est tellement forte que cela semble le seul chemin de l’accomplissement et de l’épanouissement. Et on peut craindre de passer à côté!
La première question à se poser est :
Pourquoi vouloir être en couple ?
Qu’est-ce qu’on attend de ça et est-ce que ça nous convient vraiment?
De plus en plus d’études (en) montrent que les gens mariés ne sont pas plus heureux que les gens célibataires et peuvent au contraire aller moins bien - dans le cas des gens qui ont toujours (ou presque) été célibataires, par choix, ces personnes sont significativement plus heureuses. Cela ne signifie pas que le célibat est le meilleur mode de vie statistiquement ; cependant, c’est le mode de vie le moins commun et qui ne va pas dans le sens du message porté par la société : il a donc le plus de chance d’être consciemment choisi plutôt qu’une situation de couple qui peut bien sûr aussi être choisie mais qui dans beaucoup de cas pourra être la situation par défaut, une décision passive, naturellement guidée par les attentes extérieures et intériorisées des individus qui y rentrent. Et est-ce qu’on a plus de chances de s’épanouir en respectant son propre fonctionnement ? On peut penser que oui.
Se mettre en couple est une attente d’autant plus probable à retrouver intériorisée chez les femmes, qui font l’objet de beaucoup de pression de la société pour se marier et avoir des enfants, et dont on construit l’identité comme étant celles qui veulent se marier ; par contraste, le mariage pour un homme est souvent représenté comme un boulet, un fil à la patte, etc. Or, les études montrent que dans nos sociétés, c’est aux hommes que le mariage profite (statut, revenu, tâches ménagères, accompagnement émotionnel…) tandis que la santé, le statut et la sécurité des femmes mariées (ou en couple) se détériorent.
Mariage ou pas, le couple n’est pas la panacée qu’on veut nous faire croire. En revanche, il est encore largement présenté comme la seule vraie option désirable.
Or, tout dépend de nos attentes. Pour se sentir libre, pour mieux se consacrer à son travail ou ses passions, pour continuer à passer du temps avec tout notre réseau de relations, pour faire plus de nouvelles expériences, continuer à changer et s’améliorer… mieux vaut être célibataire - surtout pour les femmes. Et les jeunes générations le pensent de plus en plus !
La solitude ? La solitude existe, mais pas chez la majorité des personnes célibataires ou qui vivent seules ! Ces personnes ont davantage tendance à nouer des relations personnelles enrichissantes, et s’isolent moins de leurs relations existantes.
Le couple peut apporter d’autres choses, comme :
l’intégration confortable au modèle social dominant
dans une société amatonormative ça reste une des seules façons d’avoir une relation forte totalement réciproque et priorisée dans notre vie si c’est ce que l’on recherche (sinon on a tendance à passer après les partenaires/enfants/parents des autres, eh oui !)
le cadre pour avoir ou accueillir et s’occuper d’enfants (la PMA n’étant notamment pas ouverte aux célibataires),
la sécurité financière dans la vie ou la mort,…
et bien sûr une certaine forme de compagnonnage, de sentiment, d’intimité, et d’engagement.
Alors, pourquoi vous, en particulier, souhaitez être en couple ? Eh, il n’est jamais trop tôt pour se poser la question.
Avant de passer à la suite j’ai envie de rappeler que « être heureux·se » n’est pas une bonne raison pour se mettre en couple, car nulle autre personne que nous même ne peut être responsable de notre bonheur. Ce n’est pas une attente à mettre sur une autre personne, et ça ne marchera pas.
Donc disons que vous avez envie de vous mettre en couple avec cette personne en particulier, pour explorer et approfondir votre relation…
OK mais quel couple ?
Ah mais… si vous êtes asexuel·le on vous a sûrement déjà dit que ça n’allait pas le faire, en couple, c’est injuste pour votre partenaire. Si vous êtes aromantique on vous a sûrement déjà fait comprendre que c’était cruel pour votre partenaire, qui mériterait du « vrai » amour mais à la limite c’est pas grave puisque vous allez trouver la bonne personne et changer… Si vous êtes les deux, bah c’est ballot. Nan j’déconne, moi ça va très bien.
Plein de gens se mettent en couple monogame sans se poser la question, comme une évidence, parce que c’est le modèle dominant. Ça ne veut pas dire que c’est le seul et qu’on ne peut pas le questionner (les taux de séparations et de divorces questionnent en tout cas l’image pourtant persistante du couple lié jusqu’à la mort). Quand on commence avec une différence, on a peut-être plus de chances de se poser quelques questions supplémentaires. Alors si on est A, est-ce qu’on se force à chercher à fonder un couple monogame romantique et sexuel ? Sinon, c’est l’occasion d’explorer d’autres possibilités qui pourraient mieux nous convenir…
J’ai lu es gens qui ont divorcé disent que le ciment d’un couple c’est la communication ; les gens qui sont restés mariés disent que c’est le respect de l’autre ; et le “bon sens populaire” parle de compromis.
On ne va pas discuter des secrets de longévité du couple, pas parce que je vous les cache mais parce que je ne suis pas sûre que quelqu’un les ait, par contre on peut aborder ce dernier point, qui est particulièrement pertinent quand on est A et qu’on souhaite se mettre en couple.
En effet, c’est souvent la première chose qu’on vous dira : de faire des compromis. « Un mariage c’est fait de compromis. » Toute relation humaine a probablement son lot de compromis, mais ce qu’on apprend en négociation, c’est que dans un compromis, personne n’est content. Et de mon point de vue d’aroace célibataire heureuse, cette histoire de compromis, je trouve ça louche ! Bien sûr qu’on ne peut pas toujours faire tout ce qu’on veut, mais vivre en authenticité avec soi-même aux maximum semble quand même plus sain que rentrer dans un moule qui ne nous correspond pas.
Si vous entamez une relation avec déjà l’idée que vous allez sacrifier des choses, deux conseils gratuits qui ont trait au respect de soi et de l’autre, mais sans obligation de résultat :
Redemandez-vous si c’est bien ce que vous souhaitez : si être à deux vous rend moins heureux·se qu’être tout·e seul·e, si vous avez la boule au ventre, ce n’est peut-être pas la meilleure piste pour vous, ou pas avec cette personne-là ;
Priorisez vos envies et vos besoins, en étant le plus explicite possible, pour ne sacrifier que ce que vous supporterez de sacrifier en pouvant continuer à vous épanouir. Puis parlez-en ensemble.
Pourquoi être le plus explicite possible sur vos besoins ? J’entends par là de préciser le besoin réel.
Par exemple, votre partenaire pourrait commencer par penser « le sexe, pour moi c’est indispensable » et guider une discussion vers une tentative de compromis d’actes, ou de régularité, alors qu’en creusant vous pouvez vous rendre compte que ce qu’iel attend vraiment est un échange, une activité qui renforcera votre intimité de couple et lae fera sentir apprécié·e … et il y a des alternatives au sexe pour ça, avec lesquelles vous serez peut-être beaucoup plus à l’aise si vous êtes asexuel·le !
Alors un couple, ou un autre modèle de relation privilégiée ? Si vous y tenez, pourquoi pas, en respectant vos propres besoins et limites, et en acceptant celles de l’autre. A vous de voir avec quoi vous êtes prêt·e à vivre, avec enthousiasme !
Pour le reste, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas, comme toute autre relation, avec les meilleurs ingrédients : respect, communication bienveillante (non violente!) de préférence, aller à la rencontre de l’autre, rester à l’écoute de ses propres besoins et chercher sincèrement à concilier les priorités de chaque partie et de la relation…
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(A)sexualité et représentation : c’est quoi le problème ?
Il n’est pas facile de mettre en mots la confusion, la différence profonde ressentie dans nos sociétés lorsqu’on est asexuel·le - ou aromantique.
En 2011, sur un blog anglophone intitulé Writing From Factor X, est apparu un billet qui a fait le tour de la sphère asexuelle : ça s’appelait « If You Can See The Invisible Elephant, Please Describe It » (« Si vous voyez l’éléphant invisible, veuillez le décrire »), écrit par Sciatrix, qui a également contribué à The Asexual Agenda. Je vais vous proposer ici une traduction libre de l’extrait le plus important :
Laissez-moi vous expliquer : vous naissez dans un monde où chaque personne reçoit, à sa maturité, un éléphant de compagnie invisible à tout le monde sauf à elle-même. La société s’articule autour des besoins des ces éléphants de compagnie. Les gens parlent des éléphants et de leurs petites manies en permanence. Les médias incluent les éléphants dans absolument chaque histoire comme des points essentiels de l’intrigue. Avant l’âge où vous recevez votre propre éléphant, vous ne pouvez pas les voir, mais on vous assure que vous aurez le vôtre quand vous serez grand·e et qu’alors vous comprendrez tout.
Et donc vous grandissez, vous atteignez l’Âge de l’Acquisition d’Éléphant, et… pas d’éléphant. Vous présumez que les éléphants existent - après tout, les gens persistent à les évoquer, et les gens de votre âge ont commencé à parler de leurs éléphants et combien ils sont merveilleux et intéressants, et même des gens avec des éléphants peu communs sont prêts à agir de façon vraiment déconcertante au nom de leur éléphant. Vous commencez à penser que, probablement les éléphants existent, mais vous n’êtes pas sûr·e, parce que vous n’avez jamais personnellement fait l’expérience de quoi que ce soit qui ressemble à un éléphant, et est-ce que cela ne serait pas une sorte de complot élaboré, une illusion collective, ou quelque chose comme ça?
Mais les gens continuent d’insister que les éléphants sont tout à fait réels, et toutes les autres personnes de votre âge parlent maintenant de ce qui se passe avec leur éléphant. Et vous êtes littéralement la seule personne confuse par ce truc d’éléphant, alors vous tentez peut-être d’aborder le sujet nonchalamment - peut-être que vous essayez de demander aux gens à quoi leurs éléphants ressemblent, juste pour lancer la conversation, parce qu’il est possible que vous ayez un éléphant, et que vous ne l’ayez tout simplement pas remarqué ! Peut-être qu’ils sont en fait très petits et difficiles à voir, mais qu’ils provoquent leur lot de bêtises ! Après tout, des fois des choses bizarres arrivent autour de vous, aussi, comme autour des gens qui ont des éléphants. Alors vous essayez de poser des questions, au cas où ce serait quelque chose qu’on peut rater, ou au cas où ce serait un problème d’interprétation, et vous examinez très soigneusement tout ce qui peut être interprété comme potentiellement, vaguement éléphantin. Mais quand vous leur posez la question les gens vous regardent bizarrement et vous traitent comme un·e idiot·e, parce que évidemment qu’ils savent à quoi ressemble un éléphant. Tout le monde en a un ! Il suffit de regarder, c’est pas comme s’ils étaient difficiles à voir !
Son propos se poursuit avec la réalisation d’être différente, plutôt que peu observatrice, et enchaîne sur la difficulté de proposer des termes ou des définitions dans un contexte où l’on ne comprend pas le concept central et où les gens qui en ont l’expérience ne vous aident pas beaucoup.
C’est un discours très intéressant, mais ce n’est pas le mien ici.
Si ce texte a éveillé un fort écho parmi nous, c’est qu’il explique aussi très bien l’expérience de beaucoup : que fait-on dans une société concentrée sur l’éléphant invisible quand on n’en a pas soi-même, et qu’on n’a aucune certitude, compréhension, aucun accès possible à explorer vraiment ce dont il s’agit ?
Pour ma part, je n’ai pas réalisé si vite que ça que j’étais différente. J’étais tellement en décalage socialement sur plein de sujets que j’ai juste attribué ça - comme mon entourage - à mon manque de maturité, mon inattention, mes poursuites intellectuelles. Et à un moment, je me suis dit qu’il allait quand même falloir m’y mettre.
Alors j’ai fait comme si j’avais un éléphant invisible. Ou... en fait pas vraiment, et pas bien.
Ce qui m’amène à une autre histoire, sur laquelle je suis tombée dans un tout autre contexte. Je n’ai plus le texte sous les yeux donc je vais vous le raconter. Il s’agit d’une anecdote dans un livre sur l’éducation, « L’école du colibri », sous-titré « la pédagogie de la coopération », par Isabelle Peloux et Anne Lamy.
Lors d’exercices de calcul mental avec sa classe, l’enseignante se rend compte que certains enfants qui n’ont pas compris observent ceux qui répondent juste et cherchent à les imiter : ils adoptent un air concentré, regardent en l’air… puis sortent une réponse fausse. Ils ont fort justement constaté que les autres enfants faisaient quelque chose qui avait l’air de marcher, et ils sont partis sur ce qu’ils voyaient. Bien sûr, il se passait autre chose chez ces élèves : effort, réflexion, calcul… mais cela ne se voit pas, et quand on ne sait pas qu’il se passe quelque chose de caché, c’est très difficile à imaginer.
Dans notre société, le désir - comme l’amour romantique, c’est à la fois aussi notoire que l’éléphant invisible et aussi caché que le calcul mental.
Quand on ne connaît pas et ne comprend pas un comportement qui semble universel, qu’on est cerné par des facettes multiples d’une narration unique, on ne peut pas forcément imaginer qu’on n’est pas comme les autres, et il faut un sacré sens du soi pour ne pas tomber dans l’imitation.
Comme les enfants qui imitaient leurs camarades concentrés, j’ai cru que la recette était dans les ingrédients visibles : un·e partenaire agréable, des bonnes conversations, l’enthousiasme de faire connaissance et de vouloir passer du temps ensemble, des premières étapes franchies… la suite était logique, non ? On allait arriver à l’éléphant ?
Difficile de ne pas laisser « les choses suivre leur cours » quand au début cela nous apporte des bons moments aussi. Tout n’est pas blanc ou noir. On peut ressentir l’enthousiasme de la première rencontre avec quelqu’un avec qui on partage des affinités et un intérêt pour l’autre, c’est quelque chose de commun avec celles et ceux qui vivent un début de relation - et aussi pour plein de nouvelles amitiés durables ou éphémères ; on aime passer du temps avec quelqu’un, des moments privilégiés, et être soudain sa personne préférée du moment et avoir quelqu’un intéressé à tout moment par ce que l’on vit et vice versa, ça aussi ça peut être super agréable et valorisant, et juste tout simplement chouette humainement… Alors quand les choses semblent si bien aller, pourquoi ne pas « poursuivre » ?
Les discours sur le consentement - quand ils existent - sont tellement extrêmes, qu’on sait qu’il faut dire non quand on nous agresse, quand on nous attaque, quand la personne est adulte et nous encore enfant, quand ça nous dégoûte et qu’on ne veut surtout pas, quand on est mal à l’aise ou qu’on n’a pas confiance en la personne… Je l’ai dit, le discours sur le consentement est centré autour du “non”, dans le fait d’avoir une bonne raison de dire « non », alors que le vrai consentement, enthousiaste et informé, devrait être actif, à chaque moment. Car quand on ne sait pas, qu’on n’imagine pas… ? Personne ne nous parle de cette situation-là.
Par contre, et c’est là où c’est d’autant plus difficile de savoir ce qui est notre choix ou pas, la société nous assène aussi, et de façon tout à fait contradictoire avec les discours sur le consentement, des messages nombreux et répétitifs tels que « il faut essayer », « tu verras, ça t’arrivera aussi », « dès que tu tomberas sur la bonne personne »… Alors en combinant un peu tout ça, quand on est très confus·e, ça veut dire que si tu tombes sur une très bonne personne, avec qui tu es en confiance, tu dois essayer ??
Evidemment, c’est propulsé à la puissance 10 avec l’hétérosexualité : après la puberté et parfois même avant, la simple évocation d’un “garçon” quand on est une “fille” et d’une “fille” quand on est un “garçon” est le signal pour prédire une relation couplée. Si beaucoup de personnes LGBTQIA+ ont d’abord pensé un moment être hétéro, c’est à cause de cette hétéronormativité suintante de partout, qui ne laisse pas imaginer d’autre option, d’autre fin, qui guide et déforme l’attention vers l’autre.
Personne ne nous a dit ou montré qu’aimer passer du temps avec quelqu’un qu’on aime bien et même qu’on trouve joli, ça ne suffit pas pour faire une relation sexuelle ou romantique - ou les deux. On parle partout de relations, mais personne n’explique ce qui se passe et surtout pas l’évidence ! (Parce que bien sûr pour la majorité des gens il y a des situations de désir et donc des situations de non désir, des situations d’attirance romantique et donc des situations de non attirance romantique, mais ça, c’est comme le calcul mental et l’éléphant invisible, c’est tellement évident que personne ne pense à le préciser…).
Le jour où j’ai compris que le désir existait, je ne pouvais plus arrêter d’en rire. J’étais passée à côté du plus gros truc de la société ! Le truc énorme, omniprésent, qu’on retrouve à outrance partout, y compris sur des lieux où on dit qu’il ne devrait pas y être (au collège, sur les lieux de travail, dans les chansons populaires…). Et j’avais vu seulement les gestes, les comportements souvent inexplicables pour moi, et rien du fonctionnement intérieur. Quelle découverte !
Et c’est pour ça que la représentation est importante. Et une vraie éducation sexuelle aussi, tant qu’à faire. Mais imaginez, de la représentation ! Voir des gens qui font d’autres choix, qui disent que ce n’est pas une priorité, qui disent non merci, qui disent pourquoi pas, qui disent oui une fois et non une autre, qui sont surpris… Ça épargnerait quelques personnes asexuelles et/ou aromantiques, et peut-être d’autres - davantage qu’on imagine. Ça ferait une sacrée différence.
Parce que tout le monde n’a pas la connaissance et le respect de soi suffisants, surtout dès la puberté, pour aller contre ce que l’ensemble de la société montre constamment comme le cours unique et naturel des choses.
#asexualité#asexuelle#asexuel#aromantisme#consentement#représentation#l'ace et les autres#l'asexualité et les autres#visibilité asexuelle#diversité
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Le coming-out : c’est pas toujours ce qu’on croit
Ce qu’on voit dans les médias peut nous donner des idées sur le coming-out… Le modèle que j’ai le plus vu, c’est ce combat intérieur monumental qui finit en apothéose publique hyper émotionnelle, et hop, la personne est « out » pour le reste de sa vie.
Là-dedans, il y a une chose qui arrive certainement, dans notre monde imparfait, c’est le combat intérieur ! Mais le coming-out, ce n’est pas tout à fait ça…
Il n’y a pas un seul coming-out
Le grand événement de coming-out unique, ça n’existe pas. J’ai fait mon coming-out individuellement à chacun·e de mes ami·e·s, à mes parents, à mes collègues, j’ai discuté ouvertement de mon orientation sans faire de « coming-out » avec le reste de ma famille quand c’était pertinent, j’ai refait un coming-out à d’autres collègues dans mon boulot suivant, j’ai évoqué mon orientation dans de nouvelles activités, et avec de nouvelles connaissances…
Eh oui. La vie continue. On déménage, on change de travail, on fait des rencontres : et on se retrouve à nouveau par défaut « dans le placard » dans ces nouveaux contextes et il faut replanifier comment on veut faire son coming-out.
On ne devrait jamais avoir à faire son coming out, avoir à s’interroger sur son identité et la réaction des autres, on devrait juste vivre notre vie et en parler autant que n’importe qui si c’est ça qu’on veut. Mais on vit dans une société hétéronormative et amatonormative et profondément binaire, et ça veut dire que la grande majorité des personnes qu’on côtoie assument des choses sur tout le monde, nous donnant à nous la responsabilité de les détromper. Et puis des fois on veut parler de notre vie, et il faut bien commencer quelque part.
Alors on est « out » et à l’aise, et tout est clair, et puis on se retrouve à 30 ans, 40 ans, 60 ans, à entrer dans un nouveaux contexte, et se reposer les mêmes questions, de l’enjeu, du bon moment, de la façon de faire…
La bonne nouvelle, c’est qu’en général c’est quand même plus facile, d’abord parce que quand on a eu la chance d’avoir bâti un bon bout de vie, tout notre réseau social ne dépend pas de chaque nouveau coming-out, et ensuite parce qu’on prenant de l’âge on devient… pas forcément plus sûr·e de soi mais plus conscient·e de ce qui est important ou pas dans nos vies, et certaines choses auront moins d’impact.
Les gens peuvent vous surprendre
Le coming-out est souvent présenté comme un moment intensément chargé en émotions, pas toutes ou toujours positives. Et bien sûr, selon qui on a en face de nous, notre âge, notre expérience, nos sensibilités, ça peut tout à fait l’être.
Une grande partie des questions qu’on se pose au moment du coming-out prend en compte la réaction de la personne, et ce qu’elle peut changer à nos vie si elle réagit mal. Il y a de très bonnes raisons de ne pas être « out », ou de ne pas l’être avec tout le monde. En fait, si on parle respect et sécurité, on a statistiquement toutes les raisons de ne pas l’être.
Oui, notre opinion des gens et notre relation avec elles ou eux peut changer après un coming-out. Pas toujours exactement comme on imagine…
Cette personne âgée dans nos vie qui se montre immédiatement tolérante ? Cette jeune personne qui vous pose des questions déplacées ? Cette personne dont vous n’attendiez que du respect et qui… vous le donne, en effet, et vous êtes absurdement soulagé·e quand même ? Tout ça, ça arrive, et plein d’autres choses encore.
Au début on craint souvent que la perception qu’ont les gens de nous va changer. Et oui, tout à fait, ça arrive, et on peut en souffrir, mais ça crée aussi l’effet inverse : bizarrement, on ne rit plus pareil avec quelqu’un qui t’a dit « qu’il n’y croyait pas de toute façon, à ces trucs là »… On peut se dire que ça fait un filtre de plus pour bien écrémer et garder uniquement les gens les plus fréquentables, mais notamment dans des milieux où on peut être obligé·e de rester en contact avec la personne (famille, travail…) c’est moins confortable. Alors des fois on se préserve, et on n’est pas « out » avec certaines personnes ou dans certains milieux. Et c’est ok !
J’ai fait pleiiiiin de coming-out faussement relax mais soigneusement calculés après délibération multicritères prenant en compte l’audience, la durée de connaissance qu’on avait, l’occasion, le lieu, le vocabulaire exact que je pensais employer et comment j’allais tourner la phrase, des bouts de scénarios possibles et jusqu’où je voulais aller au cas où, mon agenda la demi-journée qui allait suivre, etc. Si quelqu’un vous fait son coming-out ? Respectez ça. Franchement.
J’aimerais particulièrement célébrer ici les non réactions, vous savez, ces personnes qui vous entendent parler de votre identité, votre orientation, insérée normalement dans la conversation comme si vous n’étiez pas en train de paniquer intérieurement et imaginer 36 fins à ce moment, et qui vous écoutent attentivement, répondent respectueusement, et poursuivent avec vous la conversation le plus normalement du monde.
Notez que dans ce scénario il y a 0 larme, pas de pic d’émotion, rien de dramatique, ça ferait un gros flop au cinéma. Pourtant, à chaque fois que je pense à ces moments je ressens de la gratitude et du respect. Des fois, il faut juste se contenter d’apprécier la pleine acceptation sans condition de l’autre !
Il n’y a pas de règle : ni d’être out, ni quand… Mais pour moi personnellement, s’il y a un bon moment à un coming-out, c’est le plus tôt possible quand une relation personnelle est créée : avec des partenaires de travail sympathiques mais dans une relation strictement professionnelle je n’ai jamais fait sciemment un coming-out, même si je ne me cache pas spécialement ; avec des personnes avec qui on discute de la vie en général ? Oui, assez vite, comme ça c’est fait et je passe du temps avec des gens qui respectent cet aspect de moi et n’ont pas d’assomptions ou d’attentes particulières (en théorie).
Être out, c’est pas toujours clair
Oui j’ai fait plusieurs coming-outs au boulot. Est-ce que j’ai fait une annonce à toute la boite ? non. Est-ce que le commérage marche très très bien ? Oui. Est-ce que ça veut dire que tou·te·s mes collègues savent que je suis potentiellement non hétéro ? Aucune idée. Probablement pas. Qui le sait, ne le sait pas ? Et puis qui a compris, qui a entendu la rumeur après qu’elle a été déformée dix fois ?
Dans le doute, je force un peu le trait parfois, même pas forcément sur l’asexualité spécifiquement : par exemple je peux parler d’une anecdote en citant la dernière fois que je suis allée à la marche des fiertés, ou des choses de ce genre : à la fois pour que les personnes autour de moi confirment ou changent leur opinion de moi et pour normaliser ce genre de propos et rassurer d’autres personnes qui, elles, ne seraient pas out.
Et puis on n’est pas toujours « out » de la même façon : on se demande si on doit éviter ou justement utiliser le mot de notre orientation pour « mieux faire passer la pilule » (« j’aime qui j’aime, je ne me mets pas d’étiquette wouhou » est absolument un droit pour parler de vous personnellement, mais aussi spécifiquement un cliché répétitif dans les films et les séries pour ne pas dire qu’un personnage est bi, il ne faut pas se le cacher !). La question se pose peut-être différemment avec l’asexualité car comme il s’agit d’une orientation très peu connue, si on utilise le mot il faut en général expliquer ce que c’est, et puis comme c’est une fourchette d’expériences on doit préciser notre cas personnel… et essayer de trouver la juste mesure entre le coming-out et le déballage intime… qu’on nous reprochera parfois même si ce sont les autres qui nous ont posé les questions !
Alors tant pis si on explore les nuances du mouvement queer entre personnes LGBTQIA+ en utilisant plein de mots datant d’il y a moins de deux ans *gasp*, et si on dit « qu’on préfère rester seule » à sa partenaire de badminton. Si c’est un peu plus simple pour nous d’être authentique sans nous gâcher la vie, ça compte ! Et l’hétéronormativité et l’amatonormativité en sont un peu plus écornées.
Est-ce que les gens comprennent bien et cessent leurs attentes hétéronormatives et amatonormatives ? Pas toujours… ce qui nous amène au point suivant :
Être out, c’est jamais fini
Il n’y a pas un seul coming-out.
Hein, je l’ai déjà dit ?
C’est fait exprès, c’est parce que le coming-out, des fois il faut le répéter aux mêmes personnes. Même celles qui vous disent qu’elles vous aiment, que ce qui compte c'est que vous soyez heureux·se et tout et tout. Sur le moment c’est sûrement sincère. Et puis la fois suivante elles vous redemandent quand est-ce que vous allez ramener votre +1, ah non, tu es toujours comme ça ? Pour moi c’est usant et frustrant, l’impression de devoir toujours redemander de l’acceptation que d’autres frères et soeurs et cousin·e·s ont sans effort.
Ce n’est pas parce qu’on est « out » que les gens autour de nous ont fait le même chemin et réévalué leur vision.
Alors des fois on doit repousser les avances de quelqu’un à qui on a pourtant parlé plusieurs fois de notre aromantisme et asexualité et non désir de quelque partenaire que ce soit, et des fois on doit réexpliquer à quelqu’un que oui, on est toujours célibataire…
Être out, ça soulage
Je finis d’écrire ce paragraphe alors que les agressions homophobes se multiplient ces derniers jours - et les agressions transphobes n’ont jamais diminué. Dans un monde très binaire, et très hétéronormatif, et qui n’encourage que trop la masculinité toxique et la misogynie, et le racisme et toutes les haines, il n’est jamais 100% sûr d’être hors norme.
Mais l’envie de vivre est quelque chose de puissant, et quand on peut être out, ce n’est pas qu’un joli drapeau, c’est le droit d’être soi, et on le mérite.
Malgré les inquiétudes et les frustrations et les fatigues et les mauvaises surprises, je ne reviendrais pas en arrière. Même les réactions désagréables que j’ai pu avoir n’ont jamais outrepassé la satisfaction que j’avais à être out. Ça m’est arrivé d’être d’humeur vindicative et avoir la satisfaction méchante parce que je me suis trouvée forcée à faire un coming-out en réaction à des choses qui me déplaisaient, mais j’étais bien dans mes baskets. J’ai l’impression d’élargir un peu le paysage des gens qui m’entourent quand je fais mon coming-out, pouf, une dose individuelle de diversité, et ça, quelle que soit leur réaction, ça me rend fière !
Et vous, pourquoi faites-vous vos coming-outs ? Et comment les vivez-vous ?
#Asexualité#asexuel#asexuelle#semaine de la visibilité asexuelle#coming-out#l'ace et les autres#LGBTQIA#visibilité asexuelle
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Asexuelle et aussi aromantique - et pourquoi pas ?
J’ai trouvé et adopté les mots « asexuelle » et « aromantique » à peu près au même moment. Pourtant, quand j’ai eu envie d’ouvrir un site pour amener mon petit caillou au discours francophone sur une orientation pas reconnue, j’ai choisi sans trop y penser l’asexualité. Si c’était à refaire, ça ne se passerait peut-être pas tout à fait comme ça… Mais laissez-moi essayer de vous expliquer pourquoi (en rétropédalant sérieusement pour y voir plus clair sur mes propres confusions passées).
1. J’ai dû trouver ça plus accessible (à tort bien sûr)
Eh bien oui : on dit homosexuel·le, bisexuel·le, hétérosexuel·le… il devrait y avoir moins de choses à expliquer de se dire asexuel·le. En fait dans la réalité, si, mais en théorie, sur le moment, ça semblait aller dans la tendance.
Puis j’ai collé vite fait aromantique comme on arrache un pansement, en disant « voilà, pour moi c’est rien ni personne, merci ! ».
Par contraste, à l’époque j’avais l’impression de ne pas pouvoir expliquer l’aromantisme sans passer par une multitude d’étapes pas gagnées d’avance : petit a, déjà, faire reconnaître à la personne en face de nous qu’il y a plusieurs types d’attirance envers les gens, et que l’attirance peut être physique, romantique, sensuelle, platonique, et sûrement plein d’autres choses sur lesquelles personne n’a mis de mot ; petit b, expliquer qu’on peut ne pas connaître ou ne pas comprendre l’une ou plusieurs de ces pulsions/sentiments/désirs/barrer les mentions inutiles ; petit c, rattraper le coup en disant que si si, on a un coeur, quelque part, et des sentiments, et des ami·e·s, tout ça tout ça ; petit d, laisser tomber.
2. Je ne comprenais absolument pas le concept d’amour romantique
Maintenant ça me fait rigoler parce que je sais que je ne comprends vraiment ni le désir sexuel ni l’amour romantique, et qu’en fait, ne les vivant pas, ça risque de rester longtemps le cas.
Mais sur le moment, pour l’attirance physique, je me suis dit ok, je crois comprendre. C’est cette histoire de gâteau (c’est pas ma faute ! le nombre de fois où on m’a parlé du désir ou de l’attirance comme une envie de gâteau…) : c’est un sentiment d’envie et même d’excitation physique attaché à quelqu’un, et associé à ça il y a peut-être ces histoires d’envie de juste toucher la personne et avoir son attention et puis les fantasmes (?) et ah, y a pas cette notion d’intimité aussi (??), en tout cas que des trucs qui sont sûrement tout à fait respectables mais pas du tout du tout ma tasse de thé. OK, concept validé, et si maintenant le monde arrêtait de s’attendre à ce que ça me manque ?
A côté de ça, l’attirance romantique, le béguin, le coup de foudre, l’amour romantique, c’est le truc qui m’a toujours blasée dans mes lectures, où les protagonistes avaient des comportements complètement irrationnels de mon point de vue, c’est le truc que je pigeais pas et qui m’énervait. J’ai cherché à me le faire expliquer des milliers de fois : c’est quand tu as envie de voir la personne, tout le temps - oui, comme mes amies - non, ça devient la personne la plus importante dans ta vie - oui, comme mes amies - nooon, mais vraiment tu ne penses qu’à elle - euh une obsession ? - non, bon, euh, elle fait battre ton coeur, tu perds tes moyens - ça n’a pas l’air très agréable… - mais si ! Tu souffres énormément si ce n’est pas réciproque, c’est un sentiment énorme - non je t’assure ça n’a vraiment pas l’air agréable - tu ne comprends pas ! - ah ça, c’est sûr.
Il se trouve qu’on m’a fait des déclarations de désir, et ça m’a gênée et étonnée ; on m’a fait des déclarations d’amour et ça m’a donné envie de vomir. Oui, physiquement. Je ne sais pas ce qui doit se passer en soi pour en arriver là (le poids des attentes de l’autre ? la confusion ? la “trahison” de la relation platonique ? pourquoi tout gâcher ?), mais franchement, ça m’était tellement étranger que je ne voulais rien avoir à faire avec ça !
3. L’asexualité, plus crédible ?
C’est vrai qu’on me l’a sorti plusieurs fois le raisonnement : mais tu aimes des gens, donc tu es capable d’amour, donc tu es capable d’amour romantique, donc ça viendra (et arrête de te cacher et ouvre ton coeur aux opportunités, envolée lyrique, bla-bla).
Alors oui, ça paraissait plus facile de dire « je ne comprends pas le désir sexuel, je ne désire pas les gens, en plus je fais partie des gens que le sexe dégoûte, je n’ai pas envie de ça point » que d’essayer de faire comprendre « j’aime plein de gens, mais non, il n’y a aucune chance que j’aime quelqu’un « comme ça » ? Pourquoi ? J’en sais rien, je parle juste par expérience, mais je ne sais même pas ce que c’est votre truc !
Aussi, quand les gens te disent (mais oui ! ils le disent ! pourquoi les gens se mêlent comme ��a des affaires des autres ? mystère !), « donne une chance à [(quelqu’un qui te courtise)] », ils acceptent assez facilement comme blocage « la personne ne m’attire pas ».
Mais nan, dans les deux cas, les gens qui ne veulent pas te croire te disent juste que tu rencontreras la bonne personne un jour.
4. L’asexualité, plus admissible en public ?
Haha.
Sur l’asexualité les réactions tournent vite au sordide : mais tu te masturbes ? Attends je vais te montrer le vrai plaisir. Mais tu as eu des expériences, ton partenaire n’était peut-être pas très doué ? Oh les femmes au lit, etc. Sur l’aromantisme, elle tournent à l’horreur et à la pitié : mais tu as des émotions ? Oh mon dieu c’est triste. Tu vieilliras et mourras seule. C’est vraiment égoïste !
Un conseil à retenir de tout ça, après avoir fait mon coming-out à des centaines de personnes : ne pas forcément aligner sa stratégie sur les pires d’entre elles, juste les fuir. Il y a plein d’autres personnes tout à fait polies et fréquentables. Allez faire leur connaissance !
En fait, c’est surtout le concept d’aromantisme qui a changé ma vie
Je ne suis pas fière de me rendre compte de tout ça, mais je ne suis peut-être pas la seule à être passée par là, et c’est tout le sujet…
En fait, le concept d’aromantisme est celui qui m’a été le plus utile. J’avais déjà renoncé à me mettre en couple, le sexe ne me manquait pas bien sûr ; non, ce qui me minait, c’est que je me sentais une vraie égoïste sans coeur de ne pas être capable de tomber amoureuse, même d’une très gentille personne pleine de qualités. Trouver ce mot, ça m’a permis de sortir de cette haine auto-dirigée et de me rendre compte que ça n’avait pas de sens de me reprocher des sentiments que j’avais ou n’avais pas, et que je ne devais rien à personne sur ce plan-là. Ça m’a tellement soulagée, je me sentais sur un nuage. Et quand on m’a accusée d’être une égoïste sans coeur plus tard ? J’ai pu rire au nez de la personne.
Il y a un autre truc fondamental que m’a apporté la communauté aromantique, et qu’elle a apporté à tout le monde, si vous le voulez : c’est cette remise en question du modèle de couple monogame, avec une relation primaire prépondérante sur toutes les autres relations autour des personnes qui forment cette entité. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Et maintenant…
Aujourd’hui, j’ai fait la paix avec mon orientation et les mots que je peux utiliser pour la décrire ou parler de ma vision de la vie.
Je suis finalement moins attachée aux mots d’asexualité et d’aromantisme, et je préfère souvent expliciter ma situation par rapport à ce qui est discuté. Selon le contexte et comment le sujet vient sur le tapis je dirai : les relations de couple ce n’est pas pour moi, ou : je suis une célibataire comblée, ou encore : pas-de-partenaire-tout-va-bien-pourvu-que-ça-dure, etc.
Je vais plutôt balancer les mots précis en passant, quand c’est pertinent pour expliquer ma réaction mais que je veux parler d’autre chose en lien avec la discussion : « oh non tu sais mais je suis asexuelle et aromantique, mais au fait par rapport à ce que tu dis sur… ». Ça permet de faire passer le mot : si la personne est intriguée elle pourra m’en parler, si elle ne connaît pas elle pourra se renseigner, mais en attendant je normalise le fait de ne pas être hétéro, sans avoir besoin forcément d’expliquer, quand ce n’est pas mon propos.
Ce modèle d’avoir plusieurs types d’attirance possibles et des mots pour certaines est particulièrement important pour les personnes qui ont des attirances différentes (asexuel·le biromantique…), ou qui ne comprennent pas certains concepts : on peut se dire asexuel·e sans attacher d’orientation romantique, ou l’inverse, parce qu’on n’est pas sûr·e de ce que c’est, ou que ça n’a pas d’importance pour nous par rapport à ce concept premier.
Mais à moins d’avoir envie de se présenter comme homoromantique homosexuel·le par exemple, ce qui est ridiculement lourd, cette façon de comprendre les attirances ne va pas être utile pour la majorité des hétéros et non hétéros ! On peut faire comme je viens de faire et enlever carrément le suffixe. Si l’on retient le mot « homosexuel·le » pré-existant (de moins en moins utilisé vu sa stigmatisation depuis sa formation), on peut laisser penser que l’attirance physique est prépondérante: non seulement c’est faux, mais dans une société qui trouve déjà que le simple fait de ne pas être hétéro est fondamentalement sexuel, c’est dangereux. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui font que le mot « gay » est beaucoup plus souvent utilisé - ainsi que lesbienne dans une moindre mesure - et qu’il retrouve son aura d’ombrelle pour les orientations non hétéro.
Aujourd’hui il me semble que le courant dans la communauté LGBTQIA+ est plutôt de nous détacher des identités pour donner plus d’importance à nos expériences, à ce que l’on veut vivre, et mettre notre énergie dans la révolution de nos modèles collectifs plutôt que dans une nomenclature rigoureusement détaillée de notre catégorie d’appartenance.
Je pense que c’est un très bon mouvement, et qu’à titre individuel comme en tant que communauté on gagnera à être dans la vie et l’audace (et le combat pour les droits humains en général ! m... alors y a du boulot), plus que dans la définition (dont on risque de ne jamais voir le bout tant on peut faire des thèses sur les concepts, identités, sentiments vécus liés à tant de contextes…).
Je pense aussi qu’il n’y a rien de mal à tomber sur des mots qui nous permettent de concevoir que cela est possible : quand on n’a pas idée qu’on est limité·e, il est difficile de penser à se libérer ! Les mots nous permettent de nous retrouver, de poser nos idées et réfléchir ensemble, et je pense qu’il y aura toujours de la place pour ça.
#asexualité#aromantisme#asexuelle#asexuel#aromantique#identité#lgbtqia#definitions#l'asexualité et vous#national coming out day#coming-out
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Je connais un·e ace : comment être un·e bon·ne allié·e ?
Ma tante, mon cousin, ma collègue, mon enfant, mes ami·e·s, ma·on proche… sont asexuel·le·s : comment les soutenir et me comporter en allié·e ?
1. Être allié·e de la communauté LGBTQIA+ tout entière
Quand on est hors norme, tout discours qui se moque ou rejette d’autres personnes hors norme nous heurte aussi.
D’abord parce qu’on se sent plus proches et solidaires de ces personnes qui ont ce point commun important avec nous - c’est notre communauté, donc ça nous fait mal pour elles et eux.
Ensuite, c’est un peu comme cette personne qui parle en mal de celle qui vient juste de partir : on sait que si on est la prochaine à tourner le dos, si le sujet de l’asexualité vient sur le tapis, on ne sera pas épargné·e·s non plus. Il n’y pas de raison : les saillies homophobes, transphobes, sont ancrées dans la misogynie et l’hétéronormativité. Tout ce qui ne rentre pas dans le rang dominant est punissable.
Je vais aborder des concepts qui peuvent paraître compliqués ou inutilement dramatiques à des personnes cis hétéro non averties. Quand on a été moquée, agressée, menacée, insultée, et qu’on sait que beaucoup de gens ont subi la même chose ou bien pire, ce sont des idées qu’on ne peut pas prendre à la légère, même s’il y a plein de mots nouveaux et que pour une raison qui m’échappe, les mots nouveaux sont souvent tournés en ridicule. Ça s’appelle l’évolution du langage, c’est le signe que notre langue est vivante et que notre monde évolue, et ça veut dire quelque chose. Même si ce n’est pas dans tous les dictionnaires, avec la magie d’internet vous pourrez rechercher ce que ça veut dire pour notre communauté, et pourquoi c’est important.
Ne pas tolérer la misogynie même pour rire : tout ce qui rabaisse la féminité, les manières féminines, le fait d’être le·a partenaire sexuel·le qui est pénétré·e, mais aussi tout ce qui normalise la violence envers les femmes qu’elle soit psychologique, physique ou sexuelle…
Ne pas tolérer l’homophobie et la biphobie (ou homomisie, bimisie) même pour rire : tout ce qui insulte et menace mais aussi tout ce qui fétichise sexuellement la relation entre deux personnes de même genre, tout ce associe la multisexualité à la promiscuité et dans le même temps stigmatise la promiscuité (en général surtout celle des femmes ou des personnes LGBTQIA+),…
Ne pas tolérer la transphobie (ou transmisie) même pour rire : tout ce qui normalise le fétichisme ou au contraire le dégoût, et la violence adressées aux personnes trans, tout ce qui (parties génitales, obligations de le dire…), tout ce qui laisse entendre qu’il faut être et paraître d’un genre ou bien d’un autre pour être respecté·e en tant que personne et adressée correctement…
Ne pas tolérer l’arophobie (ou aromisie) même pour rire : tout ce qui considère comme monstrueux et non-humain le fait de ne pas tomber amoureux·se, tout ce qui associe systématiquement le concept de non attrait pour l’amour romantique à la promiscuité et en même temps stigmatise la promiscuité…
Ne pas tolérer les autres intersections d’oppressions : tout ce qui fait rejeter des personnes qui ne sont pas du genre, de la couleur, de l’orientation, de l’exact état de santé et de validité, de la culture ou religion, du milieu, dominants.
Et enfin ne pas tolérer l’acephobie (ou acemisie ?) même pour rire : tout ce qui considère comme impensable et risible le fait de ne pas avoir d’attirance sexuelle, tout ce qui associe systématiquement amour et sexe, tout ce qui stigmatise ou fétichise le concept de virginité…
Bref, ne plus accepter l’hétéronormativité, l’amatonormativé, la binarité comme allant de soi, et ne plus tolérer la déshumanisation ou la « placardisation » forcée de personnes qui ne s’y conforment pas.
Aidez à créer autour de vous - et de votre proche - un environnement sûr et respectueux !
Essayer d’avoir un discours le plus inclusif possible (je n’ai jamais vu d’objections à l’écriture inclusive qui ne soient pas misogynes et/ou de mauvaise foi donc pour moi ce n’est pas débattable !).
Langage épicène (vos proches), formules englobantes (les être humains plutôt que l’homme, la personne, etc.), doublets (elles et ils, celles et ceux, toutes et tous) ou formes contractées comme le point médian (les personnes asexuel·le·s, un·e…) ou encore les nouveaux pronoms (iel/iels, celleux…), féminisation des professions…
Enumérer dans l’ordre alphabétique, pratiquer l’accord de proximité, appliquer une règle de majorité (un opposant et 700 personnes arrêtées)…
Quelques liens pour aller plus loin :
Guide pratique pour une communication sans stéréotypes de sexe, Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes
Manuel d’écriture inclusive à télécharger, agence de communication Mots-clés
7 leçons tirées de 5 ans d‘écriture inclusive sur madmoiZelle.com
Tribune d’Eliane Viannot sur francetvinfo.fr
http://www.ecriture-inclusive.fr/
Essayer de citer et normaliser des expériences humaines diverses dans la conversation quotidienne, de montrer que pour vous, elles sont tout aussi dignes de respect et d’intégration dans la conversation et les représentations partagées de la société.
Il n’est pas encore normalisé dans nos cultures de demander « quels sont vos pronoms ? ». Ce que vous pouvez faire est déjà de ne pas assumer que les personnes autour de vous sont nécessairement cis hétéro et binaires. En outre, si une personne demande qu’on s’adresse à elle d’une certaine façon, assurez-vous de le faire et que les gens en commun autour de vous le fassent aussi (évidemment ne surtout pas faire ça si la personne n’est pas « out » et vous demande de l’appeler différemment en privé ! Prêtez attention au contexte et dans le doute, posez la question).
Prêter attention à l’équité de traitement des personnes dans les lieux que vous fréquentez. Réagir ! Rendre difficile aux gens d’être publiquement intolérants et discriminatoires.
Si votre proche choisit de s’exprimer ou réagir dans une situation, ne parlez pas à sa place, mais apportez votre soutien publiquement.
Ne pas parler de ces sujets qu’à votre ou vos proches de la communauté LGBTQIA+ ; au contraire, normalisez-les et défendez-les quand vous êtes avec d’autres personnes cis hétéro ! Vous n’allez pas faire changer d’avis votre grand-père ? d’accord, mais n’acceptez pas sans vous exprimer aussi certains discours à la table familiale avec les autres oncles, tantes, et surtout jeunes cousins… Idem au travail ! Ce n’est pas toujours agréable - mais dites-vous que c’est moins personnel pour vous que pour votre proche et prenez votre courage à deux mains.
Ne pas poser des questions hyper intimes sur les comportements sexuels, les parties génitales, les traumatismes passés, etc., sauf si c’est le genre de conversation que vous partagez déjà avec ces proches - et même là le mieux est de ne pas lancer vous-même le sujet. Montrer le niveau de respect et de politesse dont votre entourage a l’habitude.
Accepter la différence. Vous n’êtes pas obligé·e de la comprendre pour respecter qu’une personne ait une orientation, une identité différentes de la norme. Ne pas harceler la personne de questions et « objections » basiques parce que VOUS êtes ignorant·e. Ne pas lui dire que ça va passer parce que VOUS trouvez que ce n’est pas le mode de vie idéal. Ce qui m’amène au point suivant :
Faire vos recherches
Personnellement je ne me lasse pas d’expliquer les nuances d’asexualité à toutes les personnes qui me questionnent de bonne foi et avec bienveillance. Mais ça peut être répétitif, et selon le degré d’intimité que vous avez, un peu gênant sur certains aspects.
Si vous voulez mieux comprendre le sujet sans commettre d’impair, quelques recherches sur internet ou des livres écrits par des personnes asexuelles ne peuvent pas faire de mal. Vous pouvez même demander à votre proche si iel vous conseille des ressources en particulier.
Utilisez votre compréhension de ces nouvelles nuances avec vos connaissances cis hétéro… en n’oubliant pas d’attribuer le crédit aux autrices et auteurs.
Faites attention à votre vocabulaire. Certains termes qui ont été utilisés à une époque peuvent être considérés comme offensants aujourd’hui : soyez prêt·e à vous corriger si besoin.
Petit écueil : n’allez pas croire ensuite que vous connaissez mieux le sujet que la personne. C’est l’expérience qui prime. Et les identités et orientations sont avant tout des expériences individuelles. Alors n’oubliez pas de la laisser parler et de l’écouter si elle aborde le sujet !
En général, ne pas assumer que vous connaissez automatiquement son orientation romantique, son genre, son rapport à l’intimité, etc. juste parce que vous savez que la personne est asexuelle.
Sortir ! Proposez d’accompagner vos proches ou de faire quelque chose pour la marche des Fiertés, pour un événement dans la boîte, pour une sortie spéciale entre ami·e·s, pour une organisation qui leur tient à coeur…
Ne pas faire le coming-out de votre proche à sa place : en parler à des gens que votre proche asexuel·le ne rencontrera jamais pour faire connaître le sujet est une chose plutôt positive ; parler publiquement à des connaissances communes de son asexualité, en sa présence ou pas, en est une autre et ce n’est pas votre place (sauf si vous en avez parlé avant, si elle est déjà out et ouverte à ce que quelqu’un d’autre aborde le sujet dans ce contexte, etc.). Dans le doute, demandez-lui en privé !
2. Être allié·e spécifiquement des personnes asexuelles
Réfléchir à la valeur et au temps que vous accordez à vos amitiés.
Arrêter de prononcer des phrases comme « tout le monde pense au sexe », « tout le monde a envie d’avoir un partenaire », « tout le monde finit par rencontrer quelqu’un qui… », « tout le monde a besoin d’amour » (sous-entendu amour romantique et sexuel), « le sexe est le ciment de toute relation romantique », etc.
Aller au-delà et repenser la sexualité : reconnaître qu’elle n’est pas universellement le pinnacle de l’expérience humaine ! Valoriser les autres formes d’amour, de relations, d’intimité qui peuvent exister.
Arrêter la grande hypocrisie de l’attirance sexuelle, où l’on reproche à la fois aux personnes homosexuelles et bisexuelles d’en parler en public ou avec des enfants car leurs orientations seraient magiquement intrinsèquement sexuelles (et pas l’hétérosexualité ?), et aux personnes asexuelles de rejeter un fondement de l’humanité ! On n’est pas obligé de surévaluer ou de dévaloriser la place de la sexualité dans les relations humaines, il faut juste accepter que pour beaucoup de personnes cela en fait partie, et pour d’autres ce n’est pas le cas !
Cultiver une pensée du comportement sexuel qui soit positive de façon inclusive : ne pas vouloir de sexe est aussi valide et légitime que d’en vouloir un peu ou beaucoup. Cultiver une culture de consentement et de dialogue autour de la sexualité.
Ne pas le prendre pour vous ! Ne soyez pas vexés·e que les personnes asexuelles ne vous désirent pas, ne pensez pas qu’elles vous jugent car vous avez une vie sexuelle… ce n’est pas personnel !
Ne pas assumer que vous savez ce avec quoi une personne asexuelle est à l’aise ou pas : en fait, ça devrait être vrai de tout le monde, ne jamais assumer ! En parler, si c’est le genre de chose dont vous parlez ensemble.
Garder l’esprit ouvert sur les termes utilisés pour les sous-identités asexuelles : c’est compliqué de se positionner dans un monde quand on ne comprend pas un gros postulat de base que personne ne sait vraiment nous expliquer, alors oui, notre vocabulaire nous aide à réfléchir à tout ça et à nous positionner par rapport aux autres : respectez ça !
Reconnaître que l’orientation n’est pas le comportement, respecter la multiplicité d’expériences individuelles et en particulier celles de vos proches.
3. Remettre en question votre travail d’allié·e
Les personnes qui font leur coming-out font très attention à ce qu’elles perçoivent de la sensibilité de leurs proches à ces sujets : en les incluant positivement, vous envoyez le signal que vous soutiendrez votre proche LGBTQIA+.
Ne vous vexez jamais qu’une personne n’ait pas fait son coming-out auprès de vous plus tôt, ou qu’elle ait eu peur de vous en parler.
Ne prenez pas tout personnellement, il s’agit avant tout de son expérience, de son regard sur elle-même, et elle est beaucoup plus consciente que vous du risque inhérent à un coming-out sur son expérience ;
Ensuite, interrogez-vous sur votre travail d’allié·e : à quel point avez-vous toujours montré de façon non équivoque que vous souteniez absolument la diversité de genre et d’orientation, y compris l’asexualité, y compris chez vos proches ? Si ça n’a pas toujours été le cas, ne vous étonnez pas que votre entourage n’ose pas toujours vous en parler spontanément.
Est-ce que vous pensez être un·e bon·ne allié·e ? Pourquoi est-ce que ça vous tient à coeur ?
Qu’observez-vous dans votre quotidien ? Comment pouvez-vous prendre davantage conscience de votre privilège et l’utiliser pour devenir un·e meilleur·e allié·e ?
Être l’allié·e des personnes LGBTQIA+ et en particulier des personnes asexuelles, ce n’est pas une identité, c’est une action et une amélioration permanente. Il faut être prêt·e à en faire l’effort car c’est notre responsabilité de rendre notre monde meilleur et plus tolérant pour toutes et tous. On est toujours l’allié·e de quelqu’un - ou on devrait !
Vous ne réussirez pas toujours et c’est normal.
Vous avez posé une question un peu trop intime et votre proche vous a dit que ça ne vous regardait pas ? Vous avez sorti une blague immonde devant les collègues ? Vous n’aviez pas de mauvaises intentions mais vous avez dit ou fait quelque chose qui les a heurté·e·s ? Dites « pardon » et faites mieux la prochaine fois.
Enfin, posez leur directement la question : est-ce qu’il y a quelque chose que vos proches aimeraient que vous fassiez (mieux/moins) ?
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Ce que c’est qu’être aromantique et asexuelle dans la société
Ce n’est pas triste en soi d’être aromantique et asexuelle. Adulte indépendante, avec beaucoup de chance dans ma vie et des ami·e·s extraordinaires, 99% du temps j’en suis même très heureuse.
Il y a juste ces quelques expériences qui parfois me touchent plus que je ne voudrais. Attention, je vais parler en généralités. Si vous n’êtes pas personnellement concerné·e par ce que je décris, tant mieux pour vous !
En tant que femme, quand un homme me prête de l’attention, c’est généralement dans une intention romantique et/ou sexuelle*
(*de leur propre aveu, qui arrive plus ou moins tôt ou tardivement dans l’échange).
Je vois beaucoup les hommes hétérosexuels dire ou écrire qu’ils prennent tous les risques dans les relations en s’approchant des femmes et en risquant le rejet, mais ce que j’ai observé, c’est que la plupart d’entre eux rejettent les femmes bien plus violemment. S’ils ne sont pas attirés par elles, ils ne leur accorderont pas d’attention, même en tant qu’amies potentielles. (Ce qui expliquerait aussi que la plupart ne croient pas en l’amitié homme-femme -moins vrai chez les femmes : ils ne deviennent amis qu’avec des femmes qui les intéressent déjà).
Et quand le fait que je ne sois pas romantiquement ou sexuellement disponible arrive sur le tapis, même les « amitiés » s’évanouissent.
Si je ne l’ai pas dit assez tôt, malgré le fait que l’homme en face de moi n’ait jamais exprimé son propre intérêt, cela me sera reproché comme si je l’avais séduit exprès pour mieux le rejeter. (Si je l’ai dit trop tôt, l’homme le prend souvent comme un challenge ; dans tous les cas, je suis rarement crue). Devrais-je introduire chaque rencontre avec un homme par « au fait je suis aro/ace » ?
J’ai donc peu d’amis hommes, et moins confiance dans l’amitié des autres hommes en général. Quel dommage ! Et si on en finissait avec la misogynie inconsciente et l’hétéronormativité ?
Je ne peux pas être amie avec un homme comme avec une femme, ce qui limite sérieusement mes amitiés potentielles.
Dans une culture à la fois hétéronormative et monogame, l’homme est chasse gardée de sa compagne par rapport à d’autres femmes « prédatrices », et vice versa. Il peut sortir seul avec un ami, rarement avec une amie, et encore cela dépend pour quoi faire.
Donc même si je ne regarderais jamais un homme de cette façon, la proximité que je peux avoir avec des femmes m’est interdite avec la plupart des hommes.
Ce que je dis est aussi vrai pour la plupart des autres femmes par rapport à la plupart des hommes dans notre société, mais c’est d’autant plus sensible quand je n’ai pas de couple et que les relations d’amitié sont toutes mes opportunités de relations avec les hommes qui ne sont pas de ma famille !
Pour être honnête, dans notre culture à la masculinité toxique et à la misogynie bien internalisée, je préfère souvent la compagnie des femmes. Mais sur le principe, c’est quand même du gâchis.
Dans le même ordre d’idée, certaines activités sont difficiles à partager car elles sont classées culturellement comme romantiques, et si on les fait quand même, cela semble toujours finir par se retourner contre nous.
Inviter un nouvel ami seul chez soi, partager des anecdotes intimes, partir en virée en voiture ou en moto, passer un week-end à Venise (avec qui que ce soit, en tête à tête : impensable), se mettre en colocation passé un certain âge,… vous voyez où je veux en venir ?
Au lieu de profiter de bons moments et mieux se connaître, il faut toujours se surveiller pour éviter les interprétations malencontreuses ou ce qui semblerait prendre trop d’importance par rapport à un éventuel couple déjà en place. Moi, ça m’épuise.
Il y a d’autres choses aussi, comme ces histoires de +1 dans les événements professionnels ou académiques, les mariages, les rassemblements familiaux…
Tiens ça me donne envie de faire des trucs marrants, genre rameuter des +1 pas conformes, ou célébrer un anniversaire de célibat. Avec des dragées !
Parfois, mes ami·e·s disparaissent. Quelques mois plus tard, j’apprends qu’iels se sont en fait mis en couple.
Ça c’est peut-être le pire.
Je ne suis pas jalouse des couples et de ce que les familles nucléaires construisent ensemble, mais je souffre que notre culture soit tellement centrée sur le couple. Être « juste ami·e·s » est souvent traité par-dessus la jambe.
Quand ça m’arrive, je comprends mieux pourquoi les gens autour de moi me disent si souvent qu’ils ne pourraient pas être « tout seuls » comme moi. Être seul·e n’est pas une fatalité juste parce qu’on est aromantique et/ou asexuel·le… sauf si tous les gens autour de nous sont tellement obnubilés par leur partenaire romantique et sexuel·le que personne ne construit plus d’amitiés qui valent le coup.
Et quand on a cette conception de l’amitié où on peut laisser tomber ses « amis » dès qu’on trouve « mieux », évidemment qu’on ne va pas comprendre quelqu’un qui comme moi met l’amitié au premier rang de ses relations !
Je n’ai pas besoin d’être la personne la plus importante dans la vie de mes ami·e·s. C’est peut-être un regret que peuvent avoir d’autres personnes de mon orientation mais ce n’est pas un besoin pour moi personnellement. Leurs enfants, leurs partenaires, sont prioritaires, pourquoi pas ? Mais faites attention à vos autres relations aussi, ok ?
Je me sens étrangère à 40% de ce que vivent et racontent les gens autour de moi (50% quand on ajoute les films et séries mais c’est un autre sujet. Hum.)
Je peux me réjouir pour mes ami·e·s et connaissances qui se mettent en couple, se fiancent, se pacsent, se marient ; je peux les soutenir quand iels parlent de leurs histoires de couples.
Mais ce n’est pas ma vie ni ma conception du monde, et ça ne me parle pas trop !
Quand mes amies me demandent conseil, je préface d’un avertissement : « tu sais que le couple à la base, je ne vois pas l’intérêt, donc mon premier réflexe est toujours de dire « il t’embête ? ben quitte-le ». » Bon, et après je réfléchis. Quand même.
Mais ouais, tous ces trucs-là ? Ça m’échappe.
Et en plus, vas-y pour participer à la conversation ! Je sais que je dois dire « bravo », ça, c’est intégré. On n’est pas des monstres. C’est pour le reste que je sèche un peu. « Ah ouais, tu te maries ? C’est super, félicitations. Bon moi je ne ferais jamais un truc pareil haha mais cool pour toi. Cool cool cool. Et sinon euh… tu regardes, oh pardon, vous regardez quoi comme série en ce moment ? »
Heureusement, le reste du temps, je suis partagée entre :
97% Vivre ma vie, progresser dans ce qui compte pour moi (et avoir le temps, l’espace et la liberté de le faire !)
2% Être hyper-soulagée de ne pas être en couple. Oui j’avoue, même quand les histoires de couples se passent bien je ne suis pas tentée, mais quand j’entends toutes ces histoires tristes ou choquantes ou simplement frustrantes, avant de laisser place à l’empathie j’ai ce petit moment un peu coupable de « ha, tout ce que j’évite ! ». Pardon.
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Le bingo de l’asexualité : anticiper et se défendre contre les microagressions
On n’a pas toujours envie d’en rire, mais il faut admettre qu’il y a une certaine répétition dans les réactions face à l’asexualité. Un bingo, c’est avec un peu d’humour le catalogue des FAQ (questions fréquemment posées) et réactions les plus désagréables, gênantes, déplacées, sur le sujet.
Celui-ci n’a pas valeur d’exhaustivité. Jouons un peu !
Colonne 1 : le déni
Les cases de la première colonne ont en commun de vouloir nier l’asexualité, s’en distancier ou la minimiser. Bref, cette personne ne veut pas que ce soit un sujet. Tant pis pour elle !
Bonus : pour les personnes asexuelles parmi nous qui souhaitent des relations romantiques il y a bien sûr « Bon tu peux quand même faire un effort pour ton couple » ou les variations : « Personne ne voudra de toi alors », « Ton·e pauvre partenaire ne mérite pas ça et te quittera ».
Quelques pistes pour y répondre :
Cela semble te déranger que je ne sois pas attiré·e physiquement (et éventuellement romantiquement) par les gens, mais c’est mon expérience, et je ne suis pas la seule.
Tout le monde parle d’hétérosexualité en permanence quand on parle de relations sociales, de mariage ou fiançailles ; beaucoup de milieux dans lesquels nous évoluons et les publicités qui nous entourent discutent même ouvertement de sexualité : l’asexualité n’est un sujet ni plus ni moins approprié que l’hétérosexualité ou les autres orientations LGB+.
Peut-être que ça passera (peut-être aussi que ton hétérosexualité ou autre orientation est une phase également), mais aujourd’hui c’est ce que je vis, et je te demande de le respecter.
Ma relation avec mon·a partenaire ne regarde que nous ; je propose de ne pas s’immiscer dans nos relations respectives (et les vaches seront bien gardées) ; chaque relation a ses priorités et sa dynamique.
Colonne 2 : le problème
Dans la deuxième colonne, on retrouve les tentatives d’explication et de problématisation de notre orientation.
Quelques pistes pour y répondre :
Aucune orientation n’a besoin de cause ou d’explication. Elle est valide comme telle.
Plein de gens ont ces expériences sans s’identifier comme asexuels, et à l’inverse beaucoup de gens asexuels n’ont pas de problème physique/ trauma/ etc. Dans tous les cas, cela ne change pas ce que je vis, et qui affecte mes relations sociales différemment de la majorité.
Ces sujets sont intimes. Si je ne t’en parle pas, c’est que ça ne te regarde pas.
Qu’est-ce que ça veut dire la bonne personne ?
Une personne capable de te faire changer d’orientation ? Si tu es hétérosexuel·le cela veut-il dire que tu n’as pas encore rencontré la personne de ton genre qui te fera changer ? Si on nie l’orientation de tout le monde sur une possibilité hypothétique, l’hétérosexualité n’existe pas non plus.
Une exception ? Une exception ne change pas non plus l’orientation d’une personne. Certaines personnes asexuelles ont d’ailleurs rencontré leur(s) exception(s) : elles s’identifient souvent comme greysexuelles ou demisexuelles et appartiennent au spectre de l’asexualité. Le fait de vivre cette attirance physique pour une personne ou une poignée de personnes dans une vie ne change que très peu le fait qu’une majorité de leur expérience sur ce sujet est différente du reste de la société.
Colonne 3 : le jugement
Troisième grande tendance : les gens s’identifient, ou plutôt, ont beaucoup de mal à s’identifier, et donc projettent leurs propres frustrations, envies, et peurs sur nous.
Quelques pistes pour y répondre :
Je ne suis pas à envier ni à plaindre, je suis différent·e sur ce point donc j’ai une autre perspective. Ma situation a probablement autant d’inconvénients et d’avantages que la tienne, ils sont juste différents, parce que nos priorités et nos façons d’être sont différentes. Tu ne serais probablement pas longtemps heureux·se dans ma situation, mais moi non plus dans la tienne.
Je sais que ça part d’une bonne intention car tu as du mal à imaginer que je puisse m’épanouir comme ça, mais ça me convient en fait, donc je préférerais que tu me souhaites de trouver ou converser le bonheur qui me convient à moi. Et je te souhaite la même chose.
Ce n’est pas un choix, c’est ce qui est naturel pour moi et cela me convient. Cela ne fait de mal à personne, le monde ne manque pas de personnes célibataires disponibles de tous les genres, de parents potentiels, d’enfants, etc. Les gens qui ont des relations romantiques et/ou sexuelles ne sont pas fondamentalement meilleurs ou moins bons que les gens qui n’en ont pas, cela se saurait. Les personnes asexuelles ne se croient pas « au-dessus » de quoi que ce soit. Elle suivent simplement ce qui leur convient au maximum.
Colonne 4 : la dérive
Au stade de la quatrième colonne, on arrive à l’application par certaines personnes d’un changement dangereux dans leur esprit : nous ne sommes plus leur pair, leur semblable, une personne humaine comme elles, et elles ne se croient plus tenues au minimum de respect qui constitue le ciment social.
Sans forcément s’en rendre compte elles peuvent essayer de nier notre humanité (tout être humain ressent ça ; et les émotions alors ?…) ou notre autonomie personnelle (on est comme un enfant ; on ne sait pas vraiment ce qu’on ressent et ce qu’on veut ; quand on est suffisamment joli·e on se doit de se donner à quelqu’un…).
Comme l’on devient une curiosité plus qu’une personne, elles peuvent nous poser des questions intimes qu’elles n’auraient jamais posées sinon (je ne parle pas d’ami·e·s intimes avec qui les mêmes sujets ont pu déjà être abordés), ou passer à la moquerie (tu es moche de toutes façons, tu es une plante, une bactérie, tu aimes les animaux…).
Quelques pistes pour y répondre :
1. Réagir sur le fond. Causer un électrochoc qui rappelle à ces personnes qu’elles ont un être humain en face :
Qu’est-ce que tu veux dire ? Je suis humaine et je suis là. Si ça te dérange, on arrête d’en parler mais je ne vais pas discuter mon humanité avec toi.
Eh ben dis donc ! Tu poses ce genre de questions à tout le monde (dès que tu connais leur orientation) toi ? Je n’ai pas du tout envie d’aborder ce genre de sujets personnels.
Tu as une idée de ce que tu es en train de sous-entendre en disant ça ? Personne ne doit de sexe à personne. Les gens ne sont pas des objets, le minimum est de respecter ce que les gens choisissent de faire d’eux-mêmes.
2. Ne pas répondre ou répondre de façon neutre pour clore le sujet :
Je ne souhaite pas en parler avec toi.
Cela ne te regarde pas.
Ce n’est pas un sujet de discussion ou de blague pour moi.
Je vois que tu ne comprends pas, je te propose d’en reparler plus tard, et tu voudras peut être te renseigner sur le sujet d’abord - je peux te donner quelques liens.
3. Répondre didactiquement (au mieux on éduque un peu sur le sujet, on pire on les ennuie et ça s’arrête, dans tous les cas on évite d’aborder la sphère intime) :
Généraliser, par exemple : oh la masturbation, eh bien certaines personnes asexuelles le font et d’autres non, ce n’est pas lié au désir de l’autre donc ça dépend des gens.
Mais si la question persiste poser une limite plus ferme : Là ça devient soudainement un peu trop personnel / Ça ne te regarde pas / (en feignant l’étonnement) Comment ? Tu n’es pas en train de me demander à moi ton·a collègue si je me masturbe j’espère ! / Haha on n’a pas encore ce niveau d’intimité et je ne discute pas de ce genre de sujet au-delà de mon premier cercle désolé·e ! / J’ai dû mal comprendre la question, je t’accorde le bénéfice du doute)
4. En fait, dans tous les cas, oser dire quand ce n’est pas ok pour nous :
Heureusement que ton opinion sur mon physique ne m’intéresse pas. Tu penses peut-être à quelqu’un d’autre ; si j’en crois ce que je vois, tous les goûts sont dans la nature et toutes les personnes un minimum décentes humainement peuvent trouver des opportunités (et même certaines qui ne le méritent pas).
Si tu me poses des questions aussi intimes, je peux choisir d’y répondre et c’est à toi d’accepter que ma réponse sera aussi intime, ou je peux choisir de te rappeler que ce n’est pas parce que j’aborde un sujet d’orientation que je vais parler de pratiques sexuelles.
C’est ton opinion. Cela ne concerne que toi.
Je ne comprends pas pourquoi tu me poses cette question.
Est-ce que c’est vraiment ce que tu penses de moi ?
Restons poli·e·s.
Attends, tu ne vois peut-être pas le problème avec ce que tu viens de dire mais imagine si je te le retournais ?
Tu ne te rends peut-être pas compte, mais quand tu remets ce sujet sur le tapis à chaque fois qu’on se voit pour me dire que ce n’est pas ce que tu voudrais, ça me rend triste.
Ce genre de propos est blessant parce que… (il nie mon expérience, mon autonomie, ma capacité à diriger ma vie…)
Je ne trouve pas ça drôle, explique moi.
Conclusion
Toutes ces réactions, et plein d’autres, traduisent une non acceptation de la différence qui peut aller jusqu’à l’exclusion sociale. Elles montrent aussi un déséquilibre de statut social : « comme c’est moi qui représente la norme, j’ai le droit de te juger, de te questionner, de faire des plaisanteries… mais pas toi ». Ce n’est ni poli, ni gentil, ni original, et ces personnes ne feraient jamais ce genre de remarques à des gens qu’elles considéreraient « de leur cercle ».
Oui, quelqu’un sera toujours trop vieux ou trop jeune, ou gentil dans le fond, mais je ne suis pas pour rationaliser et excuser ces réactions : elles révèlent un manque de respect réel, et elles sont blessantes, et notre entourage peut et devrait mieux faire - comme nous aussi nous pouvons et devons mieux faire avec les personnes différentes de nous.
Heureusement, beaucoup de personnes réagissent aussi avec respect, ouverture d’esprit, et parfois un intérêt sincère pour le sujet ! Et dans ces cas là, promis, c’est souvent un plaisir d’en discuter. Alors quand on a cette chance, parlons-en :)
#asexualité#asexuelle#asexuel#graysexualité#demisexualité#bingo asexuel#exclusion sociale#coming-out#différence#l'asexualité et les autres
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Comment être sûr·e que je suis asexuel·le ?
En tant que personnes asexuelles, nous avons pu nous poser nous-mêmes la question ; et très souvent, les autres nous l’ont posée aussi.
Faut-il être inattaquable ?
Nous ne sommes pas toujours très à l’aise avec l’idée de nous attribuer une identité.
Ça peut venir d’un sentiment d’imposture quand on a l’impression de ne pas rentrer dans la case ou dans toutes les cases, sur le moment ou quand on regarde l’ensemble de notre vie.
Ça peut être la crainte d’un mauvais « diagnostic » : et si ça venait d’autre chose ?
Ça peut être notre tendance ou celle de notre entourage à rechercher une explication plus normative…
Bref, on se demande si ce n’est pas « tout simplement autre chose », ou « juste un malentendu », ou un peu « exagéré ».
Alors, quelques éléments de réponse :
Il n’y a pas de mauvais diagnostic parce que ce n’est pas un diagnostic ! On peut être autiste et asexuel·le (ou pas), handicapé·e moteur·trice et asexuel·le (ou pas), dépressif·ve et asexuel·le (ou pas), intersexe ou transgenre ou souffrant de vaginisme et asexuel·le (ou pas), survivant·e d’un traumatisme et asexuel·le (ou pas). Le fait d’avoir ou pas d’autres conditions n’invalide pas ce que vous vivez et l’utilité d’un concept pour vous. Peut-être que « quelque chose » d’extérieur ou d’intérieur pourrait être la cause de ce que vous vivez en termes d’attirance physique, mais ça ne change pas que c’est bien ce que vous vivez à ce moment.
On n’utilise pas ce genre de concepts par hasard. Il existe des personnes qui voient leur libido baisser après des événements médicaux, des personnes qui pour des raisons diverses vivent le célibat ou la chasteté pendant de longues périodes, sans pour autant se considérer asexuelles. Si vous vous reconnaissez dans la définition, dans certaines expériences, des personnes asexuelles, et qu’à l’inverse vous vous reconnaissez moins dans le discours ambiant autour de la sexualité, bref si ce terme répond à quelque chose chez vous, alors il est légitime.
Il n’y a pas de personne asexuelle « parfaite ». Parce que les gens ont toujours des doutes, besoin d’une explication qui s’inscrive dans leur vision du monde, on va décortiquer chaque aspect de votre personne, personnalité, expérience, et essayer de justifier que ça ne rentre pas. Les gens - et nous-mêmes ! - ont déjà des représentations toutes faites sur beaucoup de choses, et le premier effort va souvent être de faire coller qui vous êtes avec ces représentations.
Les gens croient facilement que pour les femmes, surtout blanches, « c’est normal, il y a beaucoup de femmes frigides », « toutes les femmes sont comme ça », « les femmes ont une sexualité compliquée, rien d’exceptionnel là-dedans ». Dans mon expérience c’est une réaction très typique des hommes hétérosexuels, dont je plains beaucoup les partenaires. On dit aussi que « les femmes intellectuelles réfléchissent trop pour vraiment apprécier le sexe », bref, on se dédouane beaucoup de faire plaisir aux femmes… et on nie autant leur sexualité que leur asexualité !
En revanche l’asexualité est vue comme résolument incompatible avec les femmes noires, maghrébines, latino, asiatiques - et en général les jolies femmes, qui ont toujours été hypersexualisées. Là, c’est la prouesse du « bon » homme (évidemment un homme) qui les « sauvera ». En fait ce sera vu soit comme une trahison de qui elles sont, soit comme le modèle parfait de soumission attendu des hommes machistes où les femmes ne sont de toutes façons que des objets et non des sujets de désir.
Les hommes, surtout blancs et noirs, ne peuvent être que sujets de désir donc ne seront pas crus non plus. Les hommes asiatiques selon les cultures et périodes peuvent être vus comme émasculés donc avoir des représentations contradictoires sur ce sujet. Plus que pour les femmes, l’asexualité chez les hommes serait considérée comme honteuse et dévirilisante. Mais les hommes auront aussi souvent eu plus facilement et « automatiquement » accès au sexe, ou eu des réactions physiologiques naturelles, qui viendront apparemment contredire la notion d’asexualité.
Si vous avez des soucis par ailleurs on regroupera tout ça dans une condition médicale et on vous refusera cette identité ; si vous n’avez pas de souci on vous dira qu’il n’y a aucune raison pour que vous ne trouviez pas quelqu’un un jour qui…
Si vous avez déjà eu des expériences sexuelles on vous dira que vous ne pouvez pas être asexuel·le, mais si vous n’en avez pas eues, on vous dira que vous ne saurez pas tant que vous n’aurez pas essayé !
Si vous êtes jeune on vous dira que vous n’êtes pas encore mature sexuellement, que vous n’avez pas encore rencontré la bonne personne… non ! attendez, on me dit ça alors que j’ai maintenant 32 ans et j’ai vu des témoignages sur internet, une pauvre dame s’est encore entendu dire à 60 ans passés qu’elle n’avait pas rencontré la bonne personne !
Si vous vous habillez bien on vous dira que vous cherchez l’attention sexuelle donc vous ne pouvez pas être asexuel·le ; si vous ne vous habillez pas bien on vous dira que vous n’êtes pas mature, que vous avez juste peur, que vous avez des blocages psychologiques…
Si vous avez une libido ou des réactions physiologiques on ne vous considérera pas asexuel·le, mais si vous n’en avez pas on vous dira juste que c’est médical.
Si vous être extraverti·e on vous dira que vous avez peur de vous engager, vous aimez juste les gens de façon superficielle ; si vous êtes introverti·e on vous dira que vous avez peur, vous n’osez pas vous ouvrir aux gens.
Comme vous aimez des gens, romantiquement ou non, on vous dira que vous êtes capable d’établir un lien fort avec quelqu’un donc il suffira de trouver la bonne personne… Si vous éprouvez de l’attirance non sexuelle pour des gens (sensuelle, esthétique) ce sera vu comme un signe d’attirance physique puisque personne d’autre ne fait cette distinction…
Parfois il n’y a rien à faire : pour certaines personnes, ce concept n’est pas acceptable et elles n'y croiront jamais. On ne peut que prendre du recul, se dire que ce n’est pas personnel et c’est leur vision du monde qu’elles ont du mal à quitter.
Quand on se questionne, on peut avoir tendance à décortiquer des nuances à l’infini « tiens, cette fois là, quand j’avais 14 ans et que cette fille m’a souri, j’ai ressenti des papillons dans le ventre donc est-ce que du coup je ne suis pas… » « une fois j’ai éprouvé du plaisir pendant l’amour donc est-ce que… ? » « j’aime bien l’entourage de personnes de tel genre, je me sens à l’aise et valorisé·e, alors… ? »
Rien n’invalide votre asexualité, si vous considérez que ce concept résonne avec ce que vous vivez.
Est-ce que ça vous apporte des clés de compréhension, des outils, du vocabulaire utile pour faire sens de ce qui se passe en vous et avec les autres ? Alors c’est bon !
Il n’y a pas une façon d’être asexuel·le. Il n’y a pas d’examen d’entrée.
Avancez d’une manière qui est authentique pour vous, pour décrypter vos fonctionnements et vos besoins, apprendre à les gérer et être à l’aise avec vous-même.
Je me répète sur ce point : respectez ce que l’asexualité veut dire pour les autres aces, et utilisez le terme si ça vous est utile !
Et si l’on se condamnait ?
Beaucoup d’entre nous avons vécu notre découverte de l’asexualité comme une libération, un concept et une communauté qui enfin expliquaient quelque chose chez nous et nous permettaient de ne plus nous sentir cassé·e·s ou forcé·e·s de rentrer dans un moule pas adapté.
Pour certains, c’était juste une évidence.
Pour d’autres encore, et massivement pour notre entourage en général, cette identité vient avec une peur, celle d’une sorte d’enfermement :
Est-ce que nous ne prenons pas pour des sortes de poètes maudit·e·s, nous condamnant nous-mêmes au malheur et à la solitude par notre attachement idéologique à ce concept ?
Je vais vous dire un truc. Ça ne marche pas comme ça.
Oui, les mots ont un certain pouvoir, ils expriment, et ce faisant donnent du poids aux idées.
Mais ce concept d’identité, ce n’est pas pour cela qu’on l’utilise. Ce n’est pas un voeu de chasteté, une entrée en religion, un ermitage… C’est une description ! Tout ce que ça veut dire, c’est que ça indique le fait qu’à ce moment, sur la période de référence, notre expérience est suffisamment différente de la majorité pour avoir besoin d’un concept.
Dans un monde parfait où tous les modes de vie seraient acceptés sans sourciller et traités de manière parfaitement égale, les identités LGBTQIA n’auraient pas la même importance. Dans notre société, cela nous permet de trouver des décryptages pour mieux comprendre la société et ce qui nous en sépare, des ressources pour nous défendre et nous affirmer, des personnes pour partager nos expériences…
En fait, si on s’attache à ce concept, c’est la faute de l’hétéronormativité ! C’est parce que les hétérosexuels n’acceptent pas la différence que l’on doit comprendre et forger la nôtre plutôt que de nous enfermer réellement cette fois dans un mode de vie qui n’est pas le nôtre. Alors c’est un peu facile de nous le reprocher.
Quant au changement ?
Peut-être que c’est une possible dérive de s’enfermer dans une idée qu’on a de soi et de se rendre malheureux·se quand on n’accepte pas… quoi, de revenir sur cette idée alors que nos envies profondes ont changé ? Peut-être. Je n’ai jamais rencontré le cas, personnellement, sur ce sujet ou sur un autre. Les gens sont trop attachés à leurs désirs et suivent trop leurs émotions pour cela.
Mais vous savez qui ne se pose jamais cette question sur l’importance de rester ouvertes au changement ? Les personnes hétérosexuelles, pour elles-mêmes.
C’est parce qu’on associe la normalité et l’épanouissement à l’hétérosexualité qu’on a tellement peur de « l’enfermement » dans une autre identité.
Certain·e·s parmi nous et notre entourage espèrent que les choses changeront, parce qu’on a tellement intériorisé le concept traditionnel et hollywoodien de l’amour romantique et sexuel qui doit remplir notre vie, nous accompagner jusqu’à la mort, porter notre sens, notre bonheur, nos épreuves, mais aussi le crédit de la maison, les deux enfants et demi, les vacances, tout ça… On croit que c’est la seule façon d’être heureux, notamment pour notre entourage qui part de sa propre manière d’être et ne peut pas imaginer être heureux autrement !
Pour moi il est là, le vrai danger : espérer ou attendre que notre façon d’être change. Car c’est se nier soi-même, se dire qu’on n’est pas complet·e, pas suffisant, et attendre un événement hypothétique pour se donner le droit d’être heureux·se et de construire sa vie. Il est temps de se sortir de la tête qu’il y a une recette unique et universelle du bonheur et du mode de vie idéal.
Est-ce qu’il faudrait “essayer” ?
Ce qu’il faut, c’est nous écouter nous-mêmes.
« Je suis vierge, je n’en sais rien, peut-être que je devrais essayer pour être sûr·e ? »
« Je n’ai qu’une ou deux expériences mais ratées, peut-être que je devrais réessayer… pour être sûr·e ? »
Et puis quoi après ? « Là ça n’a pas marché, peut-être que je devrais vivre avec une personne, me marier… pour être sûr·e ? » !
La grande majorité des gens hétérosexuels sont sûrs d’être hétéro souvent bien avant leur première expérience sexuelle et même la puberté.
La grande majorité des gens hétérosexuels n’ont pas essayé le sexe avec une personne de leur genre juste « pour être sûrs » qu’ils étaient bien hétéros.
La grande majorité des premières expériences sexuelles sont lamentables, et autant de gens ne le referaient pas juste « pour être sûrs » si ce n’était pas quelque chose dont, fondamentalement, ils ont extrêmement envie.
La société applique ce calque de « bien sûr on a tou·te·s très envie de sexe avec X personnes » et ne peut pas imaginer qu’on n’en ait simplement pas envie, donc elle essaie de voir où ça n’a pas marché.
Il y a une telle pression normative que le discours « essaye au moins » est très courant.
Je ne suis pas là pour vous dire de le faire ou non.
Je sais qu’il y a des personnes asexuelles qui ont essayé des relations avec une composante sexuelle. Certain·e·s ont apprécié, d’autres sont indifférent·e·s, d’autres sont dégoûté·e·s. Je sais qu’il y en a qui n’ont pas essayé. Il n’y aucun problème avec aucune de ces options !
Je veux juste dire deux choses importantes mais qui sont loin d’être évidentes et partagées : si vous choisissez d’essayer le sexe, faites-le en connaissance de cause et pour les bonnes raisons.
L’orientation ne doit pas être réduite à un acte sexuel. Dans l’ensemble, quand on découvre le concept d’asexualité, l’expérience sexuelle n’est pas nécessaire pour identifier sa propre asexualité, et même j’irais jusqu’à dire qu’elle n’aide pas spécialement.
Le fait de pratiquer du sexe est un choix que vous pouvez faire si vous appréciez l’acte et le plaisir physique, si vous voulez faire plaisir à votre partenaire, mais la pratique du sexe ne transforme personne en hétéro, homo ou bisexuel·le. Cela fait juste de vous quelqu’un qui pratique du sexe. Si vous questionnez votre identité, vous n’aurez pas forcément une réponse par ce biais. Ce que ça vous apprendra, si vous avez envie de le savoir, c’est si vous aimez le sexe avec un·e partenaire, potentiellement. Le désir de l’autre ne vient pas avec le sexe, l’orientation n’est pas l’acte.
Si l’asexualité est une orientation à part entière, c’est parce que nous avons une différence fondamentale avec la majorité des gens : l’absence de désir physique pour l’autre personne. Beaucoup de personnes non asexuelles vous diront que le sexe avec une personne qu’elles ne désirent pas est plutôt insatisfaisant et dégoûtant. Ce n’est peut-être pas vrai de tout le monde, mais c’est une tendance. Et nous, asexuel·le·s, n’avons pas de désir… Alors comment savons-nous que nous voulons ou pas essayer ? Il est déjà bon de savoir que « ne pas avoir envie » est une option. Eviter de le faire juste parce qu’on n’a pas de “bonne” raison de dire non, que c’est ce qui se fait, que ça semble logique, que peut-être à un moment du plaisir viendra... Si on se trouve en mode exploratoire “qu’est-ce qui se passe si je fais ça ?” ou en mode “hum ça c’est déjà super, je veux bien essayer cet autre truc”, c’est déjà meilleur signe !
Vous pouvez totalement choisir de faire du sexe ou pas, mais ce n’est pas ça qui vous confirmera si oui ou non vous êtes asexuel·le, et ce n’est pas ça non plus qui vous « réparera » ou vous « réveillera », parce que vous n’êtes pas cassé·e.
Ecoutez-vous. Faites-vous confiance.
Et si vous faites du sexe, rappelez-vous que le consentement est informé, libre, enthousiaste, et continu : il se donne en permanence pour tout ce qui se fait, et doit pouvoir se retirer à tout moment sans objection.
Alors que dire ?
Je veux vous dire que malgré ce que nous dit la société, nous aussi nous avons droit à l’erreur et au questionnement. Pour l’instant ce concept nous parle ? Très bien, alors c’est ce qu’il nous faut, et c’est juste. Et si ça change ? Eh bien, ça change. Et alors ? Et si en fait on se rend compte que ce n’était pas ça ? Eh bien quel est le problème ? Ce n’est pas ça, très bien, donc qu’est-ce qui nous est utile maintenant et nous permet d’avancer ?
On n’est sûr·e de rien dans la vie. C’est un faux débat de faire croire qu’il y a des choses immuables qui ne changent jamais, et c’est vicieux et malhonnête de nous demander si on est sûr·e de quelque chose avant de nous prendre au sérieux, pour finalement nous dire qu’insister sur notre certitude risque de nous enfermer !
On ne demande pas à une personne qui se marie si elle est vraiment sûre de rester mariée toute sa vie (statistiquement, non !), on ne demande pas aux personnes hétérosexuelles si elles sont sûres de leur orientation, on ne demande pas à un homme s’il est sûr d’aimer le football et s’il ne veut pas essayer la gym suédoise ou le ballet, on ne dit à pas une femme qu’elle devrait essayer le rugby ou le hockey « juste pour être sûre ». Arrêtons d’imposer une exigence de perfection et de certitude qui n’existe nulle part pour celles et ceux qui entrent dans la norme.
Ne nous forçons pas à faire des trucs dont nous n’avons pas envie parce que ces trucs rendent heureuses d’autres personnes dans d’autres circonstances !
Une dernière chose… l’asexualité, et ce qui va avec, ça reste un concept. Pas la peine d’en faire une montagne. Ça ne donne pas réponse à tout. Ce n’est pas notre identité complète, et si on veut exprimer ce que ça veut dire pour nous, il faut quand même y mettre des mots parce qu’aucun terme ne décrit complètement l’expérience individuelle. Et ça, c’est vrai pour tout le monde.
Alors quand on parle de notre asexualité, tant pis si on rentre trop bien ou pas assez dans les représentations des gens, tant pis si le mot dérange :
Expliquons factuellement ce que c’est, décrivons factuellement notre expérience : c’est la vie, et c’est comme ça, il faut le respecter.
Expliquons ce que ça veut dire pour nous - si et autant qu’on est à l’aise avec ça !
Essayons de ne jeter personne sous le bus : il n’y a pas une expérience unique de l’asexualité, et ça peut être différent pour d’autres gens.
N’acceptons pas les questions et objections irrespectueuses ou malpolies : parfois ce sont nos interlocutrices et interlocuteurs qui doivent réfléchir à ce qu’ils pensent, pas nous ; nous n’avons pas à rester sur la défensive parce qu’on nous demande de nous justifier. Ce n’est pas à nous de prouver qu’on est un·e candidat·e crédible à l’asexualité, ou qu’on ne va pas changer, ou qu’on va accepter si finalement on change… C’est aux autres de montrer un minimum de respect, décence et politesse - ce qu’iels savent montrer sur d’autres sujets, ou à des personnes non asexuelles !
#asexualité#asexuelle#asexuel#lgbtqia#definitions#l'asexualité et vous#représentation asexuelle#consentement
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Je pense que cette personne que je connais est asexuelle… que faire ?
Qu’est-ce qui me fait penser que cette personne est asexuelle ?
Elle ou il…
Semble mal à l’aise avec les sujets sexuels, ne participe pas aux discussions sur le sexe ou sonne faux
Ne semble pas spontanément intéressé physiquement par les autres, ni dans la vie ni parmi les célébrités
Ne semble pas désirer les rapports sexuels y compris avec sa/son partenaire qu’elle ou il aime beaucoup
N’affiche pas clairement sa sexualité, ne sort avec personne, dit qu’elle ou il n’est pas homosexuel·le ou bisexuel·le
Parle de sexe mais à votre connaissance n’en a jamais et ne cherche pas à en avoir
…
Alors j’ai raison ? Elle est bien asexuelle ?
Pas si vite !
En fait, toutes les explications sont encore possibles à ce stade. Peut-être que pas du tout, peut-être que c’est compliqué, peut-être que oui mais elle n’est pas prête à l’accepter… Bref, vous avez raison de penser que c’est un sujet délicat à aborder si elle ne l’a pas déjà fait !
Et même si vous pensez en être sûr·e à 100%, je voudrais vous rappeler que seule cette personne pourra dire si elle est asexuelle, si et quand elle le sent.
Alors si vous abordez ce sujet intime, soyez prêt·e à vous entendre dire (et à l’accepter !) :
Que ça ne vous regarde pas.
Que c’est en fait une différence culturelle ou d’éducation, pas de l’asexualité.
Que ce sont juste les relations sexuelles avec vous qui ne sont pas très satisfaisantes (ouch.)
Que pas du tout, point, de quoi tu parles ?!!!!!! Je vais très bien d’abord et d’ailleurs ma virilité est triomphante.
Qu’elle vit ou a vécu des choses compliquées dont elle voudra, ou pas, vous parler.
Et aussi bien sûr, que oui, peut-être ou oui c’est ça, ou oui elle sait déjà.
En effet, vous vous êtes posé des questions sur ce sujet, vous avez trouvé cette orientation sexuelle qui vous semble expliquer les choses, et vous avez décidé de lui en parler. Tout ça pour elle ce sera peut-être une surprise, donc il est possible qu’elle soit sur la défensive, ou dans l’incompréhension, ou à se demander quelles sont vos intentions.
Pourquoi je veux lui en parler ?
Avant d’aller plus loin, prenez le temps si vous le voulez de vous poser la question, en étant sincère avec vous même :
Est-ce que c’est pour cette personne elle-même que vous faites cette démarche :
parce qu’elle est malheureuse ou confuse aujourd’hui et que vous pensez que ça peut l’aider,
ou peut-être pour lui faire découvrir quelque chose qui devrait selon vous lui parler,
ou encore parce que vous voulez lui montrer que vous êtes à l’aise avec le concept et vous voudriez qu’elle aussi soit à l’aise… au cas où ?
Ou est-ce que c’est pour vous-même :
parce que vous avez l’impression d’avoir compris un truc et vous voulez lui dire que vous savez (et recevoir un cookie),
parce que vous être frustré·e de ne pas pouvoir aborder certains sujets sans une réaction de sa part que vous ne comprenez pas,
ou parce que vous êtes vexé·e qu’elle ne se soit pas confiée à vous alors que vous lui dites tout,
ou parce que vous êtes frustré·e de ne pas vous sentir désiré·e ou avoir de rapports sexuels dans une relation romantique traditionnelle ?
Il n’y a pas de honte à avoir dans un cas ou un autre, mais la démarche n’est pas tout à fait la même.
Et comme la vie n’est pas toujours simple, il est possible que les raisons soient un peu mélangées.
Idéalement, avant d’aborder la discussion, il faudrait que les choses soient le plus claires possibles dans votre tête et que vous vous fixiez un objectif de discussion. Attention hein, pas un objectif comme pour un match de boxe, où vous essayez de lui faire reconnaître et signer devant notaire qu’elle est asexuelle avant le K.O. du 2e round, ou lui faire admettre que si, elle ne vous veut pas, vous le voyez bien,… L’étiquette, le fait que vous ayez compris la situation à 100% tout·e seul·e et que vous ayez bien sûr raison,… tout ça, si vous cherchez à préserver votre relation ou à éviter de diaboliser le sujet pour votre proche, considérez que ce n’est pas essentiel !
En résumé les trois ingrédients pour une conversation apaisée :
une vision claire de votre motivation profonde
un objectif respectueux de la personne et de votre relation avec elle
pas d’obstination sur les mots ou sur votre vision : un dialogue ça se fait à deux !
Et plus précisément, comment lui en parler ?
Pas de mystère, l’inspiration pour le format de ces conseils est l’invention extraordinaire de la communication non violente, que je ne peux que chaudement recommander à tous publics.
Pour commencer, choisissez un moment où vous avez chacun·e du temps devant vous, la possibilité de vous exprimer sans être entendu·s de tout votre réseau, et la possibilité de vous retirer aussi.
Ne jamais s’attendre à ce qu’une personne soit à l’aise de discuter de son orientation avec vous. Ne le prenez pas personnellement. Là encore, il ne s’agit pas de vous.
Vous avez cru comprendre un truc et vous voulez lui dire :
La première chose à comprendre c’est qu’il ne s’agit pas de vous ici. C’est un sujet personnel, qui quand il est abordé avec d’autres personnes donne souvent matière à des réactions moqueuses ou violentes. Si c’est votre seule motivation, envisagez la possibilité de ne pas en parler à la personne avant qu’elle n’aborde le sujet elle-même, si et quand elle le souhaite.
La chose la plus gentille que vous pouvez faire, c’est juste exprimer devant elle votre soutien aux personnes LGBTQ (bien sûr en cohérence avec votre attitude générale). Elle saura si besoin qu’elle a en vous un·e allié·e, et c’est plus précieux que de transformer un coming-out en qui-a-eu-le-commérage-le·a-premièr·e.
Vous voulez faire découvrir le concept à une personne :
« J’ai lu plusieurs articles/découvert des vidéos YouTube/autre sur l’asexualité récemment »
Ajouter tout de suite une phrase positive (par ex : « la première fois que j’ai découvert le concept c’était à la marche des Fierté et c’était sympa de discuter avec elles et eux, leur bannière était cool » ou « je ne savais pas que ça existait avant la semaine dernière mais c’est logique en fait, on a tou·te·s nos différences » ou juste « j’ai trouvé que les articles étaient bien écrits, respectueux et avec des témoignages assez différents »)
Enchaîner par « tu connais ? » ou « ça t’intéresserait de les lire/regarder ? » quitte à expliquer en deux phrases avec vos mots : « Si on ne connaît pas on croirait que c’est uniquement…, en fait il y a plein de nuances, majoritairement c’est…, mais ça n’empêche pas forcément d’autres …, bref ça dépend vraiment des personnes. »
Être prêt·e à partager 2-3 références qui semblent adaptées, à garder sous le coude selon la réaction de la personne !
Si vous êtes proche de la personne vous pouvez tenter : « d’ailleurs il y a des choses qui m’ont fait penser à toi là-dedans, mais tu ne serais peut-être pas d’accord », « est-ce que c’est un sujet que tu avais déjà questionné/exploré/envisagé ? »
Vous n’avez pas d’enjeux personnels ou pouvez les mettre de côté, mais vous pensez que vous pouvez peut-être faire quelque chose pour la personne :
Introduction. Vous pouvez commencer en mode « j’ai observé quelque chose et je voulais t’en parler pour être sûr·e que tu sois OK, mais bien sûr tu peux m’arrêter à tout moment si ça te dérange! Alors voilà… ». En bref, pourquoi cette proposition : a) annoncer votre bonne intention à son égard, et ainsi éviter le vague et inquiétant : « faut qu’on parle » ou un démarrage qui laisse penser à un problème ou une accusation contre elle, et b) rappeler à la personne qu’elle partage le contrôle de la discussion. Ce n’est pas une intervention, c’est une discussion respectueuse !
Observation : « je remarque que quand on discute de sujets sexuels tu ne participes pas… » « je vois que tu ne réagis pas quand… », « tes réactions me semblent différentes… », « je ne t’entends pas du tout parler de tes relations alors qu’on aborde souvent ce sujet… » « les 10 dernières fois c’est moi qui ai initié les relations »
Sentiment : « je me sens embêté·e » ; « coupable » ; « sur mes gardes » ; « inquièt·e »…
Besoin : « parce que je tiens à toi/j’apprécie notre relation, et j’ai besoin qu’on partage un bon moment, que tu sois à l’aise toi aussi dans nos discussions et avec moi / être sûr·e que je ne dis ou ne fais rien qui te dérange » « je voudrais que tu sois à l’aise et heureux·se »
Demande inversée : « Est-ce que tu veux bien en parler avec moi ? Est-ce que par exemple tu préférerais qu’on n’aborde plus du tout les sujets d’ordre sexuel ? Est-ce que tu sais que quelle que soit ton orientation ou ton attitude envers les relations sexuelles, c’est OK pour moi/nous ? » C’est plutôt une proposition d’être là pour la personne et une façon de la rassurer qu’on ne réagira pas mal, mais attention de bien l’aborder dans l’esprit d’une demande, c’est à dire en acceptant si la réponse est « non ça va » ou « non je préfère ne pas en parler ».
Si la discussion se poursuit et que la personne est prête à en parler : « est-ce que je peux te demander quelle est ton orientation ? », « est-ce que tu as entendu parler d’asexualité ? », etc.
En résumé :
Vous avez sûrement de bonnes intentions, mais l’orientation, c’est quelque chose de personnel. Si ça ne « résonne » pas, peut-être que ce n’est pas le bon moment, le bon concept, le bon contexte. Peut-être que vous pensez que ça aiderait beaucoup la personne et que vous avez envie d’insister, mais acceptez que c’est son chemin.
Le plus important dans cette discussion, ce n’est pas de réussir à parler d’asexualité, c’est que vous vous montriez son allié·e : montrez que vous l’appréciez telle qu’elle est, que vous êtes là pour l’écouter si besoin.
Vous avez des enjeux personnels :
Dans ce cas l’asexualité est peut-être un outil que vous explorerez ensemble, mais le coeur de votre discussion n’est pas celui-là. En effet, l’asexualité, si c’est bien ça, n’est pas un problème en soi. Abordez-le donc sous l’angle de ce que vous vivez, sinon vous risqueriez de paraître hypocrite plus loin dans la discussion en ramenant le sujet à vos attentes.
Préparez-vous en vous demandant ce qui est important pour vous, ce que vous attendez.
Observation : pas de jamais/toujours/on dirait que, mais des faits. « Nous avons fait l’amour 3 fois cette année, et à chaque fois c’est moi qui ai initié », « nous ne nous embrassons pas », etc.
Sentiment : « je me sens stressé·e / anxieux·se / triste / vexé·e / frustré·e / seul·e / perplexe / embarrassé·e… »
Besoin : « j’ai besoin de partager une intimité forte dans ma relation », « j’ai besoin de me sentir beau/belle », …
Demande : alors là, c’est le moment où ce qu’on ne demande pas, c’est du sexe (surtout si vous pensez sincèrement que la personne est asexuelle !). C’est le début d’une discussion à aborder avec l’esprit le plus ouvert possible, sur les besoins de votre relation et de chacun·e de vous, et s’il est possible d’y répondre - avec des idées traditionnelles mais aussi en sortant des sentiers battus : un peu d’innovation ne nuira probablement pas.
Je ne peux pas aller plus loin sur ce modèle de discussion, cela dépend trop des personnes et de leurs relations. Il n’y a pas de règle. Sachez qu’il existe des couples mixtes, avec une personne asexuelle et l’autre non, qui sont très heureux, d’autres qui établissent des modèles différents comme du polyamour ou des relations queerplatoniques, d’autres qui acceptent des compromis, et enfin d’autres qui se séparent car leurs besoins ne sont fondamentalement pas compatibles. Ne cherchez pas à rentrer dans le moule que notre société se plaît à prétendre unique : cherchez sincèrement à définir votre relation, pour vous.
En résumé :
Montrez toujours du respect envers votre proche.
Abordez la discussion comme un sujet que vous voulez explorer et résoudre ensemble si possible, pas comme une bataille ou un grief entre la personne et vous-même.
C’est vous qui êtes spécialiste de la relation que vous avez déjà ensemble : soyez sincère et respectueux·se, et écoutez-vous. Vous connaissez cette personne, vous communiquez déjà, vous savez comment lui parler !
#asexualité#asexuel#asexuelle#relations#définitions#definitions#l'asexualité et les autres#communication non violente
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