Don't wanna be here? Send us removal request.
Text
Pas marrant
Un jour, je me suis laissé traîner, sous des menaces de bouderies, à un weekend entre « entre potes » de mon mec. Y a des chalets chelou, c’est moche, tout cartonné comme au parc Astérix, certes y a des piscines mais le froid piquant de février me donne moyen envie d’aller m’ébrouer dans des bacs à chlore, encore moins avec les potes dudit mec et leurs meufs, en moule-bites et maillots speedo. J’y suis, j’y reste, de toute façon, la moindre gare est à des kilomètres, c’est de ma faute si je suis dans cette galère.
Le soir, une fois que tout le monde s’est débarrassé de cette vilaine odeur de chlore, on reste tous ensemble dans un des chalets en carton. On est 11. Un seul mec célibataire. Toutes les filles sont les meufs de. Le noyau dur de la bande, c’est les garçons. Moyenne d’âge du groupe : 23 ans. Tout le monde a ramené masse d’alcool, de playlists, de weed et autres et c’est normal car c’est des baraques en faux bois dans une forêt artificielle où il fait moins 3, qu’est-ce que vous voulez qu’on y foute. On commence à boire tôt, vers 17/18 heures. Ça monte vite, du coup.
Le deuxième soir, je traine dans la chambre avec mon mec, je connais pas vraiment les gens et ceux que je connais je les aime pas, je suis venue pour pas qu’il fasse chier. Il insiste pour retourner dans la grande pièce, je le suis. Il y a deux canapés en face d’un grand espace avec un bar/cuisine au milieu. De la musique passe, c’est Shakira. Les garçons sont tous assis sur les canaps, boivent, parlent fort. Deux d’entre eux se battent un peu, au bout. Les filles font des cocktails sur le bar. Je comprends pas bien pourquoi elles sont grave apprêtées comme ça, je me sens comme à une boum surprise dans un garage parental, un peu coincée, en jean et en sweat, c’est l’hiver, putain.
Je m’assois près de mon mec. Par terre, précisément. Devant lui. Les garçons discutent toujours. Et puis, il y a Foolish d’Ashanti. Elles dansent. Elles se mettent en ligne, avec le bar derrière et elles dansent en ayant l’air vraiment contentes. Les garçons parlent moins fort, les deux du bout ne se battent plus. Quelque chose change. Je remarque qu’elles sont carrément presque toutes en robe à paillettes et en talons, elles ont vraiment la classe mais je comprends toujours pas pourquoi, par contre.
La musique change. C’est Naughty Girl de Beyonce. Elles dansent ensemble, par deux, par trois. Les garçons ne disent plus rien. Certaines chantent. Elles sont de plus en plus proches les unes des autres mais jamais aucune ne lâche le canapé des yeux plus d’une seconde, c’est ce qui me frappe. J’ai l’impression d’être dans un peep-show pour pré-ados, ça ressemble juste assez à la catégorie lesbienne de Youporn pour que je sache ce qu’il se passe. Elles s’embrassent. Sur le côté, pour pouvoir regarder leurs mecs dans les yeux. Les garçons se taisent toujours, d’un silence qui m’écrase bizarrement. J’ai envie que quelqu’un dise quelque chose, n’importe quoi, relance la conversation, pour qu’elles s’arrêtent et eux aussi mais non. Il est 19 heures 30, tout le monde est déjà bourré et une des filles s’agenouille devant la robe en satin vert d’une autre en faisant un signe au canapé avec sa langue. Le mien, de mec, me lâche la main.
Le pote célibataire fait une blague sur une des meufs, trop bonne pour sortir avec Machin, à ce qu’il parait, elle devait être bourrée, bravo y a que comme ça qu’on les chope. Machin rigole. Un autre dit encore, encore. Les filles recommencent à se frotter, à s’embrasser, jamais pour elles, toujours pour eux, eux tous ou l’un d’eux en particulier. Un des mecs demande à ce que les filles changent de partenaire, ce qu’elles font. J’ai super froid sur le carrelage et je voudrais partir de là mais j’ai l’impression qu’on m’a oubliée et j’aimerais autant que ça reste comme ça, j’ai peur de me faire remarquer. Mais trop tard. Hey meuf, après tout c’est toi qui t’y connais le mieux, balance Machin, encouragé par les rires gras des autres. Le célibataire n’est pas au courant pour moi, on dirait. Je le vois demander des détails à son voisin, ils me montrent du doigt, quelqu’un s’adresse à mon copain. Ah oui c’est vrai que c’est une coquine, la tienne, bien joué, gars. Putain, moi je pourrais pas, c’est dégueu. Comment tu sais qu’elle va pas retourner avec une meuf ? T’as pas peur qu’elle chope ta frangine ? Ou le sida ? Hahaha. Ça change quelque chose au pieu pour toi, mec ? Meuf, désolé, mais c’est chaud quand même. J’ai vaguement l’impression d’être un chien de concours. Quelqu’un fait une blague sur les bites magiques, genre le roi Midas qui remet les lesbiennes dans le droit chemin. Je me ressers une vodka et j’écoute mon mec se plaindre à ses potes, à 45 centimètres de mes oreilles, que je suis relou à refuser les plans à trois et à refuser de « faire croquer », comme s’il parlait de l’argent des ventes d’un album. Que la meuf avec qui j’étais avant était grave bonne en plus. Bidule approuve, explique qu’il nous avait croisées une fois y a longtemps à Châtelet, qu’il aurait pas craché dessus, c’est clair. Je dis rien, je sais pas quoi dire, j’ai une flemme super intense. Je regarde toujours les meufs, qui donnent tout ce qu’elles ont pour que l’attention revienne sur elles. Celle de Machin m’interpelle. Mais c’est vrai ils ont raison, allez viens, meuf, t’es chiante. Elle a une espèce de robe en dentelle noire transparente que j’ai vue chez Promod et que j’avais reposée parce que la coupe est moche. Allez, soûle pas sérieux, ça fait une heure que t’es par terre à faire la gueule, moi jte trouve mignonne et je sais que Machin aussi, viens danser avec moi, ça nous fera des souvenirs. Et puis nous, on est pas des vraies gouines, c’est pas marrant, c’est pour ça qu’ils regardent plus. Tout le monde rigole.
Elle venait pourtant de dire que c’était pas marrant.
16 notes
·
View notes
Text
Le rap qui sauve
Plusieurs fois j’ai eu envie d'écrire ce texte. Chaque fois que quelque chose d’insurmontable était contre toute-attente surmonté, chaque fois que j’en ai vu le bout et que j’ai regardé ce qui m’avait aidé. Le rap peut faire ça : me sauver. Il l’a déjà fait et je compte sur lui pour recommencer.
Quand j’ai appris que ma sœur risquait de mourir, j’ai écouté le Monde Chico pendant 12 jours environ 15 heures par jour. J’aurais jamais survécu sans ça. L’écoute permanente, immersive, répétitive, c’est un moyen de vivre ailleurs (dans une réalité où ma petite sœur n’a pas un cancer, par exemple) mais aussi une manière de laisser quelqu’un d’autre choisir les mots qui expriment la souffrance qu’on ressent. Le rap fait ça très bien. Qu’est ce qu’on peut bien entendre dans “tkte pas qu’on est fort qu’on est dur qu’on encaisse normal” de Mexico ? Dans ce qui se dégage de Sur Paname ? Qu’est ce qui fait que ça aide à tenir debout, toute cette mélancolie et cette rage, à pas perdre la tête, à avoir, petit à petit, moins mal ?
A un autre moment, où je me retrouvais sans logement, hébergée par un “ami”, dans son pieu, pendant 6 mois sans alternative, c’est Casey qui m’a sauvée. Elle m’a appris à garder les dents serrées, les poings crispés, les yeux secs, même avec un trou énorme dans le bide. A souffrir en haïssant, sans baisser le regard devant les humiliations, les brimades, les abus de pouvoir auquel la précarité expose. J’écoutais Libérez la bête la nuit, pendant qu’il dormait juste derrière moi, ça me faisait oublier où j’étais, les risques, la hess, la honte. Cet album il me faisait pas croire que tout allait s’arranger. Il me hurlait de serrer les dents et de rester fière. Ça me filait la rage et la rage ça fait survivre.
Quand j’avais 2 boulots pour à peine le smic pour deux, qu’après le travail je rentrais chez moi, épuisée et que je devais prendre une douche, mettre mes habits de lumière et repartir servir des Mojito à des étudiants d’école de commerce. Repartir, pour 7e nets de l’heure gagnés debout dans le bruit et la sueur des autres, en croisant les doigts que la boite soit pleine sinon tu arrêtes à 3h, t’as fait que 28€ et tu dois attendre le premier métro à 6h. Parfois, le dimanche comme ça, je partais à 22h30, je rentrais à 7h pour 21€ de gagnés. C’était juste pendant la sortie de Kalash de Kaaris et Booba. Je l’écoutais en boucle et ça me faisait marrer de les entendre se demander quoi faire de tout cet oseille avec mes 21€. Ils me donnaient la force d’y aller, à ce boulot de nuit, le courage d’en revenir. Grâce à eux, je me suis jamais assise au bord de la route en pleurant et en attendant qu’on vienne me chercher.
Et puis tous les autres moments, les dingueries bipolaires, les prises de risque stupides, les suicide-by-inconnu-dans-la-rue, les fois où tu entends dans le rap des messages subliminaux qui t’aident à pas céder à la folie, à pas te jeter sous le 217, à pas pousser ce mec sous le métro, à pas te mettre à hurler dans la rue parce que c’est trop dur, à pas abandonner, juste. Toutes les fois où t’es à deux doigts d’aller cramer une bagnole ou une pharmacie ou un flic et où un mec dans tes écouteurs te dit qu’il l’a déjà fait. Les fois ou tu peux utiliser certains sons ou certains albums comme des doudous, des espèces de couverture chaudes et douces, dans lesquelles t’enrouler quand t’es triste ou que t’as peur. Toutes les fois où les sons t’envoient un direct au plexus, signifiant exactement ce que tu ressens, parlant de quelque chose que tu comprends tellement.
Je sais pas trop comment ça fonctionne, en fait. Comment le rap peut m’avoir déjà sauvée autant de fois. Mais ça marche. Pourvu que ça dure, parce que j’attends.
14 notes
·
View notes
Text
Ruptures : pourquoi on reste avec eux ?
En tant que meufs - féministes ou non - il y a certains événements dans nos vies qui font rupture. Rupture parce qu’ils nous font réaliser - une bonne fois - à quel point nous sommes, dans un système patriarcal et en tant que femmes, une quantité négligeable, un vilain caillou dans la chaussure des mecs qui nous aiment et des autres.
En décembre dernier, ma petite soeur, maman d’un bébé fille de 6 mois a eu un cancer. Un truc grave, un truc sale, un truc qui peut la tuer en quelques mois et contre lequel ça s’annonçait difficile de se battre. Elle a 28 ans, ma petite soeur. C’est une femme forte, une éduc spé accomplie, une amie toujours présente, une compagne attentionnée, une fille de pauvres qui se refuse à l’être elle-même, quoi qu’il lui en coûte, une jeune mère formidable, drôle, pertinente, courageuse, déterminée. Elle est “pas féministe” et “apolitique” (donc de droite) mais elle sait très bien ce qu’il s’est produit. C’est juste trop dur de regarder ça en face. Alors je le fais pour elle. Et pour moi.
Ce qu’il s’est produit à la suite de cette annonce, c’est une organisation exclusivement féminine autour d’elle et de la petite. Deux amies de ma soeur, ma mère, le bébé et moi. Et c’est tout. Pourtant elle a un mec, qui est le père de la gosse. Elle a un père aussi, qui se trouve être le même que le mien. Ma mère a des frères, un père, un mec et un ex-mari, père de ses enfants. Moi j’ai un mec, aussi. Et pourtant.
Pourtant, l’attitude généralisée de ces hommes, par ailleurs féministes et/ou gauchistes, celle de nos pères, de nos amants, de nos amis a été à la fois commune et ignoble. Chacun à leur niveau, ils ont favorisé leur confort personnel à la survie d’une des leurs, de leur fille, de la mère de leur gosse, de la soeur de leur meuf. Rien n’a, à aucun moment durant cette période, pu concurrencer l’importance qu’ils accordent à leur propre bien-être. Chacun a déployé des stratégies visant à avant tout préserver leur confort à la survie de ma soeur, à a l’épuisement de ma mère, à mon état dépressif bien compréhensible vu la situation. L’un d’entre eux était “trop triste” pour agir, un autre “avait besoin de prendre l’air et de garder du temps pour lui”, le dernier “faisait ce qu’il pouvait” et trouvait que c’était “déjà difficile”. Rien n’a été suffisant. Rien n’a permis d’éviter que je comprenne qu’on devait crever en silence, sans les déranger, sans les attrister, sans jamais pouvoir prioriser la survie d’une meuf sur leurs petits besoins quotidiens. Rien ne m’a contredit quand j’ai réalisé qu’elle pouvait bien crever, et nous avec, du moment que Machin pouvait continuer à aller au foot pour se détendre pendant que ma soeur dégueulait ses tripes ou qu’on continuait à être là, oreilles attentives, pour écouter leurs petits tracas du travail, que le cul de la petite était magiquement changé, que le frigo était miraculeusement rempli, le ménage fait. Rien n’a pu contrer leurs exigences d’avoir des meufs souriantes et en bonne santé, des maisons propres, des chaussettes lavées, des gamines torchées.
Rien ne m’a contredit quand j’ai réalisé le caractère accessoire de nos vies dans la leur. On fait tout le travail : domestique, émotionnel, éducatif si on se reproduit, organisationnel, sexuel. En plus du travail salarié. Tout. Et quand on crève, enfin, quand on n’est plus en mesure de remplir le rôle de genre qui est le nôtre, quand il est l’heure - même précoce - de nous emmener à la casse, de changer de meuf comme on changerait de paire de baskets, on est priées de le faire en silence, sans déranger, sans bouleverser leur vie à eux, qui est déjà “assez dure” à ce qu’il parait.
Ils nous ont vu, à minima souffrir, voire même risquer de mourir et rien n’a été assez important pour qu’ils se mettent à agir, à aider, à soutenir. Rien n’a valu le coup, pour aider à sauver une meuf qu’ils aiment, de mettre dans la balance leur bien-être, leur confort. Rien ne les a fait venir, ni spontanément ni sous contrainte, nous aider, nous soutenir. Aucun d’entre eux n’a choisi de faire passer la vie d’une meuf - fusse la leur - avant la leur. Même la vie du bébé fille ne valait pas le déplacement. Après tout, elle aussi, est une quantité négligeable, sa vie, son bien-être, ses premiers sourires et ses premiers pas maladroits, rien n’a de valeur chez nous à leurs yeux.
C’est à ce point, c’est à ce prix qu’on réalise, péniblement, dans cette douleur indicible, que les femmes sont une quantité négligeable, remplaçable, interchangeable, à la limite de l’utilitaire. Un peu comme une machine à laver. Quand elle est en panne, c’est chiant ohlala. Rien ne fait pas le poids face aux besoins des hommes, même de ceux qui prétendent nous aimer. Même pas la mort d’une d’entre nous. Cette disparition serait “gênante”, parce qu’il faudrait alors se mettre en quête d’une nouvelle meuf, plus neuve, sortie d’usine, qui sentirait encore le plastique. Et qui va changer le cul de la petite ? Qui va penser aux courses ? Qui va nous sucer la teub ? Qui ? Une autre, une en bonne santé, une qui n’a pas de problèmes familiaux, une qui se taira cette fois et aura la décence de ne pas crever sous nos yeux en demandant de l’aide.
Nous sommes des femmes et si l’on meurt, il faut le faire sans les déranger. Sans faire de bruit, sans rien demander, proprement, calmement, discrètement, en ayant toujours en tête que notre mort, notre souffrance, nos angoisses sont et seront toujours quantités négligeables face aux besoins des hommes. Nos vies, hors de nos rôles sociaux de genre (être baisées avec le sourire, laver des chaussettes et mettre au monde des bébés) n’ont aucune utilité, aucune valeur pour eux. Même pour ceux qui nous aiment. Nos souffrances sont au mieux gênantes, au pire impudiques. Ce qui est acceptable, car attendu de nous, c’est un rôle exclusivement utilitaire : permettre la reconstitution de la force de travail, les baiser, leur faire des bébés qui leur ressemblent, faire en sorte qu’ils puissent vivre correctement sans avoir à produire des tâches pénibles ou avilissantes. Hors de cela, point de salut.
Ce qui m’interroge, entre autres, c’est aussi notre posture à nous. C’est le temps passé, alors qu’on n’avait ni la possibilité matérielle de prendre une douche et donc encore moins celui de pleurer de désespoir, qu’on a toutes les trois consacré à les ménager, à les excuser, à faire en sorte qu’ils ne soient pas trop affectés par la mort potentielle de l’une des nôtres, à ce que surtout ils ne sentent rien, les pauvres. Qu’est ce qui nous pousse, alors qu’il est évident que nos vies ne valent rien à leurs yeux, ou si peu, à poursuivre ce travail envers eux ? Qu’est ce qui fait qu’on ne les envoie pas chier, qu’on dépense nos faibles ressources restantes à faire attention à ce que la mort d’une des nôtres ne les affecte pas ? Qu’est ce qui nous pousse à une telle abnégation ? Pour gagner quoi ? Pour les remercier de n’être ni nos violeurs, ni nos exploiteurs (hors du cadre domestique, évidemment), mais nos protecteurs face aux autres hommes, pour les applaudir d’être moins pires que les autres ?
Tout ce temps passé à nous assurer que la mort d’une des nôtres ne les affecte pas trop alors qu’on a le coeur brisé d’angoisse, qu’on meurt nous-mêmes doucement à l’idée que cette femme puisse disparaitre, ne jamais élever sa fille, arrêter d’apporter tant d’attention, d’amour, de changement social même. Toute cette énergie dépensée pour ceux qui nous méprisent, qui nous négligent, pour qui l’on n’est qu’utiles. Pourquoi est ce qu’on les aime encore ? Et est-ce que c’est le cas d’ailleurs ? Pour quelle putain de raison ils sont encore dans nos vies, eux, nos pères, mecs, amis ? Pourquoi on les garde près de nous, attentives, obsédées presque, par l’accomplissement de leurs désirs à eux, même lorsque ce sont nos vies qui sont en jeu ?
Faut pas se tromper, c’est bien à eux que j’en veux, c’est contre eux que j’ai la haine. Mais je me demande ce qui me pousse, ce qui nous pousse, à poursuivre notre engagement, à ce prix, dans le couple hétéro. On attend quoi puisqu’on sait déjà que l’on ne peut rien attendre ?
249 notes
·
View notes