L'ivresse des mots. 30 jours, un texte par jour, sur un sujet imposé. Tel est le défi à relever. Tumblr principal : julienleery
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Les semelles de mes chaussures, les plantes de mes pieds, l’arpentent pour la toute dernière fois. Je fais durer le moment, longe la pièce, marche délicatement sur chaque recoin. Je sais exactement à quel endroit je vais l’entendre craquer, douce mélodie à mes oreilles apprivoisées, tel un chant de mine dont chaque souvenir en serait le détecteur. Il continue à briller comme il l’a toujours fait, peut-être un peu plus aujourd’hui, pour signifier l’instant, marquer la séparation ; me dire au revoir. Il n’est pas rancunier. Comme il est étrange, que de toutes les choses que je laisse derrière moi, ce soit ce parquet qui m’émeut le plus. Lui, qui va sans doute le plus me manquer. Il faut dire qu’avec le temps, nous avons partagé tellement de choses, notre relation en est presque devenue fusionnelle. Combien de temps avons-nous passé l’un contre l’autre au fil de ces années, dans l’intimité de cet appartement, dans notre bulle, à l’abri du monde extérieur. Sans doute la relation la plus longue et fidèle que j’ai pu connaître. Un peu bizarre ? D’accord, mais je vous interdis de me juger. Il a toujours été là pour moi dans les moments importants, qu’ils soient difficiles ou plus heureux. Et les souvenirs remontent de manière tellement prévisible que je n’ai ni la force ni l’envie de les arrêter. Toutes les fois lors desquelles je me suis simplement allongé de tout mon long, casque sur les oreilles, le regard perdu dans le vide immaculé du plafond, pour évacuer une journée difficile ou frustrante. Ne plus rien ressentir que la douce dureté de ce parquet sous mon corps, sa stricte froideur m’offrant un point de concentration pour oublier tout le reste. Être accroupi dans un coin contre le mur bourré d’anxiété parce que je suis incapable de passer ce coup de téléphone. Danser tout seul sur une musique enjouée, donnant toute liberté à mes mouvements, lâchant prise comme je le fais si rarement. Danser à deux sur un rythme lancinant, caressant délicatement le parquet de nos pieds déchaussés. Nos corps nus entrelacés, séparés du parquet par une simple couverture, alors que nous venons de partager la chose la plus intime qu’il est possible de partager pour deux personnes. Ma tasse préférée qui m’échappe des mains et répand tout son contenu caféiné sur les lattes en bois cirées de ce parquet, qui n’aura heureusement pas eu le temps de trop en absorber. Les moments anodins et répétitifs du quotidien, les grands événements qui ne se produisent qu’une fois et se transforment instantanément en souvenirs inoubliables ; tout ce qui fait le cœur d’une vie.
Et je pense aux autres vies qui ont été ou seront en contact avec ce parquet, dans cet appartement. Les vies passées et futures qui noueront des liens peut-être aussi forts que le nôtre. J’imagine un couple d’amants, à l’histoire tortueuse et passionnelle, ayant enfin fini par se trouver, mais confronté à une nouvelle séparation, un nouvel au revoir. Ils sont assis sur ce parquet, l’un face à l’autre, les larmes aux yeux, se tenant par le bras. Il dit qu’il part, elle dit qu’elle reste, et que tout ira bien. J’imagine une jeune femme brune couchée le long de ces lattes à chevrons, écouteurs dans les oreilles, se passant la dernière musique que son défunt mari a composée. Échos d’une distance qui s’était installée depuis bien longtemps, fantôme d’une présence qui ne quittera plus ces murs, mais dont elle doit faire le deuil. Tous les pas, tous les meubles, toutes les chutes, tout ce temps, qui abîmeront inexorablement ce joli parquet. Et lui qui perdurera. Lui qui survivra. Qui me survivra.
Je le remercie, de m’avoir accordé ce petit bout de sa longue existence. J’en connaîtrais peut-être d’autres, des parquets à chevrons, mais aucun ne sera lui. Nous disons au revoir si souvent, désormais. Aux gens. Aux choses. Je n’ai pas envie que ça devienne banal, j’ai envie que ça continue à signifier quelque chose, à être une étape marquante. Je soulève le dernier carton qu’il me reste à débarrasser avant de quitter définitivement les lieux. Un carton rempli de livres, bien entendu. J’en choisis consciencieusement un qu’il me tient à cœur de lui offrir. Je le dépose contre le mur, juste à côté de la porte d’entrée. Il faudra bien qu’il ait de quoi lire, jusqu’à l’arrivée du prochain locataire. Et il faudra bien qu’il reste un bout de moi, ici, pour ne pas qu’il m’oublie trop vite. Je dépose mon dernier pas qui craque avant de me retrouver dans le couloir. Avant de fermer la porte sur un autre chapitre de ma vie, marqué par un parquet verni à chevrons.
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C’est l’heure
C’est l’heure. C’est l’heure de laisser glisser nos mains l’une dans l’autre jusqu’à se faire emporter par le torrent de la vie. L’heure de laisser nos regards dériver et s’éloigner du point de mire qui a porté nos cœurs. L’heure de dessiner cette ligne de séparation à l’encre de nos larmes abîmées. Depuis notre entrée en scène, la glace sous nos patins n’a cessé de fondre lentement, devenant de plus en plus mince, de plus en plus fragile. Elle est à deux doigts de craquer et de nous faire couler, désormais. Il est temps de quitter le feu des projecteurs, de mettre fin à la représentation, de retourner à l’apaisant silence de nos vestiaires. C’était couru d’avance, la flamme brûlait bien trop ardemment pour ne pas tout emporter autour d’elle et ne laisser derrière elle que les cendres de désirs fanés et d’un amour fantasmé.
Je me réveille difficilement, une sensation de manque au creux des tripes, m’extirpant d’un matelas m’ayant englouti. Je préfère me réveiller en sursaut après un cauchemar. Ils sont moins dangereux, les rêves effrayants, parce qu’on est soulagé de les quitter, de se rendre compte que ce n’était pas réel, rien que le travail d’une imagination débordante en manque d’expression. Mais lorsque la vie rêvée ressemble beaucoup trop à celle que l’on idéalise, qu’elle met en scène nos désirs profonds et inaccessibles, alors devoir la quitter est sans doute le pire des crèves-coeur. On a dansé et on s’est tenu la main et on a fait l’amour et on s’est souri et on s’est endormis l’un contre l’autre sous la chaleur d’une douce couette qui n’attendait que nos deux corps enlacés pour donner un sens à son existence et ce café noir me paraît bien amer ce matin. Je n’arrive pas laisser les choses couler avec autant de fluidité que les gorgées de bière qui hydratent mon cafard. Trop impliqué, trop sentimental. Cœur de cristal. Penser, penser, penser. Tourner en rond. Discuter dans le vent. Pitié, laissez-moi changer. Laissez-moi me détacher. Je veux pas en arriver à me détester. Je veux pas finir en miettes. Aucun autre choix ne se présente à moi, je suis fait comme ça. Ne pas aimer est ma seule paix. Réapprendre à vivre dans le foyer douillet de cette si familière solitude, à s’en contenter. À l’apprécier, même. À s’y épanouir. C’est l’heure.
Alors une dernière étreinte. J’inhale profondément le sommet de ta chevelure aussi noire que mon cœur pour en conserver le parfum dans mes poumons, de quoi survivre durant l’hiver. Combien de fois nous sommes-nous dit au revoir sur ce quai, au milieu de toute cette agitation ambiante qui semble se figer dans le temps, l’espace de quelques minutes. Je l’ai souvent vécu comme un adieu, sans doute parce que j’ai toujours eu envie de te retenir, parce qu’après avoir passé un moment avec toi, le retour à la vie réelle, au quotidien, me semblait bien fade et effrayant. Ou peut-être parce que j’avais envie de partir avec toi. Changer de côté, de direction, pour une fois. Mais tu l’as dit toi-même, nos trains partent dans des directions opposées, et notre passion n’a jamais été assez solide et puissante pour pouvoir contrer les rouages d’une fatalité programmée. Je caresse le bout de tes doigts et ils s’échappent dans le bruit assourdissant d’une rame à bord de laquelle je ne suis pas.
Aller simple vers le reste de nos vies.
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Le domaine d'Arnheim
Ceci est l’histoire d’un petit oiseau qui vécut dans les montagnes. Un Tichodrome échelette, comme les humains en viendraient savamment à l’appeler. Notre oisillon est né au milieu d’une portée de trois œufs blancs comme la neige, dans un nid de fortune construit sur le col d’une montagne, à quelques centaines de mètres d’altitude. Ça vous met tout de suite dans l’ambiance, de sortir la tête de sous cette chaude coquille après de longues minutes à batailler, pour découvrir un tel paysage lorsqu’on réussit enfin à ouvrir les yeux. Et ce n’est pas tâche facile que de décoller ces minuscules paupières, encore moins lorsque le monde alentour est éblouissant de blancheur, d’une lumière du soleil aveuglante se reflétant sur la neige reposant le long des façades de ces géants de roche. Mais notre petit oiseau a du caractère, et son arrivée dans notre monde se réalisa avec brio. Avec une certaine grâce, même, pourrait-on dire. Il fut le premier, devant ses deux frères, à sentir la froideur du vent glacial des hauteurs sur son plumage naissant. Si ses premières heures dans cette vie se sont plutôt bien déroulées, accueilli rapidement par une mère aimante et protectrice, bien que peu présente, le sort allait rapidement lui jouer un vilain tour. Voyez, ce petit oisillon, qui avait tout pour s’épanouir et éclore aux yeux du monde, est né avec une malformation. Ses jolies ailes rouge-carmin, oh aussi majestueuses fussent-elles, n’allaient tenir qu’un rôle se limitant à l’esthétisme, n’ayant bien malheureusement aucune utilité fonctionnelle. Il ne pouvait pas voler, et se retrouva ainsi incapable de satisfaire l’instinct primaire de son espèce. Mais rassurez-vous, ce n’est pas ce qui allait l’arrêter, et sûrement pas ce qui allait l’empêcher d’atteindre l’objectif qu’il s’était fixé. Alors que ses frères focalisaient toute leur attention sur la maigre nourriture que pouvait dénicher leur mère, dérapant parfois jusqu’au combat de becs, la sienne était tournée vers tout autre horizon. Dès qu’il fut en capacité d’apprécier pleinement le paysage qui l’entourait, notre oiseau fut distrait par une petite lumière brillante, hypnotisé par un point chatouillant, l’appelant depuis les hauteurs, tel un trésor inaccessible. Dès lors, il fut obnubilé par cette idée, aussi fantasque qu’insensée, de partir à la découverte de ce joyau. Alors quand les petits furent jugés assez débrouillards, et évincés sans préavis de leur cocon natal, et que les frangins n’eurent pas le choix que de réussir à s’envoler, il se retrouva seul au pied de la montagne, avec une idée fixe en tête. Pas le temps de faire le deuil de son doux nid, ni celui de sa famille, il fallait dès à présent débuter le périple d’une vie, qui le mènerait à son trésor. Il ne savait alors pas que ce qu’il considérait comme un joyau étincelant, n’était en fait que le reflet d’un rayon de soleil sur une pointe givrée du sommet de la montagne. Et il ne le saurait sans doute jamais. Il commença pour autant à grimper, et à grimper encore. Une petite patte s’enfonçant dans la neige devant l’autre. Vent, tempête de neige, froid, faim, soif, rien ne l’arrêterait, il continua, centimètre exténuant après centimètre exténuant. Et malgré la tristesse que l’on pourrait logiquement ressentir pour ce petit oiseau combattant les forces de la nature, il y a également énormément de poésie qui se dégage de ce brave acte. Une leçon de vie, pourrait-on même concéder. Il y a de la beauté dans cette abnégation vers un seul et unique but, celui d’une vie. Un désir pur et incorruptible. Refuser toute satisfaction annexe et temporaire, rester focalisé sur ce qui compte, sur qui donne du sens à notre existence. Les êtres vivants sont si souvent distraits, attirés par la facilité, par la récompense immédiate. Les humains veulent tout posséder et finissent par n’en tirer aucun plaisir réel, par ne même plus savoir ce qu’ils veulent. Objectif après objectif, tout évolue beaucoup trop vite, tout est interchangeable. À peine l’un est atteint, qu’on a déjà le suivant en tête. Les désirs sont fugaces, et de fait perdent de leur intensité. Plus rien ne fait vibrer le fond des tripes, plus rien ne fait battre le cœur à des rythmes effrénés, ou ne provoquent l’ébullition du cerveau, noyé sous une seule et unique pensée, multipliée en milliers d’exemplaires différents. Mais notre petit oiseau, qui continuait à avancer envers et contre tout, lui, montrait l’exemple. Les rafales de vent soufflaient fort dans ces ailes, les faisant se dresser vers l’arrière, donnant l’impression qu’elles fonctionnaient, qu’il les utilisait réellement. Il baissait la tête pour pousser et pousser vers l’avant, toujours. Mais l’inéluctable dénouement de ce périple commençait bien malheureusement à se dessiner. Il n’avançait guère plus beaucoup, la fatigue envahissant tout son corps, de ses petits yeux jusqu’à ses petites pattes. La faim, même s’il ne la sentait plus au milieu de tous ces stimuli négatifs, le paralysait désormais. Il ralentissait à vue d’œil, jusqu’à ce qu’il soit finalement quasiment à l’arrêt total, stoppé par un mur glacial et impardonnable. On dit souvent qu’il vaut mieux avoir eu et avoir perdu, que de ne jamais avoir eu. Mais si ce courageux petit oiseau avait pu parler, il aurait dit que l’important ce n’est pas d’avoir eu ou d’avoir perdu, non, le cœur des choses, le grand secret de la vie, c’est d’avoir voulu. De tout son cœur, de toute son âme, à en perdre toute raison, à y dédier sa vie. C’est d’avoir désiré quelque chose à en mourir. Et alors qu’il se recroquevillait sur lui-même et qu’il ne pouvait empêcher ses yeux de se fermer, accablé par la faim et la fatigue, recouvert d’une couche de neige qui s’épaississait et pesait lourdement sur tout son plumage et l’entièreté de son petit corps fragile ; on l’aurait presque vu afficher un léger sourire, satisfait.
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Rayon de soleil de papier
Je me tiens debout dans le train pour rentrer chez moi, Heather Nova dans les oreilles, et je relis le mot qu’elle m’a écrit sur un petit bout de papier plié. Je n’arrive pas à le lâcher alors je joue avec, le plie et replie, le fait rouler sous mes doigts, comme pour le sentir dans mes mains. Comme pour me prouver qu’il est bien réel. Cela fait quelques jours qu’il m’est parvenu, mais je n’arrive pas à m’en séparer, il a élu domicile au fond de la poche de mon jean délavé, parcourant les journées à mes côtés. Il commence à être usé et l’encre à s’effacer, mais je peux toujours y déchiffrer ces quelques mots affectueux. Une citation, qui parle des personnes vraies et de leur rayonnement solaire. Je regarde par la fenêtre, témoin d’une ville qui vit et s’évanouit à cent à l’heure, et je pense à elle. Je pense aux rues-veines qui font circuler le sang au rythme des vies qui se croisent. Je pense aux belles rencontres que l’on n’attend pas. Et je pense aussi un peu à moi et au chemin parcouru. C’est judicieux cette comparaison avec notre étoile lumineuse — si elle savait à quel point elle a été mon rayon de soleil durant ce drôle d’été. Alors que je range le bout de papier au fond de ma poche, je prends le temps de regarder tous ces gens assis autour de moi, tous ces visages, toutes ces vies ; et je suis reconnaissant que ce soit elle qui ait croisé ma route. Mon arrêt approche déjà et j’en viens à souhaiter du fond du cœur que notre route ensemble soit un peu plus longue que ce trajet en train. La pluie a fait un retour fracassant pour calmer les ardeurs d’un mois d’août étouffant. Je suis impatient de revoir son sourire arc-en-ciel.
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Non-journal de l’ordinaire
Je n’ai jamais fait autant de choses que depuis que je suis forcé de rester cloîtré derrière mes quatre petits murs. Je suis enfin repassé devant la caméra, j’ai dépoussiéré le rameur qui prend trop de place dans mon appartement, je cuisine un peu plus, et je me suis même mis au yoga ! (regarde-moi lever les bras et les jambes avec tant de grâce). J’arrive à me lever tôt, à faire du vrai café et à prendre le temps de respirer les fenêtres ouvertes. Ce « confinement », pourtant, il n’est pas nouveau pour moi, c’est mon quotidien depuis un an. Alors en quoi est-ce différent ? D’y être forcé m’aurait-il apporté un certain sens de validation de ma situation ? Je ne suis plus en marge, je suis comme tout le monde. Ou bien le reste du monde m’a rejoint dans la marge. Quoi qu’il en soit, l’enfermement sponsorisé s’avère être un bol d’air salutaire. Il faut toujours que je trouve le moyen de faire les choses différemment, il faut croire. Mais aussi inspirante que soit cette période, je n’arrive toujours pas à écrire. Si ce n’est pour étaler maladroitement et prétentieusement mes ressentis, mais ça, ça ne compte pas. C’est beaucoup trop complaisant et paresseux. Le gros bémol en forme d’épée de Damoclès, toujours. Ce serait bien trop lisse et ennuyeux autrement.
J’arpente à nouveau les couloirs de mon lycée préféré aux côtés de personnes bien trop parfaites (parce que fictionnelles) et je repense à cet adolescent qui voulait à tout prix s’acheter des chemises à carreaux trop grandes pour les porter ouvertes au-dessus de T-shirts et ressembler à son personnage préféré. Qu’est-il devenu ? Je crois qu’il n’a pas trop évolué alors que tout a bougé très vite autour de lui, et qu’il se retrouve aujourd’hui en décalage total. Il a fini par abandonner ces chemises, mais au fond, il est resté le même. Je crois que son cœur est toujours à la même place et qu’il fond encore pour les mêmes raisons. Il restera sans doute à jamais accroché à des fantasmes, à des moments qui n’ont pas d’ancrage dans le réel, à des cœurs sobres, à des mains qui se suffisent l’une à l’autre, à des baisers sur la musique parfaite. Il est ainsi condamné à être éternellement déçu et insatisfait. Mais je crois que ça lui va comme ça. Les portes du lycée seront toujours ouvertes.
Il réussira sans doute toujours mieux à s’exprimer à l’écrit qu’il ne pourra jamais le faire à l’oral. Ce sera toujours une raison de continuer à écrire, se dit-il. Nous avons perdu la beauté et le romantisme inhérents à la correspondance. Je t’ai écrit, il y a peu. J’avais senti quelque chose bouger. Changer, peut-être. Mon sang n’a fait qu’un tour et a propulsé mes doigts sur une feuille de papier. Jusqu’à arriver à un brouillon inachevé de ce que je souhaitais partager, et puis plus rien. La réalisation du ridicule de la démarche a fait se retirer les vagues d’endorphines et l’euphorie du moment. J’ai réduit les mots en fumée et ai soufflé sur les cendres de notre histoire, me promettant pour la vingtième fois de passer à autre chose. Sauf que je ne sais pas comment faire. Je ne sais pas comment font les autres. Alors je continue à t’aimer de loin et à te parler comme si tu étais à mes côtés. Je me fais du mal en continu sur les réseaux parce que, bon sang, on n’arrive pas à s’en détacher. Névrose collective si j’en ai jamais vue une. Mais il ne faut pas trop s’en faire, je crois que ce garçon-là a besoin d’avoir constamment le cœur brisé pour quelque chose, ou quelqu’un. De vivre avec cette mélancolie. Où serait la beauté, sinon ?
Les « journaux de confinement » pullulent en ces temps, et je ne sais qu’en penser. En fait, si, j’ai envie de trouver ça ridicule. J’ai envie de rire de la difficulté de beaucoup de monde à rester chez soi. Mais je ne ferais que rire de moi-même. C’est moi, l’anomalie. Et puis, je l’écris aussi, finalement, ce satané journal. Mais mon esprit de contradiction étant ce qu’il est, j'ai envie d’appeler ça un non-journal de l’ordinaire.
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Le paradigme de la chemise idéale
Je n’arrive pas à me faire au “dating” moderne. Je ne veux pas m’y faire. Pas au vu de ce que cela représente.
Dans notre société de surconsommation, et surtout de consommation rapide, où l’on prône sans vergogne le “tout et tout de suite”, permettant de tout tester et de passer plus rapidement à la suite, ce nouveau dating est finalement une réflexion assez fidèle de cette nouvelle norme comportementale. Nous baignons dans l’overdose des applications de rencontres, nous enchaînons les rencards comme des saisons de Netflix, nous les passons tels des entretiens d’embauche, nous recherchons la perfection, le ou la partenaire qui cochera toutes les cases de notre longue checklist sans âme, et peu importe les individus en peine laissés derrière nous sur la route vers cette quête ultime. Tant pis pour ceux et celles qui ne rentrent pas dans les calibres imposés par notre esprit, lui-même formaté par les canons renvoyés par une société de l’apparence dépassée par l’ère numérique. Ils ou elles n’avaient pas la bonne taille, pas la bonne coiffure, pas la bonne intonation, pas le bon humour, pas les bons goûts ni les bons avis, pas l’assurance et encore moins le charisme indispensable. Alors, nous passons au suivant, à la suivante, aucun intérêt à perdre plus de temps sur un produit défectueux, il y en a tellement d’autres qui attendent sagement en file indienne que l’on daigne leur accorder un regard. Si les produits ne sont toujours pas satisfaisants, on change simplement de magasin. Nous cherchons l’amour comme nous achetons nos chemises.
Nous sommes à la recherche de la pièce idéale qui nous sied à la perfection, qui s'adapte impeccablement à notre morphologie, celle qui est confortable au possible, qui nous rend élégants, nous renvoie une meilleure image de nous-mêmes. Mais avant même cela, nous nous imposons un premier filtre sur la forme, la taille, la couleur, l’absence de défauts apparents. Un fil qui dépasse, un col pas très droit, une couleur qui ne correspond pas exactement à l’image fixée dans notre conscient, et nous écartons l’article d’un revers de la main. Pourquoi s’investir dans quelque chose qui ne semble pas impeccable dès le départ, c’est forcément voué à l’échec, non ? Combien allons-nous en essayer avant de trouver celle qui correspond parfaitement à nos attentes ? Combien n’auront que quelques secondes sur nos épaules pour pouvoir démontrer tout leur charme et leurs atouts, avant d’être évincées et de s’écraser sur un sol jonché par les autres victimes impuissantes de ce jugement instantané et cruel ? Les rendez-vous amoureux deviennent nos cabines d’essayage. Nous nous fixons comme objectif de rencontrer le plus d’individus possibles et essayons de déceler en quelques instants ce qui nous conviendra ou non. Et gare à ceux qui ne renvoient pas un reflet irréprochable dans notre propre miroir.
Et la personnalité, dans tout ça ? Et si le petit fil qui dépasse de cette chemise n’était en fait que la marque d’une profondeur d’âme ? Si c’était ce défaut qui faisait justement toute sa valeur, son originalité, qui la démarquait de toutes les autres, qui valait la peine que l’on s’y intéresse. Mais que nous n’ayons pas essayé de la porter suffisamment longtemps pour s’en rendre compte ? Parce que peut-être que cette chemise si parfaite portée par une personnalité sur Instagram n’est pas faite pour nous. Peut-être qu’à force de la porter, nous finirons par nous rendre compte qu’elle nous allait à merveille devant un miroir flatteur dans une cabine coupée du reste du monde, mais que le constat s’avère moins exact dans notre vie quotidienne. Peut-être bien que cette chemise étincelante lors du premier essayage ne résistera que très peu aux différents lavages qu’elle subira, l’usure ayant raison d’elle. L’intérêt est-il vraiment de la garder dans son placard sans ne jamais la porter, tel un trophée ? Est-ce vraiment cela que nous recherchons ? À l’inverse, peut-être que cette chemise un peu trop grande s’avérera finalement extrêmement confortable pour cocooner sur son canapé avec un bon livre. Peut-être que cette couleur qui ne nous paraissait pas attirante au premier abord révélera toute sa beauté et toute sa profondeur une fois portée à l’air libre, au soleil, lors d’une balade en forêt. Nous sommes peut-être passés tout près de la chemise de notre vie mais l’avons abandonné sur le sol de cette cabine. Ou remise en rayon, pour les moins cruels.
L’explosion des ventes en ligne n’arrange vraiment rien à l’affaire. Désormais, il n’y a même plus de déplacement, plus de cabine d’essayage, plus de contacts physiques, plus de plaisir à déambuler dans les allées des magasins sans être à l’abri d’une belle surprise, d’une jolie découverte inattendue. Mais pourquoi se donner tant de peine ? En ligne, il y a tellement plus de choix, tout ce que nous désirons ! Nous avons une large vue d’ensemble, nous pouvons passer les photos des chemises les unes après les autres et décider d’un coup d’œil si elles nous plaisent. Nous pouvons filtrer en fonction de ce que l’on pense vouloir, ou parfois ce que le site en question pense que l’on désire. Autant se laisser porter par les chiffres et statistiques ; si celle-ci se vend bien, elle est forcément de qualité. Si celle-là a reçu des commentaires positifs, elle m’est forcément et également adaptée, et pas seulement aux autres qui ont leurs propres avis et expériences. Alors, nous devenons encore plus exigeants, encore plus pointilleux. Nous ne laissons plus aucune place au hasard et à la découverte, plus d’espace suffisant à la naissance d’une étincelle. C’est génial, tout est devenu mécanique, presque automatique, nous n’avons même plus à s’embêter pour trouver chaussure à notre pied, ou chemise à notre poitrine. Et de toutes les manières, si malgré tout, cela ne nous convient pas, il suffit de tout retourner ! Nous pouvons en faire livrer un grand nombre, les essayer machinalement deux minutes sans trop y faire attention et hop, retour à l’envoyeur et remboursement. Aucun engagement, aucun prix à payer, pas de culpabilité à avoir. L’aliénation de la cabine d’essayage est bien ancrée et ne nous quitte plus.
Alors, je n’ai même plus l’envie d’acheter de nouvelles chemises, je n’ai plus l’envie d’essayer de faire de nouvelles rencontres. Ce nouveau mode de fonctionnement, cette philosophie moderne, me rebutent infiniment. Je refuse de savoir à l’avance ce qui va me plaire ou non. Je n’ai aucune envie de suivre ce que me disent les chiffres. L’idée d’être sacrifié dans une cabine sans que l’on ait réellement essayé de me connaître, m’est insupportable. Tout ce mécanisme qui devrait demander du temps et de l’investissement, devient désormais une simple formalité que l’on peut répéter à l’infini. Ce qui se joue lors d’une rencontre et m’apparaît comme quelque chose d’imperceptible, de mystérieux, presque magique, s’est transformé en quelque chose de technique, mécanique, et je ne peux m’empêcher d’y trouver une absolue tristesse. Si je devais m’offrir une nouvelle chemise, j’aimerais le faire dans une petite boutique pleine de charme sans savoir sur quoi je vais tomber. Mais c’est un paradigme qui a déjà bien entamé sa pente vers la désuétude. Je ne veux pas la chemise en apparence parfaite, mais plutôt celle qui est devenue inestimable à mes yeux parce que j’aurais pris le temps de la porter. Je veux celle qui a développé une individualité, qui n’est plus qu’un simple article pendu parmi d’autres. Et je ne pourrai l’avoir qu’en essayant de voir plus loin qu’une photo, plus loin que des critères à cocher, plus loin qu’un fil qui dépasse.
Je suis pris dans la danse des chemises musicales et je ne sais pas danser. Je ne veux pas danser. Pas sur ce rythme.
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Je n’aime plus Noël
Je n’aime plus Noël.
Je n’aime plus Noël, et je l’ai pourtant tellement aimé par le passé. Cette période de l’année m’a toujours fait du bien, je l’ai toujours attendu avec impatience. La fameuse ambiance de Noël, inégalable ; la musique qui marche à tes côtés dans les rues, les doigts gelés qui se réchauffent autour d’un gobelet de vin chaud, les illuminations qui pétillent sur les rétines, les fringues merveilleusement kitsch qui nous avalent de la tête aux pieds, les biscuits et thés de Noël sous la couverture devant des films dégoulinant de bons sentiments. Quel joli tableau. Et quelle magie. Ce pouvoir de dessiner un sourire sur mon visage, d’apaiser mon esprit, de donner de l’espoir ; l’espoir d’un présent qui chante et d’un lendemain qui danse. Ajoutez-y une couche de neige blanche et innocente et le portrait ne pourrait être plus puissant et évocateur. Cette saison est supposée amener avec elle un peu de chaleur et de joie dans les cœurs, et c’était le cas. Je patientais le reste de l’année pour pouvoir en profiter. Désormais, je n’en ai que faire. Pire, je la redoute.
La répétition est mère de décadence. La magie reste-t-elle magique si elle se reproduit trop souvent ? Ou devient-elle banale, éculée ? Le miracle de la 34ème rue peut-il se produire chaque année ? Le temps qui s’écoule à une vitesse affolante a galvaudé mon Noël, je crois. Je n’arrive plus à profiter, je ne sais plus m’émerveiller. Blasé, désabusé, j'erre à travers les marchés bondés et repas interminables tel un fantôme, qui cherche un sens à cette redondance infernale. Et à peine le temps de reprendre son souffle, de sortir la tête pour apprécier un rayon de soleil, que les pâtisseries à la cannelle vous étouffent à nouveau. Je n’ai plus l'allant nécessaire pour refaire le tour des mêmes endroits, visiter les mêmes stands, revoir les mêmes films, acheter les mêmes choses et manger la même nourriture hors de prix. Je n’ai plus le cœur à sortir la moindre décoration pour égayer mon salon. Je n’ai plus l’esprit assez optimiste pour essayer d’y voir les bons côtés et d’y trouver une raison légitime de s’intéresser à ses proches pas si proches et de réparer un esprit de famille abîmé. Je n’arrive même plus à croire à un début de sincérité derrière tous ces artifices.
Et si ce n’était pas suffisant, je ne peux plus me balader entre ces chapiteaux sans y voir ton visage se dessiner dans chaque recoin sombre laissant libre cours à l’imagination. Je ne peux plus m’offrir de vin chaud sans avoir envie de les compter avec toi. Je suis constamment stupéfait par l’empreinte que peut laisser une personne sur une partie de notre vie, et cela longtemps après qu’elle n’en fasse plus partie. Alors suis-je malhonnête et dans le déni, Noël est-il devenu si fastidieux à mes yeux depuis que je ne peux plus le vivre à travers les tiens ? Ou avais-je déjà cet état d’esprit à l’époque ? Cela me semble à des millions d’années de distance. Je ne suis même plus sûr de m’adresser à une personne plus qu’à une idée. Celle d’une magie partagée.
Et je marche seul avec mon nouveau bonnet trop chaud et mes mitaines que je persiste à porter alors qu’elles ne me réchauffent en rien les doigts. Je monte le son dans mes oreilles pour étouffer celui beaucoup trop enthousiaste des rues. Je croise de pauvres gens frigorifiés assis devant des vitrines en overdose de lumières et décorations. Je n’ose pas m’approcher de la personne parce que je ne saurais pas quoi lui dire. Je n’ose pas entrer parce que j’aurais alors le sentiment de prendre part à une surconsommation de masse qui me rebute de plus en plus. Alors je continue à avancer en regardant ailleurs, mais mon esprit ne s’en détache pas, il reste obnubilé par mon empathie pour toutes ces personnes qui n’ont pas de domicile et doivent chaque année affronter l’hiver. Et il imagine tous ces emballages cadeaux à travers le monde qui vont finir à la poubelle et continuer d'étouffer un peu plus notre planète, dans l’indifférence totale.
J’essaie chaque année de me dire qu’il faut en profiter, et je finis toujours par passer à côté. À trop y réfléchir, on en perd toute la spontanéité juvénile qu’il faut pour vivre dans l’instant. À trop analyser, on y perd la magie. À trop contempler, on se retrouve déjà l’année suivante à devoir tout recommencer. Et se dire que l’on n’aime plus Noël. Non sans regrets.
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Je ne réponds pas au téléphone. Il vibre, s’illumine, danse, couché sur le canapé à mes côtés. Ce n’est pas la première fois de la journée qu’il entre en transe, et je ne dévie même plus le regard pour prendre connaissance de l’identité de la ou des personnes qui ont eu l’idée peu inspirée de tenter de me joindre en ce jour. Je suis navré, mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, je reste dans le noir et le silence. Je n’accepte pour lumière que celle d’un ciel gris qui éclaire difficilement mon salon et le bruit de la pluie qui me parvient à peine à travers les carreaux de la porte-fenêtre, mais que je n’ai aucun mal à imaginer. Les seules discussions que j’accepte aujourd’hui sont celles que j’aurai avec moi-même, cette torture introspective dans laquelle je semble prendre du plaisir à me replonger chaque fois que je prends un petit coup derrière la tête. Pourquoi ai-je aussi peu d’équilibre ? Pourquoi les trous dans les lesquels je tombe sont toujours aussi profonds ? Ce n’est pas très juste… on ne parle pas assez de la non-parité de nos gouffres intérieurs. La problématique, c’est que plus tu penses t’élever en grimpant aux barreaux d’une jolie échelle aux couleurs étincelantes, plus la chute est grande, longue, et rude. Mieux tu penses avoir fixé les pieds dans le sol, et moins tu es préparé à la chute. Et quand ça tient d’un côté, ça s’écroule de l’autre. Et tu ne peux décemment pas tenir debout sur une demi-échelle, il faudrait être un grand équilibriste de l’esprit et le mien est bien trop faible pour même monter sur une chaise et décrocher du mur les fantômes du passé. J’ai vu la photo, et j’ai entendu les paroles. Et à ces deux instants précis, le sol s’est ouvert sous mes pieds de la même manière. Mon cœur devrait être plus solide maintenant, et mon esprit plus résilient. Je ne devrais pas être autant affecté, ni ressortir les démons du placard aussi régulièrement. Mais c’est qu’elles sont tenaces, ces saletés. L’estime que j’ai de moi-même est tellement frêle que tout s'écroule comme un château de cartes au moindre souffle en ma direction. Je me suis senti abandonné parce que je n’étais pas assez bien par le premier. Et le deuxième vient de soulever les quelques feuilles que j’avais déposées en tas pour camoufler ce traumatisme. Dois-je tout recommencer maintenant ? En ai-je même la force ? Si c’est le cas, je devrais peut-être opter pour une solution plus permanente que les feuilles rouge-automne à ma disposition. Je devrais prendre exemple sur le troisième petit cochon, mais j’ai bien peur de rester enfermé derrière mon mur en brique, alors que je viens de passer l’année à en briser un. Je ne me sens plus la force de remonter à l’échelle et je ne suis même plus certain d’être intéressé par ce qui se trouve au sommet. Alors je ne vais pas bouger et procrastiner l’ascension du gouffre des démons, à l’image du reste de ma vie. Et vous pouvez toujours essayer d’appeler, je ne capte plus rien à cette profondeur.
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30. Comment avez-vous vécu ce défi ? Que représente l’écriture pour vous ?
J’attendais ce défi avec impatience pour pouvoir me tester sur un tel exercice. J’aime écrire, et je le fais en permanence, mais je ne me considère pas “productif”, et j’aimerais trouver les clés et astuces pour l’être un peu plus. Je suis toujours bien plus efficace quand je suis sous pression, “forcé” de faire les choses, ça permet de repousser ma procrastination maladive. Alors cet exercice était un bon test pour moi, voir ce que je suis capable de produire dans ces conditions. Et dans l’ensemble, j’en suis plutôt très satisfait. Pas forcément du contenu en soi, qui aura été très inégal, mais d’avoir relevé le défi sans trop de difficultés, et d’avoir respecté les quelques défis dans le défi que je m’étais fixés. Comme le fait d’alterner les styles, que ce soit sur le fond ou sur la forme, ou ne pas parler exclusivement du relationnel, ce qui est souvent mon sujet de prédilection, et peut-être un peu trop ”facile”. Ne pas faire trente jours de guimauve indigeste, en soi. Je suis assez fier de certains textes, d’autres beaucoup moins. J’ai pris du plaisir à chaque jour créer quelque chose de nouveau, des personnages, des situations, des regards sur les choses, des sentiments. C’était aussi un moyen de tester mon imagination et mon inspiration et j’ai été agréablement surpris de ce qui pouvait sortir de ma tête, c’est plutôt encourageant. Mais j’ai aussi passé des journées devant une page blanche, à finir d’écrire un gloubi-boulga à 3h du mat’. Le défi est très bien tombé pour moi en juillet puisque j’avais à peu près tout le temps de m’organiser comme je le souhaitais pour écrire, et je pense que ce n’est pas négligeable.
En plus d’écrire, il y a la dimension lecture de ce défi qui est également très enrichissante. C’est tellement intéressant de voir comment chaque personne s’approprie un thème, la manière dont elle peut le voir, le ressentir, ce que ça éveille en elle, quelle dimension personnelle, quelle dimension imaginaire. Et le style d’écriture aussi, très différent d’une personne à une autre. Je mentirais si je disais que j’ai lu tous les écrits produits tout au long du mois, mais j’en ai dévoré beaucoup et c’était un réel plaisir. Et puis j’ai eu mes petits préférés dont je ne loupais jamais le texte !
Il y a clairement deux dimensions à l’écriture pour moi. Et je pense que l’on a pu distinctement les voir dans tout ce que j’ai écrit ce mois-ci. D’un côté, c’est un merveilleux outil d’expression. Il y a des personnes qui sont à l’aise pour tout exprimer à l’oral, d’autres plutôt à l’écrit. Je fais clairement partie de cette deuxième catégorie. Il me faut le temps pour mettre mes idées au clair, de les organiser, de les exprimer de la meilleure des façons avec des mots scrupuleusement choisis. Au quotidien, mes états d’âme et mes sentiments dictent grandement ce que j’écris. Parler de soi, de ses relations ; l’inspiration est toute trouvée. Et c’est surtout un exutoire et un outil cathartique incomparable. Et il y a l’autre dimension, qui est que j’adore raconter des histoires. Depuis tout petit. Créer des personnages, imaginer leurs vies, leurs relations, y mettre un peu de nous et de ce qu’on connaît à l’intérieur, ficeler des intrigues, essayer de toucher les gens, de les surprendre. Durant ce défi, j’ai parfois vraiment pris mon pied avec certaines histoires et certains personnages, et c’était presque frustrant parce que j’aurais aimé avoir l’occasion de continuer ce que j’avais commencé et d’aller encore plus loin (ce qui est toujours faisable vous me direz !). J’ai par exemple adoré écrire les petits Raymond et Suzanna, et ce sont les seuls à être revenus une fois ! Je n'ai pas envie de les lâcher et j’ai presque envie d’écrire d’autres aventures de ces deux-là. Tout le plaisir est là pour moi et je rêve d’avoir un jour l’investissement, l’organisation et l’abnégation nécessaire pour écrire quelque chose de construit et consistant.
Merci pour ce défi, merci à ceux qui m’ont lu, et bravo à tous ! Je serai de la partie l’année prochaine avec grand plaisir.
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29. Sucré salé
Le sucré-salé c’est le doux-amer de vivre, le chaud et le froid des glaciers arctiques qui font bronzette à la plage, le ying et le yang d’une boule magique qui change d’avis à chaque secousse, le trop-plein d’amour que j’ai pour toi qui déborde dans mon infini ressentiment, ce que je pense et que je ne dis pas et ce que je dis et ne pense pas, un demi-cercle géant de couleurs dans un ciel gris pluvieux, ma main dans la tienne et l’autre dans le vide, le flux d’énergie positive d’un sourire sincère et les six pieds sous terre d’un regard perçant. C’est l’hémisphère sud et l’hémisphère nord de ma vie, ne pas savoir dans lequel j’habite réellement, continuer à voyager entre les deux dans un état constant de décalage mental. Le sucré-salé qui chatouille et qui pique ce sont les montagnes russes de la joie et de la déprime qui poursuivent leur train infernal d’incessantes alternances. Les hémisphères droit et gauche de mon cerveau il y en a un salé et un sucré mais je ne sais plus qui est quoi alors je ne les mange pas en même temps, j’alterne entre les deux, je passe de l’un à l’autre et j’en perds tout le sens de l’équilibre des choses, j’en oublie si le couteau va à droite ou à gauche et à quoi sert la petite cuillère. Je suis en haut et je suis en bas mais l’escalator ne veut plus fonctionner alors je suis obligé de courir sauf que je ne sais pas dans quel sens je suis supposé aller, le haut est vers l’avant mais si la Terre tourne le jour est vers le bas. Je ne sais plus par quel bout lire mes bandes dessinées, de gauche à droite, de la fin au début, alors je n’en lis que le milieu et je ne veux pas connaître le début de la fin. Je mets de la confiture de fraise dans mes pâtes parce que la sauce tomate c’est pour ma glace à la vanille. Et puis je crois que je suis heureux parce que la vie est belle et que je mange des quetsches dans un verger à l’air pur mais elles sont pleines de vers et il y a des voitures qui passent et qui polluent et la vie elle est moche finalement même si tu mets un peu de sel dessus. Moi je sais plus à quelle poudre me fier c’est tout blanc et c’est piégeant comme un loup qui se déguise en mouton. Dans ma recette ils me disent de mettre du sel mais moi c’est un gâteau que je voulais faire, pourquoi il faut toujours mettre une pincée de malheur dans l’appareil du bonheur ? Il y a des gens qui cuisent des lapins et des canards, il faudrait leur mettre du sucre dans leur recette ou dans la figure pour qu’ils arrêtent de propager du malheur. Je veux plus goûter les deux en même temps, je veux que ce soit salé comme une parmigiana et ensuite que ce soit sucré comme une tarte au citron mais le baromètre de mon moral n’a aucun goût, il veut manger des aubergines meringuées. Je voudrais que tu reviennes dîner à mes côtés mais il y aura encore un problème de goût dans nos assiettes et on finira par mal le digérer je le sais. Tout ce qui commence doit se terminer, les glaciers vont fondre, les sourires vont se refermer, les montagnes russes vont finir leur tour et moi je veux plus rien assaisonner alors je reste dans le fade de la vie.
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28. Rattraper le temps
Depuis toujours, je suis fasciné par le concept des voyages dans le temps. Pour différentes raisons. Parce que dans les œuvres de fiction, cela offre toujours des histoires extrêmement complexes et passionnantes. Parce qu’il existe de nombreuses théories autour de ce concept, celles pour lesquelles l’on ne peut rien changer, celles qui changent notre propre ligne temporelle, celles qui en créent de nouvelles ; et qu’elles sont toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Et finalement, pour son potentiel tout simple de pouvoir revenir en arrière, ou avoir un aperçu du futur, et de peut-être essayer de changer les choses. Si l’on possédait concrètement ce pouvoir, si le pont d'Einstein-Rosen et les trous de ver de Wheeler-Misner permettaient réellement de voyager à travers le temps et l’espace, qu’en ferions-nous ?
Si je pouvais revenir en arrière, je dirais à l’enfant solitaire que j’ai été qu’il n’y a absolument pas de mal à jouer seul dans son coin. Que cela permettra de développer son imagination et son univers intérieur. Que se reposer sur soi et ne dépendre de personne pour se divertir et s’évader le préparera à l’âge adulte, et lui permettra d’être indépendant et d’éviter les nombreux pièges des relations non sincères et des mauvaises compagnies. Je lui dirais que les univers développés dans son cœur et son esprit resteront ses endroits sûrs et heureux pour les années à venir.
Si je pouvais revenir en arrière, je dirais à l’adolescent que j’ai été qu’il n’y a absolument aucune honte à faire partie des marginaux. Que cela ne sert à rien d’essayer d’être accepté par les camarades “cool”, de faire comme eux et de se laisser influencer. À quelques exceptions près, les marginaux deviendront les personnes les plus riches, intéressantes et indépendantes, alors que les plus populaires à cet âge ne feront que suivre les modes et se conformer toutes leurs vies. Assume tes différences et chéris les personnes qui sont autour de toi, ce sont elles les plus “cool”, et de loin.
Si je pouvais remonter le temps, pour un instant, je dirais au jeune adulte que j’ai été qu’il ne faut pas trop s’inquiéter des difficultés à vivre des relations amoureuses. L’âge importe peu et l’expérience encore moi, n’écoute pas toutes les bêtises qui se disent. Les choses se feront selon le timing qui t’est le plus adapté. Tu ne connaîtras peut-être pas beaucoup de relations, mais elles seront fortes, et sincères, et elles t’apporteront plus que tu ne peux l’imaginer. Il n’y a absolument rien à regretter.
Si je pouvais voyager à travers les archives du passé, je reviendrai peut-être sur quelques décisions, quelques choix et quelques inactions coûteuses. Des détails, des instants sans trop de conséquences ; je ne changerais rien de majeur. J’ai vu assez de films et lu assez de livres pour savoir que rien ne se modifie jamais comme on le voudrait, le jeu n’en vaut pas la chandelle, je ne tiens pas à perdre qui je suis. J’en profiterais tout de même pour revivre quelques moments à des temps plus insouciants, l’époque avant les smartphones, celle des VHS, des walkmans et des cabines téléphoniques. L’époque des céréales Froot Loops et des jus de fruit en poudre. Les années Dawson’s Creek, de la sobriété et de la charmante naïveté. Et peut-être que, malgré tout, je me mettrais une petite pichenette dans la tête vers mes 20 ans, pour être un peu plus inspiré dans mes choix d’activité professionnelle, et ne pas attendre la révélation plus de 10 ans après.
Si je pouvais voir le futur, je n’en ferais rien. À quoi bon ? L’incertitude sur l’avenir fait partie de la magie de la vie. Elle nous pousse à aller de l’avant, à continuer à avancer, à tenter de vivre chaque jour à fond, à garder cet espoir au fond de nous que les plus belles choses sont encore à venir. Je ne tiens pas à savoir ce qui va m’arriver, je ne veux pas être un zombie tiré par les fils du destin.
Si je pouvais rattraper le temps, le remonter à contre-courant et revenir en arrière, je le ferais volontiers, mais je ne changerais en rien celui que je suis, que j’étais, et que je deviendrai. Je suis sûr de peu de choses en ce monde, mais je suis certain d’apprécier la personne que je suis au fond de moi, en mon cœur. Et je ne changerai ça pour rien au monde.
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27. Crise de sens
Pourquoi quatre pointes ?
Pardon ?
Sur une fourchette. Pourquoi est-ce qu’on a choisi de mettre quatre pointes sur les fourchettes ? Pourquoi pas cinq ? Ou trois ?
Eh bien…
Est-ce que c’est un choix empiriquement éprouvé ? Comme le fait que l’homme est désormais deux bras, deux jambes, deux yeux, deux oreilles, une bouche… L’évolution les a définis comme les critères les plus adaptés à notre survie. Ce serait pareil pour les fourchettes ? Depuis leurs créations, à travers les âges, les hommes auraient essayé tout type de fourchettes, avec des nombres changeants de pointes, et un consensus empirique aurait été entendu sur quatre ?
On peut effectivement considérer qu’il s’agit du fruit de l’expérience humaine. Mais pourquoi cette interrogation ?
Ce n’est pas que les fourchettes ! Pourquoi est-ce que l’on passe un tiers de sa précieuse vie à dormir ? Pourquoi est-ce qu’on mange des animaux ? Pourquoi nous déplaçons-nous dans des boîtes de ferraille polluantes ? Pourquoi est-ce que nous nous persistons dans certains comportements alors que nous savons qu’ils sont nuisibles ? Le jeune homme s’arrête durant quelques secondes pour tenter de remettre ses idées en ordre. Vous savez, ce phénomène, quand vous répétez trop de fois le même mot d’affilée et qu’il en perd tout son sens ? Ben, moi, c’est ce qui se passe avec la vie. J’ai passé beaucoup trop de temps à y penser et désormais, elle n’a plus aucun sens pour mon système cognitif. Je… C’est comme ce film, vous savez, Donnie Darko ? Vous l’avez vu ? C’est comme si tout était semblable, en apparence, mais plus rien n’a de sens. Et je me dis… Peut-être que l’on est dans un univers tangent. Eh oui… Ça expliquerait bien des choses. Peut-être que notre réalité a été court-circuitée, et qu’il faille rétablir l’ordre en revenant dans l’univers primaire. Peut-être suis-je le réceptacle ? Et alors, vous seriez la morte manipulée ! Mais dans ce cas, ça veut dire que vous mourrez à un moment. Je me demande comment ? C’est peut-être moi qui vous tue, en fin de compte.
Est-ce une menace ?
Quoi ?... Non. Bien sûr que non. Ce que je veux dire…
Vous sentez-vous déconnecté de la réalité, Matthieu ?
Non... Ce n’est pas ce que je voulais dire. Le film n’était qu’une illustration, il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre. Vous me demandez ce que je ressens…
Oui.
Je ne suis pas fou, ok ? N’essayez pas de me faire dire ce que je n’ai pas dit. Je ne me sens pas déconnecté de la réalité, je ne comprends simplement pas la réalité dans laquelle je suis.
Beaucoup de personnes passent leur existence à chercher un sens à la vie.
Je ne cherche pas un sens à la vie, je sais pertinemment qu’il n’y en a pas. Tu parles d’une perte de temps. La vie, en tant que concept, est vide de sens. Elle est aléatoire. Ce sont les plus petites choses qui devraient avoir du sens.
Comme les fourchettes ?
Exactement. Les fourchettes, les lits, les chaussures, la musique électro, les tatouages, les allergies au gluten, les prix des taxis, les figurines pop!. Et plus généralement, nos modes d’hyperconsommation, notre haine de ce qui est différent, notre langage, notre indifférence face à la fin programmée de notre planète. Ah, et les pizzas à l’ananas. Tout ça n’a aucun sens.
Est-ce que tout cela doit avoir du sens, pour vous ?
Ce sont nos actions, nos décisions. Celles des êtres humains. Et ça n'aurait pas de sens ? Vous essayez de me dire que tout ce que nous faisons, n’a aucun sens ?
Ce n’est pas ce que je dis. Ni ce que je crois, d’ailleurs. Il y a de nombreuses explications possibles, de nombreuses raisons, de nombreux points de vue à prendre en compte. On ne peut pas retirer les dimensions culturelles, économiques et politiques, en autres, dans les exemples que vous citez. Je crois surtout que rien ne peut prendre sens sans son contexte.
Le contexte… C’est une illusion. Un piège. Comme tout le reste. Si on creuse un peu… On se rendrait compte qu’un contexte n’a de sens qu’avec son propre contexte.
Un silence s’installe entre les deux personnes. La dame d’âge mûr, assise sur une chaise, finit de prendre des notes et se donne quelques secondes pour décider dans quel sens relancer la conversation.
Est-ce que vous lisez ? Vous pouvez lire, ici, d’ailleurs ? S’il faut, je peux demander à c…
Je n’aime pas lire, coupe-t-il. Il se balade depuis tout à l’heure dans la pièce et s’appuie désormais avec la tête contre l’un de ses murs capitonnés.
C’est un outil intéressant pour apprendre des choses, développer son esprit, et finalement, essayer de donner plus de sens aux choses. N’est-ce pas ce que vous souhaitez ?
Ah oui ? Parce qu’une personne a écrit des trucs qui sont publiés, ça les rend forcément vrais ? Et utiles ? Qui a décrété que tel ou tel auteur détenait plus la vérité des choses que vous et moi ?
C’est à vous d’en décider. C’est là que réside tout l’intérêt. Mais il faut d’abord connaître ce qu’ils ont à dire.
Je m’en fous de ce qu’ils ont à dire. Et je m’en fous de ce que vous avez à dire. Rien n’a de sens. Si vous n’êtes pas là pour remédier à ça, vous feriez aussi bien de partir.
Matthieu…
Non, vraiment, je pense qu’on en a fini. Prenez votre carnet de notes, votre tailleur hors de prix et vos airs supérieurs, et sortez d’ici. Rejoignez ce monde dénué de sens, pendant que vous me maintenez enfermé ici parce que j’ose poser les bonnes questions ! Vous êtes tous contre moi… Personne ne veut me dire la vérité…
Matthieu, s’il vous plaît. Je pense qu’il fa…
Aller ! Dégage ! Je veux plus te voir ! Et dis-leur ne plus envoyer personne !
Se sentant menacée par la gestuelle du jeune homme qui s’est avancé vers elle, la psychologue décide de suivre son injonction et se lève de sa chaise. Elle toque à la porte pour que le garde présent de l’autre côté lui ouvre. “On se revoit bientôt, Matthieu, reposez-vous”, ajoute-t-elle avant de quitter la salle, sa chaise à la main. “Ne comptez pas trop là-dessus. Tous des menteurs. Tous.”, se répète-t-il à lui-même en donnant de légers coups de pied dans la matière ferme qui recouvre le mur du fond.
Vous allez bien ? Demande le garde à la psychologue, qui semble un peu chamboulée par cette fin de session inattendue.
Oui, oui, merci. Ça va aller. Ne relâchez pas la surveillance et prévenez quelqu’un si son état de colère empire d’ici ce soir, ordonne la psychologue avant de s’engouffrer dans le couloir devant elle.
Madame ? Si ce n’est pas trop indiscret… J’ai entendu dire qu’il a assassiné toute sa famille, après avoir découvert qu’il a été adopté… C’est... Vrai ?
Je ne sais pas d’où viennent ces rumeurs, mais cela ne vous regarde pas. Je vous prierai de rester à votre place. Elle se tourne à nouveau et s’apprête à reprendre son chemin, avant d’ajouter une dernière chose. Sa sœur est à l'hôpital, elle devrait s’en sortir.
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26. Les coeurs qui disent non
J’ai bien peur que mon cœur ne se refuse à vous, ma chère. Je crains qu’avec toute la meilleure volonté du monde, il n’ait plus ni le courage, ni la force de s’ouvrir à vous. Il se remet encore de ses blessures, les plaies se referment, cicatrisent ; il guérit. Oh, ça oui, il guérit. C’est là la grande magie de l’être humain, le temps peut guérir toutes les plaies, même les plus profondes. Même celles du cœur. Celles de son organe le plus vital. Mais voyez-vous, toute guérison laisse des séquelles. Le cœur n’est plus jamais le même. Il est changé, il est prévenu, il a appris, il est plus malin et plus sage. Il ne se fera plus avoir, il connaît les pièges. Il ne sautera plus dans le feu à chaque étincelle. Mon cœur a vécu et a vieilli. Vous faites aujourd’hui la requête de son amour, vous aimeriez pouvoir l’ouvrir grand et y entrer tout entière. Oh, ma douce et délicate enfant, votre requête est honorable, elle est juvénile et pleine d’espoir, et si elle était intervenue il y a de cela des années, la réponse aurait été toute autre. Il fut un temps où j’aurai vanté les mérites de votre courage et de votre esprit déterminé, un temps dans lequel votre opportunisme m’aurait charmé, de la tête jusqu’à mes pieds. Avant que mon cœur et ma fierté ne soient blessés, j’aurais déclaré des poèmes entiers sur la beauté des traits de votre visage caressés par l’éclairage d’une lune joueuse. J’aurais vogué jusqu’au bout du monde, contre vents et marrées, pour vous offrir les plus grandes merveilles du monde à la hauteur de celle que vous représentez à mes yeux. J’aurais passé chaque minute de chaque instant à vous prouver que la foi que vous souhaitez déposer en mon cœur n’est pas vaine. Je vous aurais épousé sans plus attendre pour officialiser notre amour incendiaire aux yeux du monde. J’aurais collé mes lèvres aux vôtres, ici, à cet instant, pour les laisser s'emmêler dans une danse enivrante et éternelle. Mais cela n’arrivera point, je suis dans le regret de vous l’annoncer. Tout ceci, voyez-vous, est désormais un temps passé pour moi. Je ne souhaite plus m’engager dans les affaires du cœur. Elles sont irrationnelles, injustes, et en définitive, nocives et malfaisantes. Non, on ne m’y reprendra plus. Mon cœur est devenu un chasseur solitaire. Il court seul après le bonheur de vivre, sans avoir besoin de trouver son égal. Et il y a tant de bonheurs à vivre, tant de raisons pour votre cœur de s’enflammer et battre la chamade, sans risque de devoir se brûler les ailes ou éclater en morceaux. Vous n’avez pas encore la sagesse requise, vous n’échapperez pas aux erreurs formatrices du cœur. Il vous faudra les traverser. Mais ce ne sera pas à mes côtés. Je ne saurai être la cause de vos souffrances et traumatismes. Je ne souhaite être celui qui brisera vos rêves de romances et de vies à deux. Je ne le puis. Je vous demande désormais de bien vouloir m’excuser, nous devons nous quitter. Je vous souhaite, du fond de mon cœur solitaire, et avec toute la bienveillance dont je puis faire preuve, une vie des plus épanouies et un cœur assez solide pour vous porter à travers toutes les blessures et désillusions qui vous attendent. Au revoir, ma chère.
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25. Elle n’était plus là ce matin
Il y a de ces jours où les peaux de banane laissées traîner par la vie s’entassent follement et inexplicablement sur ton chemin. Ces jours où tu as l’impression de te réveiller non pas du mauvais pied, mais carrément dans le mauvais corps, dans cet amas de chair qui ne t’appartient pas. Tu ne marches pas droit, tu n’es pas maître de tes idées, et totalement déphasé avec le monde qui t'entoure. Des jours où tu n’as même plus pied dans le petit bain pour enfants, où tu te noies horriblement et n’arrives plus ressortir la tête de l’eau, quoi que tu tentes. Ces jours où tu as le réflexe de te dire qu’il aurait mieux fallu rester au lit. Et bizarrement, ces signes avant-coureurs qui t’envahissent avant la première gorgée de café du matin, s’avèrent toujours se concrétiser tout au long de l'effroyable journée qui s’annonce. Tout semble se coordonner avec minutie pour ne pas gâcher ta journée en enfer et la rendre réellement mémorable, telle une visite guidée des montagnes de flammes, des salles de torture dernier cri et du trône de Satan, pour te convaincre de rejoindre le côté obscur de l’après-vie sous terre. Alors est-ce notre état d’esprit qui provoque inconsciemment cette descente aux enfers, telle une prophétie autoréalisatrice, ou est-ce que le sort est aussi tordu et machiavélique ? La réponse à cette question a finalement peu d’importance puisque ces jours maudits continuent de nous tomber dessus. Nous en avons tous vécu. Mathilde en a traversé aussi. Et notamment celui d’hier.
Les dominos se sont mis petit à petit en place tout au long de la journée. Elle s’est réveillée bien avant l’heure nécessaire et surtout suffisante pour engranger une bonne nuit de sommeil. La fin d’un joli rêve l’a soudainement réveillée, mais celui-ci a très vite tourné au vinaigre et à la déprime lorsqu’elle s’est rendu compte que la personne de son rêve n’était que ça, et n’était plus présente à ses côtés dans ce lit bien trop grand. Réveil chagrin s’il en était un. Ayant le temps de prendre son café autrement que dans la salle de bain entre deux gestes de maquillage, ce qui arrive rarement, elle a jeté un œil à l’actualité sur son téléphone, ce qui continua d’effriter son faible moral. Un attentat-suicide dans un pays africain qui fait de nombreux morts et encore plus de blessés, un homme qui envoie sa femme dans le coma à coups de poing après une dispute, un politicien roi de la pirouette qui fait étalage de ses talents pour se sortir maladroitement d’accusations “sans fondement”. Comment peut-on encore avoir envie de savoir ce qui se passe dans le monde ? De se tenir au courant. Tout cela donne plutôt envie de fuir la réalité et de se réfugier ailleurs, n’importe où. Bon, d’accord, il y avait une actu mignonne sur la naissance d’un panda, mais Mathilde n’avait plus le cœur à l’ouvrir et la lire en entier. Après avoir passé beaucoup trop de temps à mettre ses cheveux en place comme elle le souhaiterait, sans succès, il était temps de mettre le pied dehors et attaquer cette belle journée ! La méthode Coué, tu connais. Sauf que le temps était maussade et des averses alternatives ont fait partir en fumée tout espoir d’une coiffure présentable. Sauf qu’un regard noir d’une personne inconnue dans le métro l’a déstabilisé totalement et lui a donné envie de se cacher dans un petit trou de souris sous un siège. Sauf que les tâches de la journée étaient compliquées et bien trop nombreuses, ce dont elle se rendit compte en arrivant au travail et découvrant la pile de dossiers chancelante sur son bureau. Elle eut droit à une remontrance de sa supérieure parce qu’elle n’était pas assez rapide, ce qui finit de l’envoyer au fond du trou sans aucun espoir d’en sortir. Et de toute façon, elle n’aime pas son boulot, ce qui la rend encore plus triste et déprimée de se laisser autant affecter par celui-ci, et ne pas avoir le courage d’y remédier et de prendre sa vie en main. De prendre des risques, d’essayer d’être heureuse. Elle avait un rendez-vous galant planifié en début de soirée. N’ayant qu’une seule envie, rentrer chez elle et pleurer toutes les larmes de son corps, noyée sous ses couvertures ; elle annula. Avec beaucoup de culpabilité et cinquante formules de politesse embouteillées en quelques phrases, évidemment. Tant pis, le type ne lui plaisait pas plus que cela de toute façon. Elle s’est mise en tête de se forcer à essayer depuis quelque temps, à tenter les applications de rencontre, s’est amusée à “swiper” les candidats potables vers la droite ; mais le cœur n’y est absolument pas. Elle l’a laissé ailleurs, et elle aimerait bien le récupérer un jour. Alors ça a fini là où tout a commencé, au lit, avec des mouchoirs et de la musique triste. C’est aussi là où tout recommencera.
Mathilde s’est réveillée il y a quelques minutes, au son mélodique de son réveille-matin. Elle s’est levée avec énergie, a pris sa douche sans trop se prélasser, et finit de se coiffer en dégustant son café noir qui achève de totalement la réveiller. Aujourd’hui, elle viendra à bout de la pile de dossiers sur son bureau, et narguera intérieurement sa supérieure avec sa vieille tronche de cake et ses fringues tout moches. Aujourd’hui, elle enverra un message à son rencard raté pour s’excuser à nouveau et lui proposer un nouveau rendez-vous. Aujourd’hui, elle essaiera de voir une amie après le boulot et se fendre la poire autour d’un verre grâce à ses anecdotes toujours croustillantes. Aujourd’hui sera une belle journée, sans second degré cette fois. La fille d’hier, elle n’était plus là ce matin.
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24. États d’âme
Est-ce que je suis supposé te dire tout ce que je ressens ? Tout ce qui me tracasse ? Dois-je verser en continu sur toi le flot de mes états d’âme pour te donner l’impression qu’il existe un lien entre nous ? Étrangement, ne pas parler de soi, ne pas se confier, peut donner l’impression que l’on accorde peu d’intérêt à la personne avec qui l’on discute, ou avec qui l’on partage sa vie. Il a très souvent été question de ce sujet entre nous, tu m’as souvent reproché de ne pas assez me confier, de ne pas verbaliser les mécaniques de mon esprit. Mais pourquoi forcer une personne à parler d’elle, si elle ne le souhaite pas ? En quoi serait-ce un devoir ? En quoi serait-ce une attente automatiquement de la part de l’autre personne dès que l’on essaie de nouer une relation ? Tu souhaitais aussi que je te pose plus de questions, que je m’intéresse plus à toi. Mais ce n’est en rien mon droit de t’imposer cela, de te faire subir ce que moi-même, je n’avais aucune envie de vivre. Je ne te confie pas tout, je ne te détaille pas tout ce qui traverse mon esprit, pour de nombreuses raisons que tu devrais être en mesure de comprendre. Je rechigne à le faire parce que ce n’est pas un exercice facile, il demande d’aller creuser à des endroits que l’on préférerait parfois laisser de côté, laissés inexplorés, au moins pour un temps. Il demande aussi d’être capable de pouvoir transformer en mots et phrases cohérentes et sensées la tornade de mes pensées et affects. Tu t’attends à ce que je produise une dissertation limpide et travaillée à partir de notes indéchiffrables prises sur un brouillon. Je n’ai jamais compris comment font les personnes qui consultent un psychologue et réussissent à déballer toutes sortes de choses à cet inconnu. Je crois que je profiterais de son canapé et que je lui parlerais de la pluie et du beau temps, ou du dernier bouquin que j’ai lu, mais il ne sortirait pas grand-chose d’autre de moi. Alors, certes, j’ai bien conscience que tu n’es pas une inconnue que je paye à l’heure, mais dans l’idée, le principe peut être comparable. C’est peut-être facile pour certaines personnes de parler d’eux, il y en a même qui aiment un peu trop ça d’ailleurs, et qui doivent se délecter sur le fauteuil de leur psy ; mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Ce n’est pas le mien. Mais paradoxalement, ce serait même un peu moins difficile avec un ou une inconnu(e), qu’avec une personne dont on est très proche. Ce qui illustre plutôt bien l’autre raison pour laquelle je ne peux (veux) tout te confier. Parce que c’est toi, justement. L’image que tu peux te faire de moi est extrêmement importante à mes yeux. Elle représente tout. Et je ne souhaite pas la dégrader en te confiant mes faiblesses, mes peurs, mes hésitations, mes doutes, et tous ces ressentis et états d’âme néfastes qui peuplent mon conscient, et même au-delà. Je ne veux pas que tu sois témoin de ces parties de moi. Je veux que tu ne voies que le bon, le positif. Je sais, c’est puéril. Et ce n’est pas tangible, pas réaliste. Mais c’est là ma manière de gérer les choses. Le concept de partager ses faiblesses pour en réduire le poids m’est totalement étranger. Il me semble tellement inaccessible. Je ne peux pas faire part de ce qui me complexe, de ce que j’imagine être capable d'entacher ton opinion de moi, de te faire fuir. Je préfère les garder pour moi et m’en dépatouiller comme je peux. Les garder à l’intérieur et te montrer un extérieur plus fort, plus sûr de lui. Même si ce n’est qu’une apparence. On ne voit seulement ce que les gens veulent nous montrer. Mais ça ne devrait pas être le cas dans une relation amoureuse. C’est sans doute toi qui es dans le vrai. Et mon incapacité à l’accepter et à le mettre en pratique n’est qu’un autre de mes nombreux défauts. Un de plus que je ne veux pas que tu découvres. C’est pour cela que je ne te l’avouerai jamais. C’est pour cela que cette lettre ne finira jamais entre tes mains.
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23. Le déménagement
Le jour tant redouté est arrivé. Suzanna y est habituée, ce n’est pas la première fois qu’elle doit déménager et laisser sa récente nouvelle vie derrière elle. Sa maison, son école, ses nouveaux repères. Bien sûr, à son âge, elle a du mal à prendre du recul sur cette situation, sur ces changements constants. Elle a du mal à comprendre que le travail de son papa les obligent à devoir régulièrement partir ailleurs, changer de ville, tout recommencer. Elle ne comprend pas pourquoi sa famille ne peut pas être comme toutes celles des autres enfants à l’école et rester toujours dans la même maison. Parfois, cela la met en colère, elle en veut à ses parents et à envie de leur crier qu’elle ne veut plus déménager, ne plus avoir à changer de chambre, à devoir s’intégrer dans une nouvelle école et se faire de nouveaux amis. D’autres fois, elle est simplement triste. Fatiguée de devoir à nouveau mettre des affaires dans des cartons, de monter en voiture et laisser derrière elle un quartier qu’elle a tout juste eu le temps d'apprivoiser et d’apprécier. Abandonner le petit bout de vie qu’elle s’est construit. Mais fondamentalement, elle est juste résignée, l’habitude prend machinalement le dessus. En arrivant dans un nouvel endroit, elle s’attend à devoir le quitter à un moment ou à un autre. C’est sans doute pour cette raison qu’elle ne fait pas les efforts nécessaires pour se faire de nouveaux amis et qu’elle préfère rester seule. Elle préfère s’évader dans les livres, construire son propre univers merveilleux qu’elle peut emmener partout avec elle, qu’elle n’a pas à quitter à chaque déménagement. Ses lectures sont devenues son endroit sûr, fiable et rassurant, son monde stable, en attendant que la réalité le devienne. Sauf que cette fois-ci, elle n’a pu s’empêcher de se lier d’amitié avec le petit garçon qui vit quelques maisons plus loin. Raymond et elle se sont rencontrés à la rentrée dernière, lorsque fraîchement arrivée dans le voisinage, ses parents l’ont présenté à toutes les familles des alentours dans l’espoir qu’elle se fasse rapidement des amis. Gênée par le geste et offensée qu’on la force à se faire des amis (les caractères de cochon des enfants), elle n’a pas accordé d’intérêt à la manœuvre et a fait acte de présence plus qu’autre chose. Pourtant, lorsque Raymond s’est mis en tête de venir lui parler à la récréation, et de l’inviter à faire le chemin quotidien vers l’école en sa compagnie, Suzanna a naturellement et progressivement laissé tomber sa garde. Quelque chose en lui la rassurait, la mettait à l’aise et la réchauffait, comme quand on lit au pied d’un arbre et qu’un rayon du soleil arrive dans un angle parfait pour nous caresser le visage sans nous gêner la vue. Elle a passé un été mémorable à ses côtés, ils ont joué, ils ont rigolé, ils ont lu ensemble et se sont racontées leurs histoires préférées. Ils ont même dormi ensemble dans une tente dans le jardin de Raymond, par une douce nuit de juillet. Mais à ce moment-là, elle ne savait pas encore qu’elle allait devoir à nouveau déménager. Qu’elle ne verrait plus Raymond, tout simplement. La nouvelle est tombée à la fin de l’été et à une semaine de la rentrée des classes, c’est le grand départ pour elle.
Suzanna boucle sa ceinture à l’arrière de la voiture, sans laisser paraître beaucoup d’émotions. Son père finit de charger dans le coffre les affaires essentielles dont ils auront besoin tout de suite, avant que les cartons ne soient livrés à leur nouvelle adresse, alors que sa mère finit d’attacher son petit frère dans le siège auto à côté d’elle. L’une des rares choses que la jeune fille apprécie dans ces trajets en voiture, est de devoir prendre soin de son tout petit frère et s’assurer que le voyage se passe bien pour lui. Ça et le temps dont elle dispose pour lire ses livres, dont elle a rempli à craquer son sac à dos orange qu’elle garde à ses pieds. Elle s’apprête d’ailleurs à se pencher pour en récupérer un lorsque son père l’appelle. Très peu motivée à bouger, elle lui demande d’abord ce qu’il se passe. Comprenant son insistance, elle déboucle sa ceinture et descend de la voiture pour rejoindre son père en traînant des pieds. Elle aperçoit alors, un peu plus loin, Raymond accompagné de sa maman. Suzanna est submergée par une vague de joie en voyant son ami venu lui dire au revoir et lui fait signe de la main. Raymond est hésitant et un peu timide, sa mère le pousse dans le dos et l’incite à y aller. Une carte en main, il avance doucement vers Suzanna, qui elle, de son côté, accourt vers lui. Face à face, il lui tend la carte, qu’elle accepte avec une joie non dissimulée et le prend immédiatement dans ses bras. Raymond suit maladroitement le mouvement et lui rend son câlin. Sans un mot, elle le relâche et s’éloigne de lui. À mi-chemin entre le jeune garçon et la voiture, elle se retourne et crie “Au revoir, Raymond !”. Ce dernier lui répond, “Au revoir”, ayant beaucoup plus de mal à dissimuler la tristesse dans sa voix et sur son visage. Les parents se sourient et partagent un signe d’adieu de la main. Le père de famille ferme le coffre bondé et la petite bande monte en voiture. Suzanna ne s’assoit pas encore et se tourne, à genoux sur le siège, pour faire un dernier signe à son ami à travers la vitre arrière. Le véhicule démarre et prend la route, le garçon et sa mère s’éloignent au loin, devant minuscules, jusqu’à disparaître. Elle attend jusqu’au moment où elle ne les voit plus avant de s’asseoir correctement et de reboucler sa ceinture, sur injonction de sa maman. Elle tourne aussitôt son attention vers la carte que lui a offerte Raymond, il y a quelques minutes, et qu’elle détient toujours fermement entre ses mains. C’est une jolie carte couleur crème avec des papillons de différentes couleurs sur le recto et le verso ; elle l’ouvre et découvre quelques mots manuscrits à l’intérieur. Elle les lit et, arborant un grand sourire, serre la carte contre sa poitrine.
À l’intérieur, écrit avec application, de la main de Raymond et au stylo à encre, ces quelques mots : “Pour Suzanna. Amis pour la vie. Raymond.”.
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22. Les ombres et les reflets
Les nuits sont chaudes et humides en ce mois de juillet, il fait bon se promener à l’extérieur et profiter des longues journées, des couchers de soleil et de la nuit qui s’installe lentement. On peut très bien se promener en ville et profiter de l’ambiance estivale, des activités, des lumières, des quartiers qui vivent au rythme de l’été. Ou bien, c’est aussi l’occasion de profiter de la nature à des périodes horaires assez inhabituelles, se promener dans un jardin éclairé, pique-niquer dans un parc au bord de l’eau, se raconter des histoires à dormir debout autour d’un feu de camp, dormir à la belle étoile. Raymond et Suzanna sont bien trop jeunes pour pouvoir encore profiter pleinement de tous ces petits bonheurs qu’apportent les soirées d’été, mais ils ont tout de même trouver un joli compromis. Ils ont réussi à convaincre leurs parents respectifs de les laisser dormir ensemble à l’intérieur d’une tente, dans le jardin de la grande maison de la famille du jeune garçon. Ils sont assez proches pour être surveillés et encadrés, et ne courir aucun danger. Sans parler de ne pas trop inquiéter les parents. Les deux enfants se connaissent depuis quelques mois seulement, depuis l’automne dernier durant lequel la famille de Suzanna est venue habiter dans le quartier. Ils se sont naturellement rapprochés en faisant ensemble le chemin vers l’école et leur classe de CE2 tous les jours, et se sont liés d’amitié. En pleine vacance scolaire, ils se retrouvent souvent pour jouer ensemble les après-midis et se séparent lorsque grondent les estomacs et sonne l’heure du dîner. Bien sûr, Raymond a aussi sa bande de copains, et parfois les filles ne sont pas invitées aux jeux des garçons, mais il trouve toujours le temps de passer des moments avec elle. Suzanna, de son côté, est plutôt solitaire et n’a pas encore éprouvé le besoin de se faire d’autres amies, elle préfère passer son temps la tête dans les livres, ou à essayer d’être une grande personne en prenant soin de son petit frère âgé de 18 mois. Autant dire que c’est un évènement pour les deux amis que d’être encore en compagnie l’un de l’autre à une heure de fin de soirée telle que celle-ci. Elle a amené avec elle un joli sac à dos orange contenant son pyjama, une couverture, une bouteille d’eau, des petits gâteaux aux chocolats et deux livres, une bande dessinée et un roman (il faut toujours pouvoir choisir entre deux lectures). Elle a déjà enfilé son pyjama plus tôt, cachée à l’intérieur de la tente, en demandant à Raymond de ne pas regarder et d’aller faire un tour près de l’arbre du jardin pour voir si elle y était. Un adorable ensemble blanc, short et T-shirt, couvert de fleurs de couleurs pastel. Le jeune garçon a moins donné dans le détail, il s’est déjà présenté en tenu, short et maillot de football (les garçons seront des garçons), avec simplement une lampe de poche et une BD de super-héros. Après s’être montrés mutuellement leurs personnages préférés dans leurs bandes dessinées respectives et avoir établi un programme, sujet à changements, pour le reste des vacances, Raymond eut une idée. Alors que la nuit fut presque totalement tombée, il proposa de s’amuser aux ombres chinoises en projetant la lumière de la lampe de poche sur l’une des faces en tissu de la tente. Avec leurs mains devant la lampe, ils sont amusés chacun leur tour à créer maladroitement des formes animales dont l’anatomie restera discutable. Alors que des papillons de nuit et autres insectes vinrent se joindre au spectacle en cours, Suzanna changea d’idée et essaya de se représenter elle-même à travers l’ombre de ses doigts. Raymond monta aussi sur scène pour l’accompagner et faire de même. Alors qu’ils s’amusaient tous les deux à se représenter, la jeune fille approcha son ombre corporelle de celle de son compagnon et feignit de lui faire un bisou. Évidemment, il ne comprit pas tout de suite l’objectif de l’action, et se plaignit gentiment qu’elle détruisait son chef-d’œuvre d’ombre artistique. Elle voulut alors lui montrer ce qu’elle essaya de faire et lui colla un vrai bisou sur la joue, à la grande surprise du garçon qui se figea net et ne réagit pas. Suzanna sourit, contente d’elle, et ils reprirent tous les deux leur jeu d’ombre, qui finit rapidement par se transformer en n’importe quoi et provoquer de franches rigolades entre les deux jeunes enfants, qui résonnèrent en échos au cœur de cette nuit d’été.
Le pudding n’a plus le même goût, se dit Raymond, alors que son esprit revient à la réalité. Ils ont encore dû changer la recette, et comme toujours, c’est moins bon. Sûrement des coupes budgétaires dont pâtissent à nouveau les résidents de l’établissement. Il écarte le bol sur le côté de son plateau et reste immobile, semblant affecté par le souvenir qu’il vient de revivre. Un reflet mnésique qui l’a frappé en plein cœur. La nostalgie s’empare de lui et ses yeux s'humidifient. Il n’aura jamais eu l’occasion de revoir Suzanna après cet été, ses parents étant dans l’obligation de déménager à nouveau une fois la rentrée arrivée. Pourtant, ce souvenir lui reste, encore aujourd’hui. Alors que la vie atteint doucement son crépuscule, repenser à cet été d’enfance, et à cette nuit d’ombres chinoises et de bisou sur la joue, il se sent rajeunir et retrouve un sentiment d’insouciance et de bonheur juvénile. Seul à sa table dans un coin de la cafétéria, au milieu d’autres personnages âgés qui discutent et avalent leur repas du soir ; il sourit et se laisse aller à des larmes douces-amères.
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